Réhabilitation de personnes ayant aidé des fugitifs à fuir les persécutions nazies Rapport de la Commission de réhabilitation sur son activité pendant les années 2004 à 2008 du 2 mars 2009

2009-0868

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Rapport 1

Situation initiale

Au cours des deux dernières décennies, on a vu se multiplier les débats sur la politique d'asile de la Suisse et sur le refoulement des réfugiés à la frontière pendant la Seconde Guerre mondiale1. C'est pourquoi l'Assemblée fédérale a décidé, le 13 décembre 1996, de mettre sur pied une Commission indépendante d'experts chargée d'examiner sous l'angle historique et juridique l'étendue et le sort des biens placés en Suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale2. L'arrêté du Conseil fédéral du 19 décembre 1996 charge en particulier cette commission d'experts («Commission Bergier») d'apporter des éclaircissements sur l'importance de la politique menée face aux réfugiés dans le contexte des relations économiques et financières de la Suisse avec les puissances de l'Axe et les Alliés3.

Après la publication du rapport intermédiaire de la Commission Bergier en décembre 1999, le Conseil national a donné suite, le 14 décembre 2000, à une initiative parlementaire déposée par Paul Rechsteiner4, qui demandait la réhabilitation des personnes ayant sauvé des réfugiés ou lutté contre le national-socialisme et le fascisme5. Le 20 juin 2003, l'Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur l'annulation des jugements pénaux prononcés contre des personnes qui, à l'époque du nazisme, ont aidé des victimes des persécutions à fuir6 (ci-après: loi sur la réhabilitation).

Avec l'entrée en vigueur de la loi sur la réhabilitation le 1er janvier 2004 ont été annulés l'ensemble des jugements pénaux prononcés contre des personnes qui, à l'époque du nazisme, avaient aidé des victimes des persécutions à fuir7. Ces jugements pénaux sont en effet ressentis aujourd'hui comme une grave injustice, et leur annulation vise par conséquent à réparer les préjudices subis par les personnes ayant aidé des fugitifs8.

La loi sur la réhabilitation dispose que la Commission des grâces et des conflits de compétence de l'Assemblée fédérale (ci-après: commission) examine et constate, en tant que commission de réhabilitation9, si une personne a été réhabilitée au sens de

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Commission Indépendante d'Experts Suisse-Seconde Guerre mondiale: La Suisse et les réfugiés à l´époque du national-socialisme, Berne 1999, chapitre 1.

Arrêté fédéral du 13 décembre 1996 concernant les recherches historiques et juridiques sur le sort des avoirs ayant abouti en Suisse à la suite de l'avènement du régime nationalsocialiste (RO 1996 3487).

Arrêté fédéral du 19 décembre 1996 intitulé «Recherches historiques et juridiques sur le sort des avoirs ayant abouti en Suisse à la suite de l'avènement du régime nationalsocialiste: travaux de la Commission Indépendante d'Experts». (non publié; art. 2.1.2, al. 2).

Bulletin officiel 2000 N 1590 99.464 Initiative parlementaire Paul Rechsteiner du 22 décembre 1999. Réhabilitation des personnes ayant sauvé des réfugiés ou lutté contre le nazisme et le fascisme. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 octobre 2002 (FF 2002 7226); avis du Conseil fédéral du 9 décembre 2002 (FF 2003 440).

RS 371 Art. 3 de la loi sur la réhabilitation.

Art. 1, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

Art. 6, al. 1, de la loi sur la réhabilitation; art. 40 de la loi sur le Parlement (RS 171.10)

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la loi et, le cas échéant, publie la décision de manière appropriée10. Le mandat de la commission prend fin au 31 décembre 200811; elle peut toutefois entrer en matière sur des demandes déposées le 31 décembre 2011 au plus tard12.

Le présent rapport, que la commission soumet dans le délai de cinq ans fixé par le législateur, rend compte à l'Assemblée fédérale et au public de l'activité de la commission. Celle-ci y présente notamment les demandes qu'elle a examinées et les cas qu'elle a identifiés grâce aux recherches qu'elle a effectuées d'office, ainsi que ses décisions.

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Mandat de la commission

Avec l'entrée en vigueur le 1er janvier 2004 de la loi sur la réhabilitation, tous les jugements pénaux prononcés par la justice militaire et les tribunaux pénaux de la Confédération et des cantons contre des personnes ayant aidé des fugitifs à l'époque du nazisme, ont été annulés. Toutes les personnes concernées par ces jugements ont ainsi été réhabilitées de plein droit. La commission était chargée de constater, soit à la demande d'une personne ou d'une organisation, soit d'office, la réhabilitation de ces personnes en prononçant une décision en constatation13.

Concrètement, la commission devait examiner si des personnes qui, à l'époque du nazisme, avaient aidé des victimes de persécutions à fuir ou hébergé des fugitifs sans les annoncer aux autorités14, avaient fait l'objet d'un jugement pénal au sens de la loi sur la réhabilitation. Dans l'affirmative, la commission devait constater l'annulation de ce jugement et publier le dispositif de la décision de manière appropriée.

La loi prévoit que la procédure devant la Commission de réhabilitation est gratuite et que ses décisions sont sans appel15.

La commission avait par ailleurs décidé de ne pas entrer en matière sur demande uniquement, mais aussi d'entreprendre des recherches de sa propre initiative. Elle a ainsi consacré une partie importante de son activité à constater des réhabilitations d'office16. A cet effet, la commission a examiné les actes des tribunaux militaires et, lorsqu'il y en avait, les jugements prononcés pour aide à la fuite durant la période commençant à l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil fédéral du 25 septembre 1942 modifiant l'arrêté du 13 décembre 1940 relatif à la fermeture partielle de la frontière (ci-après: ACF du 25 septembre 1942)17, dans lequel sont définis les éléments constitutifs d'une aide à la fuite, et s'achevant à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces investigations augmentent les chances de découvrir des cas inconnus aussi bien des historiens et des organisations que des descendants de personnes ayant aidé des fugitifs.

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Art. 6, al. 2, et art. 11, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

En vertu de l'art. 8, al. 1, de la loi sur la réhabilitation, la commission peut traiter des demandes déposées dans les cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Art. 8, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

Art. 6, al. 1, de la loi sur la réhabilitation.

Art. 6, al. 1, de la loi sur la réhabilitation; rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 octobre 2002, FF 2002 7226.

Art. 11 de la loi sur la réhabilitation; cf. ch. 5.4.

Art. 6, al. 1, de la loi sur la réhabilitation.

RO 58 (1942) 895

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3

Aperçu des décisions de réhabilitation

En appliquant la loi sur la réhabilitation, la commission a pu s'apercevoir que le profil des personnes ayant aidé des fugitifs, la nature de l'aide qu'elles leur ont fournie ainsi que les raisons qui ont motivé leurs actes variaient considérablement d'un cas à l'autre. En portant secours à des fugitifs, ces personnes ont fait preuve d'une remarquable ingéniosité en sachant s'adapter au contexte politique, policier et militaire de l'époque et aux menaces dues à la situation à l'étranger. Compte tenu de la diversité extraordinaire des situations concernées, on se bornera à en donner ci-après un aperçu.

3.1

Origine, nationalité et motivations des personnes ayant aidé des fugitifs

L'hostilité croissante dont ont notamment été victimes les juifs en Allemagne durant la période d'avant-guerre a poussé ces derniers à émigrer vers des pays pas ou peu influencés par l'idéologie national-socialiste. Les pays voisins de l'Allemagne ont dans un premier temps restreint l'admission des réfugiés en exigeant un visa d'entrée. En Suisse, une obligation de visa pour les «non-aryens allemands» a été introduite par l'arrêté du Conseil fédéral du 4 octobre 1938 relatif au contrôle des entrées des réfugiés en provenance d'Allemagne18. L'arrêté du Conseil fédéral du 5 septembre 1939 concernant l'entrée et la déclaration d'arrivée des étrangers19 instituant l'obligation du visa pour tous les étrangers désirant entrer en Suisse ou traverser son territoire a rendu encore plus difficile l'émigration des personnes persécutées en Allemagne. Après le début de la guerre et la fermeture partielle des frontières destinée à compliquer ou à empêcher l'entrée en Suisse, les réseaux de relations privés ont joué un rôle de plus en plus important dans l'aide aux fugitifs: les relations que ces hommes et ces femmes entretenaient avec leurs proches, les liens qu'ils tissaient grâce à leurs relations de travail, d'affaires ou de propriété ainsi que leur appartenance à des groupements politiques ou à des communautés religieuses représentaient autant de possibilités d'entrer en contact avec des passeurs susceptibles de les aider à entrer illégalement dans le pays. Du dépouillement des documents de l'époque (procès-verbaux d'interrogatoire, rapports de police et décisions de justice), il ressort ce qui suit:

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Origine sociale: parmi les personnes ayant aidé des fugitifs figurent des représentants de tous horizons socio-professionnels: des chômeurs, des juristes, des médecins, des paysans, des pêcheurs professionnels, des douaniers, des soldats, des commerçants et des personnes qui, pour des raisons professionnelles, avaient des contacts avec des fugitifs ou avec des passeurs ou avaient la possibilité de traverser la frontière en toute légalité.

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Nationalité: les personnes ayant aidé des fugitifs étaient de diverses nationalités. Parmi elles figuraient: des étrangers résidant en Suisse, d'anciens fugitifs souhaitant porter secours à des membres de leur famille et à des connaisArchives fédérales, Documents diplomatiques suisses, vol. 12, numéro de document 416, 4 octobre 1938, p. 944, numéro de référence 60 005 764.

Non publié; mentionné dans «La politique pratiquée par la Suisse à l'égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955», Rapport adressé au Conseil fédéral à l'intention des conseils législatifs par le professeur Carl Ludwig, Bâle, 1957.

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sances, des citoyens suisses, des apatrides contraints et souvent forcés par les autorités des pays voisins à quitter leur territoire et à entrer en Suisse en dehors des postes de douane officiels. La nationalité des 137 personnes dont la réhabilitation a été constatée par la commission était la suivante: suisse (59), française (34), italienne (24), apatride (6, anciennement de nationalité allemande ou autrichienne), polonaise (3), allemande (6, dont des Alsaciens20), tchèque (1), hongroise (1) et espagnole (1).

