09.079 Message sur la loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain du 21 octobre 2009

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain en vous proposant de l'adopter.

En même temps, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1998 M 98.3543

Elaboration d'une loi fédérale concernant la recherche médicale sur l'homme (E 16.3.1999, Plattner; N 21.3.2000)

2004 M 04.3105

Promouvoir la recherche médicale (N 29.11.2005, Dunant; E 13.3.2006)

2004 M 04.3742

Essais cliniques. Harmonisation de la procédure (N 19.3.2007, Hochreutener; E 13.12.2007)

2005 M 05.3136

Etudes cliniques. Pour plus de transparence (N 17.6.2005, Hubmann; E 12.12.2005)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 octobre 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-1966

7259

Condensé Le présent projet de loi concrétise le mandat législatif relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain. Conformément à ce mandat, il définit les domaines de recherche qui, eu égard à la menace qu'ils peuvent constituer pour la dignité humaine et la personnalité, rendent nécessaire une réglementation au niveau de la loi. Il s'agit des domaines comprenant la recherche sur les maladies humaines et la recherche sur la structure et le fonctionnement du corps humain.

La motion 98.3543 chargeait le Conseil fédéral d'élaborer un projet de loi fédérale relative à la recherche médicale sur l'être humain. La motion précisait que la loi devait «fixer les principes et limites à respecter dans ce domaine sur le plan de l'éthique et du droit; garantir, d'une part et autant que possible, le respect des droits de l'homme et faire, d'autre part, en sorte que la recherche médicale sur l'homme ­ quand elle est utile ­ soit possible.» Le 19 décembre 2003, le Conseil fédéral a été chargé de présenter une disposition constitutionnelle relative à la recherche sur l'être humain. Le Parlement a adopté le nouvel art. 118b Cst. le 25 septembre 2009. La votation populaire y afférente aura vraisemblablement lieu le 7 mars 2010. Cet article constitutionnel oblige la Confédération à légiférer sur la recherche sur l'être humain si et seulement si c'est nécessaire pour protéger la dignité et la personnalité de l'être humain dans le cadre de la recherche. En outre, l'art. 118b Cst. mentionne quatre principes fondamentaux dont le législateur doit tenir compte dans le domaine de la recherche biologique et médicale sur des personnes.

L'analyse des risques exigée par la Constitution a révélé que la recherche sur les maladies humaines et celle afférente à la structure et au fonctionnement du corps humain nécessitaient une réglementation en vue de protéger la dignité et la personnalité de l'être humain. En effet, des recherches de cette nature sont toujours susceptibles de nuire à l'intégrité psychique et corporelle de la personne concernée ainsi qu'à son droit à l'autodétermination. Le prélèvement à des fins de recherche de matériel biologique anonymisé et l'emploi de données liées à la santé anonymes ou anonymisées ne font pas l'objet d'une réglementation, puisqu'ils ne présentent potentiellement
pas de risques.

En conformité avec l'objectif premier de l'art. 118b Cst., le présent projet de loi constitue, en premier lieu, une loi visant à protéger l'être humain dans le cadre de la recherche. Pour ce faire, il consacre, en le renforçant, d'une part, le droit à l'autodétermination de la personne qui participe à un projet de recherche ou à laquelle il est demandé de participer à un projet, ou dont le matériel biologique et les données personnelles liées à la santé doivent être utilisés à des fins de recherche.

Pour protéger les sujets d'un projet de recherche, le projet de loi arrête, d'autre part, des dispositions objectives (par exemple exigences posées en matière de consentement, d'information et de protection des personnes incapables de discernement et en ce qui concerne le rapport admis entre les risques et les bénéfices et l'examen du projet de recherche par des commissions d'éthique pour la recherche).

7260

De surcroît, le présent projet de loi crée des conditions favorables à la recherche sur l'être humain en Suisse en fixant des exigences administratives homogènes. Il a également pour objectif de regrouper dans une seule réglementation les quelques dispositions existantes relatives à la recherche sur l'être humain, qui sont réparties entre plusieurs lois fédérales et cantonales. C'est pourquoi les dispositions générales sur la recherche inscrites notamment dans la loi sur la transplantation et celle sur les produits thérapeutiques et les directives cantonales existantes sont remplacées dans le présent projet de loi par des normes spécifiques. Les réglementations tiennent compte, dans la mesure du possible, de la pratique éprouvée et concordent avec les prescriptions internationales reconnues.

Eu égard aux principes figurant dans l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain, il convient de mettre en exergue les aspects réglementaires fondamentaux, qui sont les suivants: ­

La recherche sur des personnes ne peut être entreprise que si un consentement éclairé a été donné. L'interdiction de réaliser un projet de recherche sans le consentement de la personne est considérée comme valable en tout temps; aussi le refus des personnes incapables de discernement doit-il toujours être pris en compte. Des exigences spécifiques et parfois plus strictes sont posées à la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables.

­

La réutilisation de matériel biologique prélevé antérieurement et de données personnelles liées à la santé recueillies antérieurement est soumise à une réglementation distincte. La recherche impliquant l'emploi de matériel biologique et de données génétiques est régie par des dispositions plus strictes que celles qui s'appliquent à l'exploitation, à des fins de recherche, de données non génétiques liées à la santé. Les biobanques doivent uniquement satisfaire à des exigences d'ordre technique, relatives à l'exploitation. En revanche, leur exploitation n'est soumise ni à un régime d'autorisation obligatoire ni à une obligation d'annoncer spécifiques.

­

Comme c'était le cas jusqu'ici, il incombera aux commissions cantonales d'éthique de procéder à l'examen indépendant des projets de recherche.

Toutefois, des dispositions uniformes seront définies pour l'examen et la procédure d'évaluation. Les commissions devront se doter d'un secrétariat scientifique de manière à garantir l'efficacité des procédures. Dorénavant, en Suisse, une seule commission d'éthique, à savoir celle du lieu où travaille le coordinateur du projet, sera compétente pour évaluer de manière exhaustive les études multicentriques. Un service de coordination assurera l'échange régulier parmi les commissions d'éthique et d'autres autorités de contrôle.

­

En vue de favoriser la transparence, il est prévu d'instaurer l'obligation de tenir un registre des projets de recherche.

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Table des matières Condensé

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1 Partie générale: Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.1.1 Article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain 1.1.2 Mise en oeuvre du mandat législatif 1.1.3 Objectif principal du projet de loi 1.2 Aspects éthiques 1.2.1 L'antagonisme de fond 1.2.2 Les quatre principes classiques de l'éthique biomédicale 1.2.2.1 Le principe de l'autonomie 1.2.2.2 Le principe de la justice 1.2.2.3 Les principes de la non-malfaisance et de la bienfaisance 1.3 Aspects scientifiques 1.4 Situation juridique en Suisse 1.4.1 Vue d'ensemble 1.4.2 Législation fédérale 1.4.2.1 Produits thérapeutiques 1.4.2.2 Transplantation 1.4.2.3 Recherche sur les cellules souches embryonnaires 1.4.2.4 Procréation médicalement assistée 1.4.2.5 Analyse génétique humaine 1.4.2.6 Protection des données 1.4.2.7 Secret professionnel en matière de recherche médicale 1.4.3 Législations cantonales 1.5 Situation juridique internationale et législation en vigueur dans d'autres pays 1.5.1 Conseil de l'Europe 1.5.2 Union européenne 1.5.3 Situation juridique dans d'autres pays 1.6 Directives et déclarations 1.6.1 Directives des Académies suisses des sciences 1.6.2 Prise de position de la Commission nationale d'éthique 1.6.3 Directives et déclarations de l'Organisation des Nations Unies 1.6.4 Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale 1.6.5 Ligne directrice des bonnes pratiques cliniques de la Conférence internationale sur l'harmonisation des critères d'homologation des produits pharmaceutiques à l'usage de l'homme 1.7 Mise au point de l'avant-projet 1.7.1 Résultats de la procédure de consultation 1.7.1.1 Résultats généraux 1.7.1.2 Résultats en détail 1.7.2 Remaniement de l'avant-projet et principales modifications apportées 1.8 Aspects réglementaires choisis

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1.8.1 Champ d'application 1.8.1.1 Situation de départ 1.8.1.2 Résultats de la procédure de consultation 1.8.1.3 Solution proposée 1.8.2 Recherche sur du matériel biologique et sur des données personnelles liées à la santé 1.8.2.1 Situation de départ 1.8.2.2 Aspects scientifiques 1.8.2.3 Aspects éthiques 1.8.2.4 Droit et dispositions applicables 1.8.2.5 Résultats de la procédure de consultation 1.8.2.6 Solution proposée 1.8.3 Tâches et organisation des commissions d'éthique 1.8.3.1 Situation de départ 1.8.3.2 Droit et dispositions applicables 1.8.3.3 Résultats de la procédure de consultation 1.8.3.4 Solution proposée 1.8.4 Transparence et registre 1.8.4.1 Situation de départ 1.8.4.2 Aspects scientifiques et éthiques 1.8.4.3 Droit et dispositions applicables 1.8.4.4 Résultats de la procédure de consultation 1.8.4.5 Solution proposée 1.9 Débat public 1.10 Classement d'interventions parlementaires 2 Partie spéciale Commentaire 2.1 Chapitre 1 Dispositions générales 2.1.1 Section 1 But, champ d'application et définitions 2.1.1.1 But (art. 1) 2.1.1.2 Champ d'application (art. 2) 2.1.1.3 Définitions (art. 3) 2.1.2 Section 2 Principes 2.1.2.1 Primauté des intérêts de l'être humain (art. 4) 2.1.2.2 Pertinence (art. 5) 2.1.2.3 Non-discrimination (art. 6) 2.1.2.4 Consentement (art. 7) 2.1.2.5 Droit d'information (art. 8) 2.1.2.6 Interdiction de commercialiser (art. 9) 2.1.2.7 Exigences scientifiques (art. 10) 2.2 Chapitre 2 Exigences générales posées à la recherche sur des personnes 2.2.1 Section 1 Protection des participants 2.2.1.1 Subsidiarité (art. 11) 2.2.1.2 Risques et contraintes (art. 12) 2.2.1.3 Gratuité de la participation (art. 13) 2.2.1.4 Anonymisation illicite (art. 14) 2.2.1.5 Mesures de sécurité et de protection (art. 15)

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2.2.2 Section 2 Information et consentement 2.2.2.1 Consentement éclairé (art. 16) 2.2.2.2 Consentement à la réutilisation (art. 17) 2.2.2.3 Information incomplète (art. 18) 2.2.3 Section 3 Responsabilité et garantie 2.2.3.1 Responsabilité (art. 19) 2.2.3.2 Garantie (art. 20) Chapitre 3 Exigences supplémentaires posées à la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables 2.3.1 Section 1 Recherche sur des enfants, des adolescents et des adultes incapables de discernement 2.3.1.1 Projets de recherche sur des enfants (art. 21) 2.3.1.2 Projets de recherche sur des adolescents (art. 22) 2.3.1.3 Projets de recherche sur des adultes incapables de discernement (art. 23) 2.3.2 Section 2 Recherche sur des femmes enceintes et sur des embryons et des foetus in vivo 2.3.2.1 Projets de recherche illicites (art. 24) 2.3.2.2 Projets de recherche sur des femmes enceintes et sur des embryons et des foetus in vivo (art. 25) 2.3.2.3 Projets de recherche sur des méthodes d'interruption de grossesse (art. 26) 2.3.3 Section 3 Recherche sur des personnes privées de liberté 2.3.3.1 Projets de recherche sur des personnes privées de liberté (art. 27) 2.3.3.2 Allégement illicite des conditions de détention (art. 28) 2.3.4 Section 4 Recherche en situation d'urgence 2.3.4.1 Projets de recherche en situation d'urgence (art. 29) 2.3.4.2 Consentement a posteriori ou par substitution (art. 30) Chapitre 4 Réutilisation à des fins de recherche de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé 2.4.1 Réutilisation de matériel biologique et de données génétiques (art. 31) 2.4.2 Réutilisation de données personnelles non génétiques liées à la santé (art. 32) 2.4.3 Défaut de consentement et d'information (art. 33) 2.4.4 Anonymisation et codage (art. 34) Chapitre 5 Recherche sur des personnes décédées 2.5.1 Aspects éthiques 2.5.2 Aspects juridiques 2.5.3 Consentement (art. 35) 2.5.4 Autres conditions (art. 36) 2.5.5 Recherche dans le cadre d'une autopsie ou d'une transplantation (art. 37) Chapitre 6 Recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés

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2.6.1 Conditions requises pour la recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse (art. 38) 2.6.2 Conditions requises pour la recherche sur des embryons et des foetus issus d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés (art. 39) 2.7 Chapitre 7 Transmission, exportation et conservation 2.7.1 Transmission à des fins autres que la recherche (art. 40) 2.7.2 Exportation (art. 41) 2.7.3 Conservation (art. 42) 2.7.4 Personnes décédées, embryons, foetus, y compris enfants mort-nés (art. 43) 2.8 Chapitre 8 Autorisations, déclarations et procédures 2.8.1 Obligation d'obtenir une autorisation (art. 44) 2.8.2 Obligation d'annoncer et d'informer (art. 45) 2.8.3 Commission d'éthique compétente (art. 46) 2.8.4 Mesures des autorités (art. 47) 2.8.5 Procédure (art. 48) 2.8.6 Voies de droit (art. 49) 2.9 Chapitre 9 Commissions d'éthique pour la recherche 2.9.1 Tâches (art. 50) 2.9.2 Indépendance (art. 51) 2.9.3 Composition (art. 52) 2.9.4 Organisation et financement (art. 53) 2.9.5 Coordination et information (art. 54) 2.10 Chapitre 10 Transparence et protection des données 2.10.1 Enegistrement (art. 55) 2.10.2 Obligation de garder le secret (art. 56) 2.10.3 Traitement des données personnelles (art. 57) 2.10.4 Communication de données (art. 58) 2.10.5 Transmission à des autorités étrangères et à des organisations internationales (art. 59) 2.10.6 Evaluation (art. 60) 2.11 Chapitre 11 Dispositions pénales 2.11.1 Délits (art. 61) 2.11.2 Contraventions (art. 62) 2.11.3 Compétences et droit pénal administratif (art. 63) 2.12 Chapitre 12 Dispositions finales 2.12.1 Modification du droit en vigueur (art. 64) 2.12.2 Dispositions transitoires (art. 65) 2.12.3 Référendum et entrée en vigueur (art. 66) 2.13 Commentaire de l'annexe du projet de loi 2.13.1 Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données 2.13.2 Code pénal 2.13.3 Loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine 2.13.4 Loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation 2.13.5 Loi du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur les cellules souches

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2.13.6 Loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques

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3 Conséquences du projet de loi 3.1 Conséquences sur les finances et le personnel 3.1.1 Introduction 3.1.2 Conséquences pour la Confédération 3.1.2.1 Registre des projets de recherche 3.1.2.2 Coordination et information 3.1.2.3 Evaluation 3.1.2.4 Récapitulatif des charges 3.1.3 Conséquences pour les cantons 3.1.4 Conséquences pour les communes 3.2 Conséquences dans le domaine de l'informatique 3.3 Conséquences pour la recherche financée par l'économie privée 3.4 Conséquences pour l'économie 3.5 Conséquences pour la population et la santé publique 3.6 Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein

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4 Programme de la législature

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5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.3 Délégation de compétences législatives

7372 7372 7373 7373

Annexe: Récapitulatif des charges de la Confédération

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Loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain (Projet)

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7266

Message 1

Partie générale: Présentation de l'objet

1.1

Contexte

La recherche sur l'être humain apporte des contributions indispensables à l'évolution de notre système de santé moderne. Les nouveaux procédés diagnostiques ou thérapeutiques, avant d'être disponibles dans la pratique, doivent être développés et contrôlés, le plus souvent, au moyen de projets de recherche où l'être humain est impliqué. Il en va de même pour les méthodes de prévention et de promotion de la santé. D'une part, on ne peut renoncer à la recherche sur l'être humain, car elle seule permet de montrer aussi bien la tolérance à une nouvelle mesure que sa sécurité et son efficacité. D'autre part, toute personne participant à un projet de recherche agit dans l'intérêt de la science, c'est-à-dire, dans l'intérêt de tiers, lorsqu'elle prend des risques pour sa santé, accepte des contraintes ou communique des informations personnelles. Et ce, même si cette personne peut retirer un bénéfice direct du projet de recherche en question, notamment une amélioration de sa santé.

La recherche sur l'être humain peut violer les droits de la dignité et de la personnalité. Certaines études cliniques peuvent porter atteinte à l'intégrité physique, voire exceptionnellement psychique, de la personne qui se soumet à la recherche. Dans d'autres études comportant, par exemple, des données liées à la santé, le risque d'une utilisation abusive de ces données existe. Un ensemble de normes juridiques visant en particulier la protection des personnes dans la recherche médicale a été élaborée au niveau international au cours des dernières décennies. A l'heure actuelle, la législation suisse relative à la recherche sur l'être humain est en partie lacunaire et manque de systématique. Des dispositions homogènes font notamment défaut au niveau fédéral.

Dans ce contexte, la motion 98.3543 du Conseil des Etats1 demandait au Conseil fédéral d'élaborer une loi fédérale relative à la recherche médicale sur l'être humain.

Ce projet de loi devait fixer «les principes et limites à respecter dans ce domaine sur le plan de l'éthique et du droit; il garantira, d'une part et autant que possible, le respect des droits de l'homme et fera, d'autre part, en sorte que la recherche médicale sur l'homme ­ quand elle est utile ­ soit possible».

Les premiers travaux préparatoires au projet de loi relative à la recherche sur l'être humain
ont été interrompus fin 2001 au profit d'une réglementation concernant la recherche sur les embryons humains surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires. En outre, dans le cadre des débats parlementaires concernant la loi fédérale du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires (LRCS)2, le Conseil fédéral a été chargé de présenter une disposition constitutionnelle relative à la recherche sur l'être humain3 . Sur cette base constitutionnelle, approuvée par le Parlement le 25 septembre 2009, le présent projet de loi relative à la recherche sur l'être humain réglemente la recherche sur les maladies 1 2 3

Motion 98.3543 (Plattner) du 1er déc. 1998: «Elaboration d'une loi fédérale concernant la recherche médicale sur l'homme».

RS 810.31 Motion 03.3007 (Commission de la science, de l'éducation et de la culture CE) du 18 fév. 2003: «Recherche sur l'être humain. Création d'une base constitutionnelle».

7267

humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain, pratiquée sur des personnes vivantes ou décédées, des embryons et des foetus, du matériel biologique d'origine humaine et des données personnelles liées à la santé. En est exclue la recherche sur les embryons humains surnuméraires et les cellules souches embryonnaires, qui reste réglementée dans la loi relative à la recherche sur les cellules souches.

1.1.1

Article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain

Le nouvel article constitutionnel4 crée la base qui permet de réglementer la recherche sur l'être humain en Suisse de manière uniforme et étendue. Le but est d'assurer la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche, en veillant à la liberté de la recherche et en tenant compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société.

L'article constitutionnel impose à la Confédération d'édicter des dispositions si ­ et c'est la condition sine qua non ­ elles sont nécessaires pour protéger la dignité et la personnalité des êtres humains qui participent à des projets de recherche. Aussi le législateur fédéral est-il chargé, d'une part, de procéder à une analyse détaillée du risque et de déterminer les domaines de la recherche comportant un risque pour la dignité humaine et la personnalité. D'autre part, il doit évaluer si la législation existante, générale, suffit pour obvier à ce risque. En cas d'évaluation négative, l'art. 118b Cst. impose de légiférer sur la protection de la dignité humaine et de la personnalité. Par contre, l'art. 118b Cst. n'offre pas de base de compétence pour légiférer sur la recherche sur l'être humain si cette analyse montre que pour certains domaines de la recherche, le risque est négligeable ou que le droit en vigueur accorde déjà une protection suffisante. En outre, cet article énonce quatre principes qui s'appliquent à la recherche réalisée sur des personnes en biologie et en médecine et que le législateur doit respecter, à savoir le consentement éclairé, le rapport entre les risques et les bénéfices, la recherche sur des personnes incapables de discernement et l'expertise indépendante du projet de recherche afin de garantir la protection des personnes y participant. En outre, le législateur est libre de compléter ou de renforcer ces exigences pour des domaines de recherche déterminés.

1.1.2

Mise en oeuvre du mandat législatif

Le présent projet de réglementation concrétise le mandat législatif de l'article constitutionnel. Une analyse du risque permettra d'abord de déterminer les domaines de la recherche qui nécessitent une réglementation en raison de la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain. Le risque est notamment évalué à l'aune du type et de l'intensité de l'intervention liée au domaine de recherche. Parallèlement, il faut vérifier que la législation générale ne garantit pas déjà une protection suffisante de la dignité et de la personnalité pour le domaine de recherche concerné, en particulier la protection de la personnalité accordée par le droit privé et la législation sur la protection des données. Enfin, il est utile de procéder à une comparaison avec les 4

FF 2009 6005

7268

législations internationales et étrangères. Il peut en découler des indications sur les activités de la recherche sur l'être humain qui nécessitent une réglementation spécifique.

Cette analyse du risque a montré qu'actuellement, seule la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain rendait nécessaire l'élaboration de prescriptions visant à garantir la protection de la dignité et de la personnalité. On parle de ce type de recherche si l'on vise à recueillir, de manière systématique, méthodique et vérifiable, des connaissances pouvant être ensuite généralisées. C'est notamment le cas de la recherche préventive, diagnostique, thérapeutique et épidémiologique (pour une description précise du champ d'application, cf. ch. 1.8.1 et 2.1.1.2). Les raisons suivantes plaident essentiellement en faveur d'une limitation du champ d'application: ­

La recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain concerne, par exemple, les essais cliniques de produits thérapeutiques, l'expérimentation de nouvelles techniques chirurgicales ou de nouvelles approches psychothérapeutiques. Ce type de recherche porte souvent atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne concernée, raison pour laquelle il s'accompagne de toute évidence d'un danger pour la dignité et la personnalité des personnes y participant, en particulier pour leur santé.

­

La recherche sur les données liées à la santé d'une personne et sur du matériel biologique constitue un travail sur des informations provenant de domaines particulièrement sensibles. Ce type de recherche peut surtout s'accompagner d'un risque pour le droit à l'autodétermination en matière d'information. Si de telles informations sont utilisées abusivement ou transmises à des tiers non autorisés, il peut s'ensuivre une atteinte grave à la dignité et à la personnalité; en cas de prélèvement de matériel biologique, il existe un risque injustifié d'atteinte à l'intégrité physique. En revanche, les données anonymes ou correctement anonymisées ne présentent pas de danger d'atteinte à la dignité ou à la personnalité. Aussi la recherche sur de telles données ne tombe-t-elle pas sous le coup du projet de loi. Il en va de même pour la réutilisation de matériel déjà obtenu et correctement anonymisé; ici non plus, il ne faut craindre aucun danger pour la personne de laquelle provient le matériel.

­

La législation générale n'offre pas à l'être humain de protection suffisante dans la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain. La législation sur la protection des données et le droit civil, en particulier, manquent de dispositions spécifiques en matière de protection qui répondent aux particularités de ce type de recherche. Par exemple, cette législation générale ne comporte aucune obligation d'examiner un projet de recherche au préalable. La personne impliquée dans un tel projet de recherche étant exposée, dans l'intérêt de tiers, à un risque pour sa santé, la nécessité d'un tel examen est en revanche reconnue. Il n'existe pas non plus de garde-fous spécifiques de la recherche en matière de protection de la personne concernée en lien avec les données sur la santé et le matériel biologique.

7269

­

Les dispositions au niveau international et les législations des Etats étrangers montrent que ce sont avant tout la recherche médicale et les activités de recherche sur des questions liées à la santé et à la maladie qui nécessitent une réglementation (cf. ch. 1.5).

Par contre, selon les estimations actuelles, les domaines de recherche en dehors de celle sur les maladies humaines, la structure et le fonctionnement de l'être humain ne semblent pas comporter de risque pour la dignité et la personnalité de l'être humain qui nécessite une réglementation spécifique au niveau fédéral. Il s'agit principalement d'activités de recherche en sciences humaines et sociales, pour autant qu'elles n'entrent pas dans le cadre des projets de recherche susmentionnés. De toute façon, ce type de recherche utilise le plus souvent des données anonymes ou anonymisées qui ne comportent aucun risque pour les personnes concernées et dont l'étude, par conséquent, ne peut pas non plus être réglementée sur la base de l'art. 118b, al. 1, Cst. En outre, les données personnelles ­ codées ou non codées ­ en dehors de la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain concernent souvent des domaines (par exemple recherche sur la mobilité, les comportements de consommation, les activités de loisirs) dont aucun véritable danger n'est à escompter pour la dignité et la personnalité.

Cependant, légiférer n'est pas indispensable non plus, sur la base des expériences faites à ce jour, pour des sujets de recherche qui s'avèrent plus sensibles que les domaines susmentionnés (par exemple les études de genre, la recherche sur le racisme et la religion). Dans ces domaines, la Suisse ne connaît encore aucune activité de recherche ou abus qui imposerait une réglementation spécifique en présentant un risque pour la dignité et la personnalité.

En édictant une loi fédérale relative à la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain, la Confédération a rempli, du point de vue actuel, le mandat législatif qui lui a été confié. Par contre, la réglementation des compétences de l'art. 118b, al. 1, Cst., ouvert sur l'avenir, n'exclut pas que le législateur fédéral estime nécessaire de légiférer dans d'autres domaines que les types de recherche susmentionnés, notamment en raison de nouvelles activités de recherche, de développements technologiques ou suite à une réévaluation du risque.

Enfin, le présent projet concrétise aussi la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard
des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine5; cf.

ch. 1.5.1) au niveau national, pour ce qui est de la recherche sur l'être humain.

1.1.3

Objectif principal du projet de loi

Le présent projet de loi constitue avant tout une loi sur la protection de la personne, conformément à l'objectif principal de l'art. 118b Cst. A cette fin, il ancre et renforce, d'une part, le droit de la personnalité des personnes qui participent à un projet de recherche ou qui sont sollicitées pour y participer (par exemple exigence relative au consentement éclairé, droit de révoquer le consentement, droit de ne pas savoir).

D'autre part, le projet de loi fixe des dispositions objectives visant à protéger les participants, notamment en posant des exigences concernant le caractère scientifique

5

RS 0.810.2

7270

du projet de recherche, le rapport admissible entre les risques et les bénéfices et, enfin, l'examen du projet par une commission d'éthique pour la recherche.

Par contre, à peu d'exceptions près, aucune exigence matérielle n'a été prévue. Si la pertinence d'un projet de recherche est avérée pour la science et pour la compréhension des maladies humaines, de la structure et du fonctionnement du corps humain ou pour la santé publique, les chercheurs sont libres de définir les objectifs et la méthodologie de leur projet au sein des conditions générales établies par la communauté scientifique («scientific community») elle-même. Ainsi, l'exigence constitutionnelle de veiller à la liberté de la recherche et de tenir compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société est concrétisée. Vu que la collaboration internationale, mais aussi la concurrence internationale sont capitales en matière de recherche sur l'être humain, le législateur a aussi veillé à ce que le présent projet soit compatible avec les réglementations internationales en la matière. Il faudra tenir compte de cet aspect lors de l'élaboration des ordonnances d'exécution.

Au surplus, la loi relative à la recherche sur l'être humain ne constitue pas une loi sur la promotion de la recherche proprement dite. Elle ne contient ni les bases qui permettraient d'octroyer des contributions financières aux projets de recherche ou aux institutions, ni des allégements d'ordre général en matière de protection de la personne pour certains axes de la recherche. En revanche, le législateur a souhaité tout particulièrement limiter au strict nécessaire les charges administratives et procédurales en matière de protection de la dignité et de la personnalité. En outre, la possibilité de procéder à des différenciations adéquates reste ouverte dans le cadre des ordonnances d'exécution. Ce projet permet à la recherche de bénéficier d'une plus grande sécurité juridique et d'une meilleure transparence, ce qui peut renforcer la confiance de la population. Généralement parlant, le projet de loi crée ainsi des conditions favorables pour la recherche sur l'être humain en Suisse.

1.2

Aspects éthiques

1.2.1

L'antagonisme de fond

La vitesse à laquelle évolue la recherche en biologie et en médecine soulève toute une série de questions auxquelles la déontologie en usage dans la pratique médicale ne peut répondre à elle seule. Alors que la pratique médicale s'attache au bien-être et au bénéfice des patients, la recherche est principalement axée sur l'acquisition de connaissances scientifiques. Cela reste le cas même lorsqu'un projet de recherche laisse prévoir un bénéfice direct pour les patients. Ainsi, l'antagonisme de fond qui sous-tend la recherche sur l'être humain tient au fait que la personne concernée, qu'elle soit malade ou en bonne santé, accepte des risques et des contraintes psychiques ou physiques qui ne sont jamais dans son intérêt personnel exclusif, mais également ou seulement dans l'intérêt d'autres personnes. Les intérêts de tiers en jeu ici sont ceux de la recherche (liberté de la recherche), d'une part, et de la société (par exemple progrès dans la pratique médicale), d'autre part. Ce conflit d'intérêts doit être résolu par une évaluation comparative, dans laquelle il importe, par principe, de donner la primauté aux intérêts de la personne concernée.

7271

1.2.2

Les quatre principes classiques de l'éthique biomédicale

Le non-respect des intérêts des sujets de recherche a été à l'origine, au cours des décennies écoulées, de l'adoption de plusieurs documents fondamentaux, reconnus sur le plan mondial et relatifs au traitement des personnes qui participent à des projets de recherche. Parmi ces instruments figure par exemple le Code de Nuremberg, rédigé en 1947 en réaction aux expérimentations menées au mépris de la dignité humaine durant le régime nazi. Il s'agit du premier document qui stipule clairement qu'aucun essai ne peut être réalisé sur une personne malade ou en bonne santé avant que celle-ci ait donné son consentement libre et éclairé.

Sur le plan éthique, la recherche sur l'être humain soulève des questions de fond, comme celle de savoir si l'instrumentalisation d'une personne dans le cadre d'une étude scientifique est justifiée ou non. Certaines questions imposent de peser soigneusement les intérêts en jeu, comme le niveau de risque et de contrainte que l'on peut raisonnablement attendre des sujets de recherche. Pour répondre à ces questions, on fait généralement appel aux quatre principes classiques de l'éthique biomédicale: l'autonomie, la justice, la non-malfaisance et la bienfaisance. Ces quatre principes reposent sur des traditions philosophiques différentes qui, dans le cas du principe de non-malfaisance, remontent au serment d'Hippocrate. L'avantage d'une approche fondée sur ces quatre principes réside dans le fait qu'il est ainsi possible, lors de l'appréciation de problèmes concrets, de tenir compte de différents aspects. Il n'est pas toujours évident de considérer ces principes individuellement, étant donné qu'ils se superposent souvent.

1.2.2.1

Le principe de l'autonomie

L'être humain ne doit jamais être utilisé uniquement comme un moyen permettant d'atteindre un but (interdiction de l'instrumentalisation). C'est pourquoi, dans tout projet de recherche, la volonté, les intérêts et le bien-être individuels doivent par principe primer l'intérêt général et scientifique. D'où l'exigence de l'autonomie, qui se traduit par le fait que le consentement libre et éclairé des sujets est une condition fondamentale de la licéité des actes médicaux en général, et des projets de recherche en particulier. Il importe de soumettre à des exigences très strictes l'information qui précède le consentement. En effet, celle-ci comporte les renseignements qui permettent au sujet de comprendre la portée et la signification d'un projet de recherche et de prendre une décision autonome. Le caractère librement consenti peut notamment être compromis par des incitations financières excessives. Ces incitations, par exemple, sous forme de dédommagements pour la participation au projet, ne doivent pas être disproportionnées. En effet, cela peut avoir pour conséquence qu'une personne consente à participer à un projet de recherche uniquement ou principalement pour des motifs financiers, sans en avoir suffisamment pesé les risques. Or, un consentement n'est estimé libre (et de fait autonome) que dans le cas où il est donné indépendamment de considérations étrangères.

Les personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre ou d'évaluer totalement le but, les bénéfices et les risques d'une expérimentation et qui, par conséquent, sont incapables de prendre une décision éclairée et mûrement réfléchie, sont considérées, du point de vue éthique, comme requérant une protection particulière. La question 7272

de savoir si la recherche sur des personnes incapables de discernement est éthiquement admissible ou non suscite la controverse, notamment en l'absence de bénéfice direct escompté, si bien que le principe de la bienfaisance ne peut pas être invoqué pour justifier l'implication d'une personne dans un projet de recherche. Les uns considèrent que la recherche sur des personnes incapables de discernement est éthiquement inacceptable parce que ces personnes ne sont pas capables d'exprimer elles-mêmes de manière valable leurs intérêts personnels et leur volonté. Les autres considèrent qu'il est éthiquement inacceptable de cesser la recherche sur des personnes incapables de discernement parce que cela défavoriserait cette catégorie de personnes (discrimination). Dans ce contexte, la discrimination ne se réfère pas au fait que ces personnes ne participent pas à des projets de recherche, mais au fait qu'elles sont ainsi exclues des avancées médicales. Par là, on les prive des résultats de projets de recherche, comme le développement d'approches thérapeutiques qui concernent précisément leurs problèmes de santé. Ce faisant, le consentement par substitution est jugé suffisant dans le cadre du principe de l'autonomie.

1.2.2.2

Le principe de la justice

La justice dans la recherche en tant que principe éthique est assurée par le fait qu'une attention particulière est accordée à une répartition équitable entre les contraintes liées aux essais de la recherche et les bénéfices qui en découlent. Il est par principe inadmissible, d'un point de vue éthique, de répartir inéquitablement ­ et de façon consciente ­ contraintes et bénéfices, par exemple en faisant supporter à un groupe uniquement les risques et les contraintes découlant des projets de recherche, tandis qu'un autre groupe bénéficiera exclusivement des avantages ou des progrès qui en résulteront.

Le principe éthique de la justice inclut en outre le principe de l'égalité de traitement.

C'est notamment sous cet angle qu'est analysée l'exclusion éventuelle de la recherche des personnes incapables de discernement. L'exclusion injustifiée est discriminatoire, car elle est contraire au principe de l'égalité de traitement. Si l'on tabouise cette recherche, les maladies susceptibles d'entraîner la perte de discernement (la maladie d'Alzheimer, p. ex.) risquent de ne plus être suffisamment étudiées. Cela aurait des répercussions négatives sur la santé des personnes concernées car, faute de recherche suffisante, les possibilités de traitement feront défaut. Le débat sur les catégories de personnes impliquées dans la recherche concerne également les femmes en âge de procréer. Les préoccupations pour leur santé et celle de leurs enfants conduisent souvent à l'exclusion des études pour les femmes entre 15 et 50 ans.

Elles sont ainsi souvent privées des médicaments et des protocoles de soins testés les mieux adaptés à leur cas.

1.2.2.3

Les principes de la non-malfaisance et de la bienfaisance

Les deux principes fondamentaux de l'éthique, à savoir l'interdiction de faire du mal et le devoir de faire du bien, se traduisent, dans le domaine de la santé, par les principes de la non-malfaisance et de la bienfaisance. La pesée des bénéfices et des risques inhérents à un projet de recherche est un élément crucial, avec la garantie de 7273

la libre décision du sujet de recherche (autonomie). Pour la recherche à caractère thérapeutique, il doit résulter de cette pesée que les bénéfices escomptés et les risques et les contraintes prévisibles pour le participant sont dans un rapport équilibré.

Si tel n'est pas le cas, il n'est pas question de demander à des personnes de consentir à participer à l'étude.

Pour les projets de recherche qui ne permettent pas d'escompter un bénéfice direct pour la personne qui s'y soumet, c'est-à-dire dans lesquels l'intérêt de la collectivité prime l'intérêt personnel direct, l'intervention est réputée ne pas poser de problème si les risques et les contraintes prévisibles sont minimaux. Si les sujets de recherche sont capables de discernement, on peut étendre le consentement éclairé à des risques et des contraintes plus importants. Les essais de phase I, au cours desquels une substance est testée pour la première fois sur un homme sain, dans la plupart des cas, comportent des risques particuliers et ne devraient en principe pas impliquer des personnes particulièrement vulnérables lorsque les expériences sur animaux et les essais in-vitro ne permettent de donner que des indices sur la tolérance à cette substance.

D'un point de vue éthique, le jugement porté sur la recherche, que celle-ci s'accompagne ou non d'un bénéfice direct, varie lorsqu'elle implique notamment des personnes incapables de discernement. Cet élément ressort clairement dans le cas des études contrôlées sous placebo. Une partie des participants à l'étude ne reçoit pas le principe actif afin de pouvoir établir scientifiquement, en comparant avec les participants qui l'auront reçu, l'effet précis de la substance active. A cette occasion, les participants ne savent pas s'ils font partie du groupe de contrôle ou non. Il va de soi qu'une information suffisante doit faire mention de l'étude contrôlée par placebo. Ce faisant, il faut déterminer si l'étude est soumise aux exigences posées à un projet de recherche sans bénéfice direct, parce qu'un bénéfice peut être exclu pour le groupe de contrôle sous placebo. Certes, ce groupe n'encourt pas les risques et les effets secondaires qu'implique le principe actif, mais il risque toutefois d'être privé d'un éventuel bénéfice. La discussion éthique et scientifique autour des placebos a évalué positivement
le fait que les projets permettant d'escompter un bénéfice direct s'accompagnent de telles études, tout en posant certaines conditions à prendre en compte: afin de ramener au minimum les risques découlant du non traitement d'une maladie existante, un nouveau principe actif doit être testé, en règle générale, par rapport à un traitement standard, et, seulement si celui-ci fait défaut, par rapport à un placebo. Ainsi, le groupe de contrôle est traité suivant le meilleur standard médical existant. Puis il s'agit d'étendre l'essai à tout le groupe d'étude dès que l'amélioration de l'efficacité d'une substance est constatée.

La motivation première pour participer à un projet de recherche est, idéalement, le désir de contribuer activement aux progrès de la médecine dans l'intérêt de la société et des patients. Dans ce contexte, il est difficile d'évaluer des situations dans lesquelles des personnes gravement malades sont impliquées dans des projets de recherche.

Etant donné leur situation désespérée, ces personnes sont souvent prêtes à participer à des projets et peut-être, au détriment de la qualité de vie, à s'accommoder de contraintes et de risques importants. Il est vrai que dans ce cas, outre les principes de la non-malfaisance et de la bienfaisance, on touche également au principe de l'autonomie. Le principe de la bienveillance consiste ici justement à ne pas exploiter de telles personnes en leur offrant de faux espoirs, mais à considérer de manière approfondie le bien-être et les intérêts des personnes concernées. Ainsi, l'informa-

7274

tion dispensée dans ce domaine doit être particulièrement axée sur la représentation des risques et sur l'estimation réaliste de l'éventuel bénéfice.

Le rapport étroit entre l'appréciation risques ­ bénéfices et l'exigence d'un consentement est manifeste si l'on considère la recherche impliquant des personnes incapables de discernement. Dans ce cas, l'appréciation doit être effectuée avec un soin tout particulier, car la personne concernée ne peut pas, en règle générale, accepter les risques en ayant pleinement conscience de leurs effets. La justification de la recherche pose des questions spécifiques lorsque l'essai porte sur des personnes incapables de discernement, alors que le bénéfice que l'on peut en escompter n'est pas un bénéfice direct pour ces personnes mais un éventuel bénéfice de groupe, c'est-à-dire un bénéfice futur pour les personnes dans la même situation. Dans ce cas, les risques et les contraintes sont éthiquement acceptables s'ils sont minimaux.

1.3

Aspects scientifiques

De nombreuses disciplines scientifiques font de la recherche sur les maladies humaines ainsi que sur la structure et le fonctionnement du corps humain au sens du présent projet de loi. Parmi ces disciplines, mentionnons la biologie humaine, la médecine au sens strict du terme, les sciences infirmières, du sport et de l'alimentation, la psychologie, etc. Indépendamment de la discipline scientifique, on distingue parallèlement trois grands domaines dans la recherche susmentionnée, à savoir la recherche fondamentale, la recherche clinique et la recherche en matière de santé publique.

