09.097 Message relatif à la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail sur les conditions d'emploi dans la navigation en haute mer du 27 novembre 2009

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'accepter, le projet d'arrêté fédéral concernant la convention du travail maritime adoptée le 23 février 2006 ainsi que la modification de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse qu'elle implique.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 novembre 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-1904

8141

Condensé L'Organisation internationale du Travail (OIT), sous l'égide de laquelle a été élaborée la convention du travail maritime, est une organisation des Nations Unies.

Elle est dotée d'une structure tripartite qui constitue un exemple unique dans le système des Nations Unies: au sein des organes de l'OIT, les 182 Etats membres sont représentés par des délégués des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Les activités centrales de l'OIT sont la formulation et la mise en oeuvre de normes du travail et de normes sociales internationales, dont notamment les conventions fondamentales de l'OIT, la promotion d'une mondialisation sociale et équitable, ainsi que la création de conditions de travail décentes comme élément crucial de la lutte contre la pauvreté.

Au vu du caractère global de l'industrie maritime, les gens de mer ont besoin d'une protection particulière. Les nombreuses conventions maritimes de l'OIT régissant les conditions de travail de cette catégorie de travailleurs adoptés à ce jour se révèlent insatisfaisants pour différentes raisons. Non seulement les 40 conventions maritimes et les 29 recommandations élaborées ne correspondent plus aux réalités actuelles, mais encore elles contiennent des normes rigides portant sur des points de détail, ce qui a incité un grand nombre d'Etats à renoncer à les ratifier. Pour ces motifs, il s'est avéré nécessaire de mettre sur pied un traité unique et cohérent, et qui intègre dans toute la mesure du possible les normes des conventions et recommandations internationales existant dans le domaine du travail maritime ainsi que les principes fondamentaux consacrés par d'autres conventions internationales du travail. L'entrée en vigueur de la convention du travail maritime entraînera l'abolition progressive des normes maritimes existant à l'OIT.

La convention du travail maritime renforce les droits des travailleurs pour 1,2 million de marins et définit des standards minimaux à l'échelon mondial. Elle fixe l'âge minimum obligatoire et les conditions d'aptitude au travail des gens de mer ainsi que des standards uniformes pour leur formation et leurs qualifications.

Des conditions de travail équitables pour les gens de mer, tels les salaires, la durée du travail et du repos, le droit à un congé ainsi que l'effectif minimum des navires font l'objet
de règles impératives. En outre, la convention prescrit que les navires, en tant que lieu de travail et de vie des gens de mer, doivent satisfaire à des exigences minimales en matière d'alimentation, de logement et d'installations de loisirs.

Elle prévoit aussi que des mesures élémentaires de protection de la santé soient mises en oeuvre à bord des navires et que la prise en charge médicale et sociale des gens de mer soit garantie. Les Etats signataires s'engagent de plus à adopter des mesures qui ouvrent à tous les gens de mer l'accès aux systèmes de sécurité sociale.

Les Etats ratifiant la convention s'engagent dès lors à contrôler le respect des prescriptions en matière de conditions de travail à bord des bâtiments naviguant sous leur pavillon et à le certifier.

La possibilité de faire contrôler par des tiers le respect des règles impératives de la Convention du travail maritime est un concept qui, lui aussi, sort de l'ordinaire.

Ainsi, dans le cadre des inspections effectuées par les Etats du port, les dispositions

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prévues doivent également être appliquées à des navires d'Etats tiers n'ayant pas ratifié la convention. Chaque bâtiment étranger faisant relâche dans le port d'un Etat ayant ratifié la convention pourra être soumis à un contrôle au regard des exigences de cette dernière. De la sorte, des critères globaux de contrôle seront appliqués qui empêcheront que des navires battant des pavillons de complaisance («flag of convenience») s'assurent des avantages concurrentiels en enfreignant les standards minimaux internationaux dans les domaines de la sécurité des navires, des conditions de travail et de la protection sociale.

En ratifiant la convention du travail maritime, la Suisse soutient son économie, permettra la libre circulation des importations et des exportations de marchandises et garantira l'approvisionnement du pays également en temps de crise. Les navires battant pavillon d'un Etat non-membre de la convention seront exposés au risque de faire l'objet d'un traitement non prioritaire dans les ports avec, pour conséquence, des retards dommageables au niveau des opérations de déchargement et de chargement du fret.

Une ratification de la convention du travail maritime témoigne de la volonté de la Suisse de promouvoir des conditions de travail équitables pour les employés et les employeurs. Les deux partenaires sociaux ont pris part activement et en étroite collaboration à l'élaboration du présent message. Aussi bien les représentants du patronat que ceux des salariés sont d'accord sur son contenu, ce qui augmente d'autant ses chances d'être accepté par le monde politique. En outre, une ratification de la convention aura pour effet de renforcer la compétitivité des compagnies suisses de navigation, dans la mesure où elle mettra de facto un frein à des conditions de travail inéquitables et, ce faisant, à des avantages concurrentiels obtenus indûment au détriment des gens de mer. Les bateaux qui naviguent sous notre pavillon doivent respecter la loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse (ci-après LNM)1 ainsi que l'ordonnance du 20 novembre 1956 sur la navigation maritime2. Cette législation garantit aujourd'hui déjà aux salariés engagés sur des navires suisses des conditions favorables en comparaison internationale. Pour cette raison, seules quelques adaptations
devront être apportées au droit national. Une ratification de la convention du travail maritime n'engendrera aucun inconvénient pour la Suisse.

La convention du travail maritime a fait l'objet d'une brève présentation dans le rapport du 30 mai 2008 (08.048) sur les instruments adoptés lors des 94e, 95e et 96e sessions de l'Organisation internationale du Travail, où la volonté du Conseil fédéral de ratifier la convention dans les meilleurs délais est également évoquée.

Le présent message a été soumis à la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l'OIT, commission extraparlementaire consultative qui regroupe des représentants de l'administration fédérale et des partenaires sociaux suisses. La commission a pris connaissance du message et donné son accord.

1 2

RS 747.30 RS 747.301

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Table des matières Condensé

8142

1 Principaux éléments de la convention 1.1 Etat de situation 1.2 Aperçu et genèse de la convention 1.3 Intérêts suisses

8145 8145 8146 8148

2 Commentaire relatif aux articles de la convention 2.1 Aperçu 2.2 Articles introductifs 2.3 Titre 1 Conditions minimales requises pour le travail des gens de mer à bord d'un navire 2.4 Titre 2 Conditions d'emploi 2.5 Titre 3 Logement, loisirs, alimentation et service de table 2.6 Titre 4 Protection de la santé, soins médicaux, bien-être et protection en matière de sécurité sociale 2.7 Titre 5 Respect et mise en application des dispositions

8149 8149 8149

3 Incidences financières et sur le plan du personnel

8163

8151 8153 8155 8156 8161

4 Intégration dans le programme de la législature

8164

5 Modification du droit national 5.1 Modifications de la loi sur la navigation maritime 5.2 Modification de l'ordonnance sur la navigation maritime

8164 8164 8166

6 Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Renonciation à une consultation

8167 8167 8167

7 Consultation de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l'OIT

8167

Arrêté fédéral portant approbation de la convention du travail maritime (Projet)

8169

Convention du travail maritime, 2006

8173

8144

Message 1

Principaux éléments de la convention

1.1

Etat de situation

La navigation maritime est aujourd'hui le secteur du travail le plus globalisé de la planète. Environ 1,2 million de gens de mer, originaires de toutes les parties du monde, vivent et travaillent sur des navires de haute mer. De même, de très nombreux marins se trouvent en congé à terre. Uniquement sur les navires battant pavillon suisse, on recense 659 marins de 17 nations différentes. Parmi eux, seuls huit personnes sont des ressortissants helvétiques. A cet effectif s'ajoute environ le même nombre de marins se trouvant en congé à terre.

Depuis quelques années, la navigation maritime a nettement gagné en importance.

Ces trois dernières années, 6500 nouveaux navires ont été immatriculés, et les volumes transportés ont augmenté de 100 %. On s'attend néanmoins à une croissance modérée au cours des prochaines années, même si la demande de matières premières des pays émergents tels la Chine reste considérable. La présente crise financière réduira passagèrement le trafic maritime des marchandises, avec, comme conséquence inéluctable, une pression accrue sur les conditions de travail des gens de mer.

Une pression qui se doublera de l'obligation de réduire les coûts pour les compagnies de navigation soumises à une concurrence plus forte du fait de la globalisation.

Or, cette tendance recèle le risque que l'on fasse des économies au détriment du personnel engagé sur les navires de haute mer. Une évolution qui n'est guère souhaitable quand on sait que des horaires de travail prolongés pour de bas salaires ont des conséquences au niveau de la sécurité. A preuve, les multiples accidents enregistrés en haute mer par le passé. De tels sinistres peuvent non seulement coûter des vies mais encore provoquer des désastres écologiques. Les conditions de travail actuelles dans la navigation maritime ont pour conséquence que la profession de marin n'attire bientôt plus personne. Dans les pays occidentaux, on observe une diminution massive de la relève. Or, du personnel bien formé est justement la garantie de l'approvisionnement de la population à l'échelle mondiale, condition de base de la prospérité. Dans ce contexte, la convention de travail maritime est propre à contribuer à l'avènement de conditions de travail stables et équitables, et dont on peut attendre qu'elles renforcent l'attrait de la profession.
De manière générale, les marins sont faiblement syndiqués et ignorent le plus souvent comment se défendre contre une violation de leur contrat de travail par les armateurs. L'organisation syndicale la plus connue dans le domaine de la navigation maritime est la Fédération internationale des ouvriers du transport qui rassemble plus de 600 syndicats du secteur des transports. Elle est active dans 135 pays et défend les intérêts directs de quelque 193 000 travailleurs de la mer. Pour le contrôle du respect des droits de ces salariés, l'organisation emploie 129 inspecteurs opérant à intervalles réguliers dans 42 ports maritimes. Fondé à Londres en 1896, ce syndicat puissant n'est en réalité considéré comme partenaire de négociation que depuis quelques années par les armateurs. L'adhésion au syndicat ne signifie toutefois pas que les travailleurs jouissent automatiquement des droits qui leur sont concédés par écrit. Souvent, les armateurs s'écartent du salaire convenu ou d'autres conditions contractuelles importantes. En particulier, ils ne reconnaissent pas aux gens de mer 8145

la totalité des droits qui leur sont accordés en vertu du contrat de travail standard négocié entre représentants des employeurs et des travailleurs. Un marin qui lutte pour obtenir son dû risque fort d'être inscrit sur une liste noire. Taxé de quérulent, le marin n'aura dès lors plus guère de chance de retrouver un travail.