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Motivations: si de nombreuses personnes ayant aidé des fugitifs étaient motivées par des considérations humanitaires, quelques-unes ont agi par patriotisme. Certaines d'entre elles ont touché des sommes d'argent plus ou moins importantes en échange de leurs services. Dans certains cas, cet argent leur a été proposé par les fugitifs eux-mêmes. Dans d'autres cas, il constituait en revanche la motivation première21: eu égard au fort chômage qui régnait alors, certaines personnes ont en effet agi par intérêt, quand ce n'était pas par nécessité.

Certaines des personnes ayant aidé des fugitifs à entrer illégalement en Suisse ont agi à la demande des familles ou de connaissances des fugitifs déjà installées en Suisse. D'autres ont été sollicitées parce qu'elles étaient connues pour avoir déjà aidé des fugitifs à passer la frontière. D'autres encore ont spontanément aidé des fugitifs, alors qu'elles-mêmes s'apprêtaient à traverser illégalement la frontière, en leur indiquant le chemin à emprunter pour entrer clandestinement en Suisse. Par ailleurs, des contrebandiers ont mis à profit leur bonne connaissance des régions frontalières pour aider des fugitifs à franchir la «frontière verte». Enfin, les fugitifs ont souvent fait appel à des personnes qui possédaient des champs dans les pays voisins ­ comme certains paysans de Suisse orientale ­ et avaient donc la possibilité de traverser librement la frontière. Si ces personnes agissaient presque toujours seules, il existait également des groupes très organisés et quasi professionnels qui aidaient, de manière directe ou indirecte, les réfugiés à franchir clandestinement la frontière22.

3.2

Les différentes formes d'aide

Dans les affaires soumises à la commission, toutes les formes d'aide à la fuite sont représentées: aide active pour franchir illégalement la frontière (simple accompagnement jusqu'à la frontière ou depuis celle-ci, franchissement de la frontière vers la Suisse ou vers l'étranger), exercice d'un rôle d'intermédiaire entre les réfugiés et les passeurs, délivrance de passeports et de laissez-passer authentiques ou falsifiés et hébergement des fugitifs à leur arrivée dans le pays. Il arrivait que des contrebandiers rencontrent de manière fortuite des fugitifs sur les chemins secrets qu'ils empruntaient pour leur trafic et leur proposent leur aide. Une partie des personnes ayant aidé des fugitifs les guidaient uniquement à l'intérieur du pays; dans un des cas, un douanier a ignoré les instructions officielles et refusé de refouler un fugitif.

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Durant la Seconde Guerre mondiale, l'Alsace était occupée par les Allemands.

cf. Die Fluchthelfer von Diepoldsau, Hansjürg Zumstein, 1997, dans la série de documentaires «Spuren der Zeit», diffusés sur SF DRS (Biblio PD 9.29); à ce sujet voir CReha 04-21 Jakob Spirig et 04-26 Hans Weder.

CReha 04-35 Numa Etienne, 04-37 Blanche Girard et 04-38 Marius Girard.

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L'ensemble des décisions en constatation portent, selon la période à laquelle l'assistance aux fugitifs a été fournie, soit sur des jugements pénaux prononcés par des tribunaux des cantons frontaliers, soit sur des jugements prononcés par des tribunaux militaires sous la juridiction desquels se trouvaient certaines régions frontalières. Les réfugiés qui, après avoir franchi la frontière, étaient parvenus à pénétrer rapidement à l'intérieur du pays ne gardaient en principe pas de contact avec la personne qui les avait aidés; de manière générale, ils s'intégraient très rapidement à la population locale. Cela explique certainement le fait qu'aucune trace de jugements émanant de cantons non frontaliers n'ait été retrouvée.

3.3

Exemples concrets

Le franchissement illégal de la frontière ne se faisait pas uniquement par des chemins de traverse. Les passeurs faisaient preuve de beaucoup d'imagination. La plupart d'entre eux s'inspiraient de leur quotidien pour aider les fugitifs: pour les pêcheurs professionnels du Léman, la voie de fuite et le moyen de transport étaient tout désignés, de même que pour les contrebandiers habitant des régions montagneuses ou le Jura. Les autres improvisaient en mettant à profit leurs connaissances des lieux, des caractéristiques spécifiques de la région ou en exploitant les manquements des gardes-frontières. Les exemples suivants offrent un aperçu des différentes formes d'aide fournie aux fugitifs.

La première décision en constatation rendue par la commission concerne un cas quelque peu atypique au regard de la loi sur la réhabilitation: Entre 1942 et 1945, Aimée Stitelmann23, alors jeune étudiante, avait déjà aidé quinze enfants et plusieurs résistants à entrer en Suisse. Les faits rapportés dans le jugement du Tribunal territorial 1 du 11 juillet 1945 ne se réfèrent pas explicitement à cette aide à la fuite. Celui-ci fait en effet uniquement état d'une condamnation pour avoir aidé en mars 1945 à plusieurs reprises des fugitifs, qui s'étaient réfugiés en Suisse pour fuir le régime nazi, à passer la frontière vers la France. Arrêtée alors qu'elle-même franchissait illégalement la frontière vers la France, elle a été reconnue coupable d'aide à la fuite au sens large. Elle n'a pas été pénalement sanctionnée, mais condamnée à une peine disciplinaire de quinze jours d'arrêt.

Dans certains cas, c'était le hasard qui réunissait les personnes ayant aidé des fugitifs; dans d'autres, ces personnes s'alliaient parce que l'une disposait de connaissances ou de moyens de fuite particuliers. L'exemple suivant expose le cas de deux amis qui ont uni leurs forces pour venir en aide à deux fugitifs. Le premier souhaitait faire entrer des membres de sa famille illégalement en Suisse et le second disposait du matériel nécessaire pour mener à bien l'opération: Max Held24 a été condamné en octobre 1944 pour aide à la fuite. Il avait emprunté un bateau pliable à son ami Hans Althaus25 et traversé le Rhin, au niveau de Schweizerhalle, pour aller chercher sa soeur et son beau-frère sur la rive allemande et les ramener en Suisse. Hans Althaus avait accompagné Max Held jusqu'à la rive du Rhin pour l'aider à assembler le bateau.

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CReha 04-01 Aimée Stitelmann.

CReha 05-32 Max Held.

CReha 05-31 Hans Althaus.

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En règle générale passeurs et fugitifs évitaient les postes-frontières officiels. Il arrivait toutefois que certains fugitifs tentent de franchir la frontière à un poste officiel en présentant aux douaniers des papiers d'identité qui ne leur appartenaient pas ou en profitant de l'aide de passeurs qui détournaient l'attention des douaniers. C'est ainsi que Josef Schupp a fait entrer clandestinement deux personnes en Suisse: Josef Schupp26 a été reconnu coupable d'aide à la fuite en juin 1945. En octobre 1944, il a engagé une conversation avec un douanier allemand afin de détourner son attention et de permettre à son frère de passer illégalement la frontière. Peu après, il a caché sa belle-soeur dans une armoire et l'a fait entrer en Suisse au moyen d'un chariot à main. Malgré la fermeture des frontières, ils sont ainsi parvenus à sortir d'Allemagne. Une fois arrivé côté suisse, Josef Schupp a informé les douaniers de ce qu'il avait fait.

Porter secours aux fugitifs n'était pas sans risques, comme en témoigne cette expédition dont l'issue fut fatale à l'un des passeurs: Le 11 septembre 1942, Noël Moille27, pêcheur domicilié à l'époque à Thonon-lesBains, a fait traverser le lac Léman à quatre fugitifs juifs et les a conduits en Suisse avec l'aide de son neveu Léon. A leur arrivée, ils ont été interpellés par un douanier suisse. Le neveu fut abattu d'un coup de feu alors qu'il se précipitait sur ce dernier.

Malgré les dangers auxquels elles s'exposaient en s'aventurant dans les régions frontalières, les personnes ayant aidé des fugitifs agissaient souvent par altruisme.

Témoin ce passeur qui, après que le groupe de fugitifs qu'il conduisait vers la frontière a été séparé par l'intervention d'une patrouille allemande, s'est lancé à leur recherche: Le 7 novembre 1943, Edmond Chrzanowski et Stanislaw Opiela28, ressortissants Polonais alors domiciliés à Aix-les-Bains, ont conduit une famille juive suisse et une juive polonaise depuis la France jusqu'à la frontière suisse où ils sont tombés sur une patrouille allemande qui a ouvert le feu. Edmond Chrzanowski a fui en Suisse; Stanislaw Opiela, de son côté, a retrouvé les fugitifs et les a conduits en Suisse le lendemain matin.

Les civils ne sont pas les seuls à avoir porté secours à des fugitifs; des douaniers ont également aidés des fugitifs à franchir
les frontières, en ignorant délibérément les instructions officielles: En octobre 1942, alors qu'il était en service au poste de douane de La Louvière, Robert Matthey29, douanier suisse, a refusé de refouler une fugitive juive de nationalité autrichienne entrée illégalement sur le territoire suisse, alors qu'il avait reçu l'ordre de la renvoyer en France.

Les phases de la guerre en Europe se reflétaient dans les jugements des tribunaux.

Ainsi les peines prononcées au cours des premières années de conflit étaient en général plus sévères. Dans le cas ci-dessous datant de 1942 (et qui n'a pas fait l'objet d'une décision en constatation, puisqu'aucun jugement pénal n'avait été

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CReha 05-53 Josef Schupp.

CReha 04-39 Noël Moille.

CReha 06-37 Edmond Chrzanowski, 06-08 Stanislaw Opiela.

CReha 05-45 Robert Matthey.

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prononcé), il apparaît clairement que le tribunal s'est efforcé de minimiser un cas pourtant clair d'aide à la fuite: Les citoyens français F. et M. ont été arrêtés en automne 1942 près du Plateau d'Emosson en compagnie de deux fugitifs juifs de Marseille, lesquels ont été immédiatement renvoyés en France. Les deux fugitifs avaient menti à F. et M. en leur disant qu'ils effectuaient une randonnée vers Vallorcine (F). Ce n'est que lorsqu'ils réalisèrent que, aveuglés par un épais brouillard, ils avaient accidentellement pénétré sur territoire suisse et que F. proposa au groupe de rebrousser chemin, que les deux fugitifs avouèrent leur intention de fuir en Suisse. Ils promirent une récompense à F. et M. en échange de leur aide, ce que ces derniers acceptèrent. Reconnaissant que F. et M. n'étaient pas entrés intentionnellement en Suisse, le tribunal a considéré qu'aucune négligence ne pouvait leur être reprochée. En effet, au moment où ils se sont aperçus de leur méprise, et bien qu'ils aient poursuivi leur chemin en direction d'Emosson, ils avaient déjà franchi la frontière suisse. Ils ne pouvaient par conséquent plus être accusés d'avoir franchi illégalement la frontière et ont donc été acquittés.

