Circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 28 novembre 2008

2008-3103

2989

L'essentiel en bref L'objectif du présent rapport est d'une part de présenter un état des faits clarifié des circonstances ayant mené à la nomination puis à l'entrée en fonction de Roland Nef à la tête de l'armée et, d'autre part, de procéder à une analyse de ces faits et d'émettre des recommandations sur cette base.

Pour ce faire, la Commission de Gestion du Conseil national (CdG-N) a procédé à une analyse des documents pertinents dont elle a pu disposer et auditionné les principales personnes concernées.

La CdG-N a déposé une demande auprès des autorités de poursuite pénale zurichoises afin de pouvoir consulter les documents relatifs à la procédure pénale menée contre Roland Nef et aujourd'hui close. A l'exception de quelques pièces du dossier qui ont été remises à la commission, cette demande a été refusée.

Le rapport commence par une courte introduction (chap. 1) dans laquelle l'accent est mis sur la présentation de la démarche adoptée par la CdG-N pour mener à bien cette enquête. Cette introduction est suivie par un exposé des faits (chap. 2) retraçant le déroulement des principaux événements qui ont conduit à la nomination puis à l'entrée en fonction de Roland Nef à la tête de l'armée et se terminant par un bref épilogue. La partie suivante (chap. 3) présente les bases légales pertinentes pour cette enquête. Enfin, le dernier chapitre (chap. 4) de ce rapport est consacré à la présentation des conclusions et recommandations de la commission.

La CdG-N a adopté le présent rapport lors de sa séance du 28 novembre 2008 et en a autorisé la publication. Elle a décidé de transmettre ce rapport au Conseil fédéral pour avis et aux CPS ainsi qu'à la Commission de Gestion du Conseil des Etats (CdG-E) pour information.

A l'issue de ses travaux, la CdG-N arrive aux conclusions principales suivantes: ­

2990

Procédure de sélection du nouveau chef de l'armée: La commission constate que le chef du Département de la défense, de la protection, de la population et des sports (DDPS) a pris la procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée très au sérieux. Il y a en particulier consacré des ressources importantes en termes de personnel et de temps. Si la commission reconnaît les points positifs de la procédure mise en place, elle en relève aussi les faiblesses. Celles-ci concernent en premier lieu le caractère cloisonné des différentes procédures de consultation mises en place par le chef du DDPS et l'attention insuffisante consacrée aux aspects relatifs à la personnalité des candidats. Aux yeux de la CdG-N, une réflexion doit aussi être menée sur une meilleure implication du Conseil fédéral lors de la procédure de sélection de certaines fonctions sensibles de l'administration fédérale.

Recommandation 1

Procédure de sélection des personnes amenées à occuper des postes à très haute responsabilité

La CdG-N demande au Conseil fédéral de lui indiquer quelles mesures il entend prendre sur la base de ce rapport pour améliorer le processus de sélection des personnes amenées à occuper des postes à très haute responsabilité et pour garantir, qu'en plus des qualifications techniques et de conduite, une attention appropriée soit aussi portée aux exigences en termes d'adéquation entre le caractère des candidats et la fonction. En outre, la commission attend du Conseil fédéral que les mesures proposées témoignent d'une réflexion de fond sur le rôle de ce dernier lors des nominations des plus hauts cadres de l'administration.

­

Comportement du chef du DDPS en relation avec la procédure pénale en cours contre Roland Nef: A l'issue de ses travaux, la commission arrive à la conclusion que le chef du DDPS a commis une erreur lourde de conséquences en proposant au Conseil fédéral de nommer Roland Nef au poste de chef de l'armée. Le Conseil fédéral a ainsi dû décider d'une nomination politiquement extrêmement importante sans disposer de toutes les informations nécessaires pour ce faire. La CdG-N relève par ailleurs aussi les manquements d'autres acteurs, en particulier le chef de l'armée de l'époque et Roland Nef lui-même.

­

Déroulement du contrôle de sécurité relatif aux personnes: L'analyse du déroulement du contrôle de sécurité relatif aux personnes de Roland Nef a mis au jour l'existence de plusieurs problèmes de fond relatifs à ce type de contrôle, c'est pourquoi la CdG-N adresse quatre recommandations au Conseil fédéral à cet égard.

Recommandation 2

Consultation des dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues

La CdG-N recommande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LMSI, les mesures nécessaires soient prises afin que lors de contrôles de sécurité relatifs aux personnes du plus haut niveau, le service spécialisé CSP puisse aussi consulter les dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues.

Recommandation 3

Subordination du service spécialisé CSP

Le Conseil fédéral veille à ce que le service spécialisé CSP soit détaché du DDPS et examine la possibilité de le rattacher à la Chancellerie fédérale ou à un département dans lequel il n'y a que peu de fonctions soumises aux contrôles de sécurité relatifs aux personnes.

2991

Recommandation 4

Directives sur le statut du service spécialisé CSP et la transmission des informations

La CdG-N demande au Conseil fédéral de veiller à l'établissement de directives posant clairement le principe de l'indépendance du service spécialisé CSP et réglant les flux d'information en conséquence.

Recommandation 5

Moment de l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes

La CdG-N demande au Conseil fédéral d'examiner l'opportunité d'effectuer un contrôle de sécurité relatif aux personnes avant la nomination pour certaines hautes fonctions à très haute responsabilité. En outre, la commission demande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LSMI, les mesures nécessaires soient prises afin que la teneur de l'art. 19, al. 3, LMSI, soit identique dans les trois langues officielles.

­

Indemnités de départ. Pour la commission, la situation actuelle relative au versement d'indemnités de départ lors d'une cessation d'un commun accord des relations de travail n'est pas satisfaisante et doit être réglée au niveau juridique.

Recommandation 6

Indemnités de départ

La CdG-N demande au Conseil fédéral de régler de manière contraignante la situation juridique concernant le versement d'indemnités de départ en cas de cessation d'un commun accord des rapports de travail.

2992

Table des matières L'essentiel en bref

2990

Liste des abréviations

2995

1 Introduction 1.1 Contexte 1.2 Objectif du rapport 1.3 Démarche

2996 2996 2997 2997

2 Exposé des faits 2.1 Avant l'ouverture de la procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée 2.2 Procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée 2.3 Nomination par le Conseil fédéral 2.4 De la nomination de M. Roland Nef à son entrée en fonction 2.5 Epilogue: de l'entrée en fonction de Roland Nef à la dissolution des relations de travail

2999

3 Bases légales 3.1 Bases légales régissant les rapports de travail avec le chef de l'armée 3.2 Contrôles de sécurité relatifs aux personnes (CSP) 3.3 Résiliation des rapports de travail avec le chef de l'armée 3.4 Exemption de peine après réparation (art. 53 CP)

3023 3023 3025 3027 3028

4 Appréciations de la CdG-N, conclusions et recommandations 4.1 Procédure de sélection 4.1.1 Travaux préparatoires effectués par le chef du DDPS 4.1.2 Rôle du Conseil fédéral 4.1.3 Comportement du chef du DDPS par rapport à la procédure pénale en cours 4.1.4 Comportement des autres acteurs par rapport à la procédure pénale en cours 4.2 Exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes concernant Roland Nef 4.2.1 Nomination de Roland Nef au poste de commandant de la formation char/artillerie 4.2.2 Nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée 4.2.2.1 Eté 2007: le service spécialisé CSP renonce à consulter le dossier 4.2.2.2 Eléments ayant mené à une décision positive relativement au risque 4.2.2.3 Transmission des informations 4.2.2.4 Moment de l'exécution du contrôle de sécurité

3030 3030 3030 3031

2999 3002 3009 3010 3020

3032 3034 3035 3035 3036 3036 3037 3040 3040

2993

4.3 Comportement de Roland Nef 4.4 Importance de la procédure pénale pour l'examen de la CdG-N 4.5 Cessation des rapports de travail et indemnité de départ 5 Suite des travaux

2994

3041 3042 3043 3044

Liste des abréviations CAJ-N CAJ-E CdA CdG-N CP CPM CPS CPS-N CSP DDPS DélCdG DFJP EPF fedpol ISIS LMSI LParl LPers MD D OAC OCSP OOMi OPers O pers mil Org-DDPS PIO SAP TAF VOSTRA

Commission des affaires juridiques du Conseil national Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats Chef de l'armée Commission de gestion du Conseil national Code pénal, RS 311.0 Code pénal militaire du 13 juin 1927, RS 321.0 Commissions de la politique de sécurité Commission de la politique de sécurité du Conseil national Contrôle de sécurité relatif aux personnes Département de la défense, de la protection de la population et des sports Délégation des Commissions de gestion Département fédéral de justice et police Ecoles polytechniques fédérales Office fédéral de la police Système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, RS 120 Loi sur le Parlement Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération, RS 172.220.1 Management Development Défense Office de l'auditeur en chef Ordonnance du 19 décembre 2001 sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes, RS 120.4 Ordonnance du 19 novembre 2003 concernant les obligations militaires, RS 512.21 Ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération, RS 172.220.111.3 Ordonnance du DDPS du 9 décembre 2003 sur le personnel militaire, RS 172.220.111.310.2 Ordonnance du 7 mars 2003 sur l'organisation du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, RS 172.214.1 Protection des informations et des objets Service d'analyse et de prévention Tribunal administratif fédéral Casier judiciaire informatisé

2995

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Le 8 juin 2007, le Conseil fédéral nomme le brigadier Roland Nef au poste de chef de l'armée. Ce dernier entre en fonction le 1er janvier 2008.

Le 13 juillet 2008, la SonntagsZeitung publie un article révélant qu'une enquête pénale était en cours contre Roland Nef au moment de sa nomination à la tête de l'armée. L'article précise que le chef du Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) était au courant de l'existence de cette enquête, mais n'en a pas informé les autres membres du collège. L'article soulève aussi des questions relatives à l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes, en particulier celle de savoir pourquoi ce contrôle n'a été effectué qu'après la nomination de Roland Nef en tant que chef de l'armée.

Durant les jours et les semaines qui suivent, de nombreux autres articles de presse seront publiés à ce sujet.

Au vu des nombreux remous provoqués par la publication de ces articles et des questions qu'ils soulèvent, les Commissions de la politique de sécurité (CPS) décident de se réunir en séance extraordinaire le 25 juillet 2008 et de s'entretenir à ce sujet avec Roland Nef ainsi qu'avec le chef du DDPS.

A l'issue de cette séance, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N) se déclare insatisfaite des explications du chef du DDPS concernant le déroulement de la procédure de nomination, notamment le contrôle de sécurité.

Par lettre du 30 juillet 2008, la CPS-N prie la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) de bien vouloir ouvrir une enquête sur les circonstances de la nomination du chef de l'armée Roland Nef, de publier un rapport d'enquête et, éventuellement, d'émettre des recommandations visant à améliorer la procédure de nomination.

La CdG-N a examiné avec attention la demande de la CPS-N lors de sa séance du 5 septembre 2008 et a décidé d'y donner suite d'ici fin novembre 2008. Elle a chargé sa sous-commission DFAE/DDPS (ci-après: sous-commission) de mener les travaux nécessaires1.

1

Sont membres de la sous-commission DFAE/DDPS les conseillères nationales et conseillers nationaux suivants: Ruedi Lustenberger (président), Elvira Bader, J. Alexander Baumann, André Daguet, Corina Eichenberger, Therese Frösch, Edith Graf-Litscher, Christian Miesch, Stéphane Rossini, Pierre-François Veillon, Christian Wasserfallen et Brigit Wyss.

2996

1.2

Objectif du rapport

L'objectif du présent rapport est d'une part de présenter un état des faits clarifié des circonstances ayant mené à la nomination puis à l'entrée en fonction de Roland Nef à la tête de l'armée et, d'autre part, de procéder à une analyse de ces faits et d'émettre des recommandations sur cette base.

1.3

Démarche

La sous-commission compétente a dans un premier temps adressé aux personnes concernées un catalogue écrit de questions en les priant de bien vouloir le compléter et lui remettre tous les documents pertinents pour cette enquête.

Afin de compléter et de comparer les informations reçues, la sous-commission a ensuite procédé à des auditions avec les personnes suivantes (par ordre alphabétique)2: ­

M. Peter Arbenz, officier de milice, expert externe dans les questions militaires et administratives

­

M. Stephan Bieri, expert externe en évaluations et en coaching

­

M. le divisionnaire André Blattmann, officier général adjoint du chef de l'armée du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, suppléant du chef de l'armée depuis le 1er janvier 2008 et chef de l'armée ad interim à partir du 20 août 2008

­

M. le Président de la Confédération Pascal Couchepin, chef du DFI

­

M. Urs Freiburghaus, chef du service de la Protection des informations et des objets

­

M. Stefan Glanzmann, chef du service spécialisé chargé des contrôles de sécurité relatifs aux personnes (service spécialisé CSP)

­

M. le commandant de corps Christophe Keckeis, chef de l'armée du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007

­

M. le commandant de corps Roland Nef, chef de l'armée du 1er janvier 2008 au 28 février 2009 (délié de ses fonctions depuis le 21 juillet 2008)

­

M. le divisionnaire Markus Rusch, conseiller personnel en politique militaire du chef du DDPS de mars 2001 à mai 2008

­

M. le conseiller fédéral Samuel Schmid, chef du DDPS

­

M. Markus Seiler, secrétaire général du DDPS

­

M. Dieter Weber, auditeur en chef de l'armée

Dans un troisième temps, la sous-commission a, dans la mesure du possible, confronté les personnes entendues avec les questions encore ouvertes.

2

La CdG-N a accepté que le député au Conseil des Etats Hermann Bürgi réponde par écrit aux questions de la commission.

2997

Au cours des investigations menées, le président de la CdG-N et le président de la sous-commission ainsi que la secrétaire des CdG ont pu consulter le dossier du service spécialisé chargé des contrôles relatifs aux personnes (service spécialisé CSP) concernant Roland Nef. Le président de la sous-commission a aussi consulté les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral des 8 juin 2007 et 20 août 2008 ainsi que les échanges de courriels qui ont eu lieu entre le DDPS et la SonntagsZeitung au cours de l'été 2008. Le président a informé à chaque fois la sous-commission de manière appropriée des éléments pertinents pour l'enquête.

Par lettre du 21 octobre 2008, la CdG-N a demandé au Ministère public du canton de Zurich3 l'autorisation de consulter, sous une forme appropriée et dans le strict respect de la confidentialité, les documents ayant trait à la procédure pénale, alors close, que le Ministère public I du canton de Zurich avait engagée contre Roland Nef pour «contrainte etc.». La commission a souligné qu'il ne lui était pas possible de juger de manière suffisante des circonstances dans lesquelles Roland Nef avait été nommé chef de l'armée sans avoir connaissance du contenu de ces documents. Elle a précisé qu'elle ne s'intéressait pas à la manière dont la procédure pénale avait été menée par les autorités de poursuite pénale zurichoises, mais qu'elle voulait déterminer dans quelle mesure les critiques formulées publiquement à l'encontre de Roland Nef, qui ont mis en cause son aptitude, en raison de sa personnalité, à occuper le poste de chef de l'armée et qui ont finalement mené à la résiliation de ses rapports de travail, reposaient sur un fond de vérité. La CdG-N a fait valoir qu'il existait un intérêt public prépondérant à pouvoir répondre à la question de savoir si oui ou non un risque pour la sécurité de la Suisse avait pu exister.

Par lettre du 30 octobre 2008, la CdG-N s'est aussi directement adressée à Roland Nef pour demander à ce dernier l'autorisation de consulter les documents relatifs à la procédure pénale susmentionnée. Par lettre du 4 novembre 2008, Roland Nef a répondu qu'il n'était pas disposé à lui délivrer cette autorisation.

Par décision du 6 novembre 2008, le Ministère public I du canton de Zurich4 a décidé de rejeter la demande de la CdG-N, à l'exception de trois pièces
du dossier d'enquête dont il lui a transmis des copies. Il a motivé cette décision en argumentant que la question d'un éventuel risque pour la sécurité de la Suisse n'avait qu'un lien marginal avec l'élucidation des circonstances de la nomination de Roland Nef et que, par conséquent, il ne lui semblait pas nécessaire, pour l'exercice de la haute surveillance, que la CdG-N ait accès aux autres pièces du dossier pénal. Il a précisé que la procédure pénale avait été menée pour contrainte et autres délits, suite à des accusations de harcèlement non insignifiantes relatives à des faits qui auraient eu lieu entre mars 2005 et décembre 2006 et qui seraient en lien avec la séparation de Roland Nef et de son ex-compagne. Cette procédure a finalement été suspendue le 23 octobre 2007, sur la base de l'art. 53 CP. Enfin, le Ministère public I du canton de Zurich a indiqué dans sa réponse qu'il considérait que des connaissances détaillées sur les agissements reprochés ne seraient pas d'une grande aide pour répondre à la question d'un éventuel risque pour la sécurité du pays, cela d'autant plus que la CdG-N n'avait pas précisé en quoi la connaissance de ces éléments pourrait l'aider à répondre à cette question.

3 4

En langue allemande: «Oberstaatsanwaltschaft des Kantons Zürich».

Le Ministère public du canton de Zurich («Oberstaatsanwaltschaft des Kantons Zürich») a transmis, pour des raisons de compétence, la demande de la CdG-N à la Direction du Ministère public I du canton de Zurich.

2998

Le 12 novembre 2008, la sous-commission a consigné ses constats dans un premier projet de rapport. Ce projet a été transmis au chef du DDPS ainsi qu'aux principales personnes concernées en les priant d'examiner si le rapport contenait des erreurs formelles ou matérielles qui devaient être corrigées et si des intérêts dignes de protection s'opposaient à une publication. Le 25 novembre 2008, la sous-commission a, conformément à l'art. 157 LParl, transmis la version finale du rapport au chef du DDPS pour prise de position. Roland Nef ainsi que les autres personnes entendues n'ont elles pu s'exprimer que sur les conclusions les concernant de manière déterminante.

La CdG-N a adopté le présent rapport lors de sa séance du 28 novembre 2008 et en a autorisé la publication. Elle a décidé de transmettre ce rapport au Conseil fédéral pour avis et aux CPS pour information.

Pour conclure, il y a lieu de préciser que les fonctions citées dans ce rapport correspondent aux fonctions occupées à l'époque des faits.

2

Exposé des faits

2.1

Avant l'ouverture de la procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée

L'avant-dernier contrôle de sécurité relatif aux personnes (CSP) de Roland Nef remontait à 2005. Il s'agissait d'un contrôle de sécurité élargi conformément à l'art. 11 OCSP (sans audition). Ce contrôle a été réalisé du 3 janvier au 14 mars 2005 et s'est achevé par une décision positive relativement au risque.

Le 27 septembre 2006, une ex-compagne de Roland Nef dépose une plainte pénale contre lui auprès de la police de la ville de Zurich. En octobre 2006, le Ministère public de Zurich-Limmat ouvre une procédure pénale contre lui pour contrainte et autres délits.

Le 7 ou le 8 novembre 2006, une procureure du Ministère public de Zurich-Limmat contacte l'Office de l'auditeur en chef (OAC) par téléphone. Elle s'enquit auprès du chef suppléant du service juridique de l'OAC des mesures à prendre au cas où les autorités de poursuite pénale du canton de Zurich ouvriraient une procédure pénale contre un haut officier de l'armée suisse, le brigadier Roland Nef. D'après les renseignements fournis par l'OAC, la procureure mentionne à cette occasion qu'il s'agit d'accusations de contrainte ressortant du domaine privé et sans lien avec la fonction militaire occupée. Elle mentionne aussi qu'il est possible qu'une saisie de matériel informatique soit ordonnée dans ce cadre.

Le service juridique de l'OAC indique à la procureure qu'en ce qui concerne les conditions régissant l'accès et une éventuelle saisie du matériel informatique mis à disposition de Roland Nef dans le cadre de sa fonction (et pouvant contenir des données militaires classifiées), il lui faut se renseigner auprès du service de la Protection des informations et des objets (PIO), qui est compétent en la matière.