Dans ce contexte, il était tout indiqué de mettre sur pied une solution assurant une protection complète des travailleurs de la mer et donnant aux autorités portuaires des instruments permettant de procéder à un contrôle effectif des conditions de travail.

De la sorte, les bases ont pu être jetées pour l'élaboration de cette convention du travail maritime globale.

Selon l'art. IV, ch. 5, de la convention du travail maritime, la mise en oeuvre de cet instrument peut être réalisée par la législation nationale par convention collective de travail (CCT), par d'autres mesures ou dans la pratique. La convention laisse donc une grande latitude pour assurer sa mise en oeuvre.

1.2

Aperçu et genèse de la convention

Lors de la 94e session de la Conférence internationale du Travail à Genève en février 2006, la convention du travail maritime 2006 a été adoptée par les représentants de 106 Etats ainsi que par des représentants des employeurs et des salariés. Le but visé était de créer un instrument international cohérent qui reprenne le contenu des conventions et recommandations internationales existantes de l'OIT dans le domaine maritime. Ont dès lors servi de base tous les instruments adoptés par l'OIT depuis ses débuts et qui avaient pour objectif de garantir les conditions de travail et de vie des gens de mer. Les instruments mis en place, qui contiennent de nombreuses dispositions aujourd'hui obsolètes du fait de l'évolution de la technique, ne devront plus être proposés à la ratification mais sont appelés à être remplacés par la convention du travail maritime globale. Une publication de l'OIT, datée de 2006, confirme que les conventions existantes de l'OIT concernant les conditions de travail maritime seront progressivement abolies du fait de la ratification de la convention du travail maritime par les Etats membres. Les Etats n'ayant pas ratifié la convention du travail maritime restent liés par les conventions qu'ils ont ratifiées. Une fois la convention du travail maritime ratifiée par un Etat, les conventions préexistantes ne lui sont plus ouvertes pour ratification.

Lors de l'adoption de la loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse (LNM) en 1953, la Suisse avait pris en compte tous les instruments en vigueur de l'OIT en matière de protection des conditions de travail des gens de mer qu'elle avait ratifiés à cette date. Or, dans l'intervalle, neuf autres conventions en rapport avec la navigation maritime ont été adoptées, lesquelles se résumaient quasi exclusivement au renouvellement de dispositions de conventions existantes ou à des prescriptions applicables spécifiquement au domaine de la pêche. Aussi, on peut considérer que l'essentiel des instruments de l'OIT mis en place pour le domaine de la navigation maritime ont été repris dans la législation suisse ou, à tout le moins, dans la CCT liant les armateurs aux représentants des gens de mer.

La nouvelle convention est appelée à constituer le quatrième pilier à côté des trois conventions principales de l'Organisation maritime internationale (OMI) ­ (International Maritime Organization ­ IMO). Il s'agit de la Convention internationale du

8146

17 juin 1960 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer3 (ci-après Convention SOLAS), de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, du 7 juillet 19784 (convention STCW) ainsi que de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (ci-après MARPOL). Cette dernière est entrée en vigueur pour la Suisse lors de la ratification du Protocole de 1978 relatif à la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, du 17 février 19785.

La mission fondamentale assignée à la convention du travail maritime est d'instaurer à l'échelle mondiale des conditions de travail qui soient à la fois uniformes et adaptées aux réalités pour l'ensemble des gens de mer. Au vu du caractère global de l'industrie maritime et du fait que, dans près de 80 % des accidents survenant en mer, le facteur humain joue un rôle décisif, une protection spéciale répond à une nécessité. En outre, du fait de cette dimension globale du travail en mer, les marins subissent souvent de fortes inégalités de traitement. Les armateurs qui pratiquent une concurrence déloyale au détriment de leurs employés ne doivent plus avoir leur place dans le monde de la marine marchande. Enfin, le besoin se fait sentir depuis longtemps de mettre en place un système efficace pour l'application concrète des normes en vigueur et l'élimination des navires réputés «substandard», c'est-à-dire ne respectant pas les normes.

Les Etats membres de l'OIT sont invités à ratifier sans retard la convention du travail maritime. A la date où trente pays au moins, représentant 33 % du tonnage mondial de la marine marchande, l'auront ratifiée, la convention entrera en vigueur dans un délai de douze mois. A ce jour, cinq Etats (le Liberia, les Bahamas, les îles Marshall, le Panama et la Norvège) l'ont fait. La Commission de l'UE a enjoint ses membres de ratifier la convention d'ici la fin 2010, ce qui permettrait une entrée en vigueur en 2011. L'efficacité de la convention sera particulièrement grande du fait que les navires d'Etats qui ne l'ont pas ratifiée seront également soumis à des contrôles quant au respect des dispositions prévues dans les ports d'autres pays. La violation des normes pourra avoir pour conséquence que les navires
en contravention battant pavillon d'Etats n'ayant pas ratifié la convention pourront subir des retards importants au niveau des formalités à accomplir et, dans le pire des cas, être immobilisés. Toutes situations entraînant des frais considérables pour les armateurs et susceptibles de nuire à l'image de l'Etat du pavillon concerné.

Pour les navires naviguant sous pavillon suisse, la convention n'apportera que peu de changements: notre législation sur la navigation maritime et les nouvelles normes se recouvrent déjà dans une large mesure, et le droit helvétique va même en partie au-delà. Par exemple, la Suisse a ratifié les huit conventions internationales de travail énumérées dans le préambule de la nouvelle convention.

La conclusion d'une convention collective de travail (CCT) ou d'un contrat collectif entre les représentants des gens de mer (UNIA) et l'ensemble des armateurs dont les navires battent pavillon suisse a permis de compléter certaines dispositions légales et, à certains égards, de les étendre de façon non négligeable en faveur des gens de mer. La CCT actuellement en vigueur sur l'ensemble des bateaux battant pavillon suisse accorde des conditions plus favorables, par exemple en matière de salaires, de durée du travail et du repos et d'assurances sociales.

3 4 5

RS 0.747.363.32 RS 0.747.341.2 RS 0.814.288.2

8147

1.3

Intérêts suisses

En tant que nation commerciale et industrielle, la Suisse est fortement tributaire du commerce mondial. Eu égard au rôle que joue la navigation maritime dans les échanges internationaux, une marine marchande efficace est d'une importance capitale pour notre pays. Or, force est de constater que toutes les grandes marines marchandes nationales sont souvent soutenues de manière parfois substantielle par les Etats, ce qui prouve combien cette branche est jugée essentielle non seulement pour des raisons de politique d'approvisionnement, mais encore en tant que garante de la vitalité de la place économique nationale. Nos armateurs renforcent le secteur helvétique des services à l'échelon international, gagnent leur argent à l'étranger tout en payant des impôts en Suisse. De plus, ils assurent des centaines d'emplois ainsi que l'approvisionnement du pays en temps de crise.

Compte tenu de la dimension globale de la navigation maritime et des multiples dangers qu'elle engendre, la communauté internationale a pris très tôt conscience que la sécurité serait assurée beaucoup plus efficacement par une coordination à l'échelon international plutôt que par des mesures décidées isolément par chaque Etat. L'OMI, institution spécialisée de l'ONU qui a son siège à Londres, avait, à l'origine, pour mandat de garantir la sécurité de la marine marchande. Par la suite, elle s'est préoccupée également de la protection des gens de mer et, depuis peu, de la problématique de la sauvegarde du milieu marin. Depuis sa fondation, elle a adopté quarante conventions et édicté d'innombrables codes. La convention du travail maritime de l'OIT est appelée à constituer le quatrième pilier de la réglementation internationale du transport maritime, à côté des trois conventions fondamentales de l'OMI.

La convention apportera certaines améliorations au statut des gens de mer travaillant sur des navires battant pavillon suisse. Ainsi sont prescrits la conclusion d'une assurance-maladie et accidents, des normes en matière de taille minimum des cabines, trente jours de vacances annuelles et des horaires de travail d'au maximum quatorze heures par jour et de septante-deux heures par semaine. Pour toutes ces conditions, il s'agit de seuils. Les instruments mis en place dans notre pays pour améliorer les conditions de travail à bord de nos
navires restent un thème d'importance primordiale. La ratification de la convention du travail maritime devrait encore améliorer les conditions de travail.

Economiquement parlant, une ratification de la convention du travail maritime ne présentera que des avantages. Adopter une position d'outsider pourrait en revanche coûter cher aux compagnies suisses d'armement maritime, en particulier au niveau des formalités portuaires touchant les marchandises tout autour de la planète. Mettre en oeuvre la convention n'exige que quelques modifications techniques de la loi et de l'ordonnance. Une ratification n'est pas seulement synonyme d'avantages économiques dans la mesure où la réputation de la Suisse dans le domaine du droit international du travail n'en sera que meilleure aussi.

