09.038 Message concernant l'arrêté fédéral portant approbation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger dans le cadre de l'opération NAVFOR Atalanta de l'Union européenne et la modification de la loi sur l'armée et l'administration militaire du 22 avril 2009

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre le message concernant l'arrêté fédéral portant approbation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger dans le cadre de l'opération NAVFOR Atalanta de l'Union européenne et la modification de la loi sur l'armée et l'administration militaire. Nous vous prions d'approuver ces deux objets.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 avril 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-0601

4041

Condensé Durant les douze derniers mois, les attaques de pirates au large de la Corne de l'Afrique et dans le golfe d'Aden (entre la Somalie et le Yémen) contre des navires marchands et de plaisance ont fortement augmenté. Pour faire face à cette menace, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une série de résolutions visant à améliorer la lutte contre la piraterie.

L'Union européenne a pris le relais d'une première opération de l'OTAN en instituant l'opération militaire NAVFOR Atalanta (opération Atalante). L'objectif de cette opération est premièrement de protéger les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) et les autres convois humanitaires, deuxièmement d'offrir une protection aux navires marchands vulnérables et, enfin, de combattre la piraterie.

L'opération Atalante ne constitue que l'une des contributions de l'UE à la stabilisation de la Corne de l'Afrique.

Comme tous les Etats membres de l'ONU, la Suisse est invitée par le Conseil de sécurité à contribuer à la protection des bateaux affrétés par le PAM et à participer à la lutte contre la piraterie dans les eaux au large de la Somalie. Une contribution substantielle de la Suisse donnerait donc un signal fort de solidarité internationale.

Il s'agit cependant aussi de défendre des intérêts stratégiques de la Suisse, dont la liberté de commerce de notre flotte marchande pour laquelle un investissement considérable a été consenti ces cinquante dernières années.

La participation de militaires suisses (limitée à 30 personnes et à une année) s'appuie sur l'art. 69, al. 1 et 2, de la loi sur l'armée et l'administration militaire (Service d'appui aux opérations d'aide humanitaire et service d'appui destiné à la sauvegarde d'intérêts suisses à l'étranger). Du fait de la constellation de l'opération Atalante, la Suisse bénéficie du soutien de la communauté internationale pour la protection de ses intérêts, sans qu'il lui soit demandé une stricte réciprocité. Elle ne peut cependant tabler durablement sur un telle donne. Le phénomène des Etats fragiles ou défaillants (failed states) allant s'amplifiant, de nouvelles opérations internationales de police de ce type demeurent probables. La Suisse partage avec la communauté internationale une vulnérabilité aux dangers liés à la déliquescence des structures étatiques. Sa participation
à de telles actions sert donc à la fois ses propres intérêts et la solidarité internationale.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé de soumettre au Parlement une modification de la loi sur l'armée et l'administration militaire en plus de l'approbation de l'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger dans le cadre de l'opération Atalante. Cette modification crée la base légale permettant à la Suisse de participer par des moyens militaires à des opérations internationales de police qui satisfont aux principes de sa politique extérieure et de sécurité, lorsque des intérêts importants de la Suisse sont directement ou indirectement menacés.

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Message 1

Présentation de l'objet

L'opération internationale menée au large des côtes somaliennes pour lutter contre la piraterie montre que la communauté internationale cherche des voies pour améliorer la protection de la population civile et la sécurité internationale dans les régions limitrophes d'Etats fragiles.

La loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire (LAAM; RS 510.10) contient les bases légales requises pour que des militaires puissent être engagés dans des missions de police destinées à assurer la protection de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection à l'étranger, dans le cadre d'opérations humanitaires, pour autant que des intérêts suisses doivent être sauvegardés. Il n'est donc pas nécessaire de créer de nouvelles bases légales pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie, tant que la protection assurée par l'armée se limite à des livraisons humanitaires ou à des navires battant pavillon suisse. Il manque cependant une base légale pour protéger les navires étrangers dans le cadre de l'opération Atalante. La Suisse, dont la flotte marchande bénéficie de la protection assurée par des contingents d'Etats tiers, ne peut donc pas, en retour, faire un geste de solidarité et engager ses militaires dans des missions de protection de navires marchands étrangers.

La constellation particulière de l'opération Atalante permet à la Suisse de bénéficier, moyennant une contribution limitée, du soutien de la communauté internationale dans la sauvegarde de ses intérêts, sans qu'il lui soit demandé une stricte réciprocité.

La Suisse ne peut toutefois tabler durablement sur une telle donne, qui correspond en l'occurrence à sa marge de manoeuvre juridique. Le phénomène des Etats fragiles ou défaillants allant s'amplifiant, il y a de fortes chances que de nouvelles opérations internationales de police de ce type se révèlent nécessaires. La Suisse partage avec la communauté internationale une vulnérabilité aux dangers liés à la déliquescence des structures étatiques. Sa participation à de telles actions sert donc à la fois ses propres intérêts et la solidarité internationale.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé de soumettre au Parlement une modification de la loi sur l'armée et l'administration militaire visant à étendre le service d'appui à l'engagement dans des opérations
internationales de police, en plus de l'approbation de la participation à l'opération Atalante. Cette modification crée la base légale permettant à la Suisse de participer par des moyens militaires à des opérations internationales de police qui satisfont aux principes de sa politique extérieure et de sécurité, lorsque des intérêts importants de la Suisse sont directement ou indirectement menacés.

2

Participation de la Suisse à l'opération Atalante

2.1

Contexte

Ces douze derniers mois, les attaques de pirates au large de la Corne de l'Afrique et dans le golfe d'Aden (entre la Somalie et le Yémen) contre des navires marchands et de plaisance ont fortement augmenté (depuis début 2008, on dénombre 100 tenta4043

tives de capture de navires dans la région, dont 40 ont réussi). Parmi les plus spectaculaires, il faut mentionner la capture le 25 septembre 2007 du cargo ukrainien Faïna, qui transportait du matériel de guerre, celle du pétrolier saoudien Sirius Star le 15 novembre 2008 et la tentative avortée le 2 décembre 2008 contre un navire de croisière américain transportant 1000 passagers. Au cours des dernières années, la piraterie sévissant dans cette région s'est de plus en plus structurée et rapporte désormais des revenus considérables. Les rançons demandées pour la libération d'un navire et de son équipage peuvent atteindre plus de 20 millions de francs, alors que les risques sont faibles compte tenu de la quasi-inexistence de moyens de protection des navires commerciaux. Ces montants financent la piraterie et un ensemble d'activités souvent criminelles, principalement en Somalie, renforçant l'anarchie régnant dans ce pays et contribuant à la déstabilisation de l'ensemble de la région.