4

L'interprétation de la loi sur la réhabilitation

En vertu de l'art. 11, al. 1, de la loi sur la réhabilitation, «la commission prend ses décisions selon les règles du droit et de l'équité et en tenant compte des circonstances du cas particulier». Cela signifie que la commission doit interpréter les différents termes juridiques non définis de la loi conformément à la volonté du législateur actuel; mais cela signifie aussi que, lorsqu'elle évalue chaque cas particulier, elle doit tenir compte de la signification que ces termes juridiques avaient avant et pendant la guerre, et de l'usage qui en était fait. Au cours de cette période, aussi bien les bases légales relatives à l'aide à la fuite que l'examen des éléments constitutifs par les tribunaux ont sensiblement évolué. Les éléments constitutifs d'une aide à la fuite n'ayant été définis qu'avec l'ACF du 25 septembre 194230, les cas d'aide à la fuite ont dû être recherchés en analysant non seulement le dispositif du jugement, mais aussi le contexte dans lequel le jugement a été prononcé.

Dès le premier cas sur lequel elle s'était penchée, la commission s'était demandé quelles personnes étaient visées par les termes «personne ayant aidé des fugitifs» et «fugitif». En outre, pour que la commission puisse mener à bien ses travaux, elle a dû délimiter plus précisément la période du «nazisme» et définir, parmi les jugements, lesquels étaient visés par la loi sur la réhabilitation. La commission a également dû fixer les détails de la procédure de constatation et déterminer qui pouvait déposer des demandes visant à faire constater l'annulation d'un jugement pénal.

La commission a dû interpréter chaque cas séparément, comme le montre la liste des problèmes d'interprétation soumise à la commission à sa séance du 1er février 2006: ­

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Les militaires italiens ou allemands, les prisonniers de guerre alliés ayant fui des camps étrangers et les personnes ayant fui pour se soustraire au travail forcé en Allemagne sont-ils considérés comme des fugitifs au sens de la loi sur la réhabilitation?

RO 58 (1942) 895

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­

Faut-il aussi prononcer une décision en constatation lorsqu'une personne a été condamnée uniquement pour son propre passage illégal de la frontière, même s'il a été prouvé qu'elle avait aidé des fugitifs?

­

Dans l'optique d'une décision en constatation, quelle importance faut-il donner aux autres infractions dont il a été tenu compte lorsque la peine a été fixée?

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Une réprimande peut-elle être assimilée à un jugement et faire l'objet d'une décision en constatation?

­

Le fait que la personne ayant aidé des fugitifs a une réputation douteuse ou a été condamnée pour d'autres infractions constitue-t-il une raison de ne pas publier un nom?

La commission a regroupé ci-dessous par thème ses décisions relatives aux problèmes d'interprétation:

4.1

L'aide à la fuite

La question de l'aide à la fuite s'est posée à partir du moment où les fugitifs n'ont plus été autorisés à entrer en Suisse, même aux postes-frontière officiels. A partir du printemps 1938, en effet, la Suisse a limité progressivement les possibilités d'entrer sur son territoire et a exigé un visa pour plusieurs catégories de réfugiés. La situation juridique a longtemps été floue: les passeurs ont été condamnés pour violation de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE)31.

Jusqu'à l'éclatement de la guerre, le 1er septembre 1939, il incombait aux cantons de statuer sur les cas d'aide à la fuite, conformément à la LSEE. Les 29 condamnations soumises à la commission provenant de cette période ont été prononcées par le Tribunal pénal du canton de Bâle-Ville, par le Tribunal de district d'Unterrheintal et par le Tribunal de district de Zurich32. Parmi ces cas, 17 concernent des personnes qui ont été condamnées pour avoir confié à des fugitifs des passeports valides ou des

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Abrogée le 1er janvier 2008 avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20). [RS 1 113; RO 1949 225, 1987 1665, 1988 332, 1990 1587 art. 3 al. 2, 1991 362 ch. II 11 1034 ch. III, 1995 146, 1999 1111 2253 2262 annexe ch. 1, 2000 1891 ch. IV 2, 2002 685 ch. I 1 701 ch. I 1 3988 annexe ch. 3, 2003 4557 annexe ch. II 2, 2004 1633 ch. I 1 4655 ch. I 1, 2005 5685 annexe ch. 2, 2006 979 art. 2 ch. 1 1931 art. 18 ch. 1 2197 annexe ch. 3 3459 annexe ch. 1 4745 annexe ch. 1, 2007 359 annexe ch. 1].

Jugements de 1938 et 1939 pour infraction à la LSEE du Tribunal pénal du canton de Bâle-Ville: CReha 04-06 Oskar Gablinger, 04-24 Adolf Studer, 04-32 Karl Fröhlich, 04-33 Ernst Müller; 08-01 Martha Bloch; 08-02 Rosa Wüst; 08-03 Emil Graf; 08-04 Walter Mollenkopf; 08-05 Amalie Kuttler; 08-06 Hanny Meury; 08-07 Maria Rohrer; 08-08 Martha Uehlinger; 08-09 Paul Uehlinger; du Tribunal de district d'Unterrheintal: CReha 04-09 Hermann Hutmacher, 04-20 Felix Sigismondi, 04-31 Josef Bell, 05-18 Jakob Hutter, 05-20 Emil Broger, 05-21 Eduard Hutter, 05-22 Jakob Spirig, 05-23 Ernst Bolliger, 05-24 Wilhelm Hutter, 05-25 Hermann Stalder, 05-26 Alexander Helg, 05-28 Rubin Markowitz, 05-29 Oskar Meier; du Tribunal de district de Zurich: CReha 07-02 Rosa Wessely, 07-03 Hermann Stern, 07-04 Marie Houdecek.

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laissez-passer authentiques ou falsifiés, afin qu'ils puissent franchir la frontière sans être inquiétés33.

Pendant la guerre, la justice ordinaire n'était plus compétente pour juger de tels cas.

L'arrêté du Conseil fédéral du 13 décembre 1940 relatif à la fermeture partielle de la frontière (ci-après: ACF du 13 décembre 1940)34 interdisait dès lors tout passage de la frontière en dehors des routes carrossables. En ce qui concerne les sanctions, l'art. 6 de cet arrêté renvoyait aux art. 107 et 108 du Code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)35 (désobéissance à des ordres généraux ou spéciaux). Les personnes aidant des fugitifs se rendaient coupables de complicité d'infraction à cet arrêté fédéral. La compétence pénale a ainsi été transmise à la justice militaire.

Les éléments constitutifs d'une «aide à la fuite» n'ont été définis qu'avec l'ACF du 25 septembre 194236 modifiant l'ACF du 13 décembre 194037 en son art. 3: en vertu de ce dernier, était dès lors punissable celui qui pénétrait dans le pays ou le quittait au mépris des mesures du contrôle frontière suisse ou qui prenait des dispositions à cet effet ou aidait à préparer une entrée ou une sortie illicite. Ainsi, à partir du 28 septembre 1942, les personnes qui étaient auparavant condamnées simplement pour tentative de passage illicite de la frontière ou pour complicité étaient considérées comme les auteurs principaux d'un délit constitué. La sanction était analogue à celle qui frappait les personnes qui franchissaient effectivement la frontière malgré l'interdiction légale.

L'art. 5 de la loi sur la réhabilitation prévoit qu'en cas de condamnation pour d'autres infractions commises en concours (perpétrées en vue de la commission de l'aide à la fuite ou à l'occasion de celle-ci), l'annulation porte également sur celles-ci si, sur la base d'une appréciation d'ensemble, elles semblent être subordonnées. La commission a dérogé à ce principe dans une affaire n'ayant pas été rendue publique et concernant un soldat suisse qui avait déserté par crainte des conséquences d'un acte relevant de l'aide à la fuite, et qui avait aussi été condamné pour ce délit: elle a constaté l'annulation de sa condamnation pour aide à la fuite, mais non de celle pour désertion.

4.2

Les personnes ayant aidé des fugitifs

Au sens de la loi sur la réhabilitation, on entend par personnes ayant aidé des fugitifs celles qui ont été condamnées parce qu'à l'époque du nazisme elles ont aidé des victimes des persécutions à fuir ou ont hébergé des fugitifs sans les annoncer aux autorités38. Ne sont pas considérées comme des personnes ayant aidé des fugitifs celles qui ont exploité la détresse des victimes des persécutions lors de leur fuite, les ont abandonnées ou les ont ensuite dénoncées39.

33

34 35 36 37 38 39

CReha 04-06 Oskar Gablinger, 04-09 Hermann Hutmacher, 04-24 Adolf Studer, 04-32 Karl Fröhlich, 04-33 Ernst Müller, 07-02 Rosa Wessely, 07-03 Hermann Stern, 07-04 Marie Houdecek; 08-01 Martha Bloch; 08-02 Rosa Wüst; 08-03 Emil Graf; 08-04 Walter Mollenkopf; 08-05 Amalie Kuttler; 08-06 Hanny Meury; 08-07 Maria Rohrer; 08-08 Martha Uehlinger; 08-09 Paul Uehlinger.

RO 56 (1940) 2077 RO 43 (1927) 375 RO 58 (1942) 895 RO 56 (1940) 2077 Art. 2, al. 1, de la loi sur la réhabilitation.

