18.083 Message relatif à l'approbation de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique et sa mise en oeuvre (modification de la loi sur le transfert des biens culturels et de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse) du 30 novembre 2018

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, avec le projet d'une modification de la loi sur le transfert des biens culturels et de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 novembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-2151

461

Condensé La convention de l'UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique est un instrument efficace pour lutter contre le pillage et l'exploitation dont le patrimoine culturel subaquatique fait toujours plus l'objet à l'échelle mondiale et pour garantir la protection de ce patrimoine. Les bases institutionnelles et légales, de même que les instruments de mise en oeuvre de la Confédération et des cantons, tiennent déjà largement compte des exigences de la convention. Seules de légères adaptations de la loi sur le transfert des biens culturels et de la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse sont requises. Dans l'immédiat, la convention ne nécessite pas de ressources supplémentaires.

Contexte Les mers et les eaux intérieures renferment d'innombrables témoignages de l'histoire humaine, tels que des paysages humanisés, des habitats, des sanctuaires et des ports engloutis, ou des épaves.

Ces vestiges représentent un patrimoine culturel de grande valeur. Il faut, autant que possible, protéger celui-ci et le transmettre intact aux générations futures. Or ce patrimoine est de plus en plus menacé par le pillage et par de nouvelles formes d'exploitation économique. A cela s'ajoute un vide juridique en ce qui concerne les océans: mis à part les régions côtières, qui relèvent de la souveraineté de l'Etat riverain, il n'y avait pas jusqu'ici de protection juridique efficace.

Constatant cette évolution, l'UNESCO a élaboré en 2001 une convention sur la protection du patrimoine subaquatique. Cette convention est en vigueur depuis octobre 2009. A ce jour, 60 Etats y ont adhéré, parmi lesquels la Belgique, la France, l'Italie, le Portugal et l'Espagne.

Une ratification par la Suisse serait un moyen de valoriser et d'étendre la collaboration institutionnelle internationale dans le domaine du patrimoine culturel. La Suisse témoignerait ainsi de l'importance qu'elle accorde à la protection du patrimoine archéologique et à la lutte contre son commerce illicite.

Contenu du projet La convention concrétise la protection du patrimoine culturel subaquatique, explicitement prévue par la convention sur le droit de la mer, et règle sa mise en oeuvre.

Pour la première fois, elle établit, pour la haute mer, des règles spécifiques de droit international public pour la gestion du
patrimoine culturel subaquatique et autorise des interventions concrètes en cas de menace.

La ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique est aussi importante pour un pays sans accès à la mer comme la Suisse. Pour ce qui concerne le patrimoine culturel englouti dans les océans, la Suisse devra veiller à ce que les navires battant pavillon suisse n'y portent pas atteinte et décla-

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rent leurs éventuelles découvertes. Cela nécessite une modification de la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse.

La Suisse sera également tenue d'empêcher sur son territoire le commerce d'objets obtenus par des moyens illicites au sens de la convention. Cela peut se faire par une adaptation de la loi sur le transfert des biens culturels.

En outre, en tant qu'Etat partie, la Suisse garantira qu'elle agit avec ménagement et en pleine conscience de ses responsabilités envers le patrimoine culturel subaquatique de ses eaux intérieures. Il n'en résultera pour elle aucune nécessité de prendre des mesures immédiates, car les législations en vigueur sur le plan fédéral et sur le plan cantonal offrent déjà une protection suffisante du patrimoine archéologique de nos lacs et cours d'eau.

En tant qu'Etat partie, la Suisse devra échanger des informations relatives au patrimoine culturel subaquatique avec les autres Etats signataires et avec l'UNESCO, sensibiliser le public à la valeur de ce patrimoine et, dans les limites de ses possibilités, favoriser l'enseignement spécialisé de l'archéologie subaquatique.

Le pillage des sites du patrimoine culturel subaquatique et le commerce illicite d'objets qui en proviennent vont en s'amplifiant. La convention est un moyen de lutte efficace contre ces infractions. En la ratifiant, la Suisse pourrait donner plus d'envergure à son action contre le transfert illicite de biens culturels et soutenir la communauté internationale dans la lutte contre les organisations criminelles. Elle montrerait ainsi clairement qu'elle n'est pas une plaque tournante du commerce illicite.

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Message 1

Présentation de la convention

1.1

Contexte

Une part importante du patrimoine culturel de l'humanité se trouve en dessous de la surface des eaux. Il s'agit en Suisse, d'une part, des célèbres stations littorales du néolithique et de l'âge du bronze, qui depuis 2011 sont inscrites dans la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO parmi les «Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes», et, d'autre part, de nombreux autres sites dans les lacs, cours d'eau, sources et marais du pays, qui recèlent des habitats, des sanctuaires, des installations portuaires, des ponts, des barques ou des bateaux, et de nombreux autres vestiges d'époque préhistorique, romaine, médiévale ou moderne. Dans les océans, le nombre de sites est estimé à trois millions1.

Le patrimoine culturel subaquatique est d'une grande valeur. Il témoigne de longues périodes de l'histoire humaine, qui dans certains cas s'étendent sur plusieurs millénaires. Le fait que ces objets se trouvent sous les eaux peut avoir des effets positifs sur leur état de conservation: les matériaux organiques notamment, comme les textiles et le bois, se conservent nettement mieux dans l'eau que sur terre.

Aujourd'hui cependant, le patrimoine culturel subaquatique est de plus en plus menacé. L'exploitation croissante des cours et étendues d'eau et des rivages à des fins économiques met en péril le patrimoine culturel qui s'y trouve. De plus, les progrès techniques ont considérablement facilité la localisation et le repêchage d'objets précieux.

Le patrimoine culturel au fond des océans est également menacé par des lacunes juridiques qui le rendent vulnérable. Au-delà des eaux territoriales, la mer ne relève plus que partiellement de la souveraineté des Etats, et la haute mer y échappe complètement; il n'y a donc pas d'Etat souverain qui pourrait ordonner une protection.

Pour les régions côtières, soumises à la souveraineté (dégressive) des Etats riverains, les législations nationales n'offrent souvent pas une protection suffisante.

Ces faits amènent à la conclusion que seule une convention internationale engageant les Etats peut protéger efficacement le patrimoine culturel subaquatique contre les dommages, la destruction et le pillage. Une telle convention doit notamment obliger les Etats signataires à interdire aux bâtiments naviguant sous leur pavillon national, ainsi qu'à leurs ressortissants,
toute atteinte au patrimoine culturel subaquatique.

L'UNESCO a élaboré une convention dans ce sens et l'a adoptée le 2 novembre 2001. Elle est entrée en vigueur le 2 janvier 2009 pour les Etats qui y avaient adhéré jusqu'alors. Le Conseil fédéral, par le présent message, propose de présenter les instruments de ratification de la Suisse.

1

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Chiffre officieux du Secrétariat général de l'UNESCO.

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1.2

Déroulement des négociations

La protection du patrimoine archéologique subaquatique fait depuis longtemps partie des préoccupations des Nations Unies. En 1956, l'UNESCO a édicté à l'intention des Etats membres une «recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques», ces principes étant applicables à l'intégralité des territoires nationaux, y compris la région côtière et les eaux territoriales (convention de Londres). Dans les années 70 et 80, le Conseil de l'Europe a fait diverses tentatives visant à renforcer la protection du patrimoine culturel subaquatique. En 1985, un projet de convention européenne a été présenté; il n'a toutefois pas eu de suite.

Au terme de plusieurs dizaines d'années de travail, les Nations Unies ont adopté la Convention du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer2. Deux articles (149 et 303) abordent la question de la protection du patrimoine culturel subaquatique, mais en termes très généraux et sans efficacité réelle.