Les attaques de pirates, avant tout menées par des groupes basés en Somalie et visant à s'emparer de la cible pour obtenir une rançon, représentent une sérieuse menace contre la navigation maritime et les intérêts commerciaux internationaux, dont ceux de la Suisse. Ils mettent par ailleurs en danger l'acheminement de l'aide humanitaire convoyée par les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) à destination de la Somalie. L'année 2008 a connu une augmentation de presque 200 % des actes de piraterie au large de la Somalie et dans le golfe d'Aden. Depuis janvier 2009, 30 attaques contre des navires commerciaux ont été enregistrées et plus de dix nouveaux navires ont été capturés.

2.2

Mesures prises par la communauté internationale

Pour faire face à cette menace, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une série de résolutions visant à améliorer la lutte contre la piraterie (résolutions 1814, 1816, 1838, 1846 et 1851). Le droit de poursuivre les pirates jusqu'à la côte somalienne est désormais reconnu. Les Nations Unies ont par ailleurs autorisé l'envoi de navires de guerre dans la zone concernée pour la sécuriser et pour protéger les navires affrétés par le PAM, ainsi que les navires commerciaux. Le mandat délivré s'inscrit dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le Conseil de sécurité montre ainsi que la menace représentée par les pirates somaliens doit être comprise comme une menace contre la sécurité internationale et que l'ensemble des Etats sont appelés à y répondre.

Se fondant sur les résolutions susmentionnées du Conseil de sécurité, l'OTAN a mis sur pied le 24 octobre 2008, en accord avec le Secrétaire général des Nations Unies, une mission navale militaire (opération Allied Provider), dont l'objectif principal était la protection des navires du PAM convoyant une aide alimentaire vers l'Afrique. Cette mission s'est achevée en décembre 2008.

L'Union européenne a pris le relais de l'opération de l'OTAN en instituant l'opération militaire NAVFOR Atalante (action commune 2008/851/PESC du 10 novembre 2008 concernant l'opération militaire de l'Union européenne en vue d'une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie et décision 2008/918/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 relative au lancement de l'opération militaire de l'Union européenne en vue d'une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vol à main armée au large des côtes de la Somalie). L'opération Atalante a débuté le 8 décembre 2008.

4044

L'objectif de l'opération Atalante est premièrement de protéger les navires du PAM, deuxièmement d'offrir une protection aux navires vulnérables croisant au large de la Somalie et, enfin, de combattre la piraterie. L'idée principale de l'opération Atalante est de contribuer à la création d'une zone sécurisée comprenant le golfe d'Aden et la mer au large de la Somalie. Cette très vaste zone couvre une surface de 2 millions de kilomètres carrés. La taille de la zone et les moyens disponibles limités rendent la tâche difficile.

Atalante est dirigée sur le plan opérationnel depuis le quartier général de Northwood (Londres) et sur le plan tactique par un quartier général installé sur le navire commandant l'opération, soutenu par un centre logistique installé à Djibouti. L'opération devrait disposer de quatre à sept navires de guerre (des frégates, notamment), ainsi que de moyens aériens de surveillance, pour surveiller la zone concernée. D'autres éléments navals pourraient la compléter. L'opération est prévue jusqu'à fin 2009, mais des signes d'une éventuelle prolongation sont perceptibles.

Une pièce fondamentale de cette opération est le Centre de sécurité maritime (Maritime Security Centre, MSC), également abrité dans le quartier général de Northwood. Ce centre est supervisé par le chef d'Etat-major d'Atalante. Le MSC recueille les informations que lui transmettent les compagnies maritimes et les armateurs craignant pour la sécurité de leurs navires. Les caractéristiques de ces navires, leurs routes, leur entrée et sortie des zones dangereuses sont transmises aux navires de l'opération Atalante. En cas de nécessité et selon les possibilités opérationnelles, une protection navale est offerte. Des efforts contre la piraterie sont également consentis de manière unilatérale par des puissances navales engagées dans cette zone.

A la fin mars, le Canada, la Corée du Sud, la Croatie, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le Japon, la Malaisie, la Norvège, la Turquie, et l'Ukraine ont aussi été invités à participer à l'opération, à titre d'Etat tiers. Parmi ces pays, plusieurs ont déjà promis des contributions substantielles: la Norvège (une frégate), l'Ukraine (troupes spéciales) et la Croatie (officiers supérieurs). Des arrangements de coopération portant notamment sur l'échange d'informations ont été conclus
avec d'autres Etats tiers, comme la Russie, la Chine et l'Arabie Saoudite. Des discussions sont en cours avec le Japon.

M. Javier Solana, secrétaire général du Conseil de l'Union européenne et Haut représentant de l'Union européenne pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), a officiellement sollicité, par lettre du 2 décembre 2008, une participation de la Suisse à l'opération Atalante en tant qu'Etat tiers et l'a invitée à prendre part à la «conférence de génération de force» du 16 décembre 2008.

2.3

Intérêts suisses en jeu

En agissant au titre du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité de l'ONU indique que la piraterie qui sévit dans les eaux au large de la Somalie constitue une menace contre la paix et la sécurité internationale. Il prend donc très au sérieux ce problème. Comme tous les Etats membres de l'ONU, la Suisse est invitée par le Conseil de sécurité à contribuer à la protection des bateaux affrétés par le PAM et à participer à la lutte contre la piraterie dans les eaux au large de la Somalie. Une contribution substantielle de la Suisse donnerait donc un signal fort de solidarité internationale. Etant donné que l'opération militaire représente, en plus, une initia4045

tive d'une grande portée pour l'Union européenne dans le cadre de sa PESC, une participation de la Suisse bénéficiera aux relations bilatérales.

Soulignons encore que la Suisse n'est pas en mesure d'assurer elle-même une protection à ses navires et qu'elle ne peut, pour des raisons logistiques évidentes, que s'engager dans le cadre d'une opération multinationale, s'assurant par ses contributions une meilleure prise en compte de ses intérêts.

Une participation de la Suisse à l'opération Atalante servira en particulier les intérêts suivants: ­

Sécurité de l'approvisionnement humanitaire en faveur de la Somalie. La sécurisation des eaux au large de la Somalie permet un acheminement de l'aide humanitaire internationale, notamment celle délivrée par le PAM. La Suisse a versé en 2008 une contribution de 7,8 millions de francs en faveur de l'aide humanitaire pour la Somalie (contre 4,7 millions en 2007).

