09.086 Message relatif à la modification de la loi sur la protection des marques et à la loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics (Projet «Swissness») du 18 novembre 2009

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, d'une part, un projet de modification de la loi sur la protection des marques et, d'autre part, un projet de révision totale de loi fédérale sur la protection des armoiries, en vous proposant de les adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 novembre 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-1654

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Condensé Tenant compte de la réalité économique et prenant en considération la pratique actuelle de l'utilisation de l'indication de provenance «Suisse», le projet a pour objectif de poser les bases permettant d'assurer à long terme la plus-value représentée par le fort potentiel commercial de la «Suissitude». Cet objectif implique de renforcer la protection de l'indication de provenance «Suisse» et de la croix suisse, tant au niveau national que dans la perspective d'une mise en oeuvre à l'étranger. Une définition crédible et applicable de la «Suissitude» est dès lors nécessaire pour maintenir les fondements de cette plus-value et pouvoir plus aisément combattre les abus.

Contexte La valeur économique de la provenance suisse d'un produit ou d'un service dans un monde toujours plus globalisé revêt une importance considérable. De nombreux produits et services suisses bénéficient en effet d'une excellente réputation tant au niveau national qu'international par rapport aux valeurs qu'ils véhiculent, telle l'exclusivité, la tradition et la qualité. Cette réputation, hautement appréciée par les consommateurs, permet de positionner les produits et services associés à la Suisse dans un segment de prix plus élevé. Pour les produits typiquement suisses, pour les produits naturels agricoles ainsi que pour certains biens de consommation destinés à l'exportation, cette «plus-value pour la Suissitude» peut représenter jusqu'à 20 % du prix de vente, selon plusieurs études récentes. Les secteurs économiques considérés comme typiquement suisses, à savoir les montres/bijoux, le fromage et le chocolat, ne sont pas les seuls à en profiter de manière substantielle: en tenant compte de l'industrie des machines ­ qui, comme les autres secteurs, est susceptible d'en bénéficier également, mais à raison d'une quote-part inférieure à 20 % ­, cette plusvalue s'élève à quelque 5,8 milliards de francs. Cela correspond à un pour-cent du produit intérieur brut.1 Cette plus-value économique est aujourd'hui bien comprise par les entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à utiliser, en rapport avec leurs produits ou services, non seulement des désignations telles que «Suisse», «qualité suisse», «made in Switzerland», mais aussi la croix suisse. Les avantages et le succès liés à l'utilisation commerciale de la marque suisse
ont attiré l'attention, mais également les convoitises. Corollaire de ce succès croissant de la marque suisse, les utilisations abusives, au niveau tant international que national, ont augmenté dans la même proportion ces dernières années. Ces abus toujours plus fréquents nuisent à la réputation de la marque suisse en décevant les attentes légitimes des consommateurs. Ils diminuent son attrait ainsi que sa valeur pour ses utilisateurs légitimes et pour les consommateurs. Les conséquences néfastes de ces multiples abus ont conduit à des plaintes émanant des milieux économiques suisses, à une perception plus sensible de la problématique dans le public et à plusieurs interventions parlementaires.

1

En se basant sur le volume d'exportation actuel de la Suisse.

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Face à cette évolution et à la lumière d'une analyse approfondie du droit en vigueur conduite en 2006 par le Conseil fédéral, la réglementation actuelle se révèle lacunaire et ne tient pas suffisamment compte de la réalité économique. Elle reste très générale dans sa manière de fixer les conditions régissant l'utilisation d'une indication de provenance («Genève», «Zurich», etc.), donc de la désignation «Suisse», pour les produits. Jusqu'à présent, seul le tribunal de commerce de Saint-Gall a développé des critères plus précis. L'absence de critères applicables à tous les produits est synonyme de manque de transparence et d'insécurité juridique pour les entreprises concernées. De même, la situation qui prévaut concernant l'utilisation de la croix suisse n'est pas satisfaisante: l'apposition à des fins commerciales de la croix suisse sur des produits est interdite, mais son utilisation est permise pour les services. Cette différence de traitement, qui n'est pas respectée en pratique, ne se justifie plus étant donné que la croix suisse est, sur le plan commercial, l'indication de provenance suisse la plus valorisée.

Aujourd'hui, les cas d''utilisation abusive de la désignation «Suisse» et de la croix suisse ne sont pas combattus de façon assez rigoureuse en Suisse et sur le plan international. Un renforcement est nécessaire. Sur le plan national, les abus font rarement l'objet d'une procédure judiciaire, bien que les cantons doivent les poursuivre d'office. A l'étranger, la protection des indications de provenance en général, et de la désignation «Suisse» en particulier, est difficile à réaliser. En vertu du principe de la territorialité, chaque Etat est libre de fixer ses propres règles sur la protection des indications de provenance et des drapeaux nationaux, sous réserve des traités internationaux. Le droit étranger est souvent très différent du droit suisse. L'interprétation des conventions internationales applicables et la jurisprudence en la matière sont en règle générale vagues, ce qui rend d'autant plus coûteux un éventuel procès à l'issue incertaine. Aussi des actions judiciaires sont-elles rarement intentées à l'étranger, principalement parce qu'il n'existe pas, dans les branches économiques concernées, de titulaire de la désignation «Suisse» qui pourrait décider comment doivent être
utilisées et défendues la désignation «Suisse» et la croix suisse et porter les cas d'utilisation abusive devant les tribunaux.

Présentation du projet 1. Dans le but de préserver la valeur de la «marque Suisse» à long terme et d'en assurer le positionnement, le projet inscrit dans la loi sur la protection des marques et des indications de provenance de nouveaux critères permettant de déterminer avec davantage de clarté et de précision la provenance géographique d'un produit, en d'autres termes jusqu'à quel point un produit doit être suisse pour qu'il puisse prétendre à cette provenance. La loi doit en effet définir qui peut utiliser la désignation «Suisse», à quelles conditions et de quelles manières. Ces critères garantissent une meilleure transparence et une sécurité juridique accrue pour les indications de provenance utilisées par les producteurs et servent l'intérêt des consommateurs, qui pourront prendre en compte de façon appropriée ces indications dans leurs décisions d'achat. Les produits sont classés dans trois catégories différentes: les produits naturels, les produits naturels transformés et les autres produits, notamment les produits industriels (cette dernière catégorie contenant tous les produits qui ne sont pas compris dans les deux premières). Une indication de provenance comme

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«Suisse» ou «Saint-Gall» peut être utilisée en rapport avec un produit si les critères prévus pour la catégorie de produits correspondante sont réalisés.

Pour les produits naturels (comme les plantes, l'eau minérale ou les animaux), la provenance est définie à l'aide d'un seul critère qui varie en fonction de la nature du produit. Il s'agit par exemple du lieu de l'extraction pour les produits minéraux ou du lieu de la récolte pour les produits végétaux.

Pour les produits naturels transformés (comme la plupart des denrées alimentaires) et les produits industriels (comme les machines ou les couteaux) que les producteurs veulent promouvoir comme produits suisses, un système fondé sur des critères cumulatifs vise à garantir le rattachement effectif du produit au lieu de la provenance. Ces critères prennent en considération le fait que, dans une économie globalisée, certaines matières premières ne sont pas disponibles sur le marché intérieur et que certaines étapes de production se déroulent à l'étranger, même pour des produits considérés comme traditionnels. Ils doivent toutefois aussi garantir que les exigences requises pour les produits soient suffisamment élevées afin que les milieux économiques qui décident, sur une base volontaire (il n'y a aucune obligation d'utiliser la «marque Suisse» comme indication de provenance d'un produit), de désigner leurs produits au moyen d'une indication de provenance suisse à forte valeur, utilisent ainsi une indication exacte qui ne trompe pas les consommateurs.

Le premier critère est un critère de valeur. Pour les produits naturels transformés, 80 % au moins du poids des matières premières ou ingrédients qui composent ce produit doivent provenir de Suisse. Pour les produits industriels, 60 % au moins du prix de revient du produit doit être réalisé en Suisse. Les coûts liés à la recherche et au développement peuvent être pris en compte dans ce calcul, contrairement aux coûts liés à la commercialisation des produits finis, comme les dépenses publicitaires et les frais de marketing, les frais liés au conditionnement de la marchandise (emballage) et les coûts générés par le service après-vente. Ces derniers coûts sont exclus parce qu'ils ne contribuent pas directement à la fabrication du produit.

Le projet de loi prévoit des exceptions à ce critère afin de tenir
compte de des contraintes matérielles, structurelles ou accidentelles, pour l'approvisionnement des transformateurs en matières premières. Ainsi les produits naturels qui n'existent pas en Suisse (par ex. le cacao ou l'or) ou qui, pour des raisons totalement indépendantes des producteurs, viendraient à manquer momentanément (par ex. de mauvaises récoltes par suite d'intempéries, une épidémie d'un cheptel) peuvent être exclus du calcul. Une exception permet également d'exclure du calcul les matières premières dont la disponibilité insuffisante en Suisse est clairement établie de manière objective. Par contre, les motifs purement économiques, comme des prix meilleur marché ou des conditions de livraison plus avantageuses sur les marchés étrangers, ne constituent pas une raison suffisante pour invoquer cette exception. Cette exception ne peut en outre être invoquée qu'à la condition supplémentaire que l'insuffisance de la matière première concernée (par ex. le sucre ou la viande de boeuf) fasse l'objet d'une ordonnance du Conseil fédéral applicable à la branche concernée.

Avant d'édicter une telle ordonnance, le Conseil fédéral doit entendre les cantons, les associations professionnelles ou économiques ainsi que les organisations de consommateurs intéressés.

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Le deuxième critère, cumulatif, est que l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles doit se dérouler au lieu de la provenance. Cette activité peut être la fabrication proprement dite (par ex. la transformation du lait en fromage, l'assemblage d'une montre ou la fabrication d'un tissu à partir de fibres). Pour les produits industriels, cette activité peut également être la recherche et le développement, à la condition qu'au moins une étape significative de la fabrication proprement dite du produit soit effectuée au lieu de la provenance pour garantir un lien physique suffisant avec celui-ci.

Le projet renforce également le critère de rattachement pour les indications de provenance pour les services. A l'avenir, une entreprise pourra promouvoir ses services comme services suisses à condition d'avoir son siège en Suisse. Afin d'éviter qu'une simple adresse postale ne suffise à remplir cette condition formelle, l'entreprise devra être réellement administrée depuis la Suisse.

Les indications de provenance étrangères doivent remplir les critères définis dans la législation de leur pays d'origine. L'éventuelle tromperie des consommateurs suisses est cependant réservée.

2. La nouvelle loi sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics définit et distingue clairement, d'une part, les armoiries officielles de la Confédération (= croix suisse placée dans un écusson), qui en principe ne peuvent être utilisées que par celle-ci ou ses unités et, d'autre part, le drapeau suisse et la croix suisse, qui peuvent dorénavant être utilisés par toute personne remplissant les conditions d'utilisation de la désignation «Suisse», non seulement pour des services, mais également pour des produits. Les entreprises qui utilisent les armoiries de la Confédération depuis des décennies pour des produits ou des services de provenance suisse pourront, si elles en font la demande au Département fédéral de justice et police (DFJP) au plus tard dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, continuer à le faire pour autant que des intérêts légitimes le justifient. Cette nouvelle réglementation tient compte de la réalité économique et du fort attrait lié à l'important potentiel commercial de la croix suisse. La nouvelle loi renforce en outre de façon conséquente la
protection des armoiries officielles, notamment en durcissant les sanctions pénales afin de les aligner sur celles prévues dans les autres domaines de la propriété intellectuelle.

3. Des instruments supplémentaires sont prévus sur le plan national afin de relever le niveau de protection des indications de provenance en Suisse et à l'étranger. Le projet législatif confère à l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) le droit de déposer une plainte civile en cas d'utilisation abusive de la désignation «Suisse» et de la croix suisse. Sur le plan pénal, ces infractions sont dorénavant poursuivies d'office et l'IPI pourra participer à la procédure pénale et y faire valoir les droits d'une partie plaignante.

Afin de renforcer la protection des indications géographiques en Suisse et à l'étranger, il est prévu de créer un nouveau registre national des indications géographiques pour les produits non agricoles, qui sera tenu par l'IPI. Aujourd'hui, seules les indications géographiques pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés, les appellations d'origine (AOC) et les indications géogra-

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phiques (IGP), peuvent être inscrites au registre tenu par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG). Les appellations d'origine viticoles peuvent être inscrites dans des registres cantonaux. Cette nouvelle possibilité permet de reconnaître de façon officielle la protection accordée aux indications géographiques pour tous les produits, ce qui est exigé par de nombreux pays étrangers pour qu'ils accordent sur leur territoire une protection à l'indication géographique concernée.

Le projet prévoit en outre la possibilité d'enregistrer à titre de marque géographique ­ il s'agit d'une nouvelle sorte de marque spécifique ­ les appellations d'origine et les indications géographiques inscrites dans un registre fédéral, ainsi que les appellations viticoles protégées par les cantons. La même possibilité est prévue pour les indications de provenance faisant l'objet d'une ordonnance approuvée par le Conseil fédéral applicable à une branche (par ex. l'actuelle ordonnance «Swiss made» pour les montres). Tout comme la délivrance d'un extrait du registre des indications géographiques, la possibilité de reconnaissance officielle au moyen de l'enregistrement d'une marque géographique dans le pays de provenance, en l'occurrence la Suisse, vise à ce que les titulaires de ces droits soient clairement identifiés et qu'ils en obtiennent plus facilement la protection et sa mise en oeuvre à l'étranger.

4. Une procédure simplifiée de radiation de la marque pour défaut d'usage est introduite dans la loi sur la protection des marques. Elle prévoit que toute personne pourra présenter à l'IPI une demande de radiation totale ou partielle d'une marque non utilisée pendant une période consécutive de cinq ans.

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Table des matières Condensé

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Liste des abréviations

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1 Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.2 Interventions parlementaires et rapport du Conseil fédéral 1.3 Nouvelle réglementation proposée 1.4 Justification et appréciation de la solution proposée 1.4.1 Justification 1.4.2 Solutions examinées 1.4.3 Résultats de la procédure de consultation 1.4.3.1 Déroulement et résultat 1.4.3.2 Points non contestés 1.4.3.3 Points contestés 1.4.3.4 Requêtes diverses 1.5 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.6 Droit comparé, notamment droit européen

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2 Commentaire des articles 2.1 Révision de la loi sur la protection des marques 2.1.1 Marque géographique 2.1.2 Indications de provenance 2.1.2.1 Principes 2.1.2.2 Indications de provenance des produits 2.1.2.3 Indications de provenance des services 2.1.2.4 Ordonnances du Conseil fédéral 2.1.3 Registre des indications géographiques 2.1.4 Renversement du fardeau de la preuve 2.1.5 Qualité pour agir des autorités 2.1.6 Dispositions pénales 2.1.7 Autres points de la révision 2.1.7.1 Document de priorité 2.1.7.2 Adaptations terminologiques à la loi sur les douanes 2.1.7.3 Division de la demande ou de l'enregistrement 2.1.7.4 Communication des décisions et des ordonnances de classement 2.1.7.5 Procédure simplifiée de radiation pour non-usage 2.1.7.6 Intervention de l'Administration des douanes 2.1.7.7 Adaptations formelles 2.2 Autres lois fédérales 2.2.1 Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle 2.2.2 Code des obligations 2.2.3 Loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur 2.2.4 Loi du 9 octobre 1992 sur les topographies 2.2.5 Loi du 5 octobre 2001 sur les designs

7753 7753 7753 7757 7757 7761 7773 7774 7776 7780 7781 7782 7783 7783 7784 7784 7784 7785 7789 7789 7789 7789 7790 7791 7791 7791 7717

2.2.6 Loi du 25 juin 1954 sur les brevets 2.2.7 Loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture 2.2.8 Loi du 4 octobre 1991 sur les forêts 2.3 Révision de la loi sur la protection des armoiries publiques 2.3.1 Titre 2.3.2 Chapitre 1 Signes publics suisses 2.3.2.1 Section 1 Définitions 2.3.2.2 Section 2 Emploi 2.3.2.3 Section 3 Interdiction d'enregistrement 2.3.3 Chapitre 2 Signes publics étrangers 2.3.3.1 Section 1 Emploi et autorisation 2.3.3.2 Section 2 Interdiction d'enregistrement 2.3.4 Chapitre 3 Liste électronique des signes publics protégés 2.3.5 Chapitre 4 Voies de droit 2.3.5.1 Section 1 Droit civil 2.3.5.2 Section 2 Droit pénal 2.3.6 Chapitre 5 Intervention de l'Administration des douanes 2.3.7 Chapitre 6 Dispositions finales 3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.3.1 Nécessité et latitude de l'activité de l'Etat 3.3.2 Mesures et leurs effets 3.3.3 Conséquences pour différents groupes de la société 3.3.4 Conséquences pour l'économie dans son ensemble 3.3.5 Réglementations possibles 3.3.6 Aspects pratiques de l'exécution

7792 7793 7793 7794 7794 7795 7795 7800 7808 7810 7810 7812 7812 7813 7813 7816 7818 7820 7825 7825 7826 7826 7826 7828 7830 7834 7839 7839

4 Liens avec le programme de la législature et le plan financier

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5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.2.1 Traités multilatéraux 5.2.2 Compatibilité avec le droit communautaire 5.2.3 Accord de libre échange entre la Confédération suisse et la CEE de 1972 (ALE) 5.2.4 Accord horloger de 1967 et accord complémentaire de 1972 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Délégation de compétences législatives

7840 7840 7841 7841 7841 7843 7844 7845 7845

Loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) (Projet)

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Loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics (Loi sur la protection des armoiries, LPASP) (Projet)

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Liste des abréviations Accord ALE/ALE Accord complémentaire de 1972/Accord complémentaire Accord horloger de 1967

Accord sur les ADPIC/ADPIC ACCS AOC AOP Arrangement de Madrid/AM Arrêté fédéral 1889 Association AOC-IGP ATF BIO-SUISSE BNS CC CCIS CFC CICR CJCE CO Code des douanes communautaire

Accord du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la CEE (avec annexes et échanges de lettres); RS 0.632.401 Accord complémentaire du 20 juillet 1972 à l'«Accord concernant les produits horlogers entre la Confédération suisse et la CEE ainsi que les Etats membres»; RS 0.632.290.131 Accord du 30 juin 1967 concernant les produits horlogers entre la Confédération suisse et la Communauté européenne ainsi que ses Etats membres; RS 0.632.290.13 Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce); RS 0.632.2 Association des chimistes cantonaux de Suisse Appellation d'origine contrôlée Appellation d'origine protégée Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967; RS 0.232.112.3 Arrêté fédéral du 12 décembre 1889 concernant les armoiries de la Confédération suisse; RS 111 Association suisse pour la promotion des AOC-IGP Arrêt du Tribunal fédéral Association Suisse des Organisations d'Agriculture Biologique Banque nationale suisse Code civil suisse du 10 décembre 1907; RS 210 Chambres de Commerce et d'Industrie Suisses Commission Fédérale de la Consommation Comité international de la Croix-Rouge Cour de Justice des Communautés Européennes Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations); RS 220 Règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil du 12.10.1992 établissant le code des douanes communautaire, JO L 302 du 19.10.1992, p. 1, abrogé par le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil du 23.4.2008 établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé), Jo L 145 du 4.6.2008, p. 1

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CNA Convention AELE/AELE Conventions de Genève

CP CPC CPP Cst.

CUP DDPS DFE DFJP DFI Directive 2005/29/CE

DPA economiesuisse EPFZ ESB FEA

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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Assocation européenne de Libre-échange (AELE) (avec annexes, acte final et déclarations); RS 0.632.31 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne; RS 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer; RS 0.518.23 Code pénal suisse du 21 décembre 1937; RS 311.0 Code de procédure civile du 19 décembre 2008; FF 2009 21 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; FF 2007 6583 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101 Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, révisée à Stockholm le 14 juillet 1967; RS 0.232.04 Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral de l'économie Département fédéral de justice et police Département fédéral de l'intérieur Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales»); JO L 149 du 11.6.2005, p. 22 à 39 Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif; RS 313.0 Fédération des entreprises suisses Ecole polytechnique fédérale de Zurich Encéphalopathie spongiforme bovine Fachverband Elektroapparate für Hausalt und Gewerbe Schweiz/Association Suisse des Fabricants et Fournisseurs d'Appareils électrodomestiques

fial FPC GRUR

Fédérations des Industries Alimentaires Suisses Fondation pour la protection des consommateurs Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht/ Association allemande pour la protection de la propriété intellectuelle GRUR Int.

Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, Internationaler Teil/Association allemande pour la protection de la propriété intellectuelle, Partie internationale HaBa Handelskammer beider Basel/Chambre de commerce des deux Bâle IGP Indication géographique protégée IPI Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle kf Konsumentenforum LCD Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale; RS 241 LD Loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes; RS 631.0 LETC Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce; RS 0.946.51 LIPI Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle; RS 172.010.31 LOGA Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010 Loi sur l'agriculture/LAgr Loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture; RS 910.1 Loi sur l'aviation/LA Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation; RS 748.0 Loi sur la Croix-Rouge Loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge; RS 232.22 Loi sur la navigation maritime Loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigasous pavillon suisse tion maritime sous pavillon suisse; RS 747.30 Loi sur la protection Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des des marques/LPM marques et des indications de provenance; RS 232.11 Loi sur la protection des obten- Loi fédérale du 20 mars 1975 sur la protection des tions végétales obtentions végétales; RS 232.16 Loi sur le droit d'auteur/LDA Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins; RS 231.1 Loi sur les brevets/LBI Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention; RS 232.14 Loi sur les denrées alimentai- Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur les denrées res/LDAl alimentaires et les objets usuels; RS 817.0

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Loi sur les designs/LDes Loi sur les forêts/LFo Loi sur les Nations Unies

Loi sur les topographies/LTo LPAP LTAF LTF Message 1991

Message LBI

MGB NOGA OCDE OCFIM ODAIOUs OEDAI OFAG OFS OMC OMPI OPM

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Loi fédérale du 5 octobre 2001 sur la protection des designs; RS 232.12 Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les forêts; RS 921.0 Loi fédérale du 15 décembre 1961 concernant la protection des noms et emblèmes de l'Organisation des Nations Unies et d'autres organisations; RS 232.23 Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur la protection des topographies de produits semi-conducteurs, RS 231.2 Loi fédérale du 5 juin 1931 pour la protection des armoiries publiques et autres signes publics; RS 232.21 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral; RS 173.32 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; RS 173.110 Message du 21 novembre 1990 concernant une loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM); FF 1991 I 1 Message du 23 novembre 2005 concernant la modification de la loi sur les brevets et l'arrêté fédéral portant approbation du traité sur le droit des brevets et du règlement d'exécution; FF 2006 1 Migros-Genossenschaft-Bund Nomenclature générale des activités économiques Organisation de coopération et de développement économiques Office central fédéral des imprimés et du matériel Ordonnance du 23 novembre 2005 sur les denrées alimentaires et les objets usuels; RS 817.02 Ordonnance du DFI du 23 novembre 2005 sur l'étiquetage et la publicité des denrées alimentaires; RS 817.022.21 Office fédéral de l'agriculture Office fédéral de la statistique Organisation mondiale du commerce Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle Ordonnance du 23 décembre 1992 sur la protection des marques; RS 232.111

Ordonnance sur les AOP et les IGP Ordonnance sur les exigences relatives aux médicaments/OEMéd) Ordonnance «Swiss made» pour les montres PA P-LAgr P-LPASP P-LPM PM/Protocole de Madrid PME Première directive 89/104/CEE

PROMARCA Prométerre Proviande Règlement (CE) 207/2009 Règlement (CE) 510/2006

Ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques des produits agricoles et des produits agricoles transformés; RS 910.12 Ordonnance de l'Institut suisse des produits thérapeutiques du 9 novembre 2001 sur les exigences relatives à l'autorisation de mise sur le marché des médicaments; RS 812.212.22 Ordonnance du 23 décembre 1971 réglant l'utilisation du nom «Suisse» pour les montres; RS 232.119 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative; RS 172.021 Projet portant révision de la loi sur l'agriculture Projet portant révision de la loi pour la protection des armoiries publiques Projet portant révision de la loi sur la protection des marques Protocole du 27 juin 1989 relatif à l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques; RS 0.232.112.4 Petites et moyennes entreprises Première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques JO L 40 du 11.2.1989, p. 1, abrogée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des membres sur les marques (version codifiée), JO L 299 du 8.11.2008, p. 25 Promarca ­ Union suisse de l'article de marque Association vaudoise de promotion des métiers de la terre Proviande, die Branchenorganisation der Schweiz Fleischwirtschaft Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (version codifiée), JO L 78 du 24.3.2009, p. 1 Règlement (CE) no 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine, des produits agricoles et des denrées alimentaires JO L 93 du 31.3.2006, p. 12, modifié pour la dernière fois par le règlement (CE) no 417/2008 de la Commission du 8 mai 2008, JO L 125 du 9.5.2008, p. 27

7723

Règlement (CEE) 2081/92

Règlement (CEE) 2454/93

Règlement (CE) 2868/95

RexC

SAA SECO sic!

Traité CE Traité franco-suisse

7724

Règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géograpiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, JO L 208 du 24.7.1992, p. 1 à 8 Règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d'application du Règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaires JO L 253 du 11.10.1993, p. 1, modifiée pour la dernière fois par le règlement (CE) no 414/2009 de la Commission du 30 avril 2009, JO L 125 du 25.5.2009, p. 6 Règlement (CE) no 2868/95 de la Commission du 13.12.1995 portant sur les modalités d'application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, JO L 303 du 15.12.1995, p. 1, modifié pour la dernière fois par le règlement (CE) no 355/2009 de la Commission du 31.3.2009 modifiant le règlement (CE) no 2869/95 relatif aux taxes à payer à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) et le règlement et le règlement (CE) no 2868/95 portant modalités d'application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, JO L 109 du 30.4.2009, p. 3 Règlement d'exécution commun du 18 janvier 1996 de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques et au protocole relatif à cet arrangement (avec barème et instr.); RS 0.232.112.21 Swiss automotive aftermarket Secrétariat d'Etat à l'économie Revue du droit de la propriété intellectuelle, de l'information et de la concurrence Traité instituant la Communauté européenne (version consolidée, JO C 321E du 29.12.2006, p. 37 à 186) Traité du 14 mai 1974 entre la Confédération suisse et la République française sur la protection des indications de provenance, des appellations d'origine et d'autres dénominations géographiques (avec prot., annexes et échange de lettres); RS 0.232.111.193.49

UPSV USAM USP USS VBF

Union Professionnelle Suisse de la Viande Union suisse des arts et métiers Union suisse des paysans Union syndicale suisse Verband Bündner Fleischfabrikanten/Association des fabricants de viande des Grisons

7725

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

La croix suisse, les désignations «Suisse», «Swiss», «qualité suisse», «made in Switzerland» et les signes figuratifs renvoyant à la Suisse comme le Cervin ou Guillaume Tell sont de plus en plus convoités par les producteurs, les fabricants et les prestataires de services. Ceux-ci les utilisent pour mettre en avant la provenance géographique des produits ou des services: la «Suissitude» véhicule des idées de qualité, l'attente d'une utilité exclusive et/ou des contenus émotionnels liés à la provenance suisse. La «Suissitude» est en outre synonyme d'innovation et de services excellents. Elle fait référence à un pays riche en cultures variées, cosmopolite et ouvert au monde2.

Redécouverte comme instrument commercial, la «Suissitude» incite un nombre croissant d'entreprises à apposer la croix suisse et des désignations telles que «Suisse» sur leurs produits, à les utiliser pour désigner leurs services et pour faire de la publicité en Suisse et à l'étranger. Cependant, les utilisations perçues comme abusives se multiplient, ce qui a conduit à des plaintes des milieux économiques et à une plus grande sensibilité de la population et de la presse à l'utilisation de la désignation «Suisse» et de la croix suisse. A titre d'exemple, l'affaire des casseroles SIGG ­ vendues dans le cadre d'une promotion de la Coop ­ a été la plus retentissante. Les casseroles SIGG et leur emballage contenaient la dénomination «Switzerland» et la croix suisse alors même qu'elles étaient fabriquées en Chine.

En pensant à la notion de «Suissitude», le public parle souvent de la «marque Suisse» qui doit être défendue sur le plan national ainsi qu'à l'étranger. Il n'existe pourtant pas de «marque suisse» en tant que telle. Cette notion du langage courant doit bien être différenciée de la marque au sens juridique qui renvoie à la provenance commerciale et, de ce fait, attribue un produit ou un service à une entreprise déterminée. En résumé, la «Suissitude» représente le contenu, le renvoi à la provenance géographique avec les idées qu'elle véhicule, tandis que la marque est l'instrument, le support utilisé par une entreprise ou un groupement d'entreprises pour défendre ses produits ou ses services de provenance suisse.

2

Voir Stefan Feige et al., Positionierungspotential «Swissness». Etude de l'Université de Saint-Gall et al. 2006 et Stephan Feige/Benita Brockdorff/Karsten Sausen/Peter Fischer/Urs Jaermann/Sven Reinecke, Swissness Worldwide ­ Internationale Studie zur Wahrnehmung der Marke Schweiz. Etude de l'Université de Saint-Gall et al. 2008. Pour un résumé actuel voir Stephan Feige/Sven Reinecke/Felix Addor, Das Kreuz mit dem Kreuz. Marketing mit der Schweizer Herkunft, IO New Management, 2009, no 3, pp. 18 à 23. Voir aussi Marco Casanova, Die Marke Schweiz ­ Gefangen in der Mythosfalle zwischen Heidi und Willhelm Tell: Aktuelle Herausforderung im Zusammehang mit der Verwendung der Marke Schweiz als Co-Branding-Partner, in:Arndt Florack/Martin Scarabis/Ernst Primosch (éd.), Psychologie der Markenführung, Vahlen, Munich 2007, pp. 541 à 550. D'autres indications sur la valeur économique de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse figurent au ch. 3 traitant des conséquences de la nouvelle réglementation.

7726

Conditions actuelles d'utilisation des indications de provenance, dont la désignation «Suisse» La protection conférée par la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (loi sur la protection des marques, LPM) aux indications de provenance est indépendante de tout enregistrement ou d'un titre de protection. Dès qu'un nom géographique est considéré par les branches économiques et les consommateurs comme indiquant la provenance géographique de produits ou de services déterminés, celui-ci est protégé en tant qu'indication de provenance par les art. 47 ss LPM. Ces dispositions protègent toutes les indications de provenance, à savoir aussi bien les indications de provenance simples considérées comme des renvois à la provenance géographique des produits ou des services à laquelle aucune qualité particulière n'est associée que les indications de provenance qualifiées, suisses et étrangères. Les indications de provenance qualifiées, pour lesquelles on utilise la notion d'indications géographiques, servent à identifier un produit comme étant originaire d'un territoire, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, une réputation ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette provenance géographique3 (par ex.

«Genève» pour les montres). En cas de litige sur une indication de provenance, il appartient aux autorités judiciaires de concrétiser la protection, à savoir de décider s'il s'agit bien d'une indication de provenance et si celle-ci a été utilisée de manière licite ou illicite. On parle alors de protection ex post. L'usage est illicite lorsque l'indication de provenance utilisée est inexacte (art. 47, al. 3, let. a, LPM).

Actuellement, la LPM énonce en des termes très (trop) généraux les conditions régissant l'utilisation d'une indication de provenance («Genève», «Zurich», etc.), donc également de la désignation «Suisse», pour les produits. L'absence de critères précis est synonyme de manque de transparence et d'insécurité juridique. Selon l'art. 48 LPM, la provenance est déterminée par le lieu de fabrication ou par la provenance des matières de base et des composants utilisés. Le Conseil fédéral peut préciser ces conditions dans l'intérêt de l'économie en général ou de secteurs
particuliers. Pour l'heure, il ne l'a fait qu'une seule fois, dans l'ordonnance du 23 décembre 1971 réglant l'utilisation du nom «Suisse» pour les montres (ordonnance «Swiss made» pour les montres) après avoir mené de longues discussions pour prendre en considération les intérêts parfois très divergents de la branche horlogère. L'assemblée générale de la Fédération de l'industrie horlogère suisse a d'ailleurs accepté un projet de révision de cette ordonnance et l'a soumis au Conseil fédéral4. En dehors de cette ordonnance, on ne peut se baser que sur une jurisprudence cantonale peu abondante, en particulier celle du Tribunal de commerce de Saint-Gall5. Celui-ci s'est prononcé sur l'utilisation de la désignation «Suisse» pour des produits industriels, statuant que la quote-part suisse doit représenter au moins 50 % du coût total de production6 et que le processus essentiel de fabrication doit avoir lieu en Suisse. Selon cette jurisprudence, la recherche et le développement,

3 4 5 6

Art. 22, al. 1, ADPIC.

L'examen du projet par le Conseil fédéral présuppose que les futures règles légales soient préalablementclairement établies.

Décision du 24 avril 1968, Revue suisse de jurisprudence, 1972, p. 207 et décision du 6 novembre 1992, St. Gallische Gerichts- u. Verwaltungspraxis, 1992, no 39.

Comprenant les matières premières et mi-ouvrées, les pièces détachées, les salaires et les frais généraux, à l'exclusion des coûts de distribution.

7727

ainsi que le marketing, ne peuvent pas être pris en compte pour examiner si les deux conditions précitées sont remplies.

Selon l'art. 49 LPM, la provenance des services est déterminée soit par le siège social de la personne qui fournit les services, soit par la nationalité ou le domicile des personnes qui exercent le contrôle effectif de la politique commerciale et de la direction. Une société ayant son siège social en Suisse peut donc utiliser le nom «Swiss Consulting» pour des services. Une société ayant son siège à l'étranger peut légitimement utiliser ce même nom pour ses services, à condition que la personne qui exerce le contrôle effectif de la société (par ex. le directeur) soit un citoyen suisse ou soit domicilié en Suisse.

Conditions actuelles d'utilisation de la croix suisse L'utilisation de la croix suisse est régie par la loi fédérale du 5 juin 1931 pour la protection des armoiries publiques et autres signes publics (LPAP). Celle-ci interdit notamment l'enregistrement de la croix suisse en tant que marque de produits et son apposition dans un but commercial sur des produits ou sur leur emballage. Le but poursuivi est considéré comme commercial lorsque la croix suisse est apposée afin d'indiquer la provenance (suisse) d'un produit. Ainsi, l'apposition de la croix suisse sur un pot de yaourt ou sur une pâte combustible dans le but d'indiquer aux consommateurs que le produit provient de Suisse n'est pas conforme à la loi.

L'emploi sur des produits à des fins non commerciales et dans un but décoratif est en revanche licite. L'apposition de la croix suisse sur des articles de souvenir (par ex. une croix suisse de grande dimension sur un t-shirt ou sur une casquette) est par conséquent autorisée. Dans ce cas de figure, la croix suisse est utilisée dans un but purement décoratif; les consommateurs ne s'attendant pas à ce que les produits en question aient été fabriqués en Suisse. Une reproduction très fortement stylisée de la croix suisse peut également être apposée sur des produits si tout risque de confusion avec l'emblème national peut être exclu.

Pour les marques de services, dans la publicité et sur les prospectus, la croix suisse peut être utilisée pour autant qu'elle n'induise pas en erreur sur la provenance des produits et des services. Par exemple, l'entreprise Swiss Life, qui a
son siège en Suisse, peut utiliser la croix suisse dans son logo. La société Swatch est autorisée à utiliser la croix suisse dans son prospectus pour des montres «Swiss made».

L'apposition de la croix suisse sur les cadrans de ces montres serait par contre illicite.

La distinction faite aujourd'hui entre l'utilisation de la croix suisse sur des produits (l'utilisation est interdite même si le produit a été fabriqué en Suisse) et pour des services (l'utilisation est licite notamment lorsque l'entreprise a son siège en Suisse) n'est plus justifiée si l'on considère que la croix suisse est l'indication de provenance suisse la plus précieuse en termes de marketing.

La marque de services n'a été introduite qu'en 1992, lors de la révision de la LPM.

A l'époque, la révision prévoyait d'abroger entièrement la LPAP. Les signes publics auraient été assimilés aux indications de provenance (conformément aux art. 47 ss LPM). En d'autres termes, leur emploi aurait été libre à condition qu'il n'y ait pas de risque de tromperie. L'avant-projet mis en consultation par l'ancien Office fédéral de la propriété intellectuelle a toutefois suscité de vives controverses auprès des cantons et des milieux intéressés. Pour ne pas mettre en péril le projet de révision,

7728

l'office a finalement renoncé à abroger la LPAP7. Le fait qu'aujourd'hui les marques de services sont favorisées par rapport aux marques de produits (art. 75, ch. 3, LPM) est une décision politique qui ne fut prise à l'époque que lors des débats parlementaires.

Il n'y a plus aucune raison valable de maintenir cette distinction. De plus, l'utilisation toujours plus répandue de la croix suisse sur des produits en dépit de l'interdiction légale révèle un énorme fossé entre le droit et la réalité. Il est donc est impératif d'agir sur le plan législatif. Il est également nécessaire de résoudre les difficultés de délimitation entre l'utilisation de la croix suisse à but commercial et celle à but décoratif.

Application du droit en Suisse et à l'étranger En Suisse, s'agissant de la désignation «Suisse», les lésés (en particulier les producteurs suisses qui respectent les conditions d'utilisation de cette désignation) et les associations professionnelles ou les organisations de défense des consommateurs peuvent engager des poursuites civiles et pénales; l'utilisation abusive commise par métier est un délit qui doit être poursuivi d'office par les cantons. Mais, dans ce domaine, il est rare que des procédures soient engagées. En raison de la maigre jurisprudence (qui ne concerne d'ailleurs que des produits dont la fabrication est relativement simple, comme des foulards ou des plumes-réservoirs et non des produits plus complexes supposant des activités de recherche et de développement plus importantes, comme des produits cosmétiques ou chimiques), il est difficile de dire si et dans quelle mesure les coûts de recherche ou de contrôle de la qualité, par exemple, peuvent être considérés comme des coûts de fabrication et s'ils peuvent être pris en compte pour la détermination de la provenance du produit. Quant aux infractions à la LPAP, il incombe aux cantons de les poursuivre d'office, et tout un chacun peut les dénoncer. Les abus sont cependant rarement poursuivis.

A l'étranger, la protection des indications de provenance en général, et de la désignation «Suisse» en particulier, est difficile à réaliser. En vertu du principe de la territorialité, chaque Etat est libre de fixer ses propres règles sur la protection des indications de provenance et les drapeaux nationaux, sous réserve des traités internationaux. Le
droit étranger est souvent très différent du droit suisse s'agissant du niveau de protection et de la légitimité pour engager une procédure. L'interprétation des conventions internationales applicables et la jurisprudence en la matière sont en règle générale vagues, ce qui rend d'autant plus coûteux un procès à l'issue incertaine. Aussi des actions judiciaires sont-elles rarement intentées à l'étranger, principalement parce qu'il n'existe pas, dans les branches économiques concernées, de titulaire de la désignation «Suisse» qui pourrait décider comment doivent être utilisées et défendues la désignation «Suisse» et la croix suisse et porter les cas d'utilisation abusive devant les tribunaux.

7

Message 1991, FF 1991 I 1, p. 13.

7729

1.2

Interventions parlementaires et rapport du Conseil fédéral

Le renforcement de la protection de la «Suissitude» a fait l'objet de plusieurs interventions parlementaires8. Le postulat 06.3056 Hutter («Protection de la marque Suisse») du 16 mars 2006 charge le Conseil fédéral d'exposer au Parlement de quelles manières la «marque Suisse» pourrait être mieux protégée et, en particulier, de vérifier dans quelle mesure les lois et les ordonnances peuvent être révisées en ce sens. Le postulat 06.3174 Fetz («Renforcer la marque Made in Switzerland») du 24 mars 2006 donne le mandat au Conseil fédéral d'examiner et de présenter les mesures, notamment législatives, qui pourraient être prises pour renforcer la protection de l'indication de provenance «Suisse». Le Conseil fédéral a accepté les deux postulats le 17 mai 2006. Le postulat Fetz a été adopté par le Conseil des Etats le 9 juin 2006, le postulat Hutter par le Conseil national le 23 juin 2006.

En réponse à ces deux postulats, le Conseil fédéral propose, dans le rapport «Protection de la désignation
La motion 08.3247 Favre («Protection AOP/IGP des produits de la sylviculture») charge le Conseil fédéral de proposer une base légale qui permette de protéger efficacement les dénominations relatives aux produits traditionnels de la sylviculture suisse par leur enregistrement dans le registre fédéral des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP). Le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion le 19 décembre 2008. La motion Favre a été adoptée par le Conseil national le 20 mars 2009 et par le Conseil des Etats le 14 septembre 2009. La loi sur les forêts pourrait être complétée par l'ajout d'un nouvel article 41a (désignation), dans le cadre de la présente révision (voir ch. 2.2.8).

Comme cette modification satisfait à la requête de la motion Favre, la liquidation de celle-ci est demandée.

1.3

Nouvelle réglementation proposée

Critères visant à déterminer le lieu de la provenance Le projet de révision de la LPM (P-LPM) contient les critères qui permettent de déterminer la provenance d'un produit. Ces critères s'appliquent à la provenance 8

9

Interpellation 05.3211 Zuppiger («Utilisation abusive de la croix suisse»), Postulat 06.3056 Hutter («Protection de la marque suisse»), Postulat 06.3174 Fetz («Renforcer la marque Made in Switzerland»), Question 07.1001 Reymond («L'importance d'un vrai pour l'horlogerie») et Interpellation 07.3666 Berberat («Renforcement du en matière horlogère»).

Voir le rapport du 9 mars 2007 concernant les motions et les postulats des conseils législatifs de l'année 2006 et l'annexe 1 du rapport du Conseil fédéral du 7 mars 2008 concernant les motions et les postulats des conseils législatifs de l'année 2007. Ces deux rapports sont publiés sur la page Internet de la Chancellerie fédérale à l'adresse suivante: http://www.bk.admin.ch/dokumentation/publikationen/00290/04599/04601/ index.html?lang=fr.

7730

suisse (désignations telles que «Suisse», «Genève», «Zurich», etc.). Les produits sont classés dans trois catégories: les produits naturels, les produits naturels transformés et les produits industriels10. Concrètement, une indication de provenance peut être utilisée pour tout produit qui réalise les critères prévus pour la catégorie correspondante, sous réserve du droit en vigueur (voir la référence à la législation en matière de médicaments mentionnée dans le commentaire de l'art. 48).

Pour les produits naturels (comme les plantes, l'eau minérale, les animaux), la provenance est définie à l'aide d'un seul critère adapté en fonction du type de produit. Il s'agit par exemple du lieu de l'extraction pour les produits minéraux et du lieu de la récolte pour les produits végétaux.

Pour les produits naturels transformés (comme le fromage) et les produits industriels (comme les couteaux), un système fondé sur des critères cumulatifs vise à garantir le rattachement effectif du produit au lieu de provenance. Pour la présentation détaillée de la réglementation et des exemples, voir commentaire des art. 48 ss; ch. 2.1.2.2). Ces critères sont les suivants: 1.

L'activité donnant au produit ses caractéristiques essentielles (transformation, fabrication, assemblage, recherche et développement) doit avoir lieu en Suisse. Il s'agit de l'activité qui crée véritablement le produit, et il serait impensable de ne pas en tenir compte pour en déterminer la provenance.

Par exemple, un produit naturel transformé tel que le fromage doit subir la transformation de lait en fromage en Suisse et un produit industriel tel qu'une montre doit y être assemblée.

10

2.

Un lien physique réel doit exister entre le produit et le territoire géographique suisse. Cette exigence minimale est indispensable pour conserver la cohérence du système des indications de provenance. A défaut, certains produits tirant leurs caractéristiques essentielles uniquement (ou en grande partie) de la recherche et du développement pourraient être considérés comme «Swiss made» alors même qu'aucune étape de fabrication n'a eu lieu en Suisse. En conséquence, une étape significative de la fabrication doit y être réalisée. Si, pour ce produit, la fabrication proprement dite est l'étape qui donne au produit ses caractéristiques essentielles, la deuxième condition (l'étape significative de la fabrication) est réalisée simultanément avec la première condition.

3.

Enfin, un pourcentage minimum des éléments composant le produit ou des activités contribuant à lui donner de la valeur doit être réalisé dans notre pays. Ces éléments (par ex. les produits naturels composant le produit final) ou ces activités ont souvent une importance déterminante pour les milieux intéressés. Faute d'une telle exigence, il serait possible de fabriquer du «fromage suisse» avec 100 % de lait étranger. Un produit naturel transformé tel que le fromage doit être composé de 80 % au minimum de matière première suisse. Pour les produits industriels, 60 % du prix de revient du produit doivent être réalisés dans notre pays.

