19.400 Initiative parlementaire Plus de transparence dans le financement de la vie politique Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 24 octobre 2019

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur les droits politiques.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

24 octobre 2019

Pour la commission: La présidente, Pascale Bruderer

2019-3643

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Condensé La transparence du financement des acteurs politiques répond à un besoin. C'est ainsi que des initiatives populaires réclamant que les acteurs politiques déclarent leur financement ont récemment été acceptées dans les cantons de Schwyz et de Fribourg. Une demande analogue a été formulée à l'échelon fédéral avec le dépôt, le 10 octobre 2017, de l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)». La Commission des institutions politiques du Conseil des États reconnaît le besoin de légiférer.

Elle juge toutefois que des dispositions détaillées sur la transparence du financement des partis politiques et des campagnes d'élection ou de votation n'ont pas leur place dans la Constitution. La Constitution en vigueur constitue une base suffisante pour édicter des règles de ce type sous la forme d'une loi. C'est pourquoi la commission propose un contre-projet indirect à l'initiative précitée. Des dispositions légales peuvent indiquer de façon suffisamment claire et précise qui sera tenu de déclarer quelles indications, dans quels délais et sous quelle forme, et préciser quelles seront les conséquences en cas de violation des dispositions légales.

Concrètement, la commission propose, d'une part, que les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale déclarent chaque année leurs recettes ainsi que les libéralités de plus de 25 000 francs qu'ils reçoivent. D'autre part, toute personne physique ou morale et toute société de personnes qui dépensent plus de 250 000 francs lors d'une campagne en vue d'une élection au Conseil national ou d'une votation fédérale ou lors d'une récolte de signatures effectuée à l'échelon fédéral pour une initiative populaire ou en vue d'un référendum devront lever le voile sur leur financement. Il conviendra de respecter les différents délais légaux fixés pour la fourniture des informations et des documents. Il est par ailleurs prévu d'interdire les dons anonymes et ceux provenant de l'étranger.

Les informations et les documents fournis par les acteurs politiques seront contrôlés et publiés par l'autorité compétente. Les contraventions à ces prescriptions seront passibles d'une amende.

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Rapport 1

Genèse

1.1

Élaboration d'une initiative de commission en tant que contre-projet indirect à l'initiative populaire

L'initiative populaire fédérale «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» a été déposée le 10 octobre 2017. Le 31 octobre 2017, la Chancellerie fédérale a constaté son aboutissement. Le comité «Initiative sur la transparence», dont font notamment partie le PS, le PBD, les Verts et Transparency International Suisse, est à l'origine de cette initiative. Elle demande que les partis politiques ainsi que les comités d'initiative et les comités référendaires en particulier fassent la transparence sur leurs finances, notamment en déclarant les indications relatives à leurs recettes et à la provenance des libéralités reçues qui dépassent un certain montant.

Lors de sa séance du 8 novembre 2018, la Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-CE) a déclaré que l'initiative populaire était valable. Elle a entendu le comité d'initiative lors de cette séance. Tout en reconnaissant la nécessité de prendre des mesures en ce qui concerne la transparence de la vie politique, elle s'est demandé si la réglementation voulue par l'initiative était pertinente et a jugé inadéquat de faire figurer des règles aussi précises dans la Constitution. Elle a finalement chargé l'administration d'étudier les possibilités d'opposer un contre-projet direct ou indirect à l'initiative.

La CIP-CE a discuté les propositions élaborées par l'administration lors de sa séance du 21 janvier 2019. Elle a confirmé sa volonté de prendre des mesures dans le domaine de la transparence du financement des partis politiques et des campagnes précédant les élections ou votations. Elle a également discuté certains aspects des propositions présentées par l'administration relatives à un contre-projet direct ou indirect. Par 8 voix contre 3 et 2 abstentions, elle a décidé d'élaborer une initiative en guise de contre-projet indirect à l'initiative populaire. Elle a également décidé par 9 voix contre 2 et 1 abstention d'étudier s'il était pertinent d'interdire les dons provenant de l'étranger. Cette interdiction vise à empêcher que des entreprises ou des personnes de l'étranger n'influencent des élections ou des votations qui se déroulent en Suisse en vue de sauvegarder leurs propres intérêts. La votation du 10 juin 2018 sur la loi sur les jeux d'argent a fourni un exemple
d'ingérence de la part de groupes étrangers. La commission prend ainsi en considération l'objectif visé par l'initiative parlementaire déposée par le conseiller aux États valaisan Jean-René Fournier (iv.

pa. 18 423 Pas d'ingérence étrangère dans la politique suisse!). La commission a estimé qu'il était judicieux d'approuver cet objectif bien que son homologue du Conseil national eût décidé, le 22 février 2019, par 14 voix contre 10, de ne pas donner suite à ladite initiative.

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La CIP-CN a étudié l'initiative après la décision prise par son homologue du Conseil des États. En décidant de l'approuver par 12 voix contre 11 et 1 abstention, le 22 février 2019, elle a donné à la CIP-CE le feu vert pour lancer les travaux d'élaboration de l'avant-projet et la rédaction du rapport explicatif.

Le 29 avril 2019, la CIP-CE a délibéré sur l'avant-projet et l'a adopté par 7 voix contre 2 et 1 abstention. L'avant-projet a ensuite été mis en consultation du 7 mai au 28 août 2019.

1.2

Résultats de la consultation

Le 24 octobre 2019, la commission a pris acte des résultats de la consultation, qui s'est déroulée du 7 mai au 28 août 2019. Au total, 46 avis ont été remis: ils provenaient des 26 cantons, de 8 partis représentés à l'Assemblée fédérale et de 12 autres participants. 2 cantons (ZH, SH) ont indiqué qu'ils renonçaient à se prononcer sur le fond. 26 participants se sont montrés favorables au projet, à savoir 14 cantons (AG, BL, BS, FR, GE, GR, JU, NE, NW, OW, SO, TG, VD, VS), 5 partis politiques (PBD, PEV, les Verts, PVL et SP) et 7 autres participants à la consultation. À l'opposé, 18 participants rejettent le projet, à savoir 10 cantons (AI, AR, BE, GL, LU, SG, SH, TI, UR, ZG), 3 partis politiques (PDC, PLR et UDC) et 5 autres participants. Le comité ayant lancé l'initiative sur la transparence est lui aussi favorable au projet, mais considère qu'il est nécessaire de prendre de plus amples mesures.

De nombreux participants se sont prononcés sur des points particuliers du projet, leurs avis allant souvent dans des directions totalement opposées: ainsi ils étaient autant à considérer adéquats les seuils à partir desquels les libéralités sont soumises à l'obligation de déclarer qu'à les considérer trop élevés. Les avis ont aussi divergé sur la question relative à l'autorisation ou non des libéralités provenant de l'étranger tout comme sur l'éventualité de soumettre également les conseillers aux États à des obligations de transparence. Enfin, d'aucuns considèrent que le système de contrôle et de sanctions est trop sévère et trop bureaucratique, tandis que d'autres le trouvent trop lacunaire et pas suffisamment efficace.

Dans ces circonstances, la commission n'est pas en mesure de déterminer quelles modifications doivent être apportées au projet. Se fondant sur les réponses reçues dans le cadre de la consultation, elle a toutefois décidé d'abandonner le devoir de transparence pour les membres du Conseil des États. Elle a par ailleurs apporté quelques précisions juridiques et a clarifié différents points dans le rapport, notamment sur la question des devoirs de transparence des partis cantonaux.

La commission a adopté les versions complétées du projet d'acte et du rapport explicatif à l'intention du conseil par 8 voix contre 2 et 2 abstentions. Dans le même temps, elle a transmis le projet au Conseil fédéral pour avis.

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Règles de transparence dans les cantons

Les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Tessin ont déjà édicté des normes relatives à la transparence du financement des acteurs politiques. Les cantons de Fribourg et de Schwyz ont approuvé le 4 mars 2018 des initiatives populaires visant à garantir la transparence du financement des partis politiques ainsi que des campagnes d'élection et de votation. Dans le canton de Schwyz, le Grand Conseil a approuvé le projet de loi sur la transparence en application de l'initiative populaire.

Le projet a été accepté en votation populaire du 19 mai 2019. Les règles en vigueur ou prévues dans les cantons précités sont brièvement présentées ici; pour des indications plus détaillées, il est renvoyé au message du Conseil fédéral relatif à l'initiative populaire (18.070 Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique [initiative sur la transparence]).