­

Défense des intérêts de la Suisse en tant qu'Etat pavillon. La flotte marchande suisse, composée d'une trentaine de navires commerciaux, est un instrument stratégique au service de l'approvisionnement économique du pays, sur laquelle la Confédération doit pouvoir s'appuyer en cas de crise. A ce titre, la presque totalité de la flotte suisse bénéficie du crédit-cadre pour cautionnement. Celui- ci est passé au début de l'année 2008, sur autorisation des Chambres fédérales, de 600 millions à 1,1 milliard de francs (durée prolongée de cinq ans jusqu'en 2017). La protection des investissements consentis dans la flotte marchande et la poursuite des activités commerciales maritimes sont donc également en jeu.

­

Réduire les risques d'une prise d'otage et de ses conséquences financières et politiques. Une prise d'otage d'un navire suisse mettrait en danger les marins qui travaillent sur ce navire. De surcroît, une prise d'otage a des conséquences financières. L'armateur devrait verser une rançon, qui se négocie généralement entre 2 et 3 millions de dollars, sans compter le manque à gagner causé par l'immobilisation du navire durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Par ailleurs, les négociations engagées pour la libération d'un navire capturé comporteraient aussi des risques politiques et financiers considérables pour la Suisse, comme le montrent les récentes affaires de prise d'otages.

­

Application rigoureuse du droit de la mer. La Suisse est signataire de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer et ratifiera cette convention en mai 2009.

2.4

Analyse des risques pour le personnel engagé

L'opération Atalante constitue davantage une opération de police maritime qu'une opération navale classique, ce qui permet une évaluation des risques relativement fiable. Les forces engagées dans l'opération n'ont pas à faire face à des unités militaires recherchant une confrontation armée, ni à des terroristes prêts à sacrifier leur vie dans l'attaque de bateaux occidentaux. Voulant gagner de l'argent, ces criminels cherchent des victimes sans défense. Les équipes de protection suisses participant à l'opération pourraient donc être amenées, en cas d'engagement, à prendre des mesures dissuasives, mais qu'un véritable affrontement armé est très peu vraisemblable, 4046

même s'il ne peut être exclu (Jusqu'ici, tous les engagements ayant provoqué des pertes humaines ont eu lieu lors d'opération offensives de libération d'otage et jamais lors de pures opérations défensives).

2.5

Décisions politiques préalables

Le 19 décembre 2008, le Conseil fédéral a pris la décision de principe de soutenir l'opération de l'Union européenne Atalante avec du personnel militaire armé; celuici aurait pour mission de protéger les navires du PAM et pourrait être embarqué, en qualité de détachement de protection sur des navires suisses, lorsque ceux-ci seraient jugés vulnérables et lorsque les exigences opérationnelles le permettraient, pour autant que le commandant de l'opération en décide ainsi et sous réserve du consentement de l'armateur concerné. Donnant suite à cette décision, le DFAE a apporté les éclaircissements juridiques et financiers demandés par le Conseil fédéral et a également fait état des résultats des discussions menées avec l'UE et les armateurs.

Le 25 février 2009, le Conseil fédéral a chargé le DFAE de négocier, en collaboration avec le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), l'accord de participation à l'opération Atalante. Bien que l'art. 70, al. 2, LAAM n'impose pas au Conseil fédéral de soumettre l'engagement de militaires suisses à l'approbation préalable de l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral a décidé de soumettre le message aux Chambres avant la conclusion de l'accord de participation.

Le Conseil fédéral a en outre chargé le DDPS de préparer une modification de la LAAM afin de créer une base légale plus claire pour de futures opérations du type d'Atalante et de soumettre cette modification aux Chambres en même temps que le message concernant la participation à l'opération Atalante (voir ch. 3 du présent message).

2.6

Engagement militaire

2.6.1

Contribution suisse

La Suisse mettra à la disposition de l'opération Atalante: ­

deux équipes des formations de reconnaissance de l'armée et de grenadiers (forces spéciales), chacune étant composée de six à huit personnes,

­

une équipe médicale composée d'un médecin et de deux infirmiers,

­

jusqu'à quatre officiers d'Etat-major,

­

trois spécialistes en droit international.

Les militaires engagés auront pour mission de protéger les navires du PAM, en qualité de détachement de protection embarqué. Les militaires suisses pourront également être engagés sur des navires suisses lorsque ceux-ci seront jugés vulnérables par le commandant de l'opération et lorsque les exigences opérationnelles le permettront. La Suisse exclut toutefois de participer à d'autres missions, notamment des opérations offensives, des opérations de poursuite de pirates ou des engagements sur d'autres navires marchands que ceux précités.

4047

2.6.2

Nations partenaires

La Suisse a reçu des offres concrètes d'appui logistique aussi bien de la France que de l'Allemagne. Le choix s'est porté sur cette dernière en raison du haut niveau d'intégration du contingent suisse proposé par Berlin. Les militaires suisses feront en effet partie intégrante du détachement allemand, nation partenaire avec laquelle la Suisse entend coopérer compte tenu de son manque de capacités propres.

Concrètement, les moyens engagés par la Suisse se substituent à ceux du partenaire.

Les militaires suisses reprennent intégralement les tâches correspondantes auprès du partenaire qui, lui, fait siennes les restrictions nationales suisses. Le partenaire assure par exemple le transport du détachement de protection embarqué jusqu'au port d'embarquement et facilite son installation à bord du bâtiment à protéger.

Bien que de nombreuses questions restent ouvertes, le niveau d'intégration proposé par l'Allemagne ainsi que des expériences communes préalables permettent d'envisager des solutions acceptables et intéressantes pour la Suisse. Compte tenu de l'envergure de sa contribution, la Suisse est dépendante du partenaire pour de nombreuses prestations, dont les flux de personnes, de matériel et d'information vers le théâtre de l'opération. De même, la Suisse pourrait également profiter dans une large mesure des structures du partenaire allemand sur place, du point de vue de la logistique et de la sécurité notamment.

En raison des réalités et des nécessités opérationnelles, une coopération avec d'autres partenaires n'est pas à exclure dans certains domaines.

2.6.3

Mode opératoire

Lorsque un détachement de protection est embarqué à bord d'un bâtiment à protéger, un contact permanent est maintenu avec le navire d'escorte du partenaire. En cas d'alerte ou d'attaque, celui-ci vient immédiatement en soutien par des moyens aériens et se rapproche du navire à protéger.

La mission de protection d'un détachement de protection embarqué suisse se termine au moment où le bâtiment à protéger arrive à destination ou quitte le secteur risqué.

Le partenaire embarque alors le détachement suisse et assure son transport jusqu'à destination pour la prochaine mission. Les membres d'un détachement de protection embarqué suisse ne touchent jamais le sol de la Somalie.

2.6.4

Contrôle opérationnel et chaîne de commandement

Le personnel militaire suisse reste subordonné aux autorités militaires suisses. Pour l'accomplissement de la mission, les troupes suisses sont placées sous le contrôle opérationnel du commandant de l'opération Atalante.