L'absence manifeste de protection efficace du patrimoine culturel subaquatique a ensuite amené l'Association de droit international (International Law Association; ILA) à rédiger un projet de convention internationale. Dans le même temps, le Conseil de l'Europe a intensifié ses efforts dans le domaine de l'archéologie et adopté la Convention européenne du 16 janvier 1992 pour la protection du patrimoine archéologique (convention de La Vallette)3. Cette convention a eu à son tour une influence sur le travail de l'ILA. En 1994, l'ILA a adopté son projet de convention et l'a remis à l'UNESCO.

Durant cette même période, un groupe de travail du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) a défini des règles pour la gestion et la conservation des vestiges archéologiques subaquatiques. En automne 1996, l'Assemblée générale de l'ICOMOS a adopté ces règles sous la forme d'une charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique4.

En 1997, l'Assemblée générale de l'UNESCO a reconnu la nécessité d'inscrire la protection du patrimoine subaquatique dans une convention entre Etats; elle a chargé le Directeur général d'élaborer un projet et de le soumettre à un comité d'experts.

L'UNESCO a ensuite rédigé un projet sur la base de celui de l'ILA de 1994. Après trois ans de discussions approfondies
et de remaniements, de 1998 à 2001, l'Assemblée générale de l'UNESCO a adopté la convention le 2 novembre 2001, par 88 voix pour, 4 contre et 15 abstentions. La convention est entrée en vigueur en 2009 avec l'adhésion du vingtième Etat signataire.

2 3 4

RS 0.747.305.15 RS 0.440.5 Les règles de la charte ont été reprises presque textuellement dans l'annexe à la convention de 2001.

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1.3

Résultat des négociations

Par la convention de 2001, l'UNESCO a réussi à créer un instrument efficace de protection du patrimoine culturel subaquatique. Au début, il n'était pas sûr du tout qu'elle réunirait l'adhésion de suffisamment d'Etats pour pouvoir entrer en vigueur, mais elle n'a pas tardé à être largement acceptée. A ce jour, 60 Etats y ont adhéré.

Elle a été ratifiée par les Etats suivants: Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Antiguaet-Barbuda, Arabie saoudite, Argentine, Bahreïn, Barbade, Belgique, Bénin, Bolivie, Bosnie et Herzégovine, Bulgarie, Cambodge, Costa Rica, Croatie, Cuba, Egypte, Equateur, Espagne, France, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Hongrie, Iran, Italie, Jamaïque, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Lituanie, Madagascar, Maroc, Mexique, Micronésie, Monténégro, Namibie, Nigéria, Palestine, Panama, Paraguay, Portugal, République démocratique du Congo, Roumanie, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Slovaquie, Slovénie, Togo, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Ukraine5.

En 2001, certains Etats ont rejeté la convention ou se sont abstenus, considérant qu'elle entrerait en conflit avec la convention sur le droit de la mer et affaiblirait ses règles, mais ces craintes paraissent aujourd'hui dénuées de fondements. La France par exemple, qui n'avait pas approuvé la convention en 2001, y a adhéré en 2013.

D'autres Etats qui avaient d'abord adopté une position critique sont en train de préparer leur adhésion (Allemagne, Grande-Bretagne). Les effets de la convention sont tels aujourd'hui que même les Etats qui n'y ont pas adhéré ne peuvent plus l'ignorer.

1.4

Aperçu du contenu de la convention

La convention comprend un préambule et 35 articles. Elle est munie d'une annexe intitulée «Règles relatives aux interventions sur le patrimoine culturel subaquatique». Cette annexe, comme le prévoit l'art. 33 de la convention, fait intégralement partie de la convention.

La convention n'est pas directement applicable. Il incombe aux Etats parties de veiller à ce que leur droit national satisfasse aux obligations qui en découlent.

L'art. 1 de la convention donne des définitions. Le patrimoine culturel subaquatique faisant l'objet de la convention est compris dans un sens très large, incluant toutes les traces d'existence humaine immergées depuis 100 ans au moins. L'art. 2 fixe deux principes fondamentaux pour la gestion du patrimoine culturel subaquatique: autant que possible, il doit être conservé et protégé au lieu où il se trouve, et il est interdit de l'exploiter à des fins commerciales.

Aux art. 7 à 12, la convention définit dans le détail les compétences des Etats signataires et les règles qu'il leur incombe de fixer à propos des régions côtières et de la haute mer.

5

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Etat: 10 juillet 2018

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Les art. 14 à 21 contiennent des obligations générales pour les Etats signataires. Les Etats doivent empêcher l'entrée sur leur territoire et le commerce d'objets du patrimoine culturel subaquatique acquis illicitement; ils doivent également empêcher que leurs ressortissants ou les navires battant leur pavillon endommagent ou détruisent des biens culturels subaquatiques. Ils sont tenus d'imposer des sanctions pour les infractions aux mesures qu'ils ont prises aux fins de la mise en oeuvre de la convention, et doivent prévoir le moyen de saisir les biens culturels acquis illicitement.

Parmi les autres obligations incombant aux Etats signataires figurent encore le partage de l'information, la sensibilisation du public et l'encouragement de la formation à l'archéologie subaquatique.

Les autres dispositions concernent des questions d'organisation et les procédures de ratification et de modification de la convention.

La convention peut être dénoncée (art. 32).

1.5

Appréciation

La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique est un instrument efficace pour empêcher le pillage et l'exploitation dont le patrimoine culturel immergé fait toujours plus l'objet à l'échelle mondiale et pour garantir la protection de ce patrimoine. Elle comble une lacune dans les moyens à disposition de l'UNESCO pour la protection du patrimoine culturel et est reconnue comme une référence importante pour le droit international dans le domaine de l'archéologie subaquatique. Elle est applicable à tous les cours et étendues d'eau, même si elle se concentre principalement sur la protection du patrimoine culturel immergé dans les mers.

La convention concrétise la protection des biens culturels découverts dans la mer, explicitement prévue par la convention sur le droit de la mer et en règle la mise en oeuvre. Pour la première fois, elle établit, pour la haute mer, des règles spécifiques de droit international public pour la gestion du patrimoine culturel subaquatique et autorise des interventions concrètes en cas de menace.

En tant que pays sans accès à la mer, la Suisse est concernée à deux niveaux par les règles de la convention: au niveau national pour le patrimoine culturel de ses lacs, rivières, marais et sources et, au niveau international, pour les bâtiments battant pavillon suisse qui naviguent dans les eaux d'autres pays ou en eaux internationales, ainsi que pour le rôle de la Suisse dans le commerce international des biens culturels.

La Suisse jouit d'une grande renommée internationale dans le domaine de l'étude et de la conservation des artefacts subaquatiques. Elle est déjà associée à plusieurs formes de collaboration (par ex. dans le cadre du Swiss coordination group, en relation avec l'ensemble transnational des «Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes» inscrits au Patrimoine mondial, ou par sa participation régulière aux congrès internationaux sur l'archéologie subaquatique IKUWA) et peut donc apporter une contribution essentielle aux discussions scientifiques de niveau international, à l'instauration de bonnes pratiques et aux débats sur la bonne gouvernance. En 467

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même temps, l'institutionnalisation des échanges prévue par la convention pourrait donner des impulsions importantes à la recherche, à l'innovation dans les mesures de conservation et à la coordination en Suisse. La ratification permettrait de confirmer et de consolider à l'échelle internationale l'engagement et la renommée de la recherche suisse dans ce domaine. La préservation du patrimoine culturel subaquatique est nécessaire dans les océans, mais aussi dans les eaux intérieures. Dans les conditions créées par la convention, la Suisse pourrait établir des règles bilatérales ou régionales et multilatérales sur la gestion du patrimoine culturel subaquatique de ses lacs frontaliers.

Au niveau national, la ratification de la convention peut aussi favoriser la sensibilisation d'un large public à la fragilité du patrimoine culturel subaquatique et à son importance pour la société actuelle. En Suisse aussi, les menaces qui pèsent sur les sites subaquatiques s'aggravent constamment. Des mesures de sensibilisation sont donc toujours plus nécessaires.