Le canton de Genève a introduit des prescriptions de transparence dans la loi sur l'exercice des droits politiques1. Chaque parti ou groupement présentant une liste de candidats à une élection cantonale ou communale (dans les communes de plus de 10 000 habitants) rend compte annuellement de son bilan à l'autorité compétente et lui fournit une liste de ses donateurs. Des règles de transparence valent également lors de votations: tous les partis, associations et groupements déposant une prise de position lors d'une votation fédérale, cantonale ou communale soumettent dans les 60 jours à l'autorité compétente les comptes relatifs à l'opération de vote concernée, accompagnés de la liste de leurs donateurs (pour les dons dépassant 10 000 francs).

Lors d'élections ou de votations, les montants des dons ne doivent pas être publiés.

Seuls les noms des donateurs sont indiqués. Un organe de contrôle indépendant et reconnu est chargé de la vérification.

Le canton de Neuchâtel a édicté en 2015 des dispositions légales sur le financement des partis politiques2. Tous les partis représentés au parlement doivent publier leur bilan annuellement. Chaque parti ou autre groupement déposant une liste en vue d'une élection cantonale ou communale doit en outre déclarer à la Chancellerie d'État toute libéralité de 5000 francs ou plus (nom du donateur et montant). Lorsqu'une personne effectue plusieurs dons, ces derniers sont cumulés: dès que le montant total atteint
5000 francs, le nom de la personne doit être publié. Les mêmes règles s'appliquent aux comités d'initiative et aux comités référendaires. Lors d'élections et de votations, les dons reçus doivent être déclarés au moins trois semaines avant le scrutin. Les dons anonymes sont interdits. Les contraventions sont passibles d'une amende de 40 000 francs au plus.

Le canton du Tessin a été le premier canton suisse à se doter d'une réglementation sur le financement des partis politiques et de prescriptions en matière de transparence3. Les partis cantonaux et communaux, ainsi que leurs sections, doivent déclarer chaque année à la Chancellerie d'État les libéralités dépassant 10 000 francs et fournir l'identité des donateurs. Les contraventions à ces dispositions sont sanction1 2 3

Loi du 15 octobre 1982 sur l'exercice des droits politiques, art. 29A (état: 11 février 2019).

Loi du 17 octobre 1984 sur les droits politiques, art. 133a à 133p (état: 11 février 2019).

Legge sull'esercizio dei diritti politici du 19 novembre 2018, art. 90 à 92 (état: 18 septembre 2019).

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nées par une réduction des aides étatiques, voire par leur suppression. Lors d'élections cantonales et communales, les candidats doivent déclarer toute somme dépassant 5000 francs, dans les temps impartis4, et fournir l'identité des donateurs. Ces règles s'appliquent également aux comités électoraux aux niveaux cantonal et communal5. Les contraventions sont passibles d'une amende de 10 000 francs au plus.

Les initiatives populaires adoptées dans les cantons de Fribourg et de Schwyz prévoient des règles analogues à celles des trois cantons mentionnés ci-dessus6. Dans le canton de Fribourg, les partis politiques, les groupements politiques, les comités de campagne ainsi que les organisations prenant part à des campagnes électorales ou de votation doivent publier leurs comptes. Les dons d'une valeur excédant 5000 francs et l'identité des donateurs doivent être publiés. Dans le canton de Schwyz, le devoir de transparence vise les mêmes acteurs que dans le canton de Fribourg. Les règles valent également pour les campagnes d'élection et de votation. Les dons de personnes morales doivent être publiés s'ils dépassent le montant de 1000 francs, ceux de personnes physiques s'ils excèdent 5000 francs. Les contraventions sont passibles d'une amende.

Il est difficile d'évaluer l'efficacité des règles de transparence édictées par les cantons. Aucune évaluation exhaustive n'a encore été réalisée et il manque des données fiables. Logiquement, les règles de transparence sont plus efficaces lorsqu'elles sont complétées par des outils d'exécution adaptés7. C'est ce que montre la comparaison entre les cantons du Tessin et de Genève. Au Tessin, c'est le principe de l'autodéclaration qui prévaut8 alors qu'à Genève, les données sont vérifiées par un organe de contrôle indépendant. Les informations disponibles montrent que la proportion des dons par rapport au budget total des partis est relativement basse au Tessin, comparé aux chiffres de Genève9. Qui plus est, seul le PLR, le PS et l'UDC figurent sur la liste des dons aux partis tessinois; seuls ces partis auraient reçu des dons de plus de 10 000 francs depuis l'an 2000. Le PDC et la Lega ne sont pas mentionnés: soit ils n'ont pas reçu de dons à déclarer, soit ils n'en ont déclaré aucun10.

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10

Les candidats doivent livrer les informations concernant les libéralités dans les trois jours suivant le dépôt des candidatures et des listes électorales définitives. Si des libéralités sont versées après ce dépôt, le délai de trois jours court à partir de la date de versement.

Les comités électoraux doivent publier les informations concernant les libéralités dans la feuille officielle dans les trois jours suivant la publication du «decreto di convocazione». Si les libéralités sont versées après la publication dans la feuille officielle, le délai de trois jours court à partir de la date de versement.

FF 2018 5675 5692 s. Des règles sur la transparence des liens d'intérêts sont également prévues dans les cantons de Fribourg et de Schwyz.

Töndury, Andrea (2018): Gekaufte Politik? Die Offenlegung der Politikfinanzierung als Erfordernis politischer Chancengleichheit. Schweizerisches Zentralblatt für Staatsund Verwaltungsrecht 119 (11), p. 567.

C'est également le cas dans le canton de Neuchâtel.

Schürer, Stefan (2016): Offenlegungspflichten für Politspenden aus steuerungstheoretischer Sicht. Aktuelle Juristische Praxis / Pratique Juridique Actuelle (AJP/PJA) 25(4), p. 476 ss.

Leuzinger, Lukas (2019): Wie funktionieren Transparenzregeln? NZZ, 03.01.2019.

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Rapports du GRECO et de l'OSCE

La Suisse a régulièrement été critiquée sur la scène internationale pour son manque de transparence en matière de financement des partis politiques. Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) institué par le Conseil de l'Europe a demandé à la Suisse en 2011 d'adopter une réglementation correspondant aux normes internationales et a émis une série de recommandations11 portant sur l'obligation de publier les comptes et l'identité des donateurs (du moins pour les dons dépassant un certain montant), sur la surveillance et sur les sanctions12. L'absence de règles de transparence a par ailleurs été critiquée dans un rapport intermédiaire de l'OSCE-BIDDH établi dans la perspective de l'envoi d'une éventuelle mission d'évaluation électorale lors des élections fédérales du 20 octobre 2019. Ce rapport souligne que le manque de règles en matière de financement des élections et des campagnes électorales13.

Dans son sixième rapport intérimaire14, publié le 17 septembre 2019, le GRECO constate que le contre-projet indirect à l'initiative sur la transparence permettrait de mettre les recommandations en oeuvre dans une mesure satisfaisante. Par conséquent, il a clos la procédure de non-conformité. La Suisse devra élaborer un rapport d'ici la fin 2020 pour informer le GRECO de l'évolution du dossier, à la suite de quoi celui-ci adoptera un nouveau rapport de conformité15.

D'autres États connaissent des réglementations détaillées concernant la déclaration du financement des partis politiques. Dans le message du Conseil fédéral sur l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)» [18.070], les normes en vigueur en Allemagne et en France sont exposées en détail à titre d'exemples16. Il convient de noter toutefois que la littérature spécialisée propose surtout une description des réglementations existant dans les différents États; elle ne comporte pas ­ pour autant que l'on puisse en juger ­ d'analyse comparative de l'applicabilité et de l'efficacité des réglementations en question.

11 12 13

14 15

16

GRECO (2011): Rapport d'évaluation sur la Suisse. Transparence du financement des partis politiques (Thème II). p. 21.

FF 2018 5675 5693 s.

OSCE/BIDDH (2019): «Swiss Confederation. Federal Assembly Elections 20 October 2019. OSCE/ODIHR needs assessment Mission Report» (www.osce.org/fr > Institutions et structures > Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE > Élections > Switzerland > Federal Assembly Elections, 20 October 2019; en anglais uniquement).

GRECO (2019): Sixième rapport de conformité intérimaire sur la Suisse, «Transparence du financement des partis politiques».

Cf. communiqué de presse de l'Office fédéral de la justice du 17.9.2019 (www.ejpd.admin.ch > Actualité > News > 2019 > «Le GRECO clôt la procédure de non-conformité à l'encontre de la Suisse».

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Aperçu des tentatives de réglementation

Les tentatives d'améliorer la transparence du financement de la vie politique en Suisse n'ont pas manqué. Le Message du Conseil fédéral concernant l'initiative sur la transparence fournit une vue d'ensemble détaillée des propositions émanant du Conseil fédéral ou du Parlement. Le présent rapport n'en donnera qu'un aperçu.