4048

2.6.5

Juridiction

Les militaires suisses sont autorisés à arrêter des individus dans le cadre de leur mission de protection des navires du PAM ou des navires suisses. Une telle arrestation temporaire ne peut avoir lieu qu'à la condition que le prisonnier soit pris en charge par les autorités de l'opération Atalante et remis à un pays participant à l'opération, à un Etat tiers partenaire de l'opération (l'UE a finalisé un accord de transfert avec le Kenya) ou à l'Etat pavillon du bateau concerné. Tous les pays concernés garantissent le droit des prisonniers à être traités d'une manière conforme au droit international, notamment en ce qui concerne les obligations internationales en matière de droits de l'homme et les principes de l'Etat de droit.

Si une arrestation temporaire devait toucher des intérêts suisses, le prisonnier serait justiciable en Suisse. La Suisse aurait cependant le droit de renoncer à exercer cette compétence en vertu de l'art. 12, par. 1, de l'action commune du Conseil de l'UE.

2.6.6

Règles d'engagement

La Suisse considère l'opération Atalante comme une opération de police sous mandat des Nations Unies. Elle estime donc que, lorsque l'usage de la force est requis, le principe de proportionnalité, habituel dans ce type d'opération, doit être appliqué par les forces suisses. Les détachements de protection embarqués suisses ne sont autorisés à employer leurs armes qu'en cas de légitime défense ou d'état de nécessité et, en dernier recours, pour l'accomplissement de la mission. Ces règles d'engagement se fondent sur l'art. 92 LAAM et sur l'ordonnance du 26 octobre 1994 concernant les pouvoirs de police de l'armée(OPoA; RS 510.32)).

Afin que les détachements de protection embarqués suisses sur navires affrétés par le PAM puissent remplir leur mission et être juridiquement protégés, la Suisse fera signer par les Etats pavillon des navires affrétés par le PAM des déclarations types déjà utilisées par l'opération Atalante. La Suisse pourra aussi, le cas échéant, bénéficier de déclarations de cette nature conclues entre l'UE et l'Etat pavillon du navire transportant l'aide humanitaire du PAM. Ces déclarations autorisent les détachements de protection embarqués suisses à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'usage de la force, afin d'empêcher des actes de piraterie contre le navire sur lequel ils sont positionnés ou de mettre fin à de tels actes. Néanmoins, le capitaine du navire conserve en tout temps la responsabilité générale du navire en ce qui concerne la sécurité et la sûreté. Ainsi, le chef de détachement à bord conserve la liberté d'action nécessaire, tout en respectant la responsabilité indivisible du capitaine pour les aspects touchant à la sécurité et sûreté du navire. Enfin, une déclaration de non-responsabilité liant la Suisse et l'armateur concerné est également nécessaire.

2.7

Situation juridique

2.7.1

Service d'appui

Les engagements de l'armée à l'étranger sont régis par la LAAM. Celle-ci prévoit trois types d'engagements à l'étranger qui ne sont pas exclusivement destinés à la formation: 4049

Art. 66, 66a, 66b: Service de promotion de la paix. Par promotion de la paix, on entend le soutien à la paix et la gestion des crises.

Art. 69, al. 1:

Service d'appui aux opérations d'aide humanitaire.

Art. 69, al. 2:

Service d'appui destiné à la sauvegarde d'intérêts suisses à l'étranger (protection de personnes ou de biens particulièrement dignes d'être protégés).

Une participation de la Suisse à l'opération Atalante se limitera à l'engagement de militaires pour la protection des navires du PAM et, le cas échéant, pour la protection des navires marchands suisses transitant dans la zone d'opération. Il n'est pas prévu d'engager de militaires suisses pour assurer la protection de navires de commerce d'Etats tiers (à l'exception des navires du PAM). Le mandat assigné aux militaires suisses ne portera par ailleurs que sur la protection des navires et la défense contre les attaques de pirates. Une opération militaire à caractère offensif dirigée contre les pirates sur mer ou sur terre n'entre pas en ligne de compte et n'est, d'ailleurs, pas prévue dans les règles d'engagement de l'opération Atalante. Seuls des engagements répondant au principe de la proportionnalité (et, partant, d'un usage extrêmement restrictif de la force) sont acceptables dans le cadre de ce qui doit être considéré comme une opération de police maritime.

Compte tenu de ces restrictions explicites, l'engagement de l'armée peut se fonder sur l'art. 69, al. 1 et 2.

L'art. 69, al. 1, a été conçu dans la perspective d'engagements subsidiaires de l'armée à l'étranger en cas de catastrophes, de missions d'aide humanitaire ou d'aide à la population civile en cas de conflit. Selon le message sur la révision de la législation militaire (FF 2002 833), tout engagement de l'armée au sens de l'art. 69, al. 1, doit en principe se limiter aux domaines de la protection, de la logistique et du sauvetage. L'armée doit avoir pour mission de soutenir les efforts d'assistance civils et de protéger le personnel civil à pied d'oeuvre. La protection des navires du PAM constitue un engagement humanitaire au sens de cet article, car ses navires font partie d'une mission humanitaire destinée à venir en aide aux personnes déplacées en Somalie à cause des conflits dans la région.

Les bâtiments de la marine marchande suisse peuvent, quant à eux, être qualifiés d'«objets particulièrement dignes de protection» au sens de l'art. 69, al. 2, LAAM.

Si le message sur la révision de la législation militaire mentionne en premier lieu les immeubles abritant des représentations de la Suisse à titre d'exemple, la flotte marchande suisse est maintenue afin de contribuer à l'approvisionnement du pays en cas de crise et la Confédération
la soutient en lui accordant des crédits de cautionnement. L'élément décisif en ce qui concerne les mesures de protection dans le cadre du service d'appui, selon le message, est la protection des «intérêts suisses». Dans le cas présent, cette condition est donc remplie. Par ailleurs, il convient de noter que la mission confiée aux militaires suisses est d'intérêt public et que les autorités civiles ne sont pas en mesure de s'en acquitter parce qu'elle requiert du personnel et des moyens militaires (principe de la subsidiarité, cf. art. 67, al. 2, LAAM). Assurer une telle protection avec des moyens civils impliquerait soit d'avoir recours à des sociétés de sécurité privée ­ une option formellement rejetée par l'Association internationale des assureurs ­, soit d'engager (comme dans le cadre des engagements TIGER/FOX) des policiers cantonaux. Enfin, aux termes de l'art. 107 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et des résolutions 1846 et 1851 du 4050

Conseil de sécurité, la lutte contre la piraterie être mise en oeuvre par des moyens militaires.