Art. 2, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

2912

En ce qui concerne l'exploitation de la détresse des victimes des persécutions lors de leur fuite, la commission a estimé, le 1er février 2006, que le seul fait d'accepter de l'argent ne constituait pas un obstacle à une décision de réhabilitation. Cette question concernait notamment de nombreuses personnes contre lesquelles les tribunaux avaient invoqué un dessein d'enrichissement, car elles avaient reçu des sommes d'argent parfois importantes en échange de leur aide40. La commission devait déterminer si le fait même d'accepter une forte somme d'argent n'indiquait pas un dessein d'enrichissement, ce à quoi elle a répondu par la négative41. Elle a également retenu le fait que les personnes ayant aidé des fugitifs s'étaient souvent beaucoup investies et avaient accepté de prendre des risques en franchissant illégalement la frontière, et que certaines d'entre elles avaient souhaité être dédommagées. Les documents examinés par la commission montrent que dans certains cas, ce sont les fugitifs eux-mêmes qui ont proposé de fortes sommes42. Pour certaines personnes ayant aidé des fugitifs, les considérations financières primaient sur les aspects moraux, notamment en raison du chômage, qui les incitait à trouver des sources de revenu supplémentaire. La commission a estimé qu'il ne lui appartenait pas d'idéaliser l'aide à la fuite ou de juger les actes des personnes ayant aidé des fugitifs selon des critères moraux. La loi sur la réhabilitation vise plutôt à offrir réparation à ces personnes en se fondant sur des considérations actuelles. Le législateur a considéré que l'aide à la fuite n'avait pas toujours été apportée pour des raisons purement humanitaires43: ainsi, à l'art. 2, al. 2, de la loi sur la réhabilitation, il n'a souhaité exclure que les cas de tromperie particulièrement graves, où les victimes de persécutions ont été exploitées, abandonnées voire dénoncées. La seule «exploitation» des fugitifs, telle qu'elle a été reprochée à certaines personnes dans le dossier d'instruction, ne permet pas de leur retirer la qualité de «personnes ayant aidé des fugitifs»44.

Aux yeux de la commission, le terme «personnes ayant aidé des fugitifs» désigne notamment: ­

40 41

42

43 44 45

les personnes qui ont aidé des fugitifs séjournant déjà en Suisse à passer la frontière pour se rendre à l'étranger (04-01 Aimée Stitelmann: Mme Stitelmann a été arrêtée parce qu'elle avait fait franchir la frontière entre la Suisse et la France à des fugitifs qui s'étaient réfugiés en Suisse pour fuir le régime nazi45) ou ont apporté leur aide en Suisse à des fugitifs (04-30 Siegbert Daniel; 04-49 Lucien Cachat; 04-52 Pierre Wollmann; ainsi qu'un autre cas qui n'a pas été rendu public); CReha 04-36 Charles Favre, 05-43 Ernst Ehrenkranz.

CReha 06-08 Stanislaw Opiela: parmi tous les cas examinés par la commission, ce dernier est celui qui met en jeu la somme la plus importante qui ait été payée par une famille en fuite à une personne ayant aidé des fugitifs.

CReha 05-01 Pierre Besomi: l'argent était destiné à la Résistance; 05-43 Ernst Ehrenkranz: ce dernier a refusé de donner des indications sur l'utilisation de l'argent afin de protéger les destinataires; 05-39 Robert Vincent.

Cf. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 octobre 2002, FF 2002 7229 s.

CReha 05-38 Maurice-Marcel Lienhard.

Décision en constatation du 2 mars 2004 relative à la demande de Mme Aimée Stitelmann, ch. 6: «... Dans la mesure où l'arrêté du Conseil fédéral du 25 septembre 1942 a érigé l'assistance à la fuite en délit distinct et que Madame Aimée Stauffer-Stitelmann a aussi été condamnée du chef de ce délit, il convient de constater que le jugement du 11 juillet 1945 a été annulé par la loi. Peu importe que les faits rapportés dans le jugement ne se réfèrent pas explicitement à l'assistance à la fuite, au sens de la loi, prêtée par Madame Aimée Stauffer-Stitelmann».

2913

­

les personnes membres d'organisations de passeurs ayant participé à aider des fugitifs, notamment en leur servant de personnes de contact, en les aidant à franchir la frontière, en leur offrant le gîte après le passage de la frontière (04-35 Numa Etienne; 04-37 Blanche Girard; 04-38 Marius Girard; 05-46 Rose Baumgartner; 08-12 Pierre Amiel; 08-13 Claude Schropff);

­

les personnes qui ont été condamnées par les tribunaux de l'époque pour avoir elles-mêmes passé la frontière illégalement, car la commission a constaté une connexité matérielle avec une aide à la fuite: le seul fait d'accompagner des fugitifs n'était pas punissable, même si le but était évident. Les personnes ayant aidé des fugitifs ont été condamnées uniquement pour avoir elles-mêmes franchi illégalement la frontière (06-04 Gilbert Hugel: M. Hugel a accompagné un homme qui amenait sa fille chez des parents en Suisse, avant de retourner en France; 05-33 Ercole Stefanetti; 05-34 Andrea Stefanetti; 05-35 Lauretta Dionisi; 05-37 Giovanni Antonioli; 04-56 Mario Piroia; 05-36 Robert-Louis Dellasanta; 05-40 Massimo Schmit; 06-25 Adolphe Krebs);

­

les personnes qui, alors qu'elles franchissaient la frontière pour des raisons privées, pour fuir des persécutions à l'étranger ou pour ne pas répondre à un appel à se rendre dans un camp de travail, ont aidé d'autres personnes à passer la frontière (04-47 Samuel Dürrenmatt; 05-04 René Moritz);

­

les personnes qui ont préparé un passage clandestin ou chargé d'autres personnes de l'effectuer, même si la fuite n'a finalement pas eu lieu (04-08 Heinz Hammerschlag; 05-43 Ernst Ehrenkranz);

­

les personnes ayant aidé des fugitifs et ayant été condamnées pour ce fait, et dont la «moralité douteuse», notamment pour corruption de témoins, a été prise en compte par le tribunal au moment de fixer la peine (05-39 Robert Vincent);

­

les militaires suisses en service frontière et les douaniers en service qui n'ont pas respecté leurs prescriptions de service (05-52 François-Abel Roserens; 05-54 Jean Zen-Ruffinen; 05-45 Robert Matthey).

Par décision de principe du 30 novembre 2005 et du 1er février 2006, la commission a indiqué qu'elle envisageait de s'en tenir strictement au texte de la loi: dans deux cas, en accord avec la partie requérante, elle a renoncé à préparer une décision négative, car ces deux cas ne concernaient pas des personnes ayant aidé des fugitifs, mais des fugitifs ayant été sanctionnés pour avoir passé la frontière illégalement.

4.3

Les fugitifs

En vertu de l'art. 2, al. 1, de la loi sur la réhabilitation, les fugitifs sont des personnes qui ont été victimes de persécutions à l'époque du nazisme. Le législateur a délibérément choisi une définition large, et il appartenait donc à la commission de décider cas par cas si l'aide avait réellement été apportée à des personnes persécutées. Conformément à la volonté du législateur, la commission a estimé que le terme de «fugitif» s'appliquait à un grand nombre de personnes, à savoir:

2914

­

des civils, des familles (même fictives, étant donné que certains fugitifs ont franchi la frontière en se faisant passer pour les membres d'une même famille) ou des groupes de personnes de religion mosaïque venant d'Allemagne, de régions occupées par l'Allemagne ou d'Italie (04-28 Ernest Wittwer; 05-49 Luigi Morandi; 06-06 Robert Desroches; 06-07 René Perroton) ainsi que d'autres ressortissants de pays occupés, tels que des membres de la Résistance (04-12 Albert Mercier). La commission a également reconnu comme des fugitifs les personnes qui, en raison notamment des conditions de vie précaires en France, ont brièvement séjourné en Suisse ou ont transité par la Suisse (06-04 Gilbert Hugel; 04-52 Pierre Wollmann; 06-25 Adolphe Krebs);

­

des civils qui voulaient se soustraire à des convocations dans l'armée allemande, dans l'Organisation Todt, dans des camps de travail ou dans des troupes de défense locale en Allemagne (04-59 Fernand Ménétré; 05-42 Johann Sutter; 05-04 René Moritz; 05-31 Hans Althaus; 05-32 Max Held);

­

des militaires allemands ou italiens qui avaient réussi à fuir après avoir été arrêtés et internés par les Alliés ou qui avaient déserté (05-40 Massimo Schmit); des militaires allemands qui avaient profité d'une permission pour déserter (05-53 Josef Schupp) ou qui voulaient se soustraire à un engagement sur le front de l'Est (05-42 Johann Sutter);

­

des militaires alliés (belges, hollandais, indiens, polonais, russes, sud-africains, etc.) qui avaient fui leur pays ou un camp d'internement dans un pays voisin et voulaient transiter par la Suisse pour rejoindre leurs troupes (04-51 Antoine Tatu; 05-04 René Moritz) ou des militaires qui souhaitaient être internés en Suisse (05-07 Emilio Comina; 05-08 Leonardo Danda; 05-13 Luigi Ghibellini; 05-47 Tullio Berzi; 05-48 Innocente Delorenzi; 06-25 Adolphe Krebs);

­

des civils de religion juive qui étaient internés en Suisse en janvier 1945, alors que la France était déjà libérée en grande partie et dont la sortie de Suisse entraînait des démarches administratives: le fait d'avoir cherché refuge en Suisse relevait directement des persécutions du régime nazi (08-15 Herz-Henri Dratwa; 08-16 Gustave Michon).

4.4

La période du nazisme

Pour les historiens, le national-socialisme recouvre une période qui varie en fonction de l'importance historique et de l'interprétation des événements. La loi sur la réhabilitation ne fixe d'ailleurs aucune date de début et de fin: elle prévoit l'annulation des jugements pénaux prononcés contre des personnes qui, «à l'époque du nazisme», ont aidé des victimes des persécutions à fuir. Dans les années 1920, alors que germaient les idées racistes du tout nouveau parti national-socialiste, de nombreuses personnes menacées fuyaient déjà l'Allemagne. C'est à l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933 qu'ont commencé les persécutions à l'encontre des citoyens qui ne correspondaient pas aux idéaux du régime. Il est établi que des personnes persécutées par le régime

2915

national-socialiste se réfugièrent en Suisse dès 193446. L'année 1938, avec l'annexion de l'Autriche au Reich allemand (le 13 mars) et la Nuit de Cristal (du 9 au 10 novembre) a donné lieu à un afflux de réfugiés sans précédent47.

Sans fixer aucun cadre temporel précis, la commission est partie du principe que la fin de la période visée par la loi correspondait à la capitulation de l'Allemagne en 1945. Si les jugements les plus anciens examinés par la commission remontent à la seconde moitié de l'année 193848, la plupart de ses travaux ont porté sur des jugements des tribunaux militaires des années 1943 et 1944, qui ont été ressortis des Archives fédérales à la demande de la commission. Le jugement le plus récent, qui porte sur une affaire survenue en 1944, date de 194649.