Selon la jurisprudence constante du tribunal fédéral6, la convention du travail maritime doit être considérée comme directement applicable. D'une part, la majorité de ses dispositions s'adressent aux personnes (capitaine, armateur, marin) en leur conférant des droits et des obligations. Certaines dispositions s'adressent au législa6

ATF 124 III 90, 129 II 249

8148

teur, qui peut se référer à la partie B de la convention à fin d'interprétation. La majorité des dispositions peuvent être directement invoquées en justice, ce qui signifie qu'elles sont suffisamment concrètes et précises pour être directement appliquées par une autorité ou un tribunal. Ces derniers peuvent également se référer à la partie B de la convention.

Les considérations émises dans le présent message se limitent dès lors aux dispositions essentielles ainsi qu'à celles qui sont en contradiction avec le droit suisse en vigueur et requièrent dès lors des modifications législatives. En ratifiant la convention du travail maritime, la Suisse serait liée par les articles introductifs et la partie A de la convention et les parties A et B forment un tout. La partie B contient des dispositions que chaque Etat est libre de mettre en oeuvre. Pour les organes d'application du droit, cela signifie que ces dispositions peuvent être utilisées comme aide pour interpréter les dispositions à caractère obligatoire.

2

Commentaire relatif aux articles de la convention

2.1

Aperçu

La convention dans ses articles introductifs énonce les clauses générales telles que le champ d'application, les définitions, l'entrée en vigueur, la dénonciation, etc. Suivent les cinq titres de la convention dans chacun desquels un thème principal de la convention est codifié. Les divers titres sont subdivisés à leur tour en règles, normes et principes directeurs. Les règles et normes constituent la partie contraignante de la convention tandis que les principes directeurs énumèrent les devoirs des membres sans portée obligatoire. Les règles énoncent en des termes généraux les obligations imparties aux membres qui sont concrétisées dans les normes.

Les règles et le code se subdivisent en divers domaines regroupés sous les cinq titres suivants: Titre 1:

Conditions minimales requises pour le travail des gens de mer à bord d'un navire

Titre 2:

Conditions d'emploi

Titre 3:

Logement, loisirs, alimentation et service de table

Titre 4:

Protection de la santé, soins médicaux, bien-être et protection en matière de sécurité sociale

Titre 5:

Respect et mise en application des dispositions

L'art. 63 LNM doit être adapté en conséquence.

2.2

Articles introductifs

Les articles introductifs contiennent les principes généraux les plus importants de la convention du travail maritime. On y énumère les nombreuses conventions qu'elle remplacera dès son entrée en vigueur. La Suisse avait ratifié toutes les conventions citées dans le préambule. A la différence des conventions de l'OIT adoptées jusqu'à ce jour qui ne peuvent plus être modifiées après leur entrée en vigueur, la nouvelle convention prévoit à ses art. XIV et XV deux procédures pour des modifications 8149

ultérieures. L'art. XV prévoit une procédure accélérée de révision des dispositions du Code. Il s'agit d'adapter ces prescriptions de détail et de nature technique pour les faire correspondre à l'état actuel. Les dispositions les plus importantes sont amendées selon l'art. XIV, selon une procédure conforme à l'art. 19 de la constitution de l'OIT.

L'art. II contient les définitions de divers concepts fondamentaux. La notion de gens de mer revêt une importance particulière. A la différence des définitions données dans d'autres conventions qui se fondent au premier chef sur le type d'occupation, le concept adopté ici revêt une signification plus large que celle de marins. Sur les navires, en particulier ceux transportant des passagers, sont employées d'innombrables personnes qui n'entrent pas toujours dans cette catégorie de travailleurs (par exemple, esthéticiennes, maîtres de sport ou animateurs). Afin que ces salariés bénéficient également de la protection étendue garantie par la convention du travail maritime, la terminologie adoptée a été conçue de propos délibéré de façon à inclure toutes les personnes occupées à bord, quelles que soient leurs fonctions.

De même, le concept d'armateur revêt une importance centrale. Pour les gens de mer, il est déterminant de savoir qui est l'armateur, dans la mesure où c'est auprès de lui seul qu'ils peuvent faire valoir leurs droits. Tel est aussi le cas lorsque l'armateur fait intervenir un tiers entre lui et le travailleur, par exemple une agence de placement qui conclut le contrat de travail. En d'autres termes, l'armateur répond toujours de toutes prétentions qu'invoqueraient les gens de mer en vertu de la convention. De plus, il est tenu de veiller à ce que l'employeur respecte l'ensemble des prescriptions de cette dernière. Ce principe a été adopté parce que, comme l'expérience le montre, des armateurs dénués de scrupules sont parfaitement capables de désigner un tiers comme employeur. En pareille situation, si ledit tiers ne tient pas ses engagements en tant qu'employeur et qu'il devient insolvable ou simplement cesse d'exister, les marins se trouvent dans l'impossibilité de faire valoir leurs droits. Afin de prévenir de tels abus, le concept d'armateur a été énoncé en des termes très larges dans la convention. Pour sa part, l'art. 45, al. 1, LNM
définit la notion d'armateur au regard du droit suisse. Comme celle-ci est plus étroite, il y a lieu de reprendre dans la loi la définition donnée par la convention du travail maritime.

Les art. III et IV définissent les droits et principes fondamentaux ainsi que les droits en matière d'emploi et droits sociaux des gens de mer. L'art. IV, ch. 5, garantit aux Etats qui ratifieront la convention une grande souplesse au niveau de la mise en oeuvre de ses dispositions. Ils auront le choix entre diverses voies possibles. Ils pourront soit adopter des normes législatives internes soit laisser aux partenaires sociaux le soin de conclure des conventions collectives de travail ou prendre d'autres mesures encore. Aucune précision n'étant donnée sur ce qu'il faut entendre par ces dernières, les Etats jouissent de ce fait d'une très grande latitude.

Revêt également une importance particulière l'art. V qui délègue aux Etats membres la responsabilité de veiller au respect des dispositions prévues par la convention. Les ch. 1 et 2 se recouvrent avec les art. 8 et 13 LNM, lesquels confient au Département fédéral des affaires étrangères, via l'Office suisse de la navigation maritime, la surveillance directe des navires battant pavillon suisse. Les services de recrutement et de placement des gens de mer mentionnés au ch. 5 correspondent à ce que prévoient d'une part la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité

8150

en cas d'insolvabilité (loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage, LACI)7 et d'autre part la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE)8. Ces deux domaines sont sous la haute surveillance du Conseil fédéral, cette tâche étant confiée au Département fédéral de l'économie (DFE) et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).

L'art. X de la convention du travail maritime traite des incidences que celle-ci a sur les conventions déjà entrées en vigueur dans le cadre de l'OIT. Les conventions énumérées à l'art. X sont révisées ipso facto soit parce qu'elles se trouvent en contradiction avec la convention du travail maritime soit parce que le champ d'application, respectivement le contenu de cette dernière débordent ceux desdites conventions. La Suisse est liée par quatre de ces conventions. Il s'agit des conventions nos 8, 16, 23 et 163. Celles-ci seront progressivement abolies par la convention du travail maritime.

2.3

Titre 1 Conditions minimales requises pour le travail des gens de mer à bord d'un navire

Le titre 1 fixe les exigences minimales devant être respectées pour que les gens de mer soient autorisés à travailler à bord d'un navire. Sont exigés: un âge minimum, la production d'un certificat médical attestant l'aptitude à exercer les tâches confiées, une formation ainsi que les qualifications requises pour le travail à accomplir à bord ainsi que la possession d'une pièce d'identité pour gens de mer.

La question de la santé des marins est également abordée dans le titre 1. Toutefois, au-delà de la protection de la personne engagée à bord considérée individuellement, la convention traite aussi de la sécurité de l'équipage en tant que tel, de même que de celle du fret et de l'environnement. Le facteur humain joue un rôle décisif dans maints accidents survenant en mer. Aussi est-il important que les gens de mer aient la santé voulue pour remplir les tâches qu'ils endossent. Afin d'éviter que du travail soit confié à des personnes médicalement inaptes à l'accomplir, un certificat médical est toujours exigé avant l'entrée en fonction. Ce n'est toutefois pas seulement à l'armateur qu'il appartient de protéger les gens de mer, mais aussi au marin de veiller à sa propre sauvegarde. Au travers des art. 17 ss. de l'ordonnance sur la navigation maritime, la législation suisse satisfait aux exigences de la règle 1.2.

La règle 1.3 traite de la formation et des qualifications requises des gens de mer. Le but de cette disposition est l'institution d'une formation minimum pour l'exercice de professions exigeant des qualifications sur un navire de haute mer. La règle reconnaît expressément les exigences existantes telles celles prévues par la convention STCW. Les gens de mer qui exercent des tâches à bord d'un navire requérant une formation ou des qualifications non prévues par la convention STCW doivent être formés ou qualifiés pour lesdites tâches conformément aux exigences du droit étatique. Si, par exemple, une personne est engagée sur un bateau en tant que soignant ou médecin, on attendra d'elle qu'elle satisfasse aux exigences du droit étatique pour une telle fonction. La Suisse a ratifié la convention précitée et satisfait dès lors aux exigences de la règle 1.3. La STCW est directement applicable.

7 8

RS 837.0 RS 823.11

8151

De même, les représentants des gens de mer étaient préoccupés par la problématique des agences de recrutement et de placement. Dans de nombreux pays, il existe de tels bureaux spécialisés pour les gens de mer. Dans les pays du tiers monde, la profession de marin est bien considérée. Les gens de mer y comptent au nombre des nantis en raison de leur salaire élevé, toutes proportions gardées. Il n'est pas étonnant que ce soit dans ces Etats justement que des agences de recrutement et de placement viennent s'installer de préférence et y proposer leurs services à des tarifs élevés. Or, ce sont ces pratiques que l'on parviendra à empêcher en confiant le contrôle desdits bureaux aux Etats membres concernés. Ces derniers doivent prévoir une surveillance étatique interne et l'interdiction de principe de tout prélèvement de taxes auprès des gens de mer par les agences de placement. Mais la convention va encore plus loin: elle exige des Etats qui la ratifieront que tous les armateurs exploitant des navires sous leur pavillon ne soient autorisés à employer sur leurs bâtiments que des gens de mer originaires de pays ayant ratifié la convention ou dont le droit interne interdit la perception de taxes. Au travers de cette disposition, la convention cherche à garantir que les pays qui ne l'ont pas ratifiée et dont l'ordre juridique interne diffère de son contenu ne se trouvent pas avantagés et soient ainsi poussés à la ratifier ou à en respecter les normes. De facto, la réglementation mise en place aboutira à ce que les armateurs renonceront à recruter des gens de mer originaires de pays n'ayant pas adhéré à la convention du travail maritime, cela dans la mesure où le contrôle des ordres juridiques internes étrangers quant à leur conformité aux prescriptions prévues constituerait une tâche trop lourde pour eux.