Qu'il se fonde sur l'art. 69, al. 1, LAAM ou sur l'art. 69, al. 2, LAAM, l'engagement peut être armé. Bien qu'un engagement armé ne soit pas explicitement prévu à l'art. 69, al. 1, LAAM, celui-ci ne l'exclut pas. Selon le message sur la révision de la législation militaire, en effet, les engagements au sens de l'art. 69, al. 1, sont en principe effectués sans armes, mais d'autres modalités sont possibles en accord avec l'Etat demandeur. Selon la résolution 1846 de l'ONU, la Somalie a donné son accord à un engagement armé.

2.7.2

Compétence

Comme la durée de l'engagement de militaires suisses dépasserait trois semaines, l'approbation de l'Assemblée fédérale est requise en vertu de l'art. 70, al. 2, LAAM.

2.7.3

Durée de l'engagement

Il est prévu de limiter l'engagement à une année, avec la possibilité de soumettre une proposition de prolongation à l'Assemblée fédérale selon l'évolution de la situation.

2.7.4

Accord de participation

La Suisse et l'Union européenne devront conclure un «accord de participation» afin de permettre à la Suisse de s'engager dans l'opération Atalante et de s'associer à l'action commune de l'UE. Le texte de l'accord de participation constitue un texte type. Il règle notamment les principes généraux de la participation de la Suisse dans l'opération, les implications juridiques pour la Suisse des accords sur le statut des forces qui ont été conclus par l'Union européenne avec des pays de la région (Djibouti, Kenya et Somalie), les conditions de transfert des personnes qui ont commis ou qui sont soupçonnées d'avoir commis des actes de piraterie, qui ont été arrêtées et qui sont détenues en vue d'un procès, le traitement des informations classifiées, la chaîne de commandement et les aspects financiers. La Suisse compte introduire de manière claire dans l'accord de participation les missions qu'elle remplira et les limites de son action. L'accord comprend en outre une annexe garantissant aux personnes qui ont commis ou qui sont soupçonnées d'avoir commis des actes de piraterie et qui seront transférées pour être jugées, le respect de leurs droits, notamment en matière de droits de l'homme.

La Suisse, en transmettant son offre formelle au commandant de l'opération Atalante, a précisé les missions autorisées pour son personnel militaire armé, à savoir la protection exclusive des navires affrétés par le PAM et des navires suisses. De ce fait, la Suisse exclut d'emblée de participer à d'autres missions comme des opérations offensives, des opérations de poursuite de pirates ou des engagements sur des navires autres que ceux mentionnés plus haut. En acceptant l'offre suisse, le commandant de l'opération a également accepté les restrictions auxquelles le personnel militaire armé suisse est astreint.

4051

2.8

Conséquences sur le personnel et conséquences financières

2.8.1

Conséquences sur le personnel

Le personnel suivant sera mis à la disposition de l'opération Atalante: ­

deux équipes des formations de reconnaissance de l'armée,

­

une équipe médicale composée d'un médecin et de deux infirmiers,

­

jusqu'à quatre officiers d'Etat-major,

­

trois spécialistes en droit international.

Les forces du détachement de reconnaissance de l'armée (DRA 10), qui fonctionnent comme détachement de protection embarqué, sont des militaires professionnels.

Cet élément stratégique au profit de la conduite politique est en effet constitué de spécialistes disponibles pour des missions de ce type, mais aussi d'une manière plus générale pour assurer la protection des citoyens et des biens suisses à l'étranger en cas de menace élevée.

L'engagement de la Suisse ne doit pas dépasser 30 personnes. Les rapports de travail de l'ensemble du personnel engagé dans ce service d'appui sont régis par l'ordonnance du 2 décembre 2005 sur le personnel affecté à la promotion de la paix, au renforcement des droits de l'homme et à l'aide humanitaire (RS 172.220.111.9).

2.8.2

Conséquences financières

L'opération Atalante est alimentée, d'une part, par les ressources libérées par l'UE pour le règlement de frais généraux de gestion au titre des coûts communs de l'opération. D'autre part, chaque pays participant à l'opération prend en charge l'ensemble des coûts de son propre engagement (salaires, transports, logement, nourriture, assurances, etc.).

La Suisse a été dispensée par l'UE de participer aux coûts communs de l'opération du fait que sa contribution est jugée significative par l'UE. La Confédération devra par contre assumer les coûts générés par l'engagement de son contingent (personnel militaire et juristes). Ces coûts comprennent les salaires, les assurances, les transports, le logement, la nourriture, les frais de transmissions et le matériel. La Suisse n'étant pas autonome en matière de logistique (contrairement à l'Allemagne ou à la France, par exemple), des prestations importantes seront demandées à une nation partenaire (transports, logement, nourriture). Ces prestations feront l'objet d'un accord à négocier entre la Suisse et la nation partenaire.

Faute de disposer du résultat de l'accord avec la nation partenaire, les coûts peuvent être évalués sur la base d'engagements effectués en Suisse et à l'étranger en se fondant sur un montant forfaitaire des coûts journaliers par personne engagée. Cette approche est celle du calcul global des coûts. Le coût forfaitaire est de 1500 francs par personne et par jour. Le coût total de l'engagement de la Suisse dans l'opération Atalante pour une année se monte ainsi à 16 millions de francs. Une partie de ce montant (les salaires, qui représentent 40 % du total) est cependant déjà inscrite au budget: seule la différence, soit 9,8 millions de francs au plus, doit encore être financée.

4052

Dans sa décision du 25 février 2009, le Conseil fédéral a habilité le DFAE à demander l'ouverture d'un crédit supplémentaire de 9,8 millions de francs pour financer les frais exceptionnels engendrés par cet engagement. Le crédit est géré par le DFAE en accord avec le DDPS.

2.9

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est mentionné ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de législature 2007 à 2011 (FF 2008 639), ni dans l'arrêté du 18 septembre 2008 sur le programme de législature 2007 à 2011 (FF 2008 7745). Il ne fait toutefois aucun doute que l'arrêté correspond aux objectifs de la politique de sécurité de la Suisse. Il s'inscrit par ailleurs dans la ligne de la stratégie formulée dans le rapport sur la politique de sécurité de la Suisse 2000, «La sécurité par la coopération».

