09.060 Message concernant l'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» et la modification de la loi fédérale sur les étrangers du 24 juin 2009

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire fédérale «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)». Nous vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. En même temps, nous vous soumettons un contre-projet indirect sous la forme d'une modification de la loi fédérale sur les étrangers, que nous vous proposons d'approuver.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 juin 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2451

4571

Condensé La modification proposée de la loi fédérale sur les étrangers est un contre-projet indirect à l'initiative sur le renvoi. D'une part, il faudrait prendre en considération l'intégration de l'étranger avant de délivrer une autorisation d'établissement illimitée et inconditionnelle. D'autre part, les motifs de révocation des autorisations fondées sur le droit des étrangers sont précisés afin d'unifier la pratique et de la rendre plus efficace.

L'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» vise à ce que les étrangers condamnés pour certains délits ou qui ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale soient privés de tous leurs droits à séjourner en Suisse et soient expulsés. Par ailleurs, les personnes concernées doivent être frappées d'une interdiction d'entrer sur le territoire et punies si elles contreviennent à l'interdiction d'entrée ou entrent illégalement en Suisse d'une autre manière. La marge d'appréciation des autorités pour ordonner de telles mesures doit disparaître.

L'initiative populaire n'est pas contraire aux règles impératives du droit international public. Elle peut être interprétée comme faisant partie du principe du nonrefoulement admis en droit international public. Cependant, accepter l'initiative entraînerait d'importants conflits avec des garanties de l'Etat de droit inscrites dans la Constitution fédérale, notamment la protection de la vie privée et familiale ou le principe de la proportionnalité des mesures prises par l'autorité. Qui plus est, d'importantes dispositions du droit international public non impératif ne pourraient plus être respectées, par exemple certaines clauses de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'Union Européenne.

L'initiative populaire comporte une liste relativement aléatoire d'éléments constitutifs d'infractions qui, indépendamment de la peine prévue dans un cas particulier, doivent automatiquement conduire à une révocation des autorisations relevant du droit des étrangers. Si l'initiative était acceptée, une peine mineure pour un petit cambriolage aboutirait automatiquement à une révocation de l'autorisation, mais pas une peine privative de liberté de plusieurs années pour une fraude
très grave portant sur une somme importante. Cette situation irait à l'encontre du principe de la proportionnalité, fondamental dans tout Etat de droit.

Le Conseil fédéral recommande donc au Parlement de rejeter l'initiative populaire et de lui opposer un contre-projet indirect.

Le contre-projet indirect prévoit une adaptation de la loi fédérale sur les étrangers.

Il reprend le souhait des auteurs de l'initiative sans entrer en contradiction avec le droit international public ni avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution.

L'autorisation d'établissement est illimitée et inconditionnelle. Elle ne devrait plus être octroyée que si l'étranger est bien intégré. Il devrait en aller de même pour les conjoints étrangers admis au titre du regroupement familial.

4572

Une bonne intégration présuppose le respect de l'ordre juridique suisse, l'adhésion aux valeurs fondamentales de la Constitution et la volonté de participer à la vie économique et d'acquérir une formation. Les connaissances linguistiques revêtent également une grande importance.

Cette exigence légale pour l'octroi d'une autorisation d'établissement doit permettre d'encourager les étrangers à mieux s'intégrer et, en particulier, à apprendre une langue nationale. Une meilleure évaluation de l'intégration avant l'octroi de l'autorisation d'établissement permet également d'éviter de longues procédures de révocation en cas de violation du droit consécutive à une intégration insuffisante.

Le droit en vigueur prévoit la possibilité de révoquer ou de ne pas prolonger les autorisations relevant du droit des étrangers et de prononcer des interdictions d'entrée en cas d'infractions graves ou répétées. Le contre-projet indirect doit permettre de préciser les motifs de révocation et de tenir davantage compte du degré d'intégration lors des décisions. Lorsque l'étranger est condamné par un jugement passé en force à la suite d'un délit passible d'une peine privative de liberté d'un an au moins ou qu'il a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans au moins, la marge d'appréciation des autorités pour décider de révoquer l'autorisation doit être restreinte, sous réserve du principe constitutionnel de la proportionnalité des mesures prises par l'autorité et du droit international public.

Le contre-projet indirect doit permettre d'unifier la pratique des cantons et de la rendre plus conséquente.

4573

Table des matières Condensé

4572

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité 1.3.1 Critères de validité 1.3.2 Compatibilité avec les règles impératives du droit international

4575 4575 4576 4576 4576 4576

2 Contexte dans lequel l'initiative a vu le jour 2.1 Peines privatives de liberté exécutées en Suisse 2.2 Mesures d'éloignement selon le droit en vigueur 2.3 Besoin d'agir du point de vue des auteurs de l'initiative

4577 4577 4579 4579

3 Buts et teneur de l'initiative populaire

4580

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Lien avec la Constitution fédérale et le droit international non impératif 4.1.1 CEDH et Pacte ONU II 4.1.2 Convention relative aux droits de l'enfant 4.1.3 Accord sur la libre circulation des personnes 4.2 Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

4580 4580 4581 4583 4584 4586

5 Grandes lignes du contre-projet indirect 5.1 Octroi de l'autorisation d'établissement uniquement en cas de bonne intégration 5.2 Révocation systématique des autorisations en cas d'infractions pénales graves

4587

6 Procédure de consultation 6.1 Résultats de la procédure de consultation 6.2 Remaniement de l'avant-projet 6.2.1 Révocation de l'autorisation en cas d'infraction grave 6.2.2 Changement de canton par des titulaires d'une autorisation de séjour

4589 4589 4591 4591

7 Explications détaillées des dispositions

4592

8 Conséquences financières et incidences sur le personnel

4600

9 Constitutionnalité

4600

Loi fédérale sur les étrangers (Projet)

4601

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» (Projet)

4605

4574

4587 4588

4591

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire a la teneur suivante: I La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 121, al. 3 à 6 (nouveaux) 3 Ils (les étrangers) sont privés de leur titre de séjour, indépendamment de leur statut, et de tous leurs droits à séjourner en Suisse:

a.

s'ils ont été condamnés par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue ou l'effraction; ou

b.

s'ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale.

Le législateur précise les faits constitutifs des infractions visées à l'al. 3. Il peut les compléter par d'autres faits constitutifs.

4

Les étrangers qui, en vertu des al. 3 et 4, sont privés de leur titre de séjour et de tous leurs droits à séjourner en Suisse doivent être expulsés du pays par les autorités compétentes et frappés d'une interdiction d'entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans. En cas de récidive, l'interdiction d'entrer sur le territoire sera fixée à 20 ans.

5

Les étrangers qui contreviennent à l'interdiction d'entrer sur le territoire ou qui y entrent illégalement de quelque manière que ce soit sont punissables. Le législateur édicte les dispositions correspondantes.

6

II Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau) 8. Disposition transitoire ad art. 121 (Séjour et établissement des étrangers) Dans les cinq années qui suivent l'acceptation par le peuple et par les cantons de l'art. 121, al. 3 à 6, le législateur définit les faits constitutifs des infractions en vertu de l'art. 121, al. 3, il les complète et il édicte les dispositions pénales relatives à l'entrée illégale sur le territoire visée à l'art. 121, al. 6.

4575

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 26 juin 20071 et a été déposée le 15 février 2009 munie des signatures requises.

Par décision du 7 mars 2008, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire, pourvue de 210 919 signatures valables, avait abouti sur le plan formel2.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet indirect. En vertu de l'art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)3, le Conseil fédéral a jusqu'au 15 août 2009 pour soumettre un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale doit statuer sur cette initiative populaire d'ici au 15 août 2010.

1.3

Validité

1.3.1

Critères de validité

L'initiative remplit les critères de validité fixés à l'art. 139, al. 2, de la Constitution fédérale (Cst.): a.

elle est présentée sous la forme d'un projet entièrement rédigé et elle respecte le principe de l'unité de la forme;

b.

les différentes parties de l'initiative présentent des affinités matérielles. Le principe de l'unité de la matière est donc aussi respecté;

c.

l'initiative ne porte atteinte à aucune règle impérative du droit international.

Elle remplit donc le critère de la compatibilité avec le droit international (cf.

commentaire au ch. 1.3.2).

L'initiative est donc valable.

1.3.2

Compatibilité avec les règles impératives du droit international

Le droit international impératif constitue le noyau du droit international dont il n'est en aucun cas possible de s'écarter. Le principe selon lequel personne ne doit être expulsé dans un Etat dans lequel il risque d'être torturé ou de subir un autre type de peine ou de traitement cruel et inhumain fait partie du droit international impératif (principe du non-refoulement)4. Il convient d'examiner si l'initiative respecte ce principe. Les autres normes du droit international impératif ne sont pas touchées par l'initiative.

1 2 3 4

FF 2007 4725 FF 2008 1745 RS 171.10 ATF 109 Ib 64 consid. 6b p. 72

4576

A une seule occasion, l'Assemblée fédérale a dû déclarer nulle une initiative populaire qui violait les règles impératives du droit international: il s'agissait de l'initiative «Pour une politique d'asile raisonnable», déposée en 1992. L'Assemblée fédérale avait conclu qu'elle contrevenait au principe du non-refoulement5.