La recherche fondamentale a trait au fonctionnement des processus et des systèmes biologiques. Elle fournit des connaissances de base indispensables, par exemple sur la structure et le fonctionnement des cellules et des organes. Par ailleurs, elle permet de mieux comprendre les causes et le développement de maladies du corps humain et de maladies psychiques. Les connaissances acquises en la matière sont intégrées dans la recherche clinique. L'anatomie, la physiologie et la pathophysiologie font partie des domaines les plus importants de la recherche fondamentale.

En règle générale, la notion de recherche clinique englobe les activités scientifiques visant à identifier et à traiter les maladies et les troubles de la santé. La recherche clinique constitue le fondement de ce que l'on appelle la médecine factuelle («evidence based medicine»), qui désigne généralement les activités médicales. La médecine factuelle exige que toutes les mesures médicales soient prises sur la base de connaissances testées scientifiquement quant à leur efficacité et à leur sécurité. C'est précisément la recherche clinique qui fournit ces connaissances.

La recherche clinique concerne souvent les essais cliniques de produits thérapeutiques. Ceux-ci comportent quatre phases successives. La phase I consiste généralement à tester la tolérance d'un principe actif sur un petit groupe de personnes en bonne santé. La phase II étudie l'efficacité et les dosages du principe actif sur un groupe de 50 à 200 patients qui souffrent de la maladie contre laquelle le principe actif a été développé. La phase III teste la sécurité et l'efficacité du principe actif sur un groupe de patients plus important (200 à 10 000 personnes). Si la phase III est concluante, l'autorisation de mise sur le marché du médicament peut être demandée.

Les essais de phase IV ont lieu après la mise sur le marché du médicament, par

7275

exemple pour étudier les effets secondaires rares ou les interactions avec d'autres substances.

La plupart des études réalisées au cours des phases I à III sont des études contrôlées et randomisées. Concrètement, un groupe de personnes est traité avec la méthode thérapeutique étudiée, et les résultats ainsi obtenus sont comparés avec ceux d'un groupe de contrôle auquel cette méthode n'a pas été appliquée. La constitution des groupes est aléatoire. Ces études permettent de tirer des conclusions sur l'efficacité d'une méthode par rapport à une autre. Dans une étude contrôlée et randomisée, on peut, par exemple, comparer une nouvelle méthode de traitement avec une méthode déjà établie ou un placebo, c'est-à-dire un pseudo-médicament.

Outre la recherche qui se concentre sur l'être humain et qui porte sur les maladies humaines, la structure et le fonctionnement de l'être humain, la santé peut être perçue comme un bien collectif. Le terme de «recherche en matière de santé publique» désigne la recherche menée dans ce domaine. Elle est axée sur les conditions permettant d'améliorer la santé de la population ou de groupes en tant que tout. Le terme «santé publique» regroupe la prévention et la promotion de la santé, le système de soins, l'hygiène environnementale et sociale ainsi que l'épidémiologie. Les problématiques centrales de ces axes de recherche ont trait, par exemple, à l'identification des problèmes de santé majeurs de la population, à la définition des priorités de la politique de la santé et à l'optimisation des institutions actives dans le domaine sanitaire. Les projets de recherche dans le domaine de la santé publique s'inscrivent généralement dans une démarche interdisciplinaire. Par conséquent, il est fréquent que plusieurs méthodes de recherche soient appliquées simultanément (par exemple combinaison de méthodes issues des sciences naturelles et des sciences sociales).

1.4

Situation juridique en Suisse

1.4.1

Vue d'ensemble

Le nouvel article 118b Cst. confère à la Confédération une compétence étendue pour réglementer la recherche sur l'être humain. En outre, il résulte de l'al. 2 de cette disposition des principes matériels (voir ch. 1.1.1). De plus, des directives pertinentes du point de vue de la recherche également sont inscrites dans les normes constitutionnelles relatives à la procréation médicalement assistée et au génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.) ainsi qu'à la médecine de la transplantation (art. 119a Cst.).6 La législation actuelle relative à la recherche sur l'être humain en Suisse est, par contre, incomplète et manque de systématique. Les dispositions du code civil relatives à la protection de la personnalité7 et les normes pénales afférentes notamment à la protection de la vie et de l'intégrité corporelle8 fixent, à l'échelle fédérale, des limites générales en vue de protéger les personnes participant à des projets de recherche. Seuls des domaines déterminés mentionnés ci-dessous contiennent des prescriptions spécifiques de la recherche. La loi sur l'assurance-maladie précise 6

7 8

Nous renvoyons notamment aux explications figurant dans le message du 12 sept. 2007 relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain (FF 2007 6345 6372 ss en particulier).

Code civil (CC; RS 210) Code pénal (CP; RS 311.0)

7276

aussi clairement que l'assurance obligatoire des soins ne prend, en principe, pas en charge les coûts inhérents à la recherche médicale.9 Par ailleurs, la plupart des cantons ont édicté des dispositions relatives à la recherche sur l'être humain, en particulier la recherche médicale sur des personnes; mais ces dispositions ont une portée et un degré de détail très variables.

1.4.2

Législation fédérale

1.4.2.1

Produits thérapeutiques

La loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques (LPTh)10 vise à garantir la mise sur le marché de produits thérapeutiques de qualité, sûrs et efficaces en vue de protéger la santé. Pour atteindre ce but, il faut vérifier, dans le cadre d'essais cliniques, que les nouveaux médicaments sont sûrs et efficaces avant leur mise sur le marché. Les prescriptions inscrites dans la LPTh et visant à protéger les personnes qui participent à de tels essais sont concrétisées dans l'ordonnance du 17 octobre 2001 sur les essais cliniques de produits thérapeutiques11.

Les principales directives concernent le respect des règles reconnues des «bonnes pratiques des essais cliniques»12, l'obligation d'obtenir le consentement exprès et éclairé des sujets de recherche, la garantie d'une compensation pleine et entière des dommages subis dans le cadre de l'essai et l'obtention de l'avis favorable de la commission d'éthique compétente.

Les essais cliniques pratiqués sur des personnes mineures ou interdites, capables ou incapables de discernement, doivent remplir des conditions supplémentaires. Ces personnes ne peuvent être prises comme sujets de recherche que si des essais sur des personnes majeures et capables de discernement ne permettent pas d'obtenir des résultats équivalents; en outre, l'obtention du consentement du représentant légal est indispensable. Par ailleurs, les sujets de recherche mineurs ou interdits, mais capables de discernement doivent avoir donné leur consentement, et aucun indice ne doit laisser supposer que les sujets de recherche incapables de discernement auraient refusé de participer aux essais.

Des essais cliniques qui n'apportent pas de bénéfice direct aux sujets de recherche peuvent exceptionnellement être effectués sur les catégories de personnes précitées si, en sus des conditions énoncées ci-dessus, ils permettent d'escompter l'acquisition de connaissances importantes sur l'état des sujets de recherche, leur maladie ou leurs souffrances, en vue d'obtenir, à long terme, un bénéfice pour eux-mêmes ou pour le même groupe de personnes. Dans ce cas, les risques et les désagréments subis par les sujets de recherche doivent être minimes.

En outre, la LPTh réglemente les essais cliniques pratiqués dans des situations d'urgence médicale. Dans ces situations, les essais cliniques peuvent
être effectués si une procédure permet, en temps utile, d'obtenir le consentement du représentant légal et d'établir la volonté des sujets de recherche. Par ailleurs, un médecin non impliqué dans les essais doit assurer la défense des intérêts du sujet de recherche.

9 10 11 12

Voir l'art. 49, al. 3, de la loi du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (RS 832.10).

RS 812.21 RS 812.214.2 Dans ce domaine, l'ordonnance renvoie notamment aux Directives ICH (voir ch. 1.6.5).

7277

La loi sur les produits thérapeutiques régit également le contrôle des essais cliniques.

Tous les essais cliniques de médicaments et de dispositifs médicaux doivent être non seulement approuvés par la commission d'éthique compétente, mais également notifiés à l'Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic), qui donne son aval après examen («confirmation de notification»). Les commissions d'éthique instituées par les cantons apprécient les essais cliniques du point de vue éthique et vérifient leur qualité scientifique en tenant compte des conditions locales.

1.4.2.2

Transplantation

La loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation13 régit également les essais cliniques de transplantation d'organes, de tissus et de cellules d'origine humaine. Pour l'essentiel, les dispositions de la loi sur les produits thérapeutiques mentionnées ci-avant sont applicables par analogie. A l'instar de la loi sur les produits thérapeutiques, la loi sur la transplantation impose que les essais cliniques soient contrôlés par les commissions d'éthique compétentes et par l'Office fédéral de la santé publique.

1.4.2.3

Recherche sur les cellules souches embryonnaires

La loi du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur les cellules souches (LRCS)14 fixe les conditions régissant la production de cellules souches embryonnaires humaines à partir d'embryons humains surnuméraires, issus d'une fécondation in vitro, et l'utilisation de ces cellules à des fins de recherche. Par contre, la recherche sur des embryons in vitro demeure interdite. La production et l'utilisation à des fins de recherche de cellules souches à partir d'embryons ou de foetus issus d'interruptions de grossesse n'entrent pas dans le champ d'application de la LRCS.

Tout projet de recherche sur des cellules souches embryonnaires requiert l'autorisation des commissions d'éthique et de l'Office fédéral de la santé publique, et doit leur être notifié.

1.4.2.4

Procréation médicalement assistée

La loi du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA)15 réglemente les pratiques dans le domaine de la procréation médicalement assistée des êtres humains, mais elle ne se rapporte généralement pas à la recherche afférente. Elle contient néanmoins plusieurs interdits, qui concernent également la recherche dans ce domaine. Ainsi, il est interdit de produire un embryon à des fins de recherche et de modifier le patrimoine héréditaire des cellules germinatives. En outre, le traitement génétique des cellules germinales et la création d'un clone, d'une chimère ou d'un hybride ne sont pas autorisés.

Par contre, cette loi ne contient pas de dispositions concernant les dons de sperme et d'ovules aux fins de recherche, la recherche sur des femmes enceintes, sur les 13 14 15

RS 810.21 RS 810.31 RS 810.11

7278

embryons et les foetus in vivo ou issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris les enfants mort-nés.

1.4.2.5

Analyse génétique humaine

La loi du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine (LAGH)16 régit la recherche uniquement en ce qui concerne la réutilisation de matériel biologique à des fins d'analyses génétiques. En vertu de cette loi, une analyse génétique peut être effectuée à des fins de recherche sur du matériel biologique prélevé à d'autres fins lorsque ce matériel a été rendu anonyme, que la personne concernée a été informée de ses droits et qu'elle ne s'est pas expressément opposée à une telle utilisation.

1.4.2.6

Protection des données

La loi du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)17 qualifie de données sensibles les données personnelles liées à la santé et sur la sphère intime en particulier. Sont considérées comme données liées à la santé toutes les informations qui permettent de tirer des conclusions directes ou indirectes sur l'état de santé physique ou psychique d'une personne.

La loi énonce tout d'abord des principes généraux. Ainsi, les données personnelles ne doivent être traitées que dans le but qui est indiqué lors de leur collecte, qui est prévu par une loi ou qui ressort des circonstances. La collecte de données sensibles est soumise à une obligation d'informer la personne concernée. Le traitement de données personnelles ne doit pas porter une atteinte illicite à la personnalité de la personne concernée. Comme le prévoit la protection de la personnalité accordée par le droit civil, une atteinte à la personnalité peut être justifiée par le consentement de la personne concernée, par un intérêt prépondérant ou par la loi.

La loi sur la protection des données prévoit quelques allégements pour le traitement des données personnelles dans le cadre de la recherche («privilèges de la recherche»). Les intérêts prépondérants de la personne qui traite des données personnelles entrent ainsi en considération si les données personnelles sont traitées à des fins qui ne se rapportent pas à des personnes (comme dans le cadre de la recherche), à condition toutefois que les résultats soient publiés sous une forme qui ne permette pas d'identifier les personnes concernées. Les organes fédéraux sont eux aussi en droit de traiter des données personnelles à des fins qui ne se rapportent pas à des personnes, à condition entre autres que les données soient rendues anonymes dès que le but du traitement le permet. Si ces conditions sont remplies, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement de la personne concernée. Ce principe s'applique même si la personne concernée s'est au préalable opposée formellement au traitement de ses données sensibles dans le cadre de la recherche.

16 17

RS 810.12 RS 235.1

7279

1.4.2.7

Secret professionnel en matière de recherche médicale

En vertu de l'art. 321bis, al. 1, CP, un secret professionnel dont des personnes ont eu connaissance dans le cadre de leur activité pour la recherche dans les domaines de la médecine ou de la santé publique est protégé sur le plan pénal. En revanche, l'al. 2 a pour but d'autoriser dans certaines conditions la levée du secret professionnel ou la transmission de données personnelles protégées par le secret professionnel à des tiers même si les personnes concernées n'ont pas expressément donné leur consentement. Des activités de recherche rétrospectives avec des données personnelles sont notamment menées en se fondant sur cette règle. La notion de recherche inclut aussi les activités de formation et de formation continue.18 La levée à titre exceptionnel du secret professionnel à des fins de recherche médicale doit être autorisée par la Commission d'experts du secret professionnel en matière de recherche médicale. La commission d'experts octroie l'autorisation dans les cas où la recherche ne peut être effectuée avec des données rendues anonymes, dans les cas où il est impossible ou difficile, sans effort disproportionné, d'obtenir le consentement de l'intéressé et dans les cas où les intérêts de la recherche priment l'intérêt au maintien du secret. De plus, il faut que la personne concernée n'ait pas fait usage de son droit de veto après avoir été informée de ses droits.

Outre les autorisations nécessaires à la réalisation des projets de recherche concrets, deux autres catégories d'autorisation peuvent être délivrées, à savoir: ­

aux cliniques: les autorisations de cette catégorie facilitent la communication de données personnelles à l'intérieur d'une même clinique à des fins de recherche; elles sont octroyées à condition que le projet de recherche concerné soit approuvé par une commission d'éthique ou un autre organe;

­

aux registres médicaux: elles permettent la transmission de données personnelles à des registres du cancer ou à d'autres registres médicaux.

1.4.3

Législations cantonales

A l'exception de quelques cantons qui n'ont édicté aucune prescription en matière de recherche sur l'être humain, la majorité des cantons ont inscrit dans leur législation des dispositions qui régissent la recherche médicale impliquant des personnes.

Celles-ci précisent fréquemment que les directives que l'Académie suisse des sciences médicales a publiées dans ce domaine (voir ch. 1.6.1) ou les «bonnes pratiques des essais cliniques» (voir ch. 1.6.5) ont force contraignante.

Les textes cantonaux accordent une importance toute particulière aux exigences ayant trait à l'information et au consentement éclairé des sujets de recherche. En outre, plusieurs cantons réglementent spécifiquement la recherche sur les personnes incapables de discernement. Celle-ci est généralement autorisée dans des conditions déterminées, notamment avec le consentement du représentant légal. Certains cantons n'autorisent la recherche sur les personnes incapables de discernement que si les résultats permettent d'escompter un bénéfice direct pour leur état de santé (par 18

Voir le message du 23 mars 1988 relatif à la loi sur la protection des données, FF 1988 II 496.

7280

exemple NE et TI), interdisant a contrario toute recherche sans bénéfice direct pour elles.

S'agissant de la recherche avec des données personnelles, certaines lois cantonales sur la protection des données prévoient par analogie avec la législation fédérale (voir ch. 1.4.2.6) la possibilité de traiter des données à des fins de recherche même sans avoir obtenu le consentement de la personne concernée (par exemple BE et BS).

Tous les cantons qui ont pris des dispositions en vue de réglementer la recherche sur l'être humain imposent que les projets de recherche utilisant des personnes dans le domaine de la médecine ou, tout au moins, dans celui des produits thérapeutiques soient examinés par des commissions d'éthique. D'autres domaines n'appartenant pas à la recherche médicale sur les êtres humains ne sont qu'en partie expressément soumis au contrôle d'une commission d'éthique (par exemple la recherche en psychologie clinique à BE, la recherche sur les données et les tissus à BS et BL).

Certains cantons ont constitué des commissions d'éthique communes (par exemple BL, BS) tandis que d'autres ont déclaré compétente, en vertu d'un accord intercantonal, une commission d'éthique sise hors de leur territoire (ainsi, la commission d'éthique de Lucerne est compétente pour les projets de recherche à OW, NW, SZ, UR, ZG). Quelques cantons (par exemple GE et ZH) ont créé des sous-commissions habilitées à prendre des décisions dans des domaines cliniques déterminés et une commission centrale assurant la surveillance et la coordination. Sur le plan formel, l'avis de la commission d'éthique a le statut d'une décision susceptible de recours, d'un avis favorable ou d'une recommandation, ce qui ouvre des voies de droit différentes.

1.5

Situation juridique internationale et législation en vigueur dans d'autres pays

1.5.1

Conseil de l'Europe

­

La Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (1997)19 est en vigueur en Suisse depuis le 1er novembre 2008. Elle contient entre autres des règlements qui régissent les projets de recherche impliquant des personnes.

Ainsi, la recherche sur l'être humain ne peut être entreprise que s'il n'existe pas de solution de rechange présentant une efficacité comparable (principe général de subsidiarité). En outre, la convention définit les principes généraux relatifs au consentement éclairé, au rapport risques/bénéfices et à un examen indépendant du projet de recherche. La recherche ne peut être autorisée sur une personne qui n'a pas la capacité d'y consentir que si, en plus des exigences générales, le représentant légal de cette personne a donné son autorisation, que la personne concernée ne s'y oppose pas et que les résultats attendus comportent un bénéfice réel et direct pour sa santé. Si la dernière condition n'est pas remplie, le projet de recherche doit avoir pour objet d'améliorer de manière significative les connaissances scientifiques de l'état du groupe de personnes concernées, de leur maladie ou de leur trouble

19

RS 0.810.2; voir aussi le message du 12 sept. 2001 du Conseil fédéral relatif à la ratification de la Convention de biomédecine (FF 2002 271).

7281

et ne doit présenter pour les participants qu'un risque et une contrainte minimaux.

Par ailleurs, cette convention laisse chaque Etat libre de garantir une protection allant au-delà des critères qu'elle a fixés en la matière.

20 21

­

Le Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine relatif à la recherche biomédicale (2005)20 concrétise et complète les principes qui figurent dans la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine pour le domaine de la recherche biomédicale. Il s'applique à l'ensemble des activités de recherche dans le domaine de la santé qui implique une intervention sur l'être humain. Le terme «intervention» comprend les interventions physiques et toute autre intervention dans la mesure où elle implique un risque pour la santé psychique de la personne concernée. Le protocole additionnel régit également la recherche sur les foetus et les embryons in vivo sans bénéfice direct pour la santé de la femme enceinte, de l'embryon, du foetus ou de l'enfant après sa naissance. Ces projets de recherche sont soumis à des conditions supplémentaires analogues à celles posées à la recherche impliquant des personnes qui n'ont pas la capacité d'y consentir et dont les résultats attendus ne comportent pas de bénéfice direct pour elles. Par ailleurs, des prescriptions comparables sont applicables à la recherche sur des personnes en situation d'urgence clinique et sur des personnes privées de liberté. Le protocole additionnel définit aussi dans les détails l'examen que les commissions d'éthique sont tenues de réaliser et les documents qui doivent leur être transmis.

­

La Recommandation sur la recherche utilisant du matériel biologique d'origine humaine (2006)21 englobe à la fois la recherche utilisant du matériel biologique prélevé spécifiquement à cette fin et la recherche utilisant du matériel biologique prélevé à d'autres fins (par exemple lors d'une opération). Y sont ancrés des principes tels que la non-discrimination et l'interdiction de commercialiser du matériel biologique humain. L'obtention de matériel biologique à des fins de recherche doit obéir aux dispositions du Protocole additionnel relatif à la recherche biomédicale. Concernant la réutilisation à des fins de recherche de matériel biologique prélevé à d'autres fins, la recommandation exige en principe un consentement. S'agissant des collections de matériels biologiques et des biobanques à l'échelle d'une population, il est exigé en particulier que les échantillons soient référencés, que les conditions d'accès et d'utilisation soient clairement établies et que des mesures d'assurance qualité soient mises en place. La recommandation prévoit également un droit de retrait ou de modification de la portée du consentement. L'exportation de matériel biologique est autorisée dans la mesure où l'Etat de destination garantit un niveau de protection adéquat. Les projets de recherche utilisant du matériel biologique sont autorisés s'ils relèvent du champ du consentement. Lorsqu'un projet de recherche doit être conduit sur du matériel biologique non anonymisé alors que la personne n'a pas consenti à ce projet, il est possible de solliciter un consentement de substitution. Il est possible d'utiliser du matériel anonymisé à des fins de recherche sans consentement si cela ne contrevient pas aux restrictions fixées par Voir www.coe.int, rubrique «affaires légales».

Voir www.coe.int, rubrique «affaires légales».

7282

la personne concernée. Un examen indépendant par une commission d'éthique est requis pour tout projet de recherche.

1.5.2

Union européenne

La Directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain (directive BPEC-CE, 2001)22 règle la conduite des essais cliniques de médicaments, y compris multicentriques, effectués sur des êtres humains. Elle arrête les principes généraux (par exemple rapport admis risques/bénéfices, consentement éclairé). Elle autorise, à certaines conditions, tant les essais cliniques sur des mineurs que ceux dont les résultats présentent des bénéfices directs ou non pour les individus concernés. Par contre, les essais cliniques sur des adultes sains incapables de donner leur consentement ne sont pas autorisés. Chaque essai clinique de médicaments ne peut commencer qu'après délivrance d'un avis favorable de la part du comité d'éthique. Les comités d'éthique sont des organes indépendants chargés de protéger les droits, la sécurité et le bien-être des participants à un essai clinique. Pour les études multicentriques effectuées dans un seul Etat membre, un avis unique est exigé, même si plusieurs comités d'éthique sont compétents à raison du lieu; l'application de cette disposition en droit national est laissée aux Etats membres. Les critères d'examen, les délais impartis pour rendre les avis ainsi que la composition et l'organisation du comité d'éthique doivent se conformer à la ligne directrice de l'ICH-GCP (voir ch. 1.6.5).

1.5.3

Situation juridique dans d'autres pays

Les textes des lois relatives à la recherche sur l'être humain promulguées dans d'autres pays prennent en compte les principes reconnus tels qu'édictés en particulier dans la Déclaration d'Helsinki, la ligne directrice de l'ICH-GCP et, pour les Etats membres de l'Union européenne, les directives BPEC-CE. Par contre, il existe des différences dans certains domaines réglementés par les législations nationales:

22

­

prescriptions nationales afférentes à la recherche utilisant des produits thérapeutiques et des dispositifs médicaux: l'Allemagne, par exemple, a promulgué des lois fédérales relatives uniquement à la recherche utilisant des produits thérapeutiques et des dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, 2004, et loi sur les dispositifs médicaux, 1994). Les règles déontologiques ou des directives prises par les Länder régissent la plupart du temps la recherche impliquant des personnes.

­

prescriptions nationales afférentes à la recherche utilisant des produits thérapeutiques et des dispositifs médicaux ainsi qu'à la recherche effectuée dans des institutions déterminées: outre la recherche utilisant des produits thérapeutiques et des dispositifs médicaux (Clinical Trial Regulations, 1994), le Royaume-Uni, par exemple, réglemente également les travaux de JO L 121 du 1.5.2001, p. 34.

7283

recherche menés ou soutenus par le «National Health Service». Les EtatsUnis d'Amérique appliquent aussi ce principe (titres 21 et 46 du Code of Federal Regulations). De même, l'Autriche a, outre les lois sur les produits thérapeutiques et les dispositifs médicaux, édicté des prescriptions sur la recherche qu'elle a inscrites dans sa législation sur les universités et les établissements hospitaliers.

­

prescriptions nationales afférentes à l'ensemble de la recherche impliquant des personnes: la Belgique en particulier a promulgué une loi relative aux expérimentations sur la personne humaine (2004) qui réglemente de manière exhaustive la recherche biomédicale impliquant des êtres humains.

­

législations nationales exhaustives relatives à la recherche sur l'être humain: la France, par exemple, dispose d'une législation exhaustive en la matière, qui inclut la recherche utilisant du matériel biologique (Code de la santé publique, 2004). Il en est de même en Espagne (Ley sobre investigación Biomédica, 2007).

­

législations nationales spécifiques, relatives à la recherche avec du matériel biologique ou aux biobanques: des prescriptions uniques qui ne sont pas intégrées dans la législation sur la recherche ont été édictées, par exemple au Royaume-Uni (Human Tissue Act, 2004) et en Suède (Biobanks in Medical Care Act, 2002).

1.6

Directives et déclarations

1.6.1

Directives des Académies suisses des sciences

Les Académies suisses des sciences ­ l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM)23 en particulier ­ ont édicté des directives relatives à la recherche sur l'être humain. Si celles-ci n'ont aucune force contraignante d'un point de vue juridique, elles n'en déploient pas moins un effet indirect non négligeable du fait notamment de leur intégration dans les règles déontologiques.24 Toutefois, elles peuvent avoir force contraignante dans le cas d'un renvoi aux législations fédérale et cantonale.

La législation de plusieurs cantons renvoie ainsi en tout ou en partie aux directives de l'ASSM pour la recherche expérimentale sur l'être humain, parues en 1997. Ces directives ont été abrogées entre-temps et remplacées en 2009 par un guide pour la recherche impliquant des êtres humains. Celui-ci reconnaît la Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale (voir ch. 1.6.4) comme étant un document de référence, sans toutefois fournir de directives concrètes. Bien au contraire, ce guide doit servir entre autres à fournir des informations lors de l'élaboration et de l'évaluation des projets de recherche sur l'être humain.

En outre, l'ASSM a publié des directives relatives à la collaboration corps médical ­ industrie (2005). Elles ont pour objectif de garantir l'indépendance et la crédibilité du corps médical et de la recherche. La recherche clinique a ainsi gagné en transparence, par exemple grâce à l'enregistrement de tous les essais cliniques dans un 23 24

Les directives et le guide pour la recherche impliquant des êtres humains peuvent être consultés sur Internet à l'adresse: www.samw.ch.

Cf. par exemple le code de déontologie de la Fédération des médecins suisses (FMH), qui peut être consulté sur Internet à l'adresse: www.fmh.ch.

7284

registre central et à la communication des sources de financement lors de la publication et de la présentation des résultats d'un essai. De plus, différentes directives (par exemple interdiction pour le corps médical d'être lié à l'essai ou à son résultat par un intérêt d'ordre financier, la gestion des comptes tiers par les instituts de recherche eux-mêmes) doivent assurer l'indépendance des chercheurs.

S'agissant de la recherche avec du matériel biologique, il importe de prendre en considération les directives médico-éthiques de l'ASSM relatives aux Biobanques: Prélèvement, conservation et utilisation de matériel biologique humain pour la formation et la recherche (2006). Ces directives, qui incluent la formation et un système de contrôle de la qualité définissent, d'une part, les exigences générales posées aux biobanques en matière de normes de qualité, de protection des données et de transmission d'échantillons de matériel biologique et de données et précisent que les biobanques doivent disposer d'un règlement. D'autre part, elles contiennent des instructions concernant l'obligation d'informer les donneurs, d'obtenir leur consentement et la possibilité pour ceux-ci de révoquer leur consentement. Par ailleurs, elles renseignent sur la marche à suivre en présence de donneurs incapables de discernement, en cas de prélèvement de matériel biologique sur une personne décédée et sur le droit des donneurs à être informés ultérieurement des résultats significatifs.

Enfin, les Académies suisses des sciences ont arrêté des principes de base et des procédures concernant l'intégrité dans la recherche scientifique (2008)25. Ces principes et ces procédures régissent en particulier la planification et le déroulement des projets de recherche sous l'angle de la véracité, de la transparence et de la droiture. Il doit notamment exister un plan du projet qui soit compréhensible aux personnes qui souhaiteraient vérifier les résultats de la recherche. En outre, il doit donner des renseignements sur les personnes responsables et leur rôle spécifique au sein du projet, sur le financement et les sources de celui-ci. Les intérêts doivent également être signalés et les conflits d'intérêts doivent être évités au moyen de mesures écrites appropriées. Par ailleurs, les résultats des travaux de recherche doivent être publiés
sans parti pris et de manière complète. Ne doivent être considérés comme auteurs que les personnes qui, par leur travail scientifique personnel, ont fourni une contribution essentielle. Ce faisant, la direction du projet de recherche est responsable de l'exactitude du contenu de la publication dans son entier. Ce document définit aussi ce qu'il convient d'entendre par comportement incorrect dans le contexte scientifique. En cas de soupçon, il est recommandé que l'institution de base ouvre une procédure en vue d'enquêter sur ce comportement incorrect et de le constater.

1.6.2

Prise de position de la Commission nationale d'éthique

La Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine (NEK-CNE) a publié en 2009 une prise de position relative à la recherche sur les enfants.26 La NEK-CNE précise que les mineurs, et spécialement les enfants, sont particulièrement dignes de protection: en effet, dans la mesure où ils ne sont pas pleinement capables de discer25 26

Voir www.academies-suisses.ch.

La prise de position no 16/2009 peut être consultée à l'adresse: www.nek-cne.ch.

7285

nement, la décision concernant leur participation éventuelle à une étude de recherche revient à leur représentant légal, à savoir, habituellement, à leurs parents. Cette commission estime qu'il existe un danger potentiel d'instrumentalisation des mineurs ou d'agir d'une autre façon à l'encontre de leur intérêt et que cela est particulièrement vrai pour la recherche sans bénéfice direct pour la personne concernée.

D'après la prise de position, il existe en même temps un grand besoin de recherche sur les enfants et les adolescents, afin d'élargir le savoir médical les concernant.

Cela vaut en particulier pour l'administration de médicaments et l'expérimentation correspondante. La NEK-CNE s'exprime, dans ses recommandations, en faveur d'un enrichissement des connaissances médicales dans l'intérêt propre des enfants.

Elle souligne toutefois que le respect inconditionné de mesures de protection est contraignant d'un point de vue éthique. Parmi celles-ci, la commission mentionne entre autres le principe de subsidiarité, l'obligation de dispenser l'information en fonction de l'âge de l'enfant et la prise en considération d'éventuels signes indiquant que l'enfant refuse que des actes de recherche soient pratiqués sur lui. Elle ajoute que lorsque la recherche n'offre pas de bénéfice individuel direct à la personne impliquée, les risques et les contraintes inhérents à un projet doivent présenter un caractère «acceptable» pour l'enfant.

1.6.3

Directives et déclarations de l'Organisation des Nations Unies

Du côté de l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ont publié des documents afférents à la recherche sur l'être humain. Ces travaux se réfèrent régulièrement aux principes reconnus tels que définis dans la Déclaration d'Helsinki (voir ch. 1.6.4) et dans la ligne directrice ICH-GCP (voir ch. 1.6.5). Aussi seuls certains aspects spécifiques seront-ils abordés dans ce qui suit.

27 28 29

­

Les «Lignes directrices opérationnelles pour les Comités d'éthique chargés de l'évaluation de la recherche biomédicale» («Operational Guidelines for Ethics Committees that review biomedical research»; 2000)27 de l'OMS contiennent des directives relatives aux questions organisationnelles des organes de contrôle, à la procédure d'évaluation et aux critères de contrôle.

Elles se rapportent à la recherche biomédicale. Ce faisant, cette notion intègre également la recherche avec du matériel biologique et la recherche socio-scientifique et psychologique. Pour la Suisse, il existe une Aide à l'interprétation (2002)28 de ces directives adaptée à la situation dans ce pays.

­

La «Ligne directrice pour l'obtention du consentement éclairé en vue du prélèvement et de l'utilisation de tissus, cellules et fluides humains dans le cadre de travaux de recherche» («Guideline for obtaining informed consent for the procurement and use of human tissue, cells and fluids in research»; 2003)29 de l'OMS répertorie les contenus sur lesquels les donneurs de substances corporelles doivent être informés. Il importe notamment de leur fourVoir www.who.int, rubrique «health topics/ethics».

Voir www.swissethics.ch.

Voir www.who.int, rubrique «health topics / reproductive health».

7286

nir des informations sur les personnes qui ont accès aux échantillons, la durée de conservation des prélèvements et de leur indiquer s'ils ont le droit d'être renseignés sur les résultats de la recherche.

­

La «Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme» (2005)30 de l'UNESCO contient notamment les principes fondamentaux afférents à la recherche sur l'être humain. Ce document précise que dans l'application et l'avancement des connaissances scientifiques, les effets bénéfiques directs et indirects pour les individus concernés devraient être maximisés, et tout effet nocif susceptible d'affecter ces individus devrait être réduit au minimum. Il souligne qu'une recherche ne permettant pas d'escompter un bénéfice direct pour la santé ne devrait être entreprise sur des personnes incapables d'exprimer leur consentement qu'à titre exceptionnel, en veillant à n'exposer la personne qu'à un risque et une contrainte minimaux et si cette recherche est effectuée dans l'intérêt de la santé d'autres personnes appartenant à la même catégorie. Il indique que le refus de ces personnes de participer à la recherche devrait être respecté.

­

La «Déclaration internationale sur les données génétiques humaines» (2003)31 de l'UNESCO régit également la collecte, le traitement, l'utilisation et la conservation de données génétiques à des fins de recherche. Elle comprend des principes primordiaux tels que l'interdiction de discriminer, le traitement confidentiel des données, le consentement éclairé de la personne concernée et la consultation de comités d'éthique. Ce faisant, les intérêts de la recherche doivent être harmonisés avec la protection des données, avec la protection des individus concernés et avec les intérêts économiques.

­

Les «Lignes directrices internationales d'éthique pour la recherche biomédicale impliquant des sujets humains» (2002) du Conseil des Organisations internationales des sciences médicales (CIOMS) ­ organisme créé par l'OMS, l'UNESCO et les Organisations des sciences médicales ­ traitent de la recherche biomédicale et de la recherche comportementale en incluant l'être humain dans une perspective de promotion de la santé. Leur contenu se fonde sur des documents reconnus sur le plan international, et en particulier sur la Déclaration d'Helsinki. La recherche épidémiologique fait l'objet de lignes directrices spécifiques, à savoir les «Lignes directrices internationales pour l'examen éthique des études épidémiologiques» (2008).32

1.6.4

Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale

Avec la «Déclaration d'Helsinki»33 (1964/2008), l'Association médicale mondiale ­ groupement d'associations faîtières nationales ­ a fixé en matière de recherche sur l'être humain une norme fondamentale, dont l'impact dépasse le cadre du corps médical.

30 31 32 33

Voir www.unesco.org.

Voir www.unesco.org.

Pour les deux directives, voir www.cioms.ch.

Voir www.wma.net.

7287

Outre la recherche impliquant des personnes, elle inclut la recherche sur du matériel biologique humain et sur des données identifiables. Les principes fondamentaux concernent la consignation, par écrit, dans un procès-verbal exhaustif de la conception et de la conduite de toutes les études impliquant des êtres humains, le caractère scientifique de la recherche, l'enregistrement des essais dans une banque de données accessible au public et le consentement libre et éclairé de la personne concernée, l'évaluation soigneuse des risques et des inconvénients prévisibles par rapport aux bénéfices prévisibles et l'évaluation de chaque projet de recherche par un comité d'éthique indépendant. D'autres conditions sont définies pour la recherche impliquant des personnes qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement: le refus de ces personnes de participer à la recherche doit être respecté même si leur représentant légal a donné son consentement. Les personnes incapables peuvent être incluses exceptionnellement dans une étude si celle-ci ne comporte que des risques et des inconvénients minimes. Lorsque des patients sont inclus dans un projet de recherche, il importe de comparer les bénéfices, les risques, les inconvénients, ainsi que l'efficacité d'une nouvelle intervention à ceux de la meilleure intervention courante avérée. Lorsqu'il n'existe pas d'intervention courante avérée, l'utilisation d'un placebo ou le fait de ne pas administrer de traitement sont acceptables. En outre, l'utilisation d'un placebo est acceptable lorsqu'elle est nécessaire pour déterminer l'efficacité ou la sécurité d'une intervention et que les patients recevant le placebo ne courent aucun risque de préjudices graves ou irréversibles. Enfin, la Déclaration souligne que les résultats aussi bien négatifs et non concluants que positifs doivent être publiés.

1.6.5

Ligne directrice des bonnes pratiques cliniques de la Conférence internationale sur l'harmonisation des critères d'homologation des produits pharmaceutiques à l'usage de l'homme

La Ligne directrice des bonnes pratiques cliniques («Guideline for Good Clinical Practice»; 1996; Ligne directrice ICH-GCP34) de l'ICH35 ­ organisation non gouvernementale créée par les laboratoires pharmaceutiques et les autorités de réglementation pharmaceutique de l'Europe, des Etats-Unis et du Japon ­ jouent un rôle prépondérant au niveau international. Elles contiennent des instructions afférentes à la réalisation d'études cliniques sur l'être humain au moyen de produits pharmaceutiques («clinical trials»). Dans la pratique toutefois, leurs principes s'appliquent également à d'autres projets de recherche impliquant des personnes. Ces directives renvoient elles aussi à la Déclaration d'Helsinki (voir ch. 1.6.4) et comprennent en particulier les principes généralement reconnus afférents à l'obligation d'informer les donneurs, d'obtenir leur consentement, au rapport acceptable entre les risques et les bénéfices de la recherche, au caractère scientifique de la recherche et au contrôle des études par un comité d'éthique indépendant.

De plus, elles incluent des instructions détaillées sur les activités et la composition des comités d'éthique ainsi que sur les responsabilités des chercheurs («contrôleur») et des sponsors. Par ailleurs, elles régissent de manière formelle et détaillée, entre 34 35

Voir www.ich.org.

Conférence internationale sur l'harmonisation des critères d'homologation des produits pharmaceutiques à l'usage de l'homme (ICH).

7288

autres, le contenu du projet de recherche («plan de contrôle»), la marche à suivre en cas d'éventuelles modifications, l'assurance-qualité, le maniement des données, la procédure en cas de survenance d'événements indésirables et d'apparition d'effets secondaires suite à la prise d'un médicament et la documentation dans des études cliniques.

1.7

Mise au point de l'avant-projet

1.7.1

Résultats de la procédure de consultation

La consultation sur l'avant-projet a été ouverte par arrêté du Conseil fédéral le 1er février 2006 et s'est achevée à la fin mai de la même année. Le rapport de consultation a été publié le 21 février 200736.

1.7.1.1

Résultats généraux

Une majorité se félicite qu'une loi fédérale uniforme relative à la recherche sur l'être humain voie le jour. L'avant-projet inspire des commentaires positifs ou neutres à 2deux tiers des participants à la consultation alors que le 1tiers restant se déclare opposé au projet. Dans ce cas, la dimension et le sens des critiques varient fortement. 15 % à peine de l'ensemble des participants expriment un avis négatif, considérant que l'avant-projet est trop hostile à la recherche; un peu plus de 15 % des participants ont un avis contraire, estimant que le projet de loi est trop favorable à la recherche. La majorité des cantons exprime un avis positif ou neutre. En ce qui concerne les partis politiques, le PRD et le PDC notamment saluent l'avant-projet dans son ensemble; la position du PS est neutre; l'UDC, les Verts et le PCS rejettent l'avant-projet.

Plus de la moitié des représentants du domaine de la recherche biomédicale est favorable au projet ou neutre, alors que le milieu des sciences sociales et de la psychologie y est manifestement opposé, l'avant-projet ne tenant pas compte de leurs spécialités. Les avis exprimés par les milieux de l'économie, les commissions d'éthique et les organisations de patients sont en majorité positifs ou neutres. Pour ce qui est des organisations confessionnelles, les avis positifs et négatifs s'équilibrent.