Lors de la dernière révision totale de la Constitution fédérale, approuvée par le peuple et les cantons en 1999, le Conseil fédéral a proposé d'ajouter à l'art. 127a un nouvel al. 2 prévoyant que le législateur édicte des dispositions visant à améliorer la transparence du financement de l'exercice des droits politiques17. Il voulait créer une base permettant d'obliger les comités d'initiative et les comités référendaires à informer sur leur dépendance financière par rapport à des tiers. Le Parlement a rejeté cette disposition, craignant qu'elle n'ouvre la voie à un financement public direct des partis politiques18.

De nombreuses interventions et initiatives parlementaires en faveur de la transparence ont été déposées depuis lors, sans qu'aucune n'obtienne de majorité au Parlement19. Une motion de la CIP-CE du 9 mai 2011 (11.3467 Transparence des sources de financement des campagnes pour les votations fédérales) visait par exemple à rendre obligatoire la publication des sources de financement des comités d'initiative et des organismes s'engageant dans le cadre de votations fédérales. Cette motion a été rejetée par le Conseil national (BO 2012 N 515). D'autres interventions et initiatives parlementaires déposées par des parlementaires ou des groupes sont également restées sans suite. L'initiative parlementaire récemment déposée par Kathrin Bertschy, laquelle demande que les contributions accordées aux groupes ne soient plus versées qu'à ceux qui déclarent la provenance et le montant des libéralités qu'ils reçoivent (iv. pa. 17.490 Mesures incitatives pour améliorer la transparence dans le financement des partis), a été rejetée par la CIP-CN.

Comme le Parlement, le Conseil fédéral a régulièrement exprimé son refus d'édicter des prescriptions sur la transparence, arguant qu'elles seraient difficilement conciliables avec les particularités du système politique suisse. Ainsi, par exemple, la démocratie directe conduirait selon lui à ce que des règles de transparence soient alors non
seulement nécessaires au financement des partis, mais aussi à celui des comités d'élection et de votation. Un nombre plus important d'acteurs politiques seraient ainsi automatiquement concernés, en comparaison avec d'autres pays, ce qui requerrait des règles et un système de surveillance plus complexes. Des prescriptions fédérales ne seraient en outre guère compatibles avec le fédéralisme suisse20.

C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique» et propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de la rejeter sans contreprojet21.

17 18 19 20 21

FF 1997 I 1, 460 s.

FF 2018 5675 5684 s.

FF 2018 5675 5685 s.

FF 2018 5675 5709 ss.

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Grandes lignes du projet

Le présent projet d'acte constitue un contre-projet indirect de la CIP-CE à l'initiative sur la transparence. Elle précise qui doit informer quand, sur quoi et sous quelle forme et quelles sont les conséquences en cas de violation de ses règles. Le projet d'acte ne prescrit pas aux partis politiques comment ils doivent se financer, mais règle uniquement la question de la déclaration du financement. Pour ce faire, il se fonde en partie sur le libellé de l'initiative sur la transparence et en reprend les éléments principaux. Il prévoit cependant des plafonds supérieurs à ceux qui figurent dans l'initiative populaire et ne s'étend qu'aux recettes, excluant la présentation du bilan et du compte de résultat. Sur certains points, le projet d'acte va plus loin que le texte de l'initiative. Ainsi, l'obligation de déclarer s'applique également au financement de la récolte de signatures effectuée pour une initiative populaire ou en vue d'un référendum. En outre, les libéralités provenant de l'étranger sont interdites.

Les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale sont les premiers concernés par les règles sur la transparence. Ils devront déclarer chaque année leurs recettes et les libéralités de plus de 25 000 francs qui leur ont été versées par auteur de la libéralité et par an. De plus, toute personne physique ou morale et toute société de personnes qui mènent une campagne en vue d'une élection au Conseil national ou d'une votation fédérale ou qui récoltent des signatures pour une initiative populaire ou en vue d'un référendum et qui engagent plus de 250 000 francs dans cette entreprise devront également déclarer leur financement, à savoir les recettes budgétisées, le décompte final des recettes et toute libéralité de plus de 25 000 francs par auteur de la libéralité et par campagne. S'agissant de la récolte de signatures en vue d'un référendum, seuls le décompte final des recettes et les libéralités doivent être déclarés. Les informations et documents demandés devront être communiqués dans un certain délai.

Le projet d'acte prévoit en outre l'interdiction d'accepter des libéralités anonymes de même que des libéralités de l'étranger qui ne proviendraient pas de Suisses de l'étranger. L'interdiction de l'acceptation de fonds issus de l'étranger vise à empêcher que les campagnes précédant des
élections ou des votations suisses ne soient influencées par des entreprises ou des particuliers de l'étranger.

Les données et documents fournis seront publiés et contrôlés par une autorité, laquelle devra être désignée par le Conseil fédéral et revêt le nom d'«autorité compétente» dans le présent avant-projet. La violation des prescriptions légales (par ex.

l'omission de déclarer les informations demandées ou l'indication de fausses informations) sera passible de l'amende. La nouvelle réglementation entend inciter les différents acteurs à respecter les règles établies et à faire la transparence sur leurs recettes et les libéralités touchées.

La présente révision porte uniquement sur la question de la déclaration du financement du travail politique. Elle ne dit rien des conséquences que le devoir de transparence aura sur les finances des acteurs politiques. La question du financement des partis devra toutefois également être examinée, ultérieurement.

Une minorité de la commission (Caroni, Föhn, Müller Philipp) s'oppose à l'entrée en matière sur le projet. Selon elle, dans le système fédéraliste et de démocratie directe de la Suisse, en particulier, il n'est guère possible d'identifier équitablement 7475

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tous les acteurs qui financent des activités politiques. Ainsi, la transparence ne sera toujours que fragmentaire. Toute tentative visant à rendre le plus grand nombre possible de flux financiers transparents compliquerait au plus haut point la mise en oeuvre. La charge administrative serait donc disproportionnée par rapport à la transparence acquise, qui ne pourrait de toute façon pas être complète. En outre, les règles de transparence ne renforceraient en rien la confiance des citoyens dans la politique. Au contraire, quand les médias évoquent des financements occultes, ils créent l'image d'un milieu politique corrompu. Dans un système complexe de déclaration obligatoire, il peut pourtant vite arriver qu'une erreur se produise, par exemple qu'un décompte soit oublié ou présenté en retard. Les partis et les acteurs politiques sont ainsi constamment soupçonnés, ce qui ne renforce nullement la confiance dans le système politique.

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Commentaire des dispositions

Ch. I Loi du 17 décembre 1976 sur les droits politiques22 (LDP) Titre 5b

Transparence du financement de la vie politique

Les nouvelles dispositions concernant la transparence du financement de la vie politique seront insérées dans la LDP sous un nouveau titre 5b. Les informations sur le financement des partis politiques et des campagnes précédant les élections ou votations sont des éléments qui peuvent influencer la manière dont les citoyens exercent leurs droits politiques, ce qui justifie d'intégrer l'obligation de transparence dans la LDP. Les nouvelles dispositions suivront le titre consacré au registre des partis politiques.

Art. 76b

Obligation de déclarer le financement des partis politiques

L'art. 76b, al. 1, pose le principe selon lequel les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale doivent déclarer leur financement. Cette obligation est précisée à l'al. 2.

Partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale L'obligation de déclarer ne concerne que les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale. Il n'existe pas de définition légale spécifique de ce qu'est un parti politique en Suisse. Il faut faire une distinction entre les partis politiques au sens de l'art. 76b et les partis politiques enregistrés au sens de l'art. 76a LDP. Un parti au sens de l'art. 76b ne figure pas forcément au registre des partis politiques. À l'inverse, un parti au sens de l'art. 76a ne sera pas forcément soumis à l'obligation de déclarer son financement. Il le sera seulement s'il compte au moins un représentant au Conseil national ou au Conseil des États. Des partis tant nationaux que cantonaux 22

RS 161.1

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(par ex. le Christlichsoziale Volkspartei Oberwallis, le Mouvement Citoyens Genevois ou la Lega dei Ticinesi)23 sont représentés aux Chambres fédérales et sont donc soumis à l'obligation de déclarer visée à l'art. 76b.

Si un parti national est représenté au Conseil national ou au Conseil des États, et qu'il est par conséquent tenu de déclarer son financement, cela ne signifie pas que toutes les branches cantonales de ce parti doivent elles aussi publier leur financement. Ces dernières ne sont en effet soumises à l'art. 76b que si, comme cela est mentionné plus haut, elles comptent elles-mêmes un représentant au sein des conseils. Toutefois, les libéralités versées par les partis cantonaux aux partis nationaux doivent faire l'objet d'une publication en vertu des règles générales de l'art. 76b, al. 2, let. b.