Le 8 novembre 2006 à 11 h 39, le service juridique de l'OAC envoie par fax à la procureure un modèle de lettre-type pour demander une autorisation d'ouvrir ou de continuer une poursuite pénale civile contre une personne se trouvant au service militaire au sens de l'art. 222 du code pénal militaire (CPM). Le même jour à 17 h 01, l'OAC reçoit par fax la demande d'autorisation correspondante. Cette 2999

demande mentionne que la procédure pénale en est encore à ses débuts et qu'une perquisition de l'appartement de l'accusé ainsi qu'un interrogatoire seront nécessaires.

Le 10 novembre 2006 à 17 h 02, le service juridique de l'OAC délivre par fax l'autorisation demandée (une lettre suivra). Le document précise qu'en dehors de ce jour de service à la troupe, une autorisation au sens de l'art. 222 CPM n'est pas nécessaire pour les militaires de carrière. Les contacts précités ont lieu entre le chef suppléant du service juridique de l'OAC et la procureure compétente des autorités de poursuite pénale du canton de Zurich. Le chef suppléant du service juridique informe oralement l'auditeur en chef du déroulement décrit ci-dessus.

Le 14 novembre 2006, à l'issue d'une discussion portant sur un autre thème, l'auditeur en chef informe oralement le chef du DDPS que l'OAC a délivré aux autorités de poursuite pénale zurichoises une autorisation d'ouvrir respectivement de continuer une poursuite pénale civile pour contrainte (dans le domaine privé) contre le brigadier Roland Nef, commandant de la brigade blindée 11. Il lui indique aussi qu'il en informera le chef de l'armée.

Selon les explications de l'auditeur en chef, il n'y a pas de pratique fixe déterminant quand et de quelle manière ce dernier informe l'autorité politique au sujet d'une procédure pénale en cours. Dans la mesure où l'ouverture d'une procédure pénale civile contre un haut officier d'état-major pour soupçons de contrainte n'est pas un cas ordinaire, l'auditeur en chef estime qu'il est de son devoir d'en informer le chef du DDPS. L'auditeur en chef n'a par la suite plus de discussion à ce sujet avec le chef du DDPS.

Le chef du DDPS ne se souvient pas de cette information, mais ne conteste pas son existence.

Quelques temps plus tard (le même jour ou le jour suivant), l'auditeur en chef appelle le chef de l'armée pour lui faire part oralement de la même information. Il lui dit qu'il en a déjà informé le chef du DDPS.

Selon l'auditeur en chef, le chef de l'armée lui aurait dit que Roland Nef était pressenti pour être nommé commandant de la formation char/artillerie l'année suivante et lui aurait demandé si l'existence de cette procédure pénale pouvait avoir des conséquences de ce point de vue. Dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une
promotion mais d'un changement horizontal de fonction, l'auditeur en chef lui aurait répondu par la négative.

Le chef de l'armée a dit à la CdG-N qu'il se souvenait avoir été brièvement informé par l'auditeur en chef en novembre 2006 de l'ouverture d'une procédure pénale contre Roland Nef mais qu'il ne se souvenait en revanche pas des détails de cette discussion.

Lors de leur rapport de conduite mensuel du 18 décembre 2006, le chef du DDPS et le chef de l'armée abordent ensemble le thème de la procédure en cours contre Roland Nef. La discussion porte sur la proposition du chef de l'armée de proposer au Conseil fédéral de nommer Roland Nef au poste de commandant de la formation char/artillerie5. Le chef de l'armée thématise la question de la procédure en cours 5

3000

Selon les explications du chef de l'armée, il est du ressort de ce dernier de proposer de tels transferts de postes; ceux-ci doivent ensuite être formellement approuvés par le Conseil fédéral.

contre Roland Nef, en indiquant qu'il s'agit là de la seule ombre au tableau concernant la candidature de ce dernier. Le chef du DDPS répond que l'existence de cette procédure n'est pas un «no-go» pour le transfert de Roland Nef à ce poste, en particulier parce qu'il s'agit d'un transfert horizontal sans changement de grade qui ne nécessite donc pas de nouveau CSP, mais il demande au chef de l'armée de suivre cette «affaire» et de le tenir au courant. En outre, le chef du DDPS décide, contre l'avis du chef de l'armée qui souhaite avancer rapidement afin d'éviter d'avoir des postes vacants, de soumettre ce poste au concours.

Le 19 décembre 2006, la nouvelle procureure en charge du dossier informe par téléphone le service juridique de l'OAC du changement de compétences intervenu au sein des autorités de poursuite pénale du canton de Zurich (transfert du dossier du Ministère public de Zurich-Limmat au Ministère public I, compétent pour les enquêtes spéciales et l'entraide judiciaire, et notamment pour les procédures ouvertes contre de hauts cadres des tribunaux et de l'administration). Elle pose des questions techniques en lien avec une éventuelle perquisition et une éventuelle saisie de matériel informatique militaire. La procureure ne mentionne pas de date précise prévue pour une perquisition.

Le service juridique de l'OAC demande à la procureure de bien vouloir l'informer par téléphone immédiatement avant respectivement au début d'une éventuelle perquisition, afin qu'il puisse en informer de manière personnelle et informelle l'auditeur en chef.

Selon les explications de l'OAC, il n'y a là non plus pas de pratique fixe en la matière. Il s'agit d'une demande de l'auditeur en chef, qui souhaite être informé afin de pouvoir informer à son tour le chef de l'armée en cas de perquisition chez un haut officier d'état-major, cela afin d'éviter que ce dernier ne l'apprenne par les médias.

Le 19 décembre 2006, l'auditeur en chef informe le chef de l'armée du changement de compétences intervenu au sein des autorités de poursuite pénale zurichoises et de l'éventualité d'une perquisition avec saisie de matériel informatique au bureau de Roland Nef. L'auditeur en chef demande au chef de l'armée de maintenir secrète l'information concernant une éventuelle perquisition, afin que Roland Nef ne puisse pas s'y
préparer. Selon les propos du chef de l'armée, c'est aussi la première fois qu'il est mis au courant du contenu de cette procédure et donc du fait qu'il s'agit de soupçons de contrainte.

Le 19 décembre 2006, le Ministère public zurichois contacte la PIO pour demander un soutien juridique pour une perquisition chez un haut officier d'état-major afin de veiller à la protection des informations au cas où des documents classifiés seraient trouvés. Le chef du service Protection des informations et sécurité industrielle en informe le même jour le chef de la PIO.

Le 22 décembre 2006, le chef de la PIO est informé de l'identité du haut officier d'état-major concerné et du motif de la perquisition ainsi que du fait que le chef de l'armée et l'auditeur en chef sont au courant. Le 16 janvier 2007, le chef de la PIO en informe l'officier général adjoint du chef de l'armée afin de savoir si le chef de l'armée est vraiment au courant, ce qui lui est confirmé.

D'après les dires du chef de l'armée, Roland Nef aurait téléphoné à ce dernier le 9 janvier 2007 pour lui dire qu'il avait appris avec une totale surprise qu'une procédure avait été ouverte contre lui par une ex-compagne, avec laquelle il avait eu une relation de 2002 à 2004. La séparation aurait été difficile et il n'aurait plus de 3001

contact avec elle depuis 2005. Son ex-compagne lui réclamerait des sommes d'argent importantes relatives à des frais divers n'ayant pu être réglés à l'époque. Il n'aurait pas parlé de «contrainte» et aurait parlé d'une procédure sans préciser qu'il s'agissait d'une procédure pénale. Le chef de l'armée lui aurait dit qu'il avait déjà connaissance de l'existence de cette procédure et qu'il informerait le chef du DDPS en conséquence.

Le chef de l'armée a précisé à la CdG-N qu'il tirait ces informations de son carnet de notes personnelles, dans lequel il a noté à la fois la date et le contenu de cette conversation. Ses notes ne lui permettent en revanche pas de reconstruire quand il a transmis cette information au chef du DDPS.

D'après les déclarations de Roland Nef, il n'aurait informé le chef de l'armée qu'après le 26 janvier 2007 (date exacte pas connue) c'est-à-dire après la perquisition, puisqu'auparavant il n'était pas au courant lui-même de l'existence de la plainte déposée par son ex-compagne. Cette information n'aurait pas été donnée par téléphone, mais lors d'une rencontre dans le cadre professionnel. La discussion n'aurait pas porté sur des détails et il n'aurait en particulier pas été question d'exigences financières de la part de son ex-compagne. Roland Nef sachant que le chef de l'armée avait été mis au courant de la perquisition, il n'aurait pas jugé utile de le prévenir immédiatement après.

Le 17 janvier 2007, le Conseil fédéral nomme le brigadier Roland Nef commandant de la formation char/artillerie. Le service spécialisé CSP ne reçoit pas de mandat pour exécuter à ce moment-là un contrôle de sécurité concernant Roland Nef.

2.2

Procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée

Suite à l'expérience faite lors de la sélection du premier chef de l'armée en 2002, au cours de laquelle le DDPS a reçu quantité de dossiers dont une partie provenant de personnes non qualifiées pour ce poste, le chef du DDPS décide de ne pas publier d'offre d'emploi relative au poste de chef de l'armée. Il décide de constituer un groupe composé de quatre personnes de confiance chargées de le conseiller (ci-après: groupe consultatif).

Le groupe consultatif est composé de Peter Arbenz (officier de milice disposant d'une large expérience à la fois militaire et au sein de l'administration fédérale), du député au Conseil des Etats Hermann Bürgi (alors président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats), du conseiller personnel en matière de politique militaire du chef du DDPS le divisionnaire Markus Rusch et du secrétaire général du DDPS Markus Seiler.

Ces personnes sont contactées dès décembre 2006. L'objectif du chef du DDPS est en effet de commencer la procédure suffisamment tôt pour pouvoir travailler sans pression extérieure et pour pouvoir faire élire un candidat par le Conseil fédéral avant la pause d'été 2007, ceci afin que la personne choisie dispose d'un temps suffisant pour se préparer à sa nouvelle fonction.

Le mandat donné au groupe consultatif par le chef du DDPS consiste à proposer une liste longue de candidats pour fin mars 2007 et une «shortlist» pour fin avril 2007. Il est convenu que seul le chef du DDPS effectuera des entretiens avec les candidats et qu'il impliquera le chef de l'armée dans ce processus à son gré. Un accent particulier est en outre mis sur la confidentialité de la procédure.

3002

Le groupe consultatif se réunit cinq fois entre janvier et mai 2007, chaque fois en présence des quatre membres ainsi que du chef du DDPS. Le travail de ce groupe est défini sur la base d'un mandat donné et accepté oralement. A l'exception de Peter Arbenz, qui reçoit un dédommagement forfaitaire de 8 000 francs, les membres du groupe consultatif ne perçoivent pas de rémunération.

Le groupe se réunit pour la première fois le 18 janvier 2007. Sur la base d'un «profil idéal du chef de l'armée» élaboré par le chef de l'armée et le service du personnel du DDPS et complété par un catalogue de caractéristiques dont, selon le chef de l'armée, un chef de l'armée doit disposer («Muss-Kriterien»), il participe à l'élaboration du profil d'exigences. Le catalogue susmentionné liste les critères suivants: ­

«Personnalité intègre, loyale et convaincante, leader

­

Diplôme universitaire ou formation équivalente

­

Grande aptitude à communiquer

­

Compétences en matière de politique de sécurité

­

Connaissances de l'armée

­

Expérience reconnue en tant que commandant de troupe

­

Officier de carrière

­

Expérience reconnue en matière de relations avec les autorités fédérales et cantonales

­

Aptitude à convaincre

­

Capacité à s'imposer

­

Stature d'exemple/de modèle à suivre

­

Grande résistance physique et psychique

­

Humanité (ouverture d'esprit)»

Sur cette base, le groupe consultatif définit le profil d'exigences comme suit: ­

«Diplôme universitaire avec formation continue correspondante

­

Expérience dans le management et la conduite à un niveau élevé, au sein de l'économie privée ou de l'administration (armée)

­

Expérience en tant que commandant de troupes et officier d'état-major général

­

Expérience à l'étranger

­

Adhésion à Armée XXI

­

Compétences sociales et de conduite (aptitude à communiquer et à motiver)

­

Sensibilité pour les questions politiques et de société

­

Conduite intégrative, aptitude à inspirer la confiance, à se faire respecter et accepter

­

Maîtrise de deux langues officielles et de l'anglais

­

Age maximum: 58 ans».

Lors de la première séance du 18 janvier 2007, les membres du groupe consultatif étudient la liste de tous les hauts officiers d'état-major actifs (environ 40 personnes).

3003

Sur la base des critères de l'âge, de la formation scolaire, des connaissances en langues étrangères, de l'expérience dans l'administration et dans la troupe, ils font une première liste de douze candidats potentiels au poste de chef de l'armée. Chacun des membres établit ensuite séparément un ordre de préférence. Après avoir comparé ces ordres de préférence, le groupe classe sept candidats dans la catégorie A (première préférence) et cinq candidats dans la catégorie B (deuxième préférence), parmi lesquels le brigadier Roland Nef.

Les dossiers personnels de ces candidats (CV, état de services, évaluations quand disponibles, etc.) sont mis à disposition des membres du groupe consultatif. Il est prévu que les membres de ce groupe cherchent à observer de manière informelle les candidats dans le cadre de leur travail.

L'ensemble du travail de sélection mené par le groupe consultatif est marqué par la question centrale consistant à savoir s'il faut privilégier un candidat de transition (dans la tranche d'âge 52/53 ans et plus) ou un candidat plus jeune susceptible de représenter une solution à plus long terme. Plusieurs autres postes à la tête de l'armée étant vacants ou sur le point de l'être, des discussions ont également lieu sur la configuration à choisir pour y disposer d'une équipe capable de se comprendre et de fonctionner au mieux. Enfin, la question de l'opportunité de choisir une personne de la milice ou un militaire de carrière revient aussi dans les discussions.

Le 26 janvier 2007, une perquisition est menée au domicile de Roland Nef en présence de la procureure en charge du dossier. Une perquisition est effectuée le même jour à son bureau de l'époque à Winterthur. Selon ses dires, Roland Nef est emmené menotté de son domicile au poste de police, où il apprend que son ex-compagne a déposé une plainte pénale contre lui. Cette dernière est entendue dans une pièce séparée en qualité de témoin. Roland Nef est ensuite interrogé par la procureure et confronté aux déclarations de son ex-compagne. Selon les propos de Roland Nef, la procureure expose la suite de la procédure en présence des avocats des parties. Elle explique que d'entente avec les avocats, elle laissera reposer la procédure environ six mois, suite à quoi il s'agira de discuter du règlement de celle-ci. Les avocats seront invités
à cette fin pour une entrevue.

Roland Nef est relâché le jour même. Selon lui, il n'y a après cette date plus de contact entre lui et la procureure en charge de l'affaire (ni par oral, ni par écrit). Des contacts continuent en revanche à avoir lieu entre les avocats des deux parties.

Comme convenu, la procureure informe le 26 janvier 2007 le chef suppléant du service juridique de l'OAS de la perquisition déjà en cours. Celui-ci informe l'auditeur en chef qui en informe à son tour le chef de l'armée.

Le 26 janvier 2007, un brigadier travaillant dans les mêmes locaux informe par téléphone l'officier général adjoint du chef de l'armée qu'une perquisition a lieu dans le bureau du brigadier Roland Nef avec saisie de l'ordinateur portable. Il lui dit qu'apparemment des personnes qui avaient un entretien prévu avec Roland Nef se sont vues dire que ce dernier n'était pas disponible et ont dû rentrer chez elles. Le même jour, l'officier général adjoint du chef de l'armée transmet cette information au chef de l'armée.

A la demande du Ministère public zurichois, des représentants de la PIO sont présents lors de la perquisition du bureau de Roland Nef à Winterthur. Après la perquisition, le chef de la PIO en informe l'officier général adjoint du chef de l'armée.

3004

A l'occasion d'une rencontre ultérieure (date exacte pas connue), le chef de l'armée informe le chef du DDPS qu'une perquisition a eu lieu.

La deuxième séance du groupe consultatif se tient le 15 février 2007. A l'issue de cette séance, les candidats ainsi que leur classement dans les catégories A et B demeurent inchangés, mais un premier ordre de préférence au sein de ces catégories est établi. Le groupe constate que les dossiers des candidats mis à disposition présentent un niveau de qualité très inégal et sont partiellement lacunaires. Il demande à recevoir des documents supplémentaires pour certains candidats du groupe A, mais renonce toutefois à compléter l'ensemble des dossiers.

A l'issue de la troisième séance du 14 mars 2007, le brigadier Roland Nef passe de la catégorie B à la catégorie A. Une première «shortlist» de cinq candidats, parmi lesquels Roland Nef, est définie. Parmi les motifs invoqués pour expliquer le transfert de Roland Nef de la catégorie B à la catégorie A figurent en premier lieu le fait qu'au cours du processus de sélection plusieurs candidats qui se trouvent au départ en avant-plan sont ensuite recalés pour différentes raisons ainsi que, surtout, la discussion toujours présente concernant le choix entre un candidat de transition ou une solution à plus long terme. Alors qu'au départ l'idée prédominante est plutôt de choisir un candidat de transition, les avis convergent ensuite de plus en plus vers l'idée que si un bon candidat «de longue durée» est disponible maintenant, il vaut mieux oser le changement tout de suite plutôt que dans quelques années.

Le chef du DDPS mène des entretiens avec les cinq candidats de la «shortlist» entre le 14 mars 2007 et la quatrième séance du groupe consultatif du 16 avril 2007.

Début avril 2007, Roland Nef reçoit un courriel du divisionnaire Markus Rusch lui indiquant que le chef du DDPS souhaite lui parler et lui demandant de prendre contact avec lui par téléphone afin de fixer une date pour une entrevue.

Lors de ce premier entretien début avril, le chef du DDPS explique à Roland Nef qu'il cherche en ce moment un successeur au poste de chef de l'armée et qu'il figure sur la liste des candidats potentiels. Roland Nef se déclare surpris que le chef du DDPS ait pensé à lui. Les deux hommes conviennent que Roland Nef réfléchisse à cette
nouvelle situation et se mette à disposition pour un second entretien.

Lors de ce second entretien (environ deux semaines après le premier), Roland Nef indique au chef du DDPS qu'après une réflexion approfondie il est prêt à se mettre à disposition dans la procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée.

A la fin de cet entretien, Roland Nef indique qu'il a encore une affaire privée à déclarer. Selon les propos de ce dernier, il aurait expliqué qu'une procédure pénale civile avait été ouverte contre lui et exposé dans les grandes lignes de quoi il s'agissait: son ex-compagne avait déposé une plainte pénale contre lui, il s'agirait d'une affaire privée relevant du champ de tensions de leur ancienne relation et qui n'aurait rien à voir avec son activité professionnelle. Roland Nef n'aurait pas donné de qualification juridique concernant cette plainte et n'aurait pas dit pour quel motif elle avait été déposée.

Selon les dires de Roland Nef, le chef du DDPS aurait répondu qu'il était déjà au courant, le chef de l'armée l'ayant informé à l'occasion de la nomination de Roland Nef au poste de commandant de la formation char/artillerie. Il aurait ajouté que déjà lors de cette nomination en janvier 2007, cela n'avait pas eu d'importance pour lui et qu'après vingt-cinq ans d'expérience en tant que juriste et avocat, il pouvait s'imaginer ce qui pouvait arriver dans une relation et que l'on pouvait vite se retrou3005

ver dans une telle situation. Le chef du DDPS n'aurait pas posé de questions supplémentaires.

Selon le chef du DDPS, Roland Nef lui aurait fait part, en réponse à une question du chef du DDPS sur sa situation privée et familiale, de l'existence d'une procédure pénale pendante. Il lui aurait fait entrevoir la suspension de la procédure et indiqué que cela serait réglé entre les parties. Il lui aurait dit que cela concernait une ancienne relation et relevait du domaine strictement privé. Le chef du DDPS confirme le fait que, par respect de la protection de la personnalité à laquelle Roland Nef aurait fait référence, il n'aurait pas cherché à en savoir plus ni posé de questions supplémentaires. Il a expliqué à la CdG-N n'avoir pas voulu «regarder sous la couette» et exiger d'un éventuel futur subordonné direct qu'il lui livre des informations relevant du domaine intime qui étaient déjà examinées par d'autres, à savoir les autorités pénales zurichoises, et qui le seraient ensuite par le service spécialisé CSP.