Cette dernière catégorie comprend tous les produits ne tombant pas dans les deux premières catégories. C'est par ex. le cas des produits artisanaux (voir commentaire de l'art. 48c P-LPM). Pour alléger le texte, il est fait référence uniquement aux produits industriels dans le message.

7731

Pour les deux catégories de produits, la nouvelle réglementation prévoit des exceptions pour les matières premières ne pouvant pas être produites ou n'étant pas disponibles en quantité suffisante en Suisse (voir commentaires des art. 48b et 48c).

Les indications de provenance étrangères étant définies dans leur pays d'origine, les critères des art. 48a à 48c ne leur sont donc pas applicables. L'éventuelle tromperie des consommateurs suisses est cependant réservée11, tout comme l'application des dispositions de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD).

Le projet renforce également le critère de rattachement pour les indications de provenance pour les services. Une entreprise fournit des services suisses à condition d'avoir son siège social en Suisse et d'être effectivement administrée depuis la Suisse. Les autres critères de rattachement mentionnés dans la LPM, à savoir la nationalité ou le domicile, ont été supprimés (voir commentaire de l'art. 49; ch.

2.1.2.3).

Croix suisse et autres signes publics La LPAP ne correspond plus à la réalité. La nouvelle réglementation vise à remédier à cette situation en précisant la définition des armoiries de la Confédération, de la croix et du drapeau suisses en vue de créer une base solide pour leur protection. La révision a aussi pour objectif d'accroître la transparence et la sécurité juridique en donnant la compétence au Conseil fédéral d'établir une liste des autres signes publics de la Confédération. Le regroupement des emblèmes cantonaux dans une liste accessible au public s'inscrit dans la même lignée. Le projet de loi prévoit d'autoriser l'utilisation commerciale de la croix suisse, légalisant ainsi la pratique en mettant la croix à disposition de l'économie suisse en tant qu'instrument de marketing à des conditions clairement définies. Ainsi, l'apposition de la croix suisse sur un pot de yaourt ou sur une bouteille d'eau minérale dans le but d'indiquer aux consommateurs que le produit provient de Suisse sera autorisée. L'interdiction de la tromperie n'est pas abandonnée pour autant puisque la croix ne pourra être utilisée que pour les produits suisses. Contrairement à la croix suisse, dont l'usage sera libéralisé, il est prévu que les armoiries soient strictement réservées à la Confédération. Ce n'est que dans des
circonstances particulières que le DFJP pourra autoriser, à titre exceptionnel et sur demande motivée, la poursuite de l'usage des armoiries de la Confédération. Tel serait le cas si une entreprise ou une association fournissait la preuve qu'elle a utilisé les armoiries de la Confédération ou un signe susceptible d'être confondu avec elles de façon ininterrompue et incontestée depuis trente ans au moins pour des produits ou des services et qu'il existe un intérêt légitime à la poursuite de l'usage. Le but visé par cette exception est de permettre à des entreprises traditionnelles suisses de poursuivre l'usage de signes distinctifs établis. Le niveau de protection des signes publics étrangers continuera de se situer au-dessus du seuil minimal de protection qui prévaut au niveau international. Sur le plan du droit international, l'art. 6ter de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle (CUP) interdit l'imitation ainsi que l'enregistrement et l'utilisation à titre de marque pour les signes publics des pays membres (notamment les armoiries, drapeaux, signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie). La protection de ces signes se limite toutefois au risque de tromperie sur la provenance des marchandises et ne vise que l'imitation au point de vue 11

Pour les détails, voir commentaire de l'art. 48, al. 5, P-LPM.

7732

héraldique. Il y a imitation au point de vue héraldique lorsque, malgré le remaniement du signe public étranger, la marque présente les caractéristiques des armoiries d'un Etat et est perçue comme telle par le public. Cette disposition s'applique uniquement aux marques de produits et ne concerne pas les marques de services. Le projet de loi sur la protection des armoiries (P-LPASP) prévoit d'interdire l'emploi des signes protégés dans les marques de services également, ainsi que dans les raisons de commerce. De plus, la protection s'étendra non seulement aux imitations au point de vue héraldique, mais aussi aux imitations susceptibles d'être confondues avec elles, à l'instar de la protection conférée aux armoiries de la Confédération.

Introduction d'instruments supplémentaires sur le plan national visant à renforcer la protection en Suisse et à l'étranger Le projet de révision complète l'arsenal existant de moyens juridiques permettant l'application du droit en cas d'utilisation illicite d'indications de provenance et de signes publics. Tout d'abord, il prévoit que toute utilisation à titre professionnel, mais aussi ­ comme pour les signes publics ­ tout emploi intentionnel d'indications de provenance inexactes seront poursuivis d'office. Ensuite, l'IPI sera habilité à dénoncer toute utilisation abusive intentionnelle d'indications de provenance ou de signes publics auprès des autorités cantonales de poursuite pénale compétentes et à faire valoir les droits d'une partie plaignante dans la procédure. Enfin, il est prévu de doter les autorités d'une qualité pour agir limitée afin de leur permettre d'intenter des actions civiles. Cette qualité pour agir se limite, d'une part, aux actions visées aux art. 52 et 55, al. 1, LPM et 20 P-LPASP et, d'autre part, aux cas où les signes utilisés revêtent un intérêt particulier pour les collectivités concernées (voir ch. 1.4.).

A l'étranger, le droit suisse ne s'applique pas en raison du principe de la territorialité. L'interprétation des conventions internationales applicables et la jurisprudence en la matière y sont en règle générale assez vagues. Afin de renforcer la protection des indications géographiques dans les pays étrangers, le projet de révision de la LPM prévoit la création d'un registre des indications géographiques pour les produits autres que
les produits agricoles, les produits agricoles transformés, les vins, les produits sylvicoles et les produits sylvicoles transformés. Pour ces produits, les dénominations peuvent déjà être enregistrées auprès de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG), ou pourront l'être prochainement, ou alors elles bénéficient d'une protection cantonale en vertu de la loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr; voir commentaire de l'art. 50a, ch. 2.1.3). Par conséquent, le registre qui sera mis en place sur la base de l'art. 50a viendra compléter le registre actuel des AOP et des IGP agricoles, tenu par l'OFAG. L'inscription dans un registre a pour effet de reconnaître de façon officielle la protection accordée aux indications géographiques pour tous les produits. On parle dans ce cas de protection ex ante. Le projet de modification prévoit en outre que les appellations d'origine et les indications géographiques inscrites dans un registre (le registre actuel de l'OFAG ou le nouveau registre selon l'art. 50a) et les appellations viticoles protégées par les cantons pourront être enregistrées à titre de marques géographiques, tout comme l'indication de provenance (qualifiée) faisant l'objet d'une ordonnance du Conseil fédéral au sens de l'art. 50 LPM, par exemple l'actuelle ordonnance «Swiss made» pour les montres (voir commentaire de l'art. 27a, ch. 2.1.1). Un titre de protection sera donc délivré au titulaire de la marque. A l'étranger, l'obtention de la protection et sa mise en oeuvre seront facilitées s'il existe au préalable une reconnaissance officielle dans le pays de la provenance et si le titulaire peut présenter un extrait d'un registre des

7733

appellations d'origine ou des indications géographiques ou un autre titre de protection.

Actuellement, les indications de provenance font l'objet de plusieurs traités bilatéraux conclus par la Suisse, comme le traité franco-suisse12. Par ailleurs, le Conseil fédéral s'emploie aujourd'hui déjà à protéger spécifiquement les indications de provenance en général et la désignation «Suisse» en particulier dans le cadre de nouveaux accords bilatéraux ou d'accords économiques de libre-échange. De façon systématique, il s'efforce d'introduire le thème de la protection des indications de provenance et en particulier de la désignation «Suisse» lors de la négociation de ces accords, comme dans l'accord de libre-échange et de partenariat économique entre la Confédération et Japon13 signé le 19 février 2009 et entré en vigueur le 1er septembre 2009.

1.4

Justification et appréciation de la solution proposée

1.4.1

Justification

Critères visant à déterminer la provenance Les nouveaux critères proposés définissant plus précisément la provenance des produits et des services renforcent la protection de la désignation «Suisse» et accroissent la sécurité juridique.

Le renforcement de la protection et l'accroissement de la transparence des critères sont nécessaires pour préserver la valeur économique de la «Suissitude». Selon les résultats d'une étude récente14, l'image prestigieuse dont bénéficient les produits et les prestations suisses permet à ceux qui les offrent de se positionner plus facilement sur le marché, d'obtenir un prix plus élevé et de renforcer la force de leur message autour de ces produits et de ces prestations, si celle-ci véhicule des valeurs corres-

12

13 14

A ce jour, la Confédération suisse a conclu des traités bilatéraux similaires avec l'Allemagne (RS 0.232.111.191.36), l'Espagne (RS 0.232.111.193.32), la Hongrie (RS 0.232.111.194.18), le Portugal (RS 0.232.111.196.54), l'ancienne Tchécoslovaquie (RS 0.232.111.197.41; aujourd'hui applicable à la République tchèque et à la Slovaquie).

RS 0.946.294.632 Stephan Feige/Benita Brockdorff/Karsten Sausen/Peter Fischer/Urs Jaermann/Sven Reinecke, Swissness Worldwide ­ Internationale Studie zur Wahrnehmung der Marke Schweiz. Etude de l'Université de Saint-Gall et al. 2008. Deux études récentes de l'Ecole polytechnique fédérale montrent par ailleurs que les consommateurs suisses sont disposés eux aussi à débourser nettement plus pour acheter des produits de qualité provenant de Suisse. Voir Conradin Bolliger, Produktherkunft Schweiz: Schweizer Inlandkonsumenten und ihre Assoziationen mit und Präferenzen für heimische Agrarerzeugnisse. Tagungsband der 18. Jahrestagung der Österreichischen Gesellschaft für Agrarökonomie, 2008, de même que le ch. 3 traitant des conséquences de la nouvelle réglementation.

7734

pondantes15. Cette valeur économique est bien connue des entreprises. Un sondage réalisé en 2005 auprès des membres de l'Union suisse de l'article de marque (Promarca) a montré que plus de la moitié des entreprises questionnées utilisent la marque «Suisse» à côté de leur propre marque (co-branding) et que 40 % entendaient davantage y recourir au cours des cinq prochaines années16. Selon une recherche, environ 6400 marques protégées en Suisse contiennent la désignation «Suisse» ­ ou des désignations similaires, comme «Switzerland», «Swiss», etc. ­ ou la croix suisse17.

L'adoption de critères plus précis dans le projet législatif permet de clarifier les conditions d'utilisation des indications de provenance. Celles-ci doivent être mieux comprises par les consommateurs afin de pouvoir être prises en considération lors des décisions d'achat. Cette nouvelle réglementation fondée sur des critères cumulatifs peut avoir pour conséquence que certains produits n'auront plus d'indication de provenance (au sens de la LPM), en raison de la dispersion du processus de fabrication dans de nombreux pays et de l'approvisionnement en matières premières ­ malgré leur disponibilité en Suisse ­ à l'étranger. C'est le fruit de la mondialisation.

Cependant, la suppression de l'indication de provenance pour ces produits permet justement d'éviter la tromperie des consommateurs. La déclaration obligatoire du pays de production au sens des art. 20 et 21 de la loi du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires (LDAI) continue cependant de s'appliquer. A titre d'exemple, la nouvelle réglementation interdit clairement d'apposer l'indication de provenance «Suisse» sur l'emballage d'un fromage transformé en Suisse à base de 100 % de lait étranger (pour les explications détaillées voir commentaires des art. 48 ss; ch.

2.1.2.2). Le pays de production (Suisse) doit cependant toujours être indiqué, ainsi que la provenance de la matière première étrangère, conformément aux art. 15 et 16 de l'ordonnance du DFI du 23 novembre 2005 sur l'étiquetage et la publicité des denrées alimentaires (OEDAI).

Ces critères ont également pour conséquence d'inciter les entreprises à investir davantage en Suisse. Ils agissent comme une incitation économique pour une place économique suisse forte et innovatrice. Pour les produits industriels par exemple,
le projet prévoit expressément que le coût de la recherche et du développement pourra être pris en compte dans le calcul des 60 % du prix de revient devant être réalisé en Suisse. Cette inclusion dans le calcul est importante, car les entreprises ayant effectué de gros investissements en Suisse pour la recherche et le développement de leurs 15

16

17

Stephan Feige/Benita Brockdorf/Karsten Sausen, «Swiss made» ­ ein weltweites Gütesiegel, in: Persönlich, mai 2008, p. 54: «Il ressort une fois de plus que les prestations et produits suisses bénéficient d'une excellente réputation. La marque 'Suisse' continue de véhiculer des valeurs comme la solidité, l'exclusivité et l'excellence. Ces facteurs confèrent aux prestations et aux produits identifiables comme suisses des avantages avant même qu'ils ne soient vendus puisque cette désignation de provenance offre aux entreprises la possibilité de faire valoir une plus-value justifiée par la qualité. Les produits suisses jouissent en effet d'une grande crédibilité en termes d'exclusivité, ce qui permet d'imposer plus facilement des prix plus élevés. De façon générale, la mise en avant de la provenance suisse contribue à renforcer la plausibilité du message publicitaire ou du positionnement, à condition que ceux-ci reflètent réellement les valeurs des produits suisses.» (traduction libre).

Voir Marco Casanova, Die Marke Schweiz ­ Gefangen in der Mythosfalle zwischen Heidi und Willhelm Tell: Aktuelle Herausforderung im Zusammehang mit der Verwendung der Marke Schweiz als Co-Branding-Partner, in: Arndt Florack/Martin Scarabis/Ernst Primosch (éd.), Psychologie der Markenführung, Vahlen, Munich 2007, pp. 541 à 550.

Etat de la recherche: fin 2006 (pour le résumé de la recherche de similarité, voir www.ipi.ch/F/jurinfo/j108.shtm).

7735

produits pourront utiliser la désignation «Suisse» ou la croix suisse si tous les critères légaux sont respectés.

Enfin le renforcement du rattachement au lieu de provenance du produit ou des matières premières tient compte des aspects écologiques inhérents à toute production. Pour les produits industriels, la nouvelle réglementation empêche l'entreprise qui désire fabriquer du «Swiss made» de tenir compte des frais de transport ­ qui peuvent être importants lorsqu'un élément composant le produit final provient de l'étranger ­ dans le calcul du 60 % du prix de revient (art. 48c, al. 3, let. d). Pour les produits naturels transformés, un producteur qui désire bénéficier de la plus-value apportée par la «Suissitude» ne peut en principe pas importer de l'étranger plus de 20 % des matières premières qui les composent.

Bien que ne faisant pas partie à proprement parler de la problématique de la «Suissitude», une réglementation générale pour les indications de provenance se référant à des lieux plus spécifiques du territoire suisse (par ex.: «Genève») répond aux mêmes besoins que ceux exprimés pour la désignation «Suisse» et doit donc être traitée en parallèle. En conséquence, la réglementation doit être révisée dans son ensemble.

Autres formes de protection L'art. 50 LPM offre déjà la possibilité aux branches économiques de préciser les conditions générales auxquelles une indication de provenance (qualifiée) suisse peut être utilisée. Le Conseil fédéral a rappelé cette possibilité dans son rapport du 15 novembre 2006 (voir ch. 1.1), mais il estime que cet instrument ne permet pas, à lui seul, de renforcer la protection des indications géographiques. En conséquence, il propose deux mesures supplémentaires. Premièrement, il propose la création d'un registre sur les indications géographiques pour tous les produits, à l'exception des produits agricoles, des produits agricoles transformés18, des vins19, des produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés20. Deuxièmement il introduit la possibilité d'enregistrer des marques géographiques portant sur des appellations d'origine et des indications géographiques enregistrées devant l'OFAG ou l'IPI, des appellations d'origine viticoles protégées sur le plan cantonal ou des indications de provenance fondées sur une ordonnance du Conseil fédéral au
sens de l'art. 50 LPM.

Registre des indications géographiques La création d'un second registre des indications géographiques est avantageuse à plus d'un titre. Elle permet d'établir une protection ex ante en délivrant un titre de protection explicite et de mettre ainsi fin à l'imprévisibilité et à l'insécurité juridique régnant autour de l'objet de la protection. En effet, la protection ex post prévue par la LPM ne se matérialise qu'en cas de litige. L'établissement d'un registre des indications géographiques est en outre utile pour les producteurs qui bénéficieront ainsi d'un cadre juridique leur permettant de se fédérer derrière un produit. Grâce à la publicité liée à l'enregistrement, la protection de l'indication géographique est renforcée. La protection ex ante possède par ailleurs le grand avantage de favoriser l'obtention de la protection à l'étranger et la mise en oeuvre efficace de celle-ci. Elle renforce enfin la position de la Suisse sur le plan international, en particulier dans le cadre des négociations devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui 18 19 20

Pour ces produits, un registre est déjà prévu par l'art. 16 LAgr.

La protection des appellations d'origine viticoles est de la compétence des cantons.

Pour la protection des indications géographiques pour les produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés, voir ch. 2.2.8.

7736

examine l'opportunité de développer un registre multilatéral des indications géographiques de ses pays membres. L'existence d'un second registre suisse des indications géographiques consolide la crédibilité de la Suisse dans le cadre de ces négociations. En ce sens, la création d'un registre répond aux préoccupations exprimées dans les interpellations 04.3350 Epiney déposée le 16 juin 2004 et 04.3257 Germanier déposée le 7 mai 2004 («OMC. Protection des indications géographiques»), qui demandent que la Suisse s'engage, dans le cadre des négociations devant l'OMC, à soutenir la création d'un registre multilatéral dans l'intérêt de l'ensemble des utilisateurs d'indications géographiques. La mise en place d'un registre sur les indications géographiques est également une aide utile, voire nécessaire selon les Etats concernés, en vue de futures négociations de traités bilatéraux ou d'accords de libreéchange visant la protection des indications géographiques. Elle permet de rendre plus crédible la liste des indications géographiques figurant dans chaque accord ou traité négocié. D'ailleurs, un nombre toujours croissant de pays, dont par exemple l'Inde et le Mexique, instaurent des systèmes d'enregistrement de ces indications pour tous les produits. Le registre indien contient 33 indications géographiques enregistrées pour des produits agro-alimentaires et 84 pour des produits artisanaux et industriels. La protection de ces désignations basée sur des enregistrements (protection ex ante) devient un standard internationalement reconnu. Il est donc justifié que les producteurs suisses puissent aussi bénéficier de cet instrument juridique pour tous les types de produits, et pas seulement pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés, pour lesquels il existe déjà un registre au niveau fédéral, tenu par l'OFAG.

Marque géographique Selon la réglementation actuelle, une appellation d'origine (par ex. «Gruyère») ou une indication géographique (par ex. «Saucisson vaudois») ne peut pas être enregistrée comme marque verbale. Les appellations d'origine et les indications, géographiques doivent rester à la libre disposition de tous (elles appartiennent au domaine public) et sont pour cette raison exclues de l'enregistrement en vertu de l'art. 2, let. a, LPM. Il est pourtant possible d'enregistrer
comme marque un signe composé d'un élément pour lequel il existe un besoin de libre disposition (au sens de l'art. 2, let. a, LPM), en l'espèce l'appellation d'origine ou de l'indication géographique et d'un élément qui confère au signe un caractère distinctif. Tel serait le cas d'un signe composé du mot «Gruyère» et d'un signe figuratif.

Le projet de révision donne la possibilité à tout groupement ayant obtenu l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique21 de déposer une marque géographique (voir art. 27a, ch. 2.1.1), en dérogation à l'art. 2, let. a, LPM, si les autres conditions sont remplies. Cette marque consiste en une appellation d'origine ou une indication géographique inscrite dans le registre tenu par l'OFAG ou une indication géographique inscrite dans le nouveau registre prévu par l'art. 50a (ch. 2.1.3). Le projet de révision offre la même possibilité aux cantons qui protègent les appellations d'origine viticoles conformément à l'art. 63 LAgr ainsi qu'à l'organisation faîtière de la branche économique qui bénéficie d'une ordonnance du Conseil fédéral au sens de l'art. 50, al. 2, P-LPM. Conformément avec l'accord sur les ADPIC et la CUP, un tel enregistrement doit également être prévu pour les indications géographiques protégées à des conditions strictement équivalentes (voir art. 27a; ch. 2.1.1). Il faut retenir que le système de la marque 21

Au sens de l'art. 16 LAgr.

7737

géographique prévu aux art. 27 ss est indissociable de l'enregistrement préalable de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique dans un registre suisse, de l'existence d'une protection cantonale de l'appellation d'origine viticole conforme au droit fédéral ou de l'existence d'une ordonnance du Conseil fédéral prévue par l'art. 50, al. 2, LPM. La marque géographique renvoie simplement aux conditions d'utilisation prévues dans le cahier des charges, dans la législation cantonale ou dans l'ordonnance du Conseil fédéral.

Cette approche est conforme à la position suisse dans le cadre des négociations à l'OMC. Il est vrai que la Suisse recherche une meilleure protection internationale des indications géographiques en tant que droit de propriété intellectuelle distinct, afin de mieux appréhender toute les spécificités de la protection de telles indications et d'empêcher leur utilisation abusive à l'étranger. Pourtant, sous un angle offensif, la double protection (comme indication géographique et comme marque géographique) est utile car, dans divers pays, les standards de protection pour les indications géographiques de l'accord sur les ADPIC sont mis en oeuvre par le droit des marques et non par un système de protection spécifique pour les indications géographiques. La Suisse a donc un intérêt à assurer à ses produits d'exportation les meilleurs instruments de protection possibles. La marque géographique représente avant tout un vecteur visant à faciliter l'obtention de la protection de l'indication géographique à l'étranger. Elle sera un instrument supplémentaire aux mains des producteurs pour renforcer la protection à l'étranger des appellations d'origine et des indications géographiques enregistrées, des appellations d'origine viticoles (protégées sur le plan cantonal conformément au droit fédéral) ou des indications de provenance (réglementées dans une ordonnance du Conseil fédéral). Elle permettra à son titulaire de bénéficier de certains avantages du système de Madrid (système d'enregistrement international des marques), comme celui de déposer une seule demande d'enregistrement désignant la totalité ou une partie des pays membres du système.