Si un tiers verse une libéralité à un parti par l'intermédiaire de sa branche cantonale, il est considéré comme l'auteur de la libéralité au sens de l'art. 76d, al. 4. Par conséquent, le parti national doit indiquer, lors de la publication du financement, les informations concernant ce dernier et non celles concernant le parti cantonal qui lui est rattaché. Il en va de même lorsque des libéralités sont versées, par l'intermédiaire du parti national, à des branches cantonales du parti qui sont soumises à l'obligation de déclarer leur financement.

En revanche, les membres de l'Assemblée fédérale ne sont en principe pas soumis à l'art. 76b, à l'exception des députés indépendants. Ces derniers sont en effet tenus de déclarer, en vertu de l'art. 76b, al. 3, les libéralités dont la valeur dépasse 25 000 francs par personne et par année, conformément à l'art. 76b, al. 2, let. b.

Cependant, ils n'ont pas besoin de déclarer toutes leurs recettes. Tous les membres de l'Assemblée fédérale sont toutefois soumis à l'obligation de déclarer visée à l'art. 76c, en particulier s'ils mènent campagne pour être élus au Conseil national.

Recettes Conformément à l'al. 2, let. a, les partis politiques devront déclarer leurs recettes. Le Conseil fédéral déterminera dans une ordonnance d'exécution la manière dont ces recettes devront être présentées.

Il y a lieu de bien distinguer la notion de recette de celle de libéralité. Même si les libéralités font généralement partie des recettes, on ne peut exclure qu'un
avantage économique soit considéré comme une libéralité mais pas comme une recette. C'est notamment le cas des prestations non rémunérées. En outre, les libéralités dont le montant dépasse 25 000 francs doivent être déclarées, conformément à l'art 76b, al. 2, let. b, dans les informations concernant le financement définies à l'art. 76d, al. 4.

On a renoncé à exiger la publication des dépenses et de l'état du patrimoine. Ce qui intéresse les citoyens, c'est de savoir qui finance les partis. Que ces derniers dépensent leur argent pour des ressources humaines ou des prestations en nature importe guère à la population. Dans le même esprit, on a également renoncé à exiger la publication du bilan et du compte de résultat (au sens des art. 958 ss CO et de la 23

Pour une vue d'ensemble des partis représentés à l'Assemblée fédérale: www.parlement.ch > Organes > Groupes parlementaires > Partis représentés au Parlement (consulté le 15 mars 2019).

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proposition formulée dans l'initiative populaire), ce qui permet par ailleurs de tenir compte du fait que les partis politiques, souvent organisés en association, sont en règle générale exemptés de l'obligation de présenter des comptes au sens des art. 958 ss CO24. Seules les associations qui exercent une industrie en la forme commerciale ou qui sont soumises à l'obligation de faire réviser leurs comptes en raison de leur taille (plus précisément en raison de la somme portée au bilan, du chiffre d'affaires ou du nombre de postes à plein temps) sont tenues de présenter leurs comptes (art. 957, al. 2, ch. 2, CO a contrario, en lien avec les art. 61, al. 2, et 69b, al. 1, du code civil25, CC). Les partis politiques ne remplissent en règle générale pas ces conditions et doivent de ce fait, du point de vue du CO, simplement tenir une comptabilité de leurs recettes, de leurs dépenses et de leur patrimoine (comptabilité dite simplifiée ou «carnet du lait»).

Il est également possible que certains partis politiques n'aient pas l'obligation de tenir de comptabilité (même pas une comptabilité simplifiée), vu qu'ils sont libres de choisir leur forme juridique et ne doivent pas forcément s'organiser en personne morale. Or l'obligation de déclarer les recettes visées à l'art. 76b de l'avant-projet vaut pour tous les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, qu'ils soient soumis à l'obligation de tenir des comptes selon le CO ou non.

Une minorité (Stöckli, Janiak) estime que les dépenses et l'état du patrimoine devraient également être concernés par l'obligation de transparence. Elle part du principe que les partis tiennent une comptabilité simplifiée qui contient de toute façon ces données. Une telle méthode permettrait d'éviter que les partis ne doivent encore, spécialement pour la publication, fournir un effort distinct pour déclarer leurs recettes. Par ailleurs, la minorité souligne que les informations relatives aux dépenses et à l'état du patrimoine des partis sont très intéressantes pour les citoyens. Prévoir l'obligation de déclarer également les dépenses et l'état du patrimoine faciliterait le contrôle et le rendrait plus pertinent.

Libéralités L'obligation de déclarer porte également sur tous les avantages économiques octroyés volontairement aux partis politiques («libéralités» dans
l'avant-projet) et qui dépassent le montant de 25 000 francs par auteur de la libéralité et par an (art. 76b, al. 2, let. b). Cette règle concerne ainsi les dons importants, qui intéressent les citoyens. Sont considérés comme des avantages économiques notamment les libéralités en argent ou en nature telles que les dons ou les reprises de dettes (par ex. par la reprise du remboursement d'un prêt). Les libéralités en nature concernent ­ comme c'est le cas pour la donation26 ­ en particulier les dons de biens mobiliers et d'immeubles. Les libéralités en argent consistent en des transferts d'argent comptant ou en des versements bancaires. Les donations mixtes devront aussi être soumises à l'art. 76b, al. 2, let. b (et à l'art. 76c, al. 2, let. c), faute de quoi il serait facile de 24 25 26

RS 220 RS 210 Voir Schönenberger Beat, Vertragsverhältnisse Teil 1: Innominatkontrakte, Kauf, Tausch, Schenkung, Miete, Leihe, Art. 184­318 OR, in: Amstutz / Breitschmid / Furrer / Girsberger / Huguenin (édit.), Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Zurich 2016, n. 7 ad art. 239 CO.

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contourner la loi. Il suffirait de fixer le prix (de vente) en dessous de la valeur de l'objet pour faire parvenir la différence à l'acquéreur, en l'occurrence au parti politique27. Dans le cas des donations mixtes, seule la différence entre la prestation et la contre-prestation sera considérée comme libéralité au sens du projet de loi. Tout autre avantage économique direct ou indirect (par ex. la fourniture de services gratuits, la mise à disposition gratuite de biens, de personnel ou d'espace médiatique, les promesses de donner ou l'octroi de prêts sans intérêts) devra également être déclaré comme libéralité au sens de l'avant-projet.

Les indications relatives aux libéralités à déclarer sont précisées à l'art. 76d, al. 4: il s'agit des nom, prénom et commune de domicile (pour les personnes physiques) ou la raison sociale et le siège (pour les personnes morales), de l'auteur de la libéralité, ainsi que la valeur de celle-ci et la date à laquelle elle a été octroyée. Les informations devront être accompagnées de pièces justificatives (art. 76d, al. 5). Les libéralités devront être communiquées chaque année ­ tout comme les autres informations mentionnées à l'art. 76b, al. 2 (art. 76d, al. 1, let. a).

Pour le calcul du montant d'une libéralité, c'est la valeur vénale qui est déterminante. Pour calculer si une libéralité atteint la valeur minimale fixée par personne et par an, il faut additionner tous les montants versés sur un an par une seule et même personne. Cette méthode de calcul permet d'éviter qu'on puisse se dérober à l'obligation de déclarer en versant une libéralité en plusieurs tranches qui, prises individuellement, ne dépassent pas le montant minimal fixé. Pour calculer les montants sur une année, on considérera la période (d'une année) qui séparera la première communication, effectuée dans les délais, des recettes (art. 76d, al. 1, let. a) de celle qui suivra l'année d'après. Le moment exact auquel il faudra transmettre les informations sera fixé par le Conseil fédéral dans les dispositions d'exécution.

Une minorité (Stöckli, Bruderer Wyss, Comte, Janiak) propose que les libéralités soient déjà soumises à l'obligation de déclarer lorsque leur valeur dépasse 10 000 francs.

Elle souligne que ce montant correspond au seuil qui a été proposé dans l'initiative populaire. Si l'on tient
réellement à instaurer la transparence, on doit informer le public lorsque quelqu'un fait parvenir à un parti (ou à un comité chargé d'une campagne en vue d'une votation ou d'une élection, ou à des organismes ou personnes chargés de récolter des signatures) une somme non négligeable, supérieure à 10 000 francs.