2.10

Forme de l'acte à adopter

L'arrêté fédéral portant approbation de l'envoi de troupes se fonde sur l'art. 70, al. 2, LAAM. Par cet arrêté, les Chambres approuvent l'engagement de personnel militaire et autorisent le Conseil fédéral à conclure l'accord de participation avec l'Union européenne qui est indispensable pour formaliser la participation de la Suisse à l'opération Atalante. Cet acte prend la forme d'un arrêté fédéral simple, car il ne contient pas de règles de droit et n'est pas sujet au référendum (cf. art. 163, al. 2, Cst. et art. 29, al. 1, de la loi sur le Parlement, RS 171.10). L'intégration d'une norme de délégation autorisant le Conseil fédéral à conclure l'accord de participation à l'opération Atalante ne modifie pas la nature juridique de l'arrêté fédéral. En effet, cette délégation ne constitue pas une norme générale et abstraite au sens de l'art. 22, al. 4, LParl puisqu'elle vise la conclusion d'un accord déterminé (l'accord de participation). En outre, le Conseil fédéral est uniquement autorisé à conclure un accord qui ne remplit pas les critères de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., et qui n'est par conséquent pas sujet au référendum. Le Conseil fédéral peut déléguer cette compétence à un Département selon l'art. 48a de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010).

3

Modification de la LAAM

3.1

Contexte

Lorsque la communauté internationale est appelée à gérer des crises, elle se voit de plus en plus confrontée au défi que représente la déliquescence des structures étatiques dans un nombre croissant de pays. Le principe selon lequel l'ordre international repose sur une pluralité d'États souverains est aujourd'hui mis à mal: dans des régions de plus en plus nombreuses de la planète, les structures étatiques sont à tel point affaiblies, si tant est qu'elles existent encore, que les Etats concernés ne peuvent plus exercer effectivement leur souveraineté. En l'absence de structures étatiques, il y a d'une part le risque que la population civile soit livrée sans défense aux agissements de bandes armées. D'autre part, de telles zones de non-droit constituent un terrain propice à la criminalité armée, au trafic d'armes, de drogues et d'êtres 4053

humains, ainsi qu'au terrorisme. Des régions entières risquent d'être ainsi déstabilisées.

Ce phénomène non seulement compromet la sécurité des opérations humanitaires, mais affecte aussi directement la sécurité et la prospérité de pays qui ne sont pas eux-mêmes en proie à un processus de délitement des structures étatiques. En effet, soit le territoire de ces États défaillants sert de base arrière à des réseaux criminels; soit il est stratégiquement important pour l'approvisionnement mondial en énergie et en matières premières; soit l'effondrement d'Etats provoque des flux de réfugiés.

La communauté internationale a d'abord répondu à ce défi en mettant sur pied des missions de paix dites «multidimensionnelles», qui couvrent différentes phases de la gestion internationale des crises: la nouvelle génération des opérations de maintien de la paix de l'ONU ne se limite plus à la surveillance militaire des accords de cessez-le feu, mais englobe un large éventail de mesures civiles et militaires. Aux missions militaires classiques sont venues s'ajouter des tâches subsidiaires civiles destinées à assurer la sécurité et l'ordre publics voire la surveillance des frontières.

Ce volet civil englobe des missions de police, la protection de la population civile et des actions humanitaires, l'arrestation de criminels de guerre, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion d'anciens combattants, le rapatriement de réfugiés, sans oublier la mise en place de structures étatiques civiles.

Dans certains cas, face à l'ampleur de la déstabilisation, la communauté internationale s'emploie en priorité à renforcer la protection des opérations humanitaires et à circonscrire les dangers qui menacent directement la sécurité internationale. Cette démarche trouve une illustration dans les résolutions que le Conseil de sécurité a adoptées en 2008 afin de lutter contre la piraterie au large des côtes de la Somalie.

Par ces résolutions, le dispositif international de gestion des crises vise spécifiquement les acteurs civils de réseaux criminels qui utilisent le territoire d'un Etat défaillant comme base arrière de leurs agissements. La communauté internationale assume des fonctions de police dans les eaux territoriales de la Somalie, où l'Etat somalien ne peut plus s'acquitter de ses missions régaliennes. L'objectif
direct de l'opération est de mettre un terme aux actes criminels, qui font obstacle aux livraisons d'aide humanitaire au profit de la population civile de la Somalie et menacent de façon générale la sécurité de la navigation internationale.

À l'instar de nombreux autres Etats de la communauté internationale, la Suisse oeuvre pour la protection de la population civile dans les situations de crise internationales. En tant que société démocratique ouverte qui a construit sa prospérité sur une étroite imbrication dans le système économique mondial, elle est elle aussi vulnérable aux dangers résultant du délitement des structures étatiques.

3.2

Scénarios pour de futurs engagements

En vertu du droit international, des missions internationales de police du type d'Atalante ne peuvent être menées que si l'État concerné a donné son accord. En l'absence de structures étatiques qui puissent être sollicitées pour apporter un soutien ou donner leur accord, une telle mission ne peut être conduite que sur la base d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU.

A l'avenir, des opérations internationales de police pourront être envisagées là où des Etats se trouvent à tel point dépassés dans l'exercice de leur souveraineté qu'il 4054

en résulte de graves dangers soit pour leur population civile, soit pour la sécurité internationale. L'art. 69, al. 1, LAAM, permet certes de fournir un service d'appui en cas de dangers pour la population civile, mais la législation actuelle est lacunaire en ce qui concerne les dangers que représente le délitement d'Etats pour la communauté internationale et donc, indirectement, pour la Suisse. Or, lorsque la sécurité et l'ordre public ou l'approvisionnement du pays sont en jeu, la Suisse a un intérêt majeur à participer à de telles missions internationales.

On peut envisager, par exemple, des actions internationales de police visant à protéger des infrastructures internationales importantes, des itinéraires de transport ou des couloirs énergétiques, comme des oléoducs et des gazoducs, qui assurent l'approvisionnement énergétique mondial. Des risques environnementaux majeurs, tels que des accidents nucléaires, des pollutions pétrolières, des incendies d'entrepôts de pétrole, survenant dans la juridiction d'un Etat défaillant pourraient nécessiter des actions internationales de police de ce type. Le même raisonnement s'applique à la protection de ressources naturelles présentant une dimension sécuritaire, comme les gisements d'uranium, qui se trouvent dans la sphère d'influence d'un Etat défaillant et doivent être protégées contre une exploitation illicite et non contrôlée. La participation à des missions internationales de protection des frontières destinées à canaliser et à sécuriser les flux migratoires peut également s'inscrire dans de telles missions de police.

Par ailleurs, il n'est pas exclu que, d'une manière générale, les Etats se heurtent à l'avenir à leurs propres limites et sollicitent le soutien de la communauté internationale, faute de pouvoir assumer seuls les missions décrites précédemment.

3.3

Service d'appui pour des opérations internationales de police

Le service d'appui a été introduit par la loi du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire. Ce nouveau type de mission devait permettre d'apporter une réponse à l'élargissement et au déplacement du spectre des menaces et des risques. Il englobe toutes les aides militaires apportées à des autorités civiles dans une situation extraordinaire, à savoir lorsque les autorités civiles ne sont plus en mesure de s'acquitter de leurs tâches par manque de personnel, de matériel ou de temps.