En dehors de ce système, il faut déposer une demande d'enregistrement à l'office national de chaque pays étranger pour lequel la protection est
requise. Dans le système de Madrid, la protection n'est pas conférée automatiquement car chaque partie contractante désignée examine la demande d'enregistrement selon sa propre législation. En cas d'acceptation, le titulaire jouit alors, dans les pays désignés, de la même protection que si sa marque avait été enregistrée séparément auprès de chacun des offices nationaux étrangers.

Croix suisse et autres signes publics La LPAP ne correspond plus du tout à la réalité économique actuelle. La réglementation actuelle n'a donc plus lieu d'être. S'il est vrai que la loi interdit l'utilisation de la croix suisse pour des produits, bon nombre de sociétés l'apposent sur leurs produits pour en désigner la provenance. Par ex., la société Emmi AG appose la croix suisse sur ses produits laitiers et ses glaces et Valser utilise les armoiries suisses sur ses bouteilles d'eau minérale. On constate donc un réel besoin de recourir à la croix suisse comme moyen de marketing, ce qui justifie de libéraliser son utilisation pour les produits de provenance suisse. Malgré la clarté de la législation, en vertu de laquelle les autorités cantonales devraient poursuivre d'office les cas d'utilisation abusive, il est rare que des procédures soient ouvertes. L'inscription, dans la loi, de la compétence de dénoncer ces abus par le biais de l'IPI et d'intenter une action civile dans certains cas précis donne à la Confédération les moyens d'intervenir lorsqu'elle l'estime nécessaire. Cette compétence expresse assoit la position de l'IPI en tant qu'autorité fédérale chargée de l'exécution de la loi sur la protection des 7738

armoiries et permet d'atteindre l'un des principaux objectifs visé par la révision, à savoir améliorer et renforcer la protection de la croix suisse dans notre pays. En dehors de l'IPI, toute personne pourra, comme aujourd'hui, dénoncer une infraction à la loi aux autorités cantonales compétentes.

La distinction opérée aujourd'hui entre utilisation à des fins commerciales et emploi à des fins décoratives suscite toujours davantage d'interrogations. Par exemple, l'apposition de la croix suisse sur des articles de souvenir, comme une croix suisse de grande dimension sur un t-shirt ou sur une casquette, est autorisée. En effet, la croix suisse y est utilisée dans un but purement décoratif car les consommateurs ne s'attendant pas à ce que le t-shirt ou la casquette en question soient fabriqués en Suisse. Par contre, l'apposition de la croix suisse sur un pot de yaourt ou sur une bouteille d'eau minérale dans le but d'indiquer aux consommateurs que le produit provient de Suisse est assimilée à une utilisation à des fins commerciales; elle est donc interdite selon le droit en vigueur. Aussi, le projet prévoit l'abandon de cette distinction pour les produits fabriqués en Suisse.

La différence de traitement entre les produits et les services ne se justifie plus non plus. Selon le droit en vigueur, l'utilisation de la croix suisse pour des services est licite (à condition qu'elle ne trompe pas sur la provenance de ces services), alors que son apposition sur des produits dans un but commercial est interdite. Lors de la dernière révision de la LPM au début des années 90, le législateur a maintenu cette distinction, qui a une justification historique, pour des raisons politiques. Ce privilège accordé aux services n'a toutefois plus de raison d'être et il est temps d'abroger cette différence de traitement entre produits et services. Il sera donc permis non seulement de désigner les produits et les services suisses comme tels, mais aussi d'en promouvoir les qualités par l'emploi de ce que l'on peut considérer comme la marque la plus forte de Suisse, à savoir la croix suisse. Cette modification de la législation permet de tenir compte de la réalité économique et du potentiel marketing de la croix suisse.

Enfin, la distinction opérée entre les armoiries de la Confédération et la croix suisse vise à préserver
les armoiries comme signe de l'Etat, lequel sera le seul habilité à les utiliser. Les armoiries de la Confédération ne pourront être utilisées comme signe distinctif par des entreprises traditionnelles suisses et des associations qu'à titre exceptionnel et sur demande motivée. Cette solution permettra aux entreprises traditionnelles suisses de poursuivre l'usage de leur signe distinctif, en assurant un équilibre entre les intérêts légitimes de la Confédération et ceux de l'économie suisse. La croix suisse, en revanche, est mise à la libre disposition de l'ensemble de l'économie.

Arsenal de sanctions permettant la mise en oeuvre du droit Aujourd'hui, il incombe le plus souvent aux particuliers de faire valoir leurs droits en cas d'utilisation illicite d'une indication de provenance. Peuvent ainsi intenter une action civile, d'une part, les personnes atteintes dans leur droit à une indication de provenance (art. 55, al. 1, LPM) ­ à savoir les personnes qui en sont les utilisatrices légitimes ­ et, d'autre part, les associations et organisations visées à l'art. 56 LPM. Sur le plan pénal, une plainte du lésé est nécessaire afin que des poursuites pénales soient engagées en cas d'utilisation abusive intentionnelle d'une indication de provenance, cette infraction n'étant poursuivie d'office que si l'auteur agit par métier (art. 64 LPM). L'utilisation illicite de signes publics est, quant à elle, poursuivie d'office (art. 13 LPAP); la LPAP ne prévoit par contre pas d'actions civiles, 7739

qui pourraient être envisagées également dans le cas d'infractions non intentionnelles.

Dans la pratique, cet arsenal de sanctions s'est révélé insuffisant. Trop souvent, les infractions ­ parfois manifestes ­ à la loi restent sans conséquences, parce qu'aucun particulier ou aucune organisation n'engage de poursuites ou parce que les autorités pénales n'ouvrent pas d'instruction pénale ou n'appliquent pas les sanctions. On peut expliquer cela notamment par la nature des indications de provenance, leur usage revenant à un collectif plus ou moins étendu. Il peut ainsi paraître disproportionné pour l'une des entreprises constituant ce collectif et qui est habilitée à intenter une action, de prendre à sa charge les démarches et les coûts liés à une action civile et d'en supporter les risques dans le but d'obtenir une interdiction d'utilisation ou une autre injonction judiciaire. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de désignations comme «Suisse» ou «suisse» ou de symboles comme la croix suisse, qui peuvent être utilisés par toute entreprise en Suisse à condition qu'elle respecte les prescriptions des art. 48 et 49 LPM. En règle générale, les sujets de droit privé considèrent qu'il ne leur incombe pas d'engager un procès dans l'intérêt de tous, ou de porter plainte contre une infraction censée être poursuivie d'office; dans le meilleur des cas, ils se contentent d'annoncer l'infraction à l'IPI. Les autorités pénales ont par conséquent rarement connaissance des cas d'utilisation abusive et, si elles en sont informées, il n'est pas rare qu'elles n'ouvrent pas d'instruction pénale ou qu'elles finissent par classer l'affaire pour non-lieu, au motif que les faits ne sont pas clairs ou ne peuvent pas être établis clairement.

Cette situation insatisfaisante et la volonté déclarée du Conseil fédéral de renforcer la protection de la désignation «Suisse» et de la croix suisse justifient la prise de mesures visant à optimiser l'application du droit lorsque des indications de provenance et des signes publics font l'objet d'une utilisation abusive. Le projet prévoit de poursuivre d'office non seulement tout emploi par métier, mais aussi ­ à l'instar de ce qui est prévu pour les signes publics ­ tout emploi intentionnel d'indications de provenance inexactes. La teneur de l'art. 64 LPM est proche de celle
de l'art. 61 LPM qui régit la violation intentionnelle d'une marque, de sorte qu'il appréhende la protection d'une indication de provenance comme s'il s'agissait d'un droit individuel. Or, alors qu'il n'est pas possible de déduire du droit à une marque une protection des consommateurs contre les risques de tromperie (plus précisément, cette protection est indirecte et n'existe que si le titulaire de la marque se défend luimême contre une utilisation abusive de sa marque, à l'exception des marques de garantie et des marques collectives, voir l'art. 56, al. 2, LPM), l'art. 47, al. 3, LPM interdit l'usage d'indications de provenance inexactes dans l'intérêt des consommateurs et dans celui d'un plus vaste public en fonction des produits et des services désignés. Il est par conséquent justifié que l'usage d'indications de provenance inexactes soit sanctionné de la même manière que l'usage intentionnel de signes publics (voir aussi l'adaptation des peines en cas d'infraction par métier à l'art. 28, al. 2, L-LPASP) et d'adapter l'art. 64 LPM.

Deuxièmement, le projet de LPM prévoit d'habiliter l'IPI, qui donne aujourd'hui déjà des avertissements en cas de non-respect de la loi, à dénoncer pénalement tout usage abusif intentionnel d'indications de provenance ou de signes publics auprès des autorités pénales cantonales compétentes afin d'engager ainsi des poursuites pénales et de lui permettre de faire valoir les droits d'une partie plaignante dans la procédure, au sens de l'art. 104, al. 2, du code de procédure pénale suisse du

7740

5 octobre 2007 (CPP)22. Cette qualité pour agir lui permettra d'influer sur la procédure, comme le fait le ministère public, et notamment de faire recours (par ex. contre une ordonnance de non-lieu). Cette possibilité est prévue aux art. 64, al. 3 P-LPM et 31, al. 2, P-LPASP.

Enfin, il est prévu de compléter l'arsenal de sanctions en conférant aux autorités une qualité limitée pour intenter des actions civiles. Des poursuites pénales ne peuvent être engagées qu'en cas d'infraction intentionnelle, mais il existe un réel intérêt à pouvoir obtenir une interdiction ou une décision judiciaire lorsqu'une indication de provenance ou un signe public ont été employés illicitement et que la partie défenderesse a agit uniquement par négligence, voire de manière non fautive. La LPAP ne prévoit pas une telle possibilité et, pour les indications de provenance, cette action n'est que rarement intentée. Aussi le projet de révision prévoit-il de conférer à l'IPI (qui agit pour le compte de la Confédération) et aux cantons une qualité pour agir; celle-ci se limite, d'une part, aux actions visées aux art. 52 et 55, al. 1, LPM et 20 P-LPASP et, d'autre part, aux cas où les signes utilisés revêtent un intérêt particulier pour les collectivités territoriales concernées. Cette qualité pour agir est inscrite aux art. 56, al. 1 P-LPM et 22 P-LPASP (voir pour les détails les ch. 2.1.5).

1.4.2

Solutions examinées

Critères visant à déterminer la provenance Il n'a pas été jugé approprié de se limiter à reprendre les exigences de Saint-Gall (voir ch. 1.1) pour les critères définissant la provenance des produits. Cette jurisprudence s'applique à des produits traditionnels, c'est-à-dire à des produits pour lesquels la recherche et le développement ne jouent pas un rôle essentiel. Aujourd'hui, ces activités peuvent être à l'origine des caractéristiques d'un produit et en conséquence devoir être prises en considération.

Marque géographique Le Conseil fédéral propose de fonder le système de la marque géographique sur une appellation d'origine ou une indication géographique enregistrée, une appellation d'origine viticole protégée sur le plan cantonal conformément au droit fédéral ou sur une ordonnance du Conseil fédéral préexistante (voir ch. 1.3). Une variante examinée par le Conseil fédéral ­ présentée dans l'avant-projet du 28 novembre 2007 soumis à la procédure de consultation publique ­ était similaire à la solution retenue par le droit communautaire et par le droit allemand: l'enregistrement à titre de marque de garantie ou de marque collective serait permis pour toutes les indications de provenance, indépendamment de leur inscription préalable dans un registre officiel ou de leur ancrage dans une réglementation légale. Cette variante présente plusieurs inconvénients. Premièrement, elle ne permet pas de garantir la représentativité du groupement déposant la marque de garantie, car il suffirait à quelques entreprises d'un même secteur partageant des intérêts communs de s'unir pour être légitimées à déposer une marque. Elles en obtiendraient ainsi l'enregistrement et pourraient s'opposer à tout dépôt ultérieur de la même marque. Deuxièmement, le groupement d'entreprises qui déposerait en premier la marque collective ou la marque de garantie pourrait fixer des conditions d'utilisation (par ex. des critères de qualité) allant 22

RS 312.0 (pas encore en vigueur); FF 2007 6583.

7741

au-delà des critères prévu par la loi pour les indications de provenance. Enfin, par le biais du système de Madrid (pour les explications, voir ch. 1.4.1), les entreprises d'un même secteur pourraient obtenir dans certains pays l'enregistrement de la marque ­ avec le règlement ­ et imposer ainsi leurs propres critères dans le pays en question à tous les producteurs, y compris aux autres producteurs suisses. La majorité des participants à la procédure de consultation jugent essentiel d'empêcher toute monopolisation injustifiée d'une indication géographique. Ils ont par conséquent rejeté la variante exposée ci-dessus. Par contre, ils ont soutenu la possibilité d'enregistrer une indication géographique à titre de marque, ce que permet la marque géographique prévue par le projet.

Après avoir observé et analysé les mesures prises dans la Principauté de Liechtenstein et en Italie, le Conseil fédéral a examiné la possibilité de créer une marque de garantie «Suisse» appartenant à la Confédération. En Italie, un projet de loi visant à créer une marque «made in Italy» a en effet été adopté par la Chambre des députés le 30 mai 2005, mais il doit encore être discuté au Sénat. Le titulaire de cette marque serait l'Etat italien et la condition d'utilisation principale porte sur le procédé de fabrication qui doit se dérouler entièrement en Italie. Ce projet indique que les ministères compétents définiront de façon plus spécifique les modalités d'usage de la marque. Dans la Principauté de Liechtenstein, la Fondation Image Liechtenstein est titulaire de la «marque Liechtenstein», composée de l'élément verbal «Liechtenstein» écrit en majuscules et surmonté d'un élément figuratif représentant une couronne constituée de cinq symboles23. L'utilisation de la marque est soumise à l'autorisation de la Fondation qui examine si l'entreprise respecte les conditions prévues par le règlement de la marque. En particulier, l'entreprise qui entend utiliser la marque doit avoir son siège au Liechtenstein, indiquer comment elle entend utiliser la marque et rendre compte à la Fondation de son utilisation effective. Cette approche n'a pas été suivie dans le projet pour les raisons suivantes: la création d'une marque de garantie «Suisse» appartenant à la Confédération ne tient pas compte de la nécessité de régler la question de la
protection des indications géographiques de façon cohérente et globale. Elle nécessiterait au préalable qu'une branche économique déterminée, qui désirerait bénéficier de cette marque «Suisse», se mette d'accord sur des critères communs à intégrer dans le règlement de la marque. Cette solution ferait d'ailleurs double emploi avec la possibilité accordée à l'art. 50 LPM, qui permet à une branche économique de se mettre d'accord sur des critères communs et d'obtenir du Conseil fédéral qu'il élabore une ordonnance sur la base de laquelle l'organisation faîtière de cette branche peut obtenir une marque géographique au sens de l'art. 27a. La gestion de marques de garantie «Suisse» appartenant à la Confédération et la défense conséquente de telles marques à l'étranger représenteraient en outre une charge financière très importante pour la Confédération.

Registre des indications géographiques pour les produits L'établissement d'un registre des indications géographiques portant uniquement sur la désignation «Suisse» a également été écartée. Cette solution ne tient pas compte de la nécessité de régler la problématique de la protection des indications géographiques de façon cohérente et globale.

23

La marque Liechtenstein est décrite sur la page Internet de la Principauté de Liechtenstein à l'adresse suivante: www.liechtenstein.li/dt/portal_fuerstentum_liechtensteinfremdsprachig/fl-fremdsprachig-marke.htm.

7742

1.4.3

Résultats de la procédure de consultation

1.4.3.1

Déroulement et résultat

La procédure de consultation, qui s'est déroulée du 28 novembre 2007 au 31 mars 2008, a porté sur l'avant-projet, accompagné d'un rapport explicatif. Le rapport du 15 octobre 2008 rendant compte des résultats de la procédure de consultation est publié sur le site Internet de l'IPI.24

1.4.3.2

Points non contestés

La direction générale donnée par l'avant-projet quant au renforcement de la protection de la «Suissitude» et, plus spécifiquement, quant aux critères définissant la provenance pour les produits industriels, a été saluée dans le cadre de la procédure de consultation. Les participants à la consultation divergent en revanche sur la définition concrète de ces critères. La consultation permet toutefois de proposer dans le projet des compromis. En particulier, le critère des 60 % au moins pour la part suisse des coûts de fabrication a été salué par la majorité des participants. Il représente un bon compromis, entre une exigence plus faible (en principe 50 %) ­ souhaitée par IG Swiss Made, USAM, UPSV, FEA, SAA, VBF, fial, les chambres de commerce (CCIS, HaBa), MGB et Ligo Electric ­ et une condition plus sévère (en moyenne 70 %) demandée par d'autres participants à la procédure de consultation (canton du JU, CFC, kf). L'inclusion dans le calcul des coûts de la recherche et du développement a également été discutée. Elle est soutenue par la grande majorité des participants, qui soulignent son importance pour la place économique suisse et, plus précisément, pour les entreprises ayant effectué de gros investissements dans la recherche et le développement sur le territoire suisse. La grande majorité des participants à la procédure de consultation soutient également que les coûts d'emballage, de marketing et de service après-vente ne doivent pas être pris en compte dans le calcul.

Pour les services, le renforcement des critères définissant la provenance est salué par la quasi totalité des cantons, les partis politiques et une très large majorité des autres participants à la procédure de consultation. Visant un renforcement général, le projet du Conseil fédéral tient en particulier compte des intérêts des participants (en particulier les banques) à une définition de l'indication de provenance pour les services.

La création d'un registre des indications géographiques portant sur tous les produits (à l'exception des produits agricoles, des produits agricoles transformés, des vins, des produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés) et l'introduction de nouvelles marques de garantie et de marques collectives25 sont saluées par la quasi totalité des cantons, les partis politiques et la grande majorité
des autres participants à la procédure de consultation. Ces nouveaux instruments, qui faciliteront l'obtention de la protection et sa mise en oeuvre à l'étranger pour les ayants droit des signes concernés, sont repris dans le projet, sous réserve de l'adaptation de certains points spécifiques discutés dans le cadre de la procédure de consultation.

24 25

http://www.ige.ch/f/jurinfo/j10801.shtm Les marques de garantie et collective de l'avant-projet sont traitées sous le terme de «marque géographique» dans le présent message (voir ch. 2.1.1).

7743

La grande majorité des participants (dont notamment 20 cantons, le PDC, le PRD, le PS, l'UDC, economiesuisse, l'USAM, l'USP et l'USS) est favorable au P-LPASP.

Tous ces participants s'accordent à dire que la LPAP ne correspond plus à la réalité et qu'il n'existe plus de raisons suffisantes de maintenir la réglementation en vigueur. Les grands axes du projet qui visent à créer davantage de clarté et de sécurité juridique en matière d'emploi de la croix suisse font également l'unanimité. La révision coordonnée et simultanée de la LPM et de la LPAP est considérée comme pertinente. En outre, ces participants jugent opportun de réserver les armoiries publiques aux collectivités concernées et de laisser le drapeau à la disposition de l'économie et des particuliers. La majorité se déclare tout à fait favorable à ce que la croix suisse et le drapeau suisse puissent être utilisés par tout un chacun, être apposés sur un produit ou utilisés pour des services, à condition que les produits/services proviennent effectivement de Suisse. La suppression de la frontière ténue entre utilisation licite de la croix suisse à des fins décoratives et utilisation illicite dans un but commercial est saluée. De plus, l'uniformisation de la désignation des produits et des services suisses comme tels, mais aussi la possibilité d'en promouvoir les qualités par l'emploi de ce que l'on peut considérer comme la marque la plus forte de Suisse, à savoir la croix suisse, est accueillie favorablement, tout comme la possibilité que la croix suisse puisse être enregistrée comme élément d'une marque de service ou d'une marque de produit.

La grande majorité des participants salue la distinction prévue entre la croix suisse et les armoiries de la Confédération. Le principe selon lequel les armoiries et les signes susceptibles d'être confondus avec elles doivent être réservées à la Confédération est considéré comme opportun et judicieux. Certains participants à la consultation sont cependant d'avis que la Confédération ne devrait pas avoir le monopole de l'emploi des armoiries. Ils pensent que cette situation risque de créer des injustices dans les cas où un signe similaire aux armoiries s'est déjà imposé comme marque dans le commerce. A leurs yeux, il est en effet politiquement discutable que la protection des emblèmes suisses se fasse
au détriment d'emplois et de sociétés en Suisse, si l'on songe au fait que ces dernières ont contribué de façon essentielle à la bonne réputation de la qualité suisse et de notre pays. C'est pourquoi ils demandent que les entreprises et associations qui utilisent depuis des décennies déjà les armoiries et des signes similaires aient le droit de poursuivre cet usage, mais à des conditions strictes.

Le Conseil fédéral a tenu compte de leurs préoccupations. L'inscription dans la loi du droit de poursuivre l'usage constitue une solution qui prend en considération de façon équilibrée les intérêts légitimes de la Confédération, d'une part, et ceux des entreprises traditionnelles suisses, de l'autre (voir commentaire de l'art. 35 P-LPASP).

Les associations des milieux économiques et les organisations de consommateurs sont majoritairement en faveur de l'extension de l'arsenal de sanctions à la disposition des collectivités lorsque des indications de provenance et des signes publics sont employés de manière illicite. Elles estiment que la nouvelle réglementation permet de resserrer la collaboration entre l'économie et l'IPI en matière d'application des droits et tient compte de manière adéquate de l'intérêt pour la collectivité de disposer de voies de droit appropriées. Une partie des participants à la consultation rejette cependant toute extension de la qualité pour agir des collectivités. Tenant compte de ces réticences, le Conseil fédéral a précisé la qualité pour agir de l'IPI (pour le compte de la Confédération) et des cantons: celle-ci se limite, d'une part, aux actions visées aux art. 52 et 55, al. 1, LPM et 20 P-LPASP et, d'autre part, aux 7744

cas où les signes utilisés revêtent un intérêt particulier pour les collectivités territoriales concernées. L'IPI doit pouvoir intervenir pour le compte de la Confédération en particulier lorsque des désignations ou des symboles utilisés renvoient au territoire de la Confédération. Il s'agit en première ligne de désignations comme «Suisse», «suisse» ou «Swiss made» et de la croix suisse. Certains participants à la consultation ont critiqué également l'attribution de la qualité de partie à l'IPI dans un procès civil jugeant que ces droits sont en porte-à-faux avec les tâches qu'il accomplit en tant qu'autorité d'enregistrement. En réponse à ces critiques, il est précisé que cette double casquette revêtue par l'IPI est voulue et de nature à favoriser l'homogénéité dans l'application et la défense du droit. Aussi le Conseil fédéral a-t-il maintenu les propositions qu'il avait mises en consultation concernant la qualité pour agir de l'IPI avec les droits qu'elle implique (pour la justification, voir ch. 2.1.5).