L'initiative sur le renvoi peut être interprétée de telle sorte que le principe du nonrefoulement soit respecté. Ce principe ne donne pas droit au séjour et accorde seulement un droit à être protégé contre un renvoi dans certains pays précis. La privation de tous les droits à séjourner en Suisse, prévue dans le texte de l'initiative (art. 121, al. 3, Cst.), et l'obligation d'expulsion qui en découle (art. 121, al. 5, Cst.)

n'interdisent pas aux autorités de considérer le principe du non-refoulement comme une interdiction provisoire ou durable de l'exécution de l'expulsion.

L'initiative comporte des solutions similaires à celles de l'initiative «Pour une politique d'asile raisonnable» déclarée non valable. Cependant, elle est formulée avec plus de retenue et peut par conséquent être mise en application conformément au droit international impératif.

De plus, il ressort de l'argumentaire de l'initiative populaire6, publié sur Internet, que ses auteurs n'ont pas l'intention de contrevenir au droit international impératif.

L'initiative sur le renvoi doit donc être déclarée valable. Par ailleurs, de simples doutes quant à sa validité ne justifieraient pas une invalidation.

2

Contexte dans lequel l'initiative a vu le jour

2.1

Peines privatives de liberté exécutées en Suisse

Depuis 1985, la proportion d'étrangers augmente parmi les personnes incarcérées en Suisse7:

5 6 7

FF 1994 III 1485 http://www.initiative-pour-le-renvoi.ch, argumentaire, état au 18.12.2008 Office fédéral de la justice, Informations sur l'exécution des peines et mesures; «bulletin info» 1/2008.

4577

La répartition des incarcérations en fonction du statut de séjour juridique (base: incarcérations en 2005), des délits principaux et des pays de provenance se présente comme suit:

En 2007, 4727 peines privatives de liberté inconditionnelles et 398 peines privatives de liberté avec sursis partiel ont été prononcées au total, 1003 d'entre elles pour une durée d'au moins deux ans8.

8

Office fédéral de la statistique, Peines privatives de liberté pour infraction aux principales lois, selon la durée des peines et les lois, 2007; état de la banque de données au 15.9.2008.

4578

2.2

Mesures d'éloignement selon le droit en vigueur

En vertu de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)9, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, le renvoi (art. 64 à 66 LEtr) et l'expulsion (art. 68 LEtr) peuvent être ordonnés à titre de mesures mettant fin au séjour en Suisse.

Pour empêcher que les personnes concernées n'entrent une nouvelle fois en Suisse, l'autorité compétente peut, après la procédure de révocation et de renvoi, demander à l'Office fédéral des migrations (ODM) de prononcer une mesure d'éloignement (art. 67 LEtr, interdiction d'entrée).

Les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (art. 66, al. 1, LEtr).

Aux termes de l'art. 62 LEtr, une autorisation peut être révoquée notamment dans les cas suivants: ­

l'étranger a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels;

­

l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l'objet d'une mesure pénale prévue aux art. 64 ou 61 du code pénal;

­

il attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse;

­

il ne respecte pas les conditions dont la décision est assortie;

­

il dépend de l'aide sociale.

La révocation de l'autorisation d'établissement est soumise à des exigences légales plus élevées (art. 63 LEtr).

L'exécution du renvoi ressortit aux cantons. Des mesures de contrainte peuvent être ordonnées pour garantir le renvoi.

Les autorités compétentes qui décident de ces mesures doivent observer le principe de la proportionnalité (art. 96 LEtr). L'intérêt public à prendre la mesure doit l'emporter sur les intérêts privés de la personne concernée.

La réglementation des mesures d'éloignement prévue dans la LEtr correspond, dans le principe, à celle qui figurait dans l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE).

2.3

Besoin d'agir du point de vue des auteurs de l'initiative

Selon les auteurs de l'initiative, la Suisse a, autant que possible, accueilli d'innombrables réfugiés et immigrés et leur famille. Aussi, la tradition humanitaire de la Suisse serait-elle connue et respectée à juste titre dans le monde entier.

Mais aujourd'hui, cette tradition humanitaire serait mise à rude épreuve par une immigration provenant de pays et de cultures lointains. Les restrictions à l'admission auraient été progressivement abandonnées et même des étrangers criminels ou abusant des oeuvres sociales n'encourraient plus les sanctions prévues (par exemple 9

RS 142.20

4579

le renvoi de Suisse). Le nombre d'étrangers dans la population carcérale, parmi les assistés sociaux, les bénéficiaires de l'assurance-chômage et les rentiers de l'assurance-invalidité serait disproportionné. Les problèmes croissants d'intégration deviendraient lourds à supporter pour les écoles et les communes.

Dans ce contexte, les auteurs de l'initiative estiment qu'il est absolument nécessaire d'imposer à nouveau rigoureusement les règles valables en Suisse. Le régime légal et les us et coutumes suisses doivent être respectés. Un étranger hôte de la Suisse qui ne se tient pas à ces principes devrait quitter le pays. Les dispositions applicables relatives aux mesures d'éloignement seraient insuffisantes.

3

Buts et teneur de l'initiative populaire

L'initiative vise à ce que les étrangers qui ont été condamnés pour certaines infractions ou qui ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale soient privés des tous leurs droits à séjourner en Suisse et soient expulsés.

Par ailleurs, les personnes concernées doivent être frappées d'une interdiction d'entrer sur le territoire et punies si elles contreviennent à l'interdiction d'entrée et entrent illégalement en Suisse. La marge d'appréciation des autorités pour ordonner de telles mesures doit disparaître.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Lien avec la Constitution fédérale et le droit international non impératif

La présente initiative soulève également des questions de compatibilité avec plusieurs dispositions du droit international non impératif applicable à la Suisse. Cela concerne en particulier les obligations internationales contractées par la Suisse au titre de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)10, du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II)11, de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CRDE)12 et de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP)13. Pour de plus amples détails, voir infra ch. 4.1.1 ss.

La mise en oeuvre de l'initiative populaire aurait une incidence notamment sur la protection de la vie privée et familiale garantie par l'art. 8 CEDH. Cette protection figure également dans les art. 10 et 13 Cst. Par conséquent, il convient de procéder, dans chaque cas d'espèce, à une pesée des intérêts publics à un renvoi de l'étranger et des intérêts personnels de celui-ci à une poursuite du séjour.

10 11 12 13

RS 0.101 RS 0.103.2 RS 0.107 RS 0.142.112.681

4580

De plus, la privation du titre de séjour et de tous les droits à séjourner en Suisse exigée par l'initiative ne permettrait pas l'examen de la proportionnalité des mesures prises par l'autorité, tel que prévu dans la Cst. (par ex. à l'art. 5, al. 2, Cst.).

L'adoption, par le peuple et les cantons, d'initiatives contraires au droit international non impératif entraîne des problèmes lors de la mise en oeuvre. Au sein de l'ordre juridique suisse, il convient par conséquent d'éviter la coexistence d'une norme constitutionnelle et d'une norme internationale qui se contredisent. Pour résoudre ce conflit, un moyen consiste à interpréter et à mettre en oeuvre la nouvelle disposition constitutionnelle de manière conforme au droit international. Lorsque cela n'est pas possible, il faut songer à dénoncer le traité international14. Toutefois, cette mesure n'est pas toujours réalisable, soit parce que le traité ne contient aucune clause de dénonciation15, soit parce qu'elle n'est pas opportune pour des raisons politiques16.

Si le conflit entre la nouvelle disposition constitutionnelle et le droit international ne peut pas être évité, comme dans le cas de l'initiative sur le renvoi, il appartient à l'Assemblée fédérale de statuer sur la suite à donner à l'affaire. Si elle choisit d'appliquer la disposition constitutionnelle, elle prend le risque que la Suisse viole le droit international et, partant, que sa responsabilité internationale soit engagée. Le cas échéant, le pays encourt des mesures de rétorsion de la part des autres Etats parties ou une condamnation par une instance internationale, pour autant que cette possibilité soit prévue.

Lorsque la Cour européenne des Droits de l'Homme (Cour eur. DH) constate une violation de la CEDH, la Suisse est tenue de mettre en oeuvre l'arrêt en question.

L'exécution de cet arrêt par l'Etat concerné est surveillée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe. D'après la pratique constante du Comité des ministres, les mesures à prendre ne se limitent pas à celles visant à résoudre le cas d'espèce. Pour prévenir de nouvelles violations de la CEDH, des mesures générales, par exemple une réforme législative ou constitutionnelle, seraient certainement exigées de la Suisse17.

4.1.1

CEDH et Pacte ONU II

En vertu du principe de la souveraineté territoriale, les Etats statuent librement sur l'entrée des étrangers dans le pays, mais aussi sur leur départ18. Cependant, lorsqu'une personne réside régulièrement sur le territoire d'un Etat, les autorités qui ont 14

15

16

17 18

Voir notamment: message relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 453, note 17, message relatif à l'initiative populaire «contre la construction de minarets», FF 2008 6930, message concernant les initiatives populaires «pour une politique d'asile raisonnable» et «contre l'immigration clandestine», FF 1994 III 1481.

Message sur l'adhésion de la Suisse aux deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme et une modification de la loi fédérale d'organisation judiciaire; FF 1991 I 1146. Cependant, il s'agit ici d'un obstacle juridique qui ne fait pas l'unanimité dans la doctrine.