La LAAM a également prévu pour la première fois l'engagement de l'armée à l'étranger pour des missions d'aide en cas de catastrophe (art. 69). L'introduction de cette disposition répondait d'une part à l'intérêt de la Suisse à apporter son aide lors de grandes catastrophes susceptibles d'avoir des répercussions sur son territoire national. D'autre part, elle s'inscrivait aussi dans un souci de solidarité internationale. En 2004, l'éventail des missions menées à l'étranger dans le cadre du service d'appui a été étendu aux opérations humanitaires en général. L'objectif était de pouvoir également envoyer des troupes à l'étranger dans le cadre de missions de gestion des flux migratoires ou de soutien à la population civile en cas de conflit. Par ailleurs, le service d'appui a été complété de manière à permettre l'engagement de militaires à l'étranger pour assurer la protection de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection (par ex. protection d'ambassades suisses, rapatriement de ressortissants suisses de régions en crise, FF 2002 816).

4055

Le service d'appui dans le cadre d'actions internationales de police doit donc compléter l'éventail des missions de police qui sont menées lorsque les autorités civiles ou militaires du lieu ne peuvent s'acquitter de cette tâche et que des intérêts suisses sont directement ou indirectement menacés. Un tel engagement doit en outre satisfaire aux principes de la politique extérieure et de sécurité de la Suisse et ne pas être dirigé contre un Etat. Les mêmes raisons que par le passé ont conduit à compléter l'éventail des missions: apporter une réponse aux nouvelles menaces et servir les intérêts de la Suisse et la solidarité internationale.

3.3.1

Délimitation par rapport aux opérations de promotion de la paix

Il faudra décider cas par cas si des troupes peuvent être envoyées à l'étranger pour des missions internationales de police dans le cadre du service de promotion de la paix ou du service d'appui Les opérations humanitaires menées par l'armée suivent la même procédure. Lors de la révision du service d'appui dans le cadre de la révision du 4 octobre 2002 de la LAAM (réforme Armée XXI), le législateur n'a pas exclu que l'armée puisse effectuer certaines opérations humanitaires dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Cela vaut également pour les missions de police.

Le personnel civil de police continuera à être envoyé à l'étranger sur la base de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme (RS 193.9).

3.3.2

Délimitation par rapport à des actes de guerre

La nature juridique des missions de police exclut toute assimilation à des actes de guerre. De telles opérations ne sont dirigées ni contre un Etat ni contre des combattants au sens du droit international humanitaire. L'élément central d'une mission de police est le maintien de l'ordre et de la sécurité, qui incombe normalement à l'Etat.

Cette tâche englobe en particulier la protection de la population civile ou d'objets dignes de protection et doit être menée dans le respect des normes internationales des droits de l'homme.

Les pouvoirs de police de l'armée sont réglés dans la LAAM (art. 92) et dans l'OPoA (RS 510.32). Y figurent des mesures telles que maintenir provisoirement des personnes en état d'arrestation, éloigner et tenir à distance les personnes, les fouiller, contrôler les objets et procéder à des séquestres. Le recours aux armes doit également obéir aux règles applicables aux opérations de police: l'arme peut être utilisée en dernier recours pour accomplir une mission de protection ou de garde, dans la mesure où les intérêts à protéger le justifient.

4056

3.3.3

Délimitation par rapport aux opérations d'imposition de la paix

Les missions internationales de police au sens du présent projet ne sont pas dirigées contre un Etat. L'accord de l'Etat concerné est requis, mais si ses structures étatiques ne sont pas suffisamment solides pour qu'il puisse solliciter lui-même un soutien, un mandat de l'ONU suffit.

Le postulat de départ est que l'ONU agit en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies lorsqu'elle adopte un mandat pour une opération internationale de police., autorisant de ce fait le recours à la force pour mener la mission à bien. De telles opérations ne doivent cependant pas être assimilées à des missions d'imposition de la paix. En effet, elles ne sont pas dirigées contre des Etats en tant que sujets du droit international.

3.4

Résultats des auditions

En date du 22 avril 2009, le Conseil fédéral avait approuvé le message aux Chambres relatif à l'objet cité en exergue. Il avait toutefois chargé le DDPS de procéder à une consultation accélérée sous forme d'auditions au sujet des modifications de l'art. 69 LAAM telles que proposées dans la seconde partie du message.

Ces auditions se sont déroulées les 11 et 13 mai 2009. Les résultats des auditions permettent de dégager certaines tendances marquées, soit: ­

beaucoup d'instances invitées a participer aux auditions ont refusé de s'impliquer dans une procédure jugée peu sérieuse;

­

l'opposition partielle ou totale de quatre partis gouvernementaux (UDC, PS, PDC, PRD-les libéraux);

­

une claire majorité des consultés rejette tout ou partie de la révision proposée et beaucoup s'accordent pour critiquer fortement le lien jugé inutile entre la proposition de participation de la Suisse a l'opération NAVFOR Atalante et la révision de la LAAM;

­

une forte majorité de consultés ne voit pas la nécessité d'une procédure d'urgence pour la révision de la LAAM;

­

de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu'une éventuelle révision de la LAAM soit reportée à une date postérieure à la publication du futur rapport sur la politique de sécurité;

­

la LAAM offre une base légale suffisante pour les engagements à l'étranger (y compris Atalante) et il s'agit d'accumuler de l'expérience dans le cadre légal actuel.

4057

3.5

Commentaire

Art. 69, al. 2 La deuxième phrase de l'al. 2 («Le Conseil fédéral détermine le type d'armement») est supprimée et son contenu inscrit dans un nouvel al. 4, afin que la compétence du Conseil fédéral porte sur l'ensemble de l'article.

Art. 69, al. 3 La protection de missions d'aide humanitaire ainsi que de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection à l'étranger, qui peut impliquer l'exécution de tâches de police par l'armée, continue de se fonder sur l'art. 69, al. 1 et 2.

Le nouvel al. 3 sert de base subsidiaire aux actions internationales de police destinées à apporter un soutien à des structures étatiques à l'étranger dans l'exécution de leurs tâches de police. De telles actions sont aussi possibles lorsque des structures étatiques sont trop faibles pour assumer des missions régaliennes. Les conditions générales fixées à l'art. 67, al. 2, LAAM doivent être remplies.