4.5

Les jugements pénaux

L'annulation concerne les jugements entrés en force prononcés par la justice militaire ainsi que par les tribunaux pénaux fédéraux ou cantonaux contre des personnes ayant aidé des fugitifs50. La commission considère les peines disciplinaires (réprimande, amende disciplinaire, arrêts) prononcées par les tribunaux de l'époque (et, dans un cas, par le commandant d'un arrondissement territorial) comme des jugements pénaux au sens de la loi sur la réhabilitation et a donc constaté leur annulation51. Dans deux cas, aucun jugement n'a été retrouvé: l'exécution de peines est toutefois documentée dans des actes officels qui prouvent de manière suffisante qu'une condamnation a été prononcée52. Dans deux autres cas il ressort des documents retrouvés que les personnes concernées ont été emprisonnées sans jugement pendant plus de deux mois alors que le juge d'instruction n'avait recquis que dix jours d'arrêts. L'examen de leur cas était en effet resté longtemps en suspens auprès des autorités fédérales53. La commission a estimé que la longue détention subie égalait une condamnation et a donc constaté leur réhabilitation conformément aux «règles du droit et de l'équité et en tenant compte des circonstances du cas particulier» au sens de l'art. 11 de la loi.

Au cours de sa deuxième année d'activité, la commission devait s'exprimer au sujet d'une requête de la Fondation Paul Grüninger concernant sept personnes contre lesquelles une enquête pénale pour «trafic d'émigrants» avait été ouverte en 1941 46 47

48 49

50 51 52 53

Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 octobre 2002 (FF 2002 7226 7229).

Commission Indépendante d'Experts Suisse ­ Seconde Guerre Mondiale: La Suisse et les réfugiés à l'époque du national-socialisme, Berne 1999, ch. 1.2 in fine, et: Franco Battel, Wo es hell ist, dort ist die Schweiz. Flüchtlinge und Fluchthilfe an der Schaffhauser Grenze zur Zeit des Nationalsozialismus, Chronos Verlag, Zurich, 2000.

ISBN 3-905314-05-3, p. 47ss.

CReha 04-24 Adolf Studer; 04-20 Felix Sigismondi; 04-31 Josef Bell; 04-06 Oskar Gablinger; 05-18 Jakob Hutter.

Ce jugement date du 25 mars 1946, une année après la chute de l'Allemagne nationalsocialiste, pour des faits commis en 1944; il se fonde sur une disposition selon laquelle toutes les procédures pendantes doivent être poursuivies (Arrêté du Conseil fédéral du 3 août 1945 mettant fin à l'état de service actif, art. 17, al. 1, RO 61 (1945) 561): CReha 05-02 Friedrich Albert Roth.

Art. 3 de la loi sur la réhabilitation.

CReha 04-30 Siegbert Daniel; 04-52 Pierre Wollmann; 05-31 Hans Althaus et 05-32 Max Held (tous deux se sont vu infliger une réprimande); 05-36 Robert-Louis Dellasanta.

CReha 04-31 Josef Bell; 08-11 Victor Rebholz.

CReha 08-12 Pierre Amiel; 08-13 Claude Schropff.

2916

puis classée sans jugement pénal. La Fondation demandait que la condamnation de ces personnes de payer les frais de procédure soit annulée et qu'elles soient remboursées. En outre, la commission devait vérifier s'il y avait lieu de faire une déclaration symbolique en faveur de ces personnes. Le 30 novembre 2005, la commission a estimé qu'il s'agissait probablement d'un cas d'aide à la fuite, mais a souligné qu'il n'y avait eu aucun jugement pénal: elle a donc rejeté une réhabilitation formelle au sens de la loi sur la réhabilitation. En l'absence de base légale, la commission a également considéré qu'il n'y avait pas lieu de rembourser les frais de procédure.

4.6

Les requérants

En vertu de l'art. 7 de la loi sur la réhabilitation, les demandes en constatation de l'annulation de jugements pénaux concrets peuvent être déposées par les personnes condamnées ou, après leur mort, par leurs proches (au sens de l'art. 110, al. 1, du Code pénal54), ainsi que par des organisations sises en Suisse et sous contrôle suisse qui se consacrent à la défense des droits de l'homme ou à la mise à jour de l'histoire suisse à l'époque du nazisme55. Ces organisations n'ont pas qualité pour déposer une demande contre la volonté de la personne condamnée ou, après sa mort, contre la volonté de ses proches56. En reconnaissant une organisation comme étant légitimée à déposer une demande au nom de personnes ayant aidé des fugitifs, la commission est partie du principe que les personnes concernées, ou leurs proches, avaient donné leur accord à la publication de la décision en constatation57.

La Fondation Paul Grüninger, sise à Saint-Gall, a été reconnue comme étant légitimée à déposer une demande au sens de l'art. 7, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

Cette fondation se consacre à préserver la mémoire de Paul Grüninger, ancien commandant de police saint-gallois qui a sauvé de nombreux fugitifs, et honore et encourage «les personnes, les organisations et les institutions qui, par leur engagement, se distinguent par des actes humanitaires exceptionnels et par un courage civique particulier». La fondation s'engage aussi «à réparer les préjudices subis suite à une injustice et à empêcher de nouvelles injustices»58.

Par contre, le 28 mai 2004, la commission a rejeté la demande par un avocat de la reconnaissance du Cercle d'études historiques de la société jurassienne d'émulation comme requérant, arguant que les statuts de cette association ne contenaient aucun article répondant aux exigences de la loi sur la réhabilitation.

54

55 56 57 58

RS 311.0, nouvelle teneur selon l'art. 37, ch. 1, de la loi du 18 juin 2004 sur le partenariat, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (RS 211.231): les proches d'une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et soeurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et soeurs et enfants adoptifs.

Art. 7, al. 2, de la loi sur la réhabilitation.

Art. 7, al. 3, de la loi sur la réhabilitation.

Cf. ch. 5.4.1 Canton de Saint-Gall ­ acte authentique relatif à la constitution de la Fondation Paul Grüninger à Saint-Gall du 24 novembre 1998.

2917

5

Organisation des travaux de la commission

5.1

Procédures appliquées par la commission et collaboration avec les autres autorités

Aux termes de l'art. 6 de la loi sur la réhabilitation, la Commission des grâces et des conflits de compétences de l'Assemblée fédérale est compétente pour constater l'annulation de jugements pénaux prononcés contre des personnes qui, à l'époque du nazisme, ont aidé des victimes des persécutions à fuir, ainsi que la réhabilitation de ces personnes. Elle est composée de douze membres du Conseil national et de cinq membres du Conseil des Etats59.

La commission a occupé ses quatorze séances comme suit: une consacrée à sa constitution, dix pour prononcer des décisions, une pour éclaircir des cas complexes et une pour statuer sur l'opportunité de poursuivre les procédures de recherche60. Une séance réservée à l'origine pour l'approbation du présent rapport après ses cinq ans d'activité a aussi servi à la commission pour se prononcer sur 21 nouveaux cas soumis dans le délai prévu par la loi.

Lorsque la commission s'est constituée ­ le 18 décembre 2003 ­, elle a déterminé comment elle entendait procéder et sur quelle base elle allait fonder ses décisions61.

Les documents relatifs à l'aide à la fuite sont soumis à l'Office fédéral de la justice (OFJ), qui, sur mandat de la commission, prépare les décisions en procédant à l'enquête, en constituant les dossiers et en faisant effectuer les traductions nécessaires. L'OFJ est représenté lors de chacune des séances de la commission, il se charge d'y présenter les différents cas. Par ailleurs, la commission a le droit de consulter tous les documents qu'elle juge nécessaires et, au besoin, de demander des renseignements complémentaires auprès des requérants ou des autorités. Enfin, la commission examine chaque cas et rend sa décision.

L'OFJ et les Archives fédérales sont les seules autorités à l'échelle de la Confédération à avoir été mandatées par la commission de réhabilitation. En effet, les administrations cantonales ont été sollicitées uniquement lorsqu'il était nécessaire d'entrer en contact avec des personnes ayant aidé des fugitifs ou avec leurs familles. Pour y 59

60

61

Art. 39, al. 4, LParl; pendant la 47e législature (de 2003 à 2007) les députés suivants étaient membres de la commission: Elmar Bigger, Martine Brunschwig Graf, André Daguet, Brigitta Gadient, Valérie Garbani, Vreni Hubmann, Otto Ineichen, Walter Jermann, Josef Lang, Yvan Perrin, Jürg Stahl, Reto Wehrli (pour le Conseil national); Françoise Saudan (présidente), Madeleine Amgwerd, Jean Studer, remplacé par Christiane Brunner à partir de 2006, Trix Heberlein, Hans Lauri (pour le Conseil des Etats). Lors de la session d'hiver 2007, ont été élus pour siéger dans cette commission pendant la 48e législature: André Daguet (président), Luc Barthassat, Esther Egger-Wyss, Edi Engelberger, Yvonne Gilli, Hansjörg Hassler, Bea Heim, Hugues Hiltpold, Felix Müri, André Reymond, Jean-Charles Rielle, Jürg Stahl (pour le Conseil national); Verena Diener (vice-présidente), Robert Cramer, Konrad Graber, Hans Hess, Werner Luginbühl (pour le Conseil des Etats).

Dates des séances à caractère décisionnel: le 2 mars 2004, le 28 mai 2004, le 21 septembre 2004, le 1er juin 2005, le 21 septembre 2005, le 30 novembre 2005, le 1er février 2006, le 7 juin 2006, le 6 décembre 2006, le 5 mars 2008, le 2 mars 2009 (rapport, décisions). La commission s'est également réunie aux dates suivantes: le 18 décembre 2003 (séance constitutive), le 11 juin 2006 (examen de cas litigieux), le 11 juin 2007 (concernant la question de savoir s'il fallait poursuivre ou interrompre les recherches officielles).

Si l'art. 6 de la loi sur la réhabilitation confère à la commission le pouvoir de régler les modalités de la procédure, l'art. 12 dispose que la procédure est gratuite.

2918

parvenir, la commission s'est adressée aux offices des cantons responsables en matière de contrôle de l'habitant et d'état civil, dont elle a pu obtenir les prestations gratuitement en vertu de l'art. 13, let. b, de l'Ordonnance du 27 octobre 1999 sur les émoluments en matière d'état civil62, en l'espèce, la prestation sollicitée servant l'intérêt public.