1.4.3.3

Points contestés

Deux cantons (GR, VD), HaBa et Ligo Electric demandent que le critère des 60 % du prix de revient prévu dans l'avant-projet pour les produits industriels soit harmonisé avec le critère de valeur des 50 % applicables aux règles d'origine non préférentielle (réglementation douanière). De façon plus générale, les CCIS et la VBF demandent l'harmonisation des deux réglementations afin d'éviter pour les entreprises les conséquences négatives de devoir appliquer des règles différentes. Le Conseil fédéral constate que les règles relatives à l'origine non préférentielle et les indications de provenance selon la LPM présentent des différences essentielles et qu'elles doivent par conséquent être distinguées. Chaque réglementation poursuit des objectifs distincts. Les règles sur les indications de provenance appartiennent au droit des signes distinctifs. Prescrivant que les indications de provenance doivent être utilisées de façon exacte, elles contribuent notamment à une concurrence loyale et non faussée. Les dispositions relatives à la provenance doivent assurer que, par exemple, seuls les produits qui correspondent à un territoire géographique déterminé et à la qualité et/ou à la renommée de la place économique suisse puissent porter des indications telles que «Suisse», «Swiss» ou d'autres indications renvoyant à la Suisse.

Les règles relatives à l'origine non préférentielle, en tant qu'instrument réglementaire objectif, servent à l'exécution de mesures douanières et de commerce extérieur.

Elles n'attestent pas de la provenance effective d'un produit ou de sa qualité, mais visent à certifier que lorsqu'une «transformation suffisante», au sens des règles douanières, est effectuée sur un produit dans un territoire douanier déterminé («pays» ou «union douanière»), ce produit peut être reconnu d'origine (douanière) «x» ou «y». L'aménagement technique des règles relatives à l'origine non préférentielle (appelées autrefois règles d'origine «autonomes») suit depuis des décennies des normes contenues dans des instruments conventionnels conclus dans le cadre de l'ONU, de l'Organisation mondiale des douanes et de l'OMC. La Suisse, ayant repris ces standards internationaux, est liée par le droit international public (voir ch.

5.2). L'introduction unilatérale de nouveaux obstacles à l'obtention de l'origine douanière
n'est par conséquent pas possible ni souhaitable. Un renforcement de la protection des indications de provenance est par contre demandé de façon expresse par le Parlement (postulats 06.3056 Hutter «Protection de la marque Suisse» et 06.3174 Fetz «Renforcer la marque Made in Switzerland») et peut à présent être concrétisé sur le plan légal.

7745

Dix cantons (ZH, SZ, ZG, BL, SH, SG, AG, TG, TI, GE) et une partie des associations des milieux économiques (USAM, Proviande, economiesuisse, PROMARCA et fial qui admet cependant qu'une coexistence est possible), l'ACCS, kf, Coop et MGB proposent d'exclure désormais les denrées alimentaires du champ d'application des règles définissant la provenance inscrites dans la LPM. L'argument principal est que la déclaration de la provenance du droit des denrées alimentaires est aujourd'hui indépendante de tout critère de coûts. Or l'avant-projet introduisait un tel critère, ce qui avait pour effet de faire dépendre la déclaration de provenance des variations de prix de la matière première. Le Conseil fédéral constate que l'exclusion des denrées alimentaires de la nouvelle définition de la provenance serait une mesure trop radicale qui créerait une lacune: les denrées alimentaires ne seraient plus réglementées dans la LPM et ne pourraient dès lors plus bénéficier du renforcement des règles de ladite loi visant à préserver la valeur de la désignation «Suisse». Par exemple, un fromage fabriqué en Suisse uniquement avec du lait étranger respecterait les règles du droit des denrées alimentaires et pourrait ainsi être vendu comme du «fromage suisse» (inscription en gros caractères sur le devant du produit). Les nouveaux critères définissant les indications de provenance ont justement pour objectif d'éviter ce cas de figure. Pour tenir compte des arguments avancés tout en préservant l'efficacité du projet législatif «Swissness», le Conseil fédéral propose les adaptations suivantes du projet: ­

Pour les produits naturels transformés, le critère de la matière première (part minimale du poids total) est plus adéquat que celui fondé sur les coûts. Le projet prévoit donc que la provenance d'un produit naturel transformé correspond au lieu d'où proviennent au minimum 80 % du poids des matières premières. Ce critère tient compte de la nécessité de prévoir un pourcentage à la fois suffisamment exigeant pour être crédible et offrant une marge de manoeuvre approprié pour tenir compte de la réalité économique.

­

La coexistence des règles sur les indications de provenance (LPM) et de celles du droit des denrées alimentaires (voir commentaire de l'art. 48b) est maintenue.

Pour les produits naturels transformés et les produits industriels, la problématique de la matière première non disponible en Suisse a été évoquée dans le cadre de la procédure de consultation, et le Conseil fédéral a tenu compte des avis émis en élaborant le projet (voir commentaires des art. 48b et 48c P-LPM).

S'agissant des produits naturels, l'exigence de la «croissance intégrale» a été jugée trop sévère par la majorité des participants à la procédure de consultation et le critère général du pourcentage des coûts de production a été considéré comme inapproprié.

Le Conseil fédéral a donc fixé des critères plus adéquats dans le projet.

1.4.3.4

Requêtes diverses

Retenues Plusieurs entreprises et associations professionnelles de la Principauté de Liechtenstein utilisent aujourd'hui la marque «Suisse Garantie» en y ajoutant la mention (ou une mention similaire) «Fabriqué dans la Principauté de Liechtenstein avec des matières premières suisses». Craignant que le projet de révision ne permette plus une telle pratique, elles demandent par conséquent à être assimilées aux producteurs 7746

suisses pour les produits naturels et les produits naturels transformés. Le Conseil fédéral estime qu'il est justifié de tenir compte de ce cas de figure pour ces deux catégories de produits, de sorte que le territoire géographique suisse pris en considération englobe les enclaves douanières étrangères (donc le territoire de la Principauté de Liechtenstein). Il est judicieux de définir le territoire suisse à prendre en considération de façon plus large pour les produits naturels et les produits naturels transformés. Premièrement, la prise en compte du territoire de la Principauté de Liechtenstein correspond à un usage établi en matière agricole. En raison du traité du 29 mars 1923 entre la Suisse et la Principauté de Liechtenstein concernant la réunion de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse (union douanière)26, de nombreuses prescriptions légales suisses régissant l'agriculture et les denrées alimentaires s'appliquent directement au Liechtenstein. Le marché d'approvisionnement et d'écoulement est aujourd'hui commun aux deux pays dans le domaine de l'agriculture et dans celui des denrées alimentaires. Les entreprises agro-alimentaires de la Principauté de Liechtenstein et de la Suisse ne font pas la différence entre des matières premières provenant de la Principauté ou de la Suisse. Ces usages ont parfois été inscrits dans des lois. De tels usages existent également le long de la frontière, car il est impossible de tracer précisément la frontière géographique pour les produits naturels et les produits naturels transformés. Cette définition étendue du territoire suisse n'est par contre pas reprise pour les produits industriels (art. 48c), pour lesquels les enclaves douanières étrangères ne font pas partie du territoire suisse pouvant être pris en considération (voir commentaire de l'art. 48, al. 4 P-LPM).

Plusieurs associations professionnelles du domaine de la propriété intellectuelle ont demandé d'introduire dans la loi une procédure de radiation des marques non utilisées auprès de l'IPI ou au moins d'examiner cette possibilité. Au terme de la consultation, l'association faîtière economiesuisse s'est déclarée favorable à une telle procédure. Le Conseil fédéral propose donc d'inscrire une procédure de radiation dans la loi (voir ch. 2.1.7.5).

Non retenues Des participants
à la procédure de consultation ont demandé que la Confédération légifère contre la prolifération d'offres abusives des registres privés de marques, qui portent atteinte à la réputation de la Suisse à l'étranger tout en mettant en péril la sécurité juridique dans le domaine de la protection des marques. Le Conseil fédéral (par le biais du SECO et de l'IPI), lutte déjà activement contre ce type d'offres abusives. Il a ainsi approuvé, le 2 septembre 2009, un message concernant la modification de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD)27. Cette révision a pour but de renforcer la protection dans ce domaine, ainsi que de façon plus globale pour tous les répertoires d'adresses ou les registres professionnels. L'introduction d'une norme spéciale dans LPM ferait double emploi, de sorte qu'il convient d'y renoncer.

D'autres participants ont demandé à la Confédération de créer une fondation dans le but de lutter contre les utilisations abusives de la «marque Suisse» à l'étranger. La proposition n'est pas retenue, en particulier pour les raisons suivantes: d'une part, il convient d'éviter de grever davantage le budget de la Confédération et donc celui du 26 27

RS 0.631.112.514 FF 2009 5539

7747

contribuable; d'autre part, la Confédération ne saurait financer l'application du droit à l'étranger, alors même que ce sont les producteurs et les prestataires de services privés qui profitent commercialement de la plus-value apportée par l'utilisation de la désignation «Suisse» et de la croix suisse pour leurs produits et services à l'étranger.

1.5

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

Le projet crée de nouvelles tâches: la mise en place d'un registre sur les indications géographiques pour tous les produits, l'administration de ce registre (procédures d'enregistrement et d'opposition) et l'examen des marques géographiques. Ces nouvelles tâches seront assumées par l'IPI. Cette charge de travail sur le personnel et/ou les finances sera intégralement à la charge de l'IPI, qui est financièrement autonome. Il n'y aura donc aucune conséquence pour le personnel et/ou les finances de la Confédération.

Le nombre de marques géographiques déposées sera faible par rapport au nombre total de marques déposées chaque année. L'augmentation de la charge de travail de l'IPI sera donc imputable dans une très large mesure à la création et à l'administration du registre des indications géographiques.

Cette charge de travail supplémentaire pourra être financée au moyen des taxes et fera partie du mandat d'exécution qui est confié à l'IPI par l'art. 2, al. 1, let. b, de la loi du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (LIPI). Compte tenu de l'importance d'une protection efficace des indications géographiques sur le plan national et à l'étranger, les efforts nécessaires pour atteindre le but de la réglementation sont raisonnables.

1.6

Droit comparé, notamment droit européen

Cette partie du message se fonde sur l'avis de droit du 27 février 2007 de l'Institut suisse de droit comparé sur la protection des signes nationaux28.

Critères visant à déterminer le lieu de la provenance La Communauté européenne (CE) n'a pas adopté de dispositions harmonisées ni de pratiques uniformes concernant l'indication de la provenance (ou marquage de l'origine), sauf pour certains produits agricoles29. Il existe cependant des directives sur des points spécifiques, notamment sur les pratiques commerciales déloyales (voire trompeuses). Ainsi, la directive 2005/29/CE a été adoptée pour protéger les consommateurs des pratiques commerciales déloyales dans le marché de la CE. Aux termes de l'art. 6, al. 1, let. b, la pratique commerciale est trompeuse ou même mensongère si le marquage d'origine n'est pas correct.

28

29

Fussno Le rapport est publié sur la page Internet de l'IPI à l'adresse suivante: http://www.ige.ch/f/jurinfo/j108.shtm. Les conceptions présentées dans cet avis n'engagent que l'auteur et ne lient ni l'IPI ni le DFJP.

Règlement (CE) no 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires; JO L 93 du 31.3.2006, p. 12.

7748

Pour les échanges entre la CE et le pays tiers, la provenance est définie dans le règlement (CE) 450/2008 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 établissant le code des douanes communautaire: la marchandise est originaire du pays où elle a été obtenue entièrement; si la marchandise est fabriquée à partir de produits provenant de pays différents, elle est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. Le règlement (CEE) 2454/93 énumère les ouvraisons ou les transformations qui sont suffisantes pour conférer un caractère originaire.

Il existe des différences entre les législations des Etats membres relatives au marquage d'origine. Le droit allemand ne contient pas de règles précises sur la détermination de la provenance. En pratique, cette détermination se fait notamment en s'inspirant du critère de la «dernière transformation ou de l'ouvraison substantielle» du code des douanes communautaire. La jurisprudence allemande considère que, si certaines parties du produit ont été fabriquées en dehors de l'Allemagne, la dénomination «made in Germany» peut être apposée sur un produit, si les prestations qui sont prédominantes pour l'usage commercial et la caractéristique du produit en termes de qualité ont été fournies en Allemagne30.

En France, pays qui ne connaît pas de réglementation spécifique, le tribunal d'instance de Metz a jugé qu'un fabricant qui avait utilisé la mention «made in France» pour des chaussures assemblées au Portugal n'avait commis aucune violation du code des douanes communautaire dès lors que seulement 11 à 13 % du coût de revient des chaussures étaient d'origine portugaise et que l'opération d'assemblage ne représentait pas une valeur suffisante pour justifier une autre mention d'origine31. L'Italie s'est dotée, depuis plusieurs dizaines d'années déjà, de dispositions visant à réprimer directement l'utilisation d'indications géographiques ou d'origine ou d'autres éléments indiquant ou suggérant que le produit provient d'un lieu qui n'est pas celui de son origine véritable. Une indication fausse telle que «made in Italy» sur un produit dont la dernière
transformation substantielle n'a pas eu lieu en Italie, tout comme l'indication fallacieuse telle que des signes, figures ou tout autre élément ­ y compris le drapeau national ­ pouvant faire croire au consommateur que le produit est d'origine italienne32, sont réprimées. Le lieu de la provenance est également déterminé sur la base des critères du code des douanes communautaire33. Si les matières brutes ou certaines matières mi-ouvrées sont fabriquées à l'étranger et que la transformation ou l'ouvraison substantielle finale a lieu en Italie, l'indication «made in Italy» peut être apposée sur le produit.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), la protection de la désignation «made in...» entraîne potentiellement des restrictions de la libre circulation des marchandises entre les Etats membres, interdites par l'art.

28 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE). En effet, l'apposition de cette désignation peut inciter les consommateurs à acheter des produits munis du

30 31 32 33

BGH GRUR 1966, 150 ­ Kim I.

TGI Metz, BRDA, 1996 / 1, p. 13.

Art. 4, al. 49, de la loi de finances 2004 (350/2003), modifiée récemment par la loi de finances 2007.

Voir art. 4 de la loi 350/2003.

7749

label «made in...» et pas des produits équivalents importés34. Le caractère facultatif de l'emploi du label n'est pas en mesure de neutraliser son possible effet d'entrave au commerce, car son utilisation est susceptible de favoriser les ventes des produits qui en sont munis par rapport à ceux qui ne le sont pas35.

Selon la jurisprudence de la CJCE, des restrictions à la circulation des marchandises peuvent être justifiées, notamment par la protection de la propriété industrielle et commerciale qui comprend la protection des indications de provenance et des appellations d'origine. Toute mesure contribuant à maintenir la renommée d'un produit liée à sa provenance doit être considérée comme conforme au droit communautaire malgré ses effets restrictifs sur les échanges, pour autant que cette mesure soit nécessaire et proportionnée36. Dans son arrêt «American Bud»37, la CJCE a considéré les indications géographiques comme propriété industrielle et commerciale justifiant une restriction à la libre circulation des marchandises conformément à l'art. 30 du traité CE.

Principe dit «Cassis de Dijon» Le principe dit Cassis de Dijon a pour vocation d'éliminer les entraves techniques au commerce en vue de parachever le marché intérieur européen. Il tire son nom d'un arrêt de la CJCE de 1979.38 En vertu de ce principe, les produits importés d'un autre Etat membre de la CE qui ont été fabriqués et mis sur le marché selon les prescriptions de cet Etat peuvent en règle générale être mis sur le marché partout dans la CE.

Les restrictions ne sont admissibles que lorsqu'elles sont commandées par la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant.

Registre des indications géographiques pour les produits Les pays membres de la CE sont soumis au règlement (CE) 510/2006 qui prévoit une protection par enregistrement des indications géographiques pour les produits agricoles et les denrées alimentaires, et aux règlements correspondants concernant les boissons alcoolisées. Le registre des AOP et des IGP est géré par la Commission européenne. Quelques Etats membres offrent en outre un système distinct de protection de ces indications dans leur droit national, qui est toutefois limité aux domaines non couverts par le droit communautaire, comme par exemple les produits sylvicoles.

Avec le développement du droit des indications
géographiques à travers le monde, un nombre toujours croissant de pays introduit cependant des systèmes d'enregistrement de ces indications pour tous les produits (par ex. l'Inde ou le Mexique). La 34

35

36

37 38

Voir arrêt CJCE du 5 novembre 2002, aff. C-325/00, Commission/Allemagne, label CMA, Rec. p. I-9977, point 23 et arrêt CJCE du 24 novembre 1982, aff. 249/81, Commission/Irlande, Buy Irish, Rec. 1982, p. 4005, point 25, et arrêt CJCE du 13 décembre 1983, aff. C-222/82, Apple and Pear Developement Council, Rec. 1983, p. 4083, point 18.

Voir arrêt CJCE du 5 novembre 2002, C-325/00, Commission/Allemagne, label CMA, précité, point 24 qui renvoie à l'arrêt du 12 octobre 1978, aff. 13/78, Eggers, Rec. 1978, p. 1935, point 26.

Arrêt du 16 mai 2000, aff. C-388/95, Belgique/Espagne, Rioja, Rec. p. I-3123, points 58 et 59; arrêt CJCE du 20 mai 2003, aff. C-108/01, Prosciutto di Parma, Rec. I-5121, point 66.

Arrêt CJCE du 18 novembre 2003, aff. C-216/01, Budejovický Budvar («American Bud»), Rec. p. I-13617: GRUR Int. 2004, 131; voir également la note suivante.

Arrêt CJCE du 20 février 1979, aff. 120/78, Rewe Zentral («Cassis-de-Dijon»), Rec. p. 649, point 14.

7750

protection de ces désignations fondées sur des enregistrements (protection ex ante) devient un standard internationalement reconnu pour protéger efficacement ces indications (voir également le ch. 1.4.1).

Marque de garantie et marque collective L'art. 66, al. 2, du règlement (CE) 207/2009 permet l'enregistrement de marques collectives portant sur des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services. Une telle marque collective n'autorise toutefois pas le titulaire à interdire à un tiers d'utiliser dans le commerce ces signes ou indications si cet usage est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. L'art. 15, al. 2, de la première directive 89/104/CEE prévoit une réglementation similaire et donne ainsi un cadre aux Etats membres pour introduire cet instrument dans leur système juridique.

Certains Etats ont fait usage de cette possibilité. Ainsi, le par. 99 de la loi allemande sur les marques39 prévoit qu'une marque collective peut porter uniquement sur des signes ou des indications pouvant servir à désigner la provenance géographique des produits ou des services. Elle précise toutefois que le titulaire de la marque ne peut pas interdire à un tiers d'utiliser licitement ces signes ou indications. L'art. 11 du Code italien de la propriété industrielle40, contient une réglementation similaire et introduit une restriction supplémentaire préalable à l'enregistrement d'une marque collective portant sur une indication de provenance, en précisant que l'enregistrement peut être refusé si la marque déposée est susceptible d'accorder au titulaire un privilège injustifié ou de porter atteinte au développement d'initiatives analogues dans le territoire géographique en question.

Le projet de modification de la LPM tient compte des risques mentionnés ci-dessus générés par un système permettant l'enregistrement d'une indication de provenance à titre de marque, notamment l'impossibilité de garantir que le déposant est représentatif des producteurs utilisant l'indication et l'impossibilité de vérifier que les critères du règlement de la marque sont conformes aux critères légaux. Le projet prévoit en conséquence un système où l'enregistrement d'une indication de provenance à titre de marque géographique n'est
permis que si l'indication de provenance est une appellation d'origine ou une indication géographique déjà enregistrée, une appellation viticole déjà protégée sur le plan cantonal ou une indication de provenance fondée sur une réglementation légale préexistante (ordonnance du Conseil fédéral; pour la justification, voir ci-dessus ch. 1.4). Tout en se distinguant de la réglementation communautaire, le projet de révision en reprend le principe fondamental, à savoir que la marque collective ayant pour objet une indication de provenance ne constitue pas un instrument juridique permettant au titulaire de monopoliser cette indication dans le commerce. La marque géographique (voir ch. 2.1.1) autorise uniquement le titulaire à interdire à un tiers d'utiliser dans le commerce l'indication de provenance si cet usage n'est pas conforme aux critères d'utilisation inscrits dans le cahier des charges de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique enregistrée, dans la législation cantonale fondée sur l'art. 63 LAgr ou 39

40

Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi allemande sur les marques du 25 octobre 1994), (BGBl. I S. 3082 (1995, 156); 1996, 682), modifiée la dernière fois par l'art. 4 de la loi du 7 juillet 2008 (BGBl. I S. 1191).

Codice della Proprietà industriale (CPI) du 23 décembre 2004, entré en vigueur le 19 mars 2005 (respectivement le 19 septembre 2005), publié le 4 mars 2005 dans la Gazetta Ufficiale no 52.

7751

dans la réglementation légale (ordonnance du Conseil fédéral). Le titulaire de la marque géographique n'a donc aucune possibilité de définir lui-même de nouveaux critères au cours de la procédure d'enregistrement de cette marque.

Drapeau suisse Le drapeau de l'UE est protégé par la CUP. Il n'existe pas d'instrument de droit communautaire destiné à protéger les signes nationaux. En vertu du principe de la territorialité, chaque Etat fixe ses propres règles sur les indications de provenance et les armoiries, sous réserve des traités internationaux (voir ch. 1.1). Au niveau international, tous les pays de l'Union de Paris sont tenus, aux termes de l'art. 6ter CUP, de refuser l'enregistrement et d'interdire l'utilisation des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d'Etat des pays de l'Union comme marque de produit, sauf autorisation. Il appartient aux pays membres de choisir comment ils entendent mettre en oeuvre cette obligation. Bon nombre de pays (Belgique, France, Irlande, Italie) prévoient seulement des règles d'ordre général dans leur droit de la concurrence ou de la protection des consommateurs ou dans leur code pénal censées garantir cette protection minimale. D'autres, en revanche, ont arrêté des lois spécifiques (Liechtenstein, Luxembourg) ou des règles particulières (Allemagne). Conformément au droit allemand, par exemple, l'utilisation illicite des armoiries de la Confédération est une infraction punie par une amende.