Voir le message relatif à l'initiative «Oui à la protection des animaux», FF 2004 3086 ss, où le Conseil fédéral affirme clairement que la dénonciation du traité OMC, de la CEDH ou du Pacte ONU II n'était pas une option réaliste.

Message relatif à l'initiative populaire «contre la construction de minarets», FF 2008 6963 s.

Cour eur. DH, arrêt du 2. 8. 2001, Boultif, RJD 2001-IX, ch. marg. 29.

4581

l'intention de l'en expulser sont tenues de respecter certaines limites matérielles et des garanties procédurales.

Selon les garanties procédurales prévues à l'art. 1 du Protocole no 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Protocole no 7 à la CEDH)19, les expulsions ne sont licites que si deux conditions sont remplies cumulativement: 1.

la décision d'expulsion doit être prise «conformément à la loi», c'est-à-dire à la législation nationale, et

2.

la personne concernée doit avoir eu la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion, ou de faire contrôler la décision administrativement ou juridictionnellement et se faire représenter lors de la procédure.

Ces dispositions procédurales du droit international sont certes de nature strictement formelle et ne contiennent aucune garantie matérielle contre l'expulsion, mais il en ressort que la décision doit, dans chaque cas d'espèce, être vérifiable quant à sa légalité.

Sur le plan du droit matériel, l'expulsion d'un étranger fondée sur l'initiative peut, dans un cas particulier, contrevenir à l'art. 8 CEDH, qui protège, outre le respect de la vie privée, le droit à l'unité familiale20. En effet, l'expulsion d'un membre de la famille rend impossible la poursuite de la vie familiale dans l'Etat qui a prononcé la mesure; de même, le refus d'accorder l'entrée dans le pays à un membre de la famille peut empêcher la (re-)constitution de l'unité de la famille21. Dans les deux cas de figure, le respect de la vie familiale prévu à l'art. 8, al. 1, CEDH, est touché, ce qui est en particulier problématique lorsque les membres de la famille ont des attaches avec le pays qui prononce la mesure («connections approach»; par exemple la nationalité des autres membres de la famille).

En vertu de l'art. 8, al. 2, CEDH, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale requiert une base légale. Celle-ci serait créée par la modification constitutionnelle inhérente à l'initiative. Par ailleurs, l'ingérence doit poursuivre un but légitime, ce qui est le cas des deux objectifs visés en l'occurrence, soit la prévention des infractions pénales et la défense de l'ordre. Enfin, il ne peut y avoir ingérence à l'art. 8, al. 1, CEDH que pour autant qu'elle constitue une mesure qui, dans une «société démocratique», est nécessaire afin d'atteindre les objectifs cités. Dans ce contexte, l'expulsion d'étrangers devenus délinquants est en principe licite22.

Cependant, il y a lieu d'apprécier au cas par cas si la mesure préconisée répond au principe de la proportionnalité. Pour répondre à cette question, la Cour eur. DH se réfère à une série de critères à prendre en considération pour pondérer les intérêts publics au renvoi de la personne concernée et les intérêts particuliers de cette dernière. Au rang des critères figurent: la nature et la gravité de l'infraction; la durée de séjour dans l'Etat qui prononce l'expulsion; le temps qui s'est écoulé entre l'infraction et le moment où l'autorité a prononcé la mesure et le comportement de la per19 20

21 22

RS 0.101.07 Les organes de la Convention n'ont guère examiné les limitations d'entrée et de séjour sous l'angle de la vie privée tant que l'on pouvait se fonder de manière plausible sur la vie familiale. Cf. Cour eur. DH, Moustaquim, arrêt du 18.2.1991, A/193.

Cour eur. DH, arrêt du 9.10.2003 (GC), Slivenko, n 48 321/99, ch. marg. 97 (expulsion de soldats russes de Lettonie); voir note 1, § 40.

Voir note 2; arrêt du 17.4.2003, Yilmaz, no 52 853/99, ch. marg. 41.

4582

sonne concernée pendant ce temps; la nationalité de l'intéressé; l'environnement social, culturel et familial de la personne dans le pays d'accueil et le pays de provenance; la durée de l'expulsion; la situation familiale (parents, conjoint, enfants); la gravité des problèmes auxquels serait confronté le partenaire de la personne visée par l'expulsion; le bien de l'enfant notamment au regard des possibilités de développement dans les deux pays23.

A l'instar de la CEDH, le Pacte ONU II contient des garanties procédurales et des limites matérielles concernant l'expulsion des étrangers.

Ainsi, l'art. 13 du Pacte ONU II accorde-t-il les mêmes garanties procédurales que l'art. 1 du Protocole n° 7 à la CEDH. Dans le contexte qui nous occupe, les limites matérielles concrètes découlent notamment de l'art. 17 du Pacte ONU II, qui interdit l'immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée et exige que l'autorité appelée à prendre la décision respecte le principe de la proportionnalité24.

Par ailleurs, l'art. 12, al. 4, du Pacte ONU II dispose que nul «ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays». Ce droit revêt son importance également pour les étrangers depuis que le Comité des droits de l'homme de l'ONU a étendu la portée de la disposition. Dans l'affaire Stewart contre le Canada25, le Comité a constaté que la notion de «propre pays» était plus large que celle de «pays d'origine». Dès lors, la disposition peut également protéger contre l'expulsion l'étranger séjournant dans le pays depuis sa prime jeunesse et n'ayant plus guère de liens avec le pays dont il a la nationalité, s'il n'a pas eu, jusque-là, la possibilité de devenir citoyen du pays de séjour. Aux termes de l'art. 12, al. 4, du Pacte ONU II, seule la privation «arbitraire» («arbitrarily») du droit d'entrer est illicite. La mesure doit être fondée, d'une part, sur une norme juridique ayant un caractère général et abstrait et, d'autre part, sur un examen approfondi et approprié des circonstances du cas particulier26.

Une obligation d'expulser générale et automatique sans possibilité d'examen individuel de la légalité et de la proportionnalité de la décision n'est par conséquent pas admissible sous l'angle de l'art. 1 du Protocole no 7 à la CEDH, de l'art. 8 CEDH, de l'art. 12, al. 4, et des art. 13 et 17 du Pacte ONU II. Dans un cas particulier, cette obligation pourrait constituer une atteinte aux droits matériels de l'intéressé.

4.1.2

Convention relative aux droits de l'enfant

La Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CRDE)27 dispose, dans son art. 3, que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des organes législatifs, etc., l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

23 24

25 26 27

Voir note 1, ch. marg. 48; Cour eur. DH, Maslov v. Austria, arrêt du 22.3.2007, no 1683/03.

Comité des droits de l'homme, Winata v. Australia, 930/2000 (2001), ch. 7.2 s.; Bakhtiyari and Family v. Australia, 1069/2002 (2003), ch. 9.6; Madafferi and Family v.

Australia, 1011/2001 (2004), ch 9.7 ss.

Comité des droits de l'homme, Stewart contre Canada, 538/1993 (1996), ch. 12.3 ss; confirmé dans Comité des droits de l'homme, Canepa contre Canada, 558/1993 (1997).

Cf. ATF 122 II 433 RS 0.107

4583

Dans le contexte de l'initiative sur le renvoi, cette disposition s'applique tant à la situation de l'enfant qui s'est rendu pénalement responsable et devrait, de ce fait, être expulsé, qu'à celle des parents ou des personnes qui détiennent l'autorité parentale et seraient visés par l'obligation d'expulsion prévue par l'initiative. Dans certains cas, l'obligation d'expulser automatique empêche de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

Par ailleurs, un enfant dont les parents résident dans des Etats différents a, aux termes de l'art. 10, al. 2, CRDE, le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. En cas d'expulsion de l'enfant ou de l'un de ses parents, ce droit doit être garanti, ce qui peut conduire à des problèmes suivant le pays dans lequel l'enfant ou les parents sont expulsés.

Enfin, l'art. 40 CRDE dispose qu'un enfant qui a commis une infraction a droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle et qui tienne compte de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. En cas d'expulsion automatique, la réintégration sociale et le rôle constructif au sein de la société seraient compromis.

Par conséquent, une expulsion automatique sans possibilité de vérifier si, dans le cas d'espèce, les droits de l'enfant sont respectés peut aboutir à une incompatibilité entre la CRDE et l'initiative sur le renvoi.

4.1.3

Accord sur la libre circulation des personnes28

L'ALCP octroie des droits de séjour individuels, qui ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Selon l'annexe I, art. 5, al. 1, ALCP, il convient d'appliquer alors les directives 64/221/CEE29, 72/194/CEE30 et 75/35/CEE31.

En tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), est considérée comme mesure au sens de la directive 64/221 CEE toute action qui porte atteinte au droit d'entrer librement et de séjourner dans le pays32. Il s'agit notamment de la révocation, de la non-prolongation ou du refus d'une autorisation. Lors de l'examen de la conformité d'une telle mesure, l'appréciation se fait dans le cadre des garanties découlant de la CEDH et en tenant compte du principe de la proportionnalité33.

28

29 30 31 32

33

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (avec annexes, protocole et acte final); RS 0.142.112.681; ALCP.

JO L 56, du 4.4.1964, p. 850 JO L 121, du 26.5.1972, p. 32 JO L 14, du 20.1.1975, p. 14 Arrêt de la CJCE du 27 octobre 1977, Aff. 30/77, Bouchereau, Rec. 1977, 1999, point 21 ss; cf. ATF 129 II 215 consid. 6.3 p. 221, confirmé par l'ATF 130 II 176 consid. 31 p. 179.