Le système suisse des services de recrutement de personnel comprend un volet privé et un autre public. Les agences publiques sont gratuites et régies par la LACI.

S'agissant des bureaux privés, le principe de la gratuité pour les gens de mer est en contradiction avec l'art. 9, al. 1, LSE qui autorise les agences ayant leur siège en Suisse à prélever une taxe d'inscription ainsi qu'une commission. Pour des raisons pragmatiques toutefois, une révision de la LSE n'est pas indiquée, car les compagnies d'armement
maritime suisses ne recrutent pas leur personnel de bord au travers d'agences, qu'elles soient privées ou publiques, suisses ou étrangères. Les compagnies de navigation suisses disposent à l'étranger de leurs propres bureaux de recrutement pour enrôler des marins étrangers. Ainsi, les armateurs suisses peuvent engager des personnes provenant de pays n'ayant pas ratifié la convention mais dont la législation interdit toute taxe ou commission de recrutement. Dans ce cas également, l'opération d'engagement se déroule sans intermédiaire, à savoir que le contrat est conclu directement entre le salarié et la compagnie, cela sans frais pour le marin.

Les gens de mer de nationalité suisse ou étrangère s'adressent directement aux compagnies d'armement helvétiques. Par ailleurs, nos ressortissants travaillant sur des navires battant pavillon suisse sont très peu nombreux, et c'est donc à un nombre minime de personnes auxquelles la règle 1.4 est applicable. Au vu de ces données, une modification de la LSE serait une mesure disproportionnée.

La CCT prévoit qu'à l'avenir l'employeur remboursera à l'employé une éventuelle taxe acquittée ou allouera une somme comparable à l'agence après l'entrée en service. Ainsi serait satisfait à la lettre le principe de la gratuité des services de placement posé par la convention.

8152

2.4

Titre 2 Conditions d'emploi

Le titre 2 définit les conditions de travail des gens de mer. Ces dernières portent essentiellement sur les conditions auxquelles le contrat d'engagement peut être signé, les conditions minimales d'emploi, le rapatriement, les effectifs ainsi que les exigences minimales requises en matière de qualifications. Le deuxième titre vise avant tout la protection du marin contre des conditions d'emploi inéquitables.

L'exigence que le contrat d'engagement maritime revête la forme écrite selon la règle 2.1 vise à protéger les gens de mer. En cas de contestation, les éléments constitutifs du contrat peuvent être consultés en tout temps pour en contrôler le contenu, mais la convention du travail maritime va plus loin encore en imposant aux parties au contrat quelles clauses minimales doivent y figurer. Ces éléments essentiels du contrat sont le montant du salaire, l'activité pour laquelle le marin est engagé, le droit à un congé annuel, les délais et conditions de dénonciation, les prestations en matière de protection de la santé au travail et de sécurité sociale ainsi que le droit au rapatriement. La fixation des éléments principaux du contrat réduit d'autant le risque que les gens de mer soient lésés. De plus, selon la convention, ces derniers ont le droit de faire examiner par un expert les éléments du contrat avant sa signature, ce qui constitue une avancée importante en vue de l'avènement de contrats de travail équitables pour les gens de mer. Le code des obligations (CO)9, la LNM ainsi que la CCT satisfont la totalité des exigences de la convention dans ce domaine.

Pour l'ensemble des gens de mer, l'existence d'un contrat écrit d'engagement à bord d'un navire sera requise à l'avenir. Ce document devra être signé par l'armateur et le marin et énoncer les conditions de travail et de vie à bord. L'employeur et l'employé disposeront d'un original signé du contrat d'engagement. Celui-ci devra être consultable par l'employé de manière à ce que, si besoin est, il puisse recueillir des informations sur ses conditions de travail. Si certains éléments du contrat d'engagement reposent sur une CCT, une copie de cette dernière sera mise à disposition à bord. Les contrats types d'engagement ainsi qu'une éventuelle CCT devront exister également en traduction anglaise. Cette exigence tient compte du fait que les
équipages sont composés généralement de ressortissants de différents pays. Aujourd'hui déjà, une version en langue anglaise de la convention collective est à disposition sur tous les navires de la marine marchande helvétique, cela à l'instar de l'exigence de la convention du travail maritime.

La norme A2.2 de la règle 2.2 traite des salaires et conditions de paiement au respect desquels est tenu l'armateur. En réalité, il est courant que les gens de mer doivent attendre plusieurs mois le versement de leur salaire. Comme ces marins sont souvent les soutiens d'un vaste cercle familial dans leur pays, les retards de paiement lèsent gravement non seulement l'intéressé lui-même mais aussi son entourage. Selon la réglementation proposée, l'armateur sera tenu de payer chaque mois le salaire intégral du personnel et de mettre sur pied un système grâce auquel le marin qui le souhaite pourra faire parvenir une partie de son gain à un tiers bénéficiaire.

L'art. 323 CO prévoit le paiement mensuel du salaire à la fin de chaque mois. Il en va de même des art. 73 et 74 LNM ainsi que de l'art. 3.3 de la CCT. Les tiers bénéficiaires sont limités à la famille, aux ayants droit à une pension alimentaire et autres bénéficiaires légaux. Cette réglementation a pour but de permettre aux gens de mer, 9

RS 220

8153

qui n'ont pas d'accès à des services bancaires même en dehors de leur horaire de travail ordinaire, de déléguer à leur employeur ces ordres de paiement importants.

La CCT prévoit déjà cette possibilité à son art. 3, al. 3. Les taxes perçues pour ce service seront raisonnables. En outre, sauf dispositions contraires, les taux de change pratiqués ne doivent pas être défavorables à l'employé. Autrement dit, il y a lieu de s'en tenir aux taux officiels.

Compte tenu de la préoccupation croissante que suscitent les répercussions de la fatigue physique sur la sécurité de la navigation maritime, les Etats ratifiant la convention sont tenus impérativement, en vertu de la règle 2.3 de la convention, d'édicter des normes régissant la durée du travail et du repos. En particulier, l'horaire de travail maximal et le temps de repos minimum devront être fixés. Certes, les art. 23 et 24 de l'ordonnance sur la navigation maritime prévoient en principe une durée de travail de huit heures, celle-ci étant toutefois de neuf heures pour les marins engagés dans les services généraux selon l'art. 25 de la même ordonnance.

S'agissant des heures de repos, le régime prévu par l'ordonnance s'écarte en revanche de celui de la convention du travail maritime: le ch. 5, let. b, de la norme A2.3 prévoit une durée minimale de repos de dix heures sur une période de vingt-quatre heures tandis que l'art. 30 de l'ordonnance prescrit huit heures au minimum seulement. Cette disposition ne correspond pas non plus à l'exigence de la convention du travail maritime. Outre le fait de permettre aux marins de reprendre des forces, le temps de repos a pour but de garantir un fonctionnement du navire en toute sécurité.

Le facteur humain est en effet souvent à l'origine des accidents survenant en mer.

Au-delà de pertes en vies humaines, il peut en résulter des pollutions graves du littoral et de la mer. Si l'on cherche à réduire ces risques, un relèvement à dix heures de la durée minimum du repos quotidien est indiqué.

La règle 2.4 traite du droit à un congé annuel et fixe celui-ci à deux jours et demi par mois, soit l'équivalent de six semaines par an. Sont réservés les CCT. La CCT suisse prévoit à son art. 8 un droit aux vacances de huit jours par mois pour les officiers de marine et de cinq jours pour les autres marins, pose des exigences
allant bien au-delà de celles de la convention du travail maritime. L'art. 38 de l'ordonnance sur la navigation maritime renvoie pour ce qui est du droit aux vacances aux règles du CO sur le contrat de travail. L'art. 329a CO prévoit un droit à un minimum de quatre semaines de vacances. Etant donné que la possibilité est reconnue de définir le droit aux vacances dans le cadre d'une CCT et que celle en vigueur dépasse les exigences de la convention du travail maritime, il n'existe aucune nécessité d'agir sur le plan législatif.

L'indemnisation des gens de mer en cas de perte du navire ou de naufrage est régie par la règle 2.6 et la norme A2.6 qui en découle. Les Etats membres de la convention du travail maritime sont tenus d'édicter des dispositions fixant l'indemnisation adéquate des gens de mer ayant subi un préjudice financier du fait de lésions corporelles, de dommages matériels ou se trouvant au chômage en raison de la perte du navire ou de son naufrage. La législation suisse prévoit à l'art. 86 LNM une indemnité pouvant atteindre deux mois de salaire pour la perte de gain en cas de naufrage.

L'indemnité à verser dans les autres cas évoqués par la règle 2.6 est régie par le ch. 17.3 de la CCT. Cette disposition de la convention du travail maritime prévoit une indemnité correspondant à un mois de salaire pour tous les cas qui ne tombent pas sous le coup de l'art. 86 LNM. Avec le ch. 17.3 de la CCT et l'art. 86 LNM, on dispose de bases suffisantes pour satisfaire les exigences de la règle 2.6.