1.7.1.2

Résultats en détail

De nombreux participants à la consultation critiquent le champ d'application, estimant qu'il n'est pas suffisamment bien défini. D'aucuns plaident en faveur d'un champ d'application plus étendu, d'autres pour un champ plus limité. Les milieux de la recherche et les PME demandent d'exclure du champ d'application de la loi la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles anonymisés (voir ch. 1.8.1).

36

Pour une analyse plus détaillée des résultats de la consultation, voir le rapport de consultation du 15 fév. 2007: www.bag.admin.ch/themen/medizin.

7289

Un peu plus de la moitié des participants à la consultation privilégient la variante fédérale pour l'organisation des commissions d'éthique. Par contre, la majorité des cantons est clairement favorable à la variante cantonale. Les petits cantons (qui ne possèdent pas de centres de recherche) plébiscitent la variante fédérale, alors que les grands cantons, actifs dans le domaine de la recherche, accordent leur préférence à l'organisation cantonale des commissions d'éthique. Beaucoup de participants à la consultation déplorent également que la surveillance des projets de recherche soit confiée aux commissions d'éthique et que les critères d'évaluation éthiques ne figurent pas au nombre des conditions d'octroi d'une autorisation. La simplification de la procédure d'autorisation des études multicentriques a reçu un écho très favorable. Par contre, l'obligation d'obtenir une autorisation pour toutes les recherches pratiquées sur du matériel biologique anonymisé et pour exploiter une biobanque a subi de nombreuses critiques. L'autorisation pour la recherche in vitro portant sur du matériel biologique constitue une charge disproportionnée, car le risque pour les personnes concernées est minime.

La majorité des participants à la consultation approuvent la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables si la loi prévoit des conditions supplémentaires.

Nombreux sont les participants à demander que les signes permettant de penser qu'une personne s'oppose à sa participation à un projet de recherche soient pris en considération dans tous les cas, soit également ­ contrairement à ce que prévoit l'avant-projet ­ lorsqu'un bénéfice direct est escompté. Plusieurs participants ont critiqué le fait que la réglementation de la recherche sur des personnes incapables de discernement englobe aussi bien les enfants et les jeunes que les adultes, et proposent de trouver des solutions séparément.

Les propositions concernant la recherche sur les personnes décédées ainsi que la recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés, ne suscitent que peu d'avis ou de critiques. Pour ce qui est de la recherche sur les personnes décédées, d'aucuns souhaitent remplacer le consentement figurant dans l'avant-projet par un droit d'opposition
de la personne concernée avant son décès ou de ses proches.

Quant à la recherche sur les embryons et les foetus, l'ensemble des participants désapprouve le fait que le conjoint doive aussi donner son consentement.

1.7.2

Remaniement de l'avant-projet et principales modifications apportées

Le Conseil fédéral a pris acte du rapport de consultation en février 2007. Se fondant sur les résultats de la consultation, il a indiqué quelle suite il convenait d'y donner dans quatre domaines: ­

7290

Il faut revoir la formulation de l'interdiction de pratiquer la recherche malgré l'opposition manifestée par les personnes concernées afin de l'adapter à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine. En application de l'article constitutionnel (art. 118b, al. 2, let. a), le projet de loi étend aux enfants, aux adolescents et aux adultes incapables de discernement la possibilité de refuser de participer à un projet de recherche (art. 21, 22 et 23). De la même manière, le refus de participer à un projet de recherche dans une situation d'urgence doit être respecté (art. 29).

­

Il faut mettre davantage en évidence que le but premier de la loi est la protection de la dignité humaine et que celle-ci impose des limites à la liberté de la recherche. Cela a été fait, d'une part, dans l'article définissant le but de la loi, qui énonce désormais à l'al. 1 le but premier de la loi et lui seul, à savoir la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche. D'autre part, le catalogue des principes a été enrichi d'une nouvelle disposition, aux termes de laquelle l'intérêt, la santé et le bien-être de l'être humain priment le seul intérêt de la science et de la société (cf.

ch. 2.1.2.1).

­

Le champ d'application doit être revu, notamment en ce qui concerne la recherche sur du matériel biologique anonymisé. Dans sa version remaniée, la loi s'applique non plus à la recherche dans le domaine de la santé, mais à la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain (cf. ch. 1.8.1 et 2.1.1.2). De plus, la recherche sur du matériel biologique anonymisé et sur des données personnelles liées à la santé collectées anonymement ou anonymisées, qui ne présente pas de danger potentiel, n'entre pas dans le champ d'application de la loi.

­

En ce qui concerne l'organisation des commissions d'éthique, la variante cantonale doit être approfondie (cf. ch. 1.8.3).

Principales modifications apportées Les principales modifications apportées à l'avant-projet de loi sont présentées ciaprès (pour les raisons qui y ont présidé, lire le commentaire article par article, ch. 2). Lors de ce remaniement, un effort de concision a été fourni afin d'éviter les répétitions dans toute la mesure du possible, et certaines dispositions techniques de détail ont été renvoyées systématiquement au niveau de l'ordonnance.

­

Comme l'ont souhaité de nombreux participants à la consultation, la notion de recherche inscrite dans le catalogue des définitions se rapporte désormais aux maladies humaines et à la structure et au fonctionnement du corps humain (art. 3, let. a à c). Il est également précisé que le projet de recherche doit offrir un bénéfice direct qui peut être seulement escompté, mais pas assuré (art. 3, let. d).

­

Une section de la loi est entièrement consacrée aux principes qui doivent être respectés de manière générale dans toute activité de recherche (chap. 1, section 2). Il s'agit là de dispositions fondamentales qui sont également inscrites dans d'autres législations nationales et dans des instruments internationaux et qui sont aujourd'hui reconnues comme constituant des exigences élémentaires dans le domaine de la recherche médicale. Pour être complète, la nouvelle mouture de la loi répète les quatre principes essentiels énoncés à l'art. 118b, al. 2, Cst. (cf. ch. 1.1.1), non sans les concrétiser. Par ailleurs, le catalogue a été enrichi de quelques principes supplémentaires (art. 4; art. 5; art. 10, al. 1, let. a), et de certains principes figurant dans l'avant-projet.

­

La portée des chap. 2 et 3 («Recherche sur des personnes») a été étendue par rapport à l'avant-projet: cette partie du texte est consacrée non seulement à la recherche sur des personnes vivantes participant à un projet de recherche d'une certaine durée (par exemple une étude clinique), mais aussi, à des fins de recherche, au prélèvement de matériel biologique et à la collecte de données personnelles liées à la santé, étant donné qu'il s'agit d'un risque 7291

comparable dans les deux cas. Cela permet notamment d'éviter un grand nombre de répétitions.

37

­

Dans sa version remaniée, le projet prévoit la possibilité de fournir une information incomplète (art. 18) moyennant le respect d'exigences spéciales, mais il renonce à la possibilité de fournir une information trompeuse qu'offrait l'avant-projet.

­

La catégorie des «personnes incapables de discernement» proposée dans l'avant-projet a été critiquée comme étant trop indéterminée. La section 1 du chapitre 3 («Recherche sur des enfants, des adolescents et des adultes incapables de discernement») énumère donc nommément les différentes catégories de personnes visées et les particularités dont il faut tenir compte pour chacune d'elles.37

­

Le prélèvement de matériel biologique et la collecte de données personnelles liées à la santé ayant été déplacés aux chapitres 2 et 3, le chapitre 4 régit uniquement la réutilisation de matériel biologique et de données personnelles. La nouvelle mouture du projet établit une distinction entre les données génétiques et les données personnelles non génétiques liées à la santé (cf.

ch. 1.8.2). Contrairement à l'avant-projet, elle ne contient pas de réglementation détaillée applicable aux biobanques (par exemple obligation d'obtenir une autorisation ou obligation de déclaration).

­

Le projet prévoit désormais que la recherche sur des personnes décédées depuis plus de 70 ans (art. 35, al. 4) peut être pratiquée sans consentement.

Il s'agit en particulier de ne pas entraver la recherche archéologique.

L'opposition des proches est réservée.

­

Le principe selon lequel les commissions d'éthique doivent examiner les projets de recherche en s'appuyant sur les exigences éthiques, juridiques et scientifiques fixées dans la loi (art. 44, al. 2, et 50, al. 1) montre clairement que les dispositions de la loi reposent, pour une part essentielle, sur les règles dont la communauté scientifique s'est elle-même dotée. Les principes éthiques reconnus, en particulier, ont fortement contribué à la conception du projet, raison pour laquelle les considérations que pourra susciter l'application de la loi dans les cas d'espèce constitueront une aide précieuse, notamment dans l'activité d'examen des commissions d'éthique. A cet égard, le principe de pertinence introduit dans la nouvelle mouture de la loi (art. 5) mérite une mention particulière.

­

Le Conseil fédéral se voit conférer la compétence de définir, par souci de qualité et d'efficacité de la surveillance, le nombre minimal de projets de recherche qu'une commission d'éthique doit évaluer chaque année (art. 53, al. 3).

Voir Sprecher F, Medizinische Forschung mit Kindern und Jugendlichen, Berlin, Heidelberg, New York, 2007, p. 311.

7292

1.8

Aspects réglementaires choisis

1.8.1

Champ d'application

1.8.1.1

Situation de départ

En vertu de l'art. 118b, al. 1, de la Constitution fédérale, la Confédération édicte des dispositions relatives à la recherche sur l'être humain dans la mesure où cela est nécessaire pour protéger la dignité humaine et la personnalité (voir ch. 1.1). Le champ d'application de cette norme doit donc se limiter aux activités de recherche qui impliquent une prise de risques pour les personnes concernées ou qui menacent leur dignité et leur personnalité, et pour lesquelles l'ordre juridique général n'offre pas une protection suffisante. En déclarant contraignants les seuls principes inscrits à l'art. 118b, al. 2, Cst. pour la recherche sur des personnes dans les domaines de la biologie et de la médecine, le constituant met clairement en évidence le fait que des recherches de cette nature au moins nécessitent vraisemblablement d'être réglementées.

De plus, les directives internationales fournissent des orientations pour déterminer le champ d'application. Par ailleurs, les champs d'application de lois étrangères peuvent livrer des renseignements sur le type de recherche sur l'être humain qu'il convient de considérer comme étant à risque et qui, dans cette mesure, doit faire l'objet d'une réglementation (voir ch. 1.5 et 1.6).

1.8.1.2

Résultats de la procédure de consultation

Nombre de participants à la consultation estiment que le champ d'application du projet de consultation qui englobait la «recherche dans le domaine de la santé, en particulier en médecine et en biologie» n'est pas défini de manière suffisamment claire. Ils soulignent notamment que l'on ne sait pas vraiment quels éléments le législateur souhaite répertorier dans le «domaine de la santé». Ils jugent en outre que la limitation du champ d'application à des domaines spécialisés est arbitraire et insuffisante. Les milieux des sciences sociales pensent que l'intégration de leurs domaines spécialisés est un échec, car les règles fixées à la recherche médicale clinique ne peuvent pas être appliquées aux sciences sociales sans faire l'objet d'adaptations.

Ils demandent donc que le champ d'application soit restreint et que les sciences sociales en soient exclues étant donné que, dans ces domaines spécialisés, il n'est guère porté atteinte à l'intégrité psychique et corporelle des sujets des essais. Par contre, d'autres participants à la consultation déplorent le fait que l'avant-projet de loi se concentre trop sur la recherche biomédicale et ne tient pas assez compte des composants psychosociaux de la santé. A leurs yeux, il importe donc d'étendre le champ d'application à l'ensemble de la recherche sur l'être humain.

Le fait que l'avant-projet ne définit pas la «recherche» est critiqué maintes fois. Les participants précisent qu'en raison de cette lacune, il est difficile d'établir une délimitation entre la recherche d'une part, et les essais thérapeutiques, les mesures garantissant l'assurance-qualité, la formation et l'apprentissage d'autre part.

7293

De nombreux participants à la consultation souhaitent que le champ d'application ne s'étende pas à la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles anonymisés, car elle ne présente potentiellement aucun risque pour la dignité et la personnalité.

Enfin, certains participants veulent que le champ d'application couvre les «essais thérapeutiques», faute de quoi, affirment-ils, la recherche serait entreprise sous couvert de la réalisation d'un essai thérapeutique et sans examen préalable par une commission d'éthique.

1.8.1.3

Solution proposée

En estimant que la recherche ­ définie désormais comme une recherche méthodologique de connaissances généralisables ­ sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain nécessite d'être réglementée, le présent projet concrétise, au niveau de la loi, les dispositions de l'art. 118b, al. 1, Cst. Le champ d'application s'étend à toute recherche relative aux causes et aux fondements des maladies, y compris les aspects psychosociaux. Par contre, s'agissant de la recherche fondamentale sans lien avec une maladie, la loi ne s'applique que dans la mesure où la recherche se penche sur la structure et le fonctionnement du corps humain ou si elle implique des interventions et des effets sur le corps humain (voir art. 2 et art. 3, let. b et c). Ce faisant, la recherche sur l'être humain comprend la recherche pratiquée sur des personnes vivantes ou décédées, sur des embryons et des foetus in vivo, sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse ou d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés, sur du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé.

Les risques particuliers potentiels que présentent les domaines de recherche pris en considération jouent un rôle fondamental dans la définition du champ d'application.

La recherche clinique ou en lien avec une maladie (voir ch. 1.3), qui constitue l'une des formes les plus fréquentes de recherche sur l'être humain, touche l'intégrité corporelle de la personne participant au projet, car elle porte presque toujours atteinte au corps du sujet de la recherche ou à son intégrité corporelle (par exemple prise d'échantillons de sang ou de tissus, exposition à des rayons lors de l'application de méthodes d'imagerie ou risques encourus lors de la prise de principes actifs). Par ailleurs, l'intégrité psychique de la personne concernée peut être menacée dans le cadre de recherches en psychologie clinique, mais également en psychiatrie et dans d'autres domaines de la médecine (par exemple l'hypnose). De plus, lorsque des données liées à la santé des participants sont collectées dans le cadre d'un projet de recherche, il est à craindre que ces informations tombent entre de mauvaises mains et qu'il soit ainsi porté atteinte au droit à l'autodétermination informationnelle.

Outre les domaines de recherche
mentionnés, la recherche dans le domaine de la santé publique fait encourir un risque identique, puisque des données personnelles liées à la santé sont souvent recueillies via des entretiens ou des questionnaires. De surcroît, l'autodétermination informationnelle est particulièrement menacée lorsque du matériel biologique prélevé antérieurement est réutilisé pour un projet de recherche. En effet, ce matériel peut être étudié et interprété de différentes manières. Enfin, il convient de souligner que l'ordre juridique actuel ne met pas à disposition des instruments suffisants pour garantir la protection de l'être humain contre les menaces que ce type de recherche fait peser sur son intégrité corporelle et psychi7294

que, ainsi que sur son droit à l'autodétermination. La législation en vigueur ne permet notamment pas d'ordonner à titre préventif la réalisation d'un examen des projets de recherche.

Le champ d'application défini pour la recherche sur les maladies humaines ainsi que sur la structure et le fonctionnement du corps humain concrétise en outre l'exigence figurant dans la disposition constitutionnelle, selon laquelle des principes déterminés doivent être fixés pour la recherche biologique et médicale sur des personnes, domaine qui nécessite de faire l'objet d'une réglementation. On peut partir du principe que la loi couvrira la recherche sur des personnes dans le domaine de la biologie et de la médecine au sens de l'art. 118b, al. 2, Cst. Eu égard au caractère interdisciplinaire de la recherche, on renonce, par contre, à une définition se référant aux domaines spécialisés. L'accent est mis en revanche sur l'acquisition de connaissances afférentes aux maladies humaines et à la structure et au fonctionnement du corps humain. La discipline académique dans laquelle la recherche aura lieu et les méthodes employées ne sont donc pas déterminantes. Toujours est-il qu'il convient de tenir pour acquis que la recherche dans d'autres domaines scientifiques que celui de la médecine au sens strict du terme se penche, compte tenu des informations à disposition, entièrement (par exemple la psychologie clinique) ou dans une large mesure (par exemple la biologie humaine) sur des questions ayant trait aux maladies humaines et à la structure et au fonctionnement du corps humain. C'est pourquoi la loi couvre aussi la recherche dans ces domaines. Par contre, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, le champ d'application de la loi ne s'étend pas, ou alors dans une moindre mesure, à certains domaines spécialisés (par exemple l'économie de la santé). Par opposition à ce qui était prévu dans l'avant-projet, le présent projet de loi ne s'applique pas à la recherche sur du matériel biologique anonymisé ou des données anonymisées liées à la santé. Ce type de données ne permet pas d'identifier la personne dont elles proviennent, à moins d'un effort disproportionné, si bien qu'elles ne présentent pas de danger d'atteinte au droit à l'autodétermination informationnelle. Cependant, il convient de garantir que les exigences à une anonymisation correcte de données ou de matériel biologique sont respectées (cf. ch. 2.4.4).

1.8.2

Recherche sur du matériel biologique et sur des données personnelles liées à la santé

1.8.2.1

Situation de départ

L'importance scientifique de la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé est considérable et augmente sans cesse, en particulier par rapport aux progrès réalisés dans le domaine de la génétique humaine, sachant que, à l'heure actuelle, il est relativement facile d'établir le code génétique d'une personne à partir de matériel biologique.

1.8.2.2

Aspects scientifiques

Le matériel humain et les données personnelles, génétiques ou non génétiques, liées à la santé constituent des ressources précieuses pour la recherche médicale actuelle.

Les nouvelles méthodes thérapeutiques sont généralement testées, dans la mesure du possible, sur du matériel biologique avant d'être expérimentées sur des personnes.

7295

Le matériel biologique et les données personnelles liées à la santé permettent en outre d'établir des corrélations entre les maladies et les facteurs environnementaux.

Le matériel biologique utilisé à des fins de recherche est généralement obtenu lors d'examens diagnostiques ou d'interventions thérapeutiques, par exemple biopsies, prises de sang ou interventions chirurgicales. De même, les données personnelles liées à la santé sont souvent recueillies dans le cadre de consultations médicales. Le matériel biologique et les données peuvent aussi être recueillis spécialement à des fins de recherche.

Il existe actuellement dans les hôpitaux et les instituts de recherche, par exemple, de très nombreuses collections de matériel biologique et de données d'importance différente. En règle générale, il existe un lien menant des échantillons conservés aux données personnelles correspondantes, celles-ci étant souvent codées. Des pures collections de données sont constituées notamment lors d'enquêtes auprès de la population, dans le cadre d'entretiens qualitatifs en vue d'études consacrées à des thèmes sanitaires ou sous la forme d'un registre.

1.8.2.3

Aspects éthiques

Le matériel biologique d'origine humaine et les données personnelles liées à la santé relèvent, par principe, du pouvoir décisionnel de la personne de laquelle ils sont issus. L'obtention de matériel et de données et leur traitement touchent à un principe éthique, celui de l'autonomie, et ne sont légitimes que si la personne concernée ou son représentant légal a donné son consentement. Le principe de l'autonomie prime celui de la bienfaisance; une utilisation par la recherche de données personnelles ou de matériel sans consentement éclairé ne saurait se justifier par le simple souci de faire du bien à une personne.

Les données génétiques présentent une importance particulière, car elles ne renseignent pas seulement sur certaines caractéristiques d'une personne. Le génome permet, en effet, de collecter des informations sur des prédispositions que l'on ne peut pas modifier et de tirer des conclusions (qui peuvent être erronées) sur une personne et sur son devenir. Le fait est également que, dans ce domaine, la science progresse à un rythme vertigineux, de sorte que le matériel biologique ­ facile à conserver et qui peut être gardé sans limite de temps ­ pourrait très prochainement livrer des informations sur une personne dont l'étendue échappe encore à toute appréciation.

Les données personnelles liées à la santé sans corrélation avec des prédispositions génétiques doivent également être considérées comme des données sensibles. Elles sont largement disponibles, et une diffusion illicite aurait de profondes conséquences, notamment en lien avec les collusions d'intérêt entre employeur et employé. Un risque pour les droits de la personnalité ne peut être exclu qu'à partir du moment où tout lien avec la personne est rendu irréversiblement impossible par l'anonymisation en bonne et due forme des données et du matériel biologique.

7296

1.8.2.4

Droit et dispositions applicables

La Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (voir ch. 1.5.1) énonce que des parties de corps humain prélevées au cours d'une intervention ne peuvent être conservées et utilisées dans un but autre que celui pour lequel elles ont été prélevées que si les procédures d'information et de consentement appropriées sont respectées. Selon les recommandations du Conseil de l'Europe relatives à la recherche sur du matériel (voir ch. 1.5.1), la réutilisation de matériel à des fins de recherche requiert le consentement de la personne. La directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 200438 relève l'urgence de mettre en place un cadre unifié en vue de garantir des normes élevées de qualité et de sécurité en ce qui concerne l'obtention, le contrôle, la transformation, le stockage et la distribution des tissus et des cellules humains prévus pour être greffés sur l'être humain, y compris dans le cadre de la recherche.

La recherche sur du matériel biologique et des données personnelles est réglée par la Déclaration d'Helsinki (voir ch. 1.6.4); la version en vigueur, qui date de 2008, prévoit explicitement et pour la première fois une réglementation dans ce domaine.

Elle stipule que la recherche sur du matériel biologique, son stockage et sa réutilisation requièrent par principe le consentement de la personne concernée.

La directive de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) «Guideline for obtaining informed consent for the procurement and use of human tissues, cells and fluids in research» (voir ch. 1.6.3) énumère les éléments d'information qui doivent être fournis aux donneurs.

1.8.2.5

Résultats de la procédure de consultation

Quelques participants à la procédure de consultation proposent de réglementer séparément la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles et celle sur des personnes, estimant que ces deux domaines ne peuvent pas être traités de la même manière.

L'article sur la subsidiarité, selon lequel un projet de recherche sur du matériel biologique ou des données personnelles non codés n'est pas autorisé lorsque du matériel ou des données anonymisés ou codés permettent également d'obtenir des résultats équivalents, a souvent été refusé.

Un grand nombre de participants à la procédure de consultation estime que les dispositions régissant l'exportation de matériel biologique et de données personnelles, en vertu desquelles l'exportation est uniquement autorisée sous forme anonymisée et lorsque les conditions d'utilisation dans le pays de destination sont identiques à celles prévues par la présente loi, sont impossibles à mettre en oeuvre.

L'article régissant l'exploitation d'une biobanque n'est pas considéré comme suffisamment précis par certains participants. La distinction proposée entre les «biobanques de grande ampleur» et les autres biobanques n'est pas assez claire et ne pourra

38

Directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains; JO L 102 du 7 avril 2004, p. 48.

7297

pas être appliquée, de même que l'obligation d'obtenir une autorisation des commissions d'éthique et celle de déclarer une biobanque.

1.8.2.6

Solution proposée

La réglementation de la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé a été différenciée d'après le potentiel de risque, conformément à la disposition constitutionnelle correspondante. Ainsi, la recherche sur du matériel biologique et des données déjà existants doit être considérée comme moins dangereuse que la recherche sur des personnes et peut, de ce fait, bénéficier d'une solution plus pragmatique, comme cela a été exprimé par la majorité des participants à la procédure de consultation. En particulier, les petites et moyennes entreprises, qui utilisent en grande partie du matériel biologique anonymisé pour leurs travaux de recherche, doivent pouvoir obtenir un cadre favorable pour exercer leur activité.

Enfin, la réglementation de ce domaine qui évolue à une vitesse effrénée doit être suffisamment souple pour pouvoir répondre aux besoins futurs.

Le prélèvement de matériel biologique et la collecte de données personnelles liées à la santé sont réglementés au chapitre intitulé «Recherche sur des personnes». Le risque couru par la personne concernée est identique en cas de recherche effectuée directement sur elle, de prélèvement de matériel ou de collecte de données. Par conséquent, les dispositions du chapitre 2 peuvent s'appliquer dans les deux situations.

La réglementation proposée en matière de réutilisation de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé (chap. 4) se fonde, d'une part, sur les principes relatifs au devoir d'informer et d'obtenir le consentement de la personne. D'autre part, un concept de réglementation nuancé est prévu pour la recherche sur du matériel biologique et des données génétiques ou sur des données personnelles non génétiques liées à la santé et lorsque le matériel et les données en question sont non codés, codés ou anonymisés. Pour ce qui précède, l'avant-projet a été allégé et adapté comme suit: ­

La recherche avec du matériel biologique anonymisé et des données liées à la santé anonymisés n'est pas réglementée dans la présente loi (voir ch. 1.8.1 et 2.1.1.2). Il est dit uniquement que l'anonymisation de matériel et de données n'est pas autorisée lorsqu'un projet de recherche laisse escompter des résultats qui permettent de diagnostiquer une maladie grave. Par ailleurs, le Conseil fédéral devra préciser les exigences auxquelles une anonymisation doit répondre concrètement.

­

La recherche avec des données personnelles liées à la santé sans corrélation avec le patrimoine génétique est différenciée de la recherche avec des données génétiques et sur du matériel biologique, et soumise à des exigences moins strictes. En effet, le risque d'abus avec des données non génétiques liées à la santé est, du fait de leur contenu informatif calculable, plus faible.

Quant au matériel biologique et aux données génétiques, il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de prévoir les informations importantes qu'il sera possible, dans certains cas, d'en tirer à l'avenir.

7298

­

Le projet de loi actuel ne propose pas de principe de subsidiarité en ce qui concerne l'utilisation de matériel biologique et de données non codés ou codés.

­

Dans l'intérêt de futures collaborations internationales en matière de recherche, l'interdiction d'exporter du matériel et des données non codés à des fins de recherche est supprimée.

­

Le projet renonce à une réglementation particulière en ce qui concerne l'exploitation et les modalités d'autorisation et de déclaration des biobanques. Les biobanques sont soumises à l'évolution rapide du droit international et des progrès scientifiques et techniques. Dans le cadre du présent projet, seule la conservation de matériel biologique et de données liées à la santé est réglementée pour permettre, d'une part, de garantir les exigences relatives aux qualifications professionnelles, aux conditions d'exploitation et à la protection des données et, d'autre part, de répondre avec souplesse aux innovations.

1.8.3

Tâches et organisation des commissions d'éthique

1.8.3.1

Situation de départ

Selon l'art. 118b, al. 2, let. d, Cst., une vérification indépendante doit avoir établi que la protection des sujets de recherche est assurée dans tout projet de recherche biologique et médical sur des personnes. Lors de l'application de ce principe au niveau de la loi, il convient de déterminer, en particulier, les tâches de l'instance de surveillance, son organisation et les principaux aspects liés à ses procédures. En outre, il faudra décider si cet examen obligatoire doit également s'étendre aux projets portant sur des personnes décédées, du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé, et si d'autres aspects sont à examiner, même s'ils ne sont pas directement liés à la protection individuelle des participants.

1.8.3.2

Droit et dispositions applicables

Dans les dispositifs nationaux et internationaux qui réglementent la recherche sur l'être humain, l'examen de projets de recherche sur l'être humain par des organes indépendants et interdisciplinaires représente un élément incontesté. Sur le plan fédéral, c'est la loi sur les produits thérapeutiques qui réglemente, pour l'essentiel, les tâches et l'organisation des commissions d'éthique, ainsi que la procédure de vérification (cf. ch. 1.4.2.1). Sur le plan international, la question est détaillée dans la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine et le Protocole additionnel relatif à la recherche sur l'être humain (cf. ch. 1.5.1), la directive BPEC-CE (cf.

ch. 1.5.2), la Déclaration d'Helsinki (cf. ch. 1.6.4) et la ligne directrice ICH-GCP (cf. ch. 1.6.5). Ainsi, avant le début des recherches, la commission d'éthique compétente doit, entre autres, évaluer le protocole et les formulaires consignant l'information au patient et son consentement. En outre, elle vérifie au moins une fois par an les études en cours et reçoit les déclarations et les rapports. La composition des commissions d'éthique, leur indépendance et la procédure d'évaluation sont également réglementés.

7299

1.8.3.3

Résultats de la procédure de consultation

L'avant-projet de loi prévoyait que les commissions d'éthique seraient uniquement chargées de vérifier si les exigences relatives à la protection des personnes concernées étaient remplies. De nombreux participants à la consultation ont critiqué cette limitation, qu'ils estimaient être une juridification inadéquate de l'activité des commissions d'éthique, et ont exigé que la notion de «valeur éthique» soit revue.

L'avant-projet prévoyait également de reporter sur ces commissions la surveillance des projets de recherche en cours. Cette proposition a été refusée par la majorité des acteurs consultés au motif que les commissions, travaillant selon un système de milice, ne disposaient pas des ressources humaines et organisationnelles nécessaires.

En revanche, la réglementation selon laquelle l'évaluation complète d'une étude multicentrique doit être confiée à une seule commission d'éthique a été saluée de manière générale.

Deux variantes ont été soumises au débat pour l'organisation des commissions d'éthique. La «variante cantonale» reconduisait la structure en place et reportait sur les cantons la responsabilité concernant la composition et le financement des commissions. Par contre, la «variante fédérale» prévoyait de créer des commissions fédérales dans les régions accueillant des centres de recherche. Leurs membres devaient être nommés par le Conseil fédéral après concertation avec les cantons. Ces derniers, notamment ceux qui comptent une université, se sont clairement exprimés en faveur de la première variante. La seconde variante a rallié la majorité des partis politiques et des acteurs économiques; de même, les instituts de recherche ont légèrement penché en faveur de la «variante fédérale».

1.8.3.4

Solution proposée

Selon le présent projet, l'évaluation indépendante des projets de recherche sera conduite par des commissions d'éthique qui continuent de fonctionner sur le plan cantonal selon un système de milice. On renonce donc à une nouvelle structure d'exécution comme l'aurait prévue la «variante fédérale». L'analyse des arguments avancés lors de la consultation a révélé que les avantages escomptés avec la variante fédérale pouvaient aussi être atteints dans une large mesure à travers les commissions cantonales. Les prescriptions inscrites dans le droit fédéral garantissent que les éléments essentiels de l'organisation et du droit procédural sont harmonisés. Chaque commission d'éthique doit, par exemple, disposer d'un secrétariat scientifique, qui décharge notamment ses membres de tâches administratives et qui garantit l'efficacité des procédures d'évaluation. L'expérience a toutefois montré qu'un tel secrétariat n'était sensé que pour les commissions confrontées à un important volume de travail; au final, il en résultera un nombre de commissions proportionnellement adapté à la situation en Suisse. Dans l'optique de l'efficacité et de la qualité des évaluations, le projet confère désormais au Conseil fédéral la compétence de prescrire, après avoir consulté les cantons, un nombre minimum de demandes d'autorisations qu'une commission d'éthique devra traiter par an. Enfin, une seule commission en Suisse assumera l'évaluation complète d'une étude multicentrique donnée, à savoir celle qui se trouve sur le site du coordinateur du projet de recherche; ainsi, les évaluations redondantes seront désormais exclues.

7300

Les exigences matérielles inscrites dans le projet de loi se fondent notamment sur des principes éthiques reconnus pour la recherche sur l'être humain. L'appellation «commission d'éthique pour la recherche» est donc pertinente pour désigner l'organe chargé de contrôler ces exigences. Sa mission première est de protéger «les droits, la sécurité et le bien-être des sujets de recherche».39 Un aspect nouveau est venu s'y ajouter: il doit être établi que le projet de recherche est pertinent pour la science, ainsi que pour la compréhension des maladies humaines, pour la compréhension de la structure et du fonctionnement du corps humain ou pour la santé publique (voir art. 5). Ce critère d'évaluation apparaît également dans de nombreuses directives, reconnues, sur les tâches dévolues aux commissions d'éthique. Il garantit avant le lancement d'un projet de recherche sur l'être humain non seulement la protection de la personne sur le plan individuel, mais aussi la prise en compte des intérêts reconnus de la société. Dans ce sens, le projet de loi tient aussi compte d'un autre critère qui découle de la «valeur éthique»: les commissions d'éthique peuvent ainsi tenir compte d'enjeux de société ou d'enjeux collectifs liés à la santé publique.

Cette démarche inscrit largement dans la loi des principes reconnus sur le plan international et appliqués jusqu'ici par les commissions d'éthique, raison pour laquelle on peut renoncer à évoquer explicitement dans le texte législatif cette notion par trop imprécise de «valeur éthique», comme cela avait été demandé à plusieurs reprises lors de la procédure de consultation. Il n'en reste pas moins que les réflexions éthiques qui, en fin de compte, sous-tendent également toutes les exigences de cette loi sont à redéployer lors de l'évaluation de chaque cas.

En raison des arguments avancés lors de la procédure de consultation, on renoncera à charger les commissions d'éthique de la surveillance intégrale des projets de recherche en cours. Partant, des mesures d'exécution comme les inspections par les autorités fédérales compétentes (par exemple Swissmedic) ou les cantons (par exemple médecin cantonal) restent réservées. En accord avec les prescriptions internationales, les commissions d'éthique doivent toutefois recevoir les déclarations et les rapports et, le cas échéant,
fixer des exigences supplémentaires ou suspendre l'autorisation.

La recherche sur l'être humain au sens de cette loi présentant des risques, tous les projets de recherche doivent être soumis à autorisation. Il est toutefois prévu de mettre en place, dans la législation d'exécution, des exigences moins élevées en matière procédurale pour certains projets (par exemple recherche sur du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé).

1.8.4

Transparence et registre

1.8.4.1

Situation de départ

La motion 05.313640 invite le Conseil fédéral à créer un registre public dans lequel seraient répertoriées toutes les études cliniques. L'idée de créer un registre des projets de recherche est largement acceptée au niveau international. Le souhait de disposer d'un registre des sujets de recherche a également été exprimé.

39 40

Comme le prévoit, p. ex., la directive GCP au ch. 3.1.1 (cf. ch. 1.6.5).

Motion 05.3136 (Hubmann) du 17 mars 2005: «Etudes cliniques. Pour plus de transparence».

7301

1.8.4.2

Aspects scientifiques et éthiques

L'obligation d'enregistrer les projets de recherche répond à une demande exprimée par les chercheurs eux-mêmes, mais aussi par l'industrie, les organisations de patients et les éditeurs de publications scientifiques. De manière générale, il s'agit de renforcer la transparence de la recherche sur les maladies humaines ainsi que sur la structure et le fonctionnement du corps humain et, en particulier, d'empêcher les doublons. Ces registres doivent non seulement servir aux spécialistes mais aussi, de plus en plus, répondre aux besoins d'information de la population. Ils doivent mentionner, en partie, à la fois les résultats positifs et négatifs des études. Ainsi, il deviendra possible de s'informer directement, objectivement et en toute autonomie de l'avancement de la recherche pour certaines maladies et des possibilités de traitement existantes. Une plus grande transparence permet également aux professionnels d'échanger et de compléter leurs connaissances scientifiques et les incite à travailler en réseau.

Au niveau international, l'enregistrement des activités de recherche tend à devenir la norme dans les milieux scientifiques. Ainsi, l'association des éditeurs des grandes revues médicales exige depuis 1995 que la publication des essais cliniques soit liée à l'obligation de les enregistrer au plus tard avant que des sujets de recherche y participent.41 Pour sa part, l'International Clinical Trials Registry Platform (ICTRP) de l'OMS42 a créé en 2007 un méta-registre sous la forme d'un portail de recherche mondial; cet instrument qui relie les registres existants est devenu une source d'information importante en matière d'essais cliniques. En outre, le portail des essais cliniques de la Fédération Internationale de l'Industrie du Médicament (FIIM ­ IFPMA) propose un site public convivial, en plusieurs langues, qui permet d'obtenir des informations complètes sur les études en cours et les résultats de projets de recherche achevés.

1.8.4.3

Droit et dispositions applicables

La législation suisse actuelle soumet uniquement les projets de recherche sur les cellules souches embryonnaires à une obligation d'enregistrement.

Créé en 2004 sur la base de la directive BPEC-CE (voir ch. 1.5.2), le registre EudraCT (European Union Drug Regulating Authorities Clinical Trials) permet un accès public à toujours plus de domaines de sa base de données. Aux Etats-Unis, le registre public «ClinicalTrials.gov» dans lequel sont enregistrés les essais cliniques, avec mention des médicaments et des dispositifs médicaux, existe depuis 1997. Depuis 2007, les résultats élémentaires (basic results) doivent également être communiqués.

Par ailleurs, les recherches sur l'être humain qui ne portent pas sur des produits thérapeutiques peuvent aussi être inscrites à ce registre, cette pratique étant d'ailleurs toujours plus fréquente.

41 42

Voir www.icmje.org.

Voir www.who.int, rubrique «programmes and projects».

7302

La Déclaration d'Helsinki (voir ch. 1.6.4) énonce que tout essai clinique sur l'être humain doit être enregistré dans une base de données publique. Elle précise au demeurant que les résultats détaillés et complets, aussi bien négatifs et non concluants que positifs, doivent être diffusés, publiés ou rendus publics par un autre moyen.

1.8.4.4

Résultats de la procédure de consultation

La plupart des participants à la procédure de consultation approuve le principe du registre public des projets autorisés tenu par la Confédération. Plusieurs d'entre eux ont exprimé le souhait d'étendre les registres existants et d'y enregistrer les projets de recherche autorisés.

La question de savoir si des résumés des résultats des recherches devaient figurer dans le registre n'a pas fait l'unanimité. Il a été souligné qu'en cas de publication des résultats, il faudrait tenir compte des droits à la propriété intellectuelle des chercheurs. Quelques participants ont également déclaré être favorables à la création d'un registre des sujets de recherche. Cet instrument permettrait d'empêcher la participation rémunérée de sujets de recherche à plusieurs projets en l'espace de peu de temps. Selon eux, participer à plusieurs projets de recherche peut, d'une part, constituer un risque pour la santé et, d'autre part, altérer la qualité des résultats des projets de recherche.

1.8.4.5

Solution proposée

Le projet de loi prévoit que les projets de recherche autorisés doivent être enregistrés dans un registre public et que le Conseil fédéral est habilité à prévoir des exceptions à cette obligation. Le Conseil fédéral doit tenir compte des réglementations internationales lorsqu'il édicte des dispositions relatives aux données devant figurer dans le registre, à l'obligation de déclarer et à la procédure à suivre. Par voie d'ordonnance, il indiquera également si l'enregistrement des projets de recherche doit être confié à des organismes de droit public ou de droit privé. Il en va de même pour l'éventuelle obligation d'enregistrer les résultats d'essais cliniques.43 En cas d'enregistrement des résultats, il faudra tenir équitablement compte de la propriété intellectuelle.

Ce projet de loi ne prévoit pas l'obligation d'enregistrer les personnes qui participent à des projets de recherche («registre des sujets de recherche»). Le risque minime de mise en danger de la santé ou d'altération de la qualité des résultats d'essais cliniques en raison d'une participation trop fréquente à des essais ou d'une participation simultanée à plusieurs projets de recherche ne justifie pas les charges financières et techniques qu'un tel registre supposerait. L'expérience passée montre que les cas d'abus sont très rares. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que dans les régions frontalières, le registre devrait lui aussi être transfrontalier.

43

L'utilisation des résultats des projets de recherche touche aussi à l'intégrité scientifique (voir art. 10, al, 1, let. a).

7303

1.9

Débat public

Le Centre d'évaluation des choix technologiques TA-SWISS auprès du Conseil suisse de la science et de la technologie (CSST), à Berne, a organisé en 2003 et 2004 un PubliForum auquel ont participé une trentaine de personnes44 ainsi que des PubliTalks avec une soixantaine de jeunes adultes âgés de 18 à 23 ans, qui se sont exprimés à propos de la recherche sur l'être humain. Le panel de citoyens formule les recommandations suivantes dans le rapport rédigé à la suite de ces réunions45: ­

La protection de l'être humain dans la recherche est assurée à l'heure actuelle, mais certains de ses aspects peuvent être améliorés. Par exemple, il y a lieu d'assurer un suivi médical et psychologique de la personne pendant et après le projet de recherche; la personne concernée doit être suffisamment informée.