Au niveau international, une ratification de la convention montrerait que la Suisse prend au sérieux sa responsabilité envers le patrimoine culturel de l'humanité et s'emploie activement à sa protection, à la mise en oeuvre de stratégies durables de conservation, à la définition de normes internationales et à la collaboration multilatérale. La Suisse soutient résolument la politique de l'UNESCO en matière de patrimoine culturel et elle a signé jusqu'ici toutes les conventions de l'UNESCO dans ce domaine. Elle participe en outre à la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par l'ONU en 2015. Or l'objectif 11.4 de cet agenda prévoit une intensification des efforts de protection et de préservation du patrimoine culturel mondial. La ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique s'inscrit dans la suite logique de cette politique et correspond aux objectifs de politique étrangère du Conseil fédéral.

Le pillage des sites du patrimoine culturel subaquatique et le commerce d'objets qui en proviennent vont en s'amplifiant. La convention est un moyen de lutte efficace contre le pillage et le commerce illicite du patrimoine culturel. En la ratifiant, la Suisse pourrait donner plus d'envergure à son
action contre le transfert illicite de biens culturels et soutenir la communauté internationale dans la lutte contre les organisations criminelles. Elle montrerait ainsi clairement qu'elle n'est pas une plaque tournante du commerce illicite.

1.6

Résultats de la consultation

Le Département fédéral de l'intérieur (DFI), sur mandat du Conseil fédéral, a ouvert la consultation concernant la ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique le 8 novembre 2017. La procédure était ouverte jusqu'au 14 mars 2018 et le DFI a reçu 46 réponses au total. Une nette majorité approuve clairement la ratification6.

6

468

Les documents mis en consultation et le rapport sur le résultat de celle-ci sont disponibles sous www.droitfédéral.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFI.

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A l'exception du canton de Schwyz, tous les cantons se rallient aux objectifs, principes et contenus de la convention et se prononcent en faveur de la ratification. Ils approuvent les modifications proposées de la loi du 20 juin 2003 sur le transfert des biens culturels (LTBC)7 et de la loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse8 (loi sur la navigation maritime) et soulignent que la protection du patrimoine culturel en eaux intérieures est un aspect important de la convention. En ce qui concerne le territoire suisse, ils sont d'avis, comme le Conseil fédéral, que la ratification n'entraînera pas de nécessité de légiférer et que les instruments actuels suffisent à garantir la protection du patrimoine culturel subaquatique.

A propos de la modification de la loi sur la navigation maritime, le canton de BâleVille demande des détails sur la mise en oeuvre de l'obligation de déclaration, des sanctions et de la formation des capitaines et des équipages.

Le canton de Vaud regrette l'absence d'explications du Conseil fédéral sur les modalités de la collaboration internationale en matière de formation des spécialistes.

Les cantons de Fribourg, de Neuchâtel et du Valais jugent que la convention ne peut être ratifiée que si la Confédération consacre davantage de moyens à sa mise en oeuvre.

Le canton de Schwyz rejette la ratification parce que la plupart des objectifs sont déjà concrétisés en Suisse et qu'il est impossible de prévoir l'évolution du droit supranational.

Le PDC, le PLR, les Verts et le PS appuient la proposition du Conseil fédéral et sont convaincus que la convention conduira à une protection efficace du patrimoine culturel subaquatique. L'UDC rejette explicitement la ratification de la convention, car, à son avis, celle-ci introduirait en Suisse des dispositions et des règlements internationaux sans utilité évidente.

L'Union des villes suisses soutient la ratification de la convention par la Suisse. Le Centre patronal et l'Union suisse des arts et métiers rejettent la ratification.

Tous les autres avis proviennent d'organisations, associations et instituts de recherche des domaines de l'archéologie et du patrimoine culturel. Ils soulignent unanimement l'importance que revêt la convention et approuvent sa ratification.

En fonction des résultats de la consultation, le message a été modifié sur les points suivants:

7 8

­

Des explications plus concrètes ont été fournies à propos de la mise en oeuvre de l'obligation de déclaration dans le domaine de la navigation maritime et de la formation des capitaines et des équipages (voir ch. 3.2 et 4.1).

­

Les explications concernant la recherche, l'enseignement et les échanges internationaux ont été développées (voir ch. 2, commentaire de l'art. 21).

­

Les mesures d'encouragement de la Confédération en faveur des travaux de recherche et de documentation relatifs aux sites archéologiques, de la conRS 444.1 RS 747.30

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servation de ces sites et de l'enseignement universitaire et de la recherche fondamentale en archéologie ont été présentées de façon synthétique (voir ch. 4.1).

2

Commentaire des dispositions de la convention

Préambule Le préambule rappelle les raisons qui ont motivé la convention. Le patrimoine culturel subaquatique fait partie du patrimoine culturel de l'humanité. Il est menacé à la fois par une gestion inappropriée dans le cadre d'activités licites et par le pillage, dont le but est de faire commerce des objets ainsi prélevés. La convention entend créer une base pour obliger les Etats, les organisations internationales, les institutions scientifiques, les organisations professionnelles et le public à protéger et à ménager ce patrimoine.

Art. 1

Définitions

L'art. 1 contient plusieurs définitions. La notion essentielle est celle de «patrimoine culturel subaquatique». Sa définition est très large. Elle comprend «toutes les traces d'existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins». Les objets ainsi définis font partie du patrimoine culturel subaquatique, indépendamment de toute considération matérielle ou esthétique. Ce patrimoine inclut les éléments de tous genres, notamment les sites, bâtiments, objets et restes humains, les navires, les aéronefs et les autres véhicules avec leur cargaison ainsi que leur contexte archéologique et naturel.

Les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale sont nommés «Zone», conformément à la définition de la convention sur le droit de la mer.

Une annexe à la convention rassemble un certain nombre de Règles relatives aux interventions sur le patrimoine culturel subaquatique. Celles-ci font partie intégrante de la convention. Elles seront nommées ci-dessous «Règles au sens de l'art. 33».

Art. 2

Objectifs et principes généraux

La convention vise à renforcer la protection du patrimoine culturel subaquatique.

Cette protection se conforme à deux principes essentiels: ­

Les objets doivent autant que possible être conservés in situ, c'est-à-dire là où ils ont été découverts.

­

Le patrimoine culturel subaquatique ne doit faire l'objet d'aucune exploitation commerciale.

L'art. 2 oblige les Etats parties à veiller à ce que les restes humains immergés soient dûment respectés. Les Etats sont en outre tenus d'accorder au public un accès responsable au patrimoine culturel subaquatique.

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Art. 3

Relation entre la présente Convention et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique et la convention des Nations Unies sur le droit de la mer sont deux documents indépendants l'un de l'autre. Chacune de ces conventions ne s'applique qu'aux Etats qui y ont adhéré. La Suisse est depuis mai 2009 Etat partie de la convention sur le droit de la mer.

La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique est interprétée et appliquée en parfaite conformité avec la convention sur le droit de la mer. Elle se réfère explicitement aux différentes zones délimitées par la convention sur le droit de la mer.

Art. 4

Relation avec le droit de l'assistance et le droit des trésors

Les moyens d'acquisition en propriété en vertu du droit de l'assistance ou du droit des trésors ne sont en principe pas applicables aux objets du patrimoine culturel subaquatique.

Art. 5

Activités ayant une incidence fortuite sur le patrimoine culturel subaquatique

La plupart des activités dans les eaux poursuivent un objectif propre (par ex. l'aménagement ou l'agrandissement d'un port) et ne sont donc pas dirigées sur le patrimoine culturel, mais elles peuvent provoquer des atteintes à ce patrimoine. L'art. 5 oblige les Etats à atténuer autant que possible les incidences négatives sur le patrimoine culturel.

Art. 6

Accords bilatéraux, régionaux ou autres accords multilatéraux

Les Etats signataires sont explicitement encouragés à conclure des accords bilatéraux, régionaux ou d'autres accords multilatéraux pour la préservation du patrimoine culturel subaquatique, ou à améliorer les accords existants. Tous ces accords ne doivent cependant ni abaisser le niveau de protection, ni affaiblir le caractère universel de la convention.