8154

La règle 2.7 relative à l'effectif des navires de même que les dispositions de la Convention sur la durée de travail des gens de mer et les effectifs des navires répondent à la préoccupation suivante: la sécurité de la navigation est aussi tributaire de l'importance des équipages dans la mesure où la fatigue du personnel navigant peut jouer un rôle à cet égard. La question de la juste mesure en matière d'effectifs est évaluée conformément au document spécifiant les effectifs minimums de sécurité ou tout autre certificat établi par l'autorité compétente. Dans cette évaluation, les horaires de travail exagérément longs doivent être autant que possible évités ou réduits au minimum, cela afin de garantir un repos suffisant et de limiter la fatigue. De plus, les principes relatifs à l'effectif de l'équipage prévus dans la convention STCW doivent être pris en compte. En effet, lors des inspections effectuées dans les ports maritimes par l'Etat du port, obligation est d'ores et déjà faite à tout Etat du pavillon d'appliquer l'ensemble des conventions adoptées sous l'égide de l'OMI et entrées en vigueur à ce jour.

La norme A2.8 de la règle 2.8 régit les possibilités de carrière ainsi que le développement des aptitudes professionnelles des gens de mer. Les Etats sont tenus au travers de leur politique interne de promouvoir la profession de marin. C'est là une exigence que l'ordonnance du 7 avril 1976 concernant l'encouragement de la formation professionnelle de capitaines et de marins suisses10 remplit d'ores et déjà. La Confédération alloue des subsides pour le financement de la formation de base et la formation continue des marins. Celles-ci varient entre un tiers et deux tiers des frais occasionnés pour le logement, les repas, l'écolage, le matériel scolaire et les primes d'assurance-maladie et accidents. L'Office suisse de la navigation maritime (OSNM) prête son aide aux gens de mer intéressés et leur fournit tous renseignements utiles. De même, l'OSNM diffuse des informations au travers de la publication de brochures, de la présentation d'exposés, etc. Cela permet aux candidats éventuels de se faire une image des professions exercées en mer.

2.5

Titre 3 Logement, loisirs, alimentation et service de table

Le titre 3 traite principalement d'aspects touchant spécifiquement les conditions de vie à bord. Les dispositions de la règle 3.1 qui portent sur le logement et les lieux de loisirs énoncent de nombreuses exigences qui sont liées aux tâches et fonctions propres aux gens de mer. A quelques exceptions près, elles reprennent les normes des conventions no 92 et no 133 sur le logement des équipages ainsi que les recommandations no 140 et no 141 qui en découlent. Quelques adaptations ont été opérées afin de répondre aux besoins actuels. Etant donné que de nombreux navires en exploitation ne satisfont pas aux exigences posées par la convention, les prescriptions ne valent que pour les navires qui auront été construits au moment de l'entrée en vigueur ou après celle-ci.

Les dispositions du titre 3 de la convention du travail maritime sont directement applicables. Ainsi l'annexe II à l'ordonnance sur la navigation maritime peut être abrogée.

10

RS 747.341.2

8155

Afin de réagir à des conditions d'hygiène à bord parfois insuffisantes et susceptibles dès lors de mettre en danger la santé des marins, une attention accrue a été portée lors de l'élaboration de la convention au bien-être et aux conditions sanitaires des gens de mer. Avec l'entrée en vigueur de la convention, les cabines et les espaces de rangement devront être de plus grande taille dans les nouveaux bâtiments. De même, la ventilation et le chauffage des cabines seront obligatoires à l'avenir. Celles-ci devront également être équipées d'installations de climatisation dans les bateaux qui naviguent régulièrement dans les zones tropicales. Les logements ainsi que les installations de loisirs et les équipements destinés à la restauration doivent présenter toute sécurité et être favorables à la santé. Le but visé est que la construction des navires soit conçue de telle manière que l'état sanitaire des gens de mer en soit influencé positivement, ce que souligne aussi le renvoi au titre 4 (cf. ch. 2.6).

S'agissant de l'alimentation telle que la régit la norme A3.2, elle doit être proposée en quantité et en qualité suffisantes. Les aliments respecteront aussi les convictions religieuses du marin et sa culture. Le cuisinier du bateau bénéficiera d'une formation d'un niveau correspondant à celle requise dans l'Etat du pavillon. Comme il est difficile concrètement d'engager des cuisiniers de bord disposant d'une formation équivalente, la convention accorde une latitude suffisante et autorise l'Etat du pavillon à définir lui-même quelle formation correspond aux exigences auxquelles doit satisfaire une formation dispensée à l'intérieur de l'Etat. Cela permet notamment d'engager en qualité de cuisiniers de bord des non-professionnels ayant toutefois plusieurs années d'expérience dans le métier.

2.6

Titre 4 Protection de la santé, soins médicaux, bien-être et protection en matière de sécurité sociale

Le titre 4 traite de l'accès aux soins médicaux (au sens large), de la protection de la santé au travail, des institutions sociales à terre ainsi que de la sécurité sociale et de son régime financier.

La convention vise à assurer que les gens de mer aient accès à des services médicaux tant à terre qu'à bord du navire. Il va de soi que la prise en charge médicale à bord ne peut pas satisfaire aux mêmes exigences de professionnalisme qu'à terre. Si un droit à consulter un médecin est reconnu systématiquement à terre, cela n'est guère possible en mer, du moins la plupart du temps. Aux termes de la convention du travail maritime, seuls les navires comptant plus de 100 passagers et croisant en eaux internationales plus de trois jours consécutifs doivent avoir un médecin de bord. Sur les bateaux où la présence d'un médecin de bord n'est pas requise, l'équipage devra compter au moins une personne disposant de connaissances médicales de base et apte à prodiguer les premiers secours. Selon la convention STCW, la personne à qui cette responsabilité est confiée doit suivre au préalable une formation reconnue. Quant à l'Etat du port où le navire fait escale, ses obligations se limitent uniquement à garantir l'accès à un médecin ou à un établissement médical.

La norme A4.1 précise les dispositions de la règle 4.1, y compris celles qui se réfèrent aux locaux de soins et au personnel médical de bord ainsi qu'au contenu de la pharmacie de bord et autres aspects de la prise en charge médicale.

8156

La norme A4.1, ch. 1, let. d, oblige les Etats membres à fournir gratuitement des soins médicaux et services de protection de la santé aux gens de mer en séjour dans un port. La question de la gratuité a donné lieu à des discussions fournies lors de l'élaboration de la convention. L'obligation d'assurer une prise en charge gratuite a été atténuée par l'introduction des mots «en principe» à l'al. 2 de la règle 4.1 et par le recours à la formulation «dans une mesure conforme à la législation et à la pratique du Membre» dans la norme A4.1 (al. 1 d) plutôt que «selon la législation et la pratique interne du Membre». S'agissant des coûts, les gens de mer ne bénéficient pas de conditions plus favorables que des salariés travaillant dans l'Etat membre. Si les employés occupés à terre étaient moins favorisés sur le plan du droit du travail, respectivement en matière de santé, il y a fort à parier que ces disparités auraient rendu la convention difficilement acceptable sur l'échiquier politique interne. En outre, celle-ci serait entachée d'une contradiction dans la mesure où elle pose parallèlement le principe général de l'égalité de traitement avec les salariés à terre (règle 4.1 al.4, in fine).

En vertu de l'art. 84, al. 2, LNM, l'ensemble des gens de mer engagés sur des navires suisses sont assurés par l'armateur contre la maladie et les accidents professionnels. Une éventuelle participation aux frais ou une franchise en cas de maladie continueront à devoir être supportées par les gens de mer, ce d'autant plus que la gratuité n'est accordée que dans les limites de la législation interne de l'Etat. Pour les soins médicaux en cas de maladie, l'art. 7, annexe III, de l'ordonnance sur la navigation maritime prévoit une bonification de 80 % des frais de traitement jusqu'à concurrence de 8000 francs par cas, la participation d'un membre de l'équipage ne devant toutefois pas, dans ces limites, dépasser la moitié de son salaire de base mensuel. L'annexe III de la l'ordonnance sur la navigation maritime contient, selon l'art. 42, al. 1re, de ladite ordonnance, les exigences minimales applicables à l'assurance obligatoire. En pratique, les gens de mer occupés sur les navires suisses sont mieux assurés. La CCT prévoit également un droit des gens de mer à la prise en charge des coûts de traitement médical. L'art. 9,
ch. 5, limite actuellement la prise en charge à 89 000 dollars américains par cas.

Parmi les traitements médicaux figurent également les soins dentaires essentiels, lesquels doivent aussi être gratuits en principe. Ceux-ci tombent sous le coup de la législation nationale uniquement dans les hypothèses prévues par l'art. 31 de la loi fédérale 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie11. Pour le reste, les traitements dentaires sont des soins relevant de l'assurance privée selon la loi du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA)12. La législation suisse ne connaît pas la gratuité des soins dentaires pour les gens de mer. Tant que l'employeur n'a pas conclu d'assurance selon la LCA pour son employé, ce dernier doit s'assurer lui-même et à ses frais ou prendre à sa charge les traitements dentaires. Mais comme la convention prévoit uniquement une gratuité de principe, les gens de mer continueront à devoir assumer leurs frais dentaires dans la mesure où la législation nationale ne prévoit rien à cet égard. L'art. 9, al. 7, de la CCT constitue toutefois une exception: elle dispose que les gens de mer touchent une indemnité jusqu'à 100 dollars américains en cas de traitement d'urgence.