La protection garantie par la CUP ne s'étend pas uniquement aux signes identiques, mais aussi aux imitations. Toute représentation présentant une similarité avec un emblème ou avec un élément d'un tel signe n'est pourtant pas considérée comme une imitation. Seules les imitations au point de vue héraldique tombent sous le coup de l'interdiction formulée à l'art. 6ter CUP. Des différences dans les dimensions et dans les formes de représentations suffisent donc pour contourner cette interdiction.

En définitive, l'étendue de la protection garantie par la CUP dépend de l'interprétation, par chaque Etat, de la notion d' «imitation au point de vue héraldique». Le droit suisse, en revanche, interdit non seulement l'enregistrement des imitations au point de vue héraldique, mais tout bonnement l'enregistrement de «signes prêtant à confusion» (voir ch. 1.3).

La CUP et certains pays
européens font une distinction entre les armoiries et les drapeaux. Ainsi, les lois autrichienne et liechtensteinoise régissant les armoiries les différencient des drapeaux et prévoient que leur utilisation est réservée aux autorités et à leurs collectivités. Au Liechtenstein, les particuliers peuvent utiliser les armoiries s'ils disposent d'une autorisation. Celle-ci n'est délivrée que s'il existe des motifs importants dans l'intérêt du pays et une garantie que l'emblème de l'Etat sera utilisé en tout honneur. Le droit suisse ne fait pas de distinction entre armoiries et drapeau, puisque la Suisse est le seul pays à avoir le même symbole sur ses armoiries et sur son drapeau, à savoir la croix blanche sur un fond rouge. La LPAP utilise la formulation «les armoiries de la Confédération, des cantons, districts, cercles et communes ou les drapeaux représentant de telles armoiries» sans toutefois faire de distinction entre les deux termes. Le P-LPASP fait une différence entre drapeau et armoiries. Les particuliers pourront utiliser le drapeau suisse à certaines conditions, alors que l'usage des armoiries sera réservé exclusivement à la Confédération. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que le DFJP pourra, à titre exceptionnel et sur demande motivée, autoriser la poursuite de l'usage des armoiries de la Confédération (voir art. 35 P-LPASP).

7752

Enfin, il faut souligner que tous les Etats membres de l'UE sont parties aux Conventions de Genève et qu'ils sont dès lors liés à l'interdiction, qui y est prévue, d'utiliser les armoiries de la Confédération, de même que tout signe en constituant une imitation (notamment la croix suisse). Les Conventions de Genève interdisent en outre l'emploi de la croix suisse s'il existe un risque de confusion avec le signe de la Croix-Rouge ou si l'emploi se fait «soit dans un but contraire à la loyauté commerciale, soit dans des conditions susceptibles de blesser le sentiment national suisse».

En vertu de ces conventions, l'utilisation de la croix suisse à des fins abusives et offensantes est par conséquent prohibée.

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Commentaire des articles

2.1

Révision de la loi sur la protection des marques

Le commentaire des articles de la loi sur la protection des marques est organisé en fonction des thèmes traités et non pas en fonction de la numérotation des articles.

2.1.1

Marque géographique

Art. 27a et 27b (nouveaux)

Objet de la marque et déposants

Les milieux intéressés perçoivent une appellation d'origine (par ex. «Gruyère») ou une indication géographique (par ex. «Saucisson vaudois») comme une référence à un territoire géographique et non pas comme un renvoi à une entreprise déterminée.

Les appellations d'origine et les indications géographiques sont donc des signes distinctifs qui renvoient à un territoire géographique précis, mais qui par contre ne renvoient pas à une entreprise déterminée, ce qui est le propre des marques. De plus, les appellations d'origine et les indications géographiques doivent rester à la libre disposition de tous (elles appartiennent au domaine public) et sont pour cette raison exclues de l'enregistrement en vertu de l'art. 2, let. a, LPM. Pour ces raisons, il n'est pas possible d'obtenir une marque ordinaire ­ qui est un droit exclusif ­ constituée uniquement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique (voir ci-dessus, ch. 1.4.1).

Le groupement qui a obtenu l'enregistrement d'une appellation d'origine41 (par ex.

«Gruyère») peut la déposer comme marque géographique conformément à l'art. 27a, let. a, c'est-à-dire comme un signe qui distingue les produits des entreprises légitimées à utiliser l'appellation d'origine ou l'indication géographique des produits des autres entreprises. En raison de la dérogation à l'art. 2, let. a, LPM, l'enregistrement de la marque ne peut pas être refusé au motif que le signe appartient au domaine public. Cette dérogation permet donc d'enregistrer à titre de marque un signe qui doit rester à la libre disposition (besoin de libre disposition absolu) de tous les acteurs du marché qui proposent des produits identifiés de manière licite par ce signe.

Sont concernés les producteurs de produits remplissant les exigences du cahier des charges (par ex. «Gruyère» pour du fromage) et également les producteurs qui offrent des produits différents, donc non réglementés par le cahier des charges, qui proviennent de la même aire géographique (par ex. «Gruyère» pour du lait, voir 41

Au sens de l'art. 16 LAgr.

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ci-dessous le commentaire de l'art. 27d, al. 2). L'enregistrement de la marque géographique n'a donc pas pour conséquence de priver les tiers habilités à utiliser une dénomination géographique de cet usage.

Cette nouvelle sorte de marque est toutefois différente à bien des égards de la marque ordinaire, et sa réglementation contient de nombreuses spécificités. Tout d'abord, comme la qualité pour déposer une demande est réservée au groupement ayant obtenu l'appellation d'origine ou l'indication géographique correspondante, l'IPI refuse d'office une demande déposée par un tiers. Si la demande est déposée par le groupement demandeur, l'examen de l'IPI se concentre principalement sur le respect de l'identité exigée entre le règlement de la marque et le cahier des charges de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique (art. 27c, al. 2), ce dernier ayant déjà fait l'objet d'un examen approfondi au cours de la procédure d'enregistrement de l'appellation ou de l'indication. Les modalités de l'examen, par exemple celles de l'examen de l'identité entre le règlement et le cahier des charges, seront spécifiées dans une ordonnance du Conseil fédéral. Enfin, en cas de demande déposée avant l'entrée en force de la décision relative à la demande d'enregistrement de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique, la procédure d'examen est suspendue jusqu'à l'entrée en force de cette décision.

L'ordonnance du 28 mai 1997 sur les AOP et les IGP permet déjà l'enregistrement en Suisse de dénominations concernant des aires géographiques de pays étrangers, conformément à l'accord sur les ADPIC. Par souci de cohérence législative, cette possibilité est expressément inscrite dans la loi sur l'agriculture (art. 16, al. 2bis, LAgr, voir ch. 2.2.7). En conséquence, le groupement demandeur qui a obtenu l'enregistrement en Suisse d'une dénomination étrangère en vertu de l'art. 16 LAgr ou de l'art. 50a peut demander l'enregistrement de la marque correspondante au sens de l'art. 27a, let. a. Il en va de même pour le groupement demandeur dont la dénomination étrangère est, en vertu d'un accord bilatéral, reconnue en Suisse comme équivalente à une appellation d'origine ou indication géographique.

L'art. 27a, let. b, donne la possibilité aux cantons protégeant une appellation d'origine contrôlée conformément
à l'art. 63 LAgr de demander l'enregistrement d'une marque géographique correspondante. Dans ce cas, l'IPI examine si la marque correspond à une appellation d'origine contrôlée protégée par ce canton conformément au cadre fixé par le droit fédéral. Tel est le cas lorsque cette appellation figure au répertoire suisse des appellations d'origine contrôlées42 tenu et publié par l'OFAG. Le règlement de la marque doit être identique à la réglementation cantonale applicable. En raison de l'accord sur les ADPIC et de la CUP, les collectivités publiques étrangères doivent également avoir la possibilité de demander l'enregistrement d'une marque si la protection qui s'applique à leurs appellations viticoles respecte le cadre et les conditions de l'art. 63 LAgr. Avant de déposer une marque au sens de l'art. 27a, let. b, la collectivité publique étrangère ou le groupement doit préalablement s'adresser à l'OFAG, qui est compétent pour garantir que les conditions spécifiques fixées par la législation suisse sont remplies par l'appellation viticole étrangère. Dès que l'OFAG constate que ces conditions sont remplies, la marque au sens de l'art. 27a peut alors être déposée.

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Art. 25 de l'ordonnance du 14 novembre 2007 sur le vin; RS 916.140.

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L'art. 27a, let. c, permet à l'organisation faîtière de la branche économique qui bénéfice d'une ordonnance du Conseil fédéral au sens de l'art. 50, al. 2, d'obtenir l'enregistrement d'une marque géographique portant sur l'indication de provenance qualifiée qui fait l'objet de l'ordonnance. Comme celle-ci a déjà fait l'objet d'un examen approfondi au cours de la procédure d'adoption par le Conseil fédéral, l'examen de l'IPI se concentre principalement sur le respect de l'identité exigée entre le règlement de la marque géographique et cette ordonnance. Les modalités de la procédure d'examen devant l'IPI seront spécifiées dans une ordonnance du Conseil fédéral. En se fondant sur l'ordonnance «Swiss made» pour les montres, la Fédération de l'industrie horlogère suisse pourrait obtenir une marque géographique «Suisse» ou «Swiss made» au sens de l'art. 27a, let. c, et disposer ainsi d'un instrument supplémentaire pour protéger plus efficacement la dénomination «Suisse» ou «Swiss made» pour les montres, en particulier à l'étranger. Conformément à l'accord sur les ADPIC et à la CUP, un tel enregistrement doit également être possible pour les branches économiques qui bénéficient d'une réglementation étrangère tout à fait équivalente à une ordonnance du Conseil fédéral de l'art. 50, al. 2.

Une ordonnance du Conseil fédéral au sens de l'art. 50, al. 1, précisant les critères de la loi ne permet pas d'obtenir l'enregistrement de la marque correspondante. Cette différence est justifiée. En effet, contrairement à l'ordonnance visée à l'art. 50, al. 2, qui peut réglementer uniquement les conditions applicables à une indication de provenance suisse pour un produit ou un service spécifique, l'ordonnance visée à l'art. 50, al. 1, peut concerner des problèmes plus généraux, comme les modalités de calcul des coûts de production (art. 48c, al. 1), ou réglementer de manière détaillée la prise en compte d'une matière première (art. 48b, al. 1) pour tous les produits, quels qu'ils soient. Dans ce cas, l'ordonnance ne définit pas toutes les conditions d'utilisation d'une indication de provenance précise pour un produit spécifique, de sorte qu'il est impossible de déterminer l'indication de provenance, les produits et le titulaire, qui sont des éléments essentiels et nécessaires au dépôt d'une marque.

Dans le message,
les art. 27c à 27e sont applicables mutatis mutandis à toutes les marques géographiques prévues à l'art. 27a. Par souci de simplicité rédactionnelle, il est uniquement fait référence à la marque de l'art. 27a, let. a.

Art. 27c (nouveau)

Règlement

Le titulaire d'une marque géographique ne doit pas pouvoir introduire dans le règlement des conditions supplémentaires qui ne sont pas prévues dans le cahier des charges ou dans la réglementation applicable. Le règlement doit correspondre au cahier des charges ou à cette réglementation. En d'autres termes, le cahier des charges ou la réglementation est le règlement.

L'art. 27c, al. 3, prévoit que le règlement ne peut pas prévoir de rémunération pour l'usage de la marque. En effet, toute personne réalisant les conditions du règlement peut utiliser la marque géographique de l'art. 27a, sans devoir rémunérer le titulaire ni obtenir son autorisation. De la même manière que pour les appellations d'origine et les indications géographiques correspondantes, cette disposition est une protection accordée à tout opérateur respectant le règlement de la marque. Cette règle est justifiée par la nature particulière de la marque géographique de l'art. 27a, qui laisse l'appellation d'origine et l'indication géographique à la libre disposition de toute personne remplissant les conditions d'utilisation inscrites dans le cahier des charges.

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Art. 27d (nouveau)

Droits

Le titulaire de la marque géographique peut uniquement exercer ses droits (droits exclusifs du titulaire de la marque) à l'encontre d'un utilisateur qui ne se conforme pas au cahier des charges de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique faisant l'objet de la marque. On retrouve également à l'art. 50a, al. 6, la notion de «produits identiques ou comparables» Concrètement, le titulaire peut intervenir contre l'utilisation de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique pour des produits identiques ou comparables qui n'en sont pas originaires ou qui n'ont pas les caractéristiques ou les qualités voulues fixées dans le cahier des charges (même s'ils ont la bonne origine). Par contre, il ne peut pas intervenir contre l'usage de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique pour d'autres produits ­ non comparables ­ qui proviennent effectivement du lieu concerné (voir commentaire de l'art. 50a; ch. 2.1.3). Dans ce cadre limité, le titulaire peut utiliser les voies de droit prévues aux art. 52 ss et 61 ss LPM. Ainsi, le titulaire de la marque «Gruyère» correspondant à l'appellation d'origine peut faire valoir ses droits devant le juge civil en se fondant sur le droit des marques, ou devant le chimiste cantonal en se fondant sur le droit régissant l'appellation d'origine.

Le groupement demandeur ayant obtenu l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique au sens de l'art. 16 LAgr ou de l'art. 50a peut obtenir l'enregistrement d'une marque géographique au sens de l'art. 27a.

Comme ce groupement est composé des utilisateurs de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique (producteurs, fabricants de la zone géographique concernée), l'art. 27d, al. 1, doit prévoir une exception afin que tous les utilisateurs qui réalisent les conditions du cahier des charges puissent utiliser la marque géographique. Le respect des conditions d'usage est cependant toujours garanti puisque l'appellation d'origine ou l'indication géographique fait déjà l'objet d'un contrôle indépendant (voir commentaire de l'art. 50a; ch. 2.1.3).

Art. 27e (nouveau)

Dispositions non applicables

La nature particulière de la marque géographique de l'art. 27a (en particulier sa fonction de vecteur qui permet d'obtenir des marques équivalentes à l'étranger) entraîne l'impossibilité pour le groupement titulaire de la transférer.

Le titulaire de la marque de l'art. 27a obtient une marque dotée d'un statut particulier étant donné que le signe enregistré a fait l'objet d'une procédure préalable relativement lourde (inscription dans un registre au sens de l'art. 16 LAgr ou de l'art. 50a) garantissant l'enregistrement par un groupement représentatif et le respect des conditions d'utilisation effectivement établies au lieu de la provenance. Au regard de ce statut, toute marque déposée par un tiers qui contiendrait une dénomination protégée (par ex. une marque combinant l'appellation d'origine «Gruyère» avec un logo) ne pourrait être enregistrée que pour des produits respectant le cahier des charges de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique. Comme cette restriction est appliquée d'office par l'IPI lors de la procédure d'enregistrement, une marque postérieure contenant une marque géographique de l'art. 27a ne portera pas atteinte à cette dernière, de sorte qu'il se justifie d'exclure la possibilité, pour le titulaire de la marque géographique, de former opposition. Il est donc juste de supprimer la possibilité pour le titulaire de la marque géographique de l'art. 27a de former opposition. Ces motifs ont d'ailleurs été relevés par les milieux consultés lors de la procédure de consultation publique. Les voies de droit ordinaires restent 7756

cependant ouvertes au titulaire de la marque (voir commentaire de l'art. 27d ci-dessus).

L'usage de la marque est en principe une condition au maintien de la protection accordée à celle-ci (art. 11 LPM). Tel n'est pas le cas de la marque géographique.

En effet, l'enregistrement préalable à titre d'appellation d'origine ou d'indication géographique lui confère déjà une protection autonome. Par souci de clarté, l'art. 27e, al. 3, contient une dérogation expresse aux règles générales concernant l'usage et la conséquence du non-usage, même s'il est difficile de concevoir en pratique qu'une appellation d'origine ou une indication géographique enregistrée à ce titre ne soit pas utilisée pendant cinq ans.

Une exclusion expresse des règles générales relatives à l'usufruit, au droit de gage et aux mesures d'exécution forcée (art. 19 LPM) n'est pas nécessaire, la nature particulière de la marque géographique excluant l'application de ces dispositions.

Art. 31, al. 1bis (nouveau) Le titulaire d'une marque antérieure composée d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique et d'un autre élément verbal ou figuratif, par ex. la mention «Gruyère» combinée avec un logo, ne peut pas s'opposer valablement à l'enregistrement d'une éventuelle marque géographique «Gruyère», parce que le champ de protection de la marque antérieure ne s'étend pas à l'élément appartenant au domaine public, en l'espèce «Gruyère». L'art. 31, al. 1bis, exclut donc la possibilité pour les titulaires de marques combinées de former une opposition qui ralentirait les démarches du titulaire de la marque géographique.

Art. 35, let. d (nouvelle) La condition impérative pour l'enregistrement de la marque géographique de l'art. 27a est l'enregistrement préalable de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique correspondante au sens de l'art. 16 LAgr ou de l'art. 50a. Dès lors, la radiation de cette appellation ou de cette indication entraîne la radiation de l'enregistrement de la marque. A défaut, la marque géographique continuerait d'exister indépendamment de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique enregistrée, permettant ainsi au titulaire de modifier à sa guise le règlement de la marque et imposer ses propres critères dans celui-ci.

2.1.2

Indications de provenance

2.1.2.1

Principes

L'art. 47 LPM règle le principe de l'utilisation d'une indication de provenance. Il prévoit notamment que l'usage d'une indication inexacte est illicite (art. 47, al. 3, let. a)43. Cette disposition vise non seulement l'apposition de l'indication de provenance sur le produit ou son emballage ou son utilisation en rapport avec des services fournis, mais aussi tout usage de l'indication de provenance dans les affaires, y 43

La Suisse accorde en effet à tous les produits un niveau de protection analogue à celui de l'art. 23 ADPIC (interdiction d'utiliser une indication de provenance inexacte). Ce niveau de protection est plus élevé que la protection contre la tromperie.

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compris dans la publicité portant sur les produits ou les services qu'elle désigne.

Par ex., la mention «véritables vélos suisses» sur une affiche publicitaire est clairement une indication de provenance et doit donc réaliser les conditions prévues aux art. 47 ss P-LPM. Par contre, les mentions «escalopes viennoises» ou «émincé à la zurichoise» sur un emballage de produits précuisinés ne sont pas perçues comme une référence à la provenance de ces produits mais comme la désignation d'un mets particulier. Elles ne sont donc pas des indications de provenance mais des désignations génériques. L'utilisation de la croix suisse en arrière-plan d'une publicité pour une banque allemande est une indication de provenance. Cet emploi est licite à la double condition que le siège de la banque se trouve en Suisse et que l'institution financière soit effectivement administrée depuis la Suisse (art. 49, al. 1). Chaque utilisation est à examiner comme cas particulier. Si par exemple une affiche publicitaire présentait une voiture avec une photo du Cervin en arrière-plan, le juge devrait librement apprécier les circonstances de ce cas particulier pour déterminer si l'image du Cervin est perçue dans ce cas par le public concerné comme une indication de provenance ou au contraire comme un élément purement décoratif évoquant les paysages montagneux en général.

Art. 47, al. 3, let. c Cette disposition règle les éventuelles collisions entre les indications de provenance et les autres signes distinctifs. Même si la liste actuelle n'est pas exhaustive, la transparence et la sécurité juridique commandent d'y faire figurer expressément la raison de commerce, à laquelle la disposition s'applique également. Cet ajout, qui correspond à l'avis quasiment unanime de la doctrine, codifie la jurisprudence44. La référence expresse à la raison de commerce indique sans équivoque que, même si une raison de commerce n'est pas trompeuse au sens de l'art. 944, al. 1, CO, elle ne peut cependant pas être utilisée avec des produits ou des services si cela crée un risque de tromperie (au sens de la LPM) sur leur provenance.

Ainsi, la société ABC Suisse SA inscrite au registre du commerce et qui a l'obligation, en application de l'art. 954a CO, d'utiliser sa raison de commerce de manière complète et inchangée, devra indiquer «ABC Suisse SA»
dans toute correspondance ou communication de la société, par exemple sur son site internet, sur ses cartes de visite ou sur son papier à lettre. L'art. 47, al. 3, let. c, interdit à cette même société d'utiliser la mention «ABC Suisse SA» ou «ABC Suisse» avec un produit de provenance étrangère si cette mention suggère que le produit est fabriqué en Suisse.

L'utilisation pourrait s'avérer trompeuse notamment lorsque cetteindication est inscrite en évidence sur le produit ou sur son emballage et que les destinataires de ces produits ne voient pas dans cette indication uniquement une référence à l'entreprise elle-même.

Les entreprises doivent prendre les mesures nécessaires afin de respecter l'obligation de l'art. 954a CO sans violer l'art. 47, al. 3, let. c. Elles peuvent le faire en évitant d'apposer la raison de commerce directement sur les produits ou sur leur emballage, ou en évitant de placer la raison de commerce sur un catalogue d'une façon qui puisse tromper les consommateurs quant à la provenance des produits. Pour ces raisons, les entreprises désireuses d'utiliser la raison de commerce pour désigner

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ATF du 22 février 2006 (4C.361/2005), consid. 3.4.

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leurs produits doivent déjà tenir compte de la restriction de l'art. 47, al. 3, let. c lors du choix de la raison de commerce.

Cette disposition n'impose aucune tâche supplémentaire aux autorités du registre du commerce.

Elle ne supprime pas l'obligation d'indiquer, par exemple, le producteur en matière de denrées alimentaires (art. 2, let. f, OEDAI) ou le titulaire de l'autorisation pour les médicaments (art. 12, al. 1, OEMéd avec renvoi à l'Annexe 1, ch. 1, al. 1, let. c).

Les producteurs concernés doivent respecter cette obligation, au même titre que l'art. 47, al. 3, let. c.

Art. 47, al. 3bis (nouveau) L'art. 47 ne vise pas seulement les indications de provenance proprement dites («Suisse», «Genève», «Zurich», etc.), mais également toute indication de provenance accompagnée d'expressions vagues telles que «genre», «type», «style», «imitation» (par ex. «de type suisse», «style zurichois», «imitations de montres genevoises») ou de termes similaires comme «qualité suisse» ou «recette genevoise» (al.

3bis). De telles adjonctions ne sont pas en mesure d'éliminer les attentes des milieux concernés par rapport à la provenance géographique des produits et services ainsi désignés. Elles ne permettent donc pas de rendre licite l'utilisation d'une indication de provenance inexacte, et ce indépendamment d'un éventuel risque de tromperie du consommateur. Par contre, si la mention n'est pas perçue comme une référence à la provenance mais comme la désignation du produit lui-même (désignation générique), ce qui serait par ex. le cas d'«escalopes viennoises» ou d'«émincé à la zurichoise» (voir ch. 2.1.2.1), alors il ne s'agit pas d'une indication de provenance, de sorte que son usage n'est pas soumis aux conditions des art. 47 ss LPM.