Remarques préliminaires sur les art. 7 à 12 Les Etats n'ont sur les mers que des droits souverains limités. Ces droits reviennent à l'Etat côtier, mais ils sont dégressifs en fonction de l'éloignement de la côte. Le droit maritime ­ notamment la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ­ définit les zones en question (eaux intérieures, eaux archipélagiques, mer territoriale, zone contiguë, zone économique exclusive, plateau continental et «Zone»). Aucun Etat ne jouit de droits souverains dans la «Zone» (pour une vue d'ensemble, cf. le message du 14 mai 2008 concernant la convention de l'ONU sur le droit de la mer9).

Dans ses art. 149 et 303, la convention sur le droit de la mer prévoit explicitement la protection du patrimoine culturel trouvé dans la mer et oblige les Etats parties à 9

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collaborer pour cette protection. La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique précise ces dispositions et en règle la mise en oeuvre. En conformité avec les droits dégressifs des Etats dans les zones maritimes définies cidessus, elle définit les différents droits et devoirs des Etats.

La Suisse, en tant qu'Etat sans accès à la mer, n'a a priori aucun droit souverain sur la mer. Tant que la convention établit des règles pour les secteurs maritimes qui se trouvent dans la juridiction (dégressive) des Etats côtiers, elle ne concerne guère la Suisse (sauf en cas de désignation comme Etat coordonnateur, voir à ce sujet les art. 10 et 12). La situation est totalement différente dans la «Zone» (haute mer), qui appartient à tous et où aucun Etat ne détient de droits territoriaux. Tout Etat y exerce cependant des droits souverains pour ce qui concerne ses ressortissants et les navires portant le pavillon national. Les règles que la convention établit pour la «Zone» ont donc la même validité pour tous les Etats signataires, y compris les Etats sans accès à la mer.

Art. 7

Patrimoine culturel subaquatique dans les eaux intérieures, les eaux archipélagiques et la mer territoriale

Les Etats côtiers ont la compétence exclusive de réglementer et d'autoriser des interventions sur le patrimoine culturel présent dans leurs eaux intérieures et leur mer territoriale. La convention se réfère ici aux «eaux intérieures» telles que définies à l'art. 8 de la convention sur le droit de la mer, soit «les eaux situées en deçà de la ligne de base de la mer territoriale».

Art. 8

Patrimoine culturel subaquatique dans la zone contiguë

L'Etat côtier a le droit de réglementer et d'autoriser des interventions sur le patrimoine culturel subaquatique présent dans cette zone. Mais cela doit se faire sans préjudice des art. 9 et 10 de la convention et de l'art. 303, par. 2, de la convention sur le droit de la mer.

Art. 9 et 10

Dispositions concernant la zone économique exclusive et le plateau continental

Dans la zone économique exclusive et dans le secteur du plateau continental, l'Etat côtier jouit de certains droits souverains au sens du droit maritime. La convention lui donne donc quelques droits préférentiels quant au patrimoine subaquatique présent dans ces zones. Cependant, il incombe à tous les Etats parties d'obliger leurs ressortissants et les navires battant leur pavillon national à déclarer la découverte d'éléments du patrimoine culturel subaquatique et toute intervention prévue sur ce patrimoine. Ces notifications doivent être adressées au Directeur général de l'UNESCO, qui les communique ensuite à tous les Etats signataires.

L'Etat dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental duquel se trouvent des biens culturels subaquatiques peut interdire toute intervention sur ce patrimoine pour empêcher une atteinte à ses droits souverains tels qu'ils sont reconnus par le droit maritime.

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En cas de découverte de patrimoine culturel subaquatique ou de projet d'intervention sur ce patrimoine, l'Etat côtier peut assumer la tâche d'«Etat coordonnateur» (s'il y renonce, un autre Etat peut s'en charger). L'Etat coordonnateur est autorisé à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher des atteintes au patrimoine culturel subaquatique. Il doit en informer et consulter les autres Etats qui ont fait savoir un intérêt particulier. L'art. 10, par. 6, prévoit expressément que l'Etat coordonnateur agit au nom des Etats parties dans leur ensemble et non dans son propre intérêt. Il ne peut non plus revendiquer un quelconque droit préférentiel non consacré par le droit maritime.

Art. 11 et 12

Patrimoine culturel subaquatique dans la «Zone»

La «Zone» désigne la partie de la mer qui n'est soumise à aucune souveraineté d'Etat. En conséquence, aucun Etat ne peut y édicter des règles de validité générale pour la protection du patrimoine culturel subaquatique. Cette protection ne peut s'obtenir qu'indirectement par l'obligation que les Etats imposent aux personnes vivant sous leur souveraineté ­ et notamment au personnel des navires battant pavillon national ­ de respecter ce patrimoine et de déclarer toute découverte. En vertu de l'art. 11, les Etats parties sont tenus d'édicter des prescriptions dans ce sens.

Les Etats parties doivent transmettre à l'UNESCO les déclarations qui leur sont adressées. L'art. 12 de la convention fixe la suite de la procédure. Le Directeur général de l'UNESCO informe les Etats parties, définit avec les Etats qui ont manifesté leur intérêt les modalités de la protection à mettre en oeuvre et les éventuelles interventions, et nomme un Etat coordonnateur.

Selon toute vraisemblance, les dispositions des art. 7 à 12 de la convention auront peu d'effets pour un Etat sans accès à la mer comme la Suisse. Il faut s'attendre seulement à quelques annonces de découverte. La Suisse peut également être invitée par l'UNESCO ou par un autre Etat partie à participer à la coordination des mesures de protection.

Pour satisfaire à l'obligation de déclaration et à l'obligation de ne pas faire prescrites par la convention, il est proposé de modifier la loi sur la navigation maritime (voir ch. 3.2).

Art. 13

Immunité souveraine

La convention dispense de l'obligation de déclaration au sens des art. 9 à 12 les navires et les aéronefs militaires ou gouvernementaux qui opèrent à des fins non commerciales. Les Etats doivent néanmoins veiller à ce que ces navires et ces aéronefs se conforment autant que possible aux dispositions desdits articles.

Art. 14 à 18

Mesures contre les dommages et atteintes au patrimoine culturel subaquatique et contre son commerce illicite; sanctions et saisie

Aux art. 14 à 16, la convention oblige les Etats parties à prendre des mesures contre les atteintes au patrimoine culturel subaquatique et contre le commerce illicite de ce patrimoine. L'art. 17 exige que des sanctions soient imposées pour toute infraction aux mesures prises conformément aux art. 14 à 16. L'art. 18 demande que des règles 473

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soient fixées pour procéder à la saisie des éléments du patrimoine culturel subaquatique récupérés d'une manière non conforme à la convention.

L'art. 14 traite de l'importation, du commerce et de l'appropriation illicites de biens culturels subaquatiques. Les dispositions de la convention vont dans le même sens que celles de la Convention de l'UNESCO du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels10 (convention de l'UNESCO de 1970). La Suisse a déjà créé l'instrument légal nécessaire à la mise en oeuvre de cette convention, à savoir la LTBC. Cet instrument servira aussi à la mise en oeuvre de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique; pour cette raison, le présent projet propose aussi une modification de la LTBC (voir ch. 3.1).

Les art. 15 et 16 demandent que des mesures soient prises contre les interventions sur le patrimoine culturel subaquatique contraires aux principes de la convention. Ils visent en particulier la destruction d'éléments du patrimoine subaquatique, les dommages qui leur sont occasionnés et les atteintes qui leur sont portées ainsi que le vol et le pillage.

Pour le territoire suisse, la législation fédérale et les législations cantonales en vigueur contiennent déjà les dispositions requises11. Dans le droit suisse, le patrimoine culturel subaquatique et le patrimoine archéologique sont mis sur un pied d'égalité.