11 12

RS 832.10 RS 221.229.1

8157

La norme A4.2 précise quelles mesures chaque Etat membre doit prendre pour concrétiser le droit à une assistance et à une aide matérielle permettant de faire face au préjudice financier subi en cas de maladie, de lésions corporelles ou de décès. Au ch. 1, il est affirmé que l'armateur doit supporter les coûts engendrés par la maladie et les accidents, cela à partir de l'entrée en service du marin et jusqu'à son rapatriement dans les règles. De même, il doit prendre des mesures sur le plan financier qui garantissent le versement d'une indemnité en cas de décès ou d'incapacité de travail des gens de mer à la suite d'accidents de travail, de maladies professionnelles ou d'exposition à un danger. Les dispositions prévues peuvent être intégrées dans le contrat d'engagement du marin ou dans la CCT pour les gens de mer. Outre les frais de prise en charge et de traitements médicaux, l'armateur est tenu de payer les médicaments, le logement et les repas nécessaires. Cette obligation de l'armateur perdure jusqu'à la guérison ou jusqu'au moment où l'incapacité de travail durable est constatée. Les dispositions légales du droit national peuvent limiter l'obligation de verser des prestations à seize semaines au minimum (norme A4.2, ch. 2). L'art. 7, annexe III, de l'ordonnance sur la navigation maritime limite la durée de versement des prestations à 180 jours au maximum, soit beaucoup plus longtemps que le minimum prévu par la convention du travail maritime. En cas de décès, les frais funéraires seront assumés également par l'armateur. L'assurance rembourse lesdits frais selon l'art. 7 de l'annexe III de l'ordonnance sur la navigation maritime jusqu'à concurrence de 600 francs maximum.

En ce qui concerne les conséquences de la maladie, d'un accident ou du décès, la convention du travail maritime reconnaît un droit à une aide matérielle de la part de l'armateur conformément aux ch. 3 et 4 de la norme A4.2. La condition en est l'existence d'un contrat d'engagement et l'exposition au risque couvert. L'armateur ne doit toutefois payer que si le risque assuré a existé entre l'entrée en service et le jour du rapatriement exécuté dans les règles. Les coûts englobent le suivi médical, les médicaments ainsi que les frais de nourriture et de logement hors du domicile.

Ces coûts doivent être pris en charge jusqu'à la
guérison ou jusqu'à la constatation du caractère permanent d'une incapacité de gain. Le droit national peut limiter la durée de prise en charge des frais à un minimum de seize semaines. Le ch. 5 cite trois circonstances dans lesquelles l'armateur est exempté de toute responsabilité, à la condition toutefois que le droit national les couvre. Il s'agit des accidents survenant en dehors du travail au service du navire, des accidents et maladies imputables à une faute intentionnelle de la victime ou encore d'une maladie, respectivement d'une infirmité dissimulées volontairement au moment de l'engagement.

L'ordre juridique suisse prévoit aujourd'hui déjà une protection étendue des gens de mer s'agissant des conséquences financières de la maladie, d'un accident ou du décès et qui, dans quelques cas, vont au-delà des obligations consacrées par la convention. L'armateur est tenu d'assurer l'ensemble de son équipage contre la maladie et les accidents professionnels, conformément aux art. 84 LNM et 42 de l'ordonnance sur la navigation maritime.

La règle 4.3 traite de la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail ainsi que de la prévention des accidents. Elle vise à garantir aux gens de mer un environnement de travail leur permettant de remplir leur tâche dans des conditions de sécurité les meilleures possibles. Au-delà d'une formation appropriée et de mesures d'hygiène, l'adoption d'un système de protection de la santé au travail compte au nombre des pré-requis. Pour garantir la protection de la santé et la sécurité sur le lieu de travail, les Etats membres sont tenus, aux termes de la norme A4.3, d'édicter les 8158

directives nécessaires en la matière et de prendre d'autres mesures. En particulier, la norme A4.3 exige la promotion et la mise en oeuvre de programmes touchant le domaine de la sécurité et de la santé au travail, cela principalement au travers d'une formation des gens de mer. De même, des dispositions sont à prendre dans le but de prévenir les accidents et maladies professionnels. Dans ce contexte, les mesures de sécurité destinées à se protéger contre des risques spécifiques au travail accompli sur des navires occupent une place centrale. Fait également partie des mesures de sécurité la définition des exigences en matière de surveillance, d'annonce et de prévention d'accidents de travail à bord. Le service compétent est tenu d'enregistrer les annonces d'accidents et cas de maladies professionnelles et d'en établir une statistique.

Les accidents de travail doivent faire l'objet d'enquêtes spéciales. L'obligation d'édicter des normes à caractère préventif est déjà couverte par l'art. 328, al. 2, CO.

En vertu de cette disposition, l'employeur est tenu de prendre, pour protéger la vie et la santé du travailleur, «les mesures commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique et adaptées aux conditions de l'exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l'exiger de lui». Le système de prestations sociales établi tant par la LNM que par la CCT satisfait aux exigences de la convention du travail maritime.

La règle 4.4 ainsi que la norme A4.4 traitent de l'accès aux services sociaux à terre existant dans les divers Etats du port. Ces dispositions reprennent celles de la convention n° 163 sur le bien-être des gens de mer qui a également été ratifiée par la Suisse. Etant donné que notre pays ne compte aucun port maritime sur son territoire, les dispositions en question ne la concernent pas.

L'accès des gens de mer aux systèmes de sécurité sociale et les dispositions du code y relatives ont fait l'objet d'interminables discussions. Les négociations portaient sur la mise au point d'un texte susceptible d'être accepté et qui permette d'aborder le problème complexe des marins employés sur des navires battant pavillon étranger et qui ne bénéficient d'aucune protection sociale. Cela soit parce que l'Etat du pavillon
ne leur accorde aucune protection de ce type en vertu de son système de sécurité sociale, soit parce que l'Etat où ils résident ou dont ils sont originaires ne connaît pas non plus une telle protection. Globalement, il s'agit d'éviter avant tout que les gens de mer et les personnes à l'égard desquelles ils ont des obligations d'entretien se voient privés de toute protection en raison du fait que la législation de l'Etat du pavillon ne s'applique pas aux non-résidents ou aux étrangers, ou parce qu'il n'existe aucun système de sécurité sociale dans le pays de séjour ou d'origine. Ces lacunes dans la protection de nombreux marins posent problème par rapport au concept universel de travail décent et vont aussi à l'encontre des objectifs de la convention qui est notamment de garantir que les conditions d'emploi des gens de mer soient, dans toute la mesure du possible, identiques à travers le monde.

La solution arrêtée par la convention du travail maritime prévoit un accès généralisé des marins occupés sur un navire de haute mer aux institutions sociales de l'Etat du pavillon. A la règle 4.5, une limite est néanmoins fixée à cette règle, à savoir que l'accès au système de protection sociale ne va pas au-delà de ce que prévoit le droit interne de l'Etat du pavillon. La convention introduit également une certaine souplesse dans la mise en oeuvre de cette règle, dans la mesure où le chiffre 7 dispose que la protection visée peut être prévue par la législation, des régimes privés, des conventions collectives ou une combinaison de ces moyens. En principe, les gens de mer devraient, en cas d'entrée en vigueur de la convention, avoir accès à des soins médicaux, des indemnités journalières en cas de maladie, des prestations en cas de 8159

chômage, des prestations à l'âge de la retraite, des prestations en cas d'accidents de travail et de maladies professionnelles, des allocations familiales, des prestations en cas de maternité, une prestation en cas d'invalidité et des prestations aux survivants.

Le droit précité reconnu aux gens de mer étant très étendu, une solution de compromis a été définie dans la convention: au moment de sa ratification, seul l'accès à trois des neufs branches des institutions sociales devra être garanti. La convention n'abordant pas la question d'une éventuelle extension aux autres institutions sociales, il n'existe dès lors qu'un droit partiel d'accès aux systèmes de sécurité sociale.

Selon la loi suisse sur la navigation maritime (art. 63, al. 1, LNM), la législation suisse sur le travail et les assurances sociales s'applique à l'équipage des navires battant pavillon suisse. En outre, l'art. 84, al. 2, LNM dispose que l'armateur d'un navire suisse doit assurer l'équipage contre la maladie et les accidents professionnels. Au travers de ces dispositions, deux exigences de la norme A4.5, à savoir les prestations en cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ainsi que les soins médicaux sont remplies. De plus, en Suisse depuis 1998, les armateurs encouragent les gens de mer suisses ou domiciliés en Suisse à se soumettre à notre système de sécurité sociale. La convention collective de travail contient aussi des dispositions relatives à la couverture sociale. Dans le principe donc, notre système en place correspond aux exigences de la convention puisque sont déjà garantis ou réglementés les domaines suivants: accès aux soins médicaux (LNM et ordonnance sur la navigation maritime, CCT), aux indemnités journalières en cas de maladie (idem), aux prestations en cas de chômage (pour les marins de nationalité suisse ou domiciliés en Suisse), aux prestations à l'âge de la retraite (idem), aux prestations en cas d'accidents de travail et de maladies professionnelles (LNM et ordonnance sur la navigation maritime, CCT), aux allocations familiales (pour les marins de nationalité suisse ou domiciliés en Suisse), à une prestation en cas d'invalidité (pour les marins de nationalité suisse ou domiciliés en Suisse; LNM et ordonnance sur la navigation maritime, CCT) et aux prestations aux survivants (idem). Bien
que cela ne fasse pas partie de notre système de sécurité sociale, il convient de relever que les femmes engagées sur des bateaux bénéficient des prestations de l'employeur selon l'art. 324a, al. 1 et 3, CO dans la mesure où elles sont soumises à la législation suisse sur le travail. L'employeur est tenu de verser le salaire pour une durée limitée aux employées empêchées de travailler pour cause de grossesse, dans la mesure où les rapports de travail ont duré trois mois au moins ou ont été conclus d'emblée pour une durée supérieure à trois mois. Après l'accouchement et depuis le 1er juillet 2005 s'ajoute pour les femmes un droit au salaire en vertu de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain (LAPG)13. Selon les art. 16b et ss LAPG, les mères engagées professionnellement, pour autant qu'elles aient exercé leur métier au cours d'une période donnée et qu'elles soient domiciliées en Suisse, ont droit à des indemnités journalières à hauteur de 80 % de leur revenu moyen pour une durée maximum de 98 jours. L'art. 324a CO s'applique lorsque la travailleuse ne remplit pas les conditions de la LAPG et n'a, par conséquent, aucun droit au salaire au titre des APG. L'ordre juridique suisse actuel remplit les exigences de la convention du travail maritime énoncées au ch. 2 de la norme A4.5. Son ch. 3 exige en outre pour les gens de mer résidant habituellement en Suisse une protection complémentaire en matière de sécurité sociale selon le ch. 1. Or, le fait de résider régulièrement en Suisse ouvre aux marins concernés l'accès à l'assurance-vieillesse et survivants (loi

13

RS 834.1

8160

fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants, LAVS14), à l'assurance-invalidité (loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance- invalidité, LAI15) et à l'assurance-chômage (loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage, LACI16). Les gens de mer de cette catégorie accèdent dès lors plus largement aux institutions sociales suisses. Au vu de ces éléments, l'accès aux trois institutions sociales imposé par la convention du travail maritime est garanti. Ces dernières doivent être mentionnées dans les rapports sur l'application de la convention, à présenter au Bureau international du Travail (BIT) au titre de l'art. 22 de la Constitution de l'OIT.