Les décisions ont été rédigées en allemand et en français; toutefois, lorsque les affaires concernaient des Tessinois, des Italiens ou des personnes jugées par le Tribunal territorial 4, compétent à l'époque pour le Tessin, une version italienne a également été établie.

5.2

Recherches dans les Archives fédérales

A la demande de la Fondation Paul Grüninger63 et après consultation du rapport de l'OFJ du 13 mai 2004, la commission a décidé le 28 mai de la même année d'effectuer des recherches ciblées dans les Archives fédérales, afin de trouver des décisions rendues par les tribunaux militaires au sujet de l'aide à la fuite. La commission a procédé à ces recherches afin de réhabiliter le plus possible de personnes ayant aidé des fugitifs, y compris celles dont le cas n'avait été rapporté ni par les historiens, ni par les organisations compétentes en la matière, ni par leurs descendants. Parallèlement, la commission a renoncé à inviter les cantons à passer au crible leurs propres archives, cette demande n'entrant pas dans le champ de ses attributions.

Ainsi le secrétariat de la commission a-t-il effectué, avec le soutien de l'OFJ, des recherches dans les Archives fédérales en 2004 et 2005. Sur les quelque 32 000 décisions rendues entre 1942 et 1945 par les tribunaux militaires, environ 3500 ont été examinées à la loupe, afin de repérer d'éventuels indices permettant d'établir que la personne avait été condamnée pour aide à la fuite.

Les critères de recherche sélectionnés étaient les mentions, sur les fiches de dossiers:

62 63 64

65 66 67

­

de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE)64;

­

de l'ACF du 13 décembre 1940 relatif à la fermeture partielle de la frontière65 ou de l'art. 107 du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)66;

­

de l'ACF du 25 septembre 194267;

­

des mots-clés suivants: aide à la fuite, fermeture de la frontière, assistance à la fuite ou à l'entrée illégale en Suisse, passage illégal de la frontière, pasRS 172.042.110 Courrier de la Fondation Paul Grüninger du 9 janvier 2004.

Texte abrogé le 1er janvier 2008 à l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) [RS 1 113; RO 1949 225, 1987 1665, 1988 332, 1990 1587 art. 3 al. 2, 1991 362 ch. II 11 1034 ch. III, 1995 146, 1999 1111 2253 2262 annexe ch. 1, 2000 1891 ch. IV 2, 2002 685 ch. I 1 701 ch. I 1 3988 annexe ch. 3, 2003 4557 annexe ch. II 2, 2004 1633 ch. I 1 4655 ch. I 1, 2005 5685 annexe ch. 2, 2006 979 art. 2 ch. 1 1931 art. 18 ch. 1 2197 annexe ch. 3 3459 annexe ch. 1 4745 annexe ch. 1, 2007 359 annexe ch. 1].

RO 56 (1940) 2077 RO 43 (1927) 375 RO 58 (1942) 895

2919

sage interdit de la frontière, désobéissance à des ordres généraux au sens de l'art. 107, CPM68, falsification de passeport, mise à disposition de papiers d'identité ou de laissez-passer, trafic illicite de personnes, usage abusif de papiers d'identité, trafic de migrants et passage clandestin de Juifs.

5.3

Nombre de décisions

Les recherches effectuées dans les Archives fédérales ont été fructueuses, puisque sur les 137 décisions en constatation de réhabilitation prononcées par la commission, pas moins de 68 ont pu l'être grâce à ces recherches. Dans 63 autres cas, la constatation de réhabilitation a été prononcée suite à quatre requêtes déposées par la Fondation Paul Grüninger69; enfin, trois des demandes ont été déposées directement par les personnes condamnées elles-mêmes, ou par leurs familles ou représentants légaux (dans le premier des cas, il s'agit d'une personne ayant elle-même été condamnée pour aide à la fuite70, dans le deuxième, d'une veuve d'un condamné71, et dans le troisième, d'une veuve d'un condamné et de son fils72). Enfin, trois autres personnes ont pu être réhabilitées grâce aux recherches du secrétariat de la commission dans les archives du canton de Zurich. Une quatrième requête de la Fondation Paul Grüninger déposée quelques semaines avant l'expiration du délai prévu par la loi comprenait 21 nouveaux cas, dont neuf issus d'un travail de séminaire de la Faculté d'Histoire de l'Université de Bâle. Quinze de ces cas ont donné lieu à des décisions en constataion.

68 69

70

71 72

RS 321.0 Première demande de la Fondation Paul Grüninger, St-Gall, du 9 janvier 2004 portant sur 26 personnes condamnées: CReha 04-02, 04-03, 04-04, 04-05, 04-06, 04-07, 04-08, 04-09, 04-10, 04-11, 04-12, 04-13, 04-14, 04-15, 04-16, 04-17, 04-18, 04-19, 04-20, 04-21, 04-22, 04-23, 04-24, 04-25, 04-26, 04-27. Deuxième demande de la Fondation Paul Grüninger du 30 juin 2004 portant sur douze personnes condamnées: CReha 04-31, 04-34, 04-35, 04-36, 04-37, 04-38, 04-39, 04-40, 04-41, 04-42, 04-43, 04-44. Troisième demande de la Fondation Paul Grüninger du 16 août 2005 portant sur douze personnes condamnées (à noter que la demande pour deux d'entre elles a finalement été retirée): CReha 05-18, 05-20, 05-21, 05-22, 05-23, 05-24, 05-25, 05-26, 05-28, 05-29. Quatrième demande de la Fondation Paul Grüninger du 29 octobre 2008 (21 cas, dont un cas traité antérieurement par la commission): 08-01, 08-02, 08-03, 08-04, 08-05, 08-06, 08-07, 08-08, 08-09, 08-10, 08-11, 08-12, 08-13, 08-15, 08-16.

CReha 04-01 Aimée Stitelmann; le cas de Mme Stitelmann avait déjà été porté à la connaissance du public, un film ayant été tourné à son sujet: Aimée S., emprisonnée en 1945, Daniel Künzi, 2000, Société Productions Maison, Genève.

CReha 04-30 Siegbert Daniel.

CReha 04-28 Ernest Wittwer.

2920

5.4

Communication des décisions

5.4.1

Communication des décisions aux personnes condamnées ainsi qu'à leur famille et au public

Avant que les décisions de réhabilitation ne soient annoncées publiquement, elles ont été communiquées aux personnes concernées ­ quatre d'entre elles étaient encore en vie ­ ou à leurs familles. Parmi ces quatre condamnés figurent Aimée Stitelmann73 et Pierre Wollmann74, les deux autres ayant exprimé le souhait que la décision les concernant ne soit pas rendue publique. Lorsque les demandes de constatation de réhabilitation ont été déposées par des organisations reconnues, aucune recherche en vue de trouver des survivants ou des proches n'a été entreprise75.

Le 6 janvier 2004, la commission a publié un premier communiqué de presse, dans lequel elle annonçait l'entrée en vigueur de la loi sur la réhabilitation et le début de ses travaux. Le 3 mars de la même année, la commission organisait une conférence de presse lors de laquelle elle expliquait qu'elle avait rendu sa première décision et apportait quelques détails à ce sujet. Les décisions suivantes ont été rendues publiques par voie de presse.

Lorsqu'en 2004, la commission s'est rendue compte que les recherches conduites d'office dans les Archives fédérales promettaient d'être fructueuses, elle dut prendre une décision de principe concernant la publication de ces décisions. Jusqu'alors, en matière de publication, la commission tenait compte de l'art. 11 de la loi sur la réhabilitation, lequel prévoit que les décisions rendues sur demande sont publiées.

La commission publiait donc ses décisions par voie de presse et sur le site Internet de l'Assemblée fédérale, en tenant pour acquis que le requérant ou ses proches approuvaient cette publication. Par contre, lorsqu'il s'agissait de décisions prises à l'initiative de la commission, elle ne pouvait plus être certaine du consentement de la personne concernée ou de ses proches. Le 21 septembre 2004, la commission décida cependant de maintenir la procédure en vigueur en matière de publication, estimant que son travail perdrait tout son sens si elle ne pouvait plus publier ses décisions. Seule contrainte: la commission devait s'assurer dans chaque affaire qu'aucun intérêt ne s'opposait à la publication de l'intégralité de la décision. Pour cela, il était nécessaire de trouver les éventuels survivants ou les membres de leur famille proche, recherches qu'entreprit le secrétariat notamment auprès des
services du contrôle de l'habitant et des offices d'état civil des localités mentionnées dans le jugement. Or, le secrétariat a dû constater que, dans la plupart des cas, les communes n'avaient pas gardé la trace, dans leurs registres, des familles suisses ayant émigré. La dernière option, entamer des recherches à l'étranger, lui a semblé d'autant moins réalisable que nombre des personnes condamnées pour aide à la fuite n'étaient pas de nationalité suisse, et qu'elle n'aurait pu faire appel qu'aux ambassades et autres bureaux de représentation helvétiques. Aussi, le 1er juin 2005, la commission a-t-elle décidé de demander l'aval pour la publication des décisions uniquement aux condamnés, ou aux familles de ces derniers, résidant encore sur sol helvétique.

73 74 75

CReha 04-01 CReha 04-52 Cf. ch. 4.6

2921

5.4.2

Communication des décisions aux autorités

A chaque fois que la commission publiait une de ses décisions au moyen d'un communiqué de presse, elle la signifiait également aux gouvernements du canton d'origine et du canton de domicile des personnes concernées. A noter que la commission a eu connaissance d'une seule réaction; en effet, quelques mois après qu'elle eut constaté la réhabilitation d'Aimée Stitelmann76, le canton de Genève a décerné à cette héroïne la Médaille de Genève et en 2005, un après sa mort, lui a dédié un bâtiment scolaire situé à Plan-les-Ouates (Ecole de commerce AiméeStitelmann).

5.5

Suite de la procédure

Dès sa séance du 1er juin 2005, la commission a relevé que son rôle n'était pas de se substituer aux historiens. Elle recommande toutefois que ses dossiers soient déposés aux Archives fédérales et ainsi rendus accessibles à la recherche historique.

Par ailleurs, le 11 juin 2007, la commission a pris acte de ce que les recherches entreprises au niveau fédéral étaient closes. Parallèlement, elle a dû se prononcer sur l'opportunité de poursuivre les recherches dans les archives cantonales. Dans ce contexte, elle a adressé au début 2007 un courrier aux archives des cantons frontaliers77, afin de leur demander s'ils pouvaient fournir un aperçu des documents en leur possession et des jugements pénaux rendus par des tribunaux cantonaux et des tribunaux de district ­ alors compétents en la matière en vertu de la LSEE ­ entre 1938 et 1941, classés chez eux et présentant un lien avec l'aide à la fuite78. Si cette période a été retenue, c'est que les premières mesures limitant l'entrée sur le territoire suisse ont été introduites en 1938.