La CdG-N n'a pas pu déterminer avec certitude à quel moment Roland Nef a informé le chef du DDPS de l'existence de signes concrets indiquant que la procédure était sur la bonne voie et qu'elle allait probablement se terminer par une suspension.

Selon le chef du DDPS, cette information aurait été donnée dès cet entretien d'avril au cours duquel Roland Nef aurait dit avoir encore une affaire privée à déclarer, puis répétée à plusieurs reprises. Selon les dires de Roland Nef, cette information aurait été donnée lors de l'un de leurs entretiens d'avril ou de mai 2007, en tout cas avant sa nomination au poste de chef de l'armée. Il ne se souvient toutefois pas avec exactitude du moment où son avocat lui aurait dit par téléphone qu'un accord à l'amiable entre les parties se dessinait sous l'égide du Ministère public, moment à partir duquel il aurait pu en informer le chef du DDPS.

Les propos des acteurs concernés concordent sur le fait que le chef du DDPS aurait clairement dit à Roland Nef avant sa nomination au poste de chef de l'armée qu'il ne pourrait devenir chef de l'armée au 1er janvier 2008 qu'à la condition que la procédure soit effectivement liquidée d'ici là.

Au cours de l'une des séances suivantes du groupe consultatif, le chef du DDPS aurait mentionné en passant qu'une affaire privée
était encore pendante en ce qui concerne le candidat Nef. Bien que les personnes concernées ne se souviennent pas avec exactitude de ce qui a été dit, voire ne se souviennent pas du tout que quelque chose ait été dit, leurs affirmations concordent en ce sens que cette information n'aurait tout au plus été mentionnée que «en passant» et que le chef du DDPS n'aurait pas explicitement indiqué qu'il s'agissait d'une procédure pénale en cours.

Il aurait parlé de «difficultés qu'auraient eues Roland Nef dans une relation antérieure mais qui étaient entre-temps réglées», ou d'«affaire privée hautement personnelle qui sera bientôt réglée». Les membres du groupe consultatif n'auraient pour cette raison pas posé de questions et ne se seraient pas préoccupés de savoir plus précisément ce qu'il en était.

Cette information n'a par ailleurs pas été reprise dans les notices faites après chaque séance du groupe consultatif et les personnes concernées s'accordent à dire qu'elle n'a pas influencé la procédure de sélection.

Bien que les personnes concernées ne se souviennent pas avec précision du moment où cette information aurait été donnée, il s'agit selon toute vraisemblance de la séance du groupe consultatif du 16 avril 2007 ou du 8 mai 2007.

3006

Le chef du DDPS informe le groupe consultatif lors de sa quatrième séance du 16 avril 2007 des résultats des entretiens qu'il a menés avec les cinq candidats de la «short-list». A l'issue de cette séance, une nouvelle «shortlist» de quatre candidats est définie. Parmi ceux-ci, trois noms demeurent inchangés, deux noms sont biffés et un nouveau nom apparaît. A la suite d'une discussion avec le chef de l'armée, le chef du DDPS propose en effet d'inclure un nouveau candidat dans la procédure de sélection.

Le 25 avril 2007, le chef du DDPS donne à Stephan Bieri (ancien vice-président du Conseil des EPF) pour mandat de procéder à une évaluation externe des quatre candidats restants. Les qualifications militaires de ces derniers ayant déjà été évaluées, il s'agit maintenant d'examiner les personnalités des candidats, notamment leur compatibilité politique et sociale et leur capacité à prendre des responsabilités globales.

Ce mandat est donné sur la base d'un accord oral entre les parties, qui comprend un dédommagement forfaitaire de 7 500 francs. Conformément aux souhaits de M. Bieri, les seuls documents qui lui sont remis dans ce cadre sont un CV standardisé de chaque candidat ainsi que le catalogue de caractéristiques dont doit disposer un chef de l'armée («Muss-Kriterien»). Le chef du DDPS attire en outre l'attention de M. Bieri sur l'importance des capacités communicatives et sur la nécessité d'une sensibilité à l'égard du politique. Selon les dires de Stephan Bieri, le chef du DDPS fait montre à cette occasion d'une excellente connaissance des dossiers des candidats.

Lors de son audition, Stephan Bieri a dit à la CdG-N avoir en fait d'abord reçu une liste de six ou sept noms, puis une seconde liste comprenant seulement quatre noms.

Des changements seraient intervenus entre-temps dans les noms des candidats en question. Cette version des faits n'a pas pu être confirmée par les travaux de la CdG-N.

Stephan Bieri mène du 1er au 4 mai 2007 un entretien structuré de 90 minutes avec chacun des candidats. Le but de ces entretiens est de comparer les personnalités des candidats à l'aide d'une «check-list» de points prédéfinis. Il s'agit en premier lieu d'évaluer des éléments tels que les compétences, l'expérience, les capacités de conduite et de gestion, la stabilité de la personnalité et les connaissances
en technologie. M. Bieri n'a pas reçu d'indications particulières concernant l'intégrité personnelle du candidat recherché. D'après l'expérience de ce dernier, il serait par ailleurs extrêmement difficile d'appliquer un tel critère dans le cadre d'entretiens de 90 minutes.

Stephan Bieri remet le 6 mai 2007 un rapport au chef du DDPS contenant les résultats des entretiens structurés effectués avec les quatre candidats. Sur la base de ces entretiens, il arrive à la conclusion que d'un point de vue général les quatre candidats peuvent être décrits comme compétents, expérimentés et disposant de capacités de conduite. Il attire cependant l'attention sur les différences entre les candidats, en particulier sur les différents points forts et points faibles de ces derniers. Roland Nef est décrit à la fin de ce rapport comme une personne ayant les qualités nécessaires pour diriger et se trouvant dans une tranche d'âge idéale pour franchir un pas décisif dans sa carrière. Il est précisé qu'il pourrait aujourd'hui être désigné sans problème pour occuper un poste à responsabilité au sein de l'économie privée.

3007

La cinquième et dernière séance du groupe consultatif se tient le 8 mai 2007. Le chef du DDPS informe ce groupe des derniers entretiens menés avec les candidats et des résultats de l'évaluation effectuée par Stephan Bieri. A l'issue de cette séance, le groupe consultatif considère la «shortlist» de quatre candidats définie le 16 avril 2007 comme définitive. Le choix définitif d'un nouveau chef de l'armée n'est en revanche pas encore fixé; le brigadier Roland Nef est décrit comme le candidat idéal pour occuper ce poste après une période de transition.

Le chef du DDPS rencontre Stephan Bieri le 10 mai 2007 pour le «debriefing» du rapport de celui-ci remis le 6 mai 2007. A cette occasion, M. Bieri approfondit les éléments figurant déjà dans son rapport et déconseille au chef du DDPS l'un des quatre candidats; le candidat en question n'est pas Roland Nef.

A aucun moment Stephan Bieri n'est mis au courant d'une «affaire personnelle encore à régler» concernant le candidat Nef.

Selon le chef de l'armée, il aurait demandé à Roland Nef où en était la procédure à plusieurs occasions. Selon Roland Nef, le chef de l'armée aurait abordé ce thème une fois de manière très informelle (date pas connue).

A partir de leur rapport mensuel du 12 mars 2007, le choix du prochain chef de l'armée est régulièrement thématisé au cours des entretiens entre le chef du DDPS et le chef de l'armée.

Le 6 juin 2007, le chef du DDPS informe le chef de l'armée des noms figurant sur la «shortlist» définitive et des résultats de l'évaluation de Stephan Bieri. Ils discutent ensemble de tous les candidats et le chef du DDPS dit au chef de l'armée que Roland Nef se trouve pour lui maintenant en première position. Le chef de l'armée attire l'attention du chef du DDPS sur le fait qu'une procédure est toujours en cours contre Roland Nef et sur le fait que de tous les candidats, c'est celui qu'il connaît personnellement le moins bien. Le chef du DDPS lui donne alors le mandat de mener une discussion avec Roland Nef dans les plus brefs délais et de lui donner un compte-rendu d'ici 24 heures.

Le jour même a lieu cette rencontre. Les déclarations des deux acteurs concernés divergent sur plusieurs points, en particulier concernant la durée et le contenu de cette discussion.

Selon le chef de l'armée, cette discussion aurait duré plusieurs
heures. Il aurait demandé à Roland Nef où en était la procédure. Roland Nef aurait répondu en lui disant que la procédure serait bientôt terminée, qu'au niveau de la PIO c'était en ordre, et qu'il s'agissait d'une affaire purement privée qui reposait pour l'instant. Il lui aurait dit que les avocats des deux parties s'étaient trouvés, que tout rentrerait dans l'ordre dans quelques mois avec le paiement d'une réparation en argent et que cette affaire ne constituait pas un affaiblissement de sa candidature. Le chef de l'armée l'aurait encore rendu attentif au fait que s'il est nommé chef de l'armée et qu'une conférence de presse avait lieu, il faudrait s'attendre à ce que cette question soit thématisée, ce à quoi Roland Nef aurait répondu qu'il pourrait gérer. Enfin, le chef de l'armée aurait demandé à Roland Nef d'informer en détail le chef du DDPS de l'état de la procédure afin de s'assurer que le chef du DDPS et lui-même disposent du même niveau d'informations obtenues de la même source. Il n'aurait en revanche pas vérifié si cela avait été fait.

A nouveau, le chef de l'armée a précisé à la CdG-N qu'il tirait ces informations de son carnet de notes personnelles.

3008

Selon les dires de Roland Nef, cette discussion aurait duré moins d'une heure. A la question du chef de l'armée concernant l'état de la procédure, il aurait répondu que la procédure était effectivement en voie d'être réglée et qu'il partait du principe qu'au vu des signes existants elle serait suspendue. Ils auraient donc en effet abordé ce sujet, mais pas de manière approfondie. Le chef de l'armée n'aurait pas posé de questions supplémentaires, ni émis une quelconque réserve à ce sujet. Selon Roland Nef, la question de sa future exposition médiatique et des problèmes que pourrait alors engendrer l'existence d'une procédure en cours n'auraient pas été évoqués.

Le lendemain matin 7 juin 2007, le chef de l'armée rend compte au chef du DDPS de cette discussion et lui indique qu'il n'oppose pas de veto à la nomination de Roland Nef. Au cours de son audition, le chef de l'armée a indiqué à la commission qu'il regrettait aujourd'hui de ne pas l'avoir fait.

A l'issue de cette rencontre du 7 juin 2007, le chef du DDPS informe le chef de l'armée de son intention de proposer au Conseil fédéral la nomination de Roland Nef le lendemain.

Le chef du DDPS informe les membres du groupe consultatif par téléphone de son choix (date exacte pas connue). La décision finale est donc prise par le chef du DDPS, sur la base de plusieurs sources d'informations, en particulier les conseils du groupe consultatif, les entretiens menés avec les candidats, les résultats de l'évaluation de Stephan Bieri, l'étude des dossiers personnels des candidats et les résultats de l'analyse de potentiel réalisée en 2002 par la firme «Egon Zehnder». Le chef du DDPS a en outre aussi mené des discussions avec des personnes occupant ou ayant occupé des fonctions dirigeantes dans l'armée, afin de connaître leur opinion sur des questions telles que l'opportunité de nommer une personne de la milice ou la probabilité que telle ou telle personne puisse être acceptée en tant que chef de l'armée par ses subordonnés.

Au cours de cette phase de sélection du nouveau chef de l'armée, il ressort des informations dont dispose la CdG-N que parmi les acteurs concernés par le processus de sélection seuls le chef du DDPS et le chef de l'armée étaient au courant de l'existence d'une procédure pénale en cours contre le brigadier Roland Nef. Les membres du
groupe consultatif avaient tout au plus été informés en passant de l'existence d'une affaire privée mais ne savaient pas qu'il s'agissait d'une procédure pénale. Stephan Bieri ignorait l'existence de cette procédure.

2.3

Nomination par le Conseil fédéral

Le Président de la Confédération a expliqué à la CdG-N que, de manière générale, lorsque le Conseil fédéral est l'autorité de nomination, les travaux préparatoires incombent au département responsable. Le chef du département concerné définit le profil requis et les critères de sélection. Le Conseil fédéral est informé, oralement et en temps utile, du poste à repourvoir, du profil requis et du calendrier prévu. La nomination de Roland Nef à la tête de l'armée aurait correspondu en cela à la pratique usuelle.

Le DDPS remet au Conseil fédéral sa proposition concernant la nomination du chef de l'armée par courrier, le vendredi 8 juin 2007, vers 8 h 00. Le 8 juin 2007, quelques heures plus tard, le Conseil fédéral approuve la proposition du DDPS et nomme Roland Nef à la tête de l'armée.

3009

La veille, le chef du DDPS en a informé oralement les membres du gouvernement qu'il a pu atteindre. Auparavant, les membres du Conseil fédéral savaient seulement que le chef du DDPS avait l'intention de proposer un nouveau chef de l'armée avant les vacances d'été.

Selon le Président de la Confédération, il est d'usage que lorsque le Conseil fédéral a à se prononcer sur des affaires de personnel, les documents soient distribués assez tard (généralement la veille de la séance) afin de garantir la confidentialité. Il est également d'usage que le chef du département concerné informe oralement au préalable les autres membres du collège.

Un seul candidat est présenté au Conseil fédéral, ce qui là aussi correspond à la pratique usuelle pour les cadres du plus haut niveau hiérarchique de la Confédération.

Sur la base des documents qu'elle a pu consulter, la commission n'a pas trouvé d'indices indiquant que cette nomination ait donné lieu à une discussion approfondie au sein du Conseil fédéral. La proposition du DDPS n'a en particulier pas fait l'objet de contre-propositions.

Le chef du DDPS n'informe pas les membres du Conseil fédéral de l'existence d'une procédure pénale en cours contre Roland Nef, n'estimant pas pertinent de livrer ces informations dans ce cadre.

2.4

De la nomination de M. Roland Nef à son entrée en fonction

Le chef de la PIO apprend par la presse le 8 juin 2007 que Roland Nef a été nommé chef de l'armée. Selon ses dires, surpris par cette nomination en raison de la procédure pénale toujours en cours, il serait intervenu le jour même de manière véhémente auprès de l'officier général adjoint du chef de l'armée en attirant son attention sur l'existence de cette procédure. Ce dernier aurait transmis cette information au chef de l'armée puis répondu au chef de la PIO que le chef de l'armée était déjà au courant et qu'il ne pouvait plus exercer d'influence sur la nomination.

L'officier général adjoint du chef de l'armée confirme l'existence de cette intervention, mais est d'avis qu'elle ne serait intervenue que le 5 juillet 2007. Selon lui, il aurait dans les jours suivants transmis cette information au chef de l'armée.

Le chef de l'armée n'a pas de souvenir à ce sujet, le chef du DDPS par ailleurs non plus.

Selon les propos du chef du DDPS et de son conseiller personnel en matière militaire, le chef du DDPS aurait demandé à Roland Nef, à la fin d'un rapport de conduite (date exacte pas connue) portant sur différents sujets et auquel assiste aussi son conseiller militaire, si son affaire était réglée. Il lui aurait aussi dit qu'il espérait que Roland Nef était conscient du fait qu'une fois chef de l'armée sa position le rendrait plus vulnérable aux attaques, pour peu que certaines choses n'aient pas encore été réglées. Les acteurs concernés ne se souviennent pas des paroles exactes prononcées lors de cette rencontre, mais il semblerait que Roland Nef ait répondu que l'affaire était en voie d'être définitivement réglée et que ce n'était plus un sujet de discussion.

Bien que la CdG-N n'ait pas pu établir avec certitude si cette discussion avait eu lieu

3010

avant ou après la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée, il semble vraisemblable qu'elle se soit déroulée peu de temps après celle-ci.

Le 28 juin 2007, Roland Nef donne son accord à l'exécution du contrôle de sécurité élargi au sens de l'art. 12 OCSP (avec audition) en apposant sa signature sur le formulaire suivant: «Par sa signature, la personne soumise au contrôle déclare que les informations qu'elle a fournies sont complètes et correctes. Elle autorise l'autorité requérante à transmettre ces données au service spécialisé par voie électronique et à recevoir la décision de ce dernier concernant le risque. Lors de l'application d'un contrôle de sécurité élargi avec audition, l'habilitation vaut en plus pour la remise du formulaire «données relatives à la personne». Elle permet expressément au service spécialisé de recueillir les renseignements nécessaires auprès des registres du DFJP ainsi qu'auprès des autres services de la Confédération et des cantons. Il s'agit en premier lieu des données présentes dans le casier judiciaire (les données concernant des jugements et les données concernant des procédures pénales pendantes qui n'ont pas été radiées) et des données concernant les procédures pénales se référant au casier judiciaire et provenant des dossiers d'instruction et des dossiers judiciaires. Cette autorisation, qui est valable six mois, peut être révoquée par écrit à tout moment.» L'unité «Management Development Verteidigung (MD V, Stab CdA)»6, compétente pour demander un contrôle de sécurité d'un haut officier d'état-major, délivre le 3 juillet 2007 un mandat correspondant au service spécialisé CSP.

Le contrôle de sécurité de Roland Nef va durer du 3 juillet 2007 au 19 décembre 2007. C'est dans un premier temps surtout le chef suppléant du service spécialisé CSP qui s'occupe de ce dossier; cela toutefois seulement jusqu'en novembre 2007, puisque ce dernier ne travaille ensuite plus au DDPS.

Le service spécialisé CSP apprend le 3 juillet 2007, après consultation de la banque de données VOSTRA, qu'une procédure pénale est en cours contre Roland Nef.

Le service spécialisé CSP délivre le 6 juillet 2007 un mandat d'examen au Service d'analyse et de prévention (SAP) afin qu'il récolte les données conformément à l'art. 20, al. 2, let. a­d, LMSI. Le directeur de fedpol a expliqué
à la CdG-N que, dans le cadre du contrôle de sécurité élargi avec audition (art. 12 OCSP), le service spécialisé CSP ne consulte pas seulement les registres et le casier judiciaire; il procède également à une récolte de données auprès de la police cantonale, des offices des poursuites et faillites et, le cas échéant, auprès des organes de poursuite pénale compétents. La collecte de ces informations est effectuée par le SAP sur mandat du service spécialisé CSP.

Le même jour, le SAP demande à la police de la ville de Zurich un rapport d'information sur la personne de Roland Nef.

Selon Roland Nef, la première rencontre entre les avocats des deux parties et la procureure compétente a lieu le 17 juillet 2007. Les parties s'accordent à l'issue de cette rencontre pour poursuivre de manière bilatérale les négociations concernant le retrait de la plainte déposée et l'établissement d'une déclaration de désintéressement, et pour informer le Ministère public I du canton de Zurich des résultats de ces négociations au plus tard le 17 septembre 2007.

6

Traduction française: «Management Development Défense (MD D, Etat-major du chef de l'armée)».

3011

Le 23 juillet 2007, la police de la ville de Zurich transmet son rapport d'information au SAP. Celui-ci mentionne qu'une procédure pénale pour «contrainte etc.» est en cours contre Roland Nef.

Le 25 juillet 2007, le SAP demande au Ministère public zurichois de l'informer sur l'état actuel de la procédure. Le 26 juillet 2007, le Ministère public zurichois confirme à l'attention du SAP qu'une enquête pénale pour «contrainte etc.» est pendante, et précise que celle-ci pourra vraisemblablement être close en automne 2007.

Le 26 juillet 2007, le SAP transmet au service spécialisé CSP le rapport d'information de la police de la ville de Zurich ainsi que la réponse écrite du Ministère public du canton de Zurich reçue le même jour. Le directeur de fedpol a expliqué à la commission que, conformément au droit et à la pratique en vigueur, le rôle du SAP dans ce type de contrôle de sécurité s'arrête à la transmission de ces informations au service spécialisé CSP; le SAP ne livre de jugement ou de recommandation sur ces données que lorsque la personne est enregistrée dans la banque de données ISIS, ce qui n'est pas le cas de Roland Nef.

Le 2 août 2007, le chef suppléant du service spécialisé CSP téléphone à la procureure compétente du canton de Zurich afin de se renseigner sur l'état de la procédure et sur son contenu. La procureure ne veut pas donner d'informations sur le contenu par téléphone, mais indique que le service spécialisé CSP peut prendre connaissance des documents, à la condition que les avocats des deux parties soient présents. Ces faits sont aussi décrits dans la notice correspondante du 2 août 2007 établie par le collaborateur du service spécialisé CSP et versée au dossier de Roland Nef.