La mise en oeuvre de cette réglementation ne va pas sans soulever des difficultés.

L'accès à la sécurité sociale reste fermé aux gens de mer originaires des pays en voie de développement, cela pour des raisons financières. Mais la convention ne prévoit pas que l'accès doive être gratuit.

2.7

Titre 5 Respect et mise en application des dispositions

Le titre 5 décrit les instruments de mise en oeuvre de l'art. V. Celui-ci est subdivisé en trois règles principales: la règle 5.1 sur les responsabilités de l'Etat du pavillon, la règle 5.2 sur les responsabilités de l'Etat du port et la règle 5.3 sur la responsabilité des pays qui fournissent de la main-d'oeuvre pour travailler sur les navires.

Lors des pourparlers menés à propos du titre 5, un accord a été atteint sur les grandes lignes de ce dernier, avant même que les dispositions matérielles de la convention énoncées dans les titres 1 à 4 aient été abordées. De l'avis général des représentants des employeurs et des salariés ainsi que des délégués des Etats, il eût été absurde de poursuivre l'élaboration de la convention jusque dans ses détails sans qu'un consensus ait été trouvé au préalable sur la question du respect et de la mise en oeuvre des exigences posées. Les partenaires de négociation souhaitaient commencer par faire la lumière sur le point de savoir si ce traité international constituera un instrument dont les dispositions pourront être appliquées concrètement.

Les dispositions du titre 5 s'appuient fortement sur la pratique suivie traditionnellement dans le secteur de la navigation maritime, laquelle se caractérise par des mesures de contrôle et d'exécution confiées aux Etats du pavillon et du port. La satisfaction permanente des exigences entre les inspections doit être assurée, raison pour laquelle il a été opté en faveur d'un système reposant sur des certificats. Ce dernier est déjà appliqué avec succès par l'Organisation maritime internationale (OMI) et est consacré par des conventions internationales importantes telles la Convention internationale du 17 juin 1960 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer17 (Convention SOLAS) et le Protocole du 17 février 1978 relatif à la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires18 (MARPOL) et ses diverses annexes. Le système de certification introduit au titre 5 pourra dès lors être étroitement coordonné avec les certifications maritimes déjà existantes.

14 15 16 17 18

RS 831.10 RS 831.20 RS 837.0 RS 0.747.363.32 RS 0.814.288.2

8161

Les dispositions de mise en oeuvre du titre 5 prévoient l'extension de mesures déjà prévues par des conventions internationales de travail antérieures. Elles portent en particulier sur l'élargissement du système de contrôle à un système de certification en vertu duquel des navires peuvent être immobilisés, ainsi que sur les procédures applicables en cas de plaintes de gens de mer et de différends avec eux. La principale force de la convention réside toutefois dans le fait que les trois parties à celle-ci, soit les employeurs, les travailleurs et l'Etat du pavillon, ont des obligations. Selon la convention, les gens de mer doivent être dûment informés de leurs droits et des procédures pour les faire valoir. Les armateurs sont tenus de veiller à ce que les prescriptions ou mesures visant la mise en oeuvre de la convention soient effectivement appliquées. Les capitaines des navires concernés sont responsables non seulement de l'exécution à bord des prescriptions en vigueur mais encore de la tenue correcte de registres permettant de fournir la preuve du respect de la convention.

Au-delà de sa tâche traditionnelle d'inspection des navires, l'Etat du pavillon doit contrôler également l'existence de plans établis par l'armateur et leur suivi. En outre, l'Etat du pavillon doit évaluer périodiquement l'efficacité de ses systèmes d'exécution et faire rapport au BIT au titre de l'art. 22 de la Constitution de l'OIT.

Les Etats disposant d'un port maritime ont à la fois le droit et le devoir de faire respecter la convention au travers des inspections qu'ils effectuent en qualité d'Etat du port.

L'Etat du pavillon assume la responsabilité principale pour tout ce qui a trait au respect et à la mise en oeuvre des prescriptions touchant les navires. Les devoirs de l'Etat du pavillon s'agissant des bateaux battant son pavillon ne se limitent pas aux conditions de travail et de vie des gens de mer, mais encore s'étendent à toutes les questions traitées par la convention. Parallèlement, l'Etat du pavillon est tenu de mettre en place un système efficace d'inspection et de certification. Cette obligation inclut également celle de faire rapport au BIT un rapport sur le système adopté et les méthodes d'évaluation de son efficacité. A noter que l'Etat du pavillon a la possibilité de déléguer cette tâche à une institution
ou un organisme indépendant, mais l'autorité aura toutefois le devoir de contrôler de près si l'institution mandatée a les qualifications requises. Ce sont les sociétés de classification des navires qui sont les premières à entrer en considération pour cette tâche. L'art. 30, al. 2, LNM prévoit que l'autorisation de naviguer ne peut être accordée à des bâtiments de mer suisses que s'ils ont été classés par une société de classification reconnue. A l'heure actuelle, six de ces sociétés opérant à l'échelle mondiale sont agréées par l'OSNM.

Comme l'OSNM ne dispose pas des connaissances spécifiques nécessaires ni du personnel suffisant pour exécuter les tâches découlant des règles 5.l.1. à 5.1.4., il est nécessaire de modifier l'art. 9 de la LNM, de façon à assurer la mise en oeuvre de la convention du travail maritime. Les coûts y relatifs sont pris en charge par les armateurs.

Le certificat de travail maritime et la déclaration de conformité du travail maritime, obligatoirement à disposition sur tout bâtiment, constitueront la preuve que le navire d'un Etat membre a été contrôlé et qu'il satisfait aux exigences de la convention du travail maritime. L'Etat du pavillon est tenu de contrôler tous les trois ans au minimum si le certificat et la déclaration sont renouvelés. Cette tâche peut également être déléguée à une organisation compétente selon la norme A5.1.3. Parallèlement, l'Etat du pavillon doit prévoir des mesures de contrainte appropriées pour le cas où des entraves seraient mises au travail des inspecteurs ou si les prescriptions de la convention sont enfreintes.

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Le certificat de travail maritime atteste que l'Etat du pavillon ou une institution habilitée par lui a contrôlé les conditions de travail et de vie à bord du navire et que celles-ci satisfont aux exigences de la législation nationale dudit Etat régissant la mise en oeuvre de la convention. Le certificat de travail maritime constitue la preuve que l'armateur a pris les mesures visant à garantir le respect continu des exigences de la convention. Ce document de même que la déclaration concernant le respect des dispositions doivent correspondre au formulaire type annexé à la convention.

La règle 5.1.5 exige de l'Etat du pavillon qu'il institue une procédure de plainte à bord pour les gens de mer. Le contenu des plaintes de même que les réponses données doivent être consignées par écrit. L'objectif visé est de contribuer au respect permanent à bord du navire des exigences de la convention et de permettre de résoudre les différends à l'échelon le plus bas. Selon l'art. 37 de l'ordonnance sur la navigation maritime, les marins peuvent porter plainte devant le capitaine. La règle 5.1.5 prévoyant de plus un accès direct à une instance externe, l'art. 37 de l'ordonnance a été adapté.

Un moyen important de garantir le respect des droits des travailleurs est l'interdiction de toute forme de discrimination et de harcèlement à l'encontre de plaignants affirmée au ch. 2 de la règle 5.1.5. Les Etats membres doivent prévoir des sanctions en cas de violation de cette disposition. Semblable exigence devrait être satisfaite au travers de l'introduction d'un art. 150a LNM énonçant le principe selon lequel les violations des dispositions de la convention du travail maritime seraient passibles de peines d'amende.

L'Etat du port est autorisé à soumettre en tout temps les navires qui y font escale à une inspection à des fins de contrôle du respect de la convention du travail maritime.

En cas de présentation d'un certificat de travail maritime et d'une déclaration de conformité du travail maritime valides, l'Etat du port est tenu de reconnaître ces derniers en tant que «preuve apparente» du respect de la convention. L'inspection devra être limitée à un contrôle du certificat de travail maritime et de la déclaration de conformité du travail maritime, sauf dans les circonstances précisées dans le code. En cas de suspicion
de violation d'une prescription de la convention, l'Etat du port est autorisé à procéder à une inspection plus approfondie. En cas de danger pour la sécurité ou la santé des gens de mer ainsi que de suspicion de violation grave de la convention, l'exécution d'une inspection plus approfondie est obligatoire.

3

Incidences financières et sur le plan du personnel

La ratification à la convention du travail maritime n'entraînera aucun frais pour la Suisse. Les coûts supplémentaires liés aux inspections effectuées par les sociétés de classification seront supportés par les armateurs.

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4

Intégration dans le programme de la législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201119 ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201120.