Certaines archives cantonales ont un registre précis des documents en leur possession, ayant inscrit dans un répertoire chronologique les jugements de l'époque; par contre, dans la majorité des cas, les dossiers correspondants ont été détruits. Dans d'autres cantons, les archives ne possèdent que peu ­ quand elles en possèdent ­ de documents, ces derniers étant encore conservés par les tribunaux de district. Pour évaluer la charge de travail nécessaire, la commission a réalisé un sondage dans les archives des cantons de Genève et de Zurich. Elle a pu en conclure que même dans les cantons où les dossiers étaient répertoriés avec précision, il fallait compter au moins quatre jours de travail.

76 77

78

CReha 04-01 Argovie, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Genève, Grisons, Jura, Neuchâtel, Schaffhouse, Tessin, Thurgovie, Valais, Vaud et Zurich; le canton de Saint-Gall n'a pas été inclus dans cette démarche.

Cf. ch. 4.1

2922

Compte tenu des réponses rendues par les cantons et du rapport du secrétariat, la commission a jugé qu'elle ne pouvait être chargée de dépouiller les archives cantonales. Elle a donc renoncé à les explorer, tout en recommandant aux cantons de le faire afin qu'ils mettent la main sur les jugements pénaux entrant dans le champ d'application de la loi sur la réhabilitation. La commission a en outre insisté sur le fait que le délai légal fixé pour l'examen des demandes de réhabilitation arrivait à échéance le 31 décembre 201179.

L'exemple suivant illustre l'importance des recherches effectuées dans les archives: un travail de séminaire dédié au thème «Flucht, Fluchthilfe, Wiedergutmachung: Jüdische und schweizerische Fallgeschichten aus der Zeit vor und nach dem Nationalsozialismus» proposé par la Faculté d'histoire de l'Université de Bâle en automne 2007 a mené à la découverte, aux archives cantonales du canton de Bâle-Ville, de neuf nouveaux cas d'aide à des personnes persécutées80. Ces cas ont été repris par la Fondation Paul Grüninger dans sa quatrième demande. La commission maintient donc sa recommandation aux cantons de procéder au dépouillement d'actes judiciaires relatifs à l'aide aux victimes de persécutions à l'époque du nazisme.

6

L'application de la loi

La loi sur la réhabilitation prévoit une réhabilitation en deux phases: la première phase consiste en une réhabilitation générale et abstraite (la loi annule toutes les condamnations), alors que la deuxième phase est une constatation individuelle et concrète de la réhabilitation. Cette mise en oeuvre de la volonté du législateur apparaît comme plutôt laborieuse: le processus de décision entraîne en effet une charge de travail considérable ainsi que des coûts élevés. Ainsi, quelque 600 heures de travail ont été nécessaires à la recherche dans les archives, qui a permis de prononcer la moitié des décisions en constatation. S'y ajoutent, pour tous les cas soumis à la commission, l'établissement des documents de travail, la préparation des décisions, la traduction par l'Office fédéral de la justice, le travail du secrétariat de la commission et les séances de la commission.

Ce travail se justifie eu égard à l'objectif de la loi, qui est de réhabiliter des personnes ayant été victime d'une injustice. A elle seule, la recherche historique n'était pas en mesure de donner un nombre précis des personnes condamnées. Le fait de constater la réhabilitation de chaque personne individuellement et de publier les décisions a permis de rappeler les cas d'aide à la fuite à l'époque du nazisme, mais aussi et surtout d'honorer la mémoire de personnes courageuses qui ont agi dans l'ombre.

79 80

Courrier du 28 juin 2007 adressé aux gouvernements cantonaux; communiqué de presse de la commission du 12 juin 2007.

«Durch derartige Delikte wird der von der Schweiz unter grossen Kosten organisierte verstärkte Grenzschutz illusorisch gemacht ...» ­ Fälle von Flucht und Fluchhilfe vor dem Strafgericht Basel in den Jahren 1938/39, Rafael Scherrer et Mario Seger, 20 février 2008.

2923

7

Conclusions

Réunie à onze reprises en séances décisionnelles, la commission a, au total, constaté la réhabilitation de 137 personnes ayant aidé des fugitifs à entrer en Suisse entre 1938 et 1945. La commission a pris connaissance de ces cas sur la base de requêtes individuelles et de demandes déposées par des institutions, mais également en faisant elle-même des recherches dans les Archives fédérales.

Ces recherches ont permis à la commission de retrouver des jugements pénaux qui ont été prononcés principalement par des tribunaux militaires (tribunaux territoriaux ou tribunaux de division) sur une période allant de la fermeture des frontières, en décembre 1940, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La décision de la commission de rechercher d'office d'éventuels cas d'aide à la fuite a pu être mise en oeuvre en temps utile grâce à la bonne qualité du système d'archivage aux Archives fédérales. La commission a pu y retrouver des condamnations qui lui ont permis de prononcer la moitié de ses décisions en constatation.

La commission a examiné les cas qui lui ont été soumis en interprétant la loi sur la réhabilitation de manière très large: cela lui a permis de constater la réhabilitation du plus grand nombre de personnes possible. La plupart des personnes concernées (les personnes ayant aidé des fugitifs elles-mêmes ou leurs proches) se sont déclarées satisfaites des travaux relatifs à la réhabilitation entrepris par la commission et ont accepté que ses décisions soient publiées. Seules trois personnes ont souhaité que la décision en constatation ne soit pas publiée.

Les nombreux articles de presse parus suite aux communiqués de la commission concernant ses décisions en constatation témoignent, d'une part, de l'intérêt de l'opinion publique pour la réhabilitation des personnes ayant aidé des fugitifs, d'autre part, de la reconnaissance des qualités humaines et du courage de ces personnes, jusqu'ici restées anonymes.

La commission constate avec satisfaction que son travail était nécessaire. La loi lui avait confié la tâche de constater la réhabilitation des personnes qui ont fait preuve de noblesse et de courage et de la rendre publique. Pour mener à bien cette mission, elle a dû non seulement éplucher les procès-verbaux et les jugements prononcés à l'époque, mais aussi et surtout considérer les faits avec
circonspection en portant un regard actuel sur le passé. Après plusieurs décennies de recherche historique, 137 personnes ayant aidé des fugitifs ont été réhabilitées et, dans la plupart des cas, leur nom a été publié: cette reconnaissance était essentielle aux yeux des personnes concernées et de leurs proches. De nombreux cas inconnus ou tombés dans l'oubli ont été retrouvés au cours des cinq dernières années. Par son travail, la commission a permis de révéler au grand public un important chapitre de l'histoire de notre pays écrit par des personnes jusqu'alors inconnues.

2 mars 2009

Pour la commission: Le président, André Daguet

2924

Annexe Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Althaus Hans (A), suisse Amiel Pierre (G), français Antonioli Giovanni Antonio (A), italien Baumgartner Rose (A), suissesse Bell Josef (G, F), suisse Berzi Tullio (A), italien Besomi Pierre (A), suisse Bloch Martha (G), suissesse Bolliger Ernst (G), suisse Bottinelli Angelo (A), italien Broger Emil (G), suisse Cachat Lucien (A), français Charlet Joseph (G), français Roger Choirat Roger (G), français Chrzanowski Edmond (A), polonais Cilveti-Iraizoz Joaquin (A), espagnol Cini Gioachino (A), italien Claude Schropff (G), français Comina Emilio (A), italien Cretton Bernard (G), français Crivelli Carlo (G), français Danda Leonardo (A), italien

07.06.2006 05-31

ACF 13.12.40, 25.09.42 05-32

02.03.2009 08-12

pas de condamnation 08-13 connue ACF 13.12.40, 25.09.42

07.06.2006 05-37 07.06.2006 05-46

01.06.2005 05-01

ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-44 CPM 107 LSEE 04-20 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42

02.03.2009 08-01

LSEE

08-02

30.11.2005 05-23

LSEE

05-24, 05-25

21.09.2005 05-06

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 LSEE 05-21, 05-22

21.09.2004 04-31 07.06.2006 05-47

30.11.2005 05-20 21.09.2005 04-49 28.05.2004 04-02 02.03.2009 08-10 06.12.2006 06-37 07.06.2006 05-44 21.09.2005 05-14 02.03.2009 08-13 21.09.2005 05-07 28.05.2004 04-03 28.05.2004 04-04 21.09.2005 05-08

ACF 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 pas de condamnation connue ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 25.09.1942

04-03

06-08 05-46 05-09, 05-10, 05-11, 05-12 08-12 05-08 04-02

04-16, 04-17, 04-18 ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-07 CPM 107

2925

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

04-30

ACF 13.12.40, 25.09.42 04-52 , 05-05

05-36

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Daniel Siegbert (F), 21.09.2004 apatride, jadis allemand Dellasanta Robert-Louis 07.06.2006 (A), suisse Delorenzi Innocente (A), 07.06.2006 italien DeMonti Faustino (A), 21.09.2005 italien Desroches Robert (A), 06.12.2006 français Dionisi Lauretta (A), 07.06.2006 italien Dratwa Herz-Henri(G), 02.03.2009 polonais Dreher Eugen (A), 06.12.2006 français Dreher Pierre (A), 06.12.2006 français Dubail Michel (A), 21.09.2005 français Ducret Léon (G), 21.09.2004 français Dürrenmatt Samuel Louis 01.06.2005 (A), suisse 07.06.2006 Ehrenkranz Ernst (A), apatride Etienne Numa (G), 21.09.2004 suisse Favre Charles (G), 21.09.2004 français Fert Marcel (G), 28.05.2004 français 21.09.2004 Fröhlich Karl (A), allemand Gablinger Oskar (G), 28.05.2004 suisse Gelpi Domenico (A), 21.09.2005 italien Gelpi Francesco (A), 21.09.2005 italien Gelpi Gerolamo (A), 21.09.2005 italien Gelpi Leopoldo (A), 21.09.2005 italien

2926

05-48 05-03 06-06 05-35 08-15

ACF 13.12.40, 25.09.42, 06-07 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42

06-15

ACF 13.12.40, 25.09.42, 08-16 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42 06-16, 06-17