Les obligations de la Confédération relatives à ces patrimoines sont fixées dans la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN)12 (préservation, pilotage au moyen d'un régime d'autorisations et octroi de contributions) et elles sont harmonisées avec les lois cantonales sur la protection des sites et des biens archéologiques. En vertu de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire13, les mesures de protection peuvent être inscrites dans les plans d'affectation. L'art. 17 prévoit notamment la création de zones à protéger pour les sites archéologiques et les monuments culturels. La loi fédérale du 3 octobre 1975 sur la navigation intérieure14 donne aux cantons la possibilité d'édicter des prescriptions particulières et donc celle d'interdire certaines zones à la navigation
(art. 25, al. 3).

Aux termes de l'art. 724 du code civil (CC)15, les objets archéologiques provenant de fouilles sur le territoire suisse ne peuvent être exploités commercialement. Le canton sur le territoire duquel ils ont été trouvés en acquiert la propriété (art. 724, al. 1). Ils ne peuvent être aliénés sans l'autorisation des autorités cantonales compétentes (art. 724, al. 1bis). Lorsqu'ils ont été exhumés ou aliénés illégalement, le canton concerné peut en tout temps exiger leur restitution16.

10 11

12 13 14 15 16

474

RS 0.444.1 Cf. message du 26 avril 1995 concernant les deux Conventions du Conseil de l'Europe sur la protection du patrimoine archéologique et architectural (Convention de Malte, Convention de Grenade); FF 1995 III 441 447.

RS 451 RS 700 RS 747.201 RS 210 Cf. message du 21 novembre 2001 relatif à la Convention de l'UNESCO de 1970 et la loi fédérale sur le transfert des biens culturels (LTBC), FF 2002 505 570.

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Avec l'art. 24, al. 1, let. c, LPN, la législation fédérale dispose d'une norme qui interdit de détruire ou d'endommager sérieusement «des antiquités enfouies qui offrent un intérêt scientifique». Or, les objets archéologiques appartiennent tout particulièrement à la catégorie des «antiquités enfouies qui offrent un intérêt scientifique» .

En Suisse, l'archéologie relève des cantons, qui sont dotés des services spécialisés nécessaires. Le patrimoine culturel subaquatique entre aussi dans leur sphère de compétence. Les législations cantonales approfondissent et précisent la législation fédérale sur la protection des sites archéologiques, l'utilisation des objets exhumés et les sanctions en cas d'infraction.

Le droit suisse contient déjà les dispositions nécessaires en matière de saisie d'éléments du patrimoine culturel subaquatique illégalement récupérés. Au niveau fédéral, elles se trouvent à l'art. 20 LTBC, aux art. 263 à 268 du code de procédure pénale (CPP)17 et dans les dispositions du code pénal (CP)18 relatives à la confiscation (art. 70).

Une modification de la loi sur la navigation maritime est proposée afin de satisfaire également aux exigences de la convention relatives au patrimoine culturel sousmarin. Les nouvelles dispositions doivent garantir que personne ne détruise ou n'endommage sérieusement des biens culturels subaquatiques depuis un navire suisse. Elles s'appliquent tant aux capitaines qu'aux équipages et aux passagers de tous les navires naviguant sous pavillon suisse, y compris les yachts et les embarcations de petite taille (voir ch. 3.2).

Le projet renonce à introduire de nouvelles dispositions pénales applicables aux ressortissants suisses se trouvant sur des territoires ou des bateaux étrangers. Dans cette situation, le droit du pays concerné est applicable. Si une action contre le patrimoine culturel subaquatique était commise dans un lieu où elle ne constitue pas un délit (par ex. sur un bateau relevant d'un Etat qui n'a pas ratifié la convention), une poursuite pénale en Suisse ne serait pas efficace, notamment parce qu'elle ne pourrait pas compter sur une coopération internationale et qu'elle rencontrerait de ce fait des difficultés pratiquement insurmontables en matière d'administration des preuves. Le projet renonce donc à introduire une nouvelle disposition pénale
visant principalement les actes commis à l'étranger par des ressortissants suisses au-delà de ce que permettent déjà les dispositions générales sur la personnalité active de l'art. 7, al. 1, CP.

Les modifications proposées de la LTBC (voir ch. 3.1) et de la loi sur la navigation maritime (voir ch. 3.2) combinées avec la législation en vigueur permettront de sanctionner les infractions à la convention comme celle-ci le requiert.

Art. 19

Collaboration et partage de l'information

Les Etats signataires de la convention s'engagent mutuellement à l'entraide judiciaire. Les art. 21 et 22 LTBC répondent déjà à cette obligation. Les Etats parties s'engagent également à la collaboration scientifique et au partage de l'information.

17 18

RS 312.0 RS 311.0

475

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Les rencontres périodiques du Conseil consultatif scientifique et technique (voir ch. 2, commentaire de l'art. 23) jouent un rôle important dans ce domaine.

Art. 20

Sensibilisation du public

Les Etats parties sont tenus de sensibiliser le public à la valeur et à l'intérêt du patrimoine culturel subaquatique et à l'importance que revêt sa protection. Plusieurs institutions et organisations sont déjà actives en Suisse dans ce domaine, notamment les services cantonaux d'archéologie, la Société suisse d'archéologie subaquatique (GSU), la Fédération suisse de sports subaquatiques (FSSS) et le groupe de plongeurs «Swiss Archeodivers», outre plusieurs associations régionales.

Art. 21

Formation à l'archéologie subaquatique

L'art. 21 prévoit que les Etats parties coopèrent en matière de formation, de techniques de conservation et de transferts de technologie. Au niveau international, dans le domaine de la recherche, de l'enseignement et du transfert des connaissances, d'importantes impulsions viennent de deux chaires UNESCO d'archéologie subaquatique, l'une à l'Université de Lisbonne (Portugal), l'autre à l'Université d'AixMarseille (France). L'UNESCO a aussi fondé en 2012 le réseau «UNITWIN Network for Underwater Archaeology» afin de promouvoir l'apparition dans ce domaine d'un système intégré de la recherche, de l'enseignement, de l'information et de la documentation19. Le Congrès international sur l'archéologie subaquatique (IKUWA)20, qui est organisé régulièrement depuis 1999 et représente un des principaux forums d'échange internationaux, est également placé sous le patronage de l'UNESCO et de la convention. Le Groupe international de coordination Palafittes (ICG) est un important réseau de collaboration internationale auquel participent tous les pays associés au sein du site du patrimoine mondial «Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes», soit la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie, la Slovénie et la France. Il encourage la coopération et la coordination transfrontalière des mesures de protection, de recherche et de mise en valeur du patrimoine archéologique subaquatique. Il met à la disposition des milieux intéressés des informations sur les bonnes pratiques dans le domaine.

Le haut niveau des activités de recherche et de conservation du patrimoine subaquatique menées en Suisse est reconnu internationalement. Les services cantonaux d'archéologie sont responsables des mesures de protection, de prévention, de récupération et de conservation. Les cantons abritant un grand nombre de sites archéologiques subaquatiques, tels que Berne, Fribourg, Genève, Neuchâtel, Vaud et Zurich, de même que la ville de Zurich, ont développé des compétences spécifiques dans le domaine et sont des sources d'informations pour les autres cantons. Le Musée national suisse, qui mène des activités de recherche sur la conservation, est un centre de compétences important dans le domaine de la conservation du bois humide et des objets provenant de sols humides.

19 20

476

www.underwaterarchaeology.net www.maritimearchaeology.com > Information > Conferences > IKUWA

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Les universités de Berne, Genève et Neuchâtel disposent d'instituts spécialisés dans les domaines de l'archéologie subaquatique ou de l'archéologie des stations littorales. Elles assurent ainsi dans ces disciplines un enseignement et une recherche de haut niveau et entretiennent des échanges scientifiques internationaux.