­

Le panel de citoyens salue la procédure d'autorisation en vigueur, qui implique la participation des commissions d'éthique. Toutefois, il lui semble souhaitable de réduire le nombre de ces commissions et d'encourager l'échange d'idées et d'expériences entre les commissions.

­

Les études impliquant des femmes enceintes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes souffrant de maladies particulièrement rares doivent être encouragées par des incitations à la recherche. Les domaines non lucratifs de la recherche devraient être subventionnés par le biais d'un fonds, qui serait alimenté par un «centime de recherche» provenant du chiffre d'affaires réalisé par la vente de médicaments.

­

Le but et l'intérêt d'un projet de recherche doivent être clairement définis afin d'éviter les abus. Il faudrait créer des services de médiation régionaux auxquels les personnes concernées pourraient s'adresser.

­

L'information et la transparence doivent être renforcées; il est proposé de publier tous les résultats des études, qu'ils soient positifs ou négatifs, dans un registre public et dans un langage accessible aux non-initiés.

­

La protection des données, tout particulièrement dans l'utilisation de données génétiques, constitue un aspect très important, raison pour laquelle il y a lieu de limiter le droit des assurances de consulter les données.

­

Les dispositions de la loi relative à la recherche sur l'être humain doivent s'inspirer de traités internationaux comme la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine et son Protocole additionnel.

La majorité des jeunes adultes interrogés dans le cadre des PubliTalks déclarent qu'ils pourraient envisager de participer en tant que sujets de recherche à une étude clinique. Ils le feraient d'autant plus volontiers si cela pouvait aider l'un de leurs proches. Ils considèrent les aspects ci-dessous comme étant particulièrement importants:

44

45

Le panel de citoyens était formé de 29 personnes sélectionnées de manière à constituer un groupe aussi équilibré que possible pour ce qui concerne la parité hommes ­ femmes, les tranches d'âge, les régions linguistiques et les catégories socioprofessionnelles représentées.

Voir www.ta-swiss.ch.

7304

­

Une information complète de la part du médecin quant aux conséquences possibles d'un essai clinique, étant entendu qu'elle doit être adaptée à l'âge du sujet.

­

Un pouvoir de co-décision en fonction de l'âge du sujet de recherche: la décision de participer à un essai clinique doit revenir aux parents pour les enfants en bas âge; les enfants en âge scolaire doivent au moins pouvoir s'exprimer sur la question; quant aux adolescents plus âgés, la décision doit leur revenir.

­

Un droit de veto de l'enfant: l'idéal est que l'enfant et les parents prennent la décision d'un commun accord, après discussion. En cas de divergence, la volonté de l'enfant doit l'emporter.

­

Un conseil indépendant: cette instance pourrait intervenir comme médiateur en cas de divergence d'opinion entre les parents, le jeune concerné et les médecins.

­

La garantie de la sécurité des données en cas d'utilisation de matériel biologique: celui-ci ne doit pas être utilisé à d'autres fins que celle initialement prévue sans que le sujet de recherche n'en soit informé et qu'il ait donné son consentement.

­

La réglementation de l'indemnisation financière des sujets de recherche et de la couverture des dommages occasionnés dans le cadre d'essais cliniques.

1.10

Classement d'interventions parlementaires

Suite à l'élaboration de la loi relative à la recherche sur l'être humain, les interventions parlementaires suivantes peuvent être classées: ­

La motion Plattner du 1er décembre 1998 (98.3543; E 16.03.1999, N 21.03.2000) charge le Conseil fédéral de présenter une loi fédérale concernant la recherche médicale sur l'homme. Ce projet de loi fixera les principes et les limites à respecter dans ce domaine sur le plan de l'éthique et du droit; il garantira, d'une part et autant que possible, le respect des droits de l'homme et fera, d'autre part, en sorte que la recherche médicale sur l'homme ­ quand elle est utile ­ soit possible. La nouvelle loi doit s'inspirer de directives nationales et internationales reconnues en matière de recherche sur l'homme.

­

La motion Dunant du 17 mars 2004 (04.3105; N 29.11.2005, E 13.03.2006) demande au Conseil fédéral de créer les conditions générales nécessaires à une coordination au niveau national ou à un regroupement des différentes commissions d'éthique.

­

La motion Hochreutener du 16 décembre 2004 (04.3742; N 19.03.2007, E 13.12.2007) invite le Conseil fédéral à prendre les mesures nécessaires afin qu'une seule commission d'éthique soit compétente pour évaluer un essai clinique conduit sur divers sites de recherche dans le cadre d'essais multicentriques.

7305

­

La motion Hubmann du 17 mars 2005 (05.3136; N 17.06.2005, E 12.12.2005) charge le Conseil fédéral de veiller à ce que toutes les études cliniques soient répertoriées dans un registre accessible au public. Il convient cependant d'étudier si la meilleure solution réside dans la création d'un registre suisse unique ou dans le rattachement à un registre international existant.

2

Partie spéciale Commentaire

2.1

Chapitre 1

Dispositions générales

2.1.1

Section 1

But, champ d'application et définitions

2.1.1.1

But (art. 1)

L'article consacré au but du présent projet de loi renvoie à l'art. 118b de la Constitution fédérale et le concrétise (cf. ch. 1.1.1). L'al. 1 reprend l'objectif de l'article constitutionnel et prévoit que la présente loi vise à protéger la dignité et la personnalité de l'être humain dans la recherche. De plus, il mentionne explicitement que la santé fait partie intégrante de la personnalité, étant donné qu'une importance particulière lui est conférée dans le cadre de la recherche sur l'être humain. Une personne qui participe à un projet de recherche doit pouvoir être assurée qu'elle ne s'expose pas à des risques disproportionnés pour sa santé et que, de manière générale, leur ampleur ne dépassera pas une certaine limite.

L'al. 2 énonce d'autres buts du projet de loi. En vertu de la let. a, des conditions favorables à la recherche sur l'être humain doivent être aménagées. Outre le but premier, à savoir la protection de la dignité, de la personnalité et de la santé, le droit fondamental que constitue la liberté de la recherche doit être garanti et mis sur un pied d'égalité avec la protection de la personnalité. Selon la let. b, la loi doit contribuer à garantir la qualité de la recherche sur l'être humain. Cet objectif doit être atteint grâce à l'examen du projet auquel la commission d'éthique compétente procédera pour déterminer sa qualité scientifique et grâce à la fixation d'exigences contraignantes en matière de qualité. De surcroît, la loi doit assurer la transparence de la recherche sur l'être humain (let. c). Ce but est essentiellement réalisé par l'établissement d'un registre public (voir art. 55).

2.1.1.2

Champ d'application (art. 2)

L'al. 1 précise que le présent projet de loi régit la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain (définitions cf.

ch. 2.1.1.3). Les let. a à e énumèrent les «sujets de recherche»: ­

toutes les personnes physiques au sens juridique du terme;

­

les personnes décédées (voir ch. 2.5);

­

les embryons et les foetus in vivo (dans l'utérus de la mère) ou issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris les enfants mort-nés (voir ch. 2.6);

7306

­

le matériel biologique et les données personnelles liées à la santé (voir ch.

2.4).

Selon l'al. 2, let. a, le présent projet de loi ne s'applique ni à la recherche sur des embryons in vitro ni à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. Ce type de recherche est réglementé par la loi relative à la recherche sur les cellules souches.46 En outre, le présent projet de loi n'est pas applicable à la recherche sur du matériel biologique anonymisé (let. b) et des données anonymisées liées à la santé (let. c). Dans ce contexte, il convient néanmoins de prendre en considération les directives relatives à l'anonymisation selon l'art. 34. Enfin, le champ d'application du présent projet ne s'étend pas à la recherche sur des données liées à la santé et prélevées anonymement (let. c), c'est-à-dire dans le cadre de sondages réalisés auprès de passants inconnus ou via des enquêtes effectuées par courrier ou par Internet auxquelles les personnes répondent de manière anonyme.

D'un point de vue purement déclaratif, il convient de préciser ici que les dispositions d'autres lois fédérales portant sur la recherche sur l'être humain sont applicables parallèlement à celles du présent projet de loi. Celui-ci renvoie expressément aux dispositions régissant tant les essais cliniques de transplantation, tels que définis dans la loi sur la transplantation pour l'utilisation de tissus foetaux et embryonnaires, que les essais cliniques de médicaments de la loi sur les produits thérapeutiques (par exemple obligation d'annoncer les essais de cette nature et régime de l'autorisation).

2.1.1.3

Définitions (art. 3)

Let. a

Recherche

Le terme recherche est défini comme étant la recherche méthodologique de connaissances généralisables. La précision «méthodologique» renvoie à l'application de procédés scientifiquement reconnus qui servent à acquérir les connaissances souhaitées. Il peut s'agir de méthodes s'appuyant aussi bien sur les sciences naturelles que sur les sciences sociales. En outre, les connaissances à acquérir doivent être généralisables. En d'autres termes, leur validité doit dépasser le cadre du projet de recherche, et elles ne doivent pas se fonder sur une unique référence. On s'efforcera d'acquérir des connaissances généralisables, par exemple au moyen d'un nombre suffisamment élevé de cas et d'une structure de recherche proche de la réalité. Le développement des connaissances ne doit pas être assimilé à des activités de «recherche» lorsque la quête de connaissances généralisables est menée exclusivement par une seule personne (par exemple dans le cadre d'une formation et d'une formation continue).

Afin de limiter la notion de recherche, il convient d'aborder séparément les cas de figure suivants: ­

46

Les essais de phase IV et les rapports d'expériences pratiques ont pour objectif de soumettre à un contrôle les méthodes déjà appliquées de manière standardisée ou les produits thérapeutiques déjà admis dans la pratique médicale courante. Ces contrôles sont effectués selon des méthodes scientifiques et peuvent, dans des cas déterminés, être liés à l'acquisition de RS 810.31

7307

connaissances générales (par exemple lorsqu'il s'agit de recueillir de nouvelles connaissances sur l'efficacité et la sécurité d'un médicament). Les rapports d'expériences pratiques visent en partie à acquérir des connaissances généralisables. C'est pourquoi il importe de décider si les essais de phase IV et les rapports d'expériences pratiques doivent être considérés comme étant de la recherche au sens du présent projet de loi en se fondant sur le type d'activités et le but poursuivi.

­

Tout comme les essais de phase IV et les rapports d'expériences pratiques, les études de contrôle de la qualité ne doivent être considérées comme des activités de recherche que si elles ont pour objet l'acquisition méthodologique de nouvelles connaissances généralisables.

­

Les travaux de qualification scientifique comme les travaux de master et les thèses ne peuvent être classés dans la catégorie recherche au sens du présent projet que si des connaissances généralisables, allant au-delà du développement individuel des connaissances, sont acquises en faveur de la communauté scientifique. En règle générale, cette condition n'est pas remplie pour les travaux de fin d'études dans le cursus de formation. En cas de doute, il est possible de consulter la commission d'éthique compétente avant de soumettre la demande.

­

Les essais thérapeutiques sont généralement réalisés dans le seul but d'améliorer l'état de santé du patient et non pas dans celui d'acquérir des connaissances généralisables. Dans la pratique, des essais thérapeutiques sont effectués en particulier lorsqu'il n'existe aucune thérapie standard ou que les approches thérapeutiques existantes ne donnent aucun résultat probant, ce qui peut être le cas en présence de maladies chroniques ou incurables. Aussi les essais thérapeutiques sont-ils menés en premier lieu dans l'intérêt des personnes concernées et le cas échéant, à titre secondaire, en vue d'acquérir des connaissances généralisables. C'est pourquoi il convient aussi de décider au cas par cas si les essais thérapeutiques doivent être considérés comme étant de la recherche.

En guise de complément à la définition de la recherche, il est renvoyé aux explications correspondantes figurant dans le message relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain.47 Let. b

Recherche sur les maladies

Le terme «recherche sur les maladies humaines» désigne la recherche relative à tous les états pathologiques de l'être humain. Le terme «maladie» se réfère tant aux diagnostics classifiés, relatifs à des troubles de la santé physique ou psychique, qu'à d'autres troubles de cette nature qui ne peuvent pas être classifiés au moyen d'un diagnostic concret. Le présent projet de loi s'appuie sur la conception des systèmes de classification de l'OMS48 reconnus, à savoir, d'une part, l'«International Classification of Diseases» (Classification internationale des maladies; CIM) et, d'autre part, l'«International Classification of Functioning, Disability and Health» (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé; CIF). Concernant ce dernier système de classification, il y a lieu de préciser qu'il décrit les trou47 48

FF 2007 6345 Voir www.who.int, rubrique «health topics / classification».

7308

bles de la santé à un niveau fonctionnel. La «recherche sur les maladies humaines» comprend donc, par exemple, aussi bien une étude concernant un médicament contre le diabète qu'une étude sur un appareillage destiné aux personnes dans l'incapacité de marcher. Contrairement à la terminologie employée dans le projet de loi sur la prévention49 et dans la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales50, la notion de maladie désigne également les troubles de la santé apparaissant à la suite d'un accident.

La «recherche sur les maladies humaines» décrit la recherche indépendamment du domaine spécialisé dans lequel elle a lieu. La grande majorité des études concernées sont effectuées dans les domaines classiques de la médecine (y compris la psychiatrie et les sciences infirmières). Le champ d'application s'étend également aux études qui sont réalisées notamment dans les domaines de la psychologie, des sciences du sport et de l'alimentation ou qui sont menées de manière interdisciplinaire, dans la mesure où elles concernent des problématiques afférentes aux maladies. La loi réglemente aussi toutes les recherches de base se référant à une maladie. Ce faisant, la recherche peut couvrir différents aspects de la maladie, notamment la prévention, le diagnostic, la thérapie et l'épidémiologie. La recherche afférente aux fondements et aux causes physiques ou psychiques d'une maladie est également comprise dans le champ d'application.

Let. c

Recherche sur la structure et le fonctionnement du corps humain

La «recherche sur la structure et le fonctionnement du corps humain» concerne en particulier la recherche générale de base dans les domaines de l'anatomie, de la physiologie et de la pathophysiologie, ainsi que de la génétique du corps humain. A la différence de la «recherche sur les maladies humaines» décrite ci-dessus, elle relève également du champ d'application du présent projet de loi même si elle ne se réfère pas à une maladie. Le champ d'application du présent projet de loi ne s'étend à la recherche de base dans d'autres domaines (par exemple recherche sur la psyché humaine ou sur son développement) que dans la mesure où elle permet, au sens de la let. b, d'acquérir des connaissances sur les causes et le développement de maladies (souvent psychiques). Par contre, la recherche sur la structure, le fonctionnement et le développement normaux de la psyché humaine, telle qu'elle se déroule, par exemple, dans le cadre de la recherche de base dans les domaines de la psychologie et de la pédagogie, n'est pas incluse dans le champ d'application du présent projet de loi.

En outre, le présent projet de loi s'applique à toutes les recherches qui, en dehors de la prévention, du diagnostic, de la thérapie et de l'épidémiologie des maladies, impliquent des interventions et des effets sur le corps humain. Appartiennent à cette catégorie de recherches les prises de sang, l'application de méthodes d'imagerie, l'utilisation d'implants ou l'administration d'un principe actif même s'il n'est pas en lien avec une maladie (par exemple à des fins purement esthétiques).

49 50

Message du 30 sept. 2009, FF 2009 6389.

RS 830.1

7309

Let. d

Projet de recherche avec bénéfice direct escompté

On dit d'un projet de recherche qu'il permet d'escompter un bénéfice direct lorsqu'il permet d'attendre un avantage pour la santé de la personne participante au cours du projet ou juste après qu'il a touché à sa fin. En l'occurrence, il s'agit d'une amélioration de son état de santé, sur la base d'expériences faites dans le cadre d'essais sur des animaux, de modèles in vitro ou d'autres examens précliniques. Une recherche qui offre un bénéfice direct devrait servir non seulement à acquérir de nouvelles connaissances scientifiques, mais aussi à améliorer la santé des personnes, puisqu'elle s'attache à leur offrir un bénéfice diagnostique, thérapeutique ou préventif direct.

Une recherche sans bénéfice direct ne permet pas d'escompter un avantage direct pour la santé des participants. Les projets de recherche offrant un bénéfice potentiel à un groupe d'individus sont également considérés comme des projets sans bénéfice direct. Il s'agit de projets dont on attend qu'ils permettent d'acquérir des connaissances qui offriront ultérieurement un bénéfice à des personnes souffrant de la même maladie ou du même trouble ou se trouvant dans le même état que la personne concernée. Les projets de recherche desquels on peut escompter un bénéfice potentiel pour la société ne sont donc pas considérés comme des projets permettant d'escompter un bénéfice direct.

Les ouvrages scientifiques parlent aussi de «recherche thérapeutique» ou de «recherche avec bénéfice individuel direct» pour les projets permettant d'escompter un bénéfice direct, et de «recherche purement scientifique» ou de «recherche sans bénéfice individuel direct» pour les projets qui n'apportent pas de bénéfice personnel aux participants.

Le concept qui différencie la recherche avec bénéfice direct escompté de celle sans bénéfice direct se retrouve dans les normes et les directives nationales et internationales (voir ch. 1.5 et 1.6).

Lorsqu'il s'agit de dire si un projet de recherche peut présenter un bénéfice direct ou non, on considère toujours les résultats recueillis pour l'ensemble d'une étude et non ceux obtenus pour l'un ou l'autre des participants à la recherche. Les études placebo (voir ch. 1.2.2.1 et 1.3), par exemple, sont qualifiées d'études avec bénéfice direct escompté même si elles présentent un intérêt purement scientifique pour les
sujets appartenant au groupe de contrôle. A ce propos, il est aujourd'hui généralement admis que l'utilisation de placebos se justifie uniquement s'il n'existe pas de traitement suffisamment efficace pour soigner une maladie ou lorsqu'il s'agit de troubles mineurs, comme de légers maux de tête.

Let. e

Matériel biologique

Le matériel biologique d'origine humaine désigne en particulier les organes, les tissus, les cellules (y compris les ovules et le sperme) et les liquides organiques, comme le sang et l'urine, qui proviennent de personnes vivantes.

Let. f

Données personnelles liées à la santé

On entend par données personnelles liées à la santé les informations concernant une personne qui font référence à une maladie physique ou psychique ou qui donnent des renseignements sur la structure et le fonctionnement de la personne concernée. Cette

7310

définition correspond à celle des données liées à la santé, conformément à l'art. 3, let. c, ch. 2, de la loi sur la protection des données.

Lorsqu'il est question dans le projet de «données non génétiques liées à la santé», il faut entendre par là toutes les données personnelles relatives à la santé exception faite des données génétiques (art. 3, let. g LAGH).

Let. g

Données génétiques

Les données génétiques comprennent les informations relatives au patrimoine génétique d'une personne. On peut les obtenir quasiment à partir de tout type de matériel biologique, à la faveur d'une analyse génétique. Leur définition, à l'exception de la référence au profil d'ADN, qui ne joue aucun rôle dans le présent contexte de recherche, est identique à celle de la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine (art. 3, let. l).

Let. h

Matériel biologique codé et données personnelles codées liées à la santé

Il s'agit de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé qui ont été codés au moyen d'une clé (ou «code») avant d'être utilisés à des fins de recherche. Cette clé est nécessaire pour rétablir le lien avec la personne concernée et donc annuler le codage (cf. art. 34, al. 2). On parle aussi de «pseudonymisation». Les conditions posées au consentement en vue d'une réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé qui ont été codés sont précisées aux art. 31, al. 2, et 32, al. 2.

Let. i

Matériel biologique anonymisé et données anonymisées liées à la santé

On entend par matériel biologique anonymisé et par données anonymisées liées à la santé la suppression irréversible du lien à la personne concernée. C'est le cas lorsqu'il est impossible d'attribuer du matériel et des données à cette personne, sauf au prix d'un investissement disproportionné en temps, en argent et en travail. Cette définition correspond à la description courante qu'en donne le droit sur la protection des données. On peut concevoir que, pour le matériel biologique en particulier, la démarche pour rétablir le lien avec la personne serait également disproportionnée: en l'espèce, il est théoriquement possible de comparer des données génétiques obtenues à partir de ce matériel avec des données de référence. Toutefois, il est rare que de telles données de référence ou des échantillons de comparaison soient disponibles, auquel cas l'accès à ces données serait pratiquement irréalisable ou illicite en tout état de cause.

Si les exigences d'une anonymisation correcte sont satisfaites (cf. art. 34, al. 2), il convient d'évaluer et de décider au cas par cas: en présence d'une grande quantité de données (population importante), la suppression du nom peut suffire, même si d'autres paramètres subsistent (la date de naissance, p. ex.). Si, par contre, on a affaire à une population réduite, on ne peut pas se contenter de supprimer uniquement le nom. A moins qu'ils ne soient absolument nécessaires, le principe veut que l'on supprime tous les paramètres faisant référence à la personne, tels que la date de naissance, l'adresse, etc.

7311

Les conditions de l'anonymisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé sont précisées aux art. 31, al. 3, 32, al. 3, et 34, al. 1.

2.1.2

Section 2

Principes

2.1.2.1

Primauté des intérêts de l'être humain (art. 4)

Cette disposition, rédigée sur la base de la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (cf. ch. 1.5.1) et de la Déclaration d'Helsinki (cf. ch. 1.6.4), s'entend comme un principe fondamental et une directive pour l'interprétation dans la présente réglementation de la recherche sur l'être humain. Elle énonce que les intérêts, la santé et le bien-être de l'être humain priment les seuls intérêts de la science et de la société. Cela permet de préciser la teneur de l'art. 118b Cst. et de l'article du projet de loi exprimant le but: la loi vise en premier lieu à protéger la dignité et la personnalité.

Les intérêts et le bien-être de la personne qui participe à un projet de recherche sont opposés aux seuls intérêts de l'économie et de la société. L'important, ici, est l'antagonisme qui existe entre des intérêts individuels concrètement menacés et les intérêts collectifs de la société. La notion de «seuls intérêts» n'équivaut pas à une dépréciation des intérêts de la science et de la société. En l'occurrence, il s'agit davantage de montrer que l'individu passe avant les intérêts de la science ou la société.51 L'art. 15, al. 2, peut être cité comme exemple: en vertu de cette disposition, toutes les mesures nécessaires à la protection de la personne participante doivent être prises sans délai si des événements propres à compromettre sa sécurité surviennent au cours d'un projet de recherche. Dans un tel cas, la décision doit toujours être prise dans l'intérêt de la personne participante, même si son exclusion immédiate, par exemple, compromet les résultats de la recherche.

2.1.2.2

Pertinence (art. 5)

Cette disposition précise que l'ensemble des projets de recherche sur l'être humain doivent aborder une problématique scientifique pertinente, soit pour la compréhension des maladies humaines ou de la structure et du fonctionnement du corps humain, soit pour la santé publique. On inscrit ainsi dans la loi un critère reconnu et usité aujourd'hui dans le débat portant sur l'éthique dans la recherche sur l'être humain. D'autre part, cette disposition reprend l'exigence constitutionnelle visée à l'art. 118b, al. 1, qui précise l'importance de la recherche pour la société. Il ressort de ces deux points que la protection de la personne concernée est au coeur de la recherche sur l'être humain, mais que les intérêts collectifs reconnus doivent aussi toujours être pris en compte.

D'un point de vue matériel, l'article exige qu'un projet de recherche soit pertinent dans le débat scientifique. Ce n'est pas le cas notamment si la problématique visée a déjà suffisamment fait l'objet d'études scientifiques sérieuses, si la multiplication de 51

Taupitz J, Biomedizinische Forschung zwischen Freiheit und Verantwortung; Berlin, Heidelberg, New York, 2002, p. 57 s. / Hans-Christoph Kandler, Rechtliche Rahmenbedingungen biomedizinischer Forschung am Menschen; Berlin, Heidelberg, 2008, p. 67 ss.

7312

projets inutiles peut ainsi être évitée et doit même l'être sous l'angle de la protection de la personne concernée. En outre, le projet de recherche doit servir à recueillir des connaissances généralisables sur les maladies humaines ou la structure et le fonctionnement du corps humain, ou précieuses pour la santé publique. Ne seraient ainsi pas autorisés les projets de recherche visant à restreindre la libre opinion des personnes de manière ciblée ou à découvrir des méthodes de torture plus efficaces. Les exemples susmentionnés montrent que le critère de la pertinence ne sera applicable que dans des situations exceptionnelles.

2.1.2.3

Non-discrimination (art. 6)

L'interdiction de toute forme de discrimination, inscrite à l'art. 8, al. 2, Cst., est un principe particulièrement important de la recherche sur l'être humain. Ainsi, lors de la sélection des sujets de recherche, il n'est pas permis d'écarter de manière générale et sans raison objective un groupe particulier de personnes (par exemple les femmes) de projets de recherche, tout comme il est interdit de solliciter, sans raison, un seul groupe de personnes ou de le solliciter de façon excessive (al. 1).

Une telle inégalité de traitement ne repésente un acte discriminatoire que si elle n'est pas objectivement fondée (ni motivée dans la demande d'autorisation). L'al. 2 n'empêche donc pas de sélectionner des sujets selon des critères précis (comme l'âge, le sexe, un état de santé spécifique) lorsque la nature même du projet l'exige (par exemple maladies spécifiques d'un sexe). Par contre, il serait discriminatoire de faire participer à des projets de recherche présentant un risque élevé exclusivement des personnes se trouvant dans un groupe particulier (par exemple requérants d'asile ou bénéficiaires de l'aide sociale).

Toutefois, il ne découle pas de cette disposition qu'une personne dispose du droit à participer à un projet de recherche.

2.1.2.4

Consentement (art. 7)

Le consentement, qui doit être libre de toute contrainte, tromperie ou influence indue, constitue l'une des conditions indispensables pour autoriser des recherches sur l'être humain. C'est pourquoi il est donné pour principe que la recherche sur l'être humain peut uniquement être pratiquée si la personne concernée donne explicitement son consentement éclairé ou si elle n'exerce pas son droit d'opposition dans les cas prévus par la loi et après avoir été informée en conséquence (al. 1). Ces droits peuvent également être exercés par des enfants, des adolescents et des adultes généralement incapables de discernement, pour autant qu'ils soient capables de discernement dans le cadre même du projet de recherche. Dans certains cas, le représentant légal est également tenu de donner son consentement (cf. ch. 2.3.1.1 et 2.3.1.2). Si, en raison d'un manque de discernement, la personne concernée n'est pas en mesure de prendre une décision bien réfléchie quant à sa participation à un projet de recherche, ce droit revient à la personne designée par la loi (représentant légal; cf. art. 21 à 23). Même si la personne incapable de discernement veut participer à un projet, représentant légal peut opposer son refus dans l'intérêt de cette personne.

7313

A des fins de protection de la personnalité, le projet prévoit également la possibilité de donner son consentement ou de s'opposer à la réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé (cf. ch. 2.4.1 et 2.4.2).

Chaque chapitre énonce explicitement en quoi consiste une information suffisante (à l'art. 16 pour la recherche sur des personnes, p. ex.). Ces dispositions seront précisées dans l'ordonnance correspondante. Outre le principe fondamental du consentement éclairé, le projet de loi comporte des dispositions spéciales selon lesquelles les exigences en matière d'information et de consentement ne s'appliquent que partiellement, voire pas du tout. Les motifs en sont exposés dans le commentaire par article (art. 18, 29, 33).

Le droit, précisé à l'al. 2, de refuser en tout temps de participer à un projet de recherche sans indication de motifs relève du droit à l'autodétermination, principe dont chacun peut se prévaloir (voir ch. 1.2.2.1). La personne qui refuse de participer à un projet de recherche ne saurait subir aucun préjudice, notamment en ce qui concerne d'éventuels suivis ou traitements médicaux. Dans ce cas, le traitement ou le suivi standard doit s'effectuer avec la diligence nécessaire. Il serait illicite de renvoyer un patient à un autre centre de soins en raison de son refus de participer à un projet de recherche, ou de proposer des consultations à une fréquence moins régulière.

Toute personne qui participe à un projet de recherche peut révoquer son consentement en tout temps, sans avoir à observer une procédure particulière ni à justifier sa décision (al. 3). Lorsqu'une personne décide de faire usage de ce droit, elle doit être avertie des conséquences qui en découlent. Elle doit, par exemple, être informée sur la manière la moins dommageable possible de suspendre la prise d'un médicament prescrit dans le cadre d'un projet de recherche et sur les éventuels effets d'un arrêt brusque de la médication. De cette manière, les risques et les contraintes pouvant résulter d'une révocation sont maintenus au strict minimum. Dans ce cas, le matériel biologique ou les données liées à la santé prélevés avant la révocation du consentement peuvent être utilisés pour le projet de recherche. A défaut, il pourrait être impossible de poursuivre les travaux, surtout lors
d'études sur des groupes très restreints ­ ce qui serait disproportionné. Dans le cadre de l'information générale (art. 16), il convient d'informer la personne en question que le matériel et les données continueraient d'être utilisés.

2.1.2.5

Droit d'information (art. 8)

Le droit à l'autodétermination inclut le droit qu'a une personne d'être informée des résultats se rapportant à sa santé (al. 1, 1re phrase). Ce droit vise surtout à aider la personne concernée à prendre une décision quant à des mesures préventives et à un traitement. Si, dans le cadre d'un projet de recherche, un indice clair révèle la présence d'une maladie, la personne participant au projet doit être tenue au courant, à moins qu'elle n'ait renoncé à être informée. Cependant, il importe dans tous les cas que cet indice soit fiable dans une large mesure. Il ne peut pas être exclu que des résultats d'examens médicaux soient erronés; ce constat est d'autant plus vrai lorsque les méthodes diagnostiques font l'objet du projet de recherche. Il convient également de tenir compte de ce fait lorsqu'on se demande si, et dans quelle mesure, la personne concernée doit être informée des résultats. En règle générale, plus la maladie (existante ou susceptible de se développer) est grave et plus les constata7314

tions concrètes sont fiables, plus il est important d'informer la personne concernée.

L'application du droit à être informé implique en outre qu'il soit possible de prendre contact avec la personne concernée afin de lui communiquer les informations requises. Si la personne fait usage de son droit à être informée, la tâche de prendre contact et d'informer devrait incomber à une personne qualifiée pour accomplir cette mission, soit à un médecin dans la plupart des cas. L'établissement d'un diagnostic définitif devrait avoir lieu dans le cadre d'un traitement médical, et non uniquement dans le contexte de la recherche.

Par ailleurs, le droit à l'autodétermination contient également le droit qu'a la personne concernée de renoncer aux informations précitées et ce, sans avoir à fournir de motifs justificatifs (al. 1, 2e phrase). Elle peut donc décider de ne pas être informée des risques éventuels afférents au développement d'une maladie, car la connaissance de ces informations peut constituer une charge psychique considérable. A la différence de la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine (art. 19 LAGH), il ne semble pas indiqué dans le présent projet de limiter ce droit, étant donné que, dans le contexte en question, la recherche a la priorité et non pas la thérapie.

Par analogie avec l'art. 8 de la loi fédérale sur la protection des données, l'al. 2 accorde à la personne concernée le droit d'être informée de toutes les données collectées à son sujet. Une limitation de ce droit qui serait comparable à celle prévue à l'art. 9 de la loi sur la protection des données n'est pas autorisée.

2.1.2.6

Interdiction de commercialiser (art. 9)

Le corps humain constitue un bien de la personnalité au sens de l'art. 28 du code civil (CC)52 et non une valeur patrimoniale; en d'autres termes, il ne peut pas être considéré comme un bien marchand. Le principe de la dignité humaine (voir art. 7 Cst.) protège et souligne, entre autres, la valeur intrinsèque du corps humain. Le fait que le corps humain et les parties du corps humain ont une dignité et non pas un prix est ainsi mis en exergue. Il en résulte qu'un contrat qui aurait pour objet la cession ou l'acquisition d'un corps humain ou de parties de corps humain contre rémunération serait contraire aux bonnes moeurs et, partant, frappé de nullité (art. 20, al. 1, CO53).

Le principe de la gratuité et l'interdiction de faire commerce qui en découle sont inscrits dans différentes normes fédérales, notamment la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée, la loi sur la transplantation et la loi relative à la recherche sur les cellules souches (voir ch. 1.4.2). L'interdiction de faire commerce est également inscrite dans deux dispositions de la Constitution (art. 119, al. 2, let. e et 119a, al. 3, Cst.). En outre, l'art. 21 de la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (voir ch. 1.5.1) précise que le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. Tenant compte de ce principe reconnu, la présente disposition statue que dans la recherche sur l'être humain, il est interdit de faire commerce du corps humain et des parties du corps humain. Outre la protection générale de la dignité humaine, cette interdiction doit notamment garantir que le libre arbitre de la personne au moment où elle décide de faire don de ses organes, de

52 53

RS 210 RS 220

7315

ses tissus et de ses cellules ne sera pas corrompu par des incitations financières disproportionnées.

Dans le cadre du présent projet de loi, les termes corps humain et parties de corps humain englobent les personnes décédées, les embryons et les foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris les enfants mort-nés, ainsi que les organes, les tissus et les cellules de personnes vivantes ou décédées, d'embryons ou de foetus. Cette interdiction ne frappe pas le matériel qui repousse et se régénère, tel que les ongles et les cheveux. Par ailleurs, les produits fabriqués à partir de cellules humaines, ainsi que les modèles ou les atlas médicaux, ne sont pas concernés. Ce principe est conforme à la disposition figurant dans la loi sur la transplantation selon laquelle l'interdiction de faire commerce d'organes ne s'applique pas aux transplants standardisés.

Toute prestation financière est considérée comme une rémunération. Cependant, l'interdiction s'étend aussi à l'octroi ou à l'acceptation d'autres avantages en espèces, par exemple, des prestations en nature ou un traitement de faveur. En revanche, l'interdiction ne concerne pas l'indemnisation des frais engagés pour la conservation, le traitement ou le transport d'organes, de tissus et de cellules, par exemple. Le fait que l'interdiction de faire commerce englobe le «corps humain et les parties du corps humain ... en tant que tels» explicite ce principe. Il ne serait pas juste que la personne concernée, alors qu'elle fait preuve de solidarité et de générosité, supporte non seulement les contraintes inévitables d'un projet de recherche mais aussi des frais et des pertes financières (par exemple perte de gain).

2.1.2.7

Exigences scientifiques (art. 10)

Tout projet de recherche sur l'être humain doit satisfaire aux exigences scientifiques fondamentales sans lesquelles cette recherche ne peut se justifier. Partant, l'al. 1 prévoit une série d'exigences dont la teneur est largement énoncée par la communauté scientifique elle-même. L'al. 2 oblige le Conseil fédéral à préciser les réglementations nationales et internationales dont il faut tenir compte (par exemple autorégulations admises dans le monde scientifique).

Aussi les normes reconnues visées à l'al. 1, let. a, en matière d'intégrité scientifique doivent-elles être prises en compte. L'intégrité scientifique s'entend comme l'obligation faite aux chercheurs de respecter les règles fondamentales de la bonne pratique scientifique. Celle-ci se compose de principes tels que la véracité, l'esprit d'ouverture, l'évitement des conflits d'intérêts, l'autodiscipline, l'autocritique et la droiture. Par ailleurs, elle a pour objectif de promouvoir la réputation et l'acceptation de la recherche au sein de la société. Le respect du droit à la publication constitue un autre aspect essentiel de l'intégrité scientifique.

Lorsque les principes mentionnés ci-dessus sont violés, on parle de comportement incorrect dans le contexte scientifique: l'utilisation de moyens déloyaux, la fourniture de valeurs inexactes en vue d'appuyer une hypothèse, la violation de la propriété intellectuelle ou les mesures de représailles contre des personnes qui veulent dénoncer un dol en sont des exemples. Concernant le droit à la publication, les restrictions disproportionnées ne sont pas permises. Il conviendra d'examiner ce qui est jugé disproportionné dans un contexte concret.

7316

La loi du 7 octobre 1983 sur la recherche54 comprend également une disposition sur l'intégrité scientifique, selon laquelle les institutions chargées d'encourager la recherche doivent veiller à ce que les recherches qu'elles soutiennent soient menées selon les règles de bonne pratique scientifique. Toutefois, la loi sur la recherche s'applique uniquement aux projets de recherche que la Confédération soutient.

Les directives relatives à l'intégrité dans la recherche scientifique des Académies suisses des sciences (voir ch. 1.6.1) doivent s'appliquer non seulement dans le domaine de la recherche médicale, mais également dans celui de la recherche scientifique en général. Outre la définition des états de faits constituant un comportement incorrect dans le contexte scientifique, ces directives contiennent des normes éprouvées concernant la procédure à suivre en cas de dénonciation.

En outre, l'al. 1, let. b, précise que les critères de qualité scientifique doivent être remplis. Ceux-ci réclament, par exemple, le choix d'un plan d'étude et d'une méthodologie appropriés, l'utilisation de techniques statistiques reconnues et la sélection de paramètres de départ et d'arrivée appropriés («outcomes»). Il est généralement admis que toute recherche ne satisfaisant pas à ces exigences et étant, de ce fait, non scientifique met en péril la dignité et la personnalité de l'être humain de manière inacceptable. Il incombe au chercheur responsable d'un projet de choisir les techniques et les méthodes. Il doit présenter un choix cohérent dans les documents relatifs au projet, permettant sa reconstitution et son contrôle, notamment par la commission d'éthique compétente (cf. art. 44). Cette dernière n'est toutefois pas censée juger de «l'excellence scientifque» de la demande.

Les bonnes pratiques reconnues en matière de recherche sur l'être humain, dont le respect est exigé à l'al. 1, let. c, figurent, pour ce qui est de la recherche clinique, par exemple dans la directive ICH-GCP (cf. ch. 1.6.5). A cet égard, le Conseil fédéral s'attaquera aux exigences correspondantes, en se référant aux normes scientifiques et industrielles reconnues, sur la base de l'al. 2. Ces normes permettront en particulier de définir en détail les devoirs des personnes initiant le projet de recherche («promoteurs») et des personnes le
réalisant («chercheurs»).

Enfin, l'al. 1, let. d, exige que les personnes responsables possèdent des qualifications professionnelles suffisantes. Outre des compétences dans les disciplines concernées, elles doivent aussi avoir suffisamment de connaissances et d'expérience en vue de réaliser correctement un projet de recherche.

2.2

Chapitre 2 Exigences générales posées à la recherche sur des personnes

Le présent chapitre traite, d'une part, de la recherche où la personne concernée participe directement au projet sur une longue période (études cliniques classiques) et, d'autre part, de la recherche pour laquelle le matériel biologique de la personne a été prélevé ou les données liées à la santé de la personne ont été recueillies. En outre, les dispositions sont applicables dans les cas où l'on prélève du matériel biologique sur une personne ou que l'on recueille des données à son sujet en vue d'une conservation à des fins de recherche autres qu'un projet de recherche concret.

54

RS 420.1

7317

2.2.1

Section 1

Protection des participants

2.2.1.1

Subsidiarité (art. 11)

Un principe de subsidiarité général est inscrit à l'al. 1: un projet de recherche ne doit être réalisé sur des personnes que si des résultats équivalents ne peuvent pas être obtenus autrement, c'est-à-dire sans leur participation. En participant à un projet de recherche, une personne s'expose à un certain risque. Ce dernier doit demeurer aussi faible que possible et ne pas être disproportionné par rapport au bénéfice escompté (cf. ch. 2.2.1.2). Ces exigences ne sont pas remplies si des résultats équivalents peuvent être obtenus par exemple au moyen d'expérimentations animales ou de simulations sur ordinateur; en effet, la personne serait exposée à un risque qui pourrait être totalement évité.

On peut dans ce contexte déduire du principe éthique de la non-malfaisance (cf.

ch. 1.2.2.3) qu'il faut préférer la recherche sur des personnes décédées à la recherche sur des sujets vivants si c'est scientifiquement utile, car les cadavres ne subissent ni risques, ni contraintes.