D'après la notice faite par la procureure zurichoise suite à l'entretien téléphonique du 2 août 2007 avec le collaborateur concerné du service spécialisé CSP, elle aurait proposé à ce dernier de consulter l'intégralité des pièces du dossier pénal dans son bureau. Elle l'aurait également informé du fait que, le cas échéant, l'avocat de l'accusé avait exprimé le souhait de s'entretenir avec lui du résultat de la consultation du dossier. Le collaborateur du service spécialisé CSP aurait alors répondu qu'il devait d'abord s'entretenir à ce sujet avec son supérieur. Il aurait rappelé la procureure une heure plus
tard pour lui expliquer que son supérieur, le chef de la PIO, et lui-même considéraient qu'il pourrait s'avérer délicat d'avoir un entretien avec l'avocat de Roland Nef après consultation du dossier. La procureure en aurait pris bonne note et aurait précisé que, indépendamment de cela, son offre pour consulter le dossier tenait toujours. Finalement, la procureure aurait indiqué au collaborateur du service spécialisé CSP qu'il pouvait bien sûr aussi attendre jusqu'à la mi-septembre et, selon les circonstances, prendre contact à ce sujet avec le conseiller fédéral Samuel Schmid.

La notice correspondante du chef suppléant du service spécialisé CSP ne fait aucune mention de la demande susmentionnée de l'avocat de Roland Nef. Le chef de la PIO conteste avoir dit qu'il trouvait qu'il pourrait s'avérer délicat de discuter avec l'avocat après consultation du dossier pénal.

Le 2 août 2007, le chef de la PIO, après discussion avec le chef suppléant du service spécialisé CSP, décide de renoncer pour l'heure à prendre connaissance des documents concernant la procédure pénale en cours. Les principaux arguments avancés sont les suivants: l'évaluation du risque ne devant se baser que sur des informations avérées, le temps à disposition étant suffisamment long et la procureure compétente ayant indiqué que la procédure serait probablement terminée en automne 2007, il est 3012

préférable d'attendre l'issue de cette procédure et d'alors prendre connaissance des documents correspondants. Le chef de la PIO informe l'officier général adjoint du chef de l'armée de cette décision. Ce dernier ne s'y oppose pas.

Dans la mesure où le chef de la PIO savait que la direction du DDPS avait connaissance de l'existence de cette procédure pénale au plus tard depuis la perquisition du 26 janvier 2007, il ne lui a pas paru nécessaire d'orienter le chef de l'armée et/ou le chef du DDPS de son existence au moyen d'une décision intermédiaire.

Selon les dires du chef de la PIO, il aurait informé l'officier général adjoint du chef de l'armée à plusieurs reprises de l'état d'avancement de la procédure et serait parti du principe que l'information remonterait ensuite vers les supérieurs de celui-ci, à savoir le chef de l'armée et le chef du DDPS. L'officier général adjoint du chef de l'armée lui aurait confirmé chaque fois oralement avoir à son tour transmis l'information au chef de l'armée.

Selon les explications du chef de la PIO, les contrôles de sécurité sont discutés entre lui et l'officier général adjoint du chef de l'armée lorsque ces derniers concernent de hauts cadres de l'administration, que des irrégularités apparaissent lors de l'examen et qu'il y a un besoin d'agir de la part du supérieur.

De manière générale, lorsqu'au cours d'un contrôle des éléments amènent à conclure à un éventuel risque pour la sécurité, le flux d'information suit la voie hiérarchique.

Cela signifie que les collaborateurs du service spécialisé CSP en informent le chef de ce service, qui en fonction de la gravité du cas et de la position de la personne contrôlée décide de la nécessité d'en informer le chef de la PIO, qui à son tour décide selon les mêmes critères de la nécessité d'en informer l'officier général adjoint du chef de l'armée, qui à son tour décide de la nécessité d'en informer le chef de l'armée.

Selon les propos de l'officier général adjoint du chef de l'armée, le déroulement normal du flux d'information veut effectivement que celle-ci suive la voie hiérarchique. Le chef de la PIO l'aurait en effet informé des différentes phases du dossier.

Cependant, à partir de juillet 2007, l'officier général adjoint du chef de l'armée aurait voulu définir clairement les compétences. Le chef de la PIO et
lui auraient alors convenu en août 2007 que le chef de la PIO pourrait informer lui-même directement le chef de l'armée ainsi que le chef du DDPS. Un tel accord n'aurait en revanche, selon le chef de la PIO, pas eu lieu.

Selon l'officier général adjoint du chef de l'armée, dans la mesure où il avait été contacté en février ou mars 2007 par le chef du DDPS en tant que candidat potentiel au poste de chef de l'armée suppléant, et bien qu'il n'ait pas été informé du nom des autres candidats, il lui aurait semblé préférable de ne plus se mêler directement de certains dossiers, dont celui de Roland Nef. Il n'aurait dès lors à partir de l'automne 2007 pratiquement plus discuté du cas de Roland Nef avec le chef de l'armée.

La CdG-N n'a pas pu déterminer clairement, à partir des réponses de l'officier général adjoint du chef de l'armée, dans quelle mesure et durant quel laps de temps il était tenu informé du déroulement du contrôle de sécurité de Roland Nef et dans quelle mesure il a transmis ces informations au chef de l'armée.

Selon les dires du chef de l'armée, il n'aurait jamais reçu d'informations intermédiaires précises sur le déroulement du contrôle de sécurité de Roland Nef. Il n'aurait donc pas été informé de la décision du chef de la PIO de renoncer pour l'heure à consulter les documents relatifs à la procédure pénale en cours contre ce dernier.

3013

Selon les déclarations du chef de l'armée, Roland Nef l'aurait informé le 13 août 2007 que les avocats avaient trouvé un terrain d'entente, que la question financière était clarifiée et que la procédure serait réglée définitivement fin septembre.

Fin juillet 2007, le service spécialisé CSP avait décidé de faire venir Roland Nef pour son audition auprès d'eux le 11 septembre 2007. Il était en effet parti du principe que la procédure pénale serait alors close. Cela n'étant pas le cas, le service spécialisé CSP décide de repousser l'audition de Roland Nef à une date ultérieure.

Comme convenu le 17 juillet 2007 avec la procureure compétente, les deux parties déposent le 2 octobre 2007 un accord commun. Selon les propos de Roland Nef, cet accord contient une déclaration de son ex-compagne selon laquelle elle met fin à l'ensemble des actions pénales dirigées contre lui ainsi qu'une déclaration de désintéressement. De plus, les deux parties s'engagent à ne rien divulguer des faits touchant la procédure. Il est clairement indiqué dans l'accord qu'aucun document relatif à l'enquête pénale ni aucune information orale concernant la procédure pénale ne seront transmis aux médias ou à des tiers.

La procédure pénale est formellement suspendue par décision du 23 octobre 2007.

Roland Nef informe oralement le chef du DDPS de cette décision (date exacte pas connue). Il ne lui donne en revanche de lui-même pas de copie de la décision de suspension et le chef du DDPS ne fait pas de demande correspondante non plus.

Le 23 novembre 2007, le service spécialisé CSP demande par fax au Ministère public zurichois de lui transmettre la décision de suspension mentionnant les motifs de celle-ci.

Le 23 novembre 2007, le service spécialisé CSP convoque Roland Nef pour une audition le 3 décembre 2007.

Le 27 novembre 2007, la secrétaire de Roland Nef prend contact avec le service spécialisé CSP afin de déplacer l'audition de ce dernier au 13 décembre 2007, Roland Nef ayant un rendez-vous médical prévu le 3 décembre 2007.

Le 29 novembre 2007, Roland Nef retire l'autorisation donnée en juin au service spécialisé CSP de récolter des renseignements à son sujet auprès des registres du DFJP ainsi qu'auprès des autres services de la Confédération et des cantons. Le service spécialisé CSP a précisé à la commission que ce retrait ne
concerne que l'accès aux données susmentionnées (c'est-à-dire aux données concernant le contenu de la procédure pénale maintenant suspendue) et non l'exécution du contrôle de sécurité dans son ensemble. Cela signifie en particulier que l'audition prévue le 13 décembre 2007 est maintenue.

Le chef de la PIO et le chef du service spécialisé CSP sont surpris par la décision de Roland Nef de retirer cette autorisation, décision à laquelle ils ne s'attendaient pas.

Le chef du service spécialisé CSP a expliqué à la CdG-N que de tels retraits sont rares, et qu'ils ont été d'autant plus surpris que cette décision émanait du futur chef de l'armée.

En raison de ce retrait, le Ministère public zurichois ne transmet pas au service spécialisé CSP la décision de suspension mentionnant les motifs de celui-ci. En revanche, il lui transmet, le 5 décembre 2007, la notification d'entrée en force de la décision de suspension de la procédure pénale. Sur ce type de document ne se trouve pas d'indication renvoyant aux articles de loi conformément auxquels la procédure à été suspendue.

3014

Selon les dires du chef de la PIO, il aurait informé l'officier général adjoint du chef de l'armée le 10 décembre 2007 du retrait par Roland Nef de l'autorisation d'accès aux documents ainsi que de son intention d'exiger par écrit de Roland Nef qu'il informe le chef du DDPS de manière complète sur le contenu de la procédure. Il n'aurait en revanche pas informé directement le chef de l'armée ni le chef du DDPS.

Selon les propos de l'officier général adjoint du chef de l'armée, il n'aurait appris par le chef de la PIO qu'après la fin du contrôle de sécurité de Roland Nef que ce dernier avait retiré cette autorisation.

Selon leurs déclarations, le chef de l'armée et le chef du DDPS n'auraient pas été mis au courant de ce retrait.

Le 13 décembre 2007 a lieu l'audition de Roland Nef par deux représentants du service spécialisé CSP (le chef «Risk-Profiling» et un psychologue en formation).

Cet entretien dure environ deux heures.

A l'issue de celui-ci, le service spécialisé CSP demande à Roland Nef d'informer le chef du DDPS de manière complète sur le contenu de la procédure pénale suspendue et, afin de disposer d'une confirmation écrite, remet à ce dernier un document intitulé «Attestation d'audition» sur lequel figure le texte suivant: «J'atteste par la présente avoir été informé des bases légales applicables par les auditeurs du service spécialisé chargé des contrôles de sécurité relatifs aux personnes. J'ai également été informé du fait que j'avais obligation de collaborer, c'est-àdire de fournir des réponses complètes et conformes à la vérité, conformément à l'art. 13 de la loi fédérale sur la procédure administrative.

­

Il n'existe à ma connaissance pas d'addictions qui pourraient me rendre vulnérable à un chantage;

­

Je n'ai jamais fait l'objet d'une condamnation à une peine privative de liberté (ferme ou avec sursis);

­

Ma situation personnelle est en ordre;

­

Ma situation financière est en ordre;

­

J'ai répondu aux questions qui m'étaient posées de manière conforme à la vérité;

­

J'ai informé le chef du DDPS, Monsieur le conseiller fédéral Samuel Schmid, de manière complète sur le contenu de la procédure menée par le Ministère public I du canton de Zurich et aujourd'hui suspendue.» (passage marqué en gras par la CdG-N)

Ce document sera signé le 13 décembre 2007 par Roland Nef et le lendemain 14 décembre 2007 par le chef du DDPS, avec la mention «eingesehen»7.

A partir de là, les versions des différents acteurs concernés divergent passablement sur la signification du dernier paragraphe de ce document.

Selon le service spécialisé CSP, cette «information complète sur le contenu» était une condition de base pour qu'il puisse délivrer une décision positive relativement au risque. Les représentants du service spécialisé CSP auraient clairement expliqué à Roland Nef d'une part qu'il s'agissait là d'une condition sine qua non pour qu'ils 7

Traduction française: «vu».

3015

puissent émettre une décision positive relativement au risque, et d'autre part ce qu'ils entendaient par l'expression «inhaltlich vollumfänglich»8. Cette définition ne laissait selon eux aucune place à l'interprétation.

La décision de poser cette condition a été prise par le chef du service spécialisé CSP, d'entente avec le chef de la PIO.

Selon les explications de ces derniers, il se présentait devant eux la situation suivante: malgré l'existence d'une procédure pénale alors en cours, Roland Nef avait déjà été nommé en juin chef de l'armée. Ce dernier refusait maintenant de les informer sur le contenu de la procédure pénale, qui a été suspendue le 23 octobre 2007. Bien que partant de l'idée que la suspension de la procédure tendait à indiquer que les faits traités dans le cadre de cette procédure n'étaient pas avérés ou de si peu d'importance qu'ils n'étaient pas pertinents s'agissant de la fonction de Roland Nef, le service spécialisé CSP était cependant d'avis que l'existence de cette procédure suspendue représentait un risque en ce sens qu'elle pourrait être utilisée pour exercer un chantage.

Au vu de la jurisprudence du TAF (et auparavant de la Commission de recours DDPS), le service spécialisé CSP aurait conclu que les éléments à disposition n'étaient pas suffisants pour justifier de ne pas délivrer de décision positive relativement au risque. Selon lui, les autres possibilités prévues par l'art. 21 OCSP (décision sur le risque assortie de réserves, décision négative relativement au risque et constatation établie par manque de données disponibles) auraient selon toute vraisemblance été rejetées par le TAF en cas de recours, en particulier du fait que la procédure pénale avait été suspendue et que Roland Nef n'avait pas refusé l'accès à toutes les données le concernant mais seulement à certaines d'entre elles.

Toutefois, afin de réduire le risque identifié d'être soumis à un chantage et pouvoir délivrer une décision positive relativement au risque, le service spécialisé CSP aurait estimé qu'il était nécessaire que Roland Nef informe le chef du DDPS de manière complète du contenu de la procédure pénale. Le chef du service spécialisé CSP et le chef de la PIO ont expliqué à la commission que l'idée selon laquelle le risque de chantage diminue si le supérieur est au courant ­ la personne
n'ayant plus peur qu'une autre personne informe son supérieur et qu'elle perde alors son emploi ­ se base sur la jurisprudence du TAF. Le chef de la PIO et le chef du service spécialisé CSP ont attiré l'attention de la CdG-N à plusieurs reprises sur le fait que le service doit s'appuyer dans son application du droit sur la jurisprudence.

Au cours de l'audition du 13 décembre 2007, Roland Nef aurait dit que le chef du DDPS était bien entendu déjà au courant de l'existence de cette procédure. Le service spécialisé CSP aurait cependant voulu en avoir confirmation.

Par ailleurs, si le motif principal de cette condition était la volonté de réduire le risque que la personne concernée puisse être soumise à un chantage, cette décision émanait aussi d'une volonté du service spécialisé CSP de se protéger au cas où les choses tourneraient mal.

Selon le chef de la PIO, Roland Nef ne représentait, après suspension de la procédure en cours contre lui, pas de risque pour la sécurité de la Confédération au sens de la LMSI. En revanche, il existait un risque politique en terme de «valeur médiatique» («Spektakelwert») du fait qu'il s'agissait du futur chef de l'armée. Ce risque 8

Traduction française: «de manière complète sur le contenu».

3016

n'était pas suffisant pour justifier une décision négative; en revanche, il était nécessaire de s'assurer que le décideur politique concerné, à savoir le chef du DDPS, dispose de toutes les informations.

Au cours des vingt dernières minutes de l'audition de Roland Nef, les représentants du service spécialisé CSP lui auraient expliqué de manière claire quelle information ils attendaient de lui et lui auraient dit de manière explicite que sans cela ils ne pourraient pas délivrer de décision positive relativement au risque.

Roland Nef se serait montré mécontent de devoir remplir cette condition et aurait expliqué qu'il ne voulait pas lier («binden») le chef du DDPS avec cela. Après une discussion approfondie, au cours de laquelle les représentants du service spécialisé CSP auraient insisté là-dessus à plusieurs reprises, Roland Nef se serait déclaré prêt à s'y plier.

Le chef de la PIO informe l'officier général adjoint du chef de l'armée de l'existence de cette condition et du document que doivent signer Roland Nef et le chef du DDPS. Selon les dires du chef de la PIO, il est parti du principe que cette information remonterait par la voie hiérarchique.

Selon Roland Nef, il ne se rappellerait pas que lors de l'audition il ait été prié d'informer le chef du DDPS de manière complète sur le contenu de la procédure pénale. En particulier, il ne se rappellerait pas que le sens des termes «inhaltiche Vollumfänglichkeit» ait été thématisé. Lors de cette audition, il a effectivement signé une confirmation écrite relative à l'audition sur laquelle figure ce passage et il a été prié de la faire contresigner par le chef du DDPS.

Selon ses dires, il aurait clairement dit lors de son audition que le contenu de la plainte était couvert par l'accord de non-divulgation conclu avec son ex-compagne et que donc il ne communiquerait pas là-dessus. Il aurait effectivement aussi dit qu'il ne voulait pas lier («binden») le chef du DDPS. Il entendait par là qu'il ne voulait pas le charger («belasten») avec cette affaire privée. Le chef du DDPS avait posé comme condition à son entrée en fonction le règlement préalable de cette procédure.

Cette condition étant maintenant remplie suite à la suspension de la procédure, cette affaire était donc terminée. Roland Nef aurait donc expliqué aux représentants du service spécialisé
CSP qu'il ne voulait pas encore confronter le chef du DDPS après coup avec son «linge sale».

Il ressort de l'audition qui s'est tenue le 13 décembre 2007, et dont le président de la sous-commission et la secrétaire des CdG ont pu écouter l'enregistrement, que le service spécialisé CSP n'était plus en mesure, suite au retrait par Roland Nef le 29 novembre 2007 de l'autorisation de consulter le dossier pénal, de clarifier la question du risque pour la sécurité, risque que le service avait d'abord considéré comme donné en raison de l'existence d'une procédure en cours.

Dans ces conditions, et en partant de l'idée, vérifiée au cours de l'audition, selon laquelle Roland Nef serait peu enclin à leur fournir des informations sur le contenu de la procédure pénale et à leur exposer de manière détaillée les faits qui lui étaient reprochés, les deux représentants du service spécialisé CSP lui présentent donc l'«attestation d'audition» mentionnée plus haut.

La discussion entamée sur ce point dure pratiquement 20 minutes et se déroule sur le mode classique du «jeu du chat et de la souris».

3017

Roland Nef se refuse de manière constante à fournir les renseignements demandés, de la même manière qu'il fait tout pour ne pas répondre à l'obligation d'information à laquelle il est soumis. C'est seulement sous la menace implicite d'une décision négative relativement au risque, d'une décision assortie de réserves ou d'une décision de constatation, que Roland Nef accepte de prendre le formulaire afin de le soumettre au chef du DDPS pour signature.

Durant tout l'entretien, difficile et tendu, entre le service spécialisé CSP et Roland Nef, les deux représentants du service ne mentionnent pas une seule fois de manière explicite les mots «informer de manière complète sur le contenu de la procédure aujourd'hui suspendue». Un des deux auditeurs lit à Roland Nef le passage correspondant du formulaire en omettant toutefois les mots «de manière complète sur le contenu» («inhaltlich vollumfänglich»). Les deux représentants n'indiquent pas même implicitement à Roland Nef qu'il doit informer en détail le chef du DDPS sur la procédure pénale le concernant. Il n'est question que du fait que le chef du DDPS doit savoir qu'une procédure pénale a été menée contre lui, ce qui est nécessaire pour minimiser les risques de chantage, et que le chef du DDPS doit ensuite leur confirmer qu'il a bien été mis au courant.

Selon Roland Nef, il serait allé trouver le chef du DDPS le 14 décembre 2007 et lui aurait remis le document pour signature. Il aurait attiré l'attention du chef du DDPS sur le dernier passage du document et il aurait expliqué à ce dernier que pour lui les détails intimes que son ex-compagne ou lui-même ont évoqués ou leurs déclarations concernant ce qui s'était passé entre eux et les difficultés qu'ils avaient rencontrées dans leur relation ne pouvaient pas faire l'objet de l'information donnée à son employeur. Le chef du DDPS n'aurait pas posé de questions supplémentaires. Il aurait dit que cette affaire était pour lui terminée suite à la suspension de la procédure et à l'exécution du contrôle de sécurité.