A l'instar du service d'appui pour des opérations humanitaires, le service d'appui pour des missions internationales de police soulève des questions ayant trait à la répartition des tâches entre acteurs civils et militaires. Il faut partir de l'idée que les tâches de police exécutées en service d'appui consisteront pour l'essentiel en missions de protection. L'engagement de l'armée en service d'appui à l'étranger doit être possible à titre subsidiaire pour des tâches de police, lorsque le profil des compétences requises n'a pas un caractère strictement civil. Il n'est pas exclu que des contingents militaires investis de tâches de police participent à une mission aux côtés d'unités de police civiles.

Let. a: D'une manière générale, un engagement n'a lieu que si plusieurs Etats (deux Etats au moins) ou une organisation internationale sollicitent la Suisse pour un soutien international à des missions de police. Sont considérées comme organisations internationales au sens du droit international les organisations qui regroupent au moins deux Etats et comportent un organe exécutif.

Let. b: Comme mentionné ci-dessus, un engagement ne peut jamais être dirigé contre un Etat. Les missions de police sont conduites sur le territoire relevant de la juridiction d'un Etat, mais elles ne visent pas ses institutions politiques. En vertu du droit international, une telle mission de police ne peut donc être menée sans l'accord de
l'Etat concerné. En l'absence de structures étatiques qui puissent être sollicitées pour apporter un soutien ou donner leur accord , une mission ne peut être conduite que sur la base d'un mandat de l'ONU Let. c et d: Un engagement ne peut avoir lieu que si des intérêts suisses importants soint directement ou indirectement menacés. La définition des intérêts suisses ressort des dispositions de la Constitution, en particulier de son art. 2. Comme la menace transcende les frontières dans de tels cas et qu'il existe une étroite relation entre les différents dangers, il n'est pas possible de distinguer clairement les dangers directs des dangers indirects. La let. d pose dès lors une autre condition, en prévoyant explicitement que les engagements doivent toujours être conformes aux principes de la politique extérieure et de sécurité de la Suisse.

4058

L'art. 70 LAAM (mise sur pied et attribution, obligation d'obtenir l'approbation du Parlement) s'applique également à la participation de la Suisse à des actions internationales de police. Les décisions de ce type sont en tout état de cause toujours soumises à l'approbation des Chambres fédérales, car les missions durent généralement plus de trois semaines.

Art. 69, al. 4 Les missions de police assurées par l'armée peuvent être effectués avec des armes.

Le Conseil fédéral devra déterminer cas par cas le type d'armement. L'emploi des armes est soumis au principe de proportionnalité, tel qu'il est appliqué dans le cadre d'opérations de police. Les règles d'emploi des armes seront donc formulées en conséquence.

La possibilité d'armer des militaires envoyés en service d'appui à l'étranger était explicitement prévue dans la LAAM pour assurer la protection de personnes ou d'objets particulièrement dignes de protection à l'étranger. En revanche, l'armement des militaires participant à des opérations humanitaires n'était pas explicite, même si le message sur la réforme Armée XXI prévoyait cette possibilité pour l'autoprotection ou à des fins de surveillance, en accord avec l'Etat demandeur ((FF 2002 816, commentaire de l'art. 69, al. 1). L'introduction du nouvel al. 4 règle désormais de manière uniforme le port d'armes en service d'appui à l'étranger.

Art. 69, al. 5 Le service d'appui à l'étranger est fondé sur le volontariat. Comme par le passé, de tels engagements ne peuvent être déclarés obligatoires pour tous les militaires que s'ils sont destinés à soutenir des actions humanitaires dans les régions frontalières.

Le projet introduit la possibilité de déclarer obligatoires les engagements de militaires en service d'appui à l'étranger dans d'autres cas.

Cette modification correspond à celle de l'art. 47, al. 4, LAAM, actuellement en examen au Parlement (FF 2008 2841). Le projet se trouve encore en procédure d'élimination des divergences, mais il ne subsiste aucune divergence quant à l'art. 47, al. 4 LAAM. La nouvelle teneur de cette disposition prévoit que le personnel militaire peut être tenu d'effectuer des engagements à l'étranger dans le cadre du service d'appui. Afin d'éviter des imprécisions ou des contradictions dans la loi, l'al. 3 de l'art. 69 est modifié en conséquence.

3.6

Conséquences

3.6.1

Conséquences pour la Confédération

La modification de la LAAM n'a pas de conséquences financières directes. Seul un engagement effectué sur la base de la présente modification de la LAAM engendrera des coûts.

3.6.2

Conséquences pour les cantons

Le projet ne modifie pas les tâches des cantons.

4059

3.6.3

Conséquences économiques

Les conséquences concrètes en termes économiques ne pourront être établies que sur la base d'un engagement concret. Le présent projet permet toutefois à la Suisse de participer solidairement à des missions internationales qui vont dans l'intérêt de l'approvisionnement de la Suisse, et donc de son économie.

3.7

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est mentionné ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de législature 2007 à 2011 (FF 2008 639), ni dans l'arrêté du 18 septembre 2008 sur le programme de législature 2007 à 2011 (FF 2008 7745).

3.8

Aspects juridiques

3.8.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

La législation militaire, de même que l'organisation, l'instruction et l'équipement de l'armée, relèvent de la Confédération (art. 58, al. 2, et art. 60, al. 1, de la Cst.).

Celle-ci peut dès lors édicter les dispositions nécessaires dans ce domaine. La présente modification n'affecte pas les compétences des cantons.

3.8.2

Compatibilité avec les obligations internationales et la neutralité de la Suisse

Les modifications proposées par le présent projet sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse. Elles ne créent pas de nouvelles obligations pour la Suisse à l'égard d'autres Etats ou d'organisations internationales. La Suisse décide en toute souveraineté et cas par cas si elle souhaite participer à une mission internationale de police.

L'élargissement du service d'appui aux missions internationales de police est compatible avec la neutralité suisse. De telles actions ne constituent pas des actes de guerre et ne sont pas dirigées contre un Etat.

Si, en raison de structures étatiques défaillantes, l'Etat concerné n'a pas donné explicitement son accord, une telle mission ne pourra être menée que sur la base d'un mandat de l'ONU. Cette règle permet d'éviter de devoir recourir au droit ou à la politique de la neutralité en cas de doute.

3.8.3

Forme de l'acte

Le présent projet modifie une loi existante. Conformément à l'art. 164 de la Constitution, la modification doit être édictée sous la forme d'une loi.

4060

3.8.4

Frein aux dépenses

Le présent projet ne contient pas de disposition relative à des subventions, ni de crédit d'engagement ou de plafond des dépenses qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de deux millions de francs. Il n'est donc pas soumis aux dispositions sur le frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, de la Constitution).

3.8.5

Conformité à la loi sur les subventions

Le présent projet ne prévoit pas d'aides financières ou d'indemnités au sens de la du 5 octobre 1990 sur les subventions (RS 616.1).

3.8.6

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne délègue aucune compétence législative.

4061

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