Art. 47, al. 3ter (nouveau) D'autres mentions que celles prévues à l'art. 47, al. 3bis, peuvent être apposées sur un produit, sur son emballage ou sur du matériel publicitaire et indiquer, selon les circonstances concrètes du cas d'espèce (c'est-à-dire la façon dont les mentions sont apposées sur le produit, les typographies utilisées, les autres éléments de la présentation du produit, etc.), la provenance du produit lui-même ou la provenance de certaines activités spécifiques ayant un rapport avec le produit. C'est le cas de mentions telles que «Swiss research» ou «Swiss
engineering» (lieu de la recherche ayant contribué à la fabrication du produit), «emballé en Suisse» (lieu où l'emballage est effectué), «contrôlé en Suisse» (lieu où le contrôle est effectué), «fumé en Suisse» (pour une denrée alimentaire, lieu où la fumaison est effectuée) ou «Swiss design» (lieu où le design a été conçu). Dans l'illustration ci-dessous, l'indication «Swiss» est mise en évidence en gros caractères alors que la mention «Research» est imprimée en petits caractères au bas de l'emballage. Cette combinaison est perçue comme une indication de provenance du produit dans son ensemble, raison pour laquelle les conditions des art. 48 ss doivent être respectées.

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SWISS Research

Dans une autre configuration, la mention peut au contraire être perçue comme une indication de la provenance de certaines activités spécifiques de production (voir l'illustration ci-dessous).

Swiss research

Dans ce dernier cas, l'al. 3ter prévoit que l'intégralité de l'activité spécifique mentionnée sur le produit (en l'occurrence, la recherche) doit se dérouler au lieu indiqué (en l'occurrence, la Suisse) pour que la désignation soit conforme à la loi. Comme le producteur mettant l'accent sur une activité spécifique de production («Swiss research») éveille auprès du public concerné une attente toute particulière quant au lieu où s'est déroulée l'activité mise en évidence, il est logique ­ du point de vue des milieux intéressés ­ de poser une exigence élevée quant au rattachement de l'activité concernée au lieu indiqué. Dans le but de préserver une cohérence avec les critères applicables au produit dans son ensemble, en particulier avec l'exigence des 60 % des coûts prévue à l'art. 48c P-LPM pour un produit industriel, il faut ­ dans le cas où une activité spécifique est mise en évidence ­ que l'intégralité des coûts générés par la réalisation de cette activité spécifique, en l'occurrence la recherche, soient réalisés au lieu indiqué. Le but de la règle est de garantir un rattachement objectif ­ donc vérifiable ­ et sérieux de l'activité spécifique au lieu indiqué. A titre d'exemple, une entreprise fabriquant des produits chimiques «contrôlés en Suisse» ne satisfait pas à l'exigence de l'al. 3ter en obtenant des certificats de contrôle établis par une personne résidant sur le territoire suisse si cette personne n'effectue pas ce contrôle à titre officiel. De même, la mention «Swiss design» présuppose que toute l'activité de création du design a été effectuée en Suisse.

Il est possible d'appliquer conjointement l'art. 47, al. 3ter P-LPM et l'art. 3 LCD (méthodes déloyales de publicité et de vente et autres comportements illicites). Par exemple, un produit sur lequel est apposé la mention «Swiss design®» doit réaliser les conditions de l'art. 47, al. 3ter (voir ci-dessus) et le design auquel il est fait référence doit en outre avoir fait l'objet d'un enregistrement officiel (à défaut, la mention ®, qui indique l'enregistrement d'un droit de propriété intellectuelle par l'autorité compétente, serait contraire à l'art. 3, let. b, LCD).

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2.1.2.2 Art. 48

Indications de provenance des produits Indication de provenance des produits

Aux termes de l'al. 1, l'indication de provenance pour un produit est utilisée de façon licite si les critères définis pour la catégorie de produits correspondante sont remplis: produits naturels à l'art. 48a, produits naturels transformés à l'art. 48b et autres produits à l'art. 48c.

D'autres lois peuvent parfois interdire d'apposer une indication de provenance, même si celle-ci est licite au sens des art. 48 ss. Par exemple, la législation en matière de médicaments interdit d'apposer des éléments de nature publicitaire sur les récipients et matériaux d'emballage des médicaments. Comme les indications de provenance sont considérées comme des éléments de nature publicitaire pour des médicaments45, il est interdit de les apposer sur ceux-ci.

Si l'indication de provenance éveille des attentes particulières sur les caractéristiques ou la qualité du produit, il s'agit d'une indication de provenance qualifiée au sens de l'al. 2, qui correspond matériellement à l'art. 48, al. 2, du droit en vigueur.

L'usage d'une indication de provenance qualifiée est licite (au sens de l'art. 47, al. 3, let. a, du droit en vigueur) si le produit observe les principes de fabrication ou de transformation ainsi que les exigences de qualité, usuels ou prescrits au lieu de provenance. A titre d'exemple, plusieurs spécialités culinaires suisses, comme les «Basler Läckerli» ou la «double crème de Gruyère», doivent satisfaire aux principes de fabrication ou de transformation ou aux exigences de qualité usuels. Différentes dispositions cantonales sur les vins imposent en outre le producteur le respect de principes de fabrication ou de transformation ou d'exigences de qualité prescrits au lieu de provenance. Ces critères supplémentaires, ainsi que l'aire géographique déterminante, doivent être définis cas par cas, en fonction du produit et en fonction de l'indication de provenance utilisée. Si ces caractéristiques ou cette qualité particulières sont obtenues par de la matière première provenant de cette aire géographique ou des opérations de fabrication réalisées sur cette aire géographique spécifique, l'aire géographique déterminante pour la matière première ou pour la fabrication est plus petite que le territoire suisse, c'est-à-dire qu'elle correspond à l'endroit géographique désigné. Il est vraisemblable que la «double
crème de Gruyère» doive satisfaire aux principes de fabrication ou de transformation ou aux exigences de qualité usuels, ce qui signifie concrètement que le lait doit provenir de la région de Gruyère et que l'extraction de la crème doit y être effectuée.

L'al. 3 correspond matériellement à l'art. 48, al. 3, LPM (première partie). Au niveau international, le standard de protection des indications géographiques repose sur plusieurs facteurs, dont la réputation de celles-ci (art. 22, al. 1, ADPIC). Autrement dit, les pays doivent au moins mettre en place un système de protection pour les indications de provenance qui bénéficient d'une réputation particulière. Le législateur suisse a volontairement étendu la protection des indications de provenance au-delà de ce standard minimal: le droit suisse des marques et des indications de provenance modifié en 1992 accorde une protection à tous les noms géographiques qui sont compris comme des indications de provenance (art. 47 ss LPM), indépendamment de leur réputation. En droit suisse, la réputation est prise en compte pour 45

Voir annexe 1, ch. 1, al. 4, OEMéd; cette situation n'est pas une exception, mais découle simplement du principe de la lex specialis.

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les indications de provenance qualifiées (voir al. 2 ci-dessus). Les indications de provenance ou les indications géographiques réglementées dans les ordonnances spéciales du Conseil fédéral (art. 50 LPM) ainsi que les indications géographiques enregistrées en vertu de l'art. 16 LAgr et celles qui pourront être enregistrées dans le nouveau registre qui devra être établi par le Conseil fédéral (art. 50a) sont des indications de provenance qualifiées. L'al. 3 vise à faciliter l'application des critères légaux, plus précisément à déterminer quels critères doivent être appliqués (il pourrait par ex. être difficile de savoir s'il faut appliquer les critères de l'art. 48a ou de l'art. 48b à des produits à base de poisson). Cette disposition ne permet cependant pas de déroger aux exigences prévues aux art. 48a à 48c.

L'al. 4 définit le territoire pouvant être pris en considération pour l'indication de provenance «Suisse» dans le cas des produits naturels (art. 48a) et des produits naturels transformés (art. 48b) en renvoyant tout d'abord au territoire suisse qui comprend les enclaves douanières suisses (vallées de Samnaun et de Sampuoir), selon la définition de l'art. 3, al. 1, de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes (LD). Comme les enclaves douanières étrangères (Principauté de Liechtenstein46, communes de Büsingen47 et de Campione) ne font pas partie du territoire suisse, il est nécessaire de les citer expressément. Les enclaves douanières étrangères sont assimilées au territoire suisse parce qu'il existe, dans le domaine agricole, non seulement une union douanière mais aussi un marché commun pour l'approvisionnement et l'écoulement fondé sur des arrangements bilatéraux. Or, en ce qui concerne la définition du territoire suisse, les dispositions du projet de révision législative «Swissness» s'inspirent du cadre actuel en matière de droit douanier et de droit agricole. En conséquence, les produits naturels transformés, à base de produits naturels suisses, qui sont transformés dans une enclave douanière étrangère sont considérés comme des produits suisses. Enfin, le Conseil fédéral reçoit la compétence de prévoir dans une ordonnance quelles portions du territoire étranger faisant partie de la zone frontière (au sens de l'art. 43 LD) peuvent être prises en considération pour que les conditions de
l'indication de provenance «Suisse» pour les produits naturels et naturels transformés soient respectées. Il devra définir les conditions, en tenant compte des caractéristiques particulières du territoire concerné. Une telle ordonnance pourrait par exemple concerner la totalité ou une partie des zones franches de Genève.

Dans le territoire douanier suisse, il existe un marché d'approvisionnement et d'écoulement commun dans le domaine de l'agriculture et dans celui des denrées alimentaires, ce qui n'est pas le cas pour les produits industriels (art. 48c). Preuve en est, par exemple, que les paysans se voient verser des paiements directs pour des récoltes de cultures faites sur des surfaces exploitées par tradition dans l'enclave de Büsingen conformément à l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur les paiements directs versés dans l'agriculture48 ou des contributions en vertu de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur les contributions à la surface et à la transformation dans la culture des champs49. En témoigne aussi le label «Suisse. Naturellement»50, créé par 46 47 48 49 50

Selon le traité de 1923 entre la Suisse et la Principauté de Liechtenstein concernant la réunion de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse.

Selon le traité du 23 novembre 1964 avec la République fédérale d'Allemagne sur l'inclusion de la commune de Büsingen dans le territoire douanier suisse.

RS 910.13 RS 910.17 Ordonnance du DFE du 23 août 2007 sur l'identité visuelle commune des mesures de communication en faveur des produits agricoles, soutenues par la Confédération; RS 916.010.2.

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le Département fédéral de l'économie pour conférer une identité visuelle commune à toutes les mesures de promotion des ventes soutenues par la Confédération et unifier ainsi la communication sur la provenance «suisse» des produits51. Sont concernés les produits provenant du territoire suisse et des enclaves douanières étrangères, à condition que la Suisse ait conclu une convention internationale avec l'Etat concerné. Une telle convention a été conclue avec la Principauté de Liechtenstein.52 Pour déterminer le territoire géographique suisse pertinent pour les produits naturels et les produits naturels transformés, la notion de «lieu de production» renvoie à la production de matière première (au sens des art. 48a et 48b, al. 1), celle de «lieu de transformation» correspond à celle contenue à l'art. 48b, al. 4. Ainsi, par exemple, un produit contenant de la viande du canton de Saint-Gall transformé dans la Principauté de Liechtenstein est un produit suisse, tout comme un fromage fabriqué en Suisse à base de lait de Büsingen, ou tout autre produit naturel transformé fabriqué au Liechtenstein à base de matière première du Liechtenstein.

Pour les produits industriels et les autres produits (art. 48c), le territoire géographique déterminant de l'indication de provenance «Suisse» correspond à la notion de «territoire suisse» faute d'obligations correspondantes découlant d'accords internationaux, comme c'est le cas pour les produits naturels et les produits naturels transformés. En conséquence, il exclut les enclaves douanières étrangères mais inclut les enclaves douanières suisses, car ces dernières sont situées sur territoire suisse. Ainsi, par exemple, une montre fabriquée au Liechtenstein n'est pas considérée comme un produit suisse. Pour des explications détaillées sur les différences entre les art. 48, al.

4, P-LPM, et 3 LD, voir la partie générale ci-dessus, ch. 1.4.3.4).

L'al. 5 réglemente l'utilisation des indications de provenance étrangères («Jambon de Parme», «Porcelaine de Limoges», etc.). Dans sa première partie, il prévoit qu'une indication de provenance étrangère est exacte si elle remplit les conditions fixées par le pays d'origine. Les conditions des art. 48a à 48c ne doivent dans ce cas pas être remplies. Dans sa deuxième partie, il réserve toutefois la tromperie des consommateurs
suisses, qui sera admise lorsque les conditions de la législation étrangère ne correspondent en aucune manière aux attentes légitimes des consommateurs suisses. Ce critère est déjà prévu dans le droit des denrées alimentaires et des objets usuels (art. 18 LDAI, art. 10 ODAIOUs). Ainsi, en cas de violation de l'art. 48, al. 5, les lésés (par ex. des producteurs étrangers concurrents ou des associations suisses de consommateurs) peuvent intervenir sur le plan judiciaire. Les chimistes cantonaux doivent également intervenir d'office pour garantir le respect des prescriptions du droit des denrées alimentaires et des objets usuels, notamment en se fondant sur le critère général de la tromperie. La notion de tromperie couvre aussi bien l'emploi susceptible de tromper les consommateurs que l'emploi relevant de la concurrence déloyale. Par concurrence déloyale, on entend tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

51 52

Ordonnance du 9 juin 2006 sur l'aide à la promotion des ventes de produits agricoles (OPVA); RS 916.010.

Arrangement sous forme d'échange de notes du 31 janvier 2003 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein concernant les modalités de la participation du Liechtenstein aux mesures de soutien du marché et des prix prises dans le cadre de la politique agricole (avec appendice et annexe); RS 0.916.051.41.

7763

La définition des indications géographiques de l'art. 22, al. 1, de l'accord sur les ADPIC contient des éléments d'extra-territorialité. En conséquence, la définition du pays d'origine doit être prise en compte dans le pays de destination, en particulier en ce qui concerne les éléments objectifs de la définition (qualité et caractéristiques du produit).

Les traités internationaux sont cependant réservés. En cas d'accord bilatéral ou multilatéral, c'est uniquement la définition du pays d'origine qui est pertinente, et plus du tout la perception des consommateurs suisses. Les indications de provenance font l'objet de plusieurs traités bilatéraux conclus par la Suisse, comme le traité franco-suisse. Ces traités renvoient aux conditions définies dans le pays d'origine (voir art. 2(1) du traité franco-suisse). Par ailleurs, la Suisse et l'UE négocient actuellement un accord qui devrait prévoir une reconnaissance mutuelle des AOC et IGP portant sur des produits agricoles et agricoles transformés des deux parties. Les dispositions de cet éventuel accord, et non les dispositions de la LPM, devront alors être appliquées aux AOC et aux IGP de l'UE concernées.

Art. 48a

Produits naturels

La provenance d'un produit naturel (par ex. les fruits) est définie au moyen d'un critère adapté en fonction du type de produit (produit minéral, végétal ou animal).

Les critères retenus correspondent matériellement à ceux qui sont retenus pour les denrées alimentaires (art. 15, al. 2, OEDAI). La portée de l'art. 48a est cependant plus large, puisque certains produits naturels ne sont pas des denrées alimentaires (par ex. gravier, sable). Ainsi, pour être suisse, une eau minérale doit être extraite en Suisse (let. a), une pomme doit y être cueillie (let. b), un poulet doit y avoir passé la majeure partie de son existence (let. c), le lait doit provenir de vaches qui y sont élevées (let. d) et un poisson doit y avoir été pêché (let. e).

Art. 48b

Produits naturels transformés

Un produit est un produit naturel transformé au sens de cette disposition s'il a acquis de nouvelles propriétés essentielles par la transformation. Ainsi, un jambon est un produit naturel transformé: la cuisson et la fumaison de la viande de cochon donne à celle-ci de nouvelles propriétés inhérentes au jambon. En revanche, le simple découpage d'un produit naturel n'en fait pas un produit naturel transformé. Une salade de fruits, exotiques ou non, ou un mélange de grains de poivre pour moulin ne sont pas considérés comme des produits naturels transformés. Ce sont des produits naturels au sens de l'art. 48a. Un jus de fruits ou des olives dénoyautées conditionnées à l'huile sont par contre considérés comme des produits naturels transformés au sens de l'art. 48b.

Les produits naturels transformés concernés par cette disposition n'incluent pas forcément toutes les denrées alimentaires. En effet, la notion de «produit naturel transformé» doit être interprétée de manière autonome et non sur la base de notions propres au droit des denrées alimentaires, car les art. 48a et suivants doivent s'appliquer à tous les produits, et non aux seules denrées alimentaires. Une denrée alimentaire peut donc entrer dans la catégorie de produits de l'art. 48a, mais aussi dans la catégorie de l'art. 48c. Ce dernier cas pourrait se présenter si une denrée alimentaire n'est pas composée de produits naturels ou n'en contient qu'une très faible quantité et qu'elle est, pour l'essentiel, fabriquée artificiellement. Dans ce cas, la denrée alimentaire peut être considérée comme un produit industriel en raison de 7764

ses composants ou du processus de fabrication. Sont susceptibles d'entrer dans cette catégorie une poudre permettant de produire une boisson isotonique, des barres énergétiques ou de la nourriture lyophilisée en poudre, utilisée dans l'espace par les astronautes.

Le producteur qui choisit d'utiliser une indication de provenance (par ex. «produit suisse») sur une denrée alimentaire doit donc remplir les critères de LPM (art. 48a, 48b ou 48c selon la disposition applicable à la denrée alimentaire en question). Dans tous les cas, il doit apposer les informations prescrites dans le droit des denrées alimentaires afin d'éviter tout risque de tromperie pour le consommateur (art. 18 LDAI et art. 10 ODAIOUs. Les prescriptions de police sanitaire du droit des denrées alimentaires ne sont en effet pas touchées par le présent projet et continueront d'être appliquées.

La coexistence entre le droit des indications de provenance et le droit des denrées alimentaires doit être réglée, de sorte qu'un produit transformé en Suisse à base de matière première étrangère uniquement ne puisse pas être présenté comme un produit suisse. Les denrées alimentaires devront continuer de remplir les exigences du droit des denrées alimentaires et celles du droit des indications de provenance, comme c'est le cas à l'heure actuelle. En conséquence, à défaut de réaliser les critères de la législation sur les indications de provenance, la déclaration obligatoire du pays de production au sens des art. 20 et 21 LDAI ne peut et ne pourra pas être apposée comme argument publicitaire sur le produit.

Si on prend l'exemple d'un fromage produit en Suisse à base de 100 % de lait étranger, le pays de production (Suisse) doit être indiqué, ainsi que la provenance de la matière première étrangère, conformément aux art. 15 et 16 OEDAI. En application de la législation sur les indications de provenance, il est toutefois interdit d'apposer la mention «Fromage suisse» ou la croix suisse sur l'emballage de ce produit. En effet, le producteur ne peut invoquer les prescriptions des art. 15 et 16 OEDAI pour contourner les exigences de l'art. 48b. L'indication du terme «Suisse» en gros caractères, à côté de la mention «pays de production» en petits caractères laisserait entendre que la provenance du produit transformé (denrée alimentaire) est suisse
conformément à l'art. 48b, alors même que la mention «Suisse» vise uniquement à répondre à l'obligation d'indiquer le pays de production selon le droit des denrées alimentaires. Pour éviter toute tromperie, la mention du pays de production selon l'art. 15 OEDAI ne devrait en principe pas être inscrite de façon plus visible ­ couleur, taille et type des caractères ­ que toute autre indication obligatoire selon l'art. 2 OEDAI. La coexistence entre le droit des indications de provenance et le droit des denrées alimentaires permet d'appliquer à tous les domaines des critères uniformes fondés sur une approche globale de la notion d'indication de provenance pour examiner le risque de tromperie. Ces critères seront donc également applicables au secteur alimentaire qui revêt une grande importance, notamment aux yeux des consommateurs. Pour atteindre ce but, les critères de la législation sur les indications de provenance seront intégrés à la législation sur les denrées alimentaires, plus précisément dasn les ordonnances (OEDAI), dans le cadre de la rédaction des ordonnances consécutives à la présente révision législative. L'OEDAI fera en outre expressément référence à la LPM. La reprise de ces critères et la mention expresse de la LPM permettra d'assurer leur exécution systématique et uniforme, à la fois par les instruments prévus par la LPM (tribunaux) et par les chimistes cantonaux.

7765

La provenance d'un produit naturel transformé est définie sur la base de deux critères cumulatifs: le poids de la matière première (al. 1) et le lieu de transformation du produit (al. 4).

L'al. 1 vise à garantir le renforcement de l'indication «Suisse» ­ dans le but de réaliser le mandat donné au Conseil fédéral par les postulats 06.3056 et 06.3174 (voir ch. 1.2) pour maintenir à long terme l'attractivité de la prime pour la «Suissitude» pour les produits naturels transformés53 ­ tout en tenant compte de la réalité économique inhérente à cette catégorie de produits. Afin de répondre aux critiques exprimées lors de la procédure de consultation (voir ch. 1.4.3.3) sur le critère des coûts pour les produits naturels, un critère plus adapté aux caractéristiques de cette catégorie de produits a été retenu, à savoir le critère du poids de la matière première.

Les contrôles (exécution de la réglementation) seront plus faciles à mettre en place parce qu'il est similaire à un critère déjà appliqué en matière de denrées alimentaires. Accueilli de manière extrêmement positive, ce nouveau critère a été salué par les milieux intéressés, tant par les consommateurs54 que par les producteurs55.

Le projet prévoit un taux de 80 %. Il repose sur le fait que la matière première ne représente qu'une partie des coûts de production, qui comprennent également tout le travail effectué sur la matière première. Si seule la matière première est prise en considération, il faut augmenter le taux qui lui est applicable afin que l'exigence prévue soit équivalente à celle applicable aux coûts. Pour cette raison déjà, le taux retenu doit être supérieur à 60 %. Un taux 80 % du poids est considéré comme approprié parce qu'il est proche des attentes des consommateurs56 et constitue un compromis adéquat entre des exigences plus élevées (par ex., dans le cadre de la procédure de consultation, 100 % demandé par l'Association AOC-IGP ou 90 % demandé par FPC, Prométerre, USS, BIO-SUISSE) qui ne tiendraient guère compte de la réalité économique et un taux plus bas proche du taux de 60 % retenu pour les produits industriels. Ce dernier serait trop faible et ne permettrait pas de garantir qu'une part suffisante de matières premières suisses compose le produit.