Selon Roland Nef, le terme «vollumfänglich»9 est sujet à interprétation. Ce dernier est aujourd'hui encore d'avis que les informations qu'il avait alors fournies étaient complètes.

Selon le chef du DDPS, il aurait effectivement discuté avec Roland Nef au sujet de ce passage. Il aurait demandé à
Roland Nef ce que signifiait ce passage et serait parti du principe que cela avait été discuté entre Roland Nef et la PIO. Roland Nef lui aurait expliqué que cette «information complète concernant le contenu» correspondait à ce dont il lui avait déjà fait part, à savoir qu'une procédure pénale concernant le domaine intime des relations interpersonnelles avait été ouverte contre lui. C'est donc Roland Nef qui aurait défini le contenu de cette information.

Le chef du DDPS aurait certes trouvé étrange cette manière de faire. Dans la mesure où il devait indiquer par sa signature que le document avait été «eingesehen»10 et non «bestätigt»11, il n'aurait toutefois pas réalisé l'importance de celle-ci.

En outre, le chef du DDPS n'aurait pas su que sa signature sur ce document était une condition sine qua non à l'établissement par le service spécialisé CSP d'une décision positive relativement au risque. Il n'aurait pas non plus eu conscience que l'objectif du service spécialisé CSP était par là de réduire le risque que Roland Nef ne fasse l'objet d'un chantage.

9 10 11

Traduction française: «complètement».

Traduction française: «vu».

Traduction française: «confirmé».

3018

Les propos des différents acteurs concernés s'accordent à dire qu'il n'y a pas de contact direct entre le service spécialisé CSP ou la PIO et le chef du DDPS durant toute cette période. Selon le chef du DDPS, il ne reçoit à aucun moment d'informations intermédiaires. En particulier, il ne sait pas que le service spécialisé CSP n'a pas eu accès aux documents des autorités zurichoises.

Selon le chef du service spécialisé CSP, il n'y a en principe pas de contact entre le service spécialisé CSP et les supérieurs des personnes contrôlées, cela pour des raisons de protection de la personnalité. De tels contacts nécessiteraient par ailleurs l'accord de la personne contrôlée. Il serait en outre très inhabituel que le service spécialisé CSP prenne contact directement avec le chef du DDPS; s'il doit y avoir un contact, ce dernier devrait passer par la voie hiérarchique, c'est-à-dire par l'officier général adjoint du chef de l'armée puis le chef de l'armée.

Le chef du service spécialisé CSP, le chef de la PIO et le chef du DDPS ont indiqué à la commission avoir tiré les leçons de cette affaire en ce qui concerne la communication entre le service spécialisé CSP et les supérieurs des personnes contrôlées. En particulier, le chef de la PIO a affirmé que si c'était à refaire, il chercherait le contact direct avec le chef du DDPS. Tous trois ont affirmé leur intention de prendre des mesures afin qu'à l'avenir une telle situation ne se reproduise pas.

Le 19 décembre 2007, le service spécialisé CSP délivre une décision positive relativement au risque.

Le dossier établi par le service spécialisé CSP sur Roland Nef contient une «analyse définitive des risques» datée du 19 décembre 2007. Celle-ci mentionne, sous une rubrique concernant la situation actuelle du candidat, que celui-ci se trouve dans une situation critique. Il est précisé que Roland Nef a été sous le coup d'une plainte pour contrainte et que, malgré la suspension de la procédure, il a souhaité que le service spécialisé CSP ne demande aucun document supplémentaire (tel que la décision de suspension). Il est également précisé que Roland Nef est revenu sur son autorisation permettant au service de recueillir des informations sur la procédure. La rubrique consacrée à l'analyse des faits arrive toutefois à la conclusion que la situation de Roland Nef ne
représente pas de danger.

Il ressort de l'analyse que, eu égard au caractère sensible de la fonction visée et au fait que son casier judiciaire mentionnait l'existence d'une procédure en cours, le service spécialisé est d'abord parti de l'idée d'un risque élevé pour la sécurité. Le risque qu'une personne soit soumise à un chantage ne tient cependant pas uniquement à des faits objectifs, mais aussi dans une large mesure à la personnalité de la personne contrôlée.

L'audition de Roland Nef n'a laissé apparaître aucune particularité frappante dans le caractère de celui-ci. Par conséquent, et étant donné le sens de la loyauté prononcé de ce dernier, le service spécialisé CSP est parvenu à la conclusion que le risque de le voir se plier à un chantage était minime. Il est toutefois précisé dans cette analyse que les déclarations de Roland Nef relatives à la procédure pénale le concernant n'ont pas pu être vérifiées.

Pour réduire le risque éventuel d'une tentative de chantage, le service spécialisé CSP a donc demandé au chef du DDPS de lui confirmer, par écrit, qu'il a été informé de manière complète sur le contenu de la procédure pénale suspendue, ce que le chef du DDPS a fait en signant l'attestation d'audition le 14 décembre 2007. Sur cette base, le service spécialisé CSP a pu considérer que le candidat ne présentait de risque en 3019

matière de sécurité ni sous l'angle d'un éventuel chantage ni sous celui de la fiabilité. Le document relève toutefois que, si l'existence de la procédure pénale venait à être connue, il n'est pas exclu qu'elle soulève un grand intérêt médiatique. Pour autant, cette possibilité ne constitue pas en soi un motif suffisant pour affirmer que le candidat représente un risque pour la sécurité au sens de la LMSI et de l'OCSP.

Conformément aux dispositions de la loi, l'analyse finale des risques n'est pas transmise au chef du DDPS, qui ne reçoit que la décision positive relativement au risque.

Le 1er janvier 2008 a lieu, comme prévu, l'entrée en fonction de Roland Nef à la tête de l'armée.

2.5

Epilogue: de l'entrée en fonction de Roland Nef à la dissolution des relations de travail

Le 26 juin 2008, une journaliste de la SonntagsZeitung écrit un courriel au secrétaire général du DDPS, dans lequel elle explique que le journal a connaissance d'une plainte déposée le 27 septembre 2006 contre Roland Nef pour contrainte. Elle lui demande s'il peut confirmer cette information et quel est l'état actuel de la procédure. Le secrétaire général du DDPS en informe immédiatement le chef du DDPS et le chef de l'information du DDPS.

Selon les dires du secrétaire général du DDPS, lui et le chef de l'information du DDPS auraient le jour même confronté Roland Nef aux informations contenues dans le courriel. Ce dernier aurait répondu que oui, il y a eu quelque chose, mais que c'est aujourd'hui terminé et réglé. Sur la base de cette réponse, le DDPS envoie une courte réponse à la SonntagsZeitung expliquant que «le chef de l'armée n'a pas d'antécédents judiciaires d'ordre pénal ou civil et aucune enquête ni procédure civile ou pénale n'est en cours à son égard».

Le lendemain 27 juin 2008, le secrétaire général du DDPS reçoit un second courriel de la SonntagsZeitung contenant une longue liste d'accusations graves à l'encontre de Roland Nef. Le même jour, le chef du DDPS, le chef de l'information du DDPS et le secrétaire général du DDPS auraient confronté Roland Nef à ce nouveau courriel et lui auraient demandé ce qu'il en est. Ce dernier aurait répondu que rien de tout cela n'est vrai. Il aurait aussi déclaré qu'il prendrait position devant les médias si cela devait être publié et porterait plainte contre les journaux en question.

Roland Nef n'ayant pas voulu prendre position sur les propos susmentionnés du secrétaire général du DDPS, la CdG-N n'est pas en mesure de retranscrire sa version des faits.

Le 13 juillet 2008, la SonntagsZeitung publie un article révélant qu'une enquête pénale était en cours contre Roland Nef au moment de sa nomination à la tête de l'armée le 8 juin 2007 par le Conseil fédéral. L'article précise que le chef du DDPS était au courant de l'existence de cette enquête, mais n'en a pas informé les autres membres du collège.

Selon le chef du DDPS, il était prévu au départ que Roland Nef et son ex-compagne apparaîtraient ensemble devant les médias. Roland Nef aurait cependant ensuite choisi une autre manière de procéder.

3020

Selon Roland Nef, il aurait clairement fait savoir qu'il se tiendrait à l'accord de nondivulgation conclu avec son ex-compagne et qu'il ne souhaitait pas s'exprimer sur cette affaire.

Le 14 juillet 2008, l'avocate de son ex-compagne écrit à la SonntagsZeitung pour préciser que le motif de la plainte de sa cliente n'était pas la violence domestique.

Elle mentionne aussi que suite au premier interrogatoire, les deux parties représentées par leurs avocats ont trouvé un accord à l'amiable, ont signé une convention et ont convenu de garder le silence.

Le 15 juillet 2008, Roland Nef envoie aux médias une déclaration personnelle écrite, dans laquelle il reprend le contenu de la lettre de l'avocate de son ex-compagne susmentionnée et affirme son intention de s'en tenir à l'accord de non-divulgation qui avait été conclu. Il précise encore qu'il s'agit d'une affaire privée, que l'on peut déduire de la suspension de la procédure qu'il n'y avait pas d'intérêt public à ce qu'il soit poursuivi pénalement et qu'il est reconnaissant au chef du DDPS d'avoir protégé ses droits de la personnalité, d'autant que la voie de la suspension de la procédure sous l'égide du Ministère public était déjà mise en évidence au moment de ses entretiens préliminaires comme candidat au poste de chef de l'armée.

Le 17 juillet 2008, Roland Nef intervient devant les médias. Il admet avoir mal vécu la phase de rupture avec son ex-compagne et n'avoir pas toujours agi de manière raisonnable. Il admet aussi avoir versé de l'argent à son ex-compagne dans le cadre d'un arrangement à l'amiable tel que le prévoit le code pénal. Il précise une nouvelle fois qu'il s'agit d'une affaire privée sans lien avec sa fonction et indique qu'il n'envisage pas de démissionner. Il annonce avoir déposé plainte contre le Blick pour atteinte à la personnalité.

Le 18 juillet 2008, le chef du DDPS tient à son tour une conférence de presse, lors de laquelle il réaffirme sa confiance en Roland Nef. Il admet en revanche qu'il ignorait le contenu de la plainte qui pesait sur Roland Nef au moment de sa nomination à la tête de l'armée. Il ajoute qu'il a été informé lors de la phase préparatoire de la nomination de Roland Nef du fait qu'une procédure était en cours contre lui et que Roland Nef lui avait assuré que cette procédure serait bientôt close. Au cours de
l'audition du chef du DDPS devant les deux CPS du 25 juillet 2008, le chef du DDPS a dit avoir reçu la première information sur la procédure et sur le fait qu'elle serait bientôt levée lors de l'entretien avec Roland Nef d'avril 2007. Il confirme également qu'il n'a pas informé ses collègues du Conseil fédéral. Il dit avoir voulu respecter la sphère privée de Roland Nef. Il mentionne encore que Roland Nef se caractérise par un caractère irréprochable.

Le 20 juillet 2008, la SonntagsZeitung publie des extraits du procès-verbal de la police zurichoise.

Le 21 juillet 2008, le chef du DDPS intervient une nouvelle fois devant les médias, cette fois-ci pour dire que Roland Nef est suspendu de ses fonctions et qu'il a jusqu'au 20 août 2008 (date de la prochaine séance du Conseil fédéral) pour réfuter de manière plausible et sans marge d'interprétation toutes les hypothèses, rumeurs et reproches à son encontre.

Le chef du DDPS a expliqué à la commission que c'est la publication la veille dans la presse dominicale d'extraits du procès-verbal de la police zurichoise qui l'ont poussé à changer de perspective. Il était jusque-là certes au courant de l'existence d'une plainte, mais ne s'était pas imaginé qu'il s'agissait d'accusations aussi graves.

3021

Il n'avait par ailleurs pas accès aux documents qui lui auraient permis de juger luimême de la gravité des faits.

Le 21 juillet 2008, Roland Nef dépose plainte contre inconnu auprès des autorités pénales zurichoises pour violation du secret de fonction.

Le 25 juillet 2008, les CPS se réunissent en séance extraordinaire, au cours de laquelle ils entendent Roland Nef et le chef du DDPS au sujet des circonstances de la nomination de Roland Nef sous la perspective de la procédure pénale en cours à ce moment-là.

Le même jour, le chef du DDPS prend connaissance de la demande, d'un commun accord, de cessation des rapports de travail de Roland Nef.

Au cours de l'été 2008 (dates exactes pas connues), le chef du DDPS a, selon ses propos, demandé à plusieurs reprises à Roland Nef de lui dire ouvertement ce qu'il en est. Il dit n'avoir cependant pas appris grand-chose de nouveau.

En été 2008, le chef du DDPS demande à avoir accès à la décision de suspension de la procédure pénale. Il s'adresse par fax aux avocats des parties, et reçoit quelques heures plus tard une copie du document demandé, mais dont plusieurs passages ont été noircis. Seuls la décision de levée de la procédure, l'accord de non-divulgation et les parties restent visibles.

En revanche, Roland Nef accède à la demande faite par le chef du DDPS en août 2008 de pouvoir consulter le dossier de Roland Nef auprès du service spécialisé CSP, y compris l'enregistrement de l'audition du 13 décembre 2007.

Le 20 août 2008, le Conseil fédéral approuve la proposition du DDPS de résilier au 28 février 2009 le contrat de travail de Roland Nef d'un commun accord avec ce dernier. Roland Nef conservera le grade de commandant de corps (hors du service) et sera incorporé à l'armée à titre de militaire surnuméraire. La proposition du DDPS prévoit que l'accord conclu avec Roland Nef s'articule autour des points suivants: Roland Nef restera délié de ses fonctions jusqu'au 28 février 2009 et recevra une indemnité de 275 000 francs. La proposition du DDPS prévoit aussi que pour le cas où cet accord ne devait pas voir le jour, le chef du DDPS serait habilité à résilier de manière unilatérale au 31 mars 2009 les relations de travail avec Roland Nef.

Le poste de chef de l'armée est mis au concours. Selon le communiqué de presse du DDPS du 20 août 2008, il est prévu
que la nomination du nouveau chef de l'armée par le Conseil fédéral intervienne début décembre 2008, l'entrée en fonction le 1er janvier 2009.

Le 1er septembre 2008, la Direction de la Justice et de l'Intérieur du canton de Zurich publie un rapport12 sur le déroulement de l'enquête pénale conduite par le Ministère public I du canton de Zurich contre Roland Nef. Ce rapport arrive à la conclusion que l'enquête a été menée de manière correcte, indépendamment de la personne et de la situation du prévenu, et que la suspension de la procédure sur la base de l'art. 53 CP était justifiée. Il est précisé que le prévenu a réparé les dommages causés et qu'il a accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé.

12

Direktion der Justiz und des Innern des Kantons Zürich, Bericht zur Strafuntersuchung im Fall Nef durch die Strafverfolgung Erwachsene des Kantons Zürich vom 1. September 2008, http://www.sk.zh.ch/internet/sk/de/mm/2008/227.html

3022

Le 3 septembre 2008, un communiqué de presse du DDPS confirme l'information donnée le même jour par la radio DRS, selon laquelle le chef du DDPS avait été informé le 14 novembre 2006 déjà par l'auditeur en chef de l'existence d'une enquête pénale contre Roland Nef.

Selon les dires du chef du DDPS, il n'a aujourd'hui toujours pas connaissance du contenu exact de la procédure pénale en cours contre Roland Nef au moment de sa nomination à la tête de l'armée.

3

Bases légales

3.1

Bases légales régissant les rapports de travail avec le chef de l'armée

La fonction de chef de l'armée a été créée le 1er janvier 2004. L'art. 10, al. 1, Org-DDPS précise en outre que le chef de l'armée dirige le Groupement Défense du DDPS. Il est par conséquent responsable du développement et du commandement de l'armée: parallèlement à son propre état-major, il dirige les Forces terrestres, les Forces aériennes, la Formation supérieure des cadres de l'armée, la Base logistique de l'armée, la Base d'aide au commandement, l'Etat-major de planification de l'armée et l'Etat-major de conduite de l'armée. En tant que chef du Groupement Défense, il a sous ses ordres plusieurs directeurs d'office. Il fait partie des officiers généraux à titre principal (of gén) et possède le grade de commandant de corps (cdt C), soit le grade le plus élevé dans l'armée.

Conformément à l'art. 8, al. 1, LPers, le chef de l'armée est engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée illimitée relevant du droit public. Toute conclusion, modification ou résiliation des rapports de travail avec le chef de l'armée ainsi que toute enquête ou mesure disciplinaire prise à son encontre relève du Conseil fédéral (art. 2, al. 1, let. c, et art. 98, al. 1, OPers). La fonction de chef de l'armée se situe dans la classe de salaire la plus élevée, soit la classe 38: par conséquent, le salaire annuel versé se situe dans une fourchette allant de 319 104 à 339 472 francs. Toute promotion au grade de commandant de corps relève également de la compétence du Conseil fédéral qui s'appuie sur une proposition du chef du DDPS.

Conformément au droit du personnel, le chef de l'armée est directement subordonné au chef du DDPS. Ce dernier est chargé de préparer et de présenter des propositions sur lesquelles le Conseil fédéral pourra s'appuyer pour prendre des décisions concernant le chef de l'armée. De plus, il dirige la procédure de sélection des candidats au poste de chef de l'armée. De par la loi, il est libre de proposer au Conseil fédéral un ou plusieurs candidats pour ce poste; le président de la Confédération a toutefois indiqué à la commission qu'il était d'usage, dans le cadre de la procédure de désignation du chef de l'armée ou des plus hauts cadres de l'administration fédérale, que le chef du département concerné propose un seul candidat.

La nomination d'un candidat au poste de chef de l'armée est soumise
aux conditions en vigueur dans le cadre du droit du personnel, qui comprennent les aptitudes techniques et personnelles du candidat. Le Conseil fédéral peut aussi prendre en considération des critères tels que l'âge ou la formation préalable (art. 24, al. 1, OPers). De plus, les officiers de carrière, dont fait partie le chef de l'armée, doivent «jouir d'une réputation irréprochable» (art. 5, al. 1, let. f, O pers mil). Au sens du Tribunal fédéral, une réputation irréprochable est avérée lorsque le casier judiciaire de la personne 3023

concernée ne porte pas mention d'une condamnation non radiée. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de l'exercice d'une profession soumise à autorisation, les autorités compétentes ne devraient pas, d'après le Tribunal fédéral, s'en tenir à une définition purement formelle de la réputation mais, au contraire, vérifier concrètement que la vie du candidat n'est pas entachée par un acte qui lui interdise d'exercer la profession visée (ATF 104 Ia 187 cons. E. 2b). Pour ce qui est des conséquences d'une éventuelle remise en question de la bonne réputation d'un officier de carrière déjà en fonction, suite à la consultation de son casier judiciaire, la loi ne prévoit rien.

En outre, le chef de l'armée doit avoir le grade de commandant de corps. Si un des candidats au poste n'a pas atteint ce grade, il faut qu'à la date d'entrée en fonction, les conditions soient réunies pour lui accorder une promotion au grade de commandant de corps et notamment que le contrôle de sécurité relatif aux personnes soit clos sur le plan juridique (art. 57, al. 3, let. c, OOMi).

Le cadre légal est assez large et laisse une grande marge d'appréciation au chef du DDPS pour ce qui est de la sélection d'un candidat. En considérant l'importance de la fonction de chef de l'armée et surtout la position de confiance que cela suppose, il est primordial que le chef du DDPS place la barre des exigences très haut, tant pour ce qui est des qualités professionnelles que des qualités personnelles, et notamment de l'intégrité, du candidat qu'il souhaite proposer. De son côté, le candidat qui a un poste au sein d'un des organes de la Confédération a le devoir de fournir toutes les informations le concernant (d'ordre professionnel ou privé) qui soient pertinentes compte tenu du poste visé. Cette exigence d'information doit être d'autant plus élevée que le candidat brigue le poste de chef de l'armée.