Art. 76c

Obligation de déclarer le financement lors de campagnes menées en vue d'une votation et d'une élection et lors de récoltes de signatures

L'art. 76c règle l'obligation de déclarer le financement lors de campagnes menées en vue d'une votation et d'une élection ainsi que lors d'une récolte de signatures effectuées à l'échelon fédéral en vue d'une initiative ou d'un référendum. Par rapport au texte de l'initiative, qui mentionne «quiconque dépense [...]», le projet de loi décrit les destinataires de façon plus précise et plus claire, l'intention étant d'englober tous les acteurs politiques qui mènent une campagne ou qui récoltent des signatures en vue d'une initiative ou d'un référendum. L'obligation prévue à l'art. 76c concerne 27

Cf. Nedim Peter Vogt / Annaïg L. Vogt, in: Honsell / Vogt / Wiegand (édit.), Basler Kommentar (BSK-I), n. 5 ad art. 239 CO.

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ainsi toutes les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés de personnes qui mènent une campagne d'élection au Conseil national ou de votation fédérale ou qui récoltent de signatures à l'échelon fédéral en vue d'une initiative ou d'un référendum et qui engagent plus de 250 000 francs pour ce faire. La fixation de ce montant vise à garantir que la disposition ne s'applique réellement qu'aux campagnes dans lesquelles beaucoup d'argent est investi. Le financement de ce type de campagnes intéresse particulièrement les citoyens. Exclure de la disposition les campagnes dans lesquelles est investi relativement peu d'argent permet en outre d'éviter des charges administratives.

L'art. 76c concerne également la récolte de signatures en vue d'une initiative ou d'un référendum. On tient ainsi compte du fait que les comités d'initiative et les comités référendaires doivent déjà réunir de l'argent en prévision de la récolte des signatures.

Si plusieurs personnes physiques ou morales ou sociétés de personnes s'associent pour faire campagne, elles doivent soumettre ensemble les recettes qu'elles ont budgétisées et le décompte final de leurs recettes; dans le cas de la récolte de signatures en vue d'un référendum, seul le décompte final des recettes doit être soumis (al. 3). Les dépenses des différentes personnes et sociétés doivent être additionnées lorsque l'on calcule si le seuil de 250 000 francs est atteint. L'al. 3 concerne en particulier les groupements (comme les comités d'initiative et les comités référendaires) qui s'organisent en tant que sociétés simples et ne sont donc pas dotés de la personnalité juridique ou différentes associations (comme un parti national et ses sections cantonales) faisant campagne ensemble. Les différents associés ou les associations sont concernés par l'obligation. Le Conseil fédéral règle la façon dont les associés ou les associations doivent soumettre les recettes budgétisées ou le décompte final de leurs recettes.

Une minorité (Stöckli, Bruderer Wyss, Comte, Janiak) considère que le financement des campagnes de votation, d'élection ou de récolte de signatures en vue d'une initiative ou d'un référendum doit être déclaré dès lors qu'il excède 100 000 francs.

Pour cette minorité, le seuil de 250 000 francs proposé par la commission est beaucoup trop élevé: s'il
était appliqué, de nombreuses campagnes ne seraient pas concernées par la disposition et l'objectif de transparence ne serait pas atteint.

Personnes physiques et morales et sociétés de personnes L'art. 76c s'applique aux personnes physiques ou morales ainsi qu'aux sociétés de personnes, de manière à englober tous les acteurs dotés de la personnalité juridique qui mènent une campagne de votation, d'élection ou de récolte de signatures. Sont également concernés les partis politiques, qui, très souvent, s'organisent en association. Alors que l'art. 76b s'applique aux seuls partis représentés à l'Assemblée fédérale, l'art. 76c prévoit que les partis peuvent être soumis à l'obligation de transparence même s'ils ne sont pas représentés au Parlement. Comme cela a déjà été mentionné, il n'existe pas de définition légale spécifique de ce qu'est un parti politique en Suisse. Lorsque des personnes ou des sociétés de personnes forment un groupement qui n'est pas doté de la personnalité juridique, l'al. 3 s'applique. Cette disposition concerne notamment les comités d'initiative et les comités référendaires qui constituent une société simple.

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Mener une campagne Le critère consistant à «mener une campagne» permet de faire une distinction par rapport aux acteurs qui ne font que participer à la campagne (par ex. en octroyant une libéralité). Mener une campagne implique de déployer des efforts d'une certaine intensité pendant une certaine durée dans le but d'influencer l'issue du vote. Une personne qui prend position une seule fois ne mène pas une campagne. Une personne qui verse à un candidat ou à un parti politique 150 000 francs pour une campagne ne sera pas non plus concernée par la disposition. Mais la somme versée figurera dans les recettes budgétisées ou dans le décompte final du candidat ou du parti politique menant campagne et devra être communiquée (avec les informations mentionnées à l'art. 76d, al. 4). Mener une campagne peut être l'affaire d'un seul acteur politique, ou au contraire de plusieurs acteurs. L'avant-projet prévoit encore une condition supplémentaire, à savoir l'affectation de plus de 250 000 francs à la campagne. Quiconque mène une campagne sans atteindre ce montant sera dispensé de l'obligation de déclarer.

Restriction aux élections au Conseil national En optant pour la formulation «qui mènent une campagne d'élection au Conseil national», la commission exclut à dessein les élections au Conseil des États. En prévision de la consultation, la commission avait proposé une règle pour le financement des campagnes en faveur de membres du Conseil des États qui sont ensuite effectivement élus. Cette proposition a fait l'objet de critiques lors de la consultation. Afin d'éviter un débat sur le droit constitutionnel, la commission propose de faire figurer expressément dans le projet d'acte la compétence qu'ont les cantons d'édicter des dispositions dans ce domaine. Bien que cette compétence découle directement de la Constitution fédérale (Cst.), il est utile, par souci d'exhaustivité, de la répéter dans le projet en question (art. 76c, al. 4).

Recettes budgétisées, décompte final des recettes et libéralités L'obligation de déclarer porte sur les recettes budgétisées et le décompte final des recettes. Le budget est un instrument visant à planifier le financement des activités prévues. Il est normalement établi avant le début de la campagne. Le décompte final, établi après la campagne, présente les chiffres définitifs. Le
budget et le décompte final doivent uniquement faire état respectivement des moyens financiers ou des recettes prévues pour mener la campagne et des recettes réalisées. Ce qui intéresse en effet les citoyens, ce sont les recettes, et non les dépenses effectuées: les citoyens veulent savoir qui finance une campagne. Le Conseil fédéral déterminera dans une ordonnance d'exécution la manière dont ces recettes devront être présentées.

Il faut faire une distinction claire entre les recettes et les libéralités. Pour ce faire, il convient de se référer aux explications concernant les recettes au sens de l'art. 76b.

Les libéralités dont le montant dépasse 25 000 francs doivent être déclarées, conformément à l'art. 76b, al. 2, let. b, dans les informations concernant le financement définies à l'art. 76d, al. 4. Les libéralités qui peuvent être qualifiées de recettes doivent figurer séparément dans les recettes budgétisées et dans le décompte final conformément à l'art. 76d, al. 3.

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S'agissant de la récolte de signatures en vue d'un référendum, seuls le décompte final des recettes et les libéralités doivent être déclarés. L'idée d'instaurer une obligation de présenter les recettes budgétisées est abandonnée, car une telle obligation serait difficilement applicable dans le cas du référendum. Le délai de dépôt des recettes budgétisées se révélerait, en particulier, compliqué à fixer du fait que la récolte de signatures est souvent effectuée au départ par des groupements disparates, constitués pour la circonstance, sans réelle expérience ni encadrement de la part d'une organisation professionnelle.

Les libéralités d'un montant de plus de 25 000 francs par auteur de la libéralité et par campagne devront également être communiquées à l'autorité compétente avec les détails suivants: valeur et date d'octroi, nom, prénom et commune de domicile de l'auteur (s'il s'agit d'une personne physique), siège (s'il s'agit d'une personne morale) et raison sociale (art. 76d, al. 4). Les informations relatives aux libéralités devront être accompagnées des pièces justificatives correspondantes (art. 76d, al. 5). Le montant de la libéralité sera calculé par auteur de la libéralité et par campagne: si la somme des libéralités versées par une seule et même personne dépasse 25 000 francs, les informations devront être publiées. S'agissant des types de libéralité et du calcul de leur valeur, il est renvoyé au commentaire de l'art. 76b. Les libéralités devront être déclarées si elles ont été versées au cours des douze mois précédant la date de la votation ou de l'élection ou depuis le début de la récolte des signatures. Il s'agit là de garantir la sécurité juridique: la loi doit permettre de déterminer clairement à partir de quel moment une libéralité est soumise à l'obligation de transparence.

Lorsque plusieurs personnes ou sociétés de personnes s'associent pour faire campagne, les libéralités versées à chacune d'entre elles devront être additionnées (al. 3).