Art. 22 à 25

Mise en oeuvre et organisation

La convention oblige les Etats à créer des services chargés de la mise en oeuvre ou à les renforcer (art. 22). Cette organisation existe déjà en Suisse: ce sont d'une part les services compétents de l'Office fédéral de la culture et d'autre part les services archéologiques cantonaux. L'établissement et la mise à jour de l'inventaire du patrimoine culturel subaquatique présent dans les eaux intérieures ou déjà prélevé sont déjà prévus par les législations fédérale et cantonales en vigueur.

L'art. 23 règle l'organisation des autorités compétentes au sein de l'UNESCO. Le Conseil consultatif scientifique et technique pour la convention (Scientific and Technical Advisory Body, STAB) réunit actuellement douze experts élus par la Conférence des Etats parties. Son rôle est d'aider les Etats dans la mise en oeuvre de la convention.

L'art. 25 prévoit un mode de règlement pacifique des différends qui peuvent surgir entre les Etats parties quant à l'interprétation ou à l'application de la convention.

Art. 26 à 35

Dispositions finales

Les dispositions finales sont conformes au modèle appliqué dans les autres conventions de l'UNESCO. Elles ne nécessitent donc pas de commentaire particulier.

L'art. 26 prévoit que les Etats membres de l'UNESCO déposent leurs instruments de ratification auprès du Directeur général. La convention ne prévoit pas de signature préalable. Par le dépôt de leurs instruments de ratification, les Etats membres deviennent donc directement Etats parties à la convention, sans signature préalable.

Les art. 28 et 29 laissent aux Etats signataires la possibilité d'adapter l'application de la convention, dans des limites restreintes.

L'art. 28 prévoit que si un Etat veut étendre à ses eaux intérieures le champ d'application des Règles relatives aux interventions sur le patrimoine culturel subaquatique, jointes en annexe à la convention, il doit remettre une déclaration explicite dans ce sens.

Les Règles font partie intégrante de la convention, comme le précise explicitement l'art. 33. Elles ont pour objet la gestion pratique du patrimoine culturel subaquatique et fixent des exigences minimales pour les interventions d'archéologie subaquatique qui sont aujourd'hui très largement acceptées par la communauté internationale.

Elles décrivent également l'élaboration, le financement et l'exécution des projets ainsi que les compétences requises, et fournissent des directives sur le dépôt, la conservation et la documentation. L'UNESCO a édité un manuel pratique détaillé sur la manière d'appliquer les Règles au sens de l'art. 3321. Ces Règles constituent la 21

www.unesco.org > Themes > Protecting our heritage and fostering creativity > Publications > Manual for Activities directed at Underwater Cultural Heritage

477

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base scientifique pour les interventions inévitables sur des éléments du patrimoine culturel subaquatique et pour la collaboration internationale définie dans la convention.

Le Conseil fédéral propose de remettre une déclaration au sens de l'art. 28, c'est-àdire de déclarer les Règles également applicables aux eaux intérieures de la Suisse.

Ces Règles sont un élément essentiel de la convention et elles sont reconnues par les spécialistes; c'est agir dans l'intérêt du patrimoine que de s'y conformer non seulement dans le domaine maritime, mais aussi pour les eaux intérieures. La Suisse ne devrait pas pour autant prendre de nouvelles mesures. L'archéologie subaquatique suisse a un haut niveau de compétence reconnu internationalement et elle travaille déjà en conformité avec ces Règles. Celles-ci laissent la marge de manoeuvre nécessaire aux autorités et aux spécialistes. Si les cantons, qui sont en principe compétents en matière d'archéologie, ont besoin d'édicter d'autres dispositions en plus de ces Règles, ils ont la liberté de le faire dans leur législation.

En vertu de l'art. 29, un Etat partie peut exclure du champ d'application de la convention certaines parties de son territoire. Dans ce cas, il doit remettre une déclaration dans ce sens au moment de son adhésion. La déclaration doit expliquer les raisons de cette exclusion et l'Etat concerné doit s'efforcer de retirer cette déclaration aussi rapidement que possible. La Suisse n'a aucun motif de faire usage de cette disposition.

L'art. 32 règle les modalités du droit de dénonciation accordé à tous les Etats parties.

3

Présentation des actes de mise en oeuvre

3.1

Loi sur le transfert des biens culturels

3.1.1

Aperçu

Les art. 14 à 16 de la convention obligent les Etats parties à prévoir dans leur législation des mesures contre les violations de la convention. Les Etats doivent notamment empêcher l'entrée sur leur territoire, le commerce et la possession d'éléments du patrimoine culturel subaquatique acquis de manière illicite. Cet objectif est conforme à la convention de l'UNESCO de 1970, à laquelle la Suisse a adhéré en 2004.

Il faut constater que le droit suisse, pour ce qui concerne le patrimoine culturel du pays ­ donc en l'occurrence le patrimoine se trouvant dans les eaux intérieures de la Suisse ­ satisfait déjà à cette obligation par l'art. 724 CC et par les dispositions des législations cantonales.

Pour le patrimoine culturel qui se trouve dans les mers ou en est prélevé, la solution qui s'impose est d'adopter les règles et les mécanismes de la LTBC. C'est par cette loi que la Suisse met en application la convention de l'UNESCO de 1970.

478

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3.1.2

Nouvelle réglementation proposée

Pour étendre au patrimoine culturel subaquatique le champ d'application de la LTBC, il faut apporter deux modifications à la loi: ­

Dans le préambule, il faut mentionner que la loi est également édictée en exécution de la convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.

­

L'art. 2, al. 1, définit les biens culturels. Cette définition doit être étendue aux éléments du patrimoine culturel subaquatique au sens de la convention de 2001. Ceux-ci seront ainsi inclus dans le champ d'application de la loi.

3.1.3

Exposé des motifs et appréciation de la solution proposée

La solution proposée a pour avantage que la mise en oeuvre de la convention s'inscrit dans le cadre d'une réglementation existante et déjà appliquée avec succès.

La LTBC contient toutes les prescriptions nécessaires et prévoit des instruments de lutte contre l'exploitation commerciale des biens culturels acquis par vol ou par pillage. Lors de la promulgation de la loi, une organisation a été créée pour son exécution. Les autorités compétentes ont acquis depuis lors une expertise qui sera fort utile à la mise en oeuvre de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.

3.1.4 Art. 1

Commentaire de certaines dispositions de la loi sur le transfert des biens culturels Préambule

La modification précise que la loi vise également à la mise en oeuvre de la convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.

Art. 2

Définitions

La définition légale du terme «bien culturel» inclut désormais le patrimoine culturel subaquatique conformément à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. Par cette modification, les dispositions de la loi deviennent applicables au patrimoine culturel subaquatique.

La définition des «Etats parties», selon l'al. 3, doit rester inchangée et ne pas être étendue aux Etats qui ont adhéré à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. Dans la LTBC, ce terme a une fonction restrictive: il garantit que seuls des Etats qui ont déjà adhéré à la convention de l'UNESCO de 1970 peuvent conclure des accords bilatéraux avec la Suisse au sens de l'art. 7 LTBC et bénéficier d'aides financières conformément à l'art. 14, al. 1, let. b et c. Ces restrictions doivent être maintenues. Il faut éviter d'inclure dans le champ d'application 479

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des art. 7 et 14 de la LTBC des Etats qui n'ont adhéré qu'à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, mais non à la convention de 1970.

Cependant, comme presque tous les Etats qui ont adhéré à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique sont aussi signataires de la convention de 1970, cela n'aura guère d'incidences pratiques.

Art. 16

Devoir de diligence

Aucun changement n'est apporté à cette disposition. La notion de bien culturel provenant «de fouilles illicites» s'applique désormais aussi aux biens culturels prélevés illicitement des eaux.

Art. 33

Interdiction de la rétroactivité

L'interdiction de la rétroactivité conserve sa validité au regard de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. S'agissant d'objets du patrimoine culturel subaquatique, seules les acquisitions faites après l'entrée en vigueur de la convention seront donc soumises aux prescriptions de la LTBC.