Ce principe de subsidiarité est uniquement applicable à la recherche sur les personnes et non pas, de manière générale, à la recherche sur l'être humain, raison pour laquelle il est mentionné dans le présent chapitre. Si, par contre, du matériel biologique existant est utilisé, ainsi d'un échantillon sanguin qui n'est plus nécessaire pour un diagnostic (cf. ch. 2.4), il n'est pas besoin de définir si les mêmes résultats pourraient être obtenus au moyen d'expérimentations animales. Cette distinction a été établie dans la mesure où la réutilisation d'un échantillon sanguin déjà prélevé ne peut pas constituer de contrainte ou peut constituer une contrainte nettement moins importante, par rapport aux conséquences d'un prélèvement sanguin effectué spécialement sur un animal à des fins de recherche.

L'al. 2 précise un principe de subsidiarité spécial selon lequel un projet de recherche ne peut être réalisé sur des personnes particulièrement vulnérables au sens du chap. 3 de la loi que si des connaissances équivalentes ne peuvent pas être obtenues sans leur participation. Ce faisant, le principe de l'art. 118b, al. 2, let. c, Cst., qui ne cite que les personnes incapables de discernement, est étendu en conséquence.

Dans la mesure du possible, les projets de recherche doivent donc être en particulier réalisés avec des personnes capables
de discernement. Seule cette catégorie de personnes est en mesure de consentir en toute connaissance de cause à l'atteinte à la personnalité que constitue un projet de recherche et, partant, de la légitimer. Le principe de subsidiarité spécial s'applique également à l'égard des femmes enceintes et ­ à l'exception de l'art. 27, al. 1 ­ à la population carcérale. Dans ce cas également, un projet de recherche ne peut être réalisé sur des personnes entrant dans ces catégories ­ vu leur situation particulière (cf. ch. 2.3.3) ­ que si des résultats équivalents ne peuvent pas être obtenus avec des femmes qui ne sont pas enceintes ou des personnes en liberté.

La recherche doit porter sur l'élément qui fonde la vulnérabilité particulière, autrement dit l'âge (par exemple d'un enfant), l'état, la maladie de la personne ou encore la situation particulière dans laquelle elle se trouve (grossesse, privation de liberté ou situation d'urgence).

7318

2.2.1.2

Risques et contraintes (art. 12)

L'al. 1 énonce que les risques et les contraintes pouvant résulter d'un projet de recherche pour la personne qui y participe doivent toujours être réduits au strict minimum. Il convient de relever à ce propos que les risques et les contraintes sont fonction des méthodes et des connaissances scientifiques propres aux différentes spécialités. Il y a lieu d'appliquer systématiquement la méthode qui présente le moins de risques et de contraintes. En outre, toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection de la personne concernée doivent être prises dès le stade de la planification du projet et adaptées à la situation concrète (art. 15).

Dans le domaine de la recherche, les risques et les contraintes prévisibles ne doivent jamais être disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (al. 2). Lors de l'évaluation du risque et du bénéfice, il y a lieu de se demander si le projet de recherche considéré permet ou non d'escompter un bénéfice direct. Si c'est le cas, le risque encouru par la personne peut être plus élevé. Inversement, il doit être plus faible lorsqu'une recherche n'offrira probablement pas de bénéfice direct à la personne. Même si un bénéfice peut être escompté, les risques et les contraintes ne peuvent être disproportionnés. Ainsi, le risque pris par une personne souffrant d'une maladie grave qui, dans le cadre d'un projet de recherche, reçoit un traitement conséquent par rapport au notable bénéfice escompté peut être bien plus grand que celui pris par une personne qui, souffrant d'acné, participe à une étude comparative testant l'efficacité de médicaments destinés à soigner l'acné. Le rapport entre les risques et le bénéfice ne peut donc être déterminé dans l'absolu. Il s'agit toujours d'une notion relative, à définir au cas par cas. La relation risque-bénéfice est soumise à l'examen de la commission d'éthique compétente avant que la personne ne soit invitée à donner son consentement. Lorsque la commission d'éthique étudie un projet, elle prend également en considération le bénéfice escompté pour des groupes de personnes spécifiques ou l'ensemble de la société au sens de l'art. 5. En revanche, lors de la pesée des intérêts, elle ne doit pas tenir compte des effets ou aspects secondaires d'un projet de recherche, de la recrudescence d'attention et de don, ou encore de l'indemnisation découlant de la participation, même si la personne concernée peut les percevoir de manière positive ou agréable.

2.2.1.3

Gratuité de la participation (art. 13)

Etant donné l'interdiction de commercialisation (cf. art. 9), la participation à un projet de recherche est généralement gratuite, guidée au premier chef par des motifs altruistes. En vertu de l'al. 1, 1re phrase, la participation à un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct ne donne pas lieu à une rémunération ou à un autre avantage ayant une valeur pécuniaire. La participation à un projet de recherche dont les résultats escomptés offrent un bénéfice direct ne peut procurer aucun avantage ayant une valeur économique. Le bénéfice pour la personne concernée réside dans la perspective de profiter directement du projet de recherche. Il existe donc déjà une plus-value potentielle, même si celle-ci ne revêt pas un caractère pécuniaire.

Lorsqu'une personne accepte de participer à un projet de recherche sans bénéfice direct, une indemnisation équitable peut, en revanche, lui être accordée (al. 1, 2e phrase), étant donné que les connaissances acquises grâce aux recherches réalisées 7319

profitent certes à des tiers, mais pas à la personne participant au projet de recherche.

Cette indemnisation ne doit en aucun cas être intéressante au point d'inciter la personne à sous-estimer les risques potentiels d'un projet ou à les accepter délibérément pour des considérations d'ordre purement économique. Une atteinte de cette nature au libre arbitre lors de la prise de décision ne permettrait plus de remplir l'exigence centrale, à savoir le consentement librement donné. Il incombe à la commission d'éthique compétente de décider au cas par cas de ce qu'il convient de considérer comme une indemnisation disproportionnée.

Par ailleurs, il est interdit de profiter de la détresse d'une personne ou de sa volonté de voir s'améliorer son état de santé pour lui soutirer de l'argent ou d'autres avantages matériels pour sa participation à un projet (al. 2). Le choix des personnes participant à un projet de recherche doit se fonder exclusivement sur des critères scientifiques et ne doit pas être lié à leurs capacités financières. Si tel n'était pas le cas, il y aurait violation de l'interdiction de discriminer inscrite à l'art. 6. A cet égard, mentionnons également l'art. 49 de la loi sur l'assurance-maladie en vertu duquel les assureurs-maladie ne prennent pas en charge les frais de recherche.

2.2.1.4

Anonymisation illicite (art. 14)

En cas de projets de recherche se rapportant à des maladies graves, le matériel biologique prélevé et les données personnelles recueillies ne sauraient être rendus anonymes (al. 1). Cette mesure permet de garantir que, si besoin est, les chercheurs sont en mesure d'identifier la personne concernée, de prendre contact avec elle et de l'informer, pour autant qu'elle n'ait pas renoncé à son droit d'être informée (art. 8, al. 1). C'est pourquoi l'interdiction de rendre les données anonymes ne s'applique pas dans ce contexte. Ce principe vaut aussi pour les projets se référant à une maladie grave dont les participants se savent déjà atteints (p. ex. une étude sur les produits thérapeutiques menée sur des patients atteints du VIH).

L'anonymisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé ne devrait pas être indiquée dans le cadre d'études de longue durée en général ou dans celui d'études cliniques en particulier, vu qu'il faut régulièrement établir le lien entre les données recueillies et la personne concernée. L'interdiction de rendre les données personnelles anonymes n'est dès lors guère pertinente dans des études de cette nature.

Si un projet de recherche laisse escompter, pour la personne y participant, des résultats permettant de diagnostiquer, de traiter ou de prévenir des maladies graves existantes ou susceptibles de survenir, il convient d'informer la personne à ce sujet. Le Conseil fédéral peut, en application de l'art. 16, al. 4, arrêter des dispositions y afférentes par voie d'ordonnance. Ce n'est qu'après avoir été informée que la personne concernée peut décider si elle souhaite ou non être tenue au courant des résultats de l'étude.

Conformément à l'al. 2, le Conseil fédéral fixe les critères posés aux résultats de recherche pour que l'anonymisation soit illicite. Les points suivants devront probablement être pris en compte: le résultat est en lien étroit avec la problématique de l'étude et concerne très vraisemblablement une maladie grave. L'âge auquel une maladie apparaît ou les possibilités de la traiter peuvent représenter d'autres critères à fixer.

7320

2.2.1.5

Mesures de sécurité et de protection (art. 15)

La protection des personnes participant au projet revêt une importance primordiale, aussi bien lors de la phase d'élaboration du protocole de recherche que de celle de sa réalisation. Les mesures à mettre en oeuvre dans le cas où le risque prévisible se réaliserait doivent déjà être définies dans le protocole de recherche (al. 1). Si, dans le cadre d'une expérience menée sur un médicament, une réaction allergique se déclare, celle-ci doit être traitée de manière appropriée. En outre, la personne touchée devra, dans certains cas, bénéficier d'une assistance sous la forme d'une médication alternative qui aura été prévue et documentée dans le protocole de recherche.

Si des événements non prévisibles propres à compromettre la sécurité ou la santé des personnes participant à la recherche surviennent en cours de projet (par exemple publication de résultats essentiels obtenus dans le cadre d'autres travaux), les chercheurs ont le devoir de prendre sans délai toute mesure utile pour protéger les personnes concernées (al. 2). Si des circonstances nouvelles amènent à penser qu'il est judicieux de remanier le projet en conséquence, les éventuelles obligations d'obtenir une autorisation et de déclarer doivent être respectées (voir art. 44, al. 3, et art. 45, al. 1). Ces modifications peuvent consister par exemple en des adaptations du traitement médical à évaluer, ou encore l'exclusion de personnes présentant des caractéristiques sociodémographiques particulières (par exemple l'âge ou le sexe). Si un projet est réalisé avec plusieurs groupes et qu'il est avéré que pour l'un d'eux, le traitement donne de bien meilleurs résultats (ou les effets secondaires sont nettement plus rares), le groupe de contrôle doit aussi bénéficier de ce traitement. Dans certains cas, de nouvelles découvertes peuvent et doivent conduire à l'interruption d'un projet.

2.2.2

Section 2

Information et consentement

2.2.2.1

Consentement éclairé (art. 16)

Le consentement est cité comme étant la condition fondamentale d'un projet à l'al. 1 (voir ch. 1.2.2.1). Dans le cadre de l'information, la personne concernée reçoit tous les éléments dont elle a besoin pour décider librement et en toute connaissance de cause si elle entend participer ou non à un projet de recherche. L'information est considérée comme suffisante si elle comprend tous les aspects importants permettant de prendre une décision pondérée. L'information doit être formulée de manière compréhensible, dans une langue couramment parlée par la personne concernée et adaptée, sur le plan des détails, à une personne qui ne dispose pas de connaissances médicales particulières.

En principe, le consentement doit être formulé par écrit. Si la personne concernée, en raison d'une incapacité physique, n'est pas en mesure d'apposer sa signature, une autre forme de consignation peut être privilégiée. Un consentement oral est notamment envisageable s'il est prononcé en présence d'au moins un témoin qui le confirme ensuite par écrit. Dans le cas d'un projet de recherche associant des adultes capables de discernement et présentant des risques et des contraintes minimaux, un consentement oral mais consigné peut également être suffisant. Dans un tel cas, la personne pratiquant la recherche peut fixer par écrit le consentement oral dans le

7321

dossier du projet. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral obtient la compétence de prévoir des exceptions à l'exigence du consentement écrit.

En vertu de l'al. 2, la personne qui participe à un projet de recherche doit être informée de la nature, du but, de la durée et du déroulement du projet de recherche (let. a), des risques et des contraintes prévisibles (let. b), du bénéfice escompté du projet de recherche, notamment pour elle-même ou d'autres personnes (let. c), et des mesures destinées à assurer la protection de ses données personnelles (let. d). De plus, une information suffisante contient également les droits de la personne, par exemple le droit de refuser de participer sans craindre d'inconvénients, de révoquer son consentement, de se retirer du projet, de poser des questions ou de ne pas être informée (let. e).

Afin de pouvoir donner librement son consentement, la personne concernée doit disposer d'un délai suffisant pour peser les avantages et les inconvénients qu'implique, sur le plan personnel, sa participation à un projet de recherche. Aussi est-il demandé à l'al. 3 de lui accorder un délai de réflexion raisonnable entre le moment de l'information et celui du consentement. Ce délai doit être défini de manière appropriée, en prenant en compte les conditions relatives au projet de recherche, sa complexité et les différences individuelles.

L'al. 4 confère au Conseil fédéral la compétence de définir d'autres éléments à fournir dans le cadre de l'information. Il est donc parfaitement possible de lier la réalisation des projets de recherche à des charges spécifiques supplémentaires en matière d'information. La législation d'exécution pourrait demander, par exemple, que les personnes soient informées des critères présidant à la sélection des sujets de recherche, des procédures auxquelles elles devront se soumettre, des circonstances présidant à la constitution de plusieurs groupes témoins, de la réglementation des dommages-intérêts, de l'éventualité d'une indemnisation ou encore du suivi des sujets de recherche après l'achèvement du projet.

2.2.2.2

Consentement à la réutilisation (art. 17)

Cette disposition stipule que lorsqu'une réutilisation à des fins de recherche est déjà envisagée au moment du prélèvement de matériel biologique ou de la collecte de données personnelles liées à la santé par les chercheurs chargés du projet, le consentement de la personne concernée doit être recueilli dans la mesure du possible à ce moment-là (cf. art. 31, al. 1 et 2, et 32, al. 1), et celle-ci doit être informée de son droit d'opposition (cf. art. 31, al. 3, et 32, al. 2). Cette manière de procéder permet d'éviter d'avoir, ultérieurement, à contacter une nouvelle fois une personne en vue d'obtenir son consentement, ce qui peut arranger à la fois les chercheurs et les personnes participant à un projet de recherche. La réutilisation s'accompagne souvent d'une révélation du secret professionnel. Il convient de préciser dans ce contexte que pour toute demande de consentement au prélèvement de matériel biologique ou à la collecte de données personnelles, il faudrait solliciter en même temps l'autorisation de révéler ce secret (voir art. 321, al. 2, CP).

Le terme «envisage» indique clairement qu'une réutilisation est effectivement planifiée ou qu'elle est très vraisemblable. De plus, un consentement qui n'aurait pas été recueilli à temps contre cette disposition ou une information sur le droit d'opposition qui n'aurait pas été effectuée à temps ne constituent a priori pas un motif pour rejeter 7322

une autorisation visée à l'art. 33. Cela s'applique notamment lorsque la demande de consentement ou l'information sur la réutilisation n'a pas été observée par les personnes qui souhaitent faire usage de la disposition d'exception selon l'art. 33.

2.2.2.3

Information incomplète (art. 18)

En vertu de l'art. 16, les personnes ne peuvent participer à un projet de recherche qu'après avoir donné leur consentement librement et par écrit et reçu une information suffisante. Exceptionnellement, l'information donnée peut être incomplète sur certains éléments de recherche. L'information peut être incomplète, par exemple sur les objectifs de la recherche ou sur les critères d'évaluation, ou résumée dans des termes généraux, si cela s'impose pour des raisons méthodologiques (al. 1). Cela s'applique notamment à la psychologie clinique et aux neurosciences, où les projets de recherche sont tels qu'une information complète et correcte aboutirait à des résultats de recherche erronés ou faussés au motif qu'une certaine ingénuité de la personne participant au projet constitue une condition sur le plan méthodologique.

Par exemple, les expériences menées sur les rapports existant entre les neurotransmetteurs et les émotions impliquent que des sujets de recherche en bonne santé imaginent alternativement des situations tristes ou neutres. L'activité des neurotransmetteurs sont mesurés à chaque fois grâce à des procédés d'imagerie. L'information concernant les différents états d'esprit étudiés au cours de l'expérience demeure incomplète, car, dans le cas contraire, l'activité des neurotransmetteurs pourrait augmenter trop vite ou de manière non spécifique.

La personne qui reçoit une information incomplète ne peut pas se faire une idée complète du projet de recherche. Elle donne son consentement sans avoir pris connaissance de tous les aspects importants qui pourraient influer sur sa décision.

Cette situation est uniquement acceptable lorsque les risques et les contraintes sont minimaux (let. b, cf. ch. 2.3.1.1).

Dès que possible, la personne participant au projet selon l'al. 2 doit être suffisamment informée. Ainsi, il doit lui avoir été expliqué pourquoi une information incomplète était nécessaire pour des raisons de méthode.

Elle peut alors décider librement, et en toute connaissance de cause après information suivant l'al. 2, si elle consent à laisser son matériel biologique et ses données personnelles à la disposition de la recherche ou si elle refuse de donner son consentement (al. 3). Si la personne concernée refuse de donner son consentement a posteriori, le matériel biologique et les données
personnelles devront être traités comme si la personne n'avait jamais consenti à leur utilisation, et ils ne pourront plus être exploités dans le cadre du projet de recherche ou de son évaluation. Dans un tel cas, le matériel biologique et les données doivent être détruits, sous réserve d'un autre accord avec la personne concernée.

7323

2.2.3

Section 3

Responsabilité et garantie

2.2.3.1

Responsabilité (art. 19)

L'al. 1 donne aux personnes participant à un projet de recherche le droit d'obtenir réparation des dommages subis. La personne ou l'organisation qui initie le projet de recherche répond des dommages causés; elle est désignée sous le terme de promoteur dans les directives reconnues relatives aux bonnes pratiques cliniques (art. 10, al. 2). Les institutions qui soutiennent de façon déterminante les projets mais qui n'en assurent pas elles-mêmes l'exécution (par exemple le Fonds national suisse de la recherche scientifique) ne sont pas soumises à la responsabilité civile suivant la présente disposition. La responsabilité causale ici instaurée est très stricte, car les projets de recherche impliquant des êtres humains comportent des risques, notamment pour l'intégrité physique de la personne concernée. En outre, celle-ci participe par principe gratuitement au projet de recherche et prend, au moins partiellement, des risques dans l'intérêt de tiers. D'un point de vue éthique, il ne serait donc pas équitable que la personne qui accepte, pour des motifs entièrement ou largement altruistes, de s'exposer aux risques inhérents à un projet de recherche doive, de surcroît, assumer elle-même les dommages qu'elle pourrait subir. Ces réflexions sous-tendent aussi la réglementation inscrite dans le droit civil fédéral. En ce qui concerne les mandats non rémunérés, le Tribunal fédéral mentionne le principe selon lequel le risque inhérent à une activité dangereuse et susceptible d'occasionner des dommages doit être supporté par la personne dans l'intérêt et l'utilité de laquelle cette activité est exécutée.55 Grâce au présent projet, un principe analogue, applicable à la recherche sur des êtres humains, est fixé dans la loi.

La responsabilité causale couvre tous les préjudices consécutifs à un décès ou à une lésion corporelle, de même que les dommages matériels subis par le participant à un projet de recherche (par exemple dommages découlant d'une blessure physique à la suite d'une chute due à un vertige après un prélèvement de sang). Sont également concernés les dommages découlant d'une atteinte au droit de la personnalité (par exemple dommage pour une personne pouvant résulter de la communication non autorisée de ses données). S'agissant de la recherche effectuée sur des femmes enceintes, la responsabilité causale
inclut également les dommages occasionnés à l'embryon et au foetus pouvant apparaître seulement après la naissance de l'enfant.

Elle englobe le dommage résultant de la perte de soutien ou une éventuelle réparation. La formulation «en relation avec le projet» signifie que la responsabilité s'étend à l'ensemble des dommages ayant un lien causal adéquat avec la participation au projet de recherche. Les actions conformes ou non conformes des personnes impliquées dans le projet, en particulier les instigateurs, les médecins et les professionnels qui les assistent, relèvent également de la responsabilité de la personne qui dirige le projet. En revanche, il n'existe pas de responsabilité pour les dommages qui font partie intégrante du «risque général de l'existence» qui se seraient produits même si le projet de recherche n'avait pas eu lieu (par exemple dommages découlant de maladies préexistantes ou d'une détérioration de l'état de santé à cause de ces maladies).

Les projets de recherche réalisés avec du matériel et des données existantes selon le chap. 4 de la loi ne sont pas intégrés dans les dispositions relatives à la responsabilité. Des projets de cette nature ne doivent pas être classés dans la catégorie des 55

ATF 129 III 184

7324

activités présentant des risques financiers particuliers ou susceptibles d'occasionner des dommages. Une responsabilité causale stricte ne se justifie pas dans de tels cas.

En outre, le Conseil fédéral peut exclure de la responsabilité des types de dommages déterminés, également en cas de recherche impliquant des personnes. Il s'agit en premier lieu de dommages tels que ceux qui peuvent être engendrés par des effets secondaires connus apparaissant à la suite de la prise de médicaments administrés aux patients conformément aux instructions émises dans le cadre du projet de recherche.

Par analogie à d'autres responsabilités causales inscrites dans des lois spéciales, le délai de prescription relatif passe à trois ans (par opposition à la disposition en vigueur en vertu de l'art. 60 du code des obligations56 et de l'art. 20 de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité57). Eu égard aux risques inhérents aux projets de recherche et à l'obligation de garantie de responsabilité, il n'est pas justifié toutefois de porter le délai absolu de prescription à 30 ans au plus. Cependant, le Conseil fédéral doit pouvoir prolonger le délai absolu de prescription pour des domaines de recherche déterminés (al. 2).

Pour le reste, en ce qui concerne l'octroi d'une réparation ou la prise en compte d'une éventuelle faute de la personne lésée, par exemple, les dispositions en matière de responsabilité civile dans le cas d'espèce s'appliquent (al. 3). Ainsi, s'il existe un rapport de droit privé entre le chercheur et la personne concernée, ce sont les dispositions du code des obligations relatives aux actes illicites qui sont applicables; si le rapport relève du droit public, ce sont les dispositions fédérales ou cantonales qui sont pertinentes.

Enfin, il convient de mentionner que cet article constitue une disposition impérative en matière de responsabilité. Les conventions conclues entre les personnes concernées qui tenteraient d'exclure ou de limiter d'emblée la réparation des dommages subis sont nulles et ce, même si les normes relevant du droit privé estiment qu'elles sont valides dans certains cas.

2.2.3.2

Garantie (art. 20)

La responsabilité civile selon l'art. 19 ou la réparation des dommages qui en résulte éventuellement doit être garantie, de manière adéquate, au moyen d'une assurance ou sous une autre forme (al. 1). Cette sûreté permet à la responsabilité civile de ne pas être vidée de sa substance en cas de dommages, par exemple faute de capacités financières ou en raison de grandes difficultés à faire valoir des prétentions à ce titre.

La garantie de la responsabilité doit être appropriée au projet de recherche, c'est-àdire que sa teneur comme sa durée doivent être structurées de manière adéquate.

D'éventuelles limites de cette garantie ne se répercutent toutefois pas sur l'ampleur de la responsabilité. Partant du principe que la Confédération dispose de la sûreté et des moyens financiers requis, elle n'est pas tenue, en tant que promoteur d'un projet de recherche, de fournir une garantie de la responsabilité.

56 57

RS 220 RS 170.32

7325

En outre, le Conseil fédéral obtient à l'al. 2 la compétence de définir les exigences posées à l'assurance ou aux autres formes de garantie (let. a). Il est ainsi envisageable de fixer la sûreté minimale afin d'atteindre ­ en l'échelonnant en fonction de catégories précises de projets de recherche ­ une certaine homogénéité. Pour garantir une sûreté comparable à une solution d'assurance aux personnes participant à un projet de recherche, les exigences peuvent également être posées à d'autres formes de garantie de responsabilité (éléments de fortune bloqués, déclarations de garantie notamment). De plus, le Conseil fédéral se voit conférer la compétence de ne pas requérir de garantie pour des domaines de recherche ou des catégories de dommages déterminés (let. b). Cette mesure peut ainsi être indiquée pour les projets de recherche qui comportent des risques et des contraintes minimaux pour la santé d'une personne majeure capable de discernement. Les coûts d'un dommage éventuel s'en trouvent donc réduits généralement et la capacité financière de la personne soumise à l'obligation d'indemniser est ici suffisante. Une dérogation peut également être prise en considération pour les dommages qui surviennent à la suite d'un traitement thérapeutique administré dans le cadre d'un projet de recherche, dans la mesure où ces dommages étaient prévisibles, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques, et qu'ils se seraient produits de manière comparable lors de l'administration d'une thérapie standard.

L'al. 3 habilite le Conseil fédéral à édicter des réglementations en vue de garantir la protection de la personne lésée et, notamment, de faciliter sa situation lorsqu'elle entend faire valoir des prétentions en dommages-intérêts.

Conformément à la let. a, la personne lésée doit pouvoir se voir conférer le droit d'opposer des prétentions en dommages-intérêts directement à l'assureur ou à toute autre personne assumant la responsabilité. En outre, la let. b prévoit la possibilité, d'une part, de lever le droit de l'assureur ou d'une autre personne assumant la responsabilité de résilier le rapport de garantie ou d'assurance après la survenance d'un dommage et, d'autre part, d'exclure les éventuelles exceptions opposables à la personne lésée. Il deviendra donc possible d'exclure les exceptions dérivant d'un
contrat d'assurance ou de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance58 que l'assureur ou l'assuré pourraient opposer à la personne lésée si, par exemple, le preneur d'assurance ne règle pas ses primes d'assurance ou ne satisfait pas à ses obligations découlant d'un contrat d'assurance. Si le Conseil fédéral exclut une exception ou une obligation de fournir des prestations au sens de cette disposition, il est tenu, à titre de mesures correctrices, de conférer à l'assureur ou à la personne assumant la responsabilité le droit d'action récursoire et de pouvoir ainsi réclamer le remboursement de paiements pour lesquels il n'existait aucune obligation relevant du contrat d'assurance ou de la convention de garantie de responsabilité.

Dans ce contexte, il convient également de renvoyer au droit de recours des assureurs sociaux, qui peut aussi s'appliquer dans de tels cas de figure. Ce droit est inscrit à l'art. 72 ss de la loi du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales59. C'est pourquoi il n'a pas été nécessaire de le traiter explicitement dans le présent projet de loi.

Par contre, l'intention de créer les bases légales d'un fonds spécial pour garantir la responsabilité des projets de recherche n'ayant aucun objectif commercial a été abandonnée. La constitution d'un fonds de cette nature a parfois été réclamé par les 58 59

RS 221.229.1 RS 830.1

7326

milieux de la recherche dans le cadre de la procédure de consultation, compte tenu des coûts des primes d'assurance. Le fait que les projets de recherche à but non commercial sont majoritairement réalisés dans les hôpitaux dont l'assurance générale couvre également la garantie de responsabilité en cas de dommages découlant de la recherche s'oppose en effet à cette conception. Les coûts supplémentaires liés à l'assurance pour les dommages résultant de projets de recherche peuvent être maintenus à un niveau bas en raison du volume total de l'assurance. La création d'un fonds et sa gestion occasionneraient par contre des coûts bien plus élevés.

2.3

Chapitre 3 Exigences supplémentaires posées à la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables

Ce chapitre réunit tous les groupes de personnes qui, en raison de leur âge, d'une atteinte d'ordre cognitif ou psychique ou d'une situation particulière, requièrent une attention spécifique pour ce qui est de l'information et du consentement notamment.

Un des critères principaux à cet égard ­ que ce soit pour les enfants et les jeunes, comme pour les adultes ­ est la capacité de discernement. Selon l'art. 16 CC60, toute personne qui n'est pas dépourvue de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge ou qui n'en est pas privée par suite d'un handicap mental, d'un trouble psychique, d'ivresse ou d'autres causes semblables, est capable de discernement.

D'après cette disposition, la capacité de discernement d'une personne peut normalement être supposée, sauf en ce qui concerne les enfants en bas âge, les personnes atteintes de troubles psychiques graves et les personnes handicapées mentales. Ainsi, toute personne doit être considérée comme capable de discernement, à moins que des éléments concrets n'amènent à penser le contraire. Même un mineur ou une personne atteinte de maladie mentale peut avoir la capacité d'agir avec suffisamment de discernement et de son plein gré (par exemple en phase de régression d'une maladie). La capacité de discernement n'est pas un concept rigide; il s'agit, au contraire, d'un critère souple qu'il convient d'examiner au cas par cas, compte tenu du projet de recherche considéré et du moment où celui-ci se déroule.61 Il y a lieu de se demander si la personne concernée est en mesure de saisir la situation concrète (faculté de jugement), de mesurer la signification et la portée d'un acte (capacité de discernement au sens propre), de se forger son propre jugement (faculté de décider) et d'agir conformément à cette décision (capacité d'agir).62 Pour assurer la protection des personnes particulièrement vulnérables, les commissions d'éthique sont appelées à accorder une attention toute particulière à l'examen des conditions spécifiques de ce type de projets.

60 61 62

RS 210. Le projet est coordonné avec la version révisée du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation); FF 2009 139.

Voir également ATF 98 Ia 396, 102 II 367 et 117 II 231.

Honsell H, Vogt NP, Geiser T (Hrsg.), Basler Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Schweizerisches Zivilgesetzbuch I, Bâle, 2002, notes 7 ss, art. 16.

7327

2.3.1

Section 1 Recherche sur des enfants, des adolescents et des adultes incapables de discernement

Il est généralement admis que les patients mineurs peuvent consentir eux-mêmes au traitement médical qui leur est proposé à la condition qu'ils soient capables de discernement.63 Dans la mesure où elle est capable de discernement, même la personne mineure a la capacité d'agir, tout au moins de manière limitée. Une personne mineure peut, par principe, effectuer tout acte juridique. Toutefois, ces actes n'ont d'effets juridiques que si le représentant légal a donné son consentement. Pour ce qui précède, et considérant que les enfants en bonne santé peuvent parfaitement être responsables de leur corps à partir d'un certain âge, le projet de loi estime qu'il peut être accordé aux personnes mineures capables de discernement un droit de participation aussi large que possible, y compris dans le domaine de la recherche.

2.3.1.1

Projets de recherche sur des enfants (art. 21)

Selon l'al. 1, un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct ne peut être réalisé sur des enfants capables de discernement que si l'enfant a donné son consentement éclairé et que le représentant légal a lui aussi donné son consentement éclairé (let. a et b). Même si un enfant est jugé capable de discernement au vu d'un projet de recherche concret, et même si le projet en question n'implique que des risques et des contraintes minimaux, le représentant légal ­ habituellement les parents ­ doit être informé de l'implication de l'enfant dans un projet de recherche et donner son consentement par écrit.

Le projet prévoit à l'al. 2 des exigences supplémentaires à celles mentionnées à l'al. 1, en ce qui concerne la recherche sans bénéfice direct sur des enfants capables de discernement. D'une part, les risques et les contraintes inhérents aux projets de ce type doivent être minimaux (let. a), d'autant plus que, dans un tel cas, le représentant légal ne prend pas sa décision dans l'intérêt direct de l'enfant. Par conséquent, le projet ne saurait entraîner qu'une altération insignifiante et passagère de l'état de santé (risque) et, à la rigueur, seulement des symptômes passagers et négligeables (contraintes).64 On peut penser ici à des collectes de données obtenues dans le cadre d'entretiens et d'observations, à des prélèvements de sang périphérique, de sang capillaire ou de liquide biologique sans actes invasifs (en particulier échantillons de salive et d'urine), à des frottis, à des examens par ultrasons ou à des électrocardiogrammes. D'autre part, les résultats visés doivent être essentiels dans l'optique d'une meilleure connaissance de la maladie, du trouble ou de l'état de santé et offrir à long terme un bénéfice à des personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble ou dont l'état de santé est comparable (let. b).

Dans le cas d'un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct et réalisé sur des enfants incapables de discernement, l'al. 3 prévoit, en premier lieu, que le représentant légal donne son consentement par écrit après avoir été suffisamment informé (let. a). De plus, le refus de l'enfant a force obligatoire (let. b). Les exigences posées en termes de capacité intellectuelle ou de capacité de discernement 63 64

ATF 114 Ia 360 et 134 II 235.

Taupitz J, Biomedizinische Forschung zwischen Freiheit und Verantwortung, Berlin, Heidelberg, New York, 2002, p. 67.

7328

sont moins strictes pour un refus valable que pour un consentement valable.65 Cela ne signifie cependant pas que le moindre signe extérieur d'opposition, comme un geste de dénégation, doit être considéré comme un refus. Lorsque, dans le cadre d'un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct, un enfant pleure parce qu'il se fait administrer une piqûre, cette attitude est généralement provoquée par la piqûre en tant que telle ­ elle aurait également été administrée dans le cadre d'un traitement standard ­ et non pas contre l'acte de recherche à proprement parler.

Pour la recherche sans bénéfice direct sur des enfants incapables de discernement, telle qu'elle est réglementée à l'al. 4, les dispositions fixées aux al. 2 et 3 s'appliquent cumulativement, c'est-à-dire le consentement du représentant légal, l'absence de refus de l'enfant, des risques et des contraintes minimaux et un bénéfice escompté pour d'autres personnes.

2.3.1.2

Projets de recherche sur des adolescents (art. 22)

L'al. 1 prévoit qu'un projet de recherche avec ou sans bénéfice direct ne peut être réalisé sur des adolescents capables de discernement que si l'adolescent a donné son consentement par écrit après avoir été suffisamment informé (let. a). Le consentement exprès du représentant légal n'est requis que lorsque les risques et les contraintes inhérents au projet ne sont pas minimes (let. b). Ainsi, un jeune de seize ans peut, sans le consentement de ses parents, décider de soigner une petite plaie au moyen d'une solution liquide plutôt que d'un pansement classique dans le cadre d'un projet de recherche. Cela apparaît opportun au regard d'autres décisions que les adolescents capables de discernement peuvent prendre de manière indépendante. La loi en vigueur sur les produits thérapeutiques est plus stricte en comparaison: même capables de discernement, les personnes mineures ne peuvent jamais consentir seules à participer à un projet de recherche; le consentement exprès du représentant légal est toujours requis.

Pour un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct, réalisé sur des adolescents incapables de discernement, les mêmes conditions mentionnées à l'art. 21, al. 3, pour une recherche correspondante sur des enfants incapables de discernement s'appliquent; d'une part, le représentant légal donne son consentement écrit après avoir été suffisamment informé (al. 2, let. a) et, d'autre part, l'adolescent ne manifeste aucun signe permettant de penser qu'il s'oppose au projet (let. b).

Dans le cas de la recherche sans bénéfice direct, les adolescents incapables de discernement sont soumis aux dispositions correspondantes pour la recherche sur des enfants incapables de discernement (voir art. 21, al. 4, ch. 2.3.1.1).

2.3.1.3

Projets de recherche sur des adultes incapables de discernement (art. 23)

En vertu de l'al. 1, let. a, les adultes incapables de discernement ne peuvent être associés à des projets de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct que si un consentement de la personne concernée, antérieur à la perte de capacité et attesté 65

Voir à ce sujet le message du 12 sept. 2007 relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain, FF 2007 6345, ici 6367 s.

7329

par un document, le permet (par exemple dispositions prises par le patient). En l'absence du document requis, une personne de confiance désignée ou les proches peuvent donner leur consentement par écrit après avoir été suffisamment informés (let. b). Enfin, la let. c prévoit également, dans ces cas, que l'adulte capable de discernement ne refuse pas de participer à un projet de recherche (voir à ce sujet ch. 2.3.1.1).

Il convient de relever ici que les enfants ont toujours un représentant légal, à savoir les parents, ensemble ou séparément, ou un tuteur, ce qui n'est pas obligatoirement le cas pour les adultes incapables de discernement. Pour ceux-ci, il est tout particulièrement important que les proches puissent être associés à la décision. Dans le cas d'un projet permettant d'escompter un bénéfice direct, le consentement du représentant légal ou des proches est de toute évidence donné dans l'intérêt de la personne incapable de discernement. Pour le reste, les dispositions régissant la recherche sur des personnes capables de discernement et majeures s'appliquent. Ainsi, les personnes incapables de discernement peuvent parfaitement être associées à un projet comportant un risque important, par exemple une recherche consacrée à la mise au point d'un traitement contre une maladie grave.

Un projet de recherche sans bénéfice direct ne peut être réalisé, selon l'al. 2, sur des personnes adultes incapables de discernement que si deux autres conditions sont remplies, en plus de celles visées à l'al. 1: les risques et les contraintes doivent être minimaux (let. a; voir commentaires sur ch. 2.3.1.1) et le projet de recherche permet d'escompter des résultats essentiels pouvant à long terme offrir un bénéfice à des personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble ou dont l'état de santé est comparable (let. b).

2.3.2

Section 2 Recherche sur des femmes enceintes et sur des embryons et des foetus in vivo

Le cas de la femme enceinte figure dans le cadre du chapitre «Conditions supplémentaires applicables à la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables», étant donné que les projets de recherche sur des femmes enceintes et des foetus ou des embryons doivent toujours tenir compte du fait que deux intérêts différents sont concernés selon les circonstances. Bien que les embryons et les foetus in vivo ne soient pas considérés comme des personnes, la recherche les concernant est traitée dans ce chapitre ­ avec la recherche sur les femmes enceintes. La raison en est qu'à défaut de femme enceinte, ce type de recherche n'existerait pas.

Les dispositions de la présente section s'appliquent aussi bien aux femmes enceintes qu'aux foetus in vivo (ci-après foetus, qui renvoie toujours au foetus in vivo) et aux embryons in vivo. Le terme «embryon» désigne le fruit de la conception jusqu'à la 9e semaine de grossesse environ; on parle ensuite de foetus. A des fins de lisibilité, la notion «embryon» n'est pas toujours répétée de manière explicite dans les différentes dispositions.

Les projets de recherche sur des femmes enceintes traitent généralement d'une maladie de la femme elle-même ou d'une maladie ou malformation du foetus. Si la recherche est consacrée à une maladie de la femme enceinte, le projet visera à mettre au point des thérapies comportant des effets secondaires aussi faibles que possible et 7330

des risques minimes pour l'embryon. La recherche portant sur des maladies ou des malformations du foetus permet de trouver des pistes pour certains traitements et de les optimiser afin qu'elles agissent dès avant la naissance et afin de prévenir à temps les suites de la maladie ou de la lésion. Pour exemples, la recherche dans le domaine des thérapies géniques utilisées en cas de maladie héréditaire du foetus et les projets de recherche portant sur le développement de la chirurgie foetale, c'est-à-dire le traitement opératoire dans le ventre de la mère d'un foetus malformé.

La situation particulière que constitue une grossesse oblige à envisager la possibilité que les intérêts de la femme enceinte et ceux de l'embryon ou du foetus puissent être antagonistes. C'est le cas notamment lorsque l'essai permet d'escompter un bénéfice direct pour la femme alors qu'il ne présente pour l'embryon ou le foetus que des risques, y compris celui d'une fausse couche (cf. ch. 2.3.2.2).

Si les intérêts du foetus et de l'embryon sont pris en compte dans l'appréciation éthique du projet, se pose alors la question du statut de l'enfant à naître: les embryons et les foetus ont-ils des droits et, si oui, ces droits sont-ils équivalents à ceux des femmes enceintes? Ce sont là des questions controversées. Cependant, comme l'appréciation des essais sur les femmes enceintes et les foetus doit toujours inclure les conséquences de l'essai pour l'enfant à naître, la protection qu'il faut accorder dans ce cadre s'applique non seulement à la femme concernée, mais aussi, et toujours, au foetus. Il en découle une restriction de l'autonomie de la femme enceinte, qui, en prenant sa décision, doit tenir compte à la fois de ses intérêts personnels et des intérêts présumés de son enfant à naître.

De manière générale, en raison du risque qu'implique pour le foetus toute expérimentation clinique, la participation de femmes enceintes à des projets de recherche est autorisée seulement si elle est absolument indispensable d'un point de vue médical et scientifique (principe de subsidiarité; voir ch. 2.2.1.1).