ATF 130 II 176 consid. 3.4.2 p. 184, se référant aux arrêts de la CJCE de 27 octobre 1977, Aff. 30/77, Bouchereau, Rec. 1977, 1999, point 29 et du 11 juillet 2002, Aff. C-60/00, Carpenter, Rec. 2002, 1-6279, point 42 ss.

4584

D'après la CJCE, la notion d'ordre public dans le contexte communautaire et, notamment, en tant que justification d'une dérogation à un principe fondamental du droit communautaire doit être entendue strictement, de sorte que sa portée ne saurait être déterminée unilatéralement par chacun des Etats membres sans contrôle des institutions de la Communauté. Cependant, les circonstances spécifiques qui pourraient justifier un recours à la notion d'ordre public peuvent varier d'un pays à l'autre et d'une époque à l'autre, si bien qu'il faut, à cet égard, reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d'appréciation dans les limites imposées par le traité34. Dans leur ensemble, ces limitations apportées aux pouvoirs des Etats membres en matière de police des étrangers se présentent comme la manifestation spécifique d'un principe plus général consacré par les art. 8 à 11 CEDH, qui disposent que les atteintes portées, en vertu des besoins de l'ordre et de la sécurité publics, aux droits garantis par ces articles ne sauraient dépasser le cadre de ce qui est nécessaire à la sauvegarde de ces besoins dans une société démocratique35.

Pour qu'une mesure d'éloignement puisse être prononcée, il faut donc que l'intéressé représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave de la sécurité et de l'ordre publics, affectant un intérêt fondamental de la société en cause36.

Une violation du droit national ne constitue pas nécessairement une menace réelle et suffisamment grave envers l'un des intérêts fondamentaux de la société. Une telle menace existe en particulier dans les cas où, face à un comportement donné, l'Etat d'accueil prend, à l'égard de ses propres ressortissants également, des mesures de contrainte ou d'autres mesures réelles et effectives destinées à combattre ce comportement. Toutefois, comme les Etats membres n'ont pas le pouvoir d'éloigner leurs propres ressortissants, une différence de traitement dans les mesures susceptibles d'être prises est admissible37.

De plus, à moins qu'il ne s'agisse de mesures visant à protéger la santé publique, seul le comportement personnel de l'intéressé est déterminant38. Les mesures ne peuvent pas être ordonnées sur la base de considérations préventives d'ordre général (art. 3, al. 1, directive 64/221/CEE)39.

Des condamnations pénales (antérieures)
ne doivent être prises en considération au moment de prononcer une mesure d'éloignement que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public40.

34 35

36

37 38 39 40

Cf. l'arrêt de la CJCE du 4 décembre 1974, Aff. 41/74, van Duyn, Rec.-1974, 1337, point 18.

Arrêt de la CJCE du 28 octobre 1975, Aff. 36/75, Rutili, Rec. 1975, 1219, point 32, cf. également arrêt de la CJCE du 27 octobre 1977, Aff. 30/77, Bouchereau, Rec. 1977, 1999, point 33 ss; voir sur cette problématique ATF 129 II 215 consid. 6.2 p. 220 s.

Concernant la jurisprudence de la CJCE, voir, p. ex., les arrêts de la CJCE du 27 octobre 1977, Aff. 30/77, Bouchereau, Rec. 1977, 1999, point 33 ss; du 18 mai 1982, Aff 115/81 et 116/81, Adoui et Cornuaille, Rec. 1982, 1665, point 8 et du 19 janvier 1999, Aff. C-348/96, Calfa, Rec. 1999, I-11, point 21 ss.

Cf. notamment l'arrêt de la CJCE du 18 mai 1982, Aff. 115/81 et 116/81, Adoui et Cornuaille, Rec. 1982, 1665, point 7 et 8.

Art. 3, al. 1, directive 64/221/CEE, cf. art. 5, al. 2, annexe l, ALCP.

Cf. l'arrêt de la CJCE du 26 février 1975, Aff. 67/74, Bonsignore, Rec. 1975, 297, point 6 s.

Voir sur cette problématique ATF 130 II 176 consid. 3 et 4 p. 179 s; 130 II 493 consid. 3 p. 497 ss; 131 II 329 consid. 3.2 p. 336 s.

4585

Concernant l'actualité de la menace, il n'est pas nécessaire, pour ordonner une mesure visant à protéger la sécurité et l'ordre publics, qu'il soit établi avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir. Toutefois, compte tenu de la portée que revêt le principe de la libre circulation des personnes, le risque de récidive ne doit, en réalité, pas être admis trop facilement41.

La CJCE est d'avis que le droit communautaire en matière de libre circulation s'oppose aux dispositions nationales qui partent d'une présomption selon laquelle les ressortissants d'autres Etats membres ayant été condamnés à une certaine peine pour des délits spécifiques doivent être expulsés42.

En résumé, l'ALCP interdit l'expulsion automatique et les interdictions d'entrée prononcées à l'encontre d'étrangers qui ont commis des délits spécifiques et qui bénéficient de la libre circulation. Seul un examen de la proportionnalité dans chaque cas d'espèce, tenant notamment compte des circonstances familiales, satisfait aux prescriptions de l'ALCP. Par conséquent, l'initiative n'est pas compatible avec cet accord.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

Comme nous l'avons exposé ci-dessus, une acceptation de l'initiative entraînerait des divergences considérables avec un certain nombre de garanties de l'Etat de droit, inscrites dans la Cst., et d'importantes dispositions du droit international public non contraignant ne pourraient plus être respectées.

Le droit en vigueur permet déjà de prendre les mesures d'éloignement nécessaires en cas d'infraction pénale grave ou de fraude importante à l'aide sociale. Parmi ces mesures figure, outre la révocation des autorisations et les renvois, l'interdiction d'entrée. De même, le non-respect d'une interdiction d'entrée est aujourd'hui punissable.

Par ailleurs, si l'initiative était acceptée, les autorités continueraient à avoir de grandes difficultés à se procurer les documents de voyage nationaux indispensables à l'exécution effective d'un renvoi, en particulier pour les personnes relevant du domaine de l'asile.

Par conséquent, le Conseil fédéral rejette l'initiative. Cependant, il lui opposera un contre-projet indirect afin d'améliorer de manière utile les instruments juridiques existants.

41 42

Cf. ATF 130 II 176 considérant 4.3.1 p. 185 s.; ATF 130 II 493 consid. 3.3 p. 499 s.

Arrêt de la CJCE du 7 juin 2007, Aff. C-50/06, Commission de la Communauté européenne contre Royaume des Pays-Bas, Rec. 2007, I-4383, point 44.

4586

5

Grandes lignes du contre-projet indirect

5.1

Octroi de l'autorisation d'établissement uniquement en cas de bonne intégration

L'octroi aux étrangers de l'autorisation d'établissement illimitée et inconditionnelle ne doit plus être possible qu'en cas de bonne intégration et ce, même après un séjour antérieur de dix ans ou dans le cadre du regroupement familial.

Actuellement, l'octroi de l'autorisation d'établissement après un séjour de dix ans n'est régi que par une seule et unique disposition d'ordonnance, en vertu de laquelle le comportement antérieur du requérant et son degré d'intégration doivent être examinés (art. 60 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative, OASA)43.

Selon le droit en vigueur, le conjoint d'un ressortissant suisse (art. 42, al. 3, LEtr) ou d'un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement (art. 43, al. 2, LEtr) a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement après un séjour légal ininterrompu de cinq ans. Ce droit ne s'éteint que lorsqu'il est invoqué abusivement ou en présence de motifs de révocation. Là encore, il convient d'ajouter la bonne intégration aux critères d'octroi de l'autorisation. En effet, rien ne justifie que les conjoints étrangers soient favorisés par rapport aux autres étrangers lors de l'octroi de l'autorisation d'établissement.

Une bonne intégration suppose le respect de l'ordre juridique suisse, l'adhésion aux valeurs fondamentales de la Cst. et la volonté d'accéder au marché du travail et à la formation (art. 4, LEtr; art. 4 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 sur l'intégration des étrangers [OIE]44). Il importe en outre que l'étranger possède des connaissances d'une langue nationale.

L'augmentation générale des exigences pour l'octroi d'une autorisation d'établissement doit inciter les étrangers à acquérir les connaissances linguistiques indispensables à une bonne intégration professionnelle et sociale. Le niveau des connaissances linguistiques exigées doit être fixé de manière à éviter des effets susceptibles d'entraver l'objectif primaire de la promotion de l'apprentissage linguistique et de l'intégration. Du point de vue linguistique, l'apprentissage n'a guère de sens s'il est entrepris à seule fin de passer un examen obligatoire. En outre, un statut juridique sûr contribue à favoriser l'engagement personnel et les liens avec la Suisse et, partant, la motivation à acquérir des connaissances
linguistiques.

Une meilleure évaluation de l'intégration des requérants avant l'octroi de l'autorisation d'établissement permet également d'éviter de longues procédures de révocation en cas de violation du droit consécutive à une intégration insuffisante.