Si la somme calculée excède 25 000 francs, les données relatives à l'identité de l'auteur de la libéralité devront être communiquées (art. 76d, al. 4).

Art. 76d

Délais et modalités de l'obligation de déclarer

Délais Les délais de remise des informations et des documents diffèrent en fonction du type d'acteur. Les partis politiques au sens de l'art. 76b, al. 1, devront fournir ces données chaque année. Le moment précis sera fixé par le Conseil fédéral dans son ordonnance d'exécution. S'agissant des acteurs politiques au sens de l'art. 76c, al. 1, il faut distinguer s'ils mènent une campagne en vue d'une élection au Conseil national, d'une votation ou de la récolte de signatures.

En cas d'élection au Conseil national ou de votation, ils devront communiquer leurs recettes budgétisées 45 jours avant la date de l'élection ou de la votation, et le décompte final de leurs recettes ainsi que les libéralités au sens de l'art. 76c, al. 2, let. c, 60 jours après cette date.

En ce qui concerne la récolte de signatures, la loi opère une distinction selon que la campagne est menée pour une initiative populaire ou en vue d'un référendum. Dans le premier cas, les recettes budgétisées doivent être communiquées à l'autorité compétente 15 jours après la publication du texte de l'initiative dans la Feuille fédérale, 7482

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et le décompte final des recettes, 60 jours après le dépôt des signatures (al. 1, let. c).

Dans le second cas, seul le décompte final des recettes doit être communiqué (al. 1, let. d), et ce ­ comme pour une initiative ­ 60 jours après le dépôt des signatures.

Au surplus ­ pour autant que les recettes budgétisées doivent être déclarées ­, une fois passé le délai de déclaration relatif à ces recettes, les libéralités d'un montant important (c'est-à-dire dont la valeur excède 25 000 francs) doivent être communiquées dès lors qu'elles sont connues, et ce jusqu'à la date de l'élection, de la votation ou du dépôt des signatures (al. 2). Cette règle permet de garantir que des libéralités élevées ­ qui sont d'un grand intérêt pour le public ­ seront publiées avant le jour de l'élection ou de la votation ou le dépôt des signatures, même si elles ont été versées tardivement. Dans le cas de la récolte de signatures en vue d'un référendum, lors desquelles seul le décompte final doit être communiqué, les libéralités de plus de 25 000 francs doivent ­ comme le décompte ­ être communiquées 60 jours après le dépôt des signatures (al. 1, let. d).

Les libéralités d'un montant inférieur ou égal à 25 000 francs, qui sont versées moins de 45 jours avant la votation ou l'élection ou plus de quinze jours après la publication du texte de l'initiative dans la Feuille fédérale, doivent être communiquées ­ également en cas d'élection au Conseil national ou de récolte de signatures pour une initiative ­ seulement après la date de l'élection ou de la votation ou après le dépôt des signatures (en même temps que le décompte final des recettes). La possibilité d'interdire l'acceptation de libéralités entre la fin du délai de déclaration relatif aux recettes budgétisées et la date de la votation ou de l'élection ou le dépôt des signatures a été examinée. Cette solution permettrait d'éviter que des libéralités puissent être versées «incognito» pendant les 45 jours précédant le jour de la votation ou de l'élection ou le dépôt des signatures. Cette interdiction n'a toutefois pas été retenue parce que jugée disproportionnée: comme cela a été signalé, les libéralités élevées devront dans tous les cas être communiquées passé le délai des 45 jours (immédiatement selon les art. 76d, al. 2, et 76f, al. 3), et les montants définitifs
figureront dans le décompte final des recettes.

À l'al. 1, let. b, le délai a été fixé à 45 jours avant l'élection ou la votation pour tenir compte du fait que les électeurs reçoivent le matériel de vote (bulletin de vote, carte de légitimation, enveloppe électorale, timbre de contrôle, etc.) au plus tôt quatre semaines et au plus tard trois semaines avant le jour de la votation (art. 11, al. 3, LDP)28. Comme l'autorité compétente publiera les informations reçues au plus tard 15 jours après leur réception (art. 76f, al. 2, let. b), celles-ci seront disponibles dès le moment où les électeurs commenceront à recevoir le matériel de vote.

À l'al. 1, let. d, le délai a été fixé à 15 jours après la publication du texte de l'initiative dans la Feuille fédérale pour tenir compte du fait que le moment de cette publication correspond aussi au début du délai de 18 mois imparti pour la récolte et le dépôt des signatures. Dès lors que ce délai commence à courir, les auteurs de l'initiative ont quinze jours pour faire parvenir leurs recettes budgétisées à l'autorité compétente.

28

Conformément à l'art. 2b de l'ordonnance sur les droits politiques (ODP, RS 161.11), les Suisses de l'étranger et, à leur demande expresse, d'autres électeurs se trouvant à l'étranger bénéficient d'une remise anticipée du matériel de vote.

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La déclaration répétée ­ ou, en cas de récolte de signatures en vue d'un référendum, la première déclaration ­ des indications financières 60 jours après le jour de l'élection ou de la votation ou après le dépôt des signatures permettra aux milieux intéressés de se tenir au courant des recettes effectives.

Modalités de l'obligation de déclarer Le Conseil fédéral déterminera la forme sous laquelle les recettes (budgétisées), le décompte final des recettes et les libéralités devront être communiqués (al. 6). Il pourra préciser dans l'ordonnance si les informations doivent être fournies par voie électronique, par la poste ou d'une autre manière, par exemple sous forme de formulaires à remplir par les acteurs politiques. La loi prévoit que les libéralités devront être présentées séparément dans les recettes budgétisées et le décompte final des recettes (art. 76d, al. 3) et que, pour les libéralités d'une valeur de plus de 25 000 francs, les indications suivantes devront être communiquées: le nom, le prénom, la commune de domicile ou la raison sociale et le siège (pour les personnes morales ainsi que pour les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite) de l'auteur de la libéralité ainsi que la valeur de celle-ci et la date à laquelle elle a été octroyée (al. 4). Le Conseil fédéral détermine également dans l'ordonnance d'exécution qui peut avoir le statut d'auteur de libéralités. Il faut en effet éviter que les dispositions puissent facilement être contournées par l'entremise de tiers (par ex.

une association). Par conséquent, il est impératif d'enregistrer les données de toute personne ayant été à l'origine du versement d'une libéralité ou ayant été habilitée à verser une libéralité.

Le domicile est déterminé par les art. 23 à 26 CC et le siège par l'art. 56 CC. Les informations relatives aux libéralités dépassant 25 000 francs devront être accompagnées de pièces justificatives, par exemple de quittances ou d'extraits de compte (al. 5).

Art. 76e

Contrôle

L'art. 76e, al. 1, prévoit que l'autorité compétente contrôlera les informations fournies avant leur publication (art. 76f). Ce contrôle se limitera à vérifier si toutes les informations et tous les documents (notamment les recettes budgétisées et les décomptes finaux des recettes) ont été communiqués dans les délais prévus aux art. 76b et 76c. Ne seront pas considérés comme remis dans les délais les informations et les documents incomplets, manquants ou remis trop tard. Quant aux informations et documents présentant des défauts manifestes, ils seront réputés incomplets.

Un contrôle plus poussé impliquerait des charges disproportionnées, car en violant leurs devoirs de transparence, les acteurs politiques n'encourront pas seulement un risque de réputation, mais également des sanctions pénales (art. 76j). Une enquête pénale sera ouverte s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction. Si les acteurs politiques ne communiquent pas les informations et documents requis dans le délai supplémentaire imparti, l'autorité compétente sera tenue de signaler à l'autorité de poursuite pénale les infractions dont elle aura eu connaissance lors du contrôle. Les informations et documents publiés sont de plus soumis à

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la surveillance du public, ce qui incitera les acteurs politiques à se conformer au droit.

Si les acteurs politiques disposent de rapports de révision, ils pourront les remettre à l'autorité compétente. Ils n'y seront toutefois pas tenus, sachant qu'ils ne sont en règle générale pas soumis à l'obligation de réviser leurs comptes. Obliger tous les acteurs politiques au sens des art. 76b et 76c à remettre un rapport de révision aurait un impact disproportionné sur les petits groupements, et notamment sur les petits partis politiques. Une révision des comptes nécessite en effet un gros investissement en temps et en argent. L'obligation de présenter un rapport de révision serait également excessive pour les acteurs politiques qui doivent faire réviser leurs comptes. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le but de l'avant-projet est rendre transparent le financement de la vie politique. Dans ce contexte, il est légitime de demander que les montants soumis à l'obligation de déclarer soient communiqués conformément aux prescriptions légales. Or la révision ­ tant le contrôle ordinaire que le contrôle restreint ­ va plus loin: le réviseur examine non seulement les recettes, mais aussi les autres données financières. Par ailleurs, la question de savoir si les indications figurant dans le compte annuel répondent aux prescriptions légales ne constitue qu'un point parmi d'autres que le réviseur doit contrôler. Il vérifie par exemple aussi si le compte annuel correspond aux statuts et au cadre de référence choisi et si l'emploi du bénéfice est conforme. Il n'est pas nécessaire d'aller si loin pour atteindre l'objectif visé par le projet de loi.