2.3.2.1

Projets de recherche illicites (art. 24)

La réalisation d'un projet de recherche qui a pour but de modifier les caractéristiques du foetus sans rapport avec une maladie est interdite en vertu de la présente disposition. Sont prohibés, d'une part, les projets visant à modifier les caractéristiques et les aptitudes propres à l'être humain. Il s'agit ici de projets qui s'efforceraient de produire artificiellement des caractéristiques ou des aptitudes que l'individu ne possède pas naturellement. Ces tentatives font depuis quelque temps l'objet de discussions sous la désignation «human enhancement» (médecine méliorative). Sont prohibés, d'autre part, les projets de recherche ayant pour finalité de modifier ou d'améliorer des caractéristiques humaines sans rapport direct avec la santé de la personne, par exemple l'orientation sexuelle, certains traits de caractère ou des particularités physiques, comme la couleur des yeux.

Seuls sont autorisés les projets de recherche qui ont pour but de traiter des maladies ou d'améliorer la qualité de vie en cas d'infirmité ou de malformations. La licéité d'un projet de recherche doit être examinée concrètement au cas par cas.

7331

2.3.2.2

Projets de recherche sur des femmes enceintes et sur des embryons et des foetus in vivo (art. 25)

Les bénéfices et les risques liés à un projet de recherche sur des femmes enceintes et des foetus concernent toujours un double intérêt, la femme étant la seule à pouvoir décider librement si elle entend y participer. Ce droit de la femme enceinte doit être mis en rapport avec la protection due au foetus. Seuls sont autorisés les projets qui offrent un bénéfice direct à la femme enceinte et au foetus et dont le rapport entre le risque pour la santé de la femme enceinte et celle du foetus, d'une part, et le bénéfice direct pour la femme et/ou le foetus, d'autre part, n'est pas déséquilibré (al. 1). On évalue ensemble les risques et les bénéfices pour la femme enceinte et le foetus, pour ensuite les comparer au bénéfice escompté pour la première et/ou pour le second.

Si un projet de recherche permettant d'escompter un bénéfice direct pour le foetus est réalisé, les risques et les contraintes pour la femme enceinte et pour le foetus sont comparés au bénéfice escompté pour le foetus. S'il s'agit d'un projet de recherche offrant un bénéfice direct pour la femme, par exemple un traitement contre les nausées dues à la grossesse, on comparera ­ lors de l'appréciation des bénéfices et des risques ­ l'ensemble des risques et des contraintes avec le bénéfice escompté pour la femme enceinte.

Lorsqu'un bénéfice direct important pour la femme enceinte est escompté d'un projet de recherche, il peut éventuellement en résulter un grand risque pour le foetus.

Dans ce cas, un risque pouvant aller jusqu'à une fausse couche pour le foetus peut être considéré comme équilibré selon les circonstances.

Un projet de recherche n'offrant de bénéfice direct ni à la femme enceinte ni au foetus peut être réalisé à la condition qu'il comporte des risques et des contraintes minimaux pour le foetus (al. 2, let. a). La définition de ce qui constitue un risque minimal pour le foetus a ceci de particulier qu'elle doit se fonder sur la situation réelle. Un risque de fausse couche ne peut jamais être totalement exclu lorsqu'une intervention est pratiquée sur une femme enceinte dans le cadre d'un projet de recherche. En conséquence, la notion de risque minimal pour le foetus inclut aussi un très faible risque de fausse couche. Le concept de risque est formé de la combinaison de deux éléments: l'étendue du dommage et la probabilité
que celui-ci se produise.

En raison du risque de fausse couche, la notion de risque se différencie, dans la présente disposition, de celle de risque dans les autres dispositions du projet. Si la probabilité que le risque le plus grave survienne est très faible ­ à savoir une fausse couche provoquée par un projet de recherche ­ le risque global pour le foetus reste minimal. A contrario, le concept de risque minimal, par exemple lors de projets de recherche sur des personnes incapables de discernement, n'inclut pas le risque de décès du sujet de recherche.

Si le concept de risque minimal pour le foetus devait exclure un risque très minime d'avortement spontané, il serait dès lors interdit de réaliser, sur des femmes enceintes et des foetus, des projets de recherche sans bénéfice direct. Ceci porterait toutefois à long terme préjudice à la qualité des soins médicaux des femmes enceintes et des foetus. Ainsi, on ignore encore bien des choses quant aux effets possibles de nombreux médicaments sur les femmes enceintes et les foetus. Il faut savoir également que les milieux concernés demandent depuis longtemps que les médicaments dont on peut penser qu'ils seront un jour prescrits à des femmes enceintes fassent l'objet de recherches ciblées avant d'être mis sur le marché. Ce qui n'est toutefois possible que si les projets de recherche sont réalisés sans bénéfice direct.

7332

Enfin, la let. b prévoit une exigence supplémentaire, à savoir qu'un projet de recherche n'offrant de bénéfice direct ni à la femme enceinte ni au foetus doit aussi permettre d'escompter des résultats essentiels pouvant à long terme offrir un bénéfice à d'autres femmes enceintes ou à d'autres foetus. Cette exigence est justifiée par la protection particulière due au foetus et à la femme enceinte.

2.3.2.3

Projets de recherche sur des méthodes d'interruption de grossesse (art. 26)

En prévoyant qu'une femme enceinte ne peut être invitée à se prononcer sur sa participation à un projet de recherche sur les méthodes d'interruption de grossesse qu'à partir du moment où elle a définitivement pris la décision d'interrompre sa grossesse, l'al. 1 vise à empêcher que le médecin traitant ne l'influence dans sa décision. Pour le reste, il faut veiller à ce que l'interruption de grossesse ne contrevienne pas aux dispositions du code pénal en la matière (art. 118 ss CP).

L'al. 2 énonce que le concept de risques et de contraintes pour le foetus (voir à ce propos l'art. 25) ne s'applique pas dans le cadre d'un projet de recherche sur des méthodes d'interruption de grossesse. Pour la femme, les règles générales en matière d'appréciation des avantages et des risques s'appliquent (art. 12). Ce type de projet pourrait avoir pour bénéfice la mise au point de méthodes d'interruption de grossesse moins lourdes.

2.3.3

Section 3 Recherche sur des personnes privées de liberté

2.3.3.1

Projets de recherche sur des personnes privées de liberté (art. 27)

Les personnes privées de liberté par décision judiciaire se trouvent dans une situation de dépendance qui les rend particulièrement vulnérables. La condamnation des recherches réalisées en milieu carcéral est fondée sur la triste expérience du passé, qui a atteint son horreur maximale avec les expérimentations humaines pratiquées dans les camps de concentration. Cependant, dans la mesure où l'on peut être à peu près certain d'obtenir de leur part un libre consentement, il n'y a aucune raison de défavoriser les personnes en détention. Ces personnes font partie de la société et ne devraient pas être écartées des projets de recherche66. L'al. 1 établit donc que les exigences générales posées à la recherche sur des personnes s'appliquent dans le cas d'un projet de recherche réalisé sur des personnes privées de liberté et permettant d'escompter un bénéfice direct. En revanche, le principe de subsidiarité précisé à l'art. 11, al. 2, ne s'applique pas. Si une personne privée de liberté est majeure et capable de discernement, elle doit pouvoir décider comme une personne libre, si elle participe ou non à un projet de recherche avec un bénéfice direct escompté. Si l'on introduisait le principe de subsidiarité dans le cas de cette recherche, une personne privée de liberté ne pourrait jamais participer à un projet de recherche sans rapport 66

Deutsch E, Medizinrecht, Berlin, Heidelberg, New York, 1997, p. 398 / Jung A, Die Zulässigkeit biomedizinischer Versuche am Menschen, Cologne, Berlin, Bonn, Munich, 1996, p. 216.

7333

avec sa situation spécifique. Une personne privée de liberté ne pourrait ainsi jamais prendre part à une étude permettant d'escompter un bénéfice direct pour le traitement d'une maladie.

Dans le cadre de la recherche sans bénéfice direct, la situation de dépendance ou la vulnérabilité particulière est prise en compte à l'al. 2 en ceci que les risques et les contraintes doivent être minimaux pour la personne concernée (voir ch. 2.3.1.1).

2.3.3.2

Allégement illicite des conditions de détention (art. 28)

Considérant que la participation à des projets de recherche procède d'un libre choix, elle ne peut pas ­ par analogie aux dispositions relatives à la gratuité de la participation à un projet de recherche (art. 13) ­ être liée à des allégements dans le cadre de la privation de liberté. Ainsi, on ne saurait inciter un détenu à participer à un projet de recherche en lui faisant miroiter un traitement de faveur dans l'exécution de sa peine. Parallèlement, il y a lieu de veiller à ce que la personne ne subisse aucun préjudice si elle refuse de participer à un projet de recherche.

2.3.4

Section 4

Recherche en situation d'urgence

La situation d'urgence se caractérise par les éléments suivants: elle n'est pas préparée et elle se produit soudainement et de manière imprévisible. Elle peut survenir en raison d'un accident ou d'un acte de violence, mais également suite à un événement d'ordre pathologique comme une crise cardiaque, une attaque cérébrale ou une surdose de médicaments ou de drogues. Les art. 29 et 30 du présent projet se réfèrent aux situations d'urgence qui vont de pair avec une conscience altérée et qui nécessitent une intervention médicale immédiate, de sorte que la personne concernée ne peut pas donner son consentement éclairé avant le début de la participation au projet de recherche.

Interdire la recherche dans ce cas de figure aurait pour conséquence que les personnes en situation d'urgence ne pourraient pas bénéficier des progrès de la médecine au même titre que les personnes en mesure de donner leur consentement. Dans ce genre de situation, il y a lieu de s'assurer au préalable que les résultats escomptés ne peuvent être obtenus qu'en situation d'urgence; en d'autres termes, la recherche porte sur la situation d'urgence en tant que telle et sur ses conséquences pour le patient. La commission d'éthique compétente se doit d'accorder une attention toute particulière à cet aspect lorsqu'elle examine la demande. En situation d'urgence, il est interdit d'étudier des aspects sans rapport avec l'urgence étant donné qu'en général, d'autres structures de recherche sont généralement envisageables pour ce faire, permettant une procédure d'information et de consentement complète avant le début de l'activité de recherche.

7334

2.3.4.1

Projets de recherche en situation d'urgence (art. 29)

Il arrive que des personnes capables de discernement perdent, pour un temps, leur capacité de discernement dans une situation d'urgence (par exemple perte de connaissance induite par un état de choc physique consécutif à une hémorragie importante, état de choc psychique à la suite d'un traumatisme grave). Lorsqu'un projet de recherche dont on peut escompter un bénéfice direct doit être réalisé en situation d'urgence, la question de savoir dans quelle mesure la personne concernée peut y être associée s'apprécie comme pour une intervention médicale ou un traitement médical nécessaires. Dans certaines situations, le médecin peut être amené à devoir prendre une décision dans l'intérêt du patient sans avoir pu obtenir auparavant son consentement ou celui de son représentant légal (par exemple modification du protocole opératoire lorsqu'un imprévu grave survient en cours d'intervention). Il en est de même de la recherche dans les situations d'urgence. Un projet de recherche offrant un bénéfice potentiel direct peut ainsi être également réalisé dans un intérêt présumé. Ce qui importe, en l'occurrence, c'est d'établir dans les meilleurs délais la volonté concrète de la personne (al. 1, let. a) en l'interrogeant a posteriori dès que possible (voir art. 30) ou en se renseignant auprès d'une personne de confiance qu'elle aura désignée ou auprès de ses proches, ou en respectant une éventuelle déclaration écrite de la personne (dispositions prise par le patient). Si l'on sait ou que l'on apprend, par exemple, qu'une personne capable de discernement a, en temps normal, toujours refusé de participer à un projet de recherche ­ même s'il lui offre un bénéfice direct sans alternative thérapeutique ­ sa volonté doit être prise en considération. Ne pas la respecter équivaudrait ­ sous réserve d'éléments spécifiques du cas d'espèce ­ à porter atteinte à sa personnalité. En vertu de la let. b, il faut dans ce cas tenir également compte du refus de la personne concernée (voir ch. 2.3.1.1).

Enfin, la let. c pose une exigence supplémentaire, à savoir qu'il est fait appel à un médecin non associé au projet de recherche avant d'impliquer la personne concernée dans le projet afin de défendre les intérêts de cette dernière ­ d'un point de vue médical justement. Dans des cas d'exception, il est possible de répondre à cette
exigence ultérieurement si des raisons valables le justifient. Un recours ultérieur peut être notamment lié à la méthode. Les chercheurs doivent exposer ces motifs dans le cadre de la demande qu'ils font à la commission d'éthique compétente. Le médecin non associé au projet de recherche doit, dans de tels cas, être impliqué dans les meilleurs délais.

Des conditions supplémentaires sont fixées à l'al. 2 pour permettre de réaliser, dans une situation d'urgence, un projet de recherche sans bénéfice direct. Ainsi, conformément à la let. a, le projet doit comporter des risques et des contraintes minimaux (voir ch. 2.3.1.1) et il doit permettre d'escompter des résultats essentiels pouvant à long terme offrir un bénéfice à des personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble ou dont l'état de santé est comparable (let. b).

2.3.4.2

Consentement a posteriori ou par substitution (art. 30)

Dès que la personne concernée est à nouveau en état de décider de sa participation à un projet de recherche, elle doit, selon l'al. 1, être suffisamment informée et peut donner son consentement a posteriori ou refuser de le donner. Dans ce dernier cas, le matériel biologique et les données personnelles ne peuvent plus être utilisés dans le 7335

cadre du projet de recherche ou de son évaluation (al. 2). Les conséquences d'un refus du consentement sont les mêmes que celles liées à une information incomplète (art. 18).

L'al. 3 confère au Conseil fédéral le pouvoir de régler la procédure du consentement a posteriori ou par substitution. Ainsi, d'autres mesures peuvent être prévues pour chaque cas dans lequel il n'est pas possible d'obtenir d'information ou de consentement a posteriori de la personne concernée, par exemple s'il s'agit d'une personne incapable de discernement de façon durable ou si une personne décède lors de la situation d'urgence.

2.4

Chapitre 4 Réutilisation à des fins de recherche de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé

Le chap. 4 traite de la réutilisation, c'est-à-dire la deuxième utilisation et éventuellement d'autres encore liées à la recherche, du matériel biologique et de données personnelles, génétiques et non génétiques, liées à la santé. Il s'agit de matériel et de données personnelles recueillis ou prélevés au préalable dans le cadre d'un traitement, p. ex, à des fins de diagnostic ou dans le cadre d'un projet de recherche. En ce qui concerne la recherche couverte par le champ d'application de la présente loi, les dispositions y figurant ont la priorité sur les règles générales en matière de protection des données pour la réutilisation de données à des fins de recherche (voir art. 13 et 22 de la loi sur la protection des données). Cette réutilisation peut survenir dans le cadre d'un projet de recherche concret ou, de façon générale, à des fins de recherche.

On parle de réutilisation à des fins de recherche lorsqu'il est prévu non pas de mener (ou de ne pas mener seulement) un projet concret mais de réaliser des projets de recherche encore inconnus et de conserver du matériel biologique et des données à cette fin. La réutilisation de matériel biologique et de données génétiques, d'une part, et la réutilisation données personnelles non génétiques liées à la santé, d'autre part, sont réglées de manière différente (cf. ch. 1.8.2.6). Le prélèvement de matériel biologique et la collecte de données personnelles liées à la santé sont traités au chap. 2.

Le caractère licite d'une réutilisation dans ce chapitre est lié en général au consentement éclairé ou à l'absence d'opposition une fois l'information donnée. Il est recommandé dans ce contexte de donner les explications ou les informations appropriées dès le prélèvement du matériel biologique ou la collecte des données personnelles liées à la santé (cf. art. 17).

Enfin, la réutilisation pour la recherche de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé va souvent de pair avec une révélation du secret professionnel (cf. art. 321 et 321bis CP). Il convient de préciser dans ce contexte que pour toute demande de consentement ou information sur le droit d'opposition à la réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles, il faudrait solliciter en même temps l'autorisation de la personne concernée de révéler ce secret.

7336

2.4.1

Réutilisation de matériel biologique et de données génétiques (art. 31)

Les projets de recherche utilisant du matériel biologique et des données génétiques personnelles non codés mettent tout particulièrement en danger la personnalité de la personne concernée. Pour cette raison, cette disposition n'autorise la réutilisation du matériel biologique et de données génétiques personnelles sous forme non codée que si la personne concernée a donné son consentement pour chaque projet de recherche après avoir été suffisamment informée (al. 1). Un «consentement général», c'est-àdire le consentement à la réutilisation pour tout projet actuel et futur, n'est pas possible en l'occurrence. Les exigences liées à une information suffisante s'alignent par analogie sur les dispositions de l'art. 16. Lorsque la personne adulte concernée est incapable de discernement ou s'il s'agit d'enfants ou d'adolescents, le représentant légal ou les proches les remplacent en l'espèce, conformément aux dispositions des art. 21 à 23.

La réutilisation sous forme codée requiert le consentement explicite de la personne autorisée à le donner, après que celle-ci a été suffisamment informée (al. 2). Dans ce cas, un consentement général est envisageable. Il est par ailleurs possible que la personne concernée ne consente expressément à la réutilisation de son matériel biologique ou de ses données génétiques que dans le cadre d'un projet concret.

L'al. 3 précise les conditions auxquelles doit satisfaire l'anonymisation de matériel biologique et de données génétiques à des fins de recherche. La personne concernée ou les personnes désignées par la loi doivent avoir été informées au préalable du fait qu'une anonymisation de matériel biologique et des données génétiques qui en ont été tirées est prévue et qu'ils ont la possibilité de s'opposer à cette anonymisation.

Cette information peut, par exemple, être faite par le biais de la brochure d'information des patients établie par un hôpital. Une anonymisation du matériel et des données doit précéder leur réutilisation à des fins de recherche (voir aussi l'art. 34).

2.4.2

Réutilisation de données personnelles non génétiques liées à la santé (art. 32)

La réutilisation de données personnelles non génétiques liées à la santé sous forme non codée à des fins de recherche requiert le consentement éclairé explicite de la personne concernée (al. 1), sachant qu'est prévue à titre de règle la possibilité d'un consentement général. Ce qui n'exclut pas la possibilité que seul soit sollicité le consentement à un projet de recherche concret. Les exigences pour une information suffisante sont réglées par analogie avec l'art. 16; le droit au consentement pour les enfants, les adolescents et les adultes incapables de discernement est déterminé par les art. 21 à 23.

Lorsque des données personnelles non génétiques liées à la santé sont réutilisées sous forme codée à des fins de recherche, il convient d'en informer la personne concernée au préalable (al. 2). En l'espèce, aucun consentement explicite n'est requis, sauf à respecter le droit d'opposition. Les données peuvent être intégrées à des projets de recherche dès lors que la personne concernée, son représentant légal ou ses proches ont été informés de la réutilisation envisagée et de leur droit à y faire opposition. Il est possible là encore que cette exigence minimale soit doublée d'un consentement explicite.

7337

Selon la présente disposition, il apparaît clairement que l'anonymisation de données personnelles non génétiques liées à la santé à des fins de recherche est autorisée sans condition. Elle ne requiert aucun devoir d'information et la personne concernée ne peut faire valoir aucun droit d'opposition. Cette réglementation est conforme à la loi sur la protection des données: cette dernière n'accorde pas non plus de droit d'opposition à la personne concernée si les données personnelles sont traitées à des fins ne se rapportant pas à des personnes, entre autres dans le cadre de la recherche (art. 12, al. 2, let. b, en relation avec l'art. 13, al. 2, let. e, art. 22 LPD).

Il n'est guère imaginable que des données personnelles non génétiques liées à la santé puissent, dans le cadre d'une réutilisation, livrer des conclusions sur le diagnostic, le traitement ou la prévention d'une maladie. C'est pourquoi cette catégorie de données n'a pas fait l'objet d'une interdiction d'anonymisation (voir de plus art. 34, al. 2).

2.4.3

Défaut de consentement et d'information (art. 33)

Certains cas exceptionnels, étroitement circonscrits, justifient de privilégier les intérêts de la recherche, quand bien même les conditions de réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé visées aux art. 31 ou 32 ne seraient pas remplies. Dans le cas contraire, il s'agirait d'une restriction disproportionnée de la liberté de recherche. Il faut retenir que la réglementation n'est pas applicable sur du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé déjà anonymisés, étant donné que ceux-ci ne relèvent pas du champ d'application du présent projet.

La présente disposition rejoint les dispositions en vigueur de l'art. 321bis du code pénal (cf. ch. 1.4.2.7) et énonce trois conditions à remplir cumulativement pour que du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé puissent être réutilisées même s'il n'y a pas de consentement ou que l'information sur le droit d'opposition n'a pas eu lieu: La let. a précise que, pour les chercheurs, il est impossible ou excessivement difficile d'obtenir le consentement de la personne concernée, de son représentant légal ou de ses proches, ou d'informer ces personnes sur leur droit d'opposition.

L'impossibilité peut découler du fait que les personnes nommées sont décédées. Il est excessivement difficile d'obtenir un consentement ou d'informer sur le droit d'opposition si la charge de travail pour une prise de contact n'apparaît pas justifiée parce qu'il est extrêmement difficile de trouver les personnes en question (cercle de personnes très vaste; période prolongée entre la date du prélèvement du matériel ou de la collecte des données et celle de la remise du projet de recherche, etc.). Par contre, on considère que le consentement ne peut être exigé dès lors qu'une nouvelle confrontation avec une situation difficile provoquerait une charge émotionnelle considérable (ce serait le cas d'une personne rappelée au souvenir d'une grave maladie ou de proches confrontés à nouveau à un cas de suicide dans la famille). Il convient de préciser qu'un consentement qui n'aurait pas été recueilli à temps ou une information sur le droit d'opposition qui n'aurait pas été effectuée à temps (cf.

art. 17) ne constituent a priori pas un motif pour rejeter une autorisation selon cette disposition.

7338

La let. b exige qu'il n'existe aucun document attestant un refus de la personne concernée. Un tel document serait notamment une décision du patient en ce sens.

La let. c demande enfin que l'intérêt de la recherche prévale sur celui de la personne concernée à pouvoir décider, après information préalable, de la réutilisation de son matériel biologique ou de ses données. En l'occurrence, il convient de considérer le cas concret: l'intérêt de la recherche prévaut, par exemple si la recherche laisse entrevoir des enseignements qui répondent à des questions d'un grand intérêt (par exemple s'il s'agit de données en lien avec une maladie grave) ou qui pourraient profiter à un grand nombre de personnes.

Quant à savoir si les conditions évoquées sont remplies dans le cas considéré, c'est la commission d'éthique compétente qui en décide. En répondant par l'affirmative, elle donnera par là-même un consentement par substitution (cf. ch. 2.8.1). Il lui appartiendra d'inclure dans ses considérations le potentiel d'abus que recèlent le matériel ou les données entrant en ligne de compte: s'il s'agit, par exemple, de matériel biologique non codé, les conditions seront plutôt soumises à des exigences accrues, par rapport à des données personnelles codées, non génétiques et liées à la santé. Par ailleurs, il faut préciser dans ce contexte la nécessité absolue de prendre des mesures appropriées en vue de garantir la sécurité des données (cf. art. 42). Du reste, les commissions d'éthique pourront, sur certains points, se laisser guider par les décisions de la commission d'experts du secret professionnel en matière de recherche médicale.

Les personnes qui pratiquent cette recherche régie par la loi, et qui sont donc soumises au secret professionnel en vertu des dispositions de l'art. 321 CP, ne peuvent publier des données sans encourir de poursuites pénales que s'il y a un motif justificatif selon l'art. 321, ch. 2, CP ou que les exigences suivant l'art. 33 sont satisfaites et que la comission d'éthique compétente autorise ainsi la révélation (cf. art. 321bis, al. 2, CP, dans la version modifiée par la présente loi, voir ch. 2 de l'annexe).

Par rapport aux dispositions actuelles de l'art. 321bis CP, il en résulte, pour l'essentiel, les modifications suivantes: ­

une clause échappatoire est instituée non seulement pour la levée du secret professionnel ou la transmission à des tiers, mais aussi, d'une manière générale, pour la réutilisation;

­

les données personnelles liées à la santé, de même que le matériel biologique peuvent être réutilisés ou transmis à des tiers;

­

le consentement par substitution peut être donné à des fins de recherche mais non plus à de simples fins de formation de base ou de formation continue (cf. ch. 3.1.3);

­

il n'est plus prévu d'octroyer les autorisations générales (à des hôpitaux et à des cliniques, p. ex.).

Ces modifications s'imposent pour les raisons suivantes: ­

l'art. 321bis CP ne régit le consentement par substitution que pour la levée du secret professionnel; ce consentement par substitution doit cependant pouvoir être donné en général pour une réutilisation dans le cadre de projets de recherche;

­

de plus en plus, la recherche porte aussi bien sur des données que sur du matériel biologique; 7339

­

la formation de base et la formation continue ne constituent pas des activités de recherche, ce qui les exclut du champ d'application du projet de loi;

­

l'obligation de soumettre tout projet de recherche à la commission d'éthique compétente ou à d'autres instances rend superflues les autorisations générales.

2.4.4

Anonymisation et codage (art. 34)

Le renvoi signalé à l'al. 1 étend l'interdiction d'anonymisation de l'art. 14 à la réutilisation dans le domaine de la recherche car, dans le contexte des intérêts à préserver, peu importe de savoir si cette recherche concerne du matériel biologique prélevé pour la première fois ou des données personnelles liées à la santé et collectées pour la première fois, ou encore si elle est menée en vue de leur réutilisation. Le renvoi à l'art. 14 se rapporte seulement au matériel biologique et aux données génétiques. Il faut en revanche renoncer à une interdiction d'anonymisation pour les données personnelles non génétiques liées à la santé car, abstraction faite d'un potentiel de mise en danger bien plus faible, il n'est par expérience pas possible de tirer des enseignements concernant des maladies graves à partir de ces seules données. Au surplus, nous renvoyons aux explications relatives à l'art. 14 (ch. 2.2.1.4).

L'al. 2 oblige le Conseil fédéral à préciser les exigences posées à une anonymisation et à un codage corrects et sûrs ainsi que les conditions d'un décodage, ce qui permet de répondre avec la souplesse nécessaire à des évolutions normatives ou techniques sur le plan international, par exemple.

Quant à l'anonymisation, c'est surtout à l'aspect technique qu'il est fait allusion en l'espèce, à savoir l'obligation de respecter des procédures d'anonymisation reconnues.

Les exigences posées au codage incluront les critères relatifs à une suppression suffisante et sûre du lien à la personne. Ces derniers régissent la conservation du code, le droit d'accès, et ils fixent aussi les conditions de déblocage: une possibilité serait que le code (ou clé) ne soit pas conservé par le chercheur, mais par une autre personne ou une institution tierce, laquelle serait seule en mesure de rétablir le lien entre le matériel biologique ou les données personnelles et la personne concernée.

2.5

Chapitre 5

Recherche sur des personnes décédées

Le présent chapitre réglemente uniquement la recherche sur des personnes décédées.

L'utilisation de cadavres à des fins de formation initiale, continue et postgrade ainsi que pour des autopsies cliniques en vue de déterminer les causes du décès n'est pas considérée comme étant de la recherche. Aussi ne fait-elle pas partie du champ d'application. Ces domaines sont réglementés au niveau cantonal.

La recherche sur le corps d'une personne décédée a notamment pour but de tester les techniques opératoires et diagnostiques et les procédés d'imagerie médicale (par exemple tomographies par résonance magnétique), ou d'étudier les causes de maladies et de décès. Par ailleurs, la recherche en biomécanique appliquée à la traumatologie reconstitue le déroulement d'accidents pour en analyser les effets sur le corps humain. La recherche criminalistique (médecine légale) utilise des cadavres pour 7340

reconstituer le déroulement des faits ou déterminer le moment de la mort. Enfin, ce type de recherche comprend aussi celle sur des personnes décédées et placées sous respiration artificielle, qui porte, par exemple, sur le diagnostic de la «mort cérébrale» ou sur le maintien de la qualité d'organes, notamment la prévention des inflammations ou le maintien de la qualité du sang. Par ailleurs, la recherche en neurologie s'intéresse également aux personnes en état de «mort cérébrale».

2.5.1

Aspects éthiques

Il est possible de réaliser des recherches sur des personnes décédées sous réserve que cela soit fait avec révérence et piété, dans le respect de l'être humain et en accord avec les principes de la déontologie. Sur le plan éthique, l'ampleur de la dégradation que subit le cadavre est un élément d'appréciation. Une intervention invisible extérieurement est, par exemple, moins lourde pour les proches qu'une intervention déformante ou mutilante.

La dimension temporelle joue également un rôle important: à mesure que s'éloigne le moment du décès et que le corps se détériore, les émotions et la piété que suscite le corps s'atténuent.67 La recherche sur les personnes décédées dont la respiration et la circulation sanguine sont maintenues artificiellement peut s'avérer émotionnellement difficile tant pour les proches que pour le personnel médical, car rien ne distingue extérieurement ces personnes d'une personne inconsciente.

2.5.2

Aspects juridiques

En principe, les personnes décédées n'ont plus de capacité juridique, car les droits de la personnalité s'éteignent au moment du décès. Cependant, elles ne sont ni un simple objet ni un bien tombé en déréliction68. Elles ont une part de dignité humaine sans impérativement en être les porteurs69. Dans ce contexte, la recherche sur des personnes décédées est soumise à une réglementation spécifique. D'une part, il importe de protéger le droit à l'autodétermination de la personne, à savoir le droit de décider de son vivant du devenir de son corps et de prendre des dispositions à cet effet. Aussi la volonté de la personne décédée doit-elle être respectée, et ses proches doivent se renseigner, dans le cadre de leur compétence subsidiaire de décision, sur la volonté présumée de la ou des personnes décédées. En principe, la volonté de la personne décédée prime. D'autre part, les droits de la personnalité des proches doivent aussi faire l'objet d'une protection. Les liens émotionnels qui unissent les proches à la personne ou aux personnes décédées justifient la protection de la personnalité.

67 68

69

Preuss D, Vom ethisch verantworteten Umgang mit menschlichen Überresten in Sammlungen sowie musealen und sakralen Räumen, Munich, 2007, p. 23.

Büchler A und Dörr B, Medizinische Forschung an und mit menschlichen Körpersubstanzen ­ Verfügungsrechte über den Körper im Spannungsfeld von Persönlichkeitsrechten und Forschungsinteressen, ZSR 2008 I, p. 381 ss.

Voir message du 12 sept. 2007 relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain, FF 2007 6345, dans ce contexte voir p. 6373.

7341

Les directives de l'ASSM du 27 novembre 2008 relatives à l'utilisation de cadavres et de parties de cadavres dans la recherche médicale et la formation prégraduée, postgraduée et continue70 partent également du principe que la personne décédée a donné son consentement éclairé avant son décès et que les proches possèdent un droit subsidiaire de décision. Elles précisent que ce principe doit aussi être strictement respecté dans le cadre des projets de recherche.

2.5.3

Consentement (art. 35)

En vertu du droit à l'autodétermination (voir ch. 1.2.2.1), chacun peut disposer de son vivant de ce qu'il doit advenir de la dépouille mortelle ou laisser des dispositions à cet effet. La réalisation d'un projet de recherche sur le corps d'une personne décédée est donc subordonnée à l'existence d'un consentement explicite concernant la recherche (al. 1). Les autres déclarations de consentement, en faveur d'un don d'organes, par exemple, ne valent pas pour la recherche.

L'al. 2 réglemente les cas où la personne décédée n'a pas disposé de son vivant de l'utilisation de son corps après le décès. Dans ces situations, il est possible de demander aux proches s'ils acceptent de léguer le corps à la science. La personne peut aussi, de son vivant, désigner une personne de confiance qui agira en lieu et place des proches. En l'absence de consentement, la recherche sur des personnes décédées est interdite.

A l'instar de la loi sur la transplantation, le présent projet de loi retient le modèle du «consentement au sens large»; l'al. 3 renvoie donc à la législation sur la transplantation, dont il faut aussi tenir compte pour la définition des proches parents. S'il existe un consentement pour l'utilisation de substances corporelles d'une personne décédée, celui-ci se rapporte de manière générale à la recherche, indépendamment de l'identification, du codage ou de l'anonymisation du matériel.

Lorsque le décès d'une personne remonte à plusieurs décennies, il n'est généralement pas possible ou raisonnablement exigible de se renseigner auprès des éventuels proches de cette personne ou de leur demander leur consentement. Afin qu'une recherche puisse être entreprise sur des corps retrouvés dans des glaciers ou des momies, l'al. 4 souligne que cette recherche est conforme au droit, même sans consentement, lorsque ces personnes sont décédées depuis plus de 70 ans. Dans ces cas, on peut partir du principe qu'il n'est guère possible de trouver de parents proches et que leurs droits ne sont pas violés (voir ch. 2.5.2). De plus, le délai imparti correspond à la durée de protection fixée dans la loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur71. Toutefois, si les proches, par exemple les descendants directs ou les frères et soeurs de la personne décédée, s'opposent à ce que le corps de la personne décédée soit utilisé à des fins de recherche, cette manifestation de leur désaccord doit être observée; dans ce cas, aucune recherche ne doit être effectuée sur la personne décédée.

70 71

A consulter sur www.samw.ch.

RS 231.1

7342

2.5.4

Autres conditions (art. 36)

En plus du consentement, le décès des personnes doit avoir été constaté pour pouvoir réaliser un projet de recherche sur elles (al. 1). Le constat classique du décès se fonde sur au moins un signe de mort certaine. En ce qui concerne les personnes dont les fonctions vitales sont maintenues par respiration artificielle et traitement médicamenteux, le décès doit être constaté en application des dispositions correspondantes de la loi sur la transplantation selon lesquelles «une personne est décédée lorsque les fonctions du cerveau, y compris du tronc cérébral, ont subi un arrêt irréversible».

L'al. 2 traite de la recherche sur des personnes décédées dont les fonctions vitales sont maintenues par respiration artificielle et traitement médicamenteux. Ce type de recherche ne se justifie que si des connaissances scientifiques équivalentes ne peuvent pas être obtenues avec des personnes décédées non placées sous respiration artificielle. Le Conseil fédéral peut prévoir des exigences supplémentaires, comme, par exemple, fixer une limite de temps pour certains actes effectués dans le cadre de tels projets de recherche ou, pour préserver toutes les chances d'une transplantation d'organes, fixer des conditions à la recherche.

Afin d'éviter les conflits d'intérêts, le médecin qui a constaté le décès ne peut pas être impliqué dans le projet de recherche selon l'al. 2. Pour la même raison, la personne qui réalise le projet de recherche n'est pas habilitée à donner des instructions aux personnes qui ont constaté le décès (al. 3).

2.5.5

Recherche dans le cadre d'une autopsie ou d'une transplantation (art. 37)

L'ampleur de l'atteinte portée au cadavre est un élément d'appréciation important d'un point de vue éthique (voir ch. 2.5.2). Une autopsie ou une transplantation constituent une atteinte massive à l'intégrité du corps et des organes. Il y a atteinte supplémentaire lorsque, dans le cadre d'une autopsie, des organes entiers sont prélevés. Dans ce cas, un consentement conformément à l'art. 35 doit être obtenu. Si, en revanche, le prélèvement de substances corporelles à des fins de recherche n'occasionne pas d'atteinte supplémentaire au corps (par exemple lors d'un prélèvement d'échantillons de tissus ou de sang dont le volume ou le poids est exprimé en millilitres ou en grammes), il est permis de penser que les droits de la personnalité des proches ne sont pas lésés. Dans ce cas, la réglementation est plus souple. Il doit être permis de prélever une petite quantité de substances corporelles sans consentement explicite, de la rendre anonyme et de l'utiliser ensuite à des fins de recherche.

Cette disposition ne s'applique que si la personne décédée n'a pas, de son vivant, expressément refusé de mettre son corps à disposition à des fins de recherche ou d'autopsie. Il arrive qu'une autopsie soit pratiquée contre la volonté exprimée par la personne de son vivant sur ordre judiciaire (par exemple autopsies médico-légales pratiquées lorsque les causes du décès sont peu claires ou la mort non naturelle).

Dans ce cas, la volonté à cet égard ne doit pas être respectée, ce qui ne doit toutefois pas entraîner parallèlement l'application de la présente disposition dérogatoire.

Aussi est-il illicite dans ces cas de prélever une infime quantité de substances corporelles sans consentement ou en violation du consentement.

7343

De même, lors d'une transplantation, une déclaration d'opposition faite par la personne décédée est réservée: l'exception contenue dans cette disposition ne s'applique pas si la personne a, de son vivant, consenti à la transplantation mais pas à la recherche.

2.6

Chapitre 6 Recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés

Les projets de recherche réalisés sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse, y compris des enfants mort-nés, ont souvent pour but d'étudier les causes des avortements, des naissances prématurées et de la mortinatalité. L'objectif étant de développer des solutions contribuant à la prévention de ces cas. Il arrive que des cellules prélevées sur des embryons ou des foetus soient utilisées dans des projets de recherche portant sur le traitement de maladies adultes (par exemple projets de recherche utilisant des cellules cérébrales foetales dans le traitement de la maladie de Parkinson).

Un avortement spontané est l'expulsion spontanée et avant son terme d'un embryon ou d'un foetus pesant moins de 500 grammes. Un enfant mort-né est un enfant qui, après être sorti du corps de sa mère, ne montre aucun signe de vie et dont le poids dépasse cette limite. Si un enfant meurt juste après la naissance, il s'agit, indépendamment de son poids ou de son âge, d'une personne décédée, et la recherche en la matière est régie par le chapitre 5 du présent projet.

2.6.1

Conditions requises pour la recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse (art. 38)

Selon l'al. 1, une femme enceinte ne peut être sollicitée pour mettre son foetus à disposition, à des fins de recherche, qu'à partir du moment où elle a définitivement pris la décision d'interrompre sa grossesse. Cette disposition a pour but de garantir que la femme concernée ne sera pas influencée dans son choix et qu'elle prendra sa décision en toute liberté, sans influence des intérêts de la recherche. Du point de vue éthique, il est condamnable de créer une incitation à l'interruption de grossesse ou un motif légitimant cet acte, car cela revient à instrumentaliser la grossesse dans le but «d'obtenir du matériel de recherche». Concrètement, l'éventuelle utilisation du foetus après l'avortement ne doit pas intervenir dans sa décision, quel que puisse être l'enjeu du projet de recherche. L'information et le consentement sont réglés par analogie d'après les art. 16 et 21 à 23.

Par principe, le devoir d'assistance médicale envers la femme dans le cadre de l'interruption de grossesse doit toujours primer les intérêts de la recherche (cf.

ch. 2.1.2.1). L'exigence selon laquelle la date de l'interruption de grossesse et la méthode utilisée ne doivent pas être choisies en fonction d'un projet de recherche (al. 2) a donc pour but d'assurer que seule la santé de la femme sera prise en considération lors du choix de la méthode. Pour le reste, les dispositions pénales doivent être observées (art. 118 ss CP).

7344

Selon l'al. 3, les foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés peuvent être utilisés pour un projet de recherche lorsque le décès a été constaté. Sont retenus comme critères de décès: l'absence d'activité cardiaque et de pulsations dans le cordon ombilical, l'absence d'activité respiratoire et l'absence de mouvement, ces critères se cumulant obligatoirement. Il s'agit en l'occurrence d'éviter que les chercheurs ne prolongent la vie du foetus uniquement pour le conserver à des fins de recherche.

Afin d'éviter des conflits d'intérêts, l'al. 4 énonce que les personnes qui réalisent un projet de recherche au sens de l'al. 3 ne peuvent pas participer à l'interruption de grossesse. En outre, elles ne doivent pas être habilitées à donner des instructions aux personnes chargées de l'intervention.