Une partie de la doctrine considère que l'employeur comme le candidat à un poste doit informer l'autre partie de tout fait ou de toute situation qui pourrait objectivement avoir un impact direct sur les rapports de travail, pour autant que ces faits ne soient pas déjà connus de l'employeur ou que l'on ne puisse pas raisonnablement exiger de ce dernier qu'il pose des questions concernant ces faits. La question de savoir dans quelle mesure le
candidat doit répondre aux questions portant sur sa vie privée reste controversée. Toutefois, les avis sont majoritaires, qui considèrent que la sphère privée du candidat n'est pas intégralement protégée. Par conséquent, l'employeur peut avoir intérêt à connaître certaines informations relevant de cette sphère privée, à condition toujours que ces informations aient un lien direct avec l'adéquation professionnelle et la disponibilité du candidat. Il est généralement admis que plus le lien contractuel est personnel, plus la confiance réciproque nécessaire qu'implique le travail est grande, et plus l'employeur et l'employé ont des devoirs d'information réciproques étendus (cf. par exemple la décision du Tribunal fédéral BGE 122 V 276 E. 3b qui contient de nombreuses indications à ce propos et la décision de la Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral du 22 septembre 2005 qui contient elle aussi de nombreuses indications).

Cette exigence d'information (obligation de révéler et de déclarer) doit être d'autant plus élevée que le candidat brigue le poste de chef de l'Armée.

3024

3.2

Contrôles de sécurité relatifs aux personnes (CSP)

En vertu de la LMSI13, les agents de la Confédération et les militaires qui, dans le cadre de leur activité, ont connaissance de l'activité gouvernementale ou d'importants dossiers de la politique de sécurité, ou encore ont accès à des secrets relevant de la sûreté intérieure ou extérieure, doivent être soumis à un contrôle de sécurité: il s'agit de déterminer si ces personnes peuvent représenter un risque pour la sécurité du pays. Le contrôle consiste à recueillir des données pertinentes pour la sécurité touchant au mode de vie de la personne concernée, notamment à ses liaisons personnelles étroites et à ses relations familiales, à sa situation financière, à ses rapports avec l'étranger et à des activités illégales menaçant la sûreté intérieure et extérieure (art. 20, al. 1, LMSI).

Le Conseil fédéral a en effet souligné, dans son message sur la LMSI, que l'une des menaces les plus grandes et les plus vives pour la sûreté intérieure vient des personnes occupant des postes clés qui commettent une trahison, travaillent contre l'Etat lui-même ou veulent changer ses institutions de manière illicite. Les personnes nouvellement engagées devraient, selon lui, ne pas être susceptibles de céder au chantage et offrir la garantie qu'elles n'abuseront pas de la confiance placée en elles14. Au sens de la LMSI, les risques pour la sûreté de l'Etat comprennent le terrorisme, le service de renseignements prohibé, l'extrémisme violent, les agissements criminels, les faits de corruption, les problèmes financiers, les addictions, les risques latents de chantage et un mode de vie débridé15.

L'ordonnance sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes différencie trois degrés de contrôle: le contrôle de sécurité de base (art. 10 OCSP)16, le contrôle de sécurité élargi (art. 11 OCSP) et le contrôle de sécurité élargi avec audition (art. 12 OCSP). Les fonctions exercées au sein de l'administration fédérale et de l'armée qui requièrent un contrôle de sécurité sont recensées dans les annexes de l'ordonnance: d'après cette liste, le chef de l'armée doit subir un contrôle élargi avec audition.

La procédure de contrôle est ouverte par l'autorité qui prépare la nomination ou qui attribue de nouvelles tâches. En ce qui concerne le chef de l'armée, l'organe compétent est le «Management Development Défense» (MD D),
subordonné à l'état-major du chef de l'armée. L'enquête est menée par le service spécialisé CSP qui fait partie de la PIO. Ce service procède chaque année à quelque 36 000 contrôles, dont 25 000 concernent des militaires. Les contrôles dont le degré de sécurité est élevé (contrôle élargi avec audition selon l'art. 12 OCSP) ne représentent qu'une toute petite partie de ces contrôles.

L'art. 19, al. 3, LMSI prévoit, selon le texte allemand, que le contrôle de sécurité relatif aux personnes est effectué «avant que le poste ou la fonction ne soit attribués»17, ce qui est souvent interprété comme voulant signifier «avant l'entrée en 13 14

15 16 17

Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120).

Message du Conseil fédéral du 7 mars 1994 concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S. o. S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse» (FF 1994 II 1145).

Cf. décisions de la Commission de recours du DDPS du 6 avril 2006, cons. 4b, et du 19 novembre 2004, cons. 3a).

Art. 19 à 21; Ordonnance sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (OCSP; RS 120.4).

Texte allemand: «bevor das Amt oder die Funktion übertragen wird».

3025

fonction» ou «avant la prise de fonction». La formulation française indique au contraire «... avant la nomination à la fonction ...». Dans son message, le Conseil fédéral va dans le même sens en écrivant: «Le contrôle de sécurité précède la proposition de nommer une personne à un poste ou de lui attribuer une fonction particulière»18. D'après le service spécialisé CSP, il était jusqu'ici courant, dans le cadre de la nomination des cadres supérieurs, que les départements ne procèdent à ces contrôles qu'après la nomination.

Le contrôle de sécurité est réitéré au plus tard tous les cinq ans (art. 19, al. 1, OCSP).

Toutefois l'autorité requérante peut demander qu'un nouveau contrôle soit effectué avant les 5 années prévues, si elle a des raisons de penser que, depuis le dernier contrôle, de nouveaux risques sont apparus, en particulier lors d'un avancement dans l'armée, de la prise en charge de nouvelles tâches ou lors de l'engagement de personnel à l'étranger (art. 19, al. 3, OCSP).

Le contrôle de sécurité ne peut être effectué que sur accord écrit de la personne concernée. Cette dernière peut, à tout moment, révoquer cette autorisation par écrit (art. 15 OCSP).

Dans le cadre d'un contrôle élargi, le service spécialisé CSP recueille des informations à partir des registres des organes de sûreté et de poursuite pénale de la Confédération et des cantons, du casier judiciaire ainsi que des offices cantonaux des poursuites et des faillites. Il consulte également les rapports de la police cantonale et demande aux organes de poursuite pénale compétents des renseignements relatifs à des procédures pénales en cours. Enfin, il a soit directement accès aux banques de données concernées soit il se procure les informations par l'entremise du SAP de fedpol. Lorsque le contrôle concerne un poste requérant un niveau élevé de sécurité, le service spécialisé procède en outre à l'audition du candidat.

Conformément à l'art. 21 OCSP, le service spécialisé prend généralement sa décision sur le résultat du contrôle de sécurité dans les trois mois suivant le dépôt de la demande de contrôle. Il y a lieu de distinguer entre: a.

une décision positive relativement au risque: le service spécialisé estime que la personne considérée ne présente aucun risque pour la sécurité;

b.

une décision sur le risque assortie de réserves: le service spécialisé estime que la personne considérée pourrait présenter un risque pour la sécurité;

c.

une décision négative relativement au risque: le service spécialisé estime que la personne considérée présente effectivement un risque pour la sécurité;

d.

une constatation établie par manque de données disponibles: le service spécialisé n'est pas en mesure de récolter les données nécessaires pour prendre une décision relativement au risque.

Lorsque le service spécialisé envisage de prendre relativement au risque une décision négative ou assortie de réserves, il donne le droit à la personne concernée d'être entendue en lui offrant la possibilité de se prononcer par écrit sur le résultat du contrôle ou d'apporter d'éventuels éléments de preuve au dossier.

Lorsque la décision est négative ou qu'elle est assortie de réserves, la personne concernée peut recourir auprès du TAF (art. 21, al. 3, LMSI).

18

Message du Conseil fédéral du 7 mars 1994 (FF 1994 II 1187 s.).

3026

Le service spécialisé soumet par écrit son appréciation du risque pour la sécurité à l'autorité qui nomme ou attribue la fonction. L'autorité compétente n'est toutefois pas liée par l'appréciation du service spécialisé: elle peut donc engager la personne concernée, bien que le service spécialisé ait rendu une décision négative ou assortie de réserves (art. 21, al. 4, LMSI).

3.3

Résiliation des rapports de travail avec le chef de l'armée

Le contrat de droit public à durée indéterminée conclu entre la Confédération et l'employé peut être résilié par l'une ou l'autre partie en respectant le délai de préavis prévu; dans ce cas, la Confédération doit cependant indiquer le motif de résiliation du contrat, motif qui doit figurer dans la liste inscrite à l'art. 12, al. 6, let. a à f de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers). Le contrat de travail peut aussi comporter des conditions d'engagement spécifiques dont la disparition peut constituer un motif de résiliation des rapports de travail de la part de la Confédération (art. 12, al. 6, let. f, LPers). En ce qui concerne les officiers généraux, l'art. 26, al. 5, OPers prévoit que le Conseil fédéral peut, à tout moment, relever des officiers généraux de leur fonction ou de leur commandement et leur attribuer une autre fonction ou un autre commandement. Le contrat de travail conclu avec les officiers généraux prévoit qu'il y a motif de résiliation ordinaire en vertu de l'art. 12, al. 6, let. f, LPers lorsqu'une autre fonction ou un autre commandement ne peut être attribué. Le contrat conclu avec Roland Nef lors de sa nomination en tant que chef de l'armée comportait une telle clause.

Par ailleurs, les deux parties peuvent, d'un commun accord, mettre fin en tout temps aux rapports de travail, sans qu'il y ait résiliation du contrat par l'une ou l'autre partie (art. 10, al. 1 et 2, LPers).

Si la Confédération résilie le contrat de travail sans qu'il y ait faute de l'employé, ce dernier reçoit une indemnité de départ, selon les conditions fixées dans la loi (art. 19, al. 2, LPers). Des indemnités lui sont également versées en cas de résiliation abusive ou injustifiée, conformément aux dispositions de l'art. 14, LPers (art. 19, al. 3 et 4, LPers). La loi précise en outre que le Conseil fédéral peut disposer, par voie d'ordonnance, que d'autres employés reçoivent une indemnité. Il définit également les conditions de versement des indemnités de départ éventuellement accordées en cas de résiliation d'un commun accord des rapports de travail, conformément à l'art. 10, al. 1, LPers (art. 19, al. 5, LPers).

Les dispositions de l'art. 19 LPers ne couvrent que les cas où la Confédération met fin aux rapports de travail. Le Conseil fédéral n'a jusqu'à présent pas réglé au niveau de
l'ordonnance la possibilité de versement des indemnités en cas de résiliation d'un commun accord du contrat de travail telle que prévue à l'art. 10, al. 1, LPers. Toutefois, il a déjà accordé des indemnités de départ dans plusieurs cas de résiliation d'un commun accord, par ex. lors de la résiliation du contrat de l'ancien procureur de la Confédération19.

19

Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 5 septembre 2007, Examen du fonctionnement des autorités de poursuite pénale de la Confédération (FF 2008 1787).

3027

3.4

Exemption de peine après réparation (art. 53 CP)

Dans le cadre de la révision totale de la partie générale du Code pénal (CP), la réparation a été inscrite à l'art. 53 CP comme un nouveau motif d'exemption de peine. La disposition correspondante est entrée en vigueur au 1er janvier 2007 (RO 2006 3459 3535). D'après cette disposition: «Lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine: a.

si les conditions du sursis à l'exécution de la peine sont remplies (art. 42) et

b.

si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants.»

Les poursuites engagées doivent impérativement être abandonnées et aucune peine ne doit être prononcée lorsque sont rassemblées les trois conditions suivantes: ­

l'auteur des faits doit avoir réparé intégralement le tort qu'il a causé, ou du moins avoir accompli tous les efforts que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour mettre en oeuvre cette réparation;

­

L'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre pénalement l'auteur sont peu importants;

­

Les conditions régissant l'octroi d'un sursis à l'exécution de la peine, qui sont définies à l'art. 42, doivent être remplies; le délit commis est soumis à une peine pécuniaire ou une peine privative de liberté de moins de deux ans et l'exécution de cette peine ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). En plus, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur n'a pas été condamné à une peine privative de liberté d'au moins six mois ou à une peine pécuniaire d'au moins 180 joursamende, à moins qu'il y ait des circonstances particulièrement favorables (al. 2).

Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'autorité compétente doit poursuivre la procédure en cours, pour autant qu'aucun autre motif d'arrêt de la procédure n'existe (cf. art. 52 et art. 54 CP). L'autorité en charge du dossier doit dès lors clore la procédure de poursuite, transmettre les pièces du dossier au tribunal, qui doit prononcer un jugement20.

Lorsqu'elles décident d'appliquer l'art. 53 CP et donc d'abandonner les poursuites, respectivement de renoncer à renvoyer la personne devant le juge, les autorités le font sur la base d'un jugement anticipé quant aux faits et à la culpabilité du prévenu21; il n'est cependant pas certain, à ce stade, que ce dernier aurait, ou n'aurait pas, été condamné.

Le fait de suspendre la procédure lors de la phase d'investigation, sur la base de cette disposition, montre clairement qu'il s'est effectivement produit un événement 20

21

Cette disposition ne s'applique pas aux infractions poursuivies sur plainte lorsqu'aucune plainte n'est déposée, lorsque la personne lésée renonce à déposer une plainte ou lorsqu'elle retire sa plainte. (cf. art. 30 s. CP).

Cf. Schwarzenegger Christian, Hug Markus, Jositsch Daniel, Strafrecht II ­ Strafen und Massnahmen, 8e édition, Zurich/Bâle/Genève, 2007, p. 62.

3028

et que l'infraction a selon toute vraisemblance été commise. Dans le cas contraire, les autorités auraient dû suspendre la procédure parce qu'elles n'étaient pas en mesure d'établir l'existence de faits répréhensibles ou parce qu'elles ont conclu que les faits présentés n'étaient pas constitutifs d'une quelconque infraction.

Du moment qu'une infraction a été commise mais n'a entraîné aucun dommage matériel, ou du moins pas uniquement des dommages matériels, il n'est pas possible de réparer entièrement le dommage. Dans ce cas, la question centrale est de déterminer si l'auteur des faits a vraiment accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé. C'est pourquoi les exigences sur ce dernier point doivent être élevées.

Les tenants de la doctrine sont toutefois partagés quant à savoir si l'application de l'art. 53 CP se justifie uniquement lorsque le prévenu fait montre d'un certain repentir ou de remords au sens de l'art. 48, let. d, CP22 ou si, les autres conditions prévues par la loi étant remplies, il suffit que le prévenu reconnaisse sa responsabilité sans pour autant manifester de repentir23.

Dans son message concernant la modification du code pénal suisse, le Conseil fédéral affirme que le nouveau système de sanctions a été entre autres conçu avec plusieurs degrés de sanctions afin de décharger dans une certaine mesure les autorités pénales et les tribunaux. Ainsi, il est possible de renoncer à une poursuite ou à une peine lorsque le besoin de punition fait défaut. Cela serait entre autres le cas lorsque le prévenu répare le tort qu'il a causé ou lorsqu'il a mis en oeuvre tout ce qu'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le dommage occasionné24. Ce faisant, il faut prendre en considération le fait que la réparation du dommage par l'auteur s'inscrit avant tout dans l'intérêt de la personne lésée. C'est pourquoi «il convient de prendre en compte non seulement les efforts que l'auteur aura accomplis de son propre chef, mais aussi ceux qu'il aura entrepris à l'instigation d'une autre personne» 25.

Dans le seul arrêt qu'il ait rendu concernant cette disposition, le Tribunal fédéral n'a explicitement pas tranché sur ce point très discuté dans la doctrine. Il a toutefois précisé que, dans la perspective de la prévention
générale, une exemption de peine au titre de l'art. 53 CP n'entre en ligne de compte que si l'auteur des faits reconnaît avoir violé la norme, qu'il assume sa responsabilité, qu'il contribue à rendre son efficacité à cette norme et qu'il s'efforce de rétablir la paix publique26.

Il apparaît donc clairement que les motifs sur lesquels les autorités s'appuient pour déterminer que la poursuite d'une procédure pénale a peu d'intérêt ne sont ni le ressenti, au demeurant subjectif, de la personne lésée, ni le fait que la personne lésée soit éventuellement d'accord de renoncer à poursuivre. La question centrale dans ce cas est uniquement de savoir si, aux termes de la loi, il existe un intérêt public à poursuivre la procédure.

22 23 24

25 26

Cf. notamment Jositsch Daniel, Strafbefreiung gemäss Art. 52 ff. StGBneu und prozessrechtliche Umsetzung, RSJ 100 (2004) p. 2 s., p. 8.

Cf. notamment Exquis Dominique, Sinn und Gesinnung : Bemerkungen zu Art. 53 rev.

StGB, PJA 14 (2005) p. 309 s., p. 313 s.

Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1794.

Message, FF 1999 1874 s.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_152/2007 du 13 mai 2008, cons. 5.2.

3029

Pour ce qui est des intérêts publics, cela signifie qu'ils se restreignent aux objectifs de la prévention spéciale et de la prévention générale. Ils n'entrent donc essentiellement en ligne de compte que dans les cas où l'infraction commise n'a pas porté préjudice à une personne précise. Il faut toutefois prendre en compte le fait qu'il y a toujours un intérêt public à poursuivre les délits poursuivis d'office. C'est pourquoi l'art. 53 CP, en tant que disposition à valeur exceptionnelle, doit être appliqué de manière restrictive.

4

Appréciations de la CdG-N, conclusions et recommandations

4.1

Procédure de sélection

4.1.1

Travaux préparatoires effectués par le chef du DDPS

De manière générale, la CdG-N constate que le chef du DDPS a pris la procédure de sélection d'un nouveau chef de l'armée très au sérieux et y a consacré des ressources importantes en termes de personnel et de temps.

Si la commission reconnaît les points positifs de la procédure mise en place, et salue notamment la volonté du chef du DDPS de s'appuyer dans cette démarche sur les conseils de différents types d'acteurs27, il lui faut cependant aussi en relever des faiblesses importantes.

Au cours de ses travaux, la CdG-N a en effet constaté que les différentes procédures de consultation mises en place par le chef du DDPS étaient séparées les unes des autres, ce qui signifie en particulier qu'il n'y avait pas de contacts entre le chef de l'armée et le groupe consultatif ou l'expert externe, ni ces derniers entre eux. En conclusion, seul le chef du DDPS disposait d'une vue d'ensemble sur la procédure de sélection et sur les informations récoltées.

Or, la commission est d'avis que le caractère cloisonné de ces différentes procédures a augmenté le risque que certaines informations-clés, en particulier dans le cas présent l'existence d'une procédure pénale en cours contre Roland Nef, «passent entre les gouttes» sans déclencher les signaux d'alarme de manière suffisante.

En décidant de configurer la procédure de sélection de cette manière (par ex. en menant seul les entretiens avec les candidats), le chef du DDPS s'est en outre mis de son plein gré dans une position telle que lui seul avait toutes les cartes en main et s'est ainsi chargé d'une responsabilité personnelle accrue dans cette procédure. En particulier, en n'informant pas les membres du groupe consultatif de manière explicite sur l'existence d'une procédure pénale en cours contre l'un des candidats, il s'est privé de la possibilité de recevoir les conseils de ces derniers à ce sujet et des éventuelles mises en garde supplémentaires dont ces personnes auraient pu lui faire part.

Par ailleurs, la CdG-N constate que si une grande attention a été portée aux compétences militaires et de conduite des candidats, l'adéquation entre leurs traits de caractère et la fonction concernée (cf. p. 11 et 12) n'a pas bénéficié du même soin.

27

Groupe consultatif comprenant des représentants du monde politique, de la milice, de l'armée et de l'administration, entretiens avec le chef de l'armée, évaluation effectuée par un expert externe, etc.

3030

Or, si la nécessité d'évaluer les compétences techniques des candidats est indiscutable, la commission considère qu'au vu des responsabilités liées à la fonction de chef de l'armée l'évaluation de leur adéquation en termes de caractère, et en particulier de leur intégrité, requiert elle aussi un examen approfondi.

Pour cette raison, la commission critique le fait que ni lors de l'«appraisal» réalisé par Stephan Bieri ni à une date ultérieure d'éventuelles insuffisances dans la personnalité et la biographie du candidat n'aient été mieux mis au jour.