Selon la LEtr, de bonnes connaissances linguistiques ne sont exigées que pour l'octroi anticipé de l'autorisation d'établissement après un séjour de cinq ans (art. 34, al. 4, LEtr). Cet octroi anticipé doit rester possible; cependant, il convient d'exiger des efforts d'intégration soutenus et un niveau de langue plus élevé par rapport à celui qui prévaut pour l'octroi de l'autorisation d'établissement après dix ans. Il faut également que les autres critères d'une bonne intégration, mentionnés

43 44

RS 142.201 RS 142.205

4587

plus haut, soient remplis. Le Conseil fédéral fixera les exigences exactes dans l'ordonnance d'exécution de la LEtr.

En vertu de conventions d'établissement, de déclarations du Conseil fédéral ou de considérations de réciprocité, les ressortissants de certains pays obtiennent l'autorisation d'établissement après un séjour légal ininterrompu de cinq ans en Suisse (Belgique, Allemagne, Danemark, France, Principauté de Liechtenstein, Grèce, Italie, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Espagne, Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Islande, Luxembourg, Norvège, Suède, Etats-Unis d'Amérique, Canada, Andorre, Monaco, Saint-Marin, Cité du Vatican). En présence d'une convention d'établissement, il n'est pas possible d'introduire des conditions supplémentaires, par exemple des connaissances linguistiques, pour l'octroi de l'autorisation d'établissement. Le droit à l'autorisation est en l'occurrence régi par la convention concernée.

Par contre, l'ALCP ne contient aucun droit à une autorisation illimitée et inconditionnelle au sens de l'autorisation d'établissement45. La réglementation proposée pour l'octroi de l'autorisation d'établissement s'applique donc également aux ressortissants de la CE ou de l'AELE, pour autant que la personne concernée ne puisse pas invoquer une convention d'établissement plus favorable. Vu que l'ALCP prévoit dans une large mesure un droit de séjour en Suisse, l'octroi de l'autorisation d'établissement aux citoyens de l'UE ou de l'AELE n'a pas la même signification que pour les ressortissants de pays tiers.

5.2

Révocation systématique des autorisations en cas d'infractions pénales graves

Avec l'introduction de la LEtr au 1er janvier 2008, les motifs de révocation des autorisations ont été reformulés (art. 62 et 63 LEtr). Sur le plan du contenu, l'ancienne réglementation a été reprise (voir message concernant la LEtr46). Compte tenu des pratiques divergentes des cantons et d'un arrêt de principe récent du Tribunal fédéral47 sur la prise en compte de l'intégration lors de la révocation des autorisations, il apparaît judicieux d'améliorer la réglementation actuelle.

Le droit en vigueur considère qu'il y a motif de révocation lorsque la personne porte atteinte à la sécurité et à l'ordre publics, fait de fausses déclarations lors de la demande d'autorisation, a été condamnée pour des infractions pénales ou perçoit des prestations de l'aide sociale. En pratique, les cas d'infractions pénales graves donnent lieu à la révocation des autorisations et au renvoi des personnes concernées. Les cantons n'y sont cependant pas tenus. La marge d'appréciation importante dont ils disposent conduit à des pratiques disparates.

Par ailleurs, les cantons renoncent souvent à la révocation et prononcent une nonprolongation de l'autorisation de séjour. En l'absence de droit à l'octroi d'une autorisation, cette procédure doit être simplifiée et un recours devant le Tribunal fédéral exclu.

45 46 47

Cf. à ce propos ATF 129 II 249 consid. 3.3 p. 257; 130 II 49 consid. 4 p. 55; 2A.98/2003 du 28 août 2003, consid. 2.2.

FF 2002 3518 ATF 134 II 1

4588

L'harmonisation souhaitée de la pratique doit être atteinte au moyen d'une nouvelle disposition en vertu de laquelle l'autorisation est révoquée si l'étranger a commis une infraction grave passible d'une peine privative de liberté d'un an au moins ou qu'il a été condamné pour une autre infraction à une peine privative de liberté de deux ans au moins (art. 63 de l'avant-projet de modification de la LEtr, ci-après AP-LEtr; modification par rapport au projet mis en consultation, voir ch. 6.2.2).

Dans ces cas, on présume en général que l'intérêt public au renvoi l'emporte sur l'intérêt privé à une poursuite du séjour. Le principe constitutionnel de la proportionnalité et les normes du droit international sont réservés. La disposition proposée doit obliger les autorités à examiner en détail les cas et à motiver leur décision lorsqu'elles renoncent à révoquer une autorisation d'établissement.

La révocation de l'autorisation reste cependant également possible en cas de peine mineure lorsque l'étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics (art. 62, al. 1, let. b, AP-LEtr). La décision de révoquer l'autorisation est ici laissée à l'appréciation des autorités.

Comme jusqu'à présent, les dispositions relatives à la révocation des autorisations s'appliquent également aux personnes qui peuvent se prévaloir de l'ALCP. Les principes de cet accord doivent alors être respectés: le droit de séjour ne s'éteint que si la personne constitue une menace actuelle à l'ordre public et que cette menace est suffisamment sérieuse (voir par exemple ATF 130 II 176).

L'initiative sur le renvoi comporte une liste relativement aléatoire d'éléments constitutifs d'infractions qui, indépendamment de la peine prévue dans un cas d'espèce donné, doivent automatiquement conduire à une révocation des autorisations. Si l'initiative était acceptée, une peine mineure pour un petit cambriolage aboutirait automatiquement à une révocation de l'autorisation, mais pas une peine privative de liberté de plusieurs années pour une fraude très grave portant sur une somme importante. Le concept qui sous-tend l'initiative sur le renvoi entraîne donc des conflits, en particulier avec le principe constitutionnel de la proportionnalité des mesures prises par l'autorité et avec le droit international non contraignant.

6

Procédure de consultation

6.1

Résultats de la procédure de consultation

Le 14 janvier 2009, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation relative à un contre-projet indirect à l'initiative sur le renvoi. Cette procédure a duré jusqu'au 15 avril 2009.

La grande majorité des participants à la consultation s'est prononcée contre l'initiative populaire, qui est jugée disproportionnée, arbitraire quant à son résultat, anticonstitutionnelle et contraire au droit international public. Cependant, tous les participants approuvent le principe du renvoi des grands délinquants étrangers.

Soucieux d'uniformiser et de systématiser les pratiques et d'améliorer l'intégration des étrangers, une nette majorité des cantons, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), l'Union des villes suisses, l'Association des communes suisses et les organisations patronales sont favorables au contre-projet. Par contre, les associations d'employés ou d'ouvriers, les organisations ecclésiastiques, les oeuvres d'entraide et les organisations pour la 4589

coopération au développement jugent qu'il n'est pas nécessaire de durcir le droit en vigueur. Selon ces participants, il existerait déjà suffisamment de possibilités de révoquer une autorisation en cas d'infraction grave et il n'y aurait pas lieu de soumettre l'octroi de l'autorisation d'établissement à des conditions d'intégration supplémentaires.

La plupart des cantons (20) approuvent les points centraux du contre-projet (octroi de l'autorisation d'établissement en cas de bonne intégration et précision des motifs de révocation). Toutefois, ils attirent l'attention sur le fait qu'un examen approfondi de l'intégration engendrerait un surcroît significatif de travail pour les autorités compétentes en matière de migration. Par ailleurs, la Confédération devrait élaborer un système d'évaluation approprié permettant de rendre des décisions rapides et fondées.

Selon l'UDC, le contre-projet du Conseil fédéral ne va pas assez loin; elle privilégie son initiative populaire.

Le PS a l'intention de déclarer nulle l'initiative populaire, ce qui rendrait caduc tout contre-projet indirect. Il rejette la teneur du contre-projet, mais serait prêt à adopter la disposition concernant le renvoi des délinquants étrangers ayant été condamnés à une peine privative de liberté de deux ans au moins, pour autant que la mesure soit conforme à la Cst. et au droit public international.

Le PRD approuve le contre-projet, dans son principe, mais se prononce en faveur de l'établissement d'une liste d'infractions pouvant conduire, dans des cas particuliers, à la révocation de l'autorisation indépendamment de la fixation de la peine48.

Le PDC adhère au contre-projet, mais souhaite réintroduire en outre l'expulsion judiciaire49.

Le PEV approuve en partie le contre-projet (octroi de l'autorisation d'établissement en cas de bonne intégration). Il est favorable à une précision des motifs de révocation et à l'harmonisation des pratiques, mais estime que les dispositions proposées vont nettement trop loin.

Aux yeux du PCS, le contre-projet va beaucoup trop loin. La seule mesure acceptable serait la disposition sur la révocation de l'autorisation en cas d'infraction grave (peine privative de liberté de deux ans au moins).

Selon les Verts, le contre-projet aurait été élaboré avec précipitation, serait inutile et dénué de fondement. Il est à rejeter pour des raisons qui relèvent des droits fondamentaux et des droits de l'homme.

48

49

L'initiative parlementaire 08.449, Groupe libéral-radical, Non aux abus de l'hospitalité, poursuit le même but. Le 22.1.2009, la CIP-N a décidé de ne pas donner suite à cette initiative parlementaire. Le 30.4.2009, le Conseil national a suivi cette proposition.

Voir également les initiatives parlementaires ci-après: 06.484, UDC, Droit pénal et expulsion du territoire suisse. Retirée le 22.1.2009 dans la perspective de l'initiative sur le renvoi.

08.426, Darbellay, Réintroduction de l'expulsion du territoire suisse à titre de peine accessoire. Le 22.1.2009, la CIP-N a décidé de ne pas donner suite à cette initiative parlementaire. Le 12.3.2009, le Conseil national a suivi cette proposition.