Délai supplémentaire Si l'autorité compétente constate lors de son contrôle que les informations et les documents n'ont pas été communiqués dans les délais, elle impartira à l'acteur politique concerné un délai supplémentaire en l'avertissant qu'il sera dénoncé à défaut de livraison dans ce délai. Si ce cas se produit, elle sera tenue de dénoncer les infractions constatées à l'autorité de poursuite pénale compétente (al. 3).

Art. 76f

Publication

Après le contrôle, l'autorité compétente publiera les informations et les documents sur sa page Internet. Le Conseil fédéral déterminera la forme et la durée de la publication dans les dispositions d'exécution.

Délais L'autorité compétente publiera annuellement les informations visées à l'art. 76b. Le Conseil fédéral précisera le moment déterminant dans ses dispositions d'exécution.

L'autorité publiera les données fournies par les acteurs politiques conformément à l'art. 76c au plus tard 15 jours après leur réception. Ce délai devrait suffire à la vérification et à la publication des informations et des documents reçus. Les libéralités communiquées après le délai prévu (art. 76d, al. 2) devront être publiées au fur et à mesure, compte tenu de l'intérêt public particulier que représentent les libéralités élevées (i.e. d'un montant supérieur à 25 000 francs).

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Art. 76g

Autorité compétente

L'autorité compétente sera désignée par le Conseil fédéral. Les tâches qui lui sont attribuées pourraient être confiées à une autorité de l'administration centrale de la Confédération. Le contrôle et la publication requerraient alors un investissement raisonnable ­ comparé à la solution qui consisterait à instituer une autorité nouvelle, indépendante de l'administration. Dans tous les cas, il serait indiqué de publier les données sur le financement des acteurs politiques de façon centralisée.

Art. 76h

Libéralités anonymes et de l'étranger

L'art. 76h, al. 1, let. a, interdit aux acteurs politiques d'accepter les libéralités anonymes. On a renoncé à prévoir une exception pour les libéralités anonymes d'un petit montant. Cette manière de faire vise à réduire les possibilités de contourner la loi: si les dons anonymes étaient interdits à partir d'un certain montant seulement, il serait aisé d'atteindre ce plafond en procédant à plusieurs versements, sans que la provenance des libéralités ne soit jamais révélée.

Si des libéralités anonymes sont versées malgré l'interdiction, les acteurs politiques auront deux possibilités: ils pourront soit rechercher les données de provenance mentionnées à l'art. 76d, al. 4, les déclarer si la loi le demande et conserver la libéralité, soit la restituer si possible. La restitution est obligatoire si les données mentionnées à l'art. 76d, al. 4, ne peuvent pas toutes être réunies. Si la restitution n'est pas possible ou ne peut pas être raisonnablement exigée, l'autorité compétente devra en être informée et la libéralité devra être versée à la Confédération. L'autorité compétente pourra indiquer aux acteurs politiques un numéro de compte sur lequel transférer la libéralité. La restitution ne peut être raisonnablement exigée si le bénéficiaire a pris des mesures proportionnées pour restituer la libéralité, mais sans succès. Le montant de la libéralité est également déterminant pour décider de la proportionnalité des mesures: si la libéralité se monte à 100 francs, par exemple, il ne faudra pas investir autant de temps pour les clarifications que dans le cas d'un don de 10 000 francs.

L'art. 76h, al. 1, let. b, interdit les libéralités provenant de l'étranger. Cette disposition met en oeuvre l'initiative parlementaire Fournier 18.423 «Pas d'ingérence étrangère dans la politique suisse!». L'initiative demande l'interdiction du financement par des fonds provenant de l'étranger, mais seulement en ce qui concerne les campagnes de votation et la récolte de signatures en vue d'une initiative populaire ou d'un référendum. Elle ne porte pas sur le financement de partis politiques ni de campagnes précédant des élections.

L'interdiction de l'art. 76h, al. 1, let. b, englobe toutes les libéralités «provenant de l'étranger», à savoir toutes les libéralités versées par des personnes qui n'ont pas de domicile ou de
siège en Suisse et qui ne remplissent pas les critères définissant un Suisse de l'étranger au sens de la loi du 26 septembre 2014 sur les Suisses de l'étranger29 (LSEtr). La détermination du domicile est régie par les art. 23 à 26 CC, celle du siège par l'art. 56 CC.

29

RS 195.1

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Quiconque reçoit une libéralité de l'étranger devra la restituer à son auteur, conformément à l'al. 4. Si une restitution n'est pas possible ou ne peut pas être raisonnablement exigée, la libéralité devra être déclarée à l'autorité compétente puis versée à la Confédération. Les commentaires portant sur les libéralités anonymes, concernant en particulier le caractère raisonnable de la restitution, valent par analogie pour les libéralités provenant de l'étranger. La valeur est ici aussi déterminante pour établir si la restitution peut être raisonnablement exigée.

Les acteurs politiques qui violent une des obligations visées à l'art. 76h, al. 3 et 4, seront passibles de l'amende (art. 76j, al. 1, let. b). Les libéralités qu'ils acceptent de façon illicite, en violation de leurs obligations, seront confisquées par l'autorité de poursuite pénale compétente (art. 69 ss du code pénal30, CP).

Une minorité (Caroni) estime que l'interdiction des libéralités provenant de l'étranger dépasse le cadre de l'objectif de l'initiative. Le projet vise en effet à assurer la transparence quant au financement des partis et des campagnes. Cela vaut également pour les libéralités importantes provenant de l'étranger. Il ne s'agit pas de distinguer les bonnes libéralités (nationales) et les mauvaises libéralités (étrangères); il ne serait de toute façon guère aisé de différencier les libéralités provenant de Suisse et celles provenant de l'étranger. Pour la minorité, cette interdiction complique encore davantage la mise en oeuvre du projet.

Art. 76i

Traitement des données personnelles et échange d'informations

L'autorité compétente sera habilitée à traiter des données personnelles pour accomplir ses tâches légales (en particulier celles relatives au contrôle et à la publication).

Elle enregistrera d'une part les données concernant l'identité et les recettes des acteurs politiques visés aux art. 76b et 76c. L'autorité traitera d'autre part les données sur l'identité des auteurs de libéralités versées aux acteurs politiques visés aux art. 76b et 76c.

Les données personnelles seront proposées aux Archives fédérales quinze ans après avoir été traitées pour la dernière fois (al. 2). Cette disposition correspond à l'art. 21 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données31.

L'autorité compétente sera habilitée à échanger des données avec les autorités cantonales et communales compétentes pour la transparence du financement de la vie politique selon le droit cantonal. Elle pourra transmettre à ces autorités les informations concernant les acteurs politiques, notamment les données personnelles, dans la mesure où elles leur sont utiles pour l'accomplissement de leurs tâches légales (al. 3). À l'inverse, les autorités cantonales et communales compétentes pour la transparence du financement de la vie politique communiqueront à l'autorité compétente, à sa demande, les informations qui leur sont utiles pour l'exécution du contrôle et pour la publication (al. 4).

30 31

RS 311.0 RS 235.1

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L'art. 76i, al. 3 et 4, se rapporte aux échanges de données entre l'autorité fédérale compétente et les autorités cantonales compétentes en matière de transparence du financement de la vie politique selon le droit cantonal. Il appartient aux cantons de créer ou non une autorité de ce type.

L'autorité compétente pourra transmettre des informations à l'autorité de poursuite pénale dans le cas d'une dénonciation au sens de l'art. 76e, al. 3.