Par ailleurs, la commission constate qu'il n'est fait appel à aucune femme dans l'ensemble de la procédure de sélection. Sans aller jusqu'à prétendre que la présence d'une ou de plusieurs femmes aurait forcément abouti à un résultat différent ou du moins à une meilleure prise en compte de certains éléments, la CdG-N est d'avis qu'au vu des nombreuses études mettant en avant les avantages d'équipes de recrutement mixtes, il vaudrait la peine d'accorder une plus grande attention à ce facteur à l'avenir.

4.1.2

Rôle du Conseil fédéral

D'après la pratique aujourd'hui en vigueur, les nominations individuelles ne font guère l'objet de discussions au sein du Conseil fédéral. Tout au plus celui-ci veille-t-il à une répartition équitable des plus hautes fonctions de l'administration en fonction de l'appartenance politique, de la région d'origine ou des intérêts économiques. La responsabilité quant à la vérification des aptitudes professionnelles et personnelles des candidats incombe ainsi au chef du département concerné.

A l'issue de ses travaux, force est pour la commission de constater que, bien que le Conseil fédéral soit l'organe de nomination compétent, la procédure de sélection des hauts cadres de l'administration fédérale est dans les faits presque exclusivement déléguée de manière implicite aux chefs des départements concernés.

Aux yeux de la CdG-N, cela ne va pas sans poser de problèmes, en particulier lorsqu'il s'agit de fonctions à très haute responsabilité, comme par exemple celle de chef de l'armée ou de procureur général de la Confédération.

Pour la commission, une réflexion doit être menée sur une meilleure implication du Conseil fédéral lors de la procédure de sélection des personnes amenées à remplir de telles fonctions.

Recommandation 1

Procédure de sélection des personnes amenées à occuper des postes à très haute responsabilité

La CdG-N demande au Conseil fédéral de lui indiquer quelles mesures il entend prendre sur la base de ce rapport pour améliorer le processus de sélection des personnes amenées à occuper des postes à très haute responsabilité et pour garantir qu'en plus des qualifications techniques et de conduite une attention appropriée soit aussi portée aux exigences en termes d'adéquation entre le caractère des candidats et la fonction. En outre, la commission attend du Conseil fédéral que les mesures proposées témoignent d'une réflexion de fond sur le rôle de ce dernier lors des nominations des plus hauts cadres de l'administration.

3031

4.1.3

Comportement du chef du DDPS par rapport à la procédure pénale en cours

De l'avis de la commission, le chef du DDPS a mal évalué l'importance potentielle de l'existence d'une procédure pénale en cours pour contrainte et autres délits contre un candidat au poste de l'armée et n'a ainsi dans ce cas pas agi avec le soin nécessaire.

Si la CdG-N peut admettre que la prise en compte d'une telle procédure à l'encontre d'un candidat ne soit pas faite de manière systématique, elle est d'avis que dans ce cas particulier, au vu de la fonction concernée et du type d'accusations, il aurait fallu être extrêmement attentif.

Etant parti du principe qu'il devait s'agir d'une séparation difficile comme tant d'autres, le chef du DDPS n'a pas cherché à savoir ce qui se cachait derrière les accusations de «contrainte etc.». Désireux de respecter la vie privée des candidats, il aurait de plus estimé que ce n'était pas à lui de juger du contenu de la procédure pénale en cours, mais en premier lieu au Ministère public zurichois et en second lieu au service spécialisé CSP. Et cela bien que le chef du DDPS savait que la décision des autorités pénales zurichoises et celle du service spécialisé CSP n'interviendraient qu'après la nomination.

La commission est d'avis qu'indépendamment de l'appréciation rendue par le Ministère public zurichois (appréciation pénale) et par le service spécialisé CSP (appréciation sur le risque pour la sécurité), le chef du DDPS aurait dû exiger ces informations pour pouvoir évaluer si le candidat choisi disposait des caractéristiques requises en termes de personnalité (intégrité, résistance aux situations de stress, etc.)

pour un futur chef de l'armée.

Si la CdG-N comprend l'argument selon lequel une plainte pénale peut se révéler être sans fondement (principe de la présomption d'innocence) et que son existence ne suffit donc pas à elle seule pour éliminer un candidat d'une procédure de sélection, elle est d'avis qu'au vu du type d'accusations (contrainte etc.) et de la fonction visée (chef de l'armée), il aurait été nécessaire de prendre connaissance du contenu exact de la procédure afin de disposer de toutes les informations nécessaires à une évaluation en connaissance de cause du risque encouru en proposant un tel candidat au Conseil fédéral.

La commission considère donc qu'il aurait été du devoir du chef du DDPS d'exiger de Roland Nef que ce dernier l'informe
sur le contenu exact de la procédure avant sa nomination par le Conseil fédéral.

Si un candidat refuse de fournir les informations demandées, il convient alors d'examiner l'opportunité de l'exclure de la procédure de sélection. Dans le cas présent, cela aurait dû conduire à une exclusion.

Le chef du DDPS avait dès décembre 2006 donné mandat au chef de l'armée de suivre l'évolution de la procédure pénale en cours. Force est toutefois de constater que d'une part le chef de l'armée a lui aussi sous-estimé les implications potentielles de celle-ci (voir ci-dessous ch. 4.1.4.) et que, d'autre part, la manière dont ce mandat a été délivré et suivi témoigne du fait que le chef du DDPS n'avait pas pleinement conscience des enjeux.

3032

En effet, le mandat demandait au chef de l'armée de suivre cette «affaire», mais non de prendre connaissance du contenu exact de la procédure afin de pouvoir juger si le candidat était adéquat pour le poste et conseiller le chef du DDPS en conséquence.

Par ailleurs, la commission constate qu'une fois le mandat donné il n'y a pas d'indices indiquant que le chef du DDPS en ait assuré le suivi. En particulier, le chef du DDPS n'est pas retourné auprès du chef de l'armée pour informer ce dernier du fait qu'il ne s'agissait plus seulement de suivre cette «affaire» en lien avec un transfert horizontal de poste mais en vue d'une éventuelle nomination au poste de chef de l'armée.

Contrairement aux assertions du chef du DDPS dans les médias et devant les deux CPS en juillet 2008, force est de constater, au vu des différentes auditions, que ce n'est pas en avril 2007 qu'il a été informé pour la première fois de l'existence d'une procédure pénale mais qu'il en avait déjà entendu parler le 14 novembre 2006, même si c'était de façon rudimentaire, par l'auditeur en chef de l'armée. Par la suite, le chef du DDPS a été rendu attentif à plusieurs reprises par le chef de l'armée à la procédure pendante. Il est donc difficile de croire que le chef du DDPS ne s'en soit pas souvenu alors même qu'il avait donné consigne de suivre l'affaire. Le chef du DDPS porte la responsabilité principale du fait que, de novembre 2006 jusqu'à la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée par le Conseil fédéral, respectivement jusqu'à son entrée en fonction au début de l'année 2008, tous les signes sur la procédure pénale en cours ont été négligés. Le fait que Roland Nef ait tout entrepris pour minimiser les tenants et aboutissants de la procédure pénale n'amoindrit en rien la responsabilité du chef du DDPS.

Enfin, le peu d'attention que le chef du DDPS a porté à la procédure pénale est également visible dans le fait que le 6 juin 2007, juste avant la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée par le Conseil fédéral, le chef de l'armée a rappelé une nouvelle fois au chef du DDPS qu'une procédure pénale était en cours et que ce dernier a alors chargé le chef de l'armée d'avoir un entretien dans les plus brefs délais avec Roland Nef et de le tenir informé de ses conclusions dans les 24 heures ­ ceci alors même que
le chef du DDPS avait déjà décidé de proposer au Conseil fédéral de nommer Roland Nef au poste de chef de l'armée lors de sa séance du 8 juin 2007.

Aux yeux de la CdG-N, le comportement du chef du DDPS témoigne d'un excès de confiance envers Roland Nef ­ et en particulier envers les affirmations de ce dernier selon lesquelles la procédure était sur la voie d'être suspendue ­, qui ne peut se justifier lorsqu'il s'agit de nommer un nouveau chef de l'armée et qui de ce fait relève d'un manque de diligence.

A l'issue de ses travaux, la commission arrive à la conclusion que le chef du DDPS a commis une erreur lourde de conséquences en proposant au Conseil fédéral de nommer Roland Nef au poste de chef de l'armée. Le Conseil fédéral a ainsi dû décider d'une nomination politiquement extrêmement importante sans disposer de toutes les informations nécessaires pour ce faire.

3033

4.1.4

Comportement des autres acteurs par rapport à la procédure pénale en cours

D'après les informations recueillies par la CdG-N, plusieurs autres personnes travaillant au DDPS ont eu connaissance de l'existence d'une procédure pénale en cours contre Roland Nef et/ou de la perquisition menée fin janvier 2007, en particulier l'auditeur en chef de l'armée, le chef de l'armée, le chef de la PIO et l'officier général adjoint du chef de l'armée.

La commission n'a pas pu établir avec certitude dans quelle mesure d'autres personnes auraient eu connaissance de cette affaire.

Il est important de préciser qu'au moment où les personnes susmentionnées prennent connaissance de cette information (fin 2006­début 2007), aucune d'entre elles ne sait que Roland Nef sera candidat au poste de chef de l'armée, encore moins qu'il sera effectivement choisi pour cette fonction.

La commission considère que, indépendamment de la candidature de Roland Nef au poste de chef de l'armée, le fait qu'une procédure pénale pour contrainte accompagnée d'une perquisition soit menée contre un haut officier d'état-major constitue déjà en soi un problème sur lequel il faudrait impérativement se pencher.

La CdG-N considère que l'auditeur en chef a réagi de manière appropriée en informant le chef du DDPS, puis le chef de l'armée, que l'OAC a délivré aux autorités de poursuite pénale zurichoises une autorisation d'ouvrir respectivement de continuer une poursuite pénale pour contrainte contre le brigadier Roland Nef. En revanche, le fait qu'il ait transmis cette information oralement à la fin d'une discussion portant sur un autre thème a augmenté le risque que le chef du DDPS n'y consacre pas l'attention nécessaire.

En outre, la commission estime aussi que l'auditeur en chef n'aurait pas dû répondre ­ ou du moins pas de cette façon ­ à la question du chef de l'armée consistant à savoir si l'existence de la procédure pénale en cours pourrait poser problème en lien avec un éventuel transfert horizontal de fonction de Roland Nef. L'auditeur en chef a certes expliqué à la CdG-N n'avoir répondu par la négative qu'en se basant sur des critères formels (transfert horizontal de poste et non promotion) et non sur une appréciation des implications éventuelles de cette procédure sur les qualifications professionnelles de Roland Nef. Il a aussi expliqué qu'il n'a donné là que son avis, étant entendu qu'il n'a de toute façon
aucune compétence décisionnelle en la matière. La CdG-N est cependant d'avis que sa réponse aurait dû être plus prudente et nuancée. L'auditeur en chef devait partir de l'idée que sa première appréciation pourrait avoir des conséquences. Il n'aurait pas dû donner cette appréciation sans s'être informé au préalable de manière plus précise sur le dossier.

Le 18 décembre 2006, le chef du DDPS a donné pour mandat au chef de l'armée de suivre l'évolution de la procédure pénale en cours. Force est de constater que ce dernier a lui aussi sous-estimé les implications potentielles de celle-ci et que son comportement témoigne également d'un excès de confiance envers Roland Nef. Le chef de l'armée a expliqué à la CdG-N que, se basant sur les propos de Roland Nef selon lesquels il s'agissait d'exigences financières de la part de son ex-compagne, il est lui aussi parti du principe qu'il devait uniquement s'agir d'une séparation difficile comme tant d'autres et n'a pas cherché à savoir ce qui se cachait derrière les soupçons de «contrainte etc.».

3034

Si la CdG-N peut comprendre les explications du chef de l'armée selon lesquelles il ne voulait pas s'immiscer dans une procédure judiciaire en cours en raison de la séparation des pouvoirs et tenait à respecter la vie privée de ses subordonnés, elle est d'avis qu'au vu du mandat qu'il avait reçu du chef du DDPS il aurait dû non seulement interroger Roland Nef sur l'état de la procédure, mais exiger de ce dernier qu'il l'informe sur le contenu de celle-ci, et cela déjà lorsqu'il était question du transfert horizontal de poste et du commandement de la formation char/artillerie.

En effet, le fait qu'un contrôle de sécurité relatif aux personnes soit obligatoire ou non dans une situation donnée ne suffit pas à répondre à la question de savoir si l'existence d'une procédure pénale en cours pour contrainte pose ou pourrait poser problème en relation avec une fonction donnée.

De tous les acteurs mentionnés au début de ce sous-chapitre ayant eu connaissance de la procédure pénale, le chef de l'armée est le seul à avoir appris avant le jour de la nomination que Roland Nef était pressenti pour lui succéder.

La commission estime qu'il s'est laissé rassurer de manière excessive par les propos de Roland Nef lors de leur entretien du 6 juin 2007 ­ dont il convient de rappeler que les versions du chef de l'armée et de Roland Nef divergent tant sur la durée que sur le contenu de la discussion ­ et aurait dû exiger de ce dernier des informations plus complètes afin de pouvoir évaluer la situation en toute connaissance de cause et conseiller le chef du DDPS en conséquence. La CdG-N a pris note des regrets du chef de l'armée à cet égard et du fait que si c'était à refaire il procèderait différemment.

La commission relève que le chef de l'armée n'ayant pas fait partie du groupe consultatif, il n'a su que le 6 juin 2007 que Roland Nef était maintenant le candidat favori pour le poste.

Par ailleurs et ainsi que déjà mentionné dans le ch. 2.2, certains membres du groupe consultatif n'ont tout au plus entendu qu'«en passant» que Roland Nef avait encore une affaire privée à régler, mais n'ont pas été informés du fait qu'il s'agissait d'une procédure pénale pour contrainte.

La CdG-N est d'avis que la procédure choisie était fondamentalement correcte, mais que sa mise en oeuvre a laissé à désirer et n'a pas favorisé
une vue d'ensemble qui aurait permis aux acteurs impliqués de réaliser les implications potentielles de la procédure pénale en cours et de mettre en garde le chef du DDPS sur les risques et conséquences d'une nomination de Roland Nef à la tête de l'armée.

4.2

Exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes concernant Roland Nef

4.2.1

Nomination de Roland Nef au poste de commandant de la formation char/artillerie

En tant qu'officier général, Roland Nef était déjà soumis à l'obligation de subir un contrôle de sécurité élargi, sans audition, conformément à l'art. 11 LMSI. Son dernier CSP a eu lieu en 2005 et s'est déroulé sans problème. Lorsqu'il s'est agi, le 18 décembre 2006, de préparer la proposition au Conseil fédéral de confier au brigadier Roland Nef la fonction de commandant de la formation char/artillerie, la procédure pénale en cours a été évoquée pendant l'entretien entre le chef de l'armée et le 3035

chef du DDPS. Toutefois, ils n'ont pas envisagé la possibilité d'un contrôle anticipé.

Les deux interlocuteurs ont estimé en effet qu'une telle démarche n'était ni nécessaire ni opportune pour une affectation à un autre poste sans promotion à un grade militaire supérieur.

La loi ne prescrit certes pas impérativement une répétition du contrôle dans une situation de ce genre. Une telle répétition est toutefois possible. En effet, l'ordonnance concernée prévoit expressément qu'une répétition du contrôle peut être demandée avant la prise en charge de nouvelles tâches (art. 19, al. 3, OCSP).

De l'avis de la CdG-N, le chef du DDPS et le chef de l'armée ont laissé passer là une première occasion d'examiner si cette procédure pénale pouvait constituer un problème pour la sécurité ou non.

4.2.2

Nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée

4.2.2.1

Eté 2007: le service spécialisé CSP renonce à consulter le dossier

La commission a examiné le déroulement du CSP de Roland Nef suite à sa nomination comme chef de l'armée. L'enquête menée a révélé aussi bien des erreurs de la part de certaines des personnes impliquées que des défauts et lacunes systématiques dans la réglementation et la pratique en vigueur en matière de contrôles de sécurité relatifs aux personnes.

Le chef de la PIO et le chef du service spécialisé CSP n'ont pas répondu vis-à-vis de la CdG-N de manière concluante à la question consistant à expliquer les raisons pour lesquelles la décision a été prise le 2 août 2007 de renoncer à consulter les documents relatifs à la procédure pénale en cours pour contrainte etc. Au vu d'exemples antérieurs, le service spécialisé CSP aurait dû savoir que, par manque de base légale suffisante, il pourrait ne plus être possible de consulter le dossier ultérieurement, c'est-à-dire après la clôture ou la suspension de la procédure28.

La CdG-N n'est pas parvenue à éclaircir précisément les raisons pour lesquelles le chef de la PIO et le chef suppléant du service spécialisé CSP ont décidé, le 2 août 2007, de ne pas consulter le dossier de la procédure pénale en cours pour contrainte et autres délits. Les raisons invoquées par le chef du service spécialisé CSP et le chef 28

La LMSI ne prévoit que le service spécialisé CSP puisse demander des renseignements que sur «des procédures pénales en cours» (art. 20, al. 2, let. d, LMSI). Les travaux préparatoires relatifs à l'article concerné permettent de conclure que la CAJ-E, qui avait traité cet objet à l'époque, voulait régler explicitement la question des renseignements sur des procédures pénales en cours, parce qu'elle est particulièrement délicate à l'égard de la présomption d'innocence. Il ne ressort toutefois pas manifestement de ces travaux préparatoires que la CAJ-E souhaitait ainsi empêcher l'obtention de renseignements sur des procédures pénales closes. Dans le mesure où il serait tout à fait judicieux que le service spécialisé CSP puisse obtenir aussi des renseignements sur des procédures closes ou suspendues, la DélCdG avait recommandé, en 2004 déjà, aux chefs du DDPS et du DFJP de mentionner également, lors de la prochaine révision de la LMSI, les procédures pénales closes à l'art. 20, al. 2, let. d. Cette recommandation n'a cependant pas été prise en considération lors de la révision en cours, raison pour laquelle la DélCdG a prié la CAJ-N, le 28 février 2008, de se renseigner plus avant auprès du DFJP sur les motifs de cette non prise en compte.

3036

de la PIO, selon lesquelles ils auraient décidé d'attendre parce que l'évaluation du risque ne doit s'appuyer que sur des informations avérées29 et qu'il n'y avait de plus pas urgence, n'ont guère convaincu la CdG-N. Au vu des conséquences qu'une décision négative relative au risque aurait entraînées, que ce soit pour Roland Nef, pour l'armée ou pour le chef du DDPS, la commission estime que l'urgence était même des plus grandes s'agissant d'éclaircir la question de savoir si Roland Nef présentait ou non un risque pour la Suisse en termes de sécurité. Ce d'autant plus que le service spécialisé CSP, selon le dossier du CSP de Roland Nef, partait luimême du principe qu'un tel risque pouvait exister après avoir appris l'existence de la procédure pénale en cours.

Aux yeux de la commission, la question demeure ouverte de savoir si et si oui dans quelle mesure l'intention déclarée de l'avocat de Roland Nef de discuter avec le service spécialisé CSP du résultat de la consultation du dossier pénal par ce service a influé sur la décision ultérieure dudit service de renoncer, pour le moment, à cette consultation. L'objectif visé par cette déclaration d'intention de la part de l'avocat de Roland Nef ne se laisse pas déduire des pièces du dossier que les autorités de poursuite pénales compétentes ont mises à disposition de la CdG-N. Quoi qu'il en soit, il apparaît que précisément sur ce point la note de la procureure ne correspond pas à celle du chef suppléant du service spécialisé CSP du 2 août 2007, cette dernière ne faisant pas mention de cet élément (cf. p. 3012).

4.2.2.2

Eléments ayant mené à une décision positive relativement au risque

La CdG-N considère que les responsables du service spécialisé CSP ont été soumis à une pression considérable en vue de prendre une décision positive relativement au risque, et cela aussi bien durant la phase de préparation de l'audition du 13 décembre 2007 que lors de l'audition elle-même ainsi que lors de l'établissement de la décision finale relative au risque. Ce d'autant plus que Roland Nef avait retiré, le 29 novembre 2007, son autorisation au service spécialisé CSP de recueillir des renseignements auprès des registres du DFJP ainsi qu'auprès des autres services de la Confédération et des cantons.