4590

6.2

Remaniement de l'avant-projet

Compte tenu des avis recueillis, le projet mis en consultation a été adapté sur les points mentionnés ci-après:

6.2.1

Révocation de l'autorisation en cas d'infraction grave

Le projet mis en consultation prévoit qu'une autorisation peut être révoquée lorsque son titulaire a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans au moins (art. 63 AP-LEtr).

Quelques participants à la consultation relèvent que cette solution comporte le risque que les tribunaux pénaux influencent jusqu'à un certain point la révocation de l'autorisation par les autorités compétentes en matière de migration dès lors qu'ils fixent la peine. Certains participants demandent en outre que la marge d'appréciation des autorités soit restreinte lorsqu'elles ont à décider de la révocation de l'autorisation en lien avec certains délits graves.

Pour cette raison, il doit être possible aussi de révoquer une autorisation indépendamment de la durée de la peine prononcée dans le cas d'espèce, lorsque l'infraction commise est passible d'une peine privative de liberté d'un an au moins. En l'occurrence, il s'agit toujours d'infractions très graves portant atteinte notamment à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle de la victime (assassinat, meurtre, viol, brigandage qualifié, prise d'otage, incendie intentionnel, traite d'êtres humains qualifiée, génocide).

A titre exceptionnel, l'autorisation n'est pas révoquée non plus dans de tels cas lorsque l'intérêt privé de l'étranger est particulièrement important et qu'il l'emporte sur l'intérêt public à révoquer l'autorisation. La disposition d'exception correspondante est également applicable dans ces cas (art. 63, al. 2, AP-LEtr).

L'art. 63 AP-LEtr ne s'applique ni à la tentative (art. 22 CP) ni à la complicité (art. 25 CP), parce que le code pénal prévoit, dans ces cas, une atténuation de peine, facultative ou obligatoire, et que la peine minimale encourue peut dès lors être inférieure à une peine privative de liberté d'un an. Le cas échéant, il faut vérifier si une révocation au titre de l'art. 62 AP-LEtr se justifie.

6.2.2

Changement de canton par des titulaires d'une autorisation de séjour

Selon le droit en vigueur, le titulaire d'une autorisation de séjour a le droit de changer de canton s'il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 LEtr et si la personne concernée n'est pas au chômage (art. 37, al. 2, LEtr). La seconde condition, qui ne figurait pas dans l'avant-projet mis en consultation, a été reprise dans le projet remanié à la demande de plusieurs cantons (art. 37, al. 2, AP-LEtr).

4591

7

Explications détaillées des dispositions

Modification de la loi fédérale sur les étrangers: Art. 33, al. 3, 34, al. 2, 35, al. 4, 37, al. 2 et 3, 51 et 83, al. 7 Ces adaptations sont effectuées en vue de la nouvelle réglementation sur la révocation des autorisations. Pour des raisons de systématique, il convient notamment de se référer aussi bien à l'art. 62 qu'à l'art. 63. Dans un cas d'espèce donné, il ne doit y avoir ni un motif de révocation au sens de l'art. 62 ni un motif de révocation au sens de l'art. 63.

Art. 34

Autorisation d'établissement

Al. 2, let. c (nouveau) Lors de l'octroi d'une autorisation d'établissement dans le cadre de la procédure ordinaire après un séjour de dix ans, les autorités ne doivent plus examiner seulement le respect des délais (al. 2, let. a) et l'existence de motifs de révocation (al. 2, let. b), mais également le degré d'intégration50.

Le degré d'intégration se mesure au respect de l'ordre juridique suisse et des valeurs de la Cst., à l'apprentissage d'une langue nationale et à la volonté de participer à la vie économique et d'acquérir une formation (art. 4 OIE). En outre, il sera dûment tenu compte de la «connaissance du mode de vie suisse».

Il y a par exemple violation des valeurs de la Cst. en présence d'un comportement qui bafoue clairement les principes fondamentaux de la démocratie, de la tolérance, de l'autodétermination ou de l'égalité entre hommes et femmes. Sont déterminants les événements consignés.

Le respect de l'ordre juridique suppose une réputation irréprochable. Lorsqu'une procédure pénale est en cours, il faut surseoir la décision relative à l'octroi de l'autorisation d'établissement jusqu'à une éventuelle suspension de la procédure.

Les connaissances d'une langue nationale doivent non seulement contribuer à l'intégration sociale des étrangers, mais elles doivent également leur permettre une prise de contact autonome au quotidien (par exemple avec les autorités du marché du travail, les enseignants des enfants, au moment de l'orientation professionnelle ou d'une consultation médicale). Dans le cadre du catalogue de mesures d'encouragement de l'intégration (rapport sur les mesures d'intégration 2007), le Conseil fédéral a décidé, entre autres, qu'un programme d'encouragement de l'apprentissage d'une langue nationale serait élaboré par l'ODM, en collaboration avec les institutions et les autorités compétentes en matière de promotion des langues auprès des migrants. Des normes seront également élaborées au cours de ce projet. Elles reposeront sur des profils variés et porteront sur la détermination du niveau de langue et sur la mise en place de procédures de contrôle appropriées (par exemple des tests).

Jusqu'à la clôture de ces travaux, les connaissances linguistiques requises devront être démontrées en passant des tests éprouvés conçus par des institutions de forma50

Les initiatives parlementaires 08.406, Autorisations de séjour à l'année pour les étrangers établis refusant de s'intégrer, et 08.420, Concrétisation légale de l'intégration, déposée par Pfister Gerhard, poursuivent un but analogue. Le 27.6.2008, la CIP-N a décidé de donner suite à ces initiatives parlementaires. La CIP-E en a fait de même le 28.8.2008.

4592

tion reconnues ou en présentant des certificats de formation délivrés par des écoles suisses. Des déficiences d'apprentissage non imputables à l'étranger, comme l'analphabétisme, des atteintes graves à la santé, des charges de travail ou des situations personnelles extraordinaires sont prises en considération de manière appropriée.

Dans la mesure du possible, l'évaluation des aptitudes linguistiques devrait s'inscrire dans une appréciation globale de l'intégration et de l'aptitude à communiquer.

Aujourd'hui, la Confédération et les cantons subventionnent des cours de langue destinés à des groupes-cibles pour lesquels il n'existe pas d'offre adéquate au sein des structures dites ordinaires. Ces cours subventionnés délivrent en partie des certificats d'aptitude linguistique.

Conformément à la pratique qui prévaut aujourd'hui pour l'octroi anticipé de l'autorisation d'établissement (al. 4), les frais d'apprentissage linguistique devraient être à la charge du requérant.

Enfin, la volonté de participer à la vie économique et d'acquérir une formation s'évalue au moyen des rapports de travail et de formation attestés ou, du moins, des efforts entrepris pour en établir. Un empêchement non fautif de prendre un emploi ou de participer à une formation, par exemple en raison de graves problèmes de santé ou de traumatismes dus à des agressions psychiques ou physiques, est pris en considération de manière appropriée.

Al. 4 Un étranger qui a déployé des efforts particuliers en vue de s'intégrer peut obtenir l'autorisation d'établissement au terme d'un séjour ininterrompu de cinq ans au titre d'une autorisation de séjour (art. 34, al. 4, AP-LEtr).

Le droit en vigueur prévoit déjà cette possibilité; l'al. 4 doit toutefois être reformulé en raison de la modification apportée à l'al. 2. Jusqu'à présent, l'octroi anticipé de l'autorisation d'établissement supposait une «intégration réussie». Afin d'éviter des problèmes d'interprétation en relation avec l'expression «bien intégré», qui figure à l'al. 2, quiconque souhaite obtenir une autorisation d'établissement de manière anticipée doit désormais avoir déployé des efforts particuliers en vue de s'intégrer.

La pratique en vigueur est maintenue quant au principe.

L'art. 34, al. 4, LEtr vise à inciter les étrangers à s'intégrer plus rapidement. Par rapport à
l'octroi de l'autorisation d'établissement après dix ans (al. 2), l'octroi anticipé exige en effet des efforts d'intégration particuliers et un niveau de langue plus élevé (voir aussi ch. 5.1).

Art. 42

Membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse

Al. 3 Selon le droit en vigueur, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement après un séjour de cinq ans, sans qu'il soit nécessairement bien intégré. Ce droit ne s'éteint qu'en présence d'un motif de révocation de l'autorisation d'établissement (art. 51, al. 1, en relation avec l'art. 63 LEtr; en particulier atteinte qualifiée à la sécurité et à l'ordre publics, dépendance forte et durable de l'aide sociale).

4593

Dans ces cas également, l'autorisation d'établissement ne doit désormais plus être octroyée que si les personnes concernées sont bien intégrées, en particulier si elles disposent des connaissances linguistiques nécessaires au quotidien. Les critères sont les mêmes que pour l'octroi ordinaire de l'autorisation d'établissement après un séjour de dix ans (voir commentaire sur l'art. 34, al. 2, let. c, LEtr).

Art. 43

Conjoint et enfants étrangers du titulaire d'une autorisation d'établissement

Al. 2 Les conditions d'intégration exigées du conjoint du titulaire d'une autorisation d'établissement pour l'octroi d'une autorisation d'établissement doivent être les mêmes que celles exigées des membres étrangers de la famille de ressortissants suisses (voir commentaire sur la modification des art. 34, al. 2, let. c, et 42, LEtr).