3.2

Loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse

3.2.1

Aperçu

En vertu des art. 7 à 12 et 16 de la convention, les Etats parties sont tenus d'imposer aux navires battant pavillon national certaines obligations de déclaration et obligations de ne pas faire, et de leur interdire toute atteinte au patrimoine culturel subaquatique. Pour la Suisse, cela doit être réglé par la loi sur la navigation maritime.

3.2.2

Nouvelle réglementation proposée

Il est proposé d'ajouter à la loi sur la navigation maritime un nouveau titre (VIa) consacré au patrimoine culturel subaquatique et un nouvel art. 124a donnant les définitions nécessaires et prescrivant le comportement exigé.

Il sera ainsi interdit aux équipages et aux passagers des navires suisses de détruire ou d'endommager sérieusement des éléments du patrimoine culturel subaquatique. Ils auront en outre l'obligation de déclarer au capitaine du navire toute découverte d'éléments du patrimoine culturel subaquatique et tout projet d'intervention sur un tel élément. Le capitaine transmettra cette déclaration à l'Office suisse de la navigation maritime à Bâle, qui est l'interlocuteur de tous les bateaux naviguant sous le pavillon national. Cet office communiquera toute déclaration de ce type à l'Office fédéral de la culture.

Un nouvel article (151a) est également ajouté au titre VIII, «Dispositions pénales et disciplinaires», afin de sanctionner toute personne qui détruirait ou endommagerait sérieusement des biens du patrimoine culturel subaquatique. Lorsque le Parlement

480

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aura approuvé la ratification de la convention, ces nouvelles dispositions devront aussi être intégrées à l'ordonnance du 15 mars 1971 sur les yachts22.

3.2.3

Exposé des motifs et appréciation de la solution proposée

La solution proposée s'inscrit dans une procédure établie et dans la structure administrative existante; sa mise en oeuvre ne posera ainsi pas de problèmes.

3.2.4

Commentaire de certaines dispositions de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse

Remplacement d'une expression Conformément à la pratique actuelle, une unité administrative est désignée par son abréviation officielle quand elle est souvent nommée dans les actes. L'Office suisse de la navigation maritime est cité plus de 50 fois dans la loi sur la navigation maritime, et la présente révision est une bonne occasion d'introduire l'abréviation «OSNM».

Art. 8, al. 2 L'Office suisse de la navigation maritime est cité pour la première fois à l'art. 8, al. 2, raison pour laquelle son abréviation officielle «OSNM» est introduite ici entre parenthèses.

Titre VIa

Patrimoine culturel subaquatique

Art. 124a Cette disposition définit le patrimoine subaquatique au sens de la convention sur la protection du patrimoine subaquatique. En outre, elle fixe aux équipages et aux passagers des navires battant pavillon suisse certaines règles de comportement spécifiques à l'égard du patrimoine culturel subaquatique.

Les infractions consistant à «détruire» ou à «endommager sérieusement» un élément du patrimoine culturel subaquatique correspondent aux infractions définies dans la LPN. Elles incluent notamment le vol et le pillage. Le nouvel art. 151a prévoit des sanctions en cas d'infraction à l'art. 124a, al. 2. Les manquements au devoir de déclaration pourront être sanctionnés en vertu de l'art. 149 en vigueur.

22

RS 747.321.7

481

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Art. 151a Destruction d'éléments du patrimoine culturel subaquatique ou dommages sérieux L'art. 151a met en oeuvre les art. 16 et 17 de la convention en sanctionnant les personnes qui, intentionnellement, détruisent ou endommagent sérieusement des biens culturels subaquatiques ou leur portent atteinte.

La menace de sanction s'applique à toute personne agissant depuis un navire suisse, et donc non seulement aux capitaines et aux marins. La précision «sans autorisation» signifie que ­ comme toujours en archéologie ­ il peut se présenter des situations où le patrimoine culturel subaquatique est endommagé, voire détruit, licitement, par exemple pour l'aménagement d'installations répondant à un intérêt supérieur; dans ce cas, il n'y a pas d'infraction punissable. Les infractions commises à bord d'un bateau battant pavillon suisse (art. 15) sont poursuivies et sanctionnées par les autorités du canton de Bâle-Ville.

4

Conséquences de la convention et des actes de mise en oeuvre

4.1

Conséquences pour la Confédération

Avec les modifications proposées de la LTBC et de la loi sur la navigation maritime, les bases et les instruments de mise en oeuvre institutionnels et légaux de la Confédération tiendront compte des dispositions de la convention. Pour la mise en oeuvre concrète, il faut s'attendre à ce que l'Office fédéral de la culture doive traiter un certain nombre ­ tout à fait maîtrisable ­ de dossiers supplémentaires et à ce que l'OSNM doive fournir des prestations supplémentaires en matière de transmission d'informations. Les ressources existantes suffisent pour ces nouvelles tâches.

Des échanges institutionnalisés dans le cadre de la convention, on peut attendre des impulsions importantes pour la recherche, les mesures de conservation et la coordination en Suisse. Aujourd'hui, la Confédération soutient déjà les mesures de conservation et d'entretien des sites archéologiques, les recherches archéologiques de terrain, les travaux d'archivage et l'analyse scientifique des sites et des trouvailles ainsi que les recherches et travaux de documentation portant sur le patrimoine culturel subaquatique, dans le cadre des aides financières octroyées dans le domaine du patrimoine culturel et des monuments historiques (au en vertu de l'art. 13 LPN).

La Confédération octroie en outre des contributions substantielles pour le financement du mandat de base des hautes écoles cantonales et d'autres institutions de recherche ainsi que pour l'encouragement de la recherche fondamentale, par l'intermédiaire du Fonds national suisse pour la recherche scientifique23.

Au niveau national, la ratification peut favoriser la sensibilisation du grand public à la fragilité du patrimoine culturel subaquatique et à son importance pour la société actuelle. C'est un moyen de prévenir les menaces croissantes qui pèsent également 23

482

Message du 24 février 2016 relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche et de l'innovation pendant les années 2017 à 2020; FF 2016 2917.

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sur les sites suisses. Dans le cadre de ses activités actuelles dans le domaine du patrimoine culturel et des monuments historiques, la Confédération peut (en vertu de l'art. 14a LPN) soutenir financièrement la production de moyens d'information et l'organisation de formations et de formations continues, ou assumer elle-même ces tâches. Il conviendra de définir des modèles de formation adaptés aux groupes cibles, en collaboration avec les services cantonaux concernés et les organisations partenaires. Le Commission suisse pour l'UNESCO a déjà proposé d'apporter son soutien pour cette tâche. On devra notamment informer les capitaines et les équipages des navires battant pavillon suisse de leur devoir de diligence et leur délivrer une formation leur permettant de s'en acquitter.

4.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Les cantons, les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne, ne devront ni légiférer, ni dégager des ressources supplémentaires. La convention peut être mise en oeuvre dans le cadre des activités courantes et selon les possibilités locales.

La convention permet en outre aux cantons de conclure des réglementations bilatérales ou régionales et multilatérales sur la gestion du patrimoine culturel subaquatique des lacs frontaliers, ce qui peut avoir pour effet d'améliorer la coordination des mesures de protection.

4.3

Conséquences économiques

Le patrimoine culturel dans son ensemble est déjà aujourd'hui un facteur économique essentiel qui contribue à l'attrait de la Suisse. En ce qui concerne le patrimoine culturel subaquatique, il faut mentionner notamment les stations littorales préhistoriques, qui valent à la Suisse une renommée mondiale.

4.4

Conséquences sociales

Il n'y a pas lieu de prévoir d'autres conséquences pour la société.

4.5

Conséquences environnementales

Les règles de protection prévues par la convention sont en accord avec les efforts de la Confédération et des cantons en faveur de la protection de la nature et du paysage.

483

FF 2019

4.6

Autres conséquences

Il n'y a pas d'autres conséquences à attendre.