A quoi s'ajoute que les collaborateurs du service spécialisé CSP ont eu affaire, avec Roland Nef, au futur chef de leur service et, avec le chef du DDPS, à leur plus haut supérieur, une situation que l'indépendance formellement garantie de l'évaluation des risques respectivement du service spécialisé CSP ne pouvait suffire à amoindrir.

Autant que la CdG-N ait pu en juger, aucune pression ­ en tout cas aucune pression ouverte ou directe ­ n'a toutefois été exercée par la hiérarchie.

Le service spécialisé CSP devait être conscient du fait que toute autre décision de sa part aurait probablement conduit à ce que le chef du DDPS doive suspendre l'entrée en fonction de Roland Nef.

29

Si c'était le cas, la LMSI ne prévoirait pas expressément que le service spécialisé CSP peut demander «des renseignements relatifs à des procédures pénales en cours», ce qui suppose qu'il s'agit par définition d'un ou de plusieurs états de fait qui ne sont pas encore éclaircis.

3037

Dans un tel contexte, la CdG-N estime que l'audition de Roland Nef aurait incombé au chef du service spécialisé CSP. En effet, l'audition a démontré que les deux enquêteurs n'étaient pas à la hauteur de leur tâche. Ils étaient désireux de ne pas froisser le futur chef de l'armée, que ce soit en lui posant des questions désagréables ou en lui demandant de manière claire et sans équivoque d'informer le chef du DDPS de manière complète sur le contenu de la procédure pénale engagée contre lui pour contrainte et autres délits. Leur «gêne» les a plusieurs fois amenés à donner des interprétations positives des réponses ambiguës ou partielles de Roland Nef sans qu'une raison n'ait objectivement exigé une telle attitude.

La solution créée sur mesure par le service spécialisé CSP, et consistant à inclure le chef du DDPS là-dedans au travers d'une attestation imparfaite signée par les deux parties, afin de pouvoir tout de même délivrer une décision positive relativement au risque a irrité la CdG-N.

Bien que le service spécialisé CSP ait constaté un risque accru pour la sécurité en raison de la procédure pénale engagée pour contrainte et autres délits, il n'a pas insisté auprès de Roland Nef pour que ce dernier lui délivre à nouveau l'autorisation nécessaire à la consultation du dossier pénal. Au lieu de cela, en exigeant de Roland Nef qu'il informe le chef du DDPS de manière complète sur le contenu, il a délégué de manière tacite à ce dernier la responsabilité d'évaluer le risque en termes de sécurité. Ce faisant, il a entièrement laissé à Roland Nef le soin de décider s'il allait et si oui, dans quelle mesure il informerait réellement le chef du DDPS. Roland Nef a ainsi été placé dans une position qui lui laissait toute latitude pour ne satisfaire que partiellement à la demande qui lui avait été faite.

En outre, les choses ont encore été compliquées par le fait que le service spécialisé CSP ne connaissait manifestement pas la portée des nouvelles dispositions introduites dans le CP (cf. ch. 3.4) et qu'il est donc parti du principe, à tort, que le règlement ou la suspension d'une procédure pénale ne pouvait que signifier que l'état de fait concerné n'était pas avéré.

Le service spécialisé CSP justifie sa façon de procéder par le fait qu'il s'agissait, conformément à la jurisprudence du TAF (TAF) et de la
commission de recours DDPS, de réduire les risques qu'une personne puisse être soumise au chantage en s'assurant que le supérieur de cette personne est informé du contenu de la procédure pénale. La jurisprudence en question considérant en effet qu'une personne ne peut plus faire l'objet de chantage dès lors que son supérieur est déjà au courant.

Le service spécialisé CSP ne s'est pas rendu compte que dans le cas précis de Roland Nef une telle information ne peut pas être suffisante, le chef de l'armée occupant une position particulièrement exposée sur le plan médiatique. D'après leurs propres déclarations, le chef de l'armée et le chef du DDPS auraient évoqué expressément avec Roland Nef un possible intérêt des médias pour la procédure en cours, mais celui-ci se serait montré sûr de lui et aurait dissipé toutes leurs craintes.

La jurisprudence se réfère à la valeur médiatique («Spektakelwert») d'une information compromettante pour désigner une situation de ce genre.

A ce propos, le service spécialisé CSP a indiqué à la CdG-N que la jurisprudence avait toujours refusé de reconnaître la valeur médiatique comme un élément pertinent du point de vue de la sécurité. Or, force est de constater que cela n'est pas tout à fait exact. Dans une décision de la commission de recours DDPS, on peut lire que la seule référence à la valeur médiatique ne saurait justifier un risque accru pour la 3038

sécurité, mais que la valeur médiatique d'un délit joue un rôle dans l'évaluation du risque lorsque le danger existe de voir la personne évaluée commettre pour cette raison, c'est-à-dire afin d'éviter une mise au pilori publique, des actes entraînant un préjudice ou une menace pour la sécurité publique. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que cette personne représente effectivement un risque pour la sécurité (arrêt rendu en langue allemande, et non traduit, par la commission de recours DDPS en date du 19 novembre 2004, 410.10/04).

Par ailleurs, le TAF a relevé que pour évaluer si quelqu'un représente dans l'exercice de sa fonction un risque accru pour la sécurité au sens de la LMSI, il convient de prendre en considération l'intérêt concret de protection de l'Etat. «Sont décisifs la fonction ou l'activité exactes de la personne concernée respectivement le fait qu'elle occupe une fonction sensible du point de vue de la sécurité. Plus cette sensibilité est élevée, plus l'existence d'un risque pour la sécurité est probable.» (arrêt rendu en langue allemande, et non traduit, par le TAF en date du 6 août 2007, E. 9.1, A-705/2007). Or, il est inutile de préciser que le chef de l'armée occupe l'une des fonctions les plus sensibles de notre pays du point de vue de la sécurité.

Sous ces conditions, le fait que le service spécialisé CSP n'ait plus eu accès aux données pertinentes suite au retrait par Roland Nef de l'autorisation de consultation et que ce dernier n'était pas disposé à donner des renseignements sur le contenu de la procédure pénale, aurait dû déboucher pour le moins sur une constatation établie par manque de données disponibles30, ou alors sur une décision sur le risque assortie de réserves31, voire sur une décision négative relativement au risque32. Un avertissement en ce sens de la part du service spécialisé CSP aurait au moins permis qu'une chance réelle subsiste d'obtenir les informations requises avant l'entrée en fonction de Roland Nef ou de repousser l'entrée en fonction.

La décision positive relativement au risque qui a été finalement prise par le service spécialisé CSP était à même de renforcer auprès du chef du DDPS l'impression selon laquelle la procédure pénale ne reposait sur rien de sérieux. Le chef du DDPS n'avait pas connaissance de l'évaluation finale du risque faite en
interne par le service spécialisé CSP. Il ignorait que ce dernier n'avait pas eu connaissance du contenu de la procédure pénale, tout comme il ignorait que Roland Nef avait retiré son autorisation à la consultation du dossier. Seul un contact direct entre le service spécialisé CSP et le chef du DDPS aurait permis à ce dernier de juger la situation conformément aux faits.

La CdG-N estime que, sur ce point également, le chef du DDPS a laissé passer un signal d'alarme, ou en tout cas qu'il l'a pris à la légère, en visant d'un «vu» («eingesehen») une déclaration de Roland Nef confirmant qu'il l'avait informé de manière complète sur le contenu («inhaltlich vollumfänglich») de la procédure, alors même que le chef du DDPS savait qu'une telle information n'avait jamais eu lieu.

30 31 32

art. 21, al. 1, let. d, OCSP; le service spécialisé n'est pas en mesure de récolter les données nécessaires pour prendre une décision relativement au risque.

art. 21, al. 1, let. b; le service spécialisé estime que la personne considérée pourrait présenter un risque pour la sécurité.

art. 21, al. 1, let. c; le service spécialisé estime que la personne considérée présente effectivement un risque pour la sécurité.

3039

4.2.2.3

Transmission des informations

La CdG-N constate que de nombreux problèmes se sont posés au niveau de la transmission des informations. En particulier, le chef du service spécialisé et le chef de la PIO sont partis du principe que les informations qu'ils transmettaient à l'officier général adjoint du chef de l'armée seraient transférées au chef du DDPS via le chef de l'armée, ce qui n'a pas été le cas pour des raisons qui n'ont pas pu être définitivement clarifiées.

Dans le cas présent, il aurait fallu que le service spécialisé CSP informe par écrit le chef du DDPS des problèmes qui s'étaient posés dans le cadre de l'exécution du contrôle de sécurité de Roland Nef afin que ce dernier soit en mesure d'évaluer la situation en connaissance de cause.

La commission est effectivement très sensible aux arguments concernant la protection des données personnelles des personnes soumises à ce contrôle. Elle estime que, justement pour cette raison, ce type très sensible d'informations ne devraient pas sortir du cadre du service spécialisé CSP autrement que pour être transmises au supérieur direct. Ce d'autant plus que le service spécialisé est responsable des contrôles pour l'ensemble des collaborateurs de l'administration fédérale et non seulement pour ceux du DDPS.

Pour la commission, il est nécessaire que des directives soient édictées qui posent clairement le principe de l'indépendance du service spécialisé CSP et qui règlent les flux d'information en conséquence.

4.2.2.4

Moment de l'exécution du contrôle de sécurité

La CdG-N a constaté que la teneur de l'art. 19, al.3, LSMI concernant le moment fixé pour procéder à un contrôle de sécurité n'est pas identique dans les trois langues officielles (cf. ch. 3.2). Cette situation n'est pas satisfaisante et doit être éclaircie et réglée au plus vite.

Pour la commission se pose aussi la question de savoir si pour les plus hautes fonctions de l'administration fédérale le contrôle de sécurité ne devrait pas en principe être effectué avant la nomination.

La CdG-N a pris connaissance des mesures immédiatement prises par le DDPS dans le domaine des CSP. Au-delà de ces mesures, elle formule les recommandations suivantes: Recommandation 2

Consultation des dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues

La CdG-N recommande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LMSI, les mesures nécessaires soient prises afin que lors de contrôles de sécurité relatifs aux personnes du plus haut niveau, le service spécialisé CSP puisse aussi consulter les dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues.

3040

Recommandation 3

Subordination du service spécialisé CSP

Le Conseil fédéral veille à ce que le service spécialisé CSP soit détaché du DDPS et examine la possibilité de le rattacher à la Chancellerie fédérale ou à un département dans lequel il n'y a que peu de fonctions soumises aux contrôles de sécurité relatifs aux personnes.

Recommandation 4

Directives sur le statut du service spécialisé CSP et la transmission des informations

La CdG-N demande au Conseil fédéral de veiller à l'établissement de directives posant clairement le principe de l'indépendance du service spécialisé CSP et réglant les flux d'information en conséquence.

Recommandation 5

Moment de l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes

La CdG-N demande au Conseil fédéral d'examiner l'opportunité d'effectuer un contrôle de sécurité relatif aux personnes avant la nomination pour certaines hautes fonctions à très haute responsabilité. En outre, la commission demande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LSMI, les mesures nécessaires soient prises afin que la teneur de l'art. 19, al. 3, LMSI soit identique dans les trois langues officielles.

4.3

Comportement de Roland Nef

La commission a constaté que durant toute la procédure de sélection Roland Nef a pris un grand soin à séparer ce qu'il considérait relever de sa vie privée de ce qu'il considérait relever de sa fonction et à cloisonner l'information en conséquence.

Eu égard à l'importance de la fonction de chef de l'armée, le devoir d'information et le devoir de loyauté auraient exigé de Roland Nef qu'il informe de lui-même le chef du DDPS et/ou le chef de l'armée sur le contenu exact de la procédure en cours avant d'être nommé à la tête de l'armée.

De l'avis de la commission, lorsqu'un candidat envisage de diriger l'armée suisse, il ne peut plus partir du principe qu'une procédure pénale en cours contre lui est une affaire uniquement personnelle, et cela même si elle concerne le domaine privé.

Au vu de ce qui précède, la CdG-N considère que le devoir d'information de Roland Nef en tant que candidat au poste de chef de l'armée englobait non seulement le devoir d'informer sur l'existence d'une procédure pénale en cours mais aussi sur son contenu pertinent et ceci indépendamment de l'opinion personnelle de Roland Nef sur le caractère hautement privé de l'affaire.

3041

La CdG-N a pu constater lors de ses auditions que le chef du DDPS et le chef de l'armée avaient placé une grande confiance en Roland Nef, ceci particulièrement en raison de ses compétences professionnelles par ailleurs incontestées par les personnes entendues ainsi que de ses vingt ans de services au sein de l'armée. Aux yeux de la CdG-N, Roland Nef aurait dû répondre à cette grande confiance par une ouverture correspondante.

Si la commission considère que le chef du DDPS et le chef de l'armée auraient dû exiger des informations complètes de manière explicite, elle considère aussi que l'attitude de Roland Nef a largement contribué à ce que la procédure pénale en cours ne soit pas considérée avec l'attention requise et qu'en conséquence les informations la concernant ne soient pas exigées.

Par ailleurs, la CdG-N constate que le comportement de Roland Nef lors de l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes témoigne lui aussi du cloisonnement répété des informations qu'il considérait relever de sa vie privée et de celles qu'il considérait pertinentes au vu de sa future fonction.

L'attitude de Roland Nef lors de l'exécution de ce contrôle ayant déjà été décrite dans le ch. 2.4, la commission renonce ici à entrer plus avant dans les détails.

Pour finir, Roland Nef a aussi refusé vis-à-vis de la CdG-N de donner des renseignements sur le contenu de la procédure pénale ainsi que de lui accorder l'autorisation de prendre connaissance des documents y relatifs. Pour cette raison, la CdG-N n'a pas été en mesure d'estimer si ces informations auraient contenu des éléments à sa décharge.

4.4

Importance de la procédure pénale pour l'examen de la CdG-N

La CdG-N ne doute pas que ­ comme l'a déclaré la Direction de la Justice et de l'Intérieur du canton de Zurich le 1er septembre 2008 ­ l'enquête pénale sur Roland Nef n'ait été menée correctement, c'est-à-dire indépendamment de la personne et de la situation du prévenu, et que la suspension de la procédure sur la base de l'art. 53 CP était justifiée.

Dans le cadre de son enquête, il est important pour la commission de constater que la procédure pénale engagée contre Roland Nef pour contrainte et autres délits a été suspendue parce que les conditions d'une exemption de peine selon l'art. 53 CP étaient remplies. La question de l'absence ou de l'existence d'agissements pénalement répréhensibles reste cependant ouverte.

Ainsi, on ne peut donc pas déduire de la clôture de la procédure que celle-ci ne reposait sur rien et qu'un intérêt public à ce que l'organe de nomination connaisse le contenu concret de la procédure n'existe pas respectivement n'ait pas existé.

Au contraire, la fonction de chef de l'armée exigeant une grande intégrité personnelle et une réputation irréprochable aux termes des exigences liées à la fonction prévues à l'art. 5, al. 1, let. f, O pers mil, il existait un intérêt public à répondre à la question de savoir quel comportement présumé de Roland Nef avait conduit à l'ouverture d'une procédure pénale, cela en lien avec l'analyse des risques et l'examen des traits de caractère requis dans la procédure de sélection.

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On doit pouvoir attendre d'un futur chef de l'armée qu'il fasse preuve de qualités personnelles garantissant que, en situation de crise respectivement dans des circonstances particulières ou exceptionnelles, il n'abusera pas de sa position.

Quant au fait qu'il aurait été important de connaître le contenu concret de la procédure pénale suspendue en vertu de l'art. 53 CP pour juger d'un risque éventuel pour la sécurité de la Suisse, il n'y a pas lieu de l'expliciter plus avant (cf. ch. 4.2).

Faute de n'avoir pu consulter le dossier d'enquête établi par l'autorité de poursuite pénale compétente, la CdG-N n'a pu juger dans quelle mesure ces documents auraient pu permettre de déceler chez Roland Nef d'éventuels lacunes dans l'adéquation entre ses traits de caractère et la fonction visée qui auraient pu présenter un intérêt compte tenu celle-ci et de la réputation irréprochable qu'elle présuppose.

Elle n'a pas non plus été en mesure de déterminer si les agissements présumés de Roland Nef auraient pu conduire à un risque pour la sécurité nationale.

Eu égard à la haute fonction de chef de l'armée, la CdG-N est d'avis que l'intérêt public aurait commandé aux autorités fédérales compétentes de faire la lumière, au moins dans les grandes lignes, sur les tenants et les aboutissants de la procédure pénale engagée contre Roland Nef. La commission s'est forgé une opinion sur la base des documents dont elle a pu disposer de la part des autorités de poursuite pénale zurichoises. Le Ministère public I du canton de Zurich a mentionné que la procédure pénale avait été menée pour contrainte et autres délits suite à des accusations de harcèlement non insignifiantes relatives à des faits qui auraient eu lieu entre mars 2005 et décembre 2006 et qui seraient en lien avec la séparation de Roland Nef et de son ex-compagne. Cette procédure a finalement été suspendue le 23 octobre 2007, sur la base de l'art. 53 CP. Cependant, la CdG-N estime qu'il n'appartient pas à la haute surveillance de se substituer aux organes contrôlés, c'est pourquoi elle a décidé de renoncer à recourir contre la décision du Ministère public I du canton de Zurich du 6 novembre 2008.

4.5

Cessation des rapports de travail et indemnité de départ

Le 20 août 2008, sur proposition du chef du DDPS, le Conseil fédéral a décidé de mettre fin au 28 février 2009, d'un commun accord, aux rapports de travail avec Roland Nef en tant que chef de l'armée, au sens de l'art. 10 LPers. Parmi les éléments essentiels de l'accord, le Conseil fédéral a décidé notamment que Roland Nef recevrait une indemnité de 275 000 francs à la fin février 2009. En ce qui concerne la base légale de l'indemnité de départ, il est renvoyé à l'art. 19, al. 5 et 6, LPers, en relation avec les art. 78 et 79 OPers. L'indemnité fixée est légèrement inférieure à l'actuel salaire annuel de Roland Nef. Au cas où l'accord ne se concrétiserait pas, le Conseil fédéral a habilité le DDPS à résilier, dans le sens des éléments essentiels qu'il a lui-même définis, les rapports de travail avec Roland Nef au 31 mars 2009.

Aux yeux de la CdG-N, il n'est pas satisfaisant que le Conseil fédéral opte pour une cessation des rapports de travail d'un commun accord tout en allouant une indemnité de départ. D'une part, cette solution ne repose pas sur une base légale suffisante.

D'autre part, selon l'art. 19 LPers, une indemnité de départ n'est prévue que lorsque le contrat de travail est résilié sans qu'il y ait faute de l'employé.

3043

Dans son rapport concernant l'examen du fonctionnement des autorités de poursuite pénale de la Confédération, la CdG-N a déjà relevé qu'il n'existait pas de base légale suffisante permettant de verser des indemnités de départ lors d'une cessation d'un commun accord des rapports de travail.

Il revient par ailleurs au chef du DDPS respectivement au Conseil fédéral de déterminer s'il y a éventuellement eu violation de l'obligation d'informer de la part de Roland Nef dans le cadre de ses rapports de travail et de décider si, dans l'affirmative, le versement d'une indemnité de départ se justifie effectivement.

Recommandation 6

Indemnités de départ

La CdG-N demande au Conseil fédéral de régler de manière contraignante la situation juridique concernant le versement d'indemnités de départ en cas de cessation d'un commun accord des rapports de travail.

5

Suite des travaux

La CdG-N transmet au Conseil fédéral le présent rapport assorti de six recommandations en le priant de donner son avis d'ici à fin avril 2009. Elle invite le Conseil fédéral à lui indiquer quelles mesures il entend prendre sur cette base ainsi que leur délai de mise en oeuvre.

Le présent rapport est également transmis pour information aux Commissions de la politique de sécurité des deux Chambres et à la Commission de gestion du Conseil des Etats.

28 novembre 2008

Pour la Commission de gestion du Conseil national: Le président, Pierre-François Veillon La secrétaire, Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFAE/DDPS: Ruedi Lustenberger La secrétaire de la sous-commission DFAE/DDPS: Jacqueline Dedeystère

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