Selon le droit en vigueur, les membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse ont droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement après un séjour de cinq ans, sans qu'ils soient nécessairement bien intégrés. Ce droit ne s'éteint qu'en présence d'un motif général de révocation (art. 51, al. 2, let. b, en relation avec l'art. 62 LEtr; en particulier atteinte à la sécurité et à l'ordre publics, dépendance de l'aide sociale).

Art. 50

Dissolution de la famille

L'art. 50 AP-LEtr est adapté sur le plan linguistique à l'art. 34, al. 2, AP-LEtr.

L'expression «bien intégrés», qui renvoie à une bonne intégration, est substituée à l'expression «intégration réussie» vu que les exigences sont les mêmes que pour l'octroi de l'autorisation d'établissement. La nouvelle formulation ne modifie pas la pratique en vigueur.

Art. 62

Révocation des autorisations et d'autres décisions

Fusion des actuels art. 62 et 63 LEtr Dans un but de simplification, la réglementation sur la révocation des autorisations et d'autres décisions (actuel art. 62 LEtr) et celle sur la révocation de l'autorisation d'établissement (actuel art. 63 LEtr) doivent être uniformisées. Dans la pratique, la portée des formulations divergentes des actuels art. 62 et 63 LEtr s'est souvent révélée peu claire. Toutefois, la situation personnelle doit, comme jusqu'à présent, être prise en considération lors de l'examen de la proportionnalité de la révocation d'une autorisation. Cet examen doit tenir compte de la gravité de la peine, de la durée du séjour antérieur et du type d'autorisation octroyé (art. 96 LEtr).

La révocation d'une autorisation suppose une atteinte grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics (let. b; actuel art. 62, let. c, LEtr). Cela signifie par exemple qu'une amende minime peut ne pas conduire à une révocation de l'autorisation. Par contre, le trafic de drogues par métier, même s'il porte sur des quantités limitées, peut aboutir à une révocation. Cela vaut également dans le cas de plusieurs petites effractions commises par métier. Il y a en règle générale atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics lorsque le comportement à juger va clairement à l'encontre des valeurs fondamentales et que, par conséquent, la poursuite du séjour en Suisse n'est plus tolérée.

4594

Cependant, il convient là encore de tenir compte, dans le cas d'espèce considéré, du principe de la proportionnalité (durée du séjour antérieur, type d'autorisation octroyé, situation familiale, endettement de la personne concernée).

Suite à l'introduction de la LEtr, il n'est plus possible de révoquer l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis plus de quinze ans en Suisse en cas de dépendance durable et forte de l'aide sociale ou de fausses indications fournies lors de la procédure d'autorisation. Les premières expériences réalisées avec la nouvelle clause (actuel art. 63, al. 2, LEtr) montrent qu'il convient de revenir en arrière51. En pratique, cette disposition a eu en effet pour conséquence que les étrangers dépendants de l'aide sociale ne fournissaient plus d'efforts personnels pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Ils savent que leur présence en Suisse ne peut plus être remise en question. Selon la proposition du Conseil fédéral, les autorités sont également tenues d'examiner, dans le cas d'espèce considéré, la proportionnalité et l'adéquation d'une révocation de l'autorisation d'établissement en raison d'une forte dépendance à l'aide sociale. Cela vaut notamment en cas de dépendance non fautive consécutive à un divorce ou un revenu trop faible. Dans ce cas, il convient également de tenir compte du nombre d'années passées en Suisse (art. 96 LEtr).

Il arrive aussi souvent que plusieurs motifs de révocation de l'autorisation d'établissement coexistent (infractions répétées, dépendance de l'aide sociale, dettes, etc.). Aujourd'hui, la dépendance de l'aide sociale ne peut plus être prise en compte pour un séjour de plus de quinze ans, même quand l'intégration est considérée comme très mauvaise.

Al. 2 La «sécurité et l'ordre publics» constituent le terme générique des biens juridiquement protégés: ­

la sécurité publique signifie l'inviolabilité de l'ordre juridique objectif, des biens juridiques des individus (vie, santé, liberté, propriété, etc.) et des institutions de l'Etat;

­

l'ordre public comprend l'ordre juridique objectif et l'ensemble des représentations non écrites de l'ordre, dont le respect doit être considéré selon l'opinion sociale et éthique dominante comme une condition indispensable d'une cohabitation humaine ordonnée.

Il y a également atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics lorsque les actes individuels ne justifient pas en eux-mêmes une révocation, mais que leur répétition ou leur combinaison montre que la personne concernée n'est pas prête à se conformer à l'ordre en vigueur.

Let. a Cette disposition correspond en grande partie à l'actuel art. 62, let. b, LEtr. Une «peine privative de liberté de longue durée» n'est cependant plus citée séparément comme motif de révocation. Son lien avec le motif de révocation «atteinte à la sécurité et à l'ordre publics» n'était pas clair (actuels art. 62, let. c, et art. 63, al. 1, 51

L'initiative parlementaire 08.450 Marge de manoeuvre accrue pour les autorités, déposée par Philipp Müller, poursuit le même objectif. Le 22.1.2009, la CIP-N a décidé de donner suite à cette initiative. La CIP-E en a fait de même le 27.3.2009.

4595

let. b, LEtr). Lors des délibérations parlementaires sur la LEtr, une proposition de la commission visant à définir clairement la notion de «peine privative de liberté de longue durée» a été rejetée.

Selon l'art. 62, al. 2, let. a, AP-LEtr, une autorisation peut être révoquée si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation pénale ou d'une mesure pénale. Il n'est toutefois pas nécessaire que le verdict de culpabilité ait été rendu par un Tribunal pénal suisse.

Comme jusqu'à présent, une condamnation prononcée à l'étranger peut justifier une révocation52. S'agissant de la révocation au titre des art. 62 ou 63 AP-LEtr, c'est valable en particulier lorsque le verdict a été rendu dans un pays qui garantit les principes de procédure d'un Etat de droit et les droits de la défense dans la procédure pénale.

Contrairement à ce qui est prévu à l'art. 63 AP-LEtr, le motif de révocation selon l'art. 62, al. 2, let. a, AP-LEtr ne suppose pas obligatoirement un jugement passé en force. Un comportement punissable peut conduire à la révocation d'une autorisation pour autant qu'il soit indubitablement imputable à la personne concernée ou que les actes ne laissent aucun doute à ce sujet.

Let. b à d Dans un souci de transparence, les exemples d'atteinte à la «sécurité et à l'ordre publics» et de mise en danger de la «sécurité et de l'ordre publics», jusqu'à présent inclus dans l'art. 80, al. 1, OASA, doivent figurer dans la loi53.

Sont considérés comme crimes contre la paix (let. d) les faits punissables visés aux art. 258 à 263 du code pénal (CP)54 (titre 12: crimes ou délits contre la paix publique).

Le fait pour un étranger de mettre les membres de sa famille sous pression afin qu'ils contractent un mariage contre leur volonté (mariage forcé) est en contradiction évidente avec les valeurs et les principes de la Suisse et constitue également une atteinte à l'ordre public susceptible de conduire à la révocation de l'autorisation. Il n'est pas nécessaire que ce comportement donne lieu à une condamnation pénale (ATF 134 I consid. 4.3). Cela vaut également pour des actes comparables qui portent manifestement atteinte à la liberté personnelle de certaines personnes.

Al. 3 Correspond à l'actuel art. 80, al. 2, OASA.

52

53

54

Concernant la jurisprudence actuelle, cf. notamment les arrêts du Tribunal fédéral ciaprès: 2C_609/2008 du 8 janvier 2009, consid. 2 et 3; 2C_381/2008 du 14 janvier 2009, consid. 2; 2A.57/2000 du 17 avril 2000, consid. 3; 2A.127/1994 du 17 octobre 1995, consid. 3a; 2A.315/2005 du 18 octobre 2005, consid. 3.2.1; de même: ATF 134 II 25 consid. 4.3.1 p. 29.

L'initiative parlementaire 08.420, Concrétisation légale de l'intégration, déposée par Pfister Gerhard, poursuit un but analogue. Le 27.6.2008, la CIP-N a décidé de donner suite à cette initiative parlementaire. La CIP-E en a fait de même le 28.8.2008.

RS 311.0

4596

Al. 4 Précise quels éléments doivent être pris en compte dans le cas d'espèce lors de l'examen d'un cas de révocation.

La primauté du droit international public dans l'application de la LEtr découle déjà de l'art. 2, al. 1, LEtr. Il n'est donc pas nécessaire de répéter explicitement ce principe dans le présent article.

Lors de la révocation d'une autorisation, il y a lieu notamment de tenir compte de la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour eur. DH) relative à l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale). Or, selon la jurisprudence de la Cour eur. DH, la situation particulière des étrangers qui ont passé la majeure partie ou la totalité de leur enfance dans le pays d'accueil doit être prise en considération lors des renvois (voir par exemple les jugements Üner55, point 58, et Maslov56, point 73).

Lors de la pesée des intérêts publics et privés, la jurisprudence de la Cour eur. DH précise par exemple qu'une maladie psychique accentuant les problèmes liés au retour doit également être prise en compte (voir jugement Emre57 contre la Suisse).