2.6.2

Conditions requises pour la recherche sur des embryons et des foetus issus d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés (art. 39)

L'al. 1 précise que les embryons et les foetus issus d'avortements spontanés ainsi que les enfants mort-nés ne peuvent être utilisés à des fins de recherche qu'avec le consentement du couple concerné. Contrairement à la recherche sur les embryons et les foetus issus d'interruptions de grossesse, le consentement unique de la femme n'est, dans le cas présent, pas suffisant. Une femme pouvant décider de manière autonome d'interrompre une grossesse, il ne serait pas logique, dans le cadre d'une interruption de grossesse, d'exiger le consentement de l'homme pour la partie concernant la recherche. En revanche, il serait choquant, en cas d'avortement spontané ou de mise au monde d'un enfant mort-né, que l'homme concerné soit exclu de la décision. Pour le reste, la teneur du consentement et de l'information est réglée par analogie avec l'art. 16.

Selon l'al. 2, les foetus issus d'avortements spontanés ne peuvent être utilisés pour un projet de recherche que si leur décès a été constaté. Les critères déterminants figurent au ch. 2.6.1.

2.7

Chapitre 7 Transmission, exportation et conservation

2.7.1

Transmission à des fins autres que la recherche (art. 40)

Par principe, le matériel biologique prélevé ou réutilisé et les données personnelles liées à la santé collectées ou réutilisées à des fins de recherche ne peuvent être transmis qu'à des fins de recherche. La transmission de matériel ou de données à d'autres fins est interdite, à moins que la personne concernée (ou, le cas échéant, son représentant légal ou ses proches) ait donné explicitement son consentement en l'espèce (let. b) ou qu'il existe une base légale le permettant (let. a). Cela peut être le cas par exemple dans le cadre d'une enquête relevant du droit pénal. L'affectation du matériel biologique et des données personnelles à un but précis garantit à la personne concernée que ceux-ci resteront dans le domaine scientifique et qu'une

7345

utilisation à d'autres fins ne sera possible qu'exceptionnellement, dans des cas bien précis.

2.7.2

Exportation (art. 41)

Le présent projet poursuit un objectif fondamental, à savoir continuer de rendre possible la coopération internationale en matière de recherche et la simplifier. Parallèlement, il convient en tout temps de garantir que l'autodétermination en termes d'information est protégée lorsque du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé sont exportés à l'étranger. En raison du potentiel de mise en danger différent, une réglementation différente s'impose, à l'instar de la réglementation de la réutilisation visée au chap. 4, pour l'exportation de matériel biologique et de données génétiques, d'une part, et pour la remise de données personnelles non génétiques liées à la santé, d'autre part.

C'est pourquoi l'al. 1, 1re phrase, prévoit qu'une exportation de matériel biologique et de données génétiques pour la recherche ne peut avoir lieu qu'avec le consentement éclairé de la personne concernée. Les exigences pour l'information sont réglées par analogie à l'art. 16. Si la personne concernée est un adulte incapable de discernement, un enfant ou un adolescent, les personnes légitimées conformément aux réglementations des art. 21 à 23 prennent la décision à leur place. Le renvoi à l'art. 31 fait apparaître clairement que lors de l'exportation de matériel biologique ou de données génétiques sous forme non codée, un consentement est nécessaire au cas par cas et que lors de l'exportation sous forme codée, un consentement général est possible (al. 1, 2e phrase).

En revanche, s'il est prévu de communiquer à l'étranger des données personnelles non génétiques liées à la santé, les exigences visées à l'art. 6 de la loi sur la protection des données doivent être observées (al. 2). La présente disposition vise à ce qu'aucune donnée personnelle ne puisse être communiquée à l'étranger si cela constituait une grave atteinte à la personnalité, notamment du fait de l'absence d'une législation assurant un niveau de protection adéquat.72 En l'absence d'une législation de cette nature, des données personnelles peuvent être communiquées à l'étranger uniquement si, entre autres, des garanties suffisantes, notamment contractuelles, permettent d'assurer un niveau de protection adéquat à l'étranger. Il est ainsi garanti que les conditions à remplir pour utiliser les données personnelles non génétiques liées à la
santé dans le pays de destination sont équivalentes à celles définies dans la présente loi.

Il faut toutefois retenir que la présente disposition réglemente uniquement la communication transfrontière de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé. Avant qu'une exportation puisse être envisagée, les conditions pour un prélèvement autorisé de matériel ou pour une collecte de données (chap. 2 et 3) ou pour une réutilisation autorisée à des fins de recherche (chap. 4) doivent être satisfaites.

72

Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence dresse une liste non contraignante des Etats qui ont une législation sur la protection des données équivalente à celle de la Suisse (voir www.edoeb.admin.ch).

7346

2.7.3

Conservation (art. 42)

La réalisation de nombreux projets de recherche est subordonnée à l'analyse d'un très grand nombre d'échantillons et des données personnelles correspondantes. En général, un projet de recherche ne fait pas qu'«utiliser» le matériel biologique et les données personnelles liées à la santé disponibles; il les met aussi à la disposition d'autres projets de recherche. Cela implique la conservation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé, par exemple dans des biobanques, des registres médicaux ou des bases de données.

L'al. 1 souligne qu'en cas de conservation de matériel biologique ou de données, des mesures techniques et organisationnelles appropriées doivent être prises en vue de les protéger de toute utilisation illégale. Le terme «utilisation» a, dans ce contexte, la même signification que le mot «traitement» au sens de l'art. 3, let. e, de la loi sur la protection des données. En outre, les exigences techniques liées aux conditions d'exploitation doivent être remplies. Il importe notamment d'observer les principes reconnus en matière de sécurité des données.

En vertu de l'al. 2, le Conseil fédéral est tenu de concrétiser dans une ordonnance les exigences posées à la conservation de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé. Ce faisant, les exigences correspondantes de la législation sur la protection des données doivent être prises en compte.

Les exigences mentionnées concerneront notamment l'assurance de la qualité de la conservation et les exigences spécifiques relatives aux mesures de protection des données et à la sécurité de l'exploitation. Le matériel biologique et les données personnelles liées à la santé doivent être conservés dans les règles de l'art. Il faut pour cela du personnel qualifié. En cas de conservation de matériel biologique, une infrastructure qui garantisse un stockage de longue durée, sans altération des échantillons, est requise. Le respect de la protection des données doit être garanti. Pour assurer la protection de la sphère privée des personnes concernées, il y a lieu de prendre des dispositions appropriées afin d'empêcher tout accès non autorisé au matériel biologique et aux données personnelles liées à la santé.

2.7.4

Personnes décédées, embryons, foetus, y compris enfants mort-nés (art. 43)

Les parties de personnes décédées, d'embryons, de foetus et d'enfants mort-nés ne sont pas considérées comme du matériel biologique au sens de l'art. 3, let. e. Les données récoltées via ces objets de recherche ne constituent pas des données personnelles liées à la santé au sens de l'art. 3, let. f. Par la présente disposition, les personnes décédées, les embryons, les foetus et les enfants mort-nés, ainsi que les parties de ceux-ci et les données relevées dans ce contexte, sont soumis aux réglementations du présent chapitre en ce qui concerne la transmission à des fins autres que la recherche, l'exportation et la conservation.

7347

2.8

Chapitre 8 Autorisations, déclarations et procédures

2.8.1

Obligation d'obtenir une autorisation (art. 44)

L'al. 1 précise qu'il est obligatoire d'obtenir de la commission d'éthique compétente une autorisation non seulement pour mener un projet de recherche avec les objets de recherche nommés à l'art. 2, al. 1, mais aussi pour réutiliser du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé selon l'art. 33.

Selon la let. a, l'autorisation est obligatoire pour les projets de recherche portant sur des personnes (visés aux chap. 2 et 3 de la loi), sur des personnes décédées (visés au chap. 5 de la loi) et sur des embryons ou des foetus (visés au chap. 6 de la loi). Par ailleurs, les projets de recherche utilisant sous une forme codée ou non codée du matériel biologique préexistant ou des données personnelles préexistantes liées à la santé sont également soumis à autorisation.

Par contre, une autorisation n'est pas nécessaire si du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé sont réunis ou conservés à des fins de recherche hors du cadre d'un projet de recherche concret. Dans ce cas, toutefois, les dispositions relatives au consentement, à la conservation, etc. doivent être respectées. La réutilisation de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé hors du cadre d'un projet de recherche concret est soumise à autorisation, en vertu de la let. b, uniquement s'il est impossible d'obtenir le consentement exigé selon les art. 31 et 32 ou d'informer les personnes concernées de leur droit d'opposition. Dans ce cas, la commission d'éthique peut autoriser à titre exceptionnel la réutilisation du matériel ou des données si les exigences définies à l'art. 33 sont remplies. A cet égard, la commission d'éthique assume la fonction de l'actuelle Commission d'experts du secret professionnel en matière médicale instituée par l'art. 321bis CP et supprimée par la présente loi. Si le matériel ou les données sont réutilisés dans le cadre d'un projet de recherche, l'obtention d'une autorisation est obligatoire en vertu de la let. a.

Les projets font l'objet d'une vérification selon l'al. 2 pour voir s'ils répondent aux exigences éthiques, juridiques et scientifiques énoncées dans la loi. Ainsi, pour un projet de recherche avec des personnes incapables de discernement, la commission doit s'assurer que des résultats équivalents ne peuvent pas être obtenus sans leur participation
(cf. art. 11, al. 2) et que les dispositions spécifiques en matière d'information et de consentement du représentant légal sont respectées (cf. art. 20 à 23).

S'agissant des projets de recherche sur des personnes, la commission d'éthique est tenue de vérifier si la garantie de responsabilité éventuellement exigée (cf. art. 21) est fournie dans les faits et si elle offre une couverture suffisante. La commission doit en outre déterminer si le projet de fournir une information incomplète aux participants se justifie en l'espèce pour des raisons méthodologiques et, dans l'affirmative, si les autres conditions énoncées à l'art. 18 sont respectées. Enfin, il y a lieu de s'assurer que les exigences prévues dans d'autres lois fédérales sont également remplies (par exemple les conditions relatives aux essais cliniques de transplantation figurant dans la loi sur la transplantation).

En vertu de l'al. 3, le Conseil fédéral est habilité, en tenant compte des réglementations internationales reconnues, à soumettre à autorisation toute modification apportée à un projet de recherche. Ce qui est notamment concevable s'il s'agit de modifications de projet fondamentales.

7348

2.8.2

Obligation d'annoncer et d'informer (art. 45)

Le Conseil fédéral est habilité, en vertu de l'al. 1, à prévoir une obligation d'informer et d'annoncer. Ces obligations peuvent notamment être introduites, sur la base de la ligne directrice ICH-GCP, lors de l'achèvement (conformément au protocole) d'un projet de recherche ou de l'interruption de celui-ci (let. a). Le Conseil fédéral peut également prévoir les obligations correspondantes en ce qui concerne les événements indésirables ou les événements pouvant porter atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes concernées (let. b et c). Lors de la détermination de ces obligations, le Conseil fédéral tient compte, conformément à l'al. 2, des réglementations internationales reconnues.

2.8.3

Commission d'éthique compétente (art. 46)

Selon l'al. 1, la commission d'éthique du canton dans lequel le projet de recherche ou la réutilisation selon art. 33 sont effectués est compétente pour l'appréciation des demandes.

Que ce soit au niveau suisse ou au niveau international, il est de plus en plus fréquent que des projets de recherche se déroulent sur plusieurs sites. L'al. 2 du projet de loi prévoit qu'en Suisse les projets de recherche multicentriques sont soumis à l'examen d'une seule commission d'éthique cantonale. Cette pratique présente le double avantage d'être conforme à une disposition de la directive BPEC-CE (voir ch. 1.5.2) et d'éviter qu'un même projet ne fasse l'objet de plusieurs évaluations, avec des résultats éventuellement divergents. Désormais, l'examen du projet sera réalisé par la commission d'éthique compétente pour le lieu d'activité du coordinateur du projet en Suisse (appelée commission directrice). Le coordinateur du projet, qui devra être défini plus précisément dans la législation d'exécution, se voit ainsi doté en miroir de la même fonction que la commission directrice.

Selon l'al. 3, les commissions d'éthique compétentes pour les autres cantons ont uniquement pour mission de contrôler le respect des exigences relatives aux qualifications professionnelles du personnel (niveau de formation suffisant, expérience des chercheurs) et à l'exploitation du site (locaux, équipements). L'attribution de cette tâche aux commissions d'éthique compétentes pour les autres sites de recherche se justifie dans la mesure où ce sont elles qui sont le mieux à même d'examiner et d'évaluer les conditions prévalant sur place.

La commission directrice est liée par l'avis des commissions d'éthique compétentes pour les sites de recherche concernés et doit tenir compte de leur évaluation lors de la procédure d'autorisation. Si l'une de ces commissions estime que les compétences professionnelles d'un chercheur d'un site de recherche prévu dans un autre canton sont insuffisantes, la commission directrice n'a pas le droit d'autoriser les travaux de recherche sur le site en question. Cette manière de procéder garantit qu'une recherche pourra uniquement être conduite sur un site qui satisfait aux exigences requises en matière de qualifications professionnelles et d'exploitation. Les commissions d'éthique compétentes pour les autres
sites de recherche peuvent se prononcer sur d'autres aspects de la requête et transmettre leur avis à la commission directrice. Ce peut être tout particulièrement utile lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des documents relatifs à l'information et au consentement rédigés dans une autre langue. Sur 7349

ces autres aspects de la requête, cependant, la commission directrice n'est pas tenue de prendre en compte le point de vue des commissions compétentes pour les autres sites de recherche. Pour le reste, en vertu de la compétence qui lui échoit (art. 48, al. 1), le Conseil fédéral règlera les détails des procédures.

Selon l'al. 4, la répartition des compétences entre les commissions d'éthique s'applique par analogie aux cas de réutilisation de matériel biologique et de données personnelles liées à la santé hors du cadre d'un projet de recherche au sens de l'art. 33 (voir également art. 44, al. 1, let. b). Par exemple, si du matériel et des données sont collectés dans plusieurs cantons pour être conservés dans une seule banque, la commission d'éthique compétente pour le lieu de conservation est seule responsable de l'appréciation complète du projet. Les commissions compétentes pour les autres cantons ont pour unique mission d'examiner les aspects locaux et de communiquer leur appréciation à la commission directrice.

2.8.4

Mesures des autorités (art. 47)

Après avoir accordé une autorisation, les commissions d'éthique doivent, si nécessaire, être en mesure d'intervenir en prenant des mesures adéquates pour protéger la sécurité et la santé des personnes concernées. Les informations correspondantes peuvent parvenir aux commissions d'éthique sous la forme de rapports, par exemple.

La présente disposition n'oblige toutefois pas les commissions d'éthique à exercer une surveillance active et complète de chaque projet de recherche.

L'al. 1 permet aux commissions d'arrêter un projet de recherche en révoquant son autorisation, de suspendre sa réalisation ou de le subordonner à des conditions supplémentaires. La mesure concrète doit obéir au principe de la proportionnalité.

Pour contribuer à établir les faits, le titulaire de l'autorisation est tenu, par l'al. 2, de fournir à la commission d'éthique tous les renseignements exigés et de mettre à sa disposition les documents requis. Le titulaire de l'autorisation ne peut pas demander d'indemnisation pour cela.

Le présent projet de loi renonce à doter les commissions d'éthique d'un arsenal complet d'instruments d'exécution et de surveillance. En conséquence, les mesures ou les sanctions allant plus loin que les instruments énoncés à l'al. 1 ou restreignant plus fortement les droits des titulaires d'une autorisation sont réservées aux autres autorités impliquées. On pense notamment aux restrictions applicables à l'exercice d'une profession ou à l'interdiction d'exercer une profession que peut prononcer l'autorité cantonale de surveillance compétente ou encore aux activités de surveillance de Swissmedic. L'al. 3 précise que les mesures des autorités compétentes de la Confédération et des cantons sont réservées.

L'al. 4 demande que les autorités et les commissions d'éthique impliquées s'informent mutuellement et coordonnent les mesures prises dans des cas concrets.

2.8.5

Procédure (art. 48)

Le Conseil fédéral est habilité à édicter des dispositions d'exécution lorsque l'application des réglementations internationales reconnues ou une exécution uniforme l'exige (al. 1). On peut penser ici plus particulièrement aux dispositions des 7350

traités internationaux et aux réglementations reconnues (par exemple ligne directrice ICH-GCP, normes EN ISO), dont l'application uniforme est impérative au regard de la dimension internationale de la recherche scientifique et de la réglementation des produits thérapeutiques. Concrètement, il y aura lieu de réglementer par voie d'ordonnance les documents à remettre, les délais d'évaluation ou encore la procédure en matière d'annonce et de rapports, pour ne citer que quelques aspects.

Le projet de loi prévoit une autorisation obligatoire pour tous les projets de recherche et pour la réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé selon l'art. 33. Néanmoins, le Conseil fédéral peut, conformément à l'al. 2, prévoir des exigences moins élevées en matière de procédure (par exemple décisions du président, simplifications du point de vue administratif) afin de prendre en considération les différents degrés de mise en danger des personnes et de protection nécessaire. La recherche à titre d'exemple sur du matériel ou des données préexistants selon les art. 31 et 32 fournit une indication des situations dans lesquelles une procédure simplifiée est envisageable.

Pour autant que la présente loi et ses dispositions d'exécution ne comportent pas de réglementations particulières, le droit de procédure des cantons (al. 3) s'applique pour la procédure par les commissions d'éthique.

2.8.6

Voies de droit (art. 49)

Les décisions des commissions d'éthique peuvent être contestées par les voies de recours prévues en droit cantonal, puis auprès du Tribunal fédéral (al. 1). Le législateur renonce à créer une instance spécifique pour les recours contre les décisions des commissions d'éthique, car leur nombre devrait rester très bas. Par ailleurs, l'expérience montre que ce sont surtout les aspects formels qui incitent les personnes à intenter une action et que les recours ne portent pas sur les questions de fond.

En outre, un pouvoir d'examen limité est conféré à l'instance de recours (al. 2) pour tenir compte du fait que celle-ci ne peut pas connaître suffisamment la matière pour procéder à un examen matériel détaillé. Les commissions d'éthique doivent donc pouvoir rendre des décisions définitives sur le plan matériel, en veillant à rester dans le cadre réglementaire de leur pouvoir d'appréciation.

2.9

Chapitre 9 Commissions d'éthique pour la recherche

2.9.1

Tâches (art. 50)

La loi fixe des exigences éthiques, scientifiques et juridiques auxquelles la recherche sur l'être humain doit satisfaire. Selon l'al. 1, il incombe désormais aux commissions d'éthique de la recherche, dans le cadre de leurs compétences mentionnées dans le chapitre précédent, de s'assurer pour chaque projet de recherche soumis à la présente loi que ces exigences sont respectées. Ainsi, les conseils de milice interdisciplinaires sont investis d'une mission publique en matière de politique de la santé73.

Le contrôle concerne, d'une part, l'examen des documents du projet dans le cadre de 73

Voir arrêté du Tribunal fédéral 2A.450/2002 du 4 juillet 2002, ch. 3.2.

7351

la procédure d'autorisation, avant le lancement du projet de recherche (voir art. 44, al. 1), ou avant que du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé conformément à l'art. 33 soient réutilisées (voir art. 44, al. 2); d'autre part, les commissions d'éthique doivent également pouvoir intervenir en cours de réalisation d'un projet de recherche ou pendant la réutilisation selon l'art. 33, lorsque des annonces ou des informations leur parvenant le justifient (voir art. 45 et 47).

Pour le reste, les tâches de surveillance incombant aux commissions d'éthique avant et pendant la réalisation d'un projet de recherche ne modifient en rien la responsabilité découlant des activités de recherche: comme précédemment, la planification et la réalisation en bonne et due forme d'un projet de recherche relèvent de la responsabilité des chercheurs. Ceux-ci sont également responsables d'éventuelles irrégularités. Les commissions d'éthique ­ comme les autres autorités ­ peuvent être poursuivies dans le cadre des lois régissant la responsabilité de l'Etat si elles n'assument pas correctement leur fonction de contrôle et de surveillance. La responsabilité individuelle des membres des commissions est régie par les réglementations applicables (statut des fonctionnaires ou loi sur le personnel).

Selon l'al. 2, les commissions d'éthique peuvent prendre position sur des projets de recherche sur l'être humain non soumis à la présente loi lorsqu'elles sont sollicitées à cet effet. Elles interviennent uniquement en qualité de conseil. Il peut, par exemple, s'avérer judicieux de soumettre un projet de recherche conçu en Suisse à l'examen d'une commission d'éthique suisse lorsque celui-ci doit être réalisé dans un pays tiers qui ne possède pas de commission d'examen, ou dont la commission n'est que partiellement opérationnelle. Les commissions doivent également pouvoir conseiller les chercheurs notamment pour des questions éthiques.

2.9.2

Indépendance (art. 51)

L'al. 1 prévoit que les commissions d'éthique prennent leurs décisions en toute indépendance; en particulier, elles ne sont pas soumises à des instructions émanant de l'autorité de surveillance visée à l'art. 53, al. 1.

Dans un souci de transparence et au regard de la clause d'abstention, l'al. 2 demande aux membres des commissions d'éthique d'indiquer les intérêts qui les lient (par exemple fonctions exercées dans des hôpitaux ou d'autres instituts de recherche, appartenance à des organismes de promotion de la recherche scientifique ou à des entreprises du domaine économique). Chaque commission d'éthique a l'obligation de tenir à ce sujet un registre accessible au public.

L'impartialité et l'indépendance des commissions d'éthique sont les gages d'une activité décisionnelle de qualité. Aussi l'al. 3 précise-t-il que les membres des commissions s'abstiennent de participer à une évaluation lorsqu'ils sont concernés par un projet de recherche. La question de savoir si une personne est concernée par un projet doit être appréciée au cas par cas. A cet égard, il faut également tenir compte du caractère de milice des commissions et de l'ancrage régional des membres qui les composent.

7352

2.9.3

Composition (art. 52)

Pour effectuer un travail de qualité et si l'on veut que les décisions rendues soient acceptées par les chercheurs, les commissions d'éthique chargées d'examiner les projets de recherche doivent disposer des compétences et des connaissances techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches. Il incombe donc aux cantons de faire en sorte que ces commissions possèdent les compétences et les connaissances techniques requises en tenant compte des différents domaines de la recherche (al. 1). Pour cette raison, le projet précise que les commissions d'éthique doivent, comme précédemment, être constituées en tant que conseils de milice interdisciplinaires, et nomme plusieurs domaines à titre d'exemple. Par ailleurs, chaque membre d'une commission ­ indépendamment de la spécialisation qu'il représente ­ doit posséder des connaissances de base sur la recherche sur l'être humain et savoir quelles sont les tâches et la fonction exercées par la commission d'éthique. En raison des pratiques différentes prévalant dans les cantons, la question de savoir si les patients seront représentés dans les commissions d'éthique est laissée à leur libre appréciation.

Lorsqu'une commission d'éthique ne possède par les connaissances nécessaires pour se prononcer sur des sujets rares ou pointus, la loi prévoit la possibilité de faire appel à des ressources externes, experts ou groupes d'experts (al. 2). Ceux-ci ont, du point de vue procédural, la position d'experts. Si, dans l'intérêt d'un système d'experts qui fonctionne, il ne doit pas être communiqué aux requérants quels experts ont pris position par rapport aux demandes individuelles, il est possible, en vertu de l'art. 47, de prévoir des mesures de droit procédural, qui doivent toutefois respecter les droits des requérants (par exemple liste à l'intention des requérants avec les noms des experts et la possibilité de refuser).

Dans le cadre de la législation d'exécution, le Conseil fédéral est habilité à édicter des dispositions supplémentaires concernant la composition de la commission d'éthique et les exigences posées à ses membres (al. 3). Ainsi, il lui appartiendra de préciser quels domaines de la médecine doivent être représentés au sein d'une commission pour qu'elle puisse décider valablement. Notamment en vue de la reprise des tâches de la commission
d'experts pour le secret professionnel dans la recherche médicale, il faut veiller à des connaissances solides dans le domaine de la protection des données. Au niveau de l'ordonnance, il faut également établir que des membres disposant d'une compétence de recherche, notamment en ce qui concerne la méthode de recherche et la biométrie, soient représentés. Les exigences en rapport avec la formation et le perfectionnement des membres de la commission devront également être précisées. Il faudra également veiller à une représentation des deux sexes. A cet égard, le Conseil fédéral se référera aux réglementations reconnues au niveau international.

2.9.4

Organisation et financement (art. 53)

En vertu de l'al. 1, chaque canton désigne la commission d'éthique compétente sur son territoire et les membres qui la composent. Le canton choisit librement les compétences et les procédures internes qui régissent la désignation et l'élection des membres de la commission. De plus, il assume la surveillance de la commission désignée par lui. Etant donné que cette commission rend ses décisions en toute 7353

indépendance (art. 51), la surveillance exercée par le canton porte principalement sur des aspects administratifs, organisationnels et financiers.

L'al. 2 exprime qu'il peut s'avérer judicieux de regrouper les ressources disponibles pour assurer la disponibilité des compétences requises. Cette disposition prévoit donc explicitement la possibilité d'une collaboration intercantonale. Les cantons peuvent donc instituer une commission d'éthique commune à deux ou plusieurs cantons ou reconnaître la compétence d'une commission d'éthique d'un autre canton sur leur territoire cantonal. Le droit fédéral demande en outre aux cantons de ne désigner qu'une seule commission d'éthique responsable des activités de recherche.

Cette disposition n'exclut pas la possibilité d'instituer deux départements au sein d'une commission, ou même davantage, si le volume de travail lui incombant l'exige. En revanche, il s'agit d'éviter que des commissions d'éthique soient uniquement compétentes pour un hôpital ou un domaine donné et qu'il en résulte une pratique non uniforme ou des problèmes en rapport avec l'indépendance des membres de la commission. Par ailleurs, une procédure à deux niveaux qui prévoit une confirmation (généralement formelle) de la décision de la commission d'éthique par une commission supérieure n'est pas acceptable.

L'al. 3 donne au Conseil fédéral la compétence de définir le nombre minimal de projets de recherche qu'une commission d'éthique doit évaluer chaque année. Cette disposition renvoie à la complexité des domaines à traiter et aux progrès rapides réalisés par la science: les commissions d'éthique qui n'évaluent qu'un petit nombre de projets de recherche par année peuvent, à la longue, ne plus avoir les compétences et les connaissances techniques nécessaires à un travail efficace et de qualité.

Selon toute vraisemblance, le Conseil fédéral n'interviendra que dans la mesure où les insuffisances d'une commission d'éthique résultent effectivement du faible nombre de demandes traitées et si le canton concerné n'a pas déjà pris des mesures pour remédier à cette situation (par exemple dans le cadre d'une collaboration intercantonale).

L'al. 4 prévoit que chaque commission est dotée d'un secrétariat scientifique. Cette disposition amènera les commissions d'éthique qui n'étudient qu'occasionnellement
des projets de recherche à envisager une collaboration avec leurs homologues d'autres cantons. Etant donné que les commissions restent des autorités de milice et que leurs membres doivent avant tout se concentrer sur l'examen de questions matérielles, il est indispensable de confier à un secrétariat compétent le soin d'examiner préalablement les dossiers (vérifier que l'ensemble des pièces y figure), de répondre aux questions des chercheurs et d'assurer le suivi des tâches administratives. Le personnel du secrétariat doit compter au moins une personne au bénéfice d'une formation scientifique ou académique. Par ailleurs, la question de savoir s'il y a lieu de professionnaliser (même partiellement) la présidence de la commission d'éthique est laissée à l'appréciation des cantons. Enfin, les dispositions fédérales énoncent qu'un règlement doit être élaboré et que celui-ci doit être accessible au public.

Selon l'al. 5, le financement des commissions d'éthique (y compris la mise à disposition de l'infrastructure nécessaire et de ressources en suffisance) est du ressort des cantons. Actuellement, les commissions d'éthique s'autofinancent en grande partie grâce aux émoluments qu'elles perçoivent. Cette pratique peut parfaitement être maintenue. Le choix est également laissé aux cantons de financer le fonctionnement des commissions en leur versant une somme de base déterminée ou de fixer le montant des émoluments de manière à couvrir l'intégralité des frais des commis7354

sions d'éthique (dépenses de personnel, indemnisation des membres, frais d'infrastructure, de formation et de perfectionnement inclus).

2.9.5

Coordination et information (art. 54)

La loi vise notamment à améliorer la coordination entre les commissions d'éthique, d'une part, et entre les commissions d'éthique et les autres autorités de contrôle, d'autre part (par exemple Swissmedic). Il est notamment prévu de créer une plateforme d'échange pour que les commissions d'éthique puissent débattre de problématiques actuelles et élaborer des solutions concertées si elles le jugent utile. Cet instrument pourra également favoriser une harmonisation dans le domaine des mesures de formation et de perfectionnement des membres des commissions d'éthique.

L'al. 1 stipule que le travail de coordination incombe à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et que celui-ci peut confier cette tâche à des tiers.

Pour offrir une vue d'ensemble du travail des commissions d'éthique et de l'évolution des activités de recherche à l'échelle nationale, les commissions sont tenues de présenter un rapport d'activité annuel à l'OFSP (al. 2). Y figureront, en particulier, le nombre de projets de recherche vérifiés, leur traitement (conditions supplémentaires à remplir, mesures requises, etc.) et la répartition des demandes entre les différents domaines de recherche (essais cliniques de médicaments, recherche en chirurgie, etc.).

Selon l'al. 3, l'OFSP publie une liste des commissions d'éthique désignées par les cantons. Il informe également le public de l'activité de ces commissions en se fondant sur les rapports d'activité que celles-ci lui remettent et sur son propre travail de coordination.

Une harmonisation à l'échelle nationale est indiquée surtout en ce qui concerne les aspects formels, comme les formulaires. Des concertations entre les commissions d'éthique et d'autres autorités spécialisées peuvent aussi se révéler utiles pour d'autres domaines matériels. A cet égard, l'al. 4 prévoit que l'OFSP, en sa qualité d'organe de coordination, peut édicter des recommandations; il agira toujours en accord avec les commissions et les autres autorités concernées. Les recommandations de l'OFSP n'ont pas de caractère obligatoire; la compétence décisionnelle des commissions d'éthique cantonales et des autres autorités de contrôle est ainsi préservée.

2.10

Chapitre 10 Transparence et protection des données

2.10.1

Enegistrement (art. 55)

Dans l'intérêt de la transparence de la recherche et afin d'éviter les redondances, les projets de recherche autorisés doivent être répertoriés dans un registre public (al. 1).

Ainsi, la population intéressée peut, d'une part, se tenir informée des activités de recherche en Suisse. D'autre part, chaque projet mené dans notre pays peut être clairement identifié grâce à son enregistrement, permettant ainsi d'éviter la répétition d'études similaires et de favoriser l'échange entre les chercheurs. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions à cette obligation, par exemple si l'inscription au 7355

registre dans un domaine spécifique n'est significative ni pour les chercheurs, ni pour le public. Il faut établir que d'éventuels droits à la propriété intellectuelle ­ on pense ici en premier lieu aux droits des brevets ­ ne soient pas compromis par l'obligation d'enregistrement.

Les études menées en Suisse doivent, dans la mesure du possible, être enregistrées en prenant en considération les registres internationaux existants. Cela s'avère judicieux non seulement en raison du caractère international de la recherche, mais aussi parce que cela permet d'informer toute personne intéressée, hors de nos frontières, sur des maladies ou des traitements spécifiques. Le Conseil fédéral définit le registre ou le portail déterminant et en indique les modalités d'accès, par exemple au moyen d'un portail consacré aux études. En outre, il est habilité à préciser le contenu, l'obligation d'annoncer et la procédure à suivre, à savoir quelle est la personne responsable de la déclaration d'un projet autorisé (al. 2). Dans la plupart des registres existants, une déclaration est effectuée par le chercheur ou le promoteur luimême, avant le début des travaux liés à un projet de recherche. Dans le cas de projets de recherche multicentriques également, les études ne doivent généralement être enregistrées qu'une seule fois. Lors de la détermination de la procédure de déclaration, il importe de prendre en compte les réglementations reconnues qui s'appliquent aux registres existants.

Conformément à l'al. 3, le Conseil fédéral peut déterminer s'il confie l'établissement et la gestion des registres à l'administration fédérale ou à des tiers (let. a).

En outre, il peut prévoir l'enregistrement des résultats de recherche (let. b). Une petite partie seulement des projets de recherche effectués et de leurs résultats est publiée dans les revues scientifiques. Souvent, ce sont uniquement les études à retombées positives qui sont prises en compte en vue d'une publication. L'enregistrement d'un résumé de tous les résultats de la recherche obtenus, donc également des résultats négatifs, permettra aux spécialistes et au public de prendre connaissance en détail des résultats de l'ensemble des projets de recherche.

2.10.2

Obligation de garder le secret (art. 56)

Par cette disposition, toutes les personnes chargées de l'exécution de la présente loi sont soumises à l'obligation de garder le secret. Elle vaut donc pour les personnes dont les rapports de service sont régis par le droit public, les membres des organes d'exécution et toute autre personne à laquelle il est fait appel pour des tâches particulières (par exemple l'évaluation). Elle s'applique au niveau fédéral et aux organes d'exécution (en premier lieu les commissions d'éthique).

Une violation de l'obligation de garder le secret est sanctionnée par les art. 320 CP (violation du secret de fonction) ou éventuellement également 321 CP (violation du secret professionnel).

2.10.3

Traitement des données personnelles (art. 57)

Dans l'accomplissement de leurs tâches, les commissions d'éthique et les autres organes d'exécution doivent avoir également accès à ces données sensibles. La disposition habilite les organes d'exécution à traiter des données sensibles; ils peu7356

vent donc les collecter, les conserver, les exploiter, les archiver ou les détruire (voir art. 3, let. e, LPD). Il va de soi que les organes d'exécution doivent pour ce faire s'en tenir aux dispositions de protection des données des cantons ou de la Confédération.

2.10.4

Communication de données (art. 58)

L'al. 1 règle les cas dans lesquels des données qui ne concernent pas un cas particulier peuvent être communiquées également sans demande. La communication réciproque de données entre les autorités d'exécution en Suisse (let. a) est indispensable afin que l'exécution de la loi relative à la recherche sur l'être humain puisse être coordonnée. Parmi les organes participant à l'exécution, on compte en première ligne les commissions d'éthique, puis l'OFSP avec la principale fonction de coordinateur (s'il ne confie pas cette fonction à un tiers). De plus, les données peuvent, dans certains cas, également être communiquées aux autorités d'instruction pénale (let. b). L'al. 2 règle les cas dans lesquels des données ne peuvent être communiquées que si le destinataire a soumis une demande écrite motivée pour le cas particulier.

L'al. 3 prévoit que les données qui sont d'un intérêt général et qui se rapportent à l'application de la présente loi, peuvent être publiées si les personnes concernées ne sont pas identifiables. L'al. 4 établit dans quels autres cas les données peuvent être communiquées à des tiers. Ainsi, les données qui ne se rapportent pas à des personnes peuvent être communiquées pour autant que leur communication réponde à un intérêt prépondérant (let. a). Peuvent également être communiquées les données personnelles à condition que la personne concernée ait donné, dans chaque cas, sont consentement par écrit (let. b).

L'al. 5 garantit que seules les données nécessaires à l'usage prévu peuvent être communiquées. Enfin, l'al. 6 précise que le Conseil fédéral règle les modalités de la communication et l'information des personnes concernées.

2.10.5

Transmission à des autorités étrangères et à des organisations internationales (art. 59)

Considérant la dimension internationale de la recherche, la collaboration de la Suisse avec l'étranger dans les différents domaines touchés par la présente loi requerra aussi un échange de données et d'informations avec les autorités et les institutions étrangères et avec les organisations internationales. Dans le domaine des médicaments, en particulier, il existe des banques de données européennes dans lesquelles sont enregistrés des données et des documents provenant d'essais cliniques réalisés dans toute l'Europe. Par contre, il est interdit d'échanger des données issues de demandes d'autorisation et de décisions à des institutions privées qui ne sont pas chargées de tâches publiques.

Les données confidentielles peuvent être transmises dans le cadre d'accords de droit international (par exemple accords internationaux, conventions, décisions; al. 1, let a). En outre, elles peuvent être transmises si un risque imminent pour la vie ou pour la santé peut être ainsi écarté (let. b) ou dans le but de découvrir des infractions graves à la présente loi (let. c). Le Conseil fédéral réglemente plus précisément la répartition des compétences et la procédure pour l'échange des données avec les 7357

autorités et les institutions étrangères et avec les organisations internationales (al. 2).

Au préalable, il consulte les milieux concernés.

2.10.6

Evaluation (art. 60)

L'al. 1 stipule que l'office doit évaluer l'efficacité de la présente loi, sur la base de l'art. 170 Cst. Le contrôle de l'efficacité et l'évaluation doivent permettre d'établir scientifiquement si, et dans quelle mesure, les mesures répondent effectivement aux attentes et atteignent les objectifs visés par la loi. Dans le présent contexte, il s'agit d'identifier les forces et les faiblesses de la loi, d'évaluer ses effets dans l'optique de la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche, mais aussi par rapport aux conditions de la recherche en Suisse, et, enfin, de soumettre des recommandations en vue d'une amélioration.

A l'issue de l'évaluation, le Département fédéral de l'intérieur doit présenter au Conseil fédéral un rapport sur les résultats (al. 2) visant à assurer la coordination à ce niveau. Le Conseil fédéral est ainsi en mesure de remplir le devoir qu'il a de vérifier, à l'intention du législatif, l'efficacité des mesures prises. Cette procédure confère aussi une base matérielle aux éventuelles activités déployées par les organes législatifs en matière d'évaluation.

2.11

Chapitre 11 Dispositions pénales

Le projet de loi s'aligne sur la partie générale du code pénal et fait la distinction entre les délits (art. 61) et les contraventions (art. 62) en fonction de la gravité de l'infraction. Les délits sont des infractions passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire (art. 10, al. 3, CP) et qui sanctionnent les atteintes portées à des biens de grande valeur. Les contraventions, en tant qu'infractions passibles d'amendes (art. 103 CP), protègent en revanche d'atteintes moins graves à l'ordre juridique.

Outre les art. 61 et 62, les dispositions pénales d'autres lois fédérales peuvent être appliquées en complément.

2.11.1

Délits (art. 61)

La présente disposition prévoit une peine pour les actes qui peuvent entraîner une mise en danger de la santé des personnes concernées. Elle recense également les comportements particulièrement répréhensibles du point de vue éthique.

Selon l'al. 1, let. a, commet un délit quiconque, intentionnellement, réalise un projet de recherche sans l'autorisation de la commission d'éthique compétente ou qui le fait en s'écartant du plan de recherche autorisé, mettant ainsi en danger la santé des personnes concernées (délit de mise en danger concrète). Tel est le cas lorsqu'une atteinte à la santé de la personne concernée est probable ou très vraisemblable dans l'ordre normal des choses. La mise en danger n'est pas le fait d'une autorisation manquante de la commission d'éthique ou d'un écart par rapport au plan de recherche, mais bien de la nature du projet de recherche en lui-même. Si le danger se 7358

concrétise et qu'il y a effectivement atteinte à la santé, les dispositions de la partie spéciale du code pénal sur les infractions contre la vie et l'intégrité corporelle s'appliquent (art. 111 ss CP). En l'absence de mise en danger de la santé, il y a contravention selon l'art. 62, al. 1, let. a.

Commet également un délit quiconque réalise un projet de recherche conformément aux chapitres 2, 3, 5 et 6 sans disposer du consentement requis par la présente loi (let. b). Cette disposition protège le droit de disposer de son propre corps ou le droit à l'intégrité physique.

Quiconque cède ou acquiert un corps humain ou des parties de corps humain contre rémunération commet également un délit (let. c). Le commerce de matériel biologique est considéré comme contraire aux moeurs.

La réalisation d'un projet de recherche qui a pour but de modifier les caractéristiques d'un embryon ou d'un foetus sans rapport avec une maladie est interdite en vertu de l'art. 24. La pénalisation de cette interdiction (let. d) se justifie du fait que, dans le cas présent, des principes élémentaires tels que la dignité humaine sont transgressés et que la recherche de ce type est considérée comme particulièrement répréhensible par la société. Preuve en est l'inscription dans la Constitution (voir art. 119, al. 2, let. a, Cst.) de l'interdiction de clonage et de l'interdiction de toute intervention dans le patrimoine génétique de gamètes et d'embryons humains.