5

Modification du droit national

5.1

Modifications de la loi sur la navigation maritime

La présente révision vise l'harmonisation du droit fédéral avec la convention du travail maritime.

Art. 9, al. 3bis LNM L'Office doit pouvoir déléguer à des sociétés de classification reconnues certaines tâches d'inspection, de contrôle ou de décision, notamment celles prévues dans la Convention du travail maritime. Pour permettre la délégation de tâches d'inspection et de certification, il faut créer dans la LNM une norme habilitant directement l'Office à déléguer à des sociétés de classification la compétence d'inspecter et certifier le respect de l'ensemble des conditions découlant de la convention sur le travail maritime. Ces sociétés de classification doivent être préalablement être reconnues par l'Office de la navigation maritime (Règle 5.1.1, ch. 3) et elles doivent être dotées des pouvoirs de puissance publique qui sont indispensables à l'exercice de telles tâches. Cette délégation s'avère particulièrement nécessaire en regard de la Norme A5.1.2 (habilitation des organismes reconnus), de la Norme A5.1.3 (Certificat de travail maritime et déclaration de conformité), de la Norme 5.1.4, ch. 7.

Art. 45, al. 1, LNM La notion d'armateur utilisée dans la convention du travail maritime est définie de manière très large afin de prévenir la possibilité pour celui-ci de se soustraire à ses responsabilités vis-à-vis des gens de mer. Selon la définition qu'en donne la législation suisse, l'armateur est la personne qui, à titre de propriétaire, d'usufruitier ou de locataire, détient le navire et en contrôle l'exploitation. Afin d'assurer la conformité avec la convention du travail maritime, nous proposons d'adapter le libellé de l'art. 45, al. 1, LNM en conséquence. La définition actuelle de l'armateur doit être élargie pour couvrir toute organisation ou personne qui prend une responsabilité dans l'exploitation d'un navire. La convention cite par exemple le gérant, l'agent ou l'affréteur coque nue. Dans ce dernier cas, le bateau sans équipage est mis à la disposition de l'affréteur pour un voyage spécifique ou pour une durée déterminée.

L'affréteur doit veiller à assumer les tâches et obligations incombant à l'armateur, et il prend en charge les frais d'entretien, de réparation et d'exploitation du navire pendant la période d'utilisation.

19 20

FF 2008 639 FF 2008 7745

8164

Art. 59, al. 3, LNM La modification du troisième alinéa de cet article est à mettre en relation avec la révision de l'art. 37 de l'ordonnance sur la navigation maritime. Cet article a dû être adapté aux termes de la convention du travail maritime pour ce qui est des possibilités offertes dorénavant aux marins pour faire valoir leurs plaintes. Selon la norme A5.2.2 de la convention, une plainte d'un marin alléguant une infraction aux prescriptions de la convention peut être déposée auprès d'un fonctionnaire autorisé au port où le navire fait escale. Lorsque la plainte n'a pas été réglée, l'autorité portuaire doit transmettre son rapport à l'autorité compétente de l'Etat du pavillon pour prise de position. Les organisations des travailleurs et des employeurs doivent être informées sur le contenu du rapport, afin qu'elles puissent au besoin faire valoir leur droit d'opposition. Il est donc prévu d'accorder aux organisations des partenaires sociaux de la branche la possibilité de requérir l'entraide judiciaire auprès du consulat suisse accrédité dans l'Etat où le navire fait escale. Jusqu'à ce jour, cette possibilité n'était offerte qu'au capitaine du navire.

Art. 63, al 2, LNM La convention du travail maritime prévoit quelques nouveaux domaines d'action.

L'art. 63, al. 2, LNM accorde une compétence étendue au Conseil fédéral pour prendre des mesures d'exécution. Pour couvrir matériellement l'ensemble des domaines dorénavant couverts par la convention, la compétence du Conseil fédéral doit être légèrement élargie pour permettre une mise en oeuvre efficace et rapide de la convention du travail maritime.

Art. 70 LNM L'art. 70 LNM énumère les éléments essentiels du contrat d'engagement. La ratification de la convention du travail maritime implique que les Etats doivent légiférer sur les droits et les obligations les plus importants des parties au contrat d'engagement. La convention prescrit des éléments essentiels du contrat qui ne sont pas encore couverts par l'art. 70 LNM, par exemple: l'adresse de l'armateur, le droit du marin au rapatriement et, le cas échéant, le renvoi aux dispositions d'une CCT. La LNM doit donc être adaptée dans ce sens.

Art. 77, al. 2, LNM La convention oblige les Etats membres à édicter des délais minimums de congé en cas de dénonciation anticipée du contrat d'engagement. Ce
délai ne doit pas être inférieur à sept jours et sera fixé après consultation des organisations d'armateurs et de gens de mer. A noter que les Etats membres peuvent prévoir des délais de congé raccourcis en faveur des gens de mer. Quant à la réglementation suisse, elle prévoit à l'art. 77, al. 2, LNM un délai plus court de vingt-quatre heures. Dans le contexte international, cette durée est insuffisante, et une adaptation au principe des sept jours s'impose. Ce délai est plus court que celui fixé à l'art. 335 CO. Ces délais plus courts sont admissibles comme lex specialis. Le délai plus long que prévoit la convention garantit aux parties la possibilité de réagir plus facilement aux nouvelles circonstances engendrées par une résiliation. Toutefois, dans la pratique, les contrats d'engagement suisses prévoient des délais de congé plus longs, et il en va de même de la CCT qui fixe à son art. 17, al. 1, un délai de congé minimum de quatre semai8165

nes. La législation suisse en vigueur ne correspond pas à la pratique, et il est indiqué de la modifier. La prescription légale suisse doit être portée à sept jours.

Art. 82, al. 1, LNM La règle 2.5 porte sur la prise en charge des frais de rapatriement en cas de dénonciation anticipée du contrat d'engagement. Le droit suisse en vigueur prévoit à l'art. 82, al. 1, LNM la solution suivante: le marin débarqué a le droit de se faire ramener, aux frais de l'armateur, au lieu de son engagement sauf s'il a dénoncé luimême le contrat ou si celui-ci a été résilié pour de justes motifs imputables au marin.

A la différence de la législation suisse, la norme A2.5 de la règle 2.5 distingue entre la dénonciation pour justes motifs et celle dépourvue de motif qu'elle soit donnée par le marin ou l'armateur. Dans le premier cas seulement, l'employeur doit prendre en charge les frais de rapatriement. Cette réglementation paraît fondée et s'inscrit également dans la perspective du droit du travail régi par le CO selon lequel l'employeur n'est libéré de tout paiement de frais que si le congé a été donné par l'employé sans raison valable. La réglementation dans la loi sur la navigation maritime qui prévoit que le marin doit, au gré des circonstances, supporter lui-même les frais de peu d'importance d'un voyage de retour lorsqu'il donne son congé pour des raisons valables constitue un obstacle à la dissolution de rapports de travail dont on ne saurait exiger qu'ils soient maintenus. Il s'agit là d'un désavantage pour l'employé qu'il y a lieu de supprimer au travers d'une modification de l'art. 82, al. 1, LNM pour assurer une amélioration en faveur du marin. La solution pragmatique consiste à limiter la première exception prévue à l'art. 82, al. 1, LNM à la dénonciation abusive du contrat d'engagement.

Art. 150a LNM Selon l'art. V, ch. 6, de la convention, le droit national doit interdire toute violation des prescriptions de la convention du travail maritime et arrêter les mesures coercitives adéquates. En outre, l'Etat ratifiant la convention prévoira en vertu du ch. 17 de la norme A5.1.4 des mesures appropriées contre les entraves mises aux inspecteurs dans l'accomplissement de leur mission. Pour mettre en oeuvre le ch. 6 de l'art. V qui exige de prévoir des sanctions ou des mesures coercitives pour prévenir la
violation des prescriptions de la convention, il suffit de prévoir l'amende pour la violation de ces presciptions.Il est superflu de prévoir une disposition spéciale pour garantir l'application du ch. 17 de la norme A5.1.4. Le chap. III de la LNM doit être complété par une disposition pénale qui satisfasse les exigences du ch. 6 de l'art. V.

5.2

Modification de l'ordonnance sur la navigation maritime

Simultanément à la transmission du présent message, le Conseil fédéral a adopté les modifications de l'ordonnance sur la navigation maritime qui sont nécessaires à la ratification de la convention du travail maritime.

8166

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)21, les affaires extérieures relèvent de la Confédération. La compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver des traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst. Font exception les traités dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu de la loi ou d'un traité international. Dans le cas présent, le Conseil fédéral ne jouit d'aucune compétence.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 1 à 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif s'ils sont conclus pour une durée indéterminée et ne peuvent pas être dénoncés, s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationae ou s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales.

La convention sur le travail maritime peut, comme l'ensemble des conventions de l'OIT, être dénoncée au plus tôt dix ans après ratification (art. IX). Elle ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale. Elle contient cependant des dispositions qui nécessitent l'adaptation de la LNM. De ce fait, elle est sujette au référendum selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3 Cst.

L'arrêté fédéral portant approbation de la convention du travail maritime est par conséquent sujet au référendum et intègre, conformément à l'art. 141a, al. 2 Cst., les modifications de la LNM liées à la mise en oeuvre de cette convention, telles qu'explicitées au ch. 5.1 du présent message.

6.2

Renonciation à une consultation

Les dispositions de la convention du travail maritime sont déjà largement réalisées en Suisse. Les quelques modifications techniques au plan législatif ne justifient pas l'organisation d'une procédure de consultation au sens de l'art. 2 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation22.

7

Consultation de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l'OIT

Le présent message a été soumis à la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l'OIT, commission extraparlementaire consultative qui regroupe des représentants de l'administration fédérale et des partenaires sociaux suisses. La Commission a pris connaissance du message et donné son accord.

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RS 101 RS 172.061

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