06-16

ACF 13.12.40, 25.09.42 06-15, 06-17

04-60

ACF 13.12.40, 25.09.42

04-34

ACF 13.12.40, CPM 107 04-36

04-47

ACF 13.12.40, 25.09.42

05-43

ACF 13.12.40, 25.09.42

04-35

04-32

ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 LSEE

04-06

LSEE

05-09

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107

04-36 04-05

05-10 05-11 05-12

04-37, 04-38 04-34

04-33

05-10, 05-11, 05-12, 05-14 05-09, 05-11, 0512, 05-14 05-09, 05-10, 0512, 05-14 05-09, 05-10, 0511, 05-14

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Genet Robert-Henri (A), français Ghibellini Luigi (A), italien Girard Blanche (G), suissesse Girard Marius (G), suisse Graf Emil (G), suisse Grand-Jux François (G), français Gustave Michon (G), suisse Haeberli Gaston (A), suisse Hammerschlag Heinz (G), apatride

21.09.2005 04-50 21.09.2005 05-13 21.09.2004 04-37 21.09.2004 04-38 02.03.2009 08-03 28.05.2004 04-07 02.03.2009 08-16 01.06.2005 04-45 28.05.2004 04-08

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 LSEE ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107

04-35, 04-38 04-35, 04-37 08-04 04-14 08-15

Held Max (A), suisse Helg Alexander (G), suisse Houdecek Marie (A), probablement suissesse Hugel Gilbert (A), français Hutmacher Hermann (G), suisse Hutter Eduard (G), suisse Hutter Jakob (G), suisse Hutter Wilhelm (Willy)/ 1 (G), suisse

07.06.2006 05-32 30.11.2005 05-26

04-10, 04-11, 04-21, 04-22, 04-23, 04-26 ACF 13.12.40, 25.09.42 05-31 LSEE 05-28, 05-29

05.03.2008 07-04

LSEE

06.12.2006 06-04

ACF 13.12.40, 25.09.42

28.05.2004 04-09

LSEE

30.11.2005 05-21

LSEE

30.11.2005 05-18

LSEE

28.05.2004 04-10

ACF 13.12.40, CPM 107

Hutter Wilhelm (Willy)/ 2 (G), suisse Jeanneret Fritz-Robert (A), suisse Krebs Adolphe (A), suisse Kühnis Hermann (G), suisse

30.11.2005 05-24

LSEE

01.06.2005 04-54

Küng Paul (A), franco-suisse

01.06.2005 04-48

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 04-08, 04-10, CPM 107 04-21, 04-22, 04-23, 04-26 ACF 13.12.40, CPM 107

06.12.2006 06-25 28.05.2004 04-11

07-02, 07-03

05-20, 05-22

04-08, 04-11, 04-21, 04-22, 04-23, 04-26 05-23, 05-25

2927

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

08-05

LSEE

08-06, 08-07, 08-08, 08-09

05-38

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 LSEE 05-26, 05-29

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Kuttler Amalie (G), 02.03.2009 allemande Lienhard Maurice-Marcel 07.06.2006 (A), suisse Markowitz Rubin (G), 30.11.2005 apatride Marthaler Hans (A), 06.12.2006 suisse Matthey Robert (A), 07.06.2006 suisse Meier Oskar (G), 30.11.2005 suisse Ménétré Fernand (A), 07.06.2006 alsacien Mercier Albert (G), 28.05.2004 français Merguin Lucien-Jules 28.05.2004 (G), franco-suisse Mermet René (G), 28.05.2004 français Meury Hanny (G), 02.03.2009 suissesse Moille Noël (G), 21.09.2004 français Mollenkopf Walter (G), 02.03.2009 suisses Morandi Giovanni (A), 21.09.2005 italien Morandi Luigi (A), 07.06.2006 italien 28.05.2004 Moret André (G), français Moritz René (A), 21.09.2005 français Müller Ernst (A), suisse 21.09.2004 06.12.2006 Opiela Stanislaw (A), polonais Parnisari Giovanni (A), 07.06.2006 italien Pasteur Roger (G), 28.05.2004 français Perroton René (A), 06.12.2006 français Pillet Albert (G), 28.05.2004 français

2928

05-28 06-03 05-45

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 CPM 72

05-29

LSEE

04-59

ACF 13.12.40, 25.09.42

04-12

ACF 13.12.40, 25.09.42

04-13

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 04-07 CPM 107 LSEE 08-05, 08-07, 08-08, 08-09 ACF 13.12.40, CPM 107 LSEE 08-03

04-14 08-06 04-39 08-04 05-15 05-49 04-15 05-04 04-33 06-08 05-50 04-16 06-07 04-17

05-26, 05-28

ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-16, 05-17 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-50 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42 04-19, 04-25 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 LSEE ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 25.09.1942

04-32 06-37 05-49

04-04, 04-17, 04-18 ACF 13.12.40, 25.09.42, 06-06 CPM 107 ACF 25.09.1942 04-04, 04-16, 04-18

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

04-18

ACF 25.09.1942

04-04, 04-17, 04-18

04-56 08-11

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 inconnues

08-07

LSEE

05-52

CPM 72

05-02

ACF 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42 04-15, 04-25

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Pillet André (G), 28.05.2004 français Piroia Mario (A), 07.06.2006 italien Rebholz Victor (G), 02.03.2009 allemand Rohrer Maria (G), 02.03.2009 suissesse Roseren François-Abel 07.06.2006 (A), suisse Roth Friedrich Albert (A), 01.06.2005 suisse Rouge Charles-Ernest 21.09.2005 (A), français Ruffin Urbain (G), 28.05.2004 français Savoy Henri (G), 21.09.2004 suisse Schmit Massimo (A), 07.06.2006 italien Schupp Josef Hermann 07.06.2006 Karl (A), suisse Seemann Johann (G), 21.09.2004 allemand Servoz Jean-Louis (G), 21.09.2004 français Servoz Paul (G), 21.09.2004 français Sigismondi Felix (G), 28.05.2004 italien Simon Marc (A), 01.06.2005 suisse Spirig Jakob/1 (G), 28.05.2004 suisse

04-46 04-19 04-40

08-05, 08-06, 08-08, 08-09 05-51, 05-54

05-40

ACF 13.12.40, 04-42, 04-43 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42

05-53

ACF 25.09.42

04-41

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 ACF 13.12.40, CPM 107 LSEE

04-42 04-43 04-20 04-53 04-21

04-44 04-40, 04-43 04-40, 04-42 04-31

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 04-08, 04-10, CPM 107 04-11, 04-22, 04-23, 04-26 LSEE 05-20, 05-21

Spirig Jakob/2 (G), suisse Spirig Johann (G), suisse

30.11.2005 05-22 28.05.2004 04-22

ACF 13.12.40, CPM 107

Spirig Philipp (G), suisse

28.05.2004 04-23

ACF 13.12.40, CPM 107

Stalder Hermann (G), suisse

30.11.2005 05-25

LSEE

04-08, 04-10, 04-11, 04-21, 04-23, 04-26 04-08, 04-10, 04-11, 04-21, 04-22, 04-26 05-23, 05-24

2929

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

Stefanetti Andrea (A), italien Stefanetti Ercole (A), italien Stern Hermann (A), suisse Stitelmann Aimée (E), franco-suisse Studer Adolf (G), suisse Sutter Johann (A), alsacien Tatu Antoine (A), français Uehlinger Martha (G), suissesse Uehlinger Paul (G), suisse Vaucher Pierre (G), français Vincent Robert (A), français Weder Hans (G), suisse Weinberger Edmond (G), tchèque Wermuth Victor (A), français Wessely Rosa (A), hongroise Wittwer Ernest (F), suisse Wolf Nathan (G), apatride, jadis allemand Wollmann Pierre (A), suisse Wüst Rosa (G), suissesse Zanotta Battista (A), italien Zanotta Francesco (A), italien Zen-Ruffinen Jean (A), suisse

2930

07.06.2006 05-34

ACF 13.12.40, 25.09.42 05-33

07.06.2006 05-33

ACF 13.12.40, 25.09.42 05-34

05.03.2008 07-03

LSEE

02.03.2004 04-01

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 LSEE ACF 13.12.40, 25.09.42

28.05.2004 04-24 06.12.2006 05-42 21.09.2005 04-51 02.03.2009 08-08 02.03.2009 08-09 28.05.2004 04-25 07.06.2006 05-39

07-02, 07-04

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 LSEE 08-05, 08-06, 08-07, 08-09 LSEE 08-05, 08-06, 08-07, 08-08 ACF 13.12.40, 25.09.42 04-15, 04-19

28.05.2004 04-27

ACF 13.12.40, 25.09.42, CPM 107 ACF 13.12.40, 04-08, 04-10, CPM 107 04-11, 04-21, 04-22, 04-23 ACF 13.12.40, 25.09.42

06.12.2006 06-17

ACF 13.12.40, 25.09.42 06-15, 06-16

05.03.2008 07-02

LSEE

28.05.2004 04-28

ACF 13.12.40, 25.09.42

21.09.2004 04-44

ACF 13.12.40, 25.09.42, 04-41 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, 04-30, 05-05 CPM 107 LSEE 08-01

28.05.2004 04-26

01.06.2005 04-52 02.03.2009 08-02 21.09.2005 05-16 21.09.2005 05-17 07.06.2006 05-54

07-03, 07-04

ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-15, 05-17 CPM 107 ACF 13.12.40, 25.09.42, 05-15, 05-16 CPM 107 CPM 72 05-51, 05-52

Nom de la personne condamnée et provenance du dossier:

Date de la décision en constatation

No

Bases légales de la condamnation

Cas liés

G = Fondation Paul Grüninger A = Archives E = Demande de la personne elle-même F = Demande de la famille

ZZ.A. (A), suisse (nom pas publié) ZZ.B. (A), suisse (nom pas publié) ZZ.C. (A), apatride, jadis allemand (nom pas publié) ZZ.D. (A), suisse (nom pas publié) ZZ.E. (A), suisse (nom pas publié)

01.06.2005 05-05 07.06.2006 04-57

ACF 13.12.40, 25.09.42, 04-30, 04-52 CPM 107 ACF 13.12.40 04-58

07.06.2006 04-58

ACF 13.12.40

07.06.2006 05-30

ACF 13.12.40, 25.09.42

07.06.2006 05-51

CPM 72

04-57

05-52, 05-54

2931

2932