Enfin, selon la let. e, commet un délit quiconque utilise dans un projet de recherche des foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, avant que le décès n'ait été constaté.

Lorsqu'une des infractions citées est commise par métier, l'al. 2 prévoit une peine privative de liberté de trois ans au maximum, à laquelle doit s'ajouter une peine pécuniaire. Selon l'al. 3, la peine est ramenée à une peine pécuniaire de 180 joursamende au plus lorsque l'auteur agit par négligence.

2.11.2

Contraventions (art. 62)

Conformément à l'al. 1, let. a, est passible de l'amende quiconque commet l'infraction visée à l'art. 61, al. 1, let. a, sans mettre pour autant en danger la santé de la personne concernée. Les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis dès lors qu'une autorisation de la commission d'éthique compétente fait défaut ou que le projet de recherche a été réalisé en s'écartant du plan de recherche autorisé.

Commet une infraction visée à la let. b quiconque rémunère une personne pour sa participation à un projet de recherche avec bénéfice direct escompté, car cela porte atteinte à l'autonomie de la personne concernée dans une mesure excessive (et ainsi punissable). Enfin, est punissable quiconque exige ou accepte une prestation pécuniaire d'une personne pour sa participation à un projet de recherche.

Commet également une infraction quiconque réutilise du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé sans le consentement ou l'information requis en vertu de la présente loi, sauf si les conditions visées à l'art. 33 (let. c) sont remplies.

La punissabilité réside dans l'atteinte au droit de la personnalité ou de l'autodétermination en termes d'information. Si la réutilisation s'accompagne d'une révélation du secret professionnel, alors la punissabilité de cette révélation est réglementée par le code pénal (art. 320 ss).

7359

La let. d prévoit une peine pour l'anonymisation de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé à l'inverse de l'interdiction d'anonymisation suivant les art. 14, al. 1, et 34, al. 1. La raison en est le non-respect ainsi occasionné du droit à l'information concernant d'éventuelles maladies graves, existantes ou susceptibles de survenir, qui pourrait être bénéfique pour la personne concernée.

Enfin, commet une infraction quiconque transmet à des fins autres que la recherche du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé sans base légale et sans le consentement nécessaire (let. e). La punissabilité résulte dans ce cas de l'atteinte du droit à l'autodétermination en termes d'information ou de la violation du principe de légalité compte tenu du fait qu'il s'agit de données extrêmement sensibles.

L'al. 2, en dérogation à l'art. 109 CP, fixe le délai de prescription de la poursuite et de la peine à cinq ans. Ce prolongement des délais se justifie par la durée des investigations nécessaires à l'établissement des faits.

2.11.3

Compétences et droit pénal administratif (art. 63)

L'al. 1 énonce que la poursuite des infractions à la loi relative à la recherche sur l'être humain et à ses dispositions d'exécution incombe aux cantons. En relation avec les essais cliniques sur les médicaments, relevons toutefois que, dans le domaine d'exécution de la Confédération, la poursuite des infractions visées aux art. 86 ss de la loi sur les produits thérapeutiques incombe à l'Institut des produits thérapeutiques (voir art. 90, al. 1, de la loi sur les produits thérapeutiques). La loi relative à la recherche sur l'être humain ne remet pas en cause cette compétence.

En vertu de son art. 1, la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA)74 ne s'applique directement que lorsque la poursuite et le jugement des infractions incombent à une autorité administrative fédérale. L'al. 2 déclare les art. 6, 7 et 15 DPA également applicables par les autorités cantonales de poursuite pénale. En dérogation à la partie générale du code pénal, applicable pour le reste, les art. 6 et 7 DPA instaurent une réglementation spéciale pour les infractions commises dans les entreprises et par un mandataire. L'art. 6 DPA permet de mettre en cause plus facilement la direction de l'entreprise puisqu'il prévoit qu'en cas d'infraction commise dans l'entreprise, le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté sont punissables à certaines conditions, en sus de la personne physique qui a commis l'infraction. La disposition spéciale de l'art. 7 DPA permet ainsi, dans les cas de faible gravité (notamment lorsque l'amende ne dépasse pas 5000 francs ou si une enquête rendrait nécessaires des mesures d'instruction hors de proportion avec la peine encourue), de renoncer à poursuivre les personnes punissables selon l'art. 6 DPA et de condamner l'entreprise à leur place. L'art. 15 DPA (faux dans les titres, obtention frauduleuse d'une constatation fausse) définit une forme particulière du faux dans les titres selon l'art. 251 CP qui se rapporte spécialement à la législation administrative fédérale. La peine encourue est plus légère que celle prévue à l'art. 252 CP, mais les éléments constitutifs sont plus étendus, car ils englobent notamment la tromperie de l'administration.

74

RS 313.0

7360

2.12

Chapitre 12 Dispositions finales

2.12.1

Modification du droit en vigueur (art. 64)

Les dispositions modifiant le droit en vigueur sont présentées en annexe, étant donné qu'elles représentent plus d'une page.

2.12.2

Dispositions transitoires (art. 65)

Un projet de recherche en cours qui a déjà reçu l'autorisation de la commission d'éthique cantonale compétente peut être poursuivi après l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'à l'expiration de l'autorisation (al. 1).

Au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, certains projets de recherche, soumis désormais à autorisation, devraient être en cours de réalisation sans avoir été évalués au préalable par une commission d'éthique cantonale reconnue, par exemple s'ils n'ont pas été inclus dans le champ d'application des dispositions du droit fédéral ou cantonal en vigueur jusqu'à cette date. Pour des raisons d'égalité des droits et de protection équivalente des personnes concernées, ces projets doivent, en vertu de l'al. 2, être présentés à la commission d'éthique compétente à des fins d'examen et d'autorisation dans les six mois qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi.

Cette disposition s'applique aussi aux projets qui ne disposent que d'une autorisation de la commission d'experts relative au secret professionnel en matière de recherche médicale. Cette réglementation permet d'éviter qu'en raison de projets lancés à des dates différentes, la protection des personnes concernées ne soit pas contrôlée des années durant et que des projets de recherche ne soient pas traités équitablement.

Les autorisations particulières au sens de l'art. 2, limitées et délivrées par la commission d'experts avant l'entrée en vigueur de la présente loi, ainsi que les autorisations générales octroyées aux hôpitaux, cliniques et instituts médicaux (autorisations délivrées aux cliniques) selon l'art. 3, al. 1, de l'ordonnance du 14 juin 1993 concernant les autorisations de lever le secret professionnel en matière de recherche médicale (OALSP)75 restent valables jusqu'à leur expiration (al. 3, 1re phrase). Pour les autorisations illimitées, c'est-à-dire principalement les autorisations concernant les registres médicaux au sens de l'art. 3, al. 3, OALSP (par exemple les registres du cancer), mais aussi pour les autorisations particulières selon l'art. 2 OALSP, une demande en vue d'obtenir une autorisation au sens de l'art. 44, al. 1, doit être déposée auprès de la commission d'éthique compétente dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi (al. 3, 2e phrase). Pour ce qui est des
registres médicaux, l'autorisation est délivrée lorsque les conditions visées à l'art. 33 sont remplies.

Le Conseil fédéral a la charge de concevoir la disposition transitoire relative au registre des projets de recherche au sens de l'art. 55, réalisés au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi (al. 4). Ainsi, la souplesse nécessaire en la matière est également assurée dans les dispositions transitoires.

75

RS 235.154

7361

2.12.3

Référendum et entrée en vigueur (art. 66)

La présente loi constitue un acte législatif qui, selon l'art. 141, al. 1, let. a de la Constitution fédérale, est sujet au référendum (al. 1). Selon l'al. 2, il incombe au Conseil fédéral de fixer la date de son entrée en vigueur.

2.13

Commentaire de l'annexe du projet de loi

2.13.1

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données76

Art. 32 Conformément à l'art. 32, la fonction de préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) disparaît du fait de la suppression de la Commission d'experts du secret professionnel en matière de recherche médicale selon l'art. 321bis du code pénal et du transfert de ses tâches aux commissions cantonales d'éthique pour la recherche (à quelques exceptions près, voir ch. 2.4.3). L'activité de conseil prévue à l'al. 1 est supprimée, car il n'appartient pas au préposé fédéral de conseiller des autorités cantonales.

Le PFPDT doit également être libéré de toutes les tâches énoncées à l'art. 32: le respect des autorisations est surveillé en premier lieu par les commissions d'éthique; en outre, le préposé n'a pas la compétence d'attaquer les décisions rendues par les autorités cantonales, et l'information des patients quant à leurs droits est renforcée par l'activité de contrôle des commissions d'éthique (al. 4).

2.13.2

Code pénal77

L'extension de la sanction selon l'art. 321 CP aux personnes qui sont actives dans la recherche effectuée dans le domaine de la médecine ou de la santé doit être limitée au champ d'application de la présente loi, c'est-à-dire à la recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain (modification de l'al. 1); en effet, jusqu'ici, il incombait à la Commission d'experts du secret professionnel en matière de recherche médicale de délivrer une éventuelle autorisation de substitution pour lever le secret médical; or cette commission disparaît avec l'entrée en vigueur de la présente loi. Ses tâches sont reprises par les commissions cantonales d'éthique pour la recherche. Celles-ci ne peuvent toutefois pas délivrer d'autorisations dont la portée va au-delà du champ d'application de la présente loi.

Les domaines de la formation de base, de la formation continue et de l'assurance de la qualité font entre autres partie des tâches allant au-delà du champ d'application.

Selon la pratique en vigueur au sein de la commission d'experts, ces activités sont qualifiées de «recherche dans les domaines de la médecine et de la santé». Les requêtes formulées en vue de libérer un médecin du secret professionnel doivent être adressées aux autorités cantonales compétentes en matière de libération du secret médical.

76 77

RS 235.1 RS 311.0

7362

Les dispositions qui régissent les conditions et la procédure en matière de levée du secret professionnel dans le domaine de la recherche médicale ainsi que l'organisation de la commission d'experts concernée figurant aux al. 2 à 7 sont biffées, car la réglementation correspondante figure désormais à l'art. 33 et les tâches de la commission d'experts sont confiées, à quelques exceptions près, aux commissions d'éthique pour la recherche. L'al. 2 traite désormais de l'autorisation de lever le secret professionnel selon l'art. 321 CP dans la mesure où les exigences posées par l'art. 33 de la loi relative à la recherche sur l'être humain sont remplies et que la commission d'éthique compétente a délivré une autorisation correspondante, indiquant explicitement qu'elle a accepté la réutilisation et la révélation.

2.13.3

Loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine78

Art. 1, al. 3 Toutes les analyses génétiques à des fins de recherche sont désormais régies par la loi relative à la recherche sur l'être humain.

Art. 20, al. 2 et 3 La transmission de données génétiques à des fins de recherche étant également régie par la loi relative à la recherche sur l'être humain, les al. 2 et 3 peuvent être biffés.

2.13.4

Loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation79

Art. 36 Du point de vue de son contenu, cette disposition sur les essais cliniques de transplantation d'organes, de tissus et de cellules d'origine humaine correspond aux art. 53 et 54 modifiés de la loi sur les produits thérapeutiques; elle s'en distingue uniquement par le fait que la demande d'autorisation doit être déposée auprès de l'Office fédéral de la santé publique (et non pas auprès de l'Institut suisse des produits thérapeutiques). Renvoi est fait aux commentaires correspondants.

78 79

RS 810.12 RS 810.21

7363

2.13.5

Loi du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur les cellules souches80

Art. 7, al. 2, let. a Le présent projet de loi prévoit systématiquement une autorisation de la commission d'éthique compétente. Pour cette raison, il y a lieu de soumettre la production de cellules souches à une autorisation de la commission d'éthique et non pas à un simple avis favorable, comme c'est le cas actuellement.

Art. 9, al. 1, let. c Pour les mêmes raisons, «avis favorable de la commission d'éthique» est remplacé par «autorisation de la commission d'éthique».

Art. 11, al. 1 et 2 Ces dispositions utilisent la nouvelle terminologie (autorisation au lieu d'avis favorable) et renvoient à la loi relative à la recherche sur l'être humain en ce qui concerne la compétence et l'organisation des commissions d'éthique, ainsi que la procédure applicable.

2.13.6

Loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques81

Art. 53 Désormais, la réalisation d'essais cliniques de produits thérapeutiques sur l'être humain se conforme à la fois aux dispositions de la loi relative à la recherche sur l'être humain et à celles de la loi sur les produits thérapeutiques. Une indication correspondante, à caractère déclaratoire, figure à l'art. 53. Alors que la loi relative à la recherche sur l'être humain réglemente les exigences générales applicables à tous les projets de recherche sur des personnes, la loi sur les produits thérapeutiques ne contient que les dispositions spécifiques du domaine des médicaments (en particulier la procédure d'annonce et d'autorisation). Comme jusqu'à présent (voir art. 5 OClin), le Conseil fédéral définira précisément les essais cliniques par voie d'ordonnance dans le cadre de sa compétence d'édicter les dispositions d'exécution de la loi.

Art. 54 L'al. 1 prévoit de soumettre les essais cliniques de produits thérapeutiques au régime de l'autorisation. Cette disposition correspond donc à l'actuel art. 54, al. 3, de la loi sur les produits thérapeutiques, qui ne prescrit formellement qu'une obligation d'annoncer. Cependant, dans la pratique de l'institut, la requête déposée avec l'annonce n'est pas uniquement archivée, elle est soumise à un examen régulier. A titre de réponse à la demande, une notification est envoyée, et un numéro de réfé80 81

RS 810.31 RS 812.21

7364

rence est délivré. Il s'agit, sur le fond, d'une activité d'autorisation comme le texte normatif doit le mentionner dorénavant. Quant à la forme, les essais cliniques de thérapie génique somatique et les substances thérapeutiques contenant des microorganismes génétiquement modifiés sont déjà soumis à une autorisation impérative.

Par ailleurs, le Conseil fédéral doit, comme jusqu'ici, pouvoir soustraire certains essais au régime de l'autorisation ou prévoir une obligation d'annoncer en lieu et place d'une autorisation obligatoire.

L'al. 2 définit les devoirs de l'institut ­ et par là-même les conditions d'autorisation, avec, pour objectif, de supprimer autant que faire se peut les doublons entre les commissions d'éthique et l'institut lors de l'examen des essais cliniques de médicaments. Il s'agit, par ailleurs, d'éviter d'éventuelles divergences d'appréciation.

L'institut est chargé d'effectuer des vérifications formelles, comme de contrôler le caractère complet des annonces et des demandes ou encore d'établir s'il s'agit effectivement d'un essai clinique avec des produits thérapeutiques. Sur le fond, par contre, il doit veiller à ce que les exigences posées soient conformes aux règles reconnues des bonnes pratiques cliniques et aux prescriptions spécifiques des produits thérapeutiques inscrites dans la loi sur les produits thérapeutiques. S'agissant de ce dernier point, il lui incombe ainsi de s'assurer qu'un produit thérapeutique a été produit et étiqueté selon les prescriptions en vigueur et que les risques ont été correctement évalués. Contrairement à la pratique antérieure (voir art. 54, al. 4, LPTh), l'institut n'est plus tenu de garantir le respect des exigences légales (par exemple le caractère complet, compréhensible et adapté de l'information donnée aux personnes); cette tâche incombe désormais aux commissions d'éthique, seules responsables en la matière, et qui ne peuvent s'en remettre à l'institut pour un deuxième contrôle. Il est incontestable que les aspects relevant spécifiquement des médicaments peuvent également concerner des domaines relevant de la compétence des commissions d'éthique, si bien que des recoupements continueront à se produire et que des échanges entre l'institut et les commissions d'éthique resteront nécessaires. L'institut peut, comme précédemment, grever un
essai clinique de charges si c'est nécessaire pour remplir les exigences mentionnées.

Conformément à l'al. 3, l'institut garde la compétence d'ordonner des inspections. Il conviendra de définir dans les dispositions d'exécution la manière dont les obligations de concertation et de coordination devront être structurées avec les commissions d'éthique compétentes (voir également l'obligation de coordonner selon l'art. 47, al. 3).

L'al. 4 constitue la base sur laquelle le Conseil fédéral se fonde pour introduire, dans le cadre des ordonnances, les règles de procédure (par exemple délais) et l'obligation d'autorisation en cas de modifications d'un essai clinique.

L'al 5 constitue la base sur laquelle le Conseil fédéral se fonde pour déterminer des obligations d'annoncer (relatives par exemple à la fin ou à l'interruption d'un essai clinique) ou des obligations d'établir un rapport (par exemple en cas de survenance de certains événements lors d'un essai clinique). Lorsqu'il édicte des directives, le Conseil fédéral doit, conformément à l'al. 6, toujours tenir compte des prescriptions internationales reconnues (par exemple la ligne directrice de l'ICH-GCP; voir ch. 1.6.5).

7365

Art. 55 à 57 Ces trois dispositions peuvent être biffées, puisque la recherche sur des personnes incapables de discernement, sur des personnes mineures et des personnes interdites, la recherche en situation d'urgence et l'organisation des commissions d'éthique sont régies par la loi relative à la recherche sur l'être humain.

Art. 84, al. 3 L'institut doit avoir qualité pour recourir contre les décisions rendues en dernière instance cantonale dans la mesure où celles-ci concernent des essais cliniques de produits thérapeutiques.

3

Conséquences du projet de loi

3.1

Conséquences sur les finances et le personnel

3.1.1

Introduction

En 2008, au cours de l'analyse d'impact de la réglementation, l'OFSP a chargé un partenaire externe d'étudier les conséquences qu'aurait sur la recherche et les institutions concernées une loi relative à la recherche sur l'être humain. Quatre cantons ont servi d'exemple, permettant de réaliser une analyse coûts-bénéfices qui compare la situation juridique et la pratique actuelles avec celles qui prévaudront avec l'entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l'être humain. Il s'agit de cantons ayant une activité de recherche intense (les deux Bâle), moyenne (St-Gall) et faible (les Grisons), représentatifs des autres cantons ayant une activité de recherche comparable. Ont été pris en compte les acteurs qui seront directement concernés par la loi relative à la recherche sur l'être humain, à savoir les pouvoirs publics (la Confédération et, pour les cantons, les commissions d'éthique avant tout), la recherche financée par l'économie privée, l'économie nationale, la population et la santé publique notamment. L'analyse se base sur des entretiens qualitatifs avec les parties concernées, sur le rapport explicatif relatif à l'avant-projet mis en consultation, sur les dispositions légales en vigueur dans les cantons et sur le test de compatibilité PME.82 Le commentaire ci-après tient compte de l'évaluation de l'OFSP, mais aussi des principales appréciations du partenaire externe.

3.1.2

Conséquences pour la Confédération

L'entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l'être humain confère de nouvelles tâches à la Confédération. En effet, celle-ci devra tenir un registre des projets de recherche ou ­ étant donné qu'il conviendra, dans la mesure du possible, de recourir aux registres existants ­ mettre au moins à disposition un accès («portail des études») qui répondra aux exigences posées en matière de transparence et d'information. De plus, elle sera chargée de préparer et d'assurer la coordination entre les commissions d'éthique compétentes et les autres autorités de contrôle.

82

Läderach P et Muller P, test de compatibilité PME sur l'avant-projet de loi relative à la recherche sur l'être humain, SECO, 2006; Rapport complet voir www.bag.admin.ch/themen/medizin.

7366

Enfin, il est prévu de procéder à l'évaluation de la loi après son entrée en vigueur.

Ces nouvelles tâches seront confiées à l'OFSP; il est également envisageable de les externaliser ou de déléguer certains travaux à des tiers. La délégation de certaines tâches d'exécution à des tiers n'aura pas d'effets quant aux coûts, puisque ces tiers seront indemnisés pour leur travail.

Les paragraphes suivants partent de l'hypothèse que la loi relative à la recherche sur l'être humain entrera en vigueur au début de l'année 2013. Les travaux pour la Confédération et les coûts qui en résulteront vraisemblablement sont répartis en trois phases: la phase de préparation de la mise en oeuvre (2010­2012), la première phase d'exécution suivant directement l'entrée en vigueur de la loi (2013­2015) et l'exécution à long terme (dès 2016). Les besoins en ressources supplémentaires pour l'exécution (à partir de 2013) tels que présentés devront être évalués plus précisément après avoir eu connaissance des résultats des délibérations parlementaires.

3.1.2.1

Registre des projets de recherche

La préparation de la mise en oeuvre du registre des projets de recherche et la création du «portail des études» nécessitent un effectif suffisant et des ressources techniques.

Les travaux préparatoires comprennent deux étapes: ­

la planification détaillée des travaux préparatoires ­ notamment la conception d'un processus informatique et sa concrétisation échelonnée ­ doit être lancée au second semestre 2010. Les ressources nécessaires pour ces travaux (1,3 poste) sont financées par le biais des moyens à disposition, par exemple en modifiant l'ordre des priorités;

­

les années 2011 et 2012 seront consacrées à la mise en place et à la création du «portail des études» (réalisation informatique). Cette étape durera jusqu'à la mise en ligne du portail (tests compris). Le besoin en personnel à la charge du crédit d'équipement est de 1,3 poste pour la préparation.

Une fois ce portail activé (dès 2013), il importera d'effectuer des travaux de maintenance et de mise à jour en s'appuyant sur l'évolution de la situation en matière de recherche sur l'être humain au niveau tant national qu'international. Les nouveautés et les mises à jour seront transmises par le biais d'un service de communication.

1,4 poste est compté pour l'exécution.

De plus, le développement technique du portail et sa mise sur pied occasionneront des coûts uniques s'élevant à 500 000 francs. Selon les enseignements tirés, les coûts annuels de maintenance et de mise à jour représenteront environ 20 000 francs. Ces coûts seront imputés sur les ressources engagées pour la charge de conseil en TI interne.

3.1.2.2

Coordination et information

Afin que les moyens auxiliaires les plus importants requis (par exemple les formulaires) puissent être à disposition des commissions d'éthique et des chercheurs au moment de l'entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l'être humain, , les travaux préparatoires doivent pouvoir commencer en 2012. Outre la mise à jour des moyens auxiliaires, d'autres tâches, telles que l'organisation des plates-formes 7367

d'échanges destinées à l'information réciproque et aux explications des autorités de contrôle, l'élaboration de recommandations relatives, selon les besoins, à des aspects matériels ou procéduraux et la préparation de cours de formation pour les membres des commissions, doivent être menées à bien durant la phase d'exécution (dès 2013).

Pour la phase de préparation de la mise en oeuvre, les charges de personnel s'élèveront, pendant une année, à 0,4 poste de collaborateur juridique et à 0,5 poste de collaborateur scientifique. A partir de l'entrée en vigueur de la loi en 2013, les charges de personnel augmenteront vraisemblablement à 1,3 poste au total. Les frais de conseil et d'exploitation seront imputés au crédit d'équipement existant.

3.1.2.3

Evaluation

Le processus relatif à l'évaluation de l'efficacité sera vraisemblablement conçu en 2012. Ce faisant, les coûts relatifs au personnel nécessaire à cette tâche pourront être compensés de manière interne. Pour les services de conseil dans le cadre de la conception, 100 000 francs sont prévus pour 2012. Les coûts liés au processus d'évaluation concomitante pour les années 2013 à 2015 seront entièrement compensés de manière interne. L'évaluation sommative et l'établissement d'un rapport final auront lieu dans les années 2016 à 2018. Les coûts correspondants sont estimés à 135 000 francs par année. Sont incluses dans ce montant les ressources en personnel nécessaires à l'évaluation (0,4 poste, correspondant à 65 0000 fr.) et 70 000 francs pour des mandats de conseil.

3.1.2.4

Récapitulatif des charges

L'estimation des coûts pour la Confédération est récapitulée en annexe sous la forme d'un tableau, dans lequel les chiffres mentionnés comprennent les prestations de l'employeur.

3.1.3

Conséquences pour les cantons

La répartition des tâches entre la Confédération et les cantons reste en l'état. Les cantons sont donc en outre compétents pour instituer les commissions d'éthique, les surveiller et assurer leur financement. L'augmentation ou la diminution de la charge de travail pour les commissions d'éthique cantonales se répercute donc ­ concrètement en fonction du modèle de financement cantonal ­ sur les finances du canton (dépenses supplémentaires ou économies).

L'analyse d'impact de la réglementation arrive à la conclusion que l'entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l'être humain entraînera globalement une diminution des charges pour les commissions d'éthique. D'une part, de nouvelles réglementations induisent une charge en personnel, financière et administrative plus importante. Ainsi, la mise sur pied d'un secrétariat scientifique engendrera des coûts plus élevés qu'aujourd'hui. Vu l'extension de leur domaine de compétences, les commissions d'éthique devront vraisemblablement examiner un peu plus de demandes (de l'ordre de 5 à 10 %). Juste après l'entrée en vigueur de la loi, notamment, les charges de conseil risquent d'augmenter. En effet, les chercheurs se renseigneront 7368

auprès des commissions d'éthique pour savoir si leurs projets de recherche sont ou non soumis à autorisation. Afin de travailler en couvrant leurs frais, les commissions d'éthique devraient notablement augmenter leurs émoluments.

D'autre part, la charge plus élevée sera plus que compensée par la diminution du nombre de demandes pour les études multicentriques. Aujourd'hui, 35 % de toutes les demandes déposées à la commission d'éthique des deux Bâle concernent des études multicentriques. La proportion atteint de 50 à 80 % à St-Gall et même 85 % à la commission d'éthique des Grisons. Avec la nouvelle loi relative à la recherche sur l'être humain, une seule commission d'éthique devra procéder à l'examen complet d'une demande. Par conséquent, toutes les autres commissions impliquées dans une étude multicentrique en seront déchargées. En outre, les résultats de l'analyse d'impact de la réglementation laissent à penser que les commissions d'éthique de moyenne et de grande importance pourraient traiter les demandes de manière plus efficace et professionnelle que les petites commissions. Ces dernières pourraient rencontrer des difficultés à financer un secrétariat scientifique et la formation continue de leurs membres. En ce sens, il faut s'attendre à un processus de concentration; les plus petites commissions, qui examinent aujourd'hui un nombre restreint de demandes, seront vraisemblablement dissoutes et fusionneront avec les plus grandes commissions d'éthique. Partant, les coûts diminueront pour les cantons où la recherche est moins développée, alors qu'ils croîtront pour les cantons qui connaissent une activité de recherche plus intense. Au niveau national, une telle concentration impliquerait globalement une réduction des charges pour les commissions d'éthique. On ignore encore si la mise en place d'un service de coordination fédéral pour l'ensemble des commissions d'éthique peut générer une plus-value plus importante que les coûts que ce service représente. Les commissions ont déjà commencé à se coordonner et à se mettre en réseau, à titre volontaire, par le biais de la Communauté de travail des commissions d'éthique cantonales («AGEK»). Cette communauté de travail existant toutefois sans mandat légal, son maintien n'est pas garanti.

Une partie des tâches qui sont actuellement du ressort de la
Commission d'experts du secret professionnel en matière de recherche médicale conformément à l'art. 321bis CP seront attribuées aux commissions cantonales d'éthique pour la recherche en vertu de la loi relative à la recherche sur l'être humain. Il en résultera pour elles des charges supplémentaires. Cependant, il importe de mentionner que, conformément au droit en vigueur, la commission d'experts est tenue d'obtenir le consentement de la commission d'éthique compétente pour pouvoir délivrer une autorisation générale selon l'art. 321bis, al. 5, CP. Par ailleurs, la commission d'experts a évalué des demandes de levée du secret professionnel à des fins de formation et de formation continue ou émanant d'autres domaines de recherche (par exemple recherche relevant exclusivement de l'histoire de la médecine) qui ne tombent pas sous le coup de la loi relative à la recherche sur l'être humain. A l'avenir, les cantons devront délivrer les autorisations de levée du secret médical selon l'art. 321 CP. Des autorités de surveillance de l'exercice de la profession ou d'autres organes que les cantons auront désignés comme étant compétents se chargeront de cette tâche. Aussi une nouvelle mission est-elle attribuée aux cantons.

Par analogie avec la situation actuelle, aucune compétence étendue en matière de surveillance et d'exécution n'incombe aux commissions d'éthique. Par conséquent, les autorités cantonales devront également, dans le cadre de leurs compétences (par exemple lors de la surveillance de l'exercice des professions de la santé), participer à l'exécution de la loi relative à la recherche sur l'être humain. Il est difficile de chif7369

frer les charges qui en découleront pour les autorités cantonales. Toutefois, leur montant ne devrait pas être très élevé, car ces autorités ne seront pas tenues de surveiller continuellement les projets de recherche. Elles interviendront en premier lieu sur indication des commissions d'éthique.

3.1.4

Conséquences pour les communes

La présente loi n'a pas de conséquences pour les communes.

3.2

Conséquences dans le domaine de l'informatique

L'infrastructure informatique dont dispose actuellement l'Office fédéral de la santé publique répond aux exigences concernant les tâches dans le cadre de l'exécution de la présente loi. Ce n'est que pour la tenue des projets de recherche qu'il sera vraisemblablement fait appel à un soutien externe (cf. ch. 3.1.2.1).

3.3

Conséquences pour la recherche financée par l'économie privée

L'analyse d'impact de la réglementation a montré que l'entrée en vigueur de cette loi n'entraînerait globalement pas de dépenses supplémentaires pour les chercheurs actifs dans le domaine de la recherche sur des personnes. Les exigences et les simplifications administratives supplémentaires devraient s'équilibrer au bout du compte. D'une part, il existe actuellement des réglementations relatives à la recherche sur l'être humain, notamment dans les cantons ayant une intense activité de recherche, mais aussi pour les études portant sur les produits thérapeutiques, qui sont soumises à une réglementation fédérale exhaustive. Celle-ci comprend aussi bien l'inscription des médicaments dans un registre de Swissmedic non accessible au public que leur examen par la commission d'éthique compétente. Pour l'ensemble de ces cas, le présent projet entraîne une charge supplémentaire minime, voire nulle. D'autre part, il faut s'attendre à une forte diminution des coûts pour les études multicentriques.

Une seule commission d'éthique procédera désormais à leur évaluation, au lieu des nombreuses commissions chargées de chaque centre participant à l'étude. Ainsi, les émoluments correspondants diminuent également.

Par contre, la recherche sur du matériel biologique et des données personnelles n'est que partiellement réglementée actuellement. Il faut donc escompter une charge supplémentaire pour les chercheurs avec l'entrée en vigueur de cette loi. Aussi bien l'analyse d'impact de la réglementation que le test de compatibilité PME (cf.

ch. 3.1.1) effectué par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) arrivent à la conclusion, en raison des propositions de réglementation restrictives de l'avantprojet, que les dispositions prévues auraient causé une charge administrative considérable aux petites et moyennes entreprises. Le présent projet prévoit cependant une simplification manifeste pour la recherche, par rapport à l'avant-projet. Plusieurs domaines ont été entièrement exclus du champ d'application, à l'instar de la recherche sur du matériel biologique et des données liées à la santé qui ont fait l'objet d'une anonymisation. Pour des autres projets qui portent sur du matériel biologique 7370

codé ou non codé et sur des données liées à la santé codées ou non codées, la personne concernée devra à l'avenir être informée, mais aussi donner son consentement en règle générale (cf. ch. 1.8.2.6). Dans certains cas, le consentement général peut s'appliquer, ou alors le droit d'opposition.

Pour les petites et moyennes entreprises, l'entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l'être humain pourrait entraîner une charge plus importante qu'aujourd'hui, mais dans des proportions moins importantes que ne le laissait craindre l'avant-projet.

En Suisse, les projets de recherche sur des personnes décédées et la recherche sur des embryons et des foetus issus d'interruptions de grossesse et d'avortements spontanés, y compris des enfants mort-nés, ne sont pas légion. L'entrée en vigueur du présent projet ne provoquera pas d'augmentation notable des charges pour les commissions d'éthique et pour les chercheurs.

La création d'un registre accessible au public et répertoriant les projets de recherche aura un impact positif sur l'échange entre chercheurs. On s'attend ainsi à une diminution du nombre de projets de recherche portant sur la même problématique. De plus, les participants potentiels ont la possibilité de s'informer des études en cours et terminées. Afin que le registre ne constitue pas un obstacle pour les entreprises, il faut veiller à ce qu'aucune information relative aux brevets ne soit publiée.

La loi relative à la recherche sur l'être humain remplace l'actuelle réglementation juridique de la recherche, lacunaire et insatisfaisante, par une solution fédérale uniforme et de grande envergure, ce qui conforte la place scientifique suisse.

L'existence d'un cadre légal clair aura un impact positif sur la recherche.

3.4

Conséquences pour l'économie

Les activités de recherche sont pour la plupart encouragées par la présente réglementation, car celle-ci crée dans l'ensemble des conditions favorables à la recherche.

Elle permet notamment d'éviter des coûts supplémentaires en ne causant aux chercheurs qu'une surcharge administrative minime, voire nulle. Par ailleurs, la réglementation accroît la sécurité juridique et la transparence, comme elle améliore l'échange entre les chercheurs. Ainsi, d'une façon générale, le projet de loi vise à augmenter la qualité de la recherche, ce qui est finalement bénéfique pour l'économie. Vu l'importance capitale que revêt la recherche pour la place économique helvétique, on peut donc supposer que la réglementation proposée sera un moteur pour l'économie à moyen et long termes.

3.5

Conséquences pour la population et la santé publique

La réglementation proposée garantit de réduire autant que possible les risques pour les personnes impliquées dans un projet de recherche sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain. Cela vaut aussi bien pour la protection des droits de la personnalité que pour la santé physique et psychique de la personne. Vu le nombre sans cesse croissant de projets de recherche, la réglementa-

7371

tion constitue une contribution essentielle à la prévention en matière de santé publique.

La nouvelle obligation d'enregistrement et de publication des études relatives à la recherche sur l'être humain y contribue également. Elle augmente la transparence et permet aux chercheurs d'éviter les doublons et les études multiples, y compris les contraintes et les risques qui en découlent. Les gens peuvent utiliser le registre des projets de recherche afin de s'informer des activités de recherche sur des sujets qui les intéressent ou les concernent. La transparence renforce la confiance que la population porte à la recherche. Un climat favorable fait partie des ressources immatérielles déterminantes pour un pôle de recherche.

3.6

Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein

L'extension du champ d'application de la loi relative à la recherche sur l'être humain au territoire de la Principauté de Liechtenstein est régie par les principes du traité douanier du 29 mars 192383 entre la Suisse et la Principauté de Liechtenstein.

En vertu de ces dispositions, la loi relative à la recherche sur l'être humain s'applique sur le territoire de la Principauté du Liechtenstein comme elle s'applique en Suisse, dans la mesure où les dispositions sur la réunion de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse l'exigent.

Les dispositions de la loi relative à la recherche sur l'être humain ne tombent cependant pas sous le coup de ce traité. Seule une éventuelle autorisation obligatoire d'importation et d'exportation relèverait du traité douanier; mais le projet de loi n'en prévoit pas.

4

Programme de la législature

Le projet figure dans le message du 23 janvier 2008 relatif au Programme de la législature 2007 à 201184.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet de loi relative à la recherche sur l'être humain est fondé sur le nouvel art. 118b, al. 1, de la Constitution fédérale, qui dote la Confédération d'une compétence législative étendue dans le domaine de la recherche sur l'être humain dans la mesure où des prescriptions doivent être édictées pour protéger la dignité humaine et la personnalité. Il concrétise en outre les principes inscrits à l'art. 118b, al. 2, et les autres dispositions constitutionnelles pertinentes en matière de recherche sur l'être humain (par exemple art. 119 Cst.).85

83 84 85

RS 0.631.112.514 FF 2008 707 Voir aussi le ch. 5.1 du message du 12 sept. 2007 relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain (FF 2007 6372).

7372

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le présent projet de loi est conforme aux exigences de la Convention européenne du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)86. Il est également en conformité avec la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (cf. ch. 1.5.1).

En outre, il répond aux exigences énoncées en particulier dans le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)87, dans la mesure où ces exigences peuvent s'appliquer à la recherche sur l'être humain.

5.3

Délégation de compétences législatives

Plusieurs dispositions du projet de loi donnent au Conseil fédéral la compétence d'édicter les dispositions d'exécution de la loi. Cette délégation de compétences est justifiée dans la mesure où les principes sont régis dans le projet de loi, qui fixe donc clairement les limites dans lesquelles la réglementation par le Conseil fédéral doit s'inscrire. De plus, il est judicieux de déléguer au Conseil fédéral la compétence d'édicter les dispositions d'exécution dans tous les domaines dans lesquels il peut devenir nécessaire de procéder à une adaptation rapide à l'évolution technique ou à une harmonisation au niveau international. Par ailleurs, les aspects nécessitant un travail de concrétisation important doivent être régis au niveau de l'ordonnance.

Enfin, les dispositions d'exécution devront être cohérentes avec les ordonnances en vigueur concernant les essais cliniques dans les domaines des produits thérapeutiques et de la transplantation.

Les différentes normes de délégation sont présentées plus en détail dans la partie spéciale du présent message.

86 87

RS 0.101; voir aussi le ch. 5.3.1 du message du 12 sept. 2007 relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain (FF 2007 6381 s.).

RS 0.103.2

7373

Annexe

Récapitulatif des charges de la Confédération (tableau, cf. ch. 3.1.2.4) Charges pour l'Office fédéral de la santé publique

Préparation de la mise en oeuvre Rubrique

Exécution

2010

2011

2012

(1.7.­ 31.12)

(p.a.)

(p.a.)

2013­ 2015 (p.a.)

2016­ 2018 (p.a.)

dès 2019 (p.a.)

1. Registre des projets de recherche Charges de personnel imputées sur le crédit pour l'équipement:

A2111.0102 80 000 160 000 160 000

1 poste de collaborateur scientifique

25 000

0,3 poste d'informaticien Charges de personnel imputées sur le crédit pour le personnel:

45 000 45 000

A2100.0001 160 000 160 000 160 000

1 poste de collaborateur scientifique 0,2 poste d'informaticien

30 000 30 000

30 000

0,2 poste de communication

30 000 30 000

30 000

20 000 20 000

20 000

Conception et réalisation du registre (informatique)

A2114.0001

250 000 250 000

dès 2013, maintenance du registre (informatique) Total intermédiaire Registre des projets de recherche

105 000 455 000 455 000 240 000 240 000 240 000

2. Coordination et information Charges de personnel imputées sur le crédit pour l'équipement:

A2111.0102

0,4 poste de collaborateur juridique

65 000

0,5 poste de collaborateur scientifique

80 000

Charges de personnel imputées sur le crédit pour le personnel:

A2100.0001 130 000 130 000 130 000

0,8 poste de collaborateur scientifique 0,3 poste de collaborateur juridique Conception / réalisation de la coordination (consultation)

A2115.0001

Mise en oeuvre / entretien de la coordination

A2119.0001

Total intermédiaire coordination et information

7374

50 000 50 000

50 000

50 000 50 000

50 000

20 000

165 000 230 000 230 000 230 000

Charges pour l'Office fédéral de la santé publique

Préparation de la mise en oeuvre Rubrique

Exécution

2010

2011

2012

(1.7.­ 31.12)

(p.a.)

(p.a.)

2013­ 2015 (p.a.)

2016­ 2018 (p.a.)

dès 2019 (p.a.)

3. Evaluation Charges de personnel imputées sur le crédit pour le personnel:

A2111.0102

65 000

0,4 poste de collaborateur scientifique Conception et réalisation de l'évaluation (consultation)

A2115.0001

Mise en oeuvre de l'évaluation (mandat de consultation)

A2115.0001

Total intermédiaire Evaluation Total Besoins supplémentaires non compensés pour personnel, imputés sur le crédit pour l'équipement, 130 % pour 2011 et 220 % pour 2012

100 000

70 000

100 000

135 000

105 000 455 000 720 000 470 000 605 000 470 000 205 000 350 000

7375

7376