Même si l'enracinement dans le pays d'accueil requiert un examen approfondi des intérêts, la Cour eur. DH a conclu, dans les jugements Üner (point 57) et Maslov (point 74), que le seul fait d'être né dans le pays d'accueil ou d'y avoir séjourné de nombreuses années n'excluait pas un renvoi. L'art. 8, al. 1, CEDH, ne confère aucun droit inconditionnel à ne pas être renvoyé étant donné que l'al. 2 prévoit des restrictions.

Même lorsqu'un ressortissant étranger bénéficie d'un statut de séjour illimité et qu'il a atteint un haut degré d'intégration, sa situation ne pourrait pas être comparée à celle d'un ressortissant suisse dans le cadre d'une éventuelle expulsion58. Ainsi, dans l'affaire Kaya contre Allemagne, une expulsion à vie d'un ressortissant turc né en Allemagne en 1978 a été reconnue conforme au principe de la proportionnalité au sens de l'art. 8 CEDH alors que la personne visée avait grandi en Allemagne, y avait effectué sa scolarité et terminé un apprentissage59.

Art. 63

Révocation de l'autorisation en cas d'infraction pénale grave

Le présent article prévoit de limiter le pouvoir d'appréciation des autorités s'agissant de la révocation d'une autorisation en cas d'infraction pénale grave. Dans un tel cas de figure, l'intérêt public à révoquer l'autorisation l'emporte généralement sur l'intérêt privé à une poursuite du séjour.

La révocation de l'autorisation reste également possible en cas de peine mineure lorsque l'étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics et que la mesure semble proportionnée aux circonstances dans le cas d'espèce (art. 62, al. 1, let. b, AP-LEtr). La décision de révoquer l'autorisation est ici laissée à l'appréciation des autorités, qui doivent notamment tenir compte du 55 56 57 58 59

Cour eur. DH, arrêt du 18 octobre 2006 ­ 46410/99 Cour eur. DH, arrêt du 23 juin 2008 ­ 1683/03 Cour eur. DH, arrêt du 22 mai 2008 ­ 42034/04 Cour eur. DH arrêt du 18 octobre 2006 ­ 46410/99 ­ Üner, point 56, avec renvoi à Moustaquim, arrêt du 18 mai 1991, Série A no 193, p. 20, point 49.

Cour eur. DH, arrêt du 28 juin 2007 ­ 31753/02

4597

nombre d'années passées en Suisse et de la situation familiale (art. 62, al. 4, en relation avec l'art. 96 LEtr).

Al. 1, let. a Lorsque l'étranger a été condamné par un jugement passé en force pour un délit grave passible d'une peine privative de liberté d'un an au moins, il est prévu de limiter le pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale compétente en matière de migration lors de l'examen de la révocation de l'autorisation. Contrairement à ce qui est prévu à l'al. 1, let. b, cette possibilité est valable indépendamment de la durée de la peine privative de liberté prononcée dans le cas d'espèce.

L'initiative sur le renvoi énumère également diverses infractions qui entraînent une révocation de l'autorisation. Le catalogue proposé sous let. a se réfère quant à lui à un critère objectif (peine minimale d'un an). En fixant la peine minimale à un an, le législateur indique clairement qu'il vise les auteurs de délits particulièrement répréhensibles.

Contrairement à l'initiative sur le renvoi, le présent projet de modification de la LEtr prévoit la possibilité de renoncer, à titre exceptionnel, à révoquer l'autorisation au regard de la Cst. et du droit international public (al. 2).

En vertu du code pénal et de la loi sur les stupéfiants (LStup), les délits ci-après sont passibles d'une peine privative de liberté d'un an ou davantage: 1. CP Art. 111: Art. 112: Art. 113: Art. 118, al. 2: Art. 140, ch. 2: Art. 140, ch. 3 et 4: Art. 156, ch. 2: Art. 156, al. 3 et 4: Art. 157, ch. 2: Art. 182, al. 2: Art. 184: Art. 185: Art. 189, al. 3: Art. 190: Art. 221: Art. 223: Art. 224: Art. 227, ch. 1: Art. 228, ch. 1: Art. 231, ch. 1, al. 2: Art. 232, ch. 1, al. 2: Art. 233, ch. 1, al. 2:

4598

Meurtre Assassinat Meurtre passionnel Interruption de grossesse sans le consentement de la femme Brigandage, en ayant recours à une arme Brigandage, en bande ou particulièrement dangereux. Victime en danger de mort Extorsion et chantage, par métier ou pratiqués à réitérées reprises Chantage en usant de violence ( art. 140), ou danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle Usure, par métier Traite d'êtres humains qualifiée (victime mineure ou par métier) Séquestration et enlèvement qualifiés Prise d'otage Contrainte sexuelle, état de fait qualifié Viol Incendie intentionnel Explosion Emploi, avec dessein délictueux, d'explosifs ou de gaz toxiques Inondation, écroulement (causés intentionnellement) Dommages aux installations électriques, travaux hydrauliques et ouvrages de protection (causés intentionnellement) Propagation d'une maladie de l'homme (qualifiée) Propagation d'une épizootie (qualifiée) Propagation d'un parasite dangereux (qualifiée)

Art. 237: Art. 240, al. 1: Art. 244, al. 2: Art. 264: Art. 265: Art. 266: Art. 267, ch. 1: Art. 271, ch. 2: Art. 272, ch. 2: Art. 273, al. 3:

Entrave à la circulation publique (qualifiée) Fabrication de fausse monnaie Importation, acquisition et prise en dépôt de grandes quantités de fausse monnaie (qualifiées) Génocide Haute trahison Atteinte à l'indépendance de la Confédération Trahison diplomatique Actes exécutés sans droit pour un Etat étranger, qualifiés Espionnage, cas grave Service de renseignements économiques, cas grave

2. LStup Art. 19, al. 1: Art. 20:

Infraction à la LStup, infraction qualifiée Demande contenant de fausses indications pour se procurer ou procurer à autrui un permis d'importation, de transit ou d'exportation, infraction qualifiée

Al. 1, let. b Cette disposition s'inspire en partie de la pratique du Tribunal fédéral relative au regroupement familial. Lorsque le conjoint étranger d'un ressortissant suisse demande pour la première fois une autorisation de séjour ou en demande le renouvellement après un séjour relativement court, la jurisprudence du Tribunal fédéral part du principe qu'à partir d'une peine privative de liberté de deux ans, une autorisation ne doit généralement plus être accordée ou une expulsion doit être prononcée, et ce, même si le départ paraît difficilement voire pas du tout exigible de la part du conjoint suisse. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent encore justifier l'octroi d'une autorisation de séjour dans de tels cas (pratique «Reneja», ATF 110 Ib 201, 130 II 176 consid. 4.1 p. 185 avec renvois). Cette règle dite des deux ans doit désormais s'appliquer de façon générale à la révocation des autorisations indépendamment du droit au séjour invoqué et du nombre d'années passées en Suisse. Le fait que la peine privative de liberté soit conditionnelle ou inconditionnelle est également sans importance.

L'autorisation doit également être révoquée lorsque l'étranger a été condamné de façon répétée à des peines légères. Les différentes peines privatives de liberté prononcées au cours des dix dernières années sont additionnées. A cet égard, la période précédant la dernière condamnation entrée en force est déterminante. Dans le cas des peines pécuniaires, le nombre de jours-amende est également comptabilisé (art. 34 CP). En effet, des peines privatives de liberté ne peuvent en principe pas être prononcées pour une durée de moins de six mois (art. 40 et 41 CP).

Al. 2 Lors de la décision relative à la révocation d'une autorisation, les dispositions déterminantes de la Cst. et du droit international doivent être respectées. En font notamment partie le principe de la proportionnalité des mesures prises par l'autorité, le principe du non-refoulement et le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans des cas dûment motivés, il est possible de renoncer exceptionnellement à révoquer une autorisation.

4599

La réserve générale du droit international dans l'application de la LEtr est déjà exprimée à l'art. 2, al. 1, de la LEtr. Il n'est donc pas nécessaire de répéter explicitement ce principe dans cet article (voir également le commentaire sur l'art. 62, al. 4, AP-LEtr).

Modification de la loi sur l'asile Art. 60

Règlement des conditions de résidence

Al. 2 Les motifs de refus de l'autorisation d'établissement pour les personnes qui ont obtenu l'asile en Suisse doivent être adaptés en fonction de la nouvelle teneur des art. 62 et 63 LEtr.

Dispositions transitoires Les procédures pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la modification de la loi sont régies par l'ancien droit.

8

Conséquences financières et incidences sur le personnel

Les propositions de modifications de la loi n'ont, pour la Confédération, aucune conséquence en termes de finances ou de personnel. En ce qui concerne les cantons, l'examen systématique du degré d'intégration avant l'octroi de l'autorisation d'établissement entraînera un surcroît de travail. Par conséquent, il convient de prévoir un système d'évaluation qui permette une prise de décision rapide et bien fondée (par exemple la présentation d'un résultat de test).

9

Constitutionnalité

La compétence de la Confédération dans le domaine migratoire se fonde sur l'art. 121, al.1, Cst. Les principes constitutionnels déterminants pour la révocation d'autorisations relevant du droit des étrangers et le renvoi d'étrangers sont respectés (en particulier art. 25, al. 2 et 3, Cst., principe du non-refoulement; art. 10 et 13 Cst., protection de la vie privée et familiale).

4600