5

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

5.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201924, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201925. En revanche, le message du 28 novembre 2014 concernant l'encouragement de la culture pour la période 2016 à 2020 (message culture)26 prévoyait l'examen, durant cette période, de l'intérêt d'une ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. Cet examen a maintenant été effectué et il a abouti au constat que la convention permet de mettre en oeuvre plusieurs objectifs et stratégies du Conseil fédéral (cf. ch. 5.2) figurant au programme de la législature 2015 à 2019. En outre, le Conseil fédéral est d'avis que l'approbation de la convention représenterait une contribution durable de la Suisse à l'Année européenne du patrimoine culturel, célébrée en 2018. Il serait donc judicieux qu'elle intervienne en ce moment.

5.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

L'adhésion à la convention est en accord avec plusieurs objectifs et stratégies du programme de la législature 2015 à 2019 et du message culture 2016 à 2020. Elle peut contribuer aux politiques fédérales en matière de patrimoine culturel. L'objectif 10 du programme de la législature27 propose que la Suisse poursuive son engagement en faveur de la durabilité économique, écologique et sociale, et soutienne une gouvernance internationale forte. De même, le message culture 2016 à 2020 prévoit de mettre l'accent sur la valorisation et le développement de la collaboration internationale institutionnelle.

La Suisse a ratifié jusqu'ici toutes les conventions de l'UNESCO qui la concernent.

Elle occupe dans cette institution une position très remarquée et est reconnue comme une partenaire dotée d'une grande expertise et résolument engagée en faveur des objectifs essentiels de la conservation du patrimoine. Son adhésion à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique lui donnerait l'occasion de renforcer cette position. La ratification de la convention valoriserait la collaboration institutionnelle et l'étendrait au domaine jusqu'ici négligé du patrimoine culturel

24 25 26 27

484

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 2015 461 559 FF 2016 981 1056 ss

FF 2019

subaquatique. Elle correspondrait ainsi à un des piliers centraux de la politique culturelle de la Suisse pour la période 2016 à 202028.

La convention permet de combattre systématiquement les destructions de biens culturels causées par le pillage et le commerce illicite; elle soutient ainsi la communauté internationale dans sa lutte contre les organisations criminelles de type terroriste. Celles-ci en effet se financent de plus en plus par le trafic de biens culturels. La convention apporte ici une contribution aux objectifs 14 et 16 du programme de la législature29.

L'Agenda 2030 pour le développement durable des Nations Unies, que la Suisse met en oeuvre par sa Stratégie pour le développement durable 2016 à 201930 inclut pour la première fois, de manière systématique, le patrimoine culturel dans les objectifs du développement durable. L'objectif 11.4 prévoit d'intensifier les efforts visant à préserver le patrimoine culturel matériel. L'adhésion à la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique pourrait faciliter considérablement la mise en oeuvre concrète de ce programme.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)31, qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst., confère à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, sauf si leur conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (voir art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)32; art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration33).

6.2

Forme de l'acte à adopter

6.2.1

Forme de la convention

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) ou s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Selon l'art. 22, al. 4, LParl, sont réputées fixant des règles de 28 29 30 31 32 33

FF 2015 461 558 FF 2016 981 1062 ss 1066 ss Résumé FF 2016 981 1073 ss et ibid. annexe 3, 1108 RS 101 RS 171.10 RS 172.010

485

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droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Les «dispositions importantes fixant des règles de droit» sont celles qui, dans le droit interne, à la lumière de l'art. 164, al. 1, Cst., devraient être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

La présente convention crée pour la première fois des règles internationales applicables en haute mer, destinées à régir de façon contraignante la gestion du patrimoine culturel subaquatique et donne des possibilités concrètes d'intervention en cas de menaces sur ce patrimoine. Elle interdit sa destruction et met en place une obligation de déclarer et des sanctions. La ratification de la convention entraîne la modification du droit en vigueur; il convient ainsi d'adapter la LTBC et la loi sur la navigation maritime.

Il résulte de ce qui précède que l'arrêté d'approbation de la convention est sujet au référendum au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

6.2.2

Forme de l'acte de mise en oeuvre

Aux termes de l'art. 141a, al. 2, Cst., lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, les modifications de lois liées à la mise en oeuvre du traité peuvent être intégrées à l'arrêté d'approbation. Les modifications proposées de la LTBC et de la loi sur la navigation maritime servent à la mise en oeuvre de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique et découlent directement des obligations que prévoit cette convention. Le projet de modification des deux lois fédérales peut donc être intégré à l'arrêté d'approbation.

6.3

Relation avec d'autres conventions

La convention de l'UNESCO sur la protection du patrimoine culturel subaquatique se réfère à plusieurs conventions dont la Suisse est partie signataire.

La convention de l'UNESCO de 1970 a pour but de protéger le patrimoine culturel matériel des peuples (notamment le patrimoine mobilier) contre l'appropriation et la commercialisation illicites en opposant des barrières à l'importation, à l'exportation et au commerce de ces biens. La Suisse a mis en oeuvre cette convention en promulguant la LTBC. La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique prévoit des mesures similaires, notamment à l'art. 14. Il y a lieu d'étendre au patrimoine culturel subaquatique la réglementation bien établie de la LTBC. Le présent projet le prévoit par la modification de loi proposée.

La Convention de l'UNESCO du 23 novembre 1972 pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (convention sur le patrimoine mondial)34 protège le patrimoine culturel et naturel de valeur universelle exceptionnelle, c'est-à-dire une petite sélection de l'ensemble du patrimoine culturel matériel. Des éléments de patrimoine immergés sont aussi concernés. C'est ainsi qu'en 2011, les principaux 34

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sites palafittiques préhistoriques ont été inscrits comme bien sériel dans la liste du Patrimoine culturel mondial. La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique suit un autre principe: elle s'applique à l'ensemble du patrimoine culturel qui se trouve sous l'eau depuis plus de 100 ans, sans fixer de critères qualitatifs. Elle prévoit cependant d'autres mécanismes de protection (obligation de déclaration, obligation de ne pas faire et devoir de coopération pour les Etats; obligation de mise en oeuvre dans les législations nationales). Ces deux conventions ont en commun de s'appliquer à l'échelle mondiale.

La convention de La Valette oblige les Etats signataires à protéger efficacement leur patrimoine archéologique par des moyens légaux. L'art. 1, al. 3, inclut explicitement dans le patrimoine archéologique à protéger les objets qui se situent sous les eaux.

Le champ d'application de la convention est toutefois limité au territoire relevant de la souveraineté des Etats parties. La convention de La Valette n'offre aucune protection dans les zones maritimes situées hors de ces territoires. La convention de l'UNESCO de 1970 apporte le complément indispensable en instituant un mécanisme de protection également pour le patrimoine culturel immergé dans la mer en dehors des zones soumises à une souveraineté d'Etat.

La convention des Nations Unies sur le droit de la mer a pour principal objet la définition et la délimitation des droits souverains en mer et la garantie d'une libre utilisation de la mer. Elle fixe également des objectifs en matière de protection de l'environnement et du patrimoine culturel et contient deux dispositions spécifiques sur le patrimoine culturel subaquatique. L'art. 149 prévoit que tous les objets de caractère archéologique ou historique trouvés dans la «Zone» (c'est-à-dire en haute mer) doivent être conservés ou utilisés dans l'intérêt de l'humanité tout entière.

L'art. 303 oblige les Etats parties à protéger les objets de caractère archéologique ou historique trouvés en mer. Ces deux dispositions laissent toutefois aux Etats parties une grande marge de mise en oeuvre; elles sont d'une efficacité douteuse. La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique comble cette lacune: elle reprend les obligations que la convention sur le droit
de la mer ne décrit qu'en termes généraux et les concrétise sous la forme d'un dispositif détaillé qui assure une protection efficace du patrimoine culturel.

La convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique ne contient aucun élément susceptible d'entrer en conflit avec d'autres obligations internationales de la Suisse.

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