Art. 76j

Dispositions pénales

L'art. 76j réglemente la punissabilité en cas de violation des obligations visées aux art. 76b à 76d et de celles concernant les libéralités anonymes et de l'étranger visées à l'art. 76h, al. 3 et 4. Les dispositions pénales sont nécessaires à la bonne mise en oeuvre des prescriptions légales. Il n'est pas prévu de sanctions de droit administratif, comme la suppression ou la diminution des contributions allouées aux groupes parlementaires, comme le souhaitait par exemple la conseillère nationale Kathrin Bertschy dans une initiative parlementaire (iv. pa. 17.490 Mesures incitatives pour améliorer la transparence dans le financement des partis). La suppression totale ou partielle de la contribution annuelle allouée à un groupe parlementaire (au sens de l'art. 12 de la loi sur les moyens alloués aux parlementaires32) ne serait toutefois pas appropriée. C'est pourquoi la CIP-CN a rejeté l'initiative Bertschy, arguant que l'assimilation entre groupes parlementaires et partis politiques est problématique. La CIP-CE partage cet avis. Les groupes parlementaires sont des organes de l'Assemblée fédérale qui ne mènent pas de campagnes pour être élus. Les contributions qui leur sont allouées sont affectées à un but particulier, à savoir à leurs dépenses. Par ailleurs, la violation des dispositions légales par un parti entraînerait une sanction collective si d'autres partis, qui ont eux respecté les règles, faisaient partie du même groupe parlementaire. Il serait choquant de punir tout un groupe lorsqu'un parti ne s'est pas conformé aux règles. Qui plus est, la suppression totale ou partielle des contributions aux groupes ne toucherait que les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et les députés indépendants membres d'un groupe, et non les autres acteurs politiques soumis à l'obligation de déclarer, qui n'obtiennent pas de contributions fédérales.

La violation des obligations de transparence, notamment le fait de ne pas respecter les délais ou de fournir de fausses informations, sera punie de l'amende. Il s'agit de contraventions au sens du CP. Le montant maximal de l'amende est fixé à 40 000 francs. Ce montant est approprié compte tenu des biens juridiques à protéger et des sommes considérées dans l'avant-projet.

La tentative et la complicité ne seront pas punissables (art. 105, al. 2, CP),
contrairement à l'instigation et la coactivité (art. 104 en rel. avec l'art. 24 CP). Les dispositions sur la confiscation (art. 69 ss CP) sont également applicables. Ces dispositions pénales sont formulées de manière à avoir un effet préventif suffisant.

L'art. 29 CP s'applique pour ce qui est de la punissabilité de violations de devoirs commises par des personnes morales ou des sociétés.

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RS 171.21

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Conformément à l'al. 2, la négligence sera elle aussi punissable. Une amende d'un montant maximal de 20 000 francs paraît appropriée dans ce cas.

La poursuite pénale incombe aux cantons conformément à l'art. 76j, al. 3; cette règle se fonde sur les art. 22 du code de procédure pénale du 5 octobre 200733 (CPP) et 123, al. 2, Cst. Il ne serait pas justifié d'attribuer la compétence de poursuivre ces infractions au Ministère public de la Confédération, car il ne s'agit pas d'un domaine particulier dont il s'occupe déjà. En outre, la violation des dispositions du présent projet de loi ne représenterait pas un nouveau délit contre la volonté populaire au sens du CP, de sorte que l'art. 23, al. 1, let. h CPP ne serait pas applicable. Confier la poursuite pénale à l'autorité compétente au sens du projet ne serait pas non plus adapté.

S'agissant du for, les dispositions générales figurant aux art. 31 à 42 CPP s'appliquent. En vertu de l'art. 31, al. 1, CP, l'autorité compétente est celle du lieu où l'acte a été commis ou a dû être commis.

Une minorité (Caroni, Bischof, Engler, Hegglin, Minder) estime qu'il ne faudrait pas prévoir d'amendes pour les actes de négligence. La sanction de la négligence est difficilement réalisable dans le cadre de l'application de la loi pour les infractions dont il est présentement question.

Art. 76k

Réserve en faveur du droit cantonal

En principe, la Confédération et les cantons ont des compétences parallèles dans l'exercice des droits politiques (art. 39 Cst.): la Confédération en règle l'exercice au niveau fédéral, les cantons aux niveaux cantonal et communal. Le projet de loi n'a donc aucune incidence sur les compétences des cantons en matière d'exercice des droits politiques au niveau cantonal, notamment en ce qui concerne les élections au Conseil des Etats. S'agissant de l'exercice de ces droits au niveau fédéral, l'ajout de l'art. 76k vise à expliciter que les cantons seront libres de soumettre les acteurs politiques cantonaux à des obligations de déclarer plus strictes que celles prévues par le droit fédéral. L'art. 76k précise ainsi que les cantons pourront prévoir des dispositions plus sévères sur la transparence du financement des acteurs politiques cantonaux dans l'exercice des droits politiques au niveau fédéral. La notion d'acteur politique cantonal comprend tout acteur politique actif sur le territoire cantonal. Il peut par exemple s'agir d'un acteur politique qui mène une campagne en vue d'une votation fédérale sur le territoire du canton. La présente réserve se réfère au champ d'application du présent projet de loi, notamment à la récolte de signatures et aux campagnes menées en vue d'élections ou de votations fédérales. Les cantons ne pourront par contre pas prévoir d'obligations de déclarer moins strictes que le droit fédéral.

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RS 312.0

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Ch. II Les dispositions de l'avant-projet sont édictées sous la forme de règles de niveau légal. Elles sont dès lors sujettes au référendum (al. 1). L'al. 2 prévoit que l'avantprojet constitue le contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)».

L'al. 3 prévoit quant à lui une réserve au sujet de la publication: la loi ne sera publiée dans la Feuille fédérale que si l'initiative sur la transparence est retirée ou rejetée par le peuple et les cantons. Si celle-ci obtient la double majorité du peuple et des cantons, les présentes dispositions deviendront caducs. Il s'agira alors de mettre en oeuvre la modification constitutionnelle acceptée par le peuple et les cantons au niveau légal.

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Conséquences financières et conséquences sur l'état du personnel

La réception, le contrôle et la publication des informations à déclarer et des documents à fournir exige la mise au point d'une application informatique visant à saisir et à traiter les données. Il est difficile d'en estimer les coûts. Si l'on se réfère aux coûts d'outils comparables, les frais d'acquisition devraient atteindre un montant à six chiffres. L'exploitation, la maintenance et la mise à jour du système devraient coûter entre 20 000 et 40 000 francs par an.

Les dépenses pour traiter les déclarations annuelles des partis représentés à l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 76b devraient rester plus ou moins constantes alors que celles liées aux dispositions sur les campagnes menées en vue d'une votation, d'une élection et d'une récolte de signatures sont entachées de plus d'incertitudes. Les données disponibles34, même imprécises, semblent indiquer que les dépenses des candidats à des élections dépassent rarement le seuil fixé à l'art. 76c, al. 1. Il ne faut donc pas s'attendre à un nombre élevé de déclarations de la part des candidats. Lors de campagnes menées en vue d'une votation et d'une récolte de signatures, les dépenses varieront en fonction du nombre d'objets soumis au vote, de l'intensité des débats et du nombre ou du type d'acteurs engagés35. La mise en place et l'exploitation de l'autorité compétente nécessiteront éventuellement du personnel supplémentaire. Il n'est toutefois pas possible d'estimer à l'heure actuelle quel investissement sera nécessaire.

L'adoption de nouvelles normes pénales entraîne par définition de nouvelles procédures pénales potentielles. Ces procédures ne devraient toutefois entraîner que des charges supplémentaires limitées pour les autorités cantonales de poursuite pénale.

Les ressources disponibles actuellement suffiront pour accomplir les tâches supplémentaires. Les obligations de déclarer et l'interdiction des libéralités anonymes et de l'étranger constituent un domaine bien délimité sur le plan matériel. La mise en 34 35

Selects ­ FORS, Georg Lutz, Eidgenössische Wahlen 2015 ­ Wahlteilnahme und Wahlentscheid, p. 61 ss.

Cf. Michael Hermann, Das politische Profil des Geldes, Zurich 2012, p. 36 (disponible à l'adresse: www.dfjp.admin.ch > Actualité > News > 2012 > Étude sur le financement des élections et des votations (consulté le 15 février 2019).

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oeuvre des normes pénales n'a, pour la Confédération, pas de conséquences financières ni de conséquences sur le personnel.

Du point de vue actuel, le projet n'a pas de conséquences financières pour les cantons.

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Bases juridiques

Le projet de loi se fonde sur l'art. 39, al. 1, en relation avec l'art. 34, al. 1 et 2, Cst.

Selon la première disposition, la Confédération règle l'exercice des droits politiques au niveau fédéral; aux termes de la seconde, les droits politiques sont garantis et cette garantie protège la libre formation de l'opinion des citoyens et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Les modifications proposées par l'avant-projet visent à instaurer une obligation de déclarer le financement des partis politiques et d'autres acteurs oeuvrant au niveau fédéral. Cette transparence sert à l'information des électeurs et plus spécifiquement à la libre formation de l'opinion (art. 34, al. 2, Cst.).

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