53

54 55 56

Les résultats de deux enquêtes de l'EPFZ relatives au comportement des consommateurs démontrent par ex. qu'en matière d'achat de viande de volaille et de pommes «près de 85 % des consommateurs préfèrent acheter, à prix égal, un produit suisse». Voir Conradin Bolliger, Produktherkunft Schweiz: Schweizer Inlandkonsumenten und ihre Assoziationen mit und Präferenzen für heimische Agrarerzeugnisse. Tagungsband der 18. Jahrestagung der Österreichischen Gesellschaft für Agrarökonomie, 2008.

Communiqué de presse du 25 mars 2009 de la Fondation pour la protection des consommateurs (FPC).

Communiqué de presse du 25 mars 2009 de la Fédération des industries alimentaires suisses (fial).

Il ressort d'un sondage représentatif réalisé en 2003 sur mandat de l'OFAG que la majorité des personnes interrogées attend d'un «produit portant une indication de provenance suisse qu'il provienne effectivement à 100 % de Suisse». Voir OFAG, Rapport agricole 2003, Berne, 2003, p. 146. Dans un sondage similaire datant de 2007, 80 % des personnes interrogées disent s'attendre à ce que la nourriture produite en Suisse le soit selon des conditions plus sévères qu'à l'étranger. Voir OFAG, Herkunft von Landwirtschaftsprodukten, Berne, 2007. Une étude menée en 2008 par l'Université de Saint-Gall dans 66 pays révèle que la majorité des personnes interrogées s'attend à ce que la part des matières premières suisses utilisées représente de 60 à 70 % (valeur médiane). Voir Stephan Feige/Benita Brockdorff/ Karsten Sausen/Peter Fischer/Urs Jaermann/Sven Reinecke, Swissness Worldwide ­ Internationale Studie zur Wahrnehmung der Marke Schweiz.

Etude de l'Université de Saint-Gall et al. 2008. Ce chiffre, qui est moins élevé par rapport au sondage réalisé par l'OFAG, s'explique par le fait qu'une partie des personnes interrogées admet que la Suisse ne dispose pas de toutes les matières premières nécessaires.

L'art. 48b, al. 2, P-LPM tient compte de cette réalité.

7766

Pour tenir compte de la réalité économique, des exceptions ont été introduites à l'al. 2 afin de ne pas prendre en compte certaines matières premières dans le calcul du pourcentage du poids. Ces exceptions doivent être interprétées restrictivement, c'est-à-dire qu'elles ne doivent en aucun cas être réalisées pour des motifs purement économiques ou relevant de l'entière responsabilité du producteur, d'autant que l'utilisation de l'indication de provenance «Suisse» est toujours facultative. Le producteur (transformateur) qui souhaite utiliser l'indication de provenance «Suisse» pour ses produits doit donc s'assurer autant que possible un approvisionnement en matières premières suisses, en utilisant la matière première d'une qualité donnée disponible en Suisse et au besoin en suscitant la production indigène dans les quantités requises.

Les motifs économiques sont déjà pris en compte étant donné que seulement 80 % du poids des matières premières qui composent le produit doivent provenir de Suisse. Le producteur a donc le choix de se fournir à l'étranger pour des motifs économiques jusqu'à concurrence de 20 % du poids des matières premières.

Les exceptions de l'al. 2, let. a et b visent des facteurs objectifs indépendants de l'homme et de l'économie. L'al. 2, let. a, prévoit ainsi que les produits naturels (au sens de l'art. 48a) peuvent être exclus du calcul des 80 % du poids s'il n'est pas possible de les produire en Suisse en raison des conditions naturelles. Pour les produits végétaux et minéraux, l'exception se fonde sur des motifs agronomiques (conditions liées au sol et au climat), alors qu'elle est fondée sur une raison d'acclimatation aux conditions géographiques pour les produits issus des animaux.

A titre d'exemple, un producteur de yaourt peut exclure du calcul un produit naturel comme l'ananas. Il ne peut par contre pas exclure le lait au motif que du lait meilleur marché ou de meilleure qualité peut être obtenu à l'étranger. Un producteur de surimi (produit alimentaire à base de poisson hâché) peut exclure la matière première (poisson) si le poisson qui sert de matière première n'est pas présent dans les eaux suisses. Une huile minérale naturelle entrant dans la composition d'un lubrifiant pour machines pourrait également être exclue du calcul si elle ne peut pas être extraite du sol
suisse. Le cacao peut lui aussi en être exclu. Ainsi, la disposition de l'ordonnance du DFI du 23 novembre 2005 sur les sucres, les denrées alimentaires sucrées et les produits à base de cacao57, qui prévoit que le chocolat à base de cacao étranger mais fabriqué en Suisse et respectant les autres critères prévus est considéré comme suisse (art. 53, al. 3) est compatible avec l'art. 48b, al. 2. La possibilité agronomique de produire en Suisse peut être définie sur la base des statistiques des organisations faîtières des branches ou d'un avis de l'OFAG.

L'exception prévue à la let. b se justifie par le fait qu'un produit naturel peut être obtenu en Suisse d'un point de vue agronomique, mais être disponible en quantité insuffisante ­ voire pas du tout disponible ­ temporairement (pendant une période limitée, par ex. une saison) en raison d'événements extérieurs indépendants de la volonté des producteurs (de mauvaises conditions météorologiques causant la destruction de la totalité ou d'une partie de la récolte, maladie comme l'ESB décimant une importante partie d'un cheptel animalier, etc.). Dans de tels cas, le produit naturel concerné peut ne pas être pris en compte dans le calcul durant la période d'indisponibilité. La let. b ne vise en revanche pas les simples variations saisonnières de la quantité produite, celles-ci étant déjà comprises dans les 20 % qui n'ont pas besoin de provenir de Suisse. Une ordonnance du Conseil fédéral n'est pas nécessai57

RS 817.022.101

7767

re, car cette disposition couvre les cas d'insuffisance de la matière première imprévus, irréguliers et de courte durée. La situation n'est donc pas comparable aux cas d'insuffisance à moyen ou long terme, qui sont couverts par l'art. 48b, al. 3 (ci-dessous).

L'al. 3 élargit l'exception aux matières premières (y compris les produits naturels) qui ne sont pas produites en quantité suffisante en Suisse. La notion de matière première doit ici être prise au sens large. Sont concernés par cette disposition les matières premières au sens strict (produits naturels) mais également les ingrédients entrant dans la composition d'un produit naturel transformé, comme par ex. l'huile d'olive dans une sauce à salade ou des pâtes alimentaires dans une soupe prête à l'emploi. L'exception ne peut être invoquée que si la matière première n'est à moyen ou long terme objectivement pas disponible en quantité suffisante ­ voire pas du tout disponible ­ en Suisse, d'une part, et que cette insuffisance de l'offre est reconnue dans une ordonnance de branche visée à l'art. 50, al. 2 (voir commentaire de cet article), d'autre part.

Une telle ordonnance de branche définit plus précisément, dans le strict respect du cadre fixé par la loi, à quelles conditions et pour quels motifs objectifs (par ex: statistiques) il peut être retenu qu'une matière première est disponible en Suisse en quantité insuffisante et dans quelle mesure celle-ci est à prendre en compte dans le calcul des 80 %. Elle pourrait notamment se fonder sur le fait que la production indigène d'une matière première est insuffisante depuis plusieurs années et qu'il n'est objectivement pas possible d'augmenter à court ou à moyen terme la quantité produite en Suisse. Le Conseil fédéral doit entendre tous les milieux intéressés, c'est-à-dire les milieux économiques et les associations de consommateurs, lors de la procédure d'adoption d'une telle ordonnance (voir art. 50, al. 3, ch. 2.1.2.4). Une ordonnance constatant la disponibilité insuffisante d'une matière première doit être révisée périodiquement pour tenir compte des éventuelles variations de l'offre et de la demande sur le marché. Une réglementation détaillée et exhaustive pour les produits concernés n'est ni possible ni souhaitable dans le cadre d'une loi: celle-ci doit fixer les principes plutôt que d'essayer
de couvrir dans les moindres détails tous les cas particuliers pouvant se présenter. En effet, les critères assez généraux et souples de la loi permettent de mieux répondre à une problématique caractérisée par l'existence d'innombrables cas particuliers.

Le Conseil fédéral devra également décider dans quelle proportion la matière première concernée est exclue du calcul des 80 %, si l'ordonnance règle cette problématique. Par exemple, cette exception pourrait être invoquée pour le sucre si la production indigène totale devait couvrir moins de la moitié des besoins des producteurs de produits naturels transformés et que les branches économiques concernées s'accordent pour régler dans une ordonnance de branche les détails de l'exception.

Elle pourrait également être invoquée pour la viande de boeuf servant de matière première à la «Viande des Grisons», si les conditions légales sont remplies.

L'exception prévue à l'al. 3 ne pourra en revanche pas être invoquée si de la matière première est disponible en Suisse mais également à l'étranger, à des conditions plus favorables (par ex. prix plus bas, délais de livraison plus courts ou de meilleures conditions de livraison). L'exception prévue ne peut donc pas être invoquée pour des raisons purement économiques, ni d'ailleurs si la matière première disponible en Suisse n'est pas de qualité satisfaisante de l'avis des producteurs. Le producteur qui sélectionne librement à l'étranger une matière première qu'il juge de qualité «supérieure» ne peut pas simultanément prétendre que son produit est un produit suisse ce 7768

qui serait contradictoire. Dans tous ces cas, une ordonnance de branche serait refusée par le Conseil fédéral car elle ne serait pas conforme à la loi.

Le deuxième critère à respecter cumulativement, prévu à l'al. 4, est celui du lieu de la transformation. Si plusieurs lieux entrent en ligne de compte au cours de la transformation, le lieu de provenance décisif est celui de l'étape de la transformation ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles. Il s'agit de l'activité qui crée véritablement le produit, et il serait impensable de ne pas en tenir compte pour en définir la provenance. Ce critère est déjà prévu dans la législation suisse sur les denrées alimentaires. Par exemple, la transformation du lait en fromage doit avoir eu lieu en Suisse. Le critère fait référence à la transformation du produit et exclut de tenir compte des activités de recherche et de développement.

Art. 48c

Autres produits, notamment industriels

La disposition s'applique aux produits industriels et à tous les autres produits, comme par ex. les produits artisanaux, qui ne sont pas compris dans les deux premières catégories de produits (art. 48a et 48b). La provenance d'un tel produit est définie en fonction de trois critères cumulatifs. Un produit peut être considéré comme suisse si: 1) 60 % du prix de revient du produit est réalisé en Suisse; 2) l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles s'est déroulée dans notre pays; 3) une étape significative de la fabrication du produit y a eu lieu (ce troisième critère étant automatiquement rempli si l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles est précisément une étape significative de la fabrication).

Selon l'al. 1, 60 % des frais de production doivent être réalisés au lieu de la provenance. Pour être compatible avec cette disposition, l'ordonnance «Swiss made» pour les montres devra donc être révisée afin de contenir ce pourcentage (voir ch. 5.2.4).

Selon l'al. 2, les coûts de fabrication, d'assemblage, de recherche et de développement sont pris en considération dans le calcul des 60 %. Les coûts de fabrication comprennent généralement les matières premières et mi-ouvrées, les pièces détachées, les salaires et les frais généraux. La notion de recherche et de développement doit être prise au sens large, c'est-à-dire qu'elle englobe tous les coûts ayant contribué à la «naissance» du produit. Ce critère est au coeur de la disposition de sorte que les coûts qui ne contribuent pas à la naissance du produit ne peuvent pas être pris en compte. C'est par exemple le cas des coûts liés au contrôle de normes de qualité ou les coûts de procédures de mise sur le marché ou d'obtention d'autorisations administratives.

La prise en compte des coûts de recherche et de développement peut être délicate, car il n'existe pas de règle précise pour la répartition de ces coûts sur la production d'une entreprise. En effet, il est difficile de savoir sur quels produits et pendant combien de temps ces coûts peuvent être répartis, d'autant qu'en règle générale ces coûts concernent des produits qui ne sont pas encore commercialisés. Il conviendra de trouver une solution cas par cas, en adéquation avec le but de l'art. 48c. Cette disposition doit être appliquée de manière à
éviter les abus (il serait par ex. abusif que la prise en compte des coûts de recherche et de développement liés à un seul produit d'une entreprise permette de remplir les conditions de l'art. 48c pour tous les produits de cette entreprise, alors que les autres produits ont été développés à l'étranger) et à tenir compte des cas de rigueur (par ex. un produit développé en Suisse il y a 20 ans doit toujours être considéré comme un produit suisse si les autres conditions de l'art. 48c sont remplies, même si l'entreprise n'a manifestement plus 7769

de coûts de recherche et développement pour ce produit pouvant encore être amortis sur le plan comptable).

L'al. 3 énumère, de façon non exhaustive, les coûts qui ne peuvent pas être pris en considération dans le calcul des 60 % des coûts. Il exclut deux catégories de coûts différents. La première catégorie porte sur les matières premières (let. a et b). La let. a tient compte du fait que certains produits naturels ne peuvent pas être produits en Suisse. C'est le cas des matières premières naturelles comme l'or, les métaux précieux ou les huiles minérales. En matière horlogère, l'exclusion de la valeur de la matière première du calcul des coûts de production des boîtes de montre est déjà prévue dans l'ordonnance «Swiss made» pour les montres. La let. b élargit l'exception aux matières premières qui pourraient théoriquement être produites en Suisse, mais dont la fabrication n'est pas suffisamment ou pas du tout effectuée dans notre pays. La notion de matière première doit ici être prise au sens large. Sont concernés par ces dispositions les matières premières au sens strict et les composants du produit, comme des puces électroniques. Cette exception ne peut être invoquée que si la matière première n'est à moyen ou long terme objectivement pas disponible en quantité suffisante ­ voire pas du tout disponible ­ en Suisse, d'une part, et que cette insuffisance de l'offre est reconnue dans une ordonnance de branche visée à l'art. 50, al. 2 (voir commentaire de cet article), d'autre part. Les explications concernant l'ordonnance exigée par l'art. 48b, al. 3, valent également pour l'art. 48c, al. 2, let. b. L'exception prévue à l'art. 48c, al. 2, let. b, ne peut pas être invoquée si de la matière première est disponible en Suisse mais également à l'étranger, à des conditions plus favorables (par ex. des prix plus bas, des délais de livraison plus courts ou de meilleures conditions de livraison). Dans ce dernier cas, le producteur qui décide de s'approvisionner à l'étranger ne pourra pas exclure ces coûts du calcul des 60 %. Comme vu plus haut, l'exception prévue ne peut donc pas être invoquée pour des arguments purement économiques.

La deuxième catégorie exclut les coûts n'ayant pas contribué directement à la «naissance» du produit (let. c à e). Par contribution à la naissance du produit, il faut entendre
toutes les opérations intellectuelles (par ex.: conception) ou matérielles (par ex. assemblage) desquelles résulte directement le produit final. Toutes les opérations intervenant une fois que le produit final existe (emballage, marketing, transports, etc.) ne contribuent pas à la naissance du produit. Les coûts d'emballage (let. c) doivent être pris au sens large. L'apposition d'une étiquette sur un produit entre par ex. dans cette définition. Dans les coûts de commercialisation (let. e), les frais de promotion comprennent entre autres les frais de publicité et de distribution.

Ces coûts sont toujours générés localement. En effet, un produit commercialisé en Suisse doit par ex. y être emballé ou promu. Cela ne contribue cependant en aucune manière à la «Suissitude» du produit.

Les détails de la réglementation, par exemple l'exclusion de certains composants dans le calcul des 60 %, pourront être précisés par les branches économiques en application de l'art. 50 LPM.

Le critère de l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles prévue à l'al. 4, première phrase, fait référence à la fabrication proprement dite (construction, assemblage, etc.) ou à la recherche et au développement. Par exemple, pour une montre mécanique, l'assemblage représente l'activité essentielle. La recherche et le développement sont en principe à la base des caractéristiques d'un produit chimique.

Le choix et la détermination de normes ou de standards de qualité ou leur contrôle ne sont pas couverts par l'al .4 parce que de telles activités ne confèrent pas au 7770

produit ses caractéristiques essentielles, mais indiquent simplement la qualité attendue d'un produit déterminé. De même, les activités liées à la commercialisation du produit (marketing), à la publicité, à la distribution du produit ou au service aprèsvente ne peuvent pas être prises en compte car elles ne donnent pas au produit ses caractéristiques essentielles. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles sont exclues du calcul des coûts déterminant la provenance d'un produit, à l'al. 3.

L'al. 4, deuxième phrase, concerne les produits pour lesquels l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles n'est pas une étape de fabrication au sens strict. Dans ce cas une exigence minimale doit être respectée: une étape significative de la fabrication proprement dite du produit doit être effectuée au lieu de la provenance. Par exemple, si la recherche et le développement sont les activités qui donnent au produit ses caractéristiques essentielles, une étape significative de la fabrication doit en outre être effectuée au lieu de la provenance. L'emballage ou le contrôle final du produit, tout comme les diverses activités qui sont exclue du calcul des coûts déterminant la provenance d'un produit à l'al. 3, let. c à e, ne participent pas de la fabrication du produit lui-même et ne permettent donc pas de répondre à l'exigence de l'al. 4. La notion d'étape significative doit garantir un lien physique réel entre le produit et le lieu de la provenance et donc éviter la réalisation du critère par une étape d'importance secondaire. Ainsi, pour une casserole, le montage de la poignée n'est pas une étape significative. Il en va de même du montage d'un joint sur un système de robinetterie. En revanche, l'assemblage complet d'un appareil électronique de mesure est une étape significative de la fabrication.

Concrètement, l'application des trois conditions cumulatives de l'art. 48c sera effectuée différemment selon le produit considéré. Pour un produit industriel comme un couteau suisse, deux critères doivent être pris en compte: 1) 60 % du prix de revient doit être réalisé en Suisse; 2) la fabrication (qui donne au produit ses caractéristiques essentielles) doit se dérouler en Suisse. En remplissant cette deuxième condition, le producteur réalise également la condition minimale de l'étape significative
de fabrication. Pour un produit industriel tirant ses caractéristiques essentielles avant tout de la recherche et du développement, les critères suivants doivent être remplis: 1) 60 % du prix de revient doivt être réalisé en Suisse; 2) l'activité de recherche et de développement doit se dérouler en Suisse; 3) la condition supplémentaire de l'étape significative de fabrication doit être réalisée dans notre pays.

Art. 48d

Exceptions

Une indication de provenance qui ne respecte pas les critères prévus aux art. 48a à 48c, est exacte dans les cas exhaustivement prévus à l'art. 48d.

Selon la let. a, une indication géographique protégée (IGP) au sens de l'art. 16 LAgr faisant l'objet d'un enregistrement ne doit pas respecter les critères des art. 48a à 48c. En effet, une IGP fait l'objet d'une procédure d'enregistrement menée devant l'OFAG et ses conditions d'utilisation sont inscrites dans un cahier des charges. Ce sont ces conditions qui doivent être respectées. Il est nécessaire de prévoir une exception dans la loi pour la raison suivante: il existe à l'heure actuelle une IGP enregistrée («Viande des Grisons») qui ne sera pas conforme à la LPM révisée, en raison du renforcement des critères légaux. L'exception prévue à l'art. 48d, let. a s'appliquera donc à l'IGP «Viande des Grisons» ainsi qu'à toute éventuelle IGP qui serait enregistrée avant l'entrée en vigueur des modifications proposées et qui ne serait pas compatible avec celles-ci. Une fois les modifications de la LPM entrées en 7771

vigueur, il ne sera plus possible d'enregistrer une IGP ne respectant pas les critères fixés aux art. 48a et suivants (à moins de remplir les conditions de l'exception de l'art. 48d, let. b, concernant la compréhension des milieux intéressés); l'art. 48d, let. a, ne s'appliquera donc pas aux IGP enregistrées après l'entrée en vigueur des modifications de la LPM.

Ainsi, si l'indication «Viande des Grisons» est utilisée en respectant les conditions du cahier des charges de l'IGP correspondante, elle est exacte, et même si les conditions prévues à l'art. 48b ne sont pas respectées, puisque l'exigence des 80 % de la matière première n'est pas remplie pour l'ensemble de la production (une partie significative de la production est en effet produite à base de viande étrangère, comme le permet le cahier des charges). L'exception prévue à l'art. 48d, let. a, a pour conséquence que l'indication telle qu'elle a été enregistrée par l'OFAG (par ex.

«Viande des Grisons»), peut être utilisée bien que les conditions des art. 48a à 48c ne soient pas remplies. Cette dérogation n'a par contre pas pour conséquence de rendre licite toute autre référence plus large à la provenance géographique, ce qui signifie que le produit «Viande des Grisons» doit respecter les critères des art. 48a à 48c pour pouvoir être désigné au moyen d'indications telles que «produit suisse», «viande suisse», «made in Switzerland» ou au moyen de la croix suisse58, comme doit le faire tout autre produit équivalent (produit carné produit en Suisse à base de viande étrangère).

A l'instar de tout autre produit utilisant de telles indications, le produit «Viande des Grisons» peut cependant remplir les conditions fixées à l'art. 48b, al. 3 (voir ci-dessus) ou de bénéficier de la possibilité prévue à l'art. 48d, let. b (voir ci-dessous). Il n'est pas nécessaire de prévoir une exception pour les appellations d'origine contrôlées (AOC) au sens de l'art. 16 LAgr car les critères fixés dans leurs cahier des charges doivent dans tous les cas respecter les critères des art. 48 ss.

La let. b donne la possibilité à un producteur de démontrer que l'indication de provenance qu'il utilise est exacte aux yeux des milieux intéressés, bien qu'elle ne remplit pas les conditions des art. 48a à 48c. La notion de «milieux intéressés» fait référence à la compréhension
des consommateurs, d'une part, et à celle des branches économiques, d'autre part. L'exception prévue à la let. b doit être admise avec une grande retenue. Il faut que le producteur démontre que les consommateurs considèrent que l'indication de provenance est exacte alors même qu'elle ne respecte pas les critères légaux. Pour démontrer que l'indication de provenance correspond à la compréhension des milieux intéressés, le producteur doit, premièrement, présenter des documents particulièrement clairs établissant ce fait (articles de presse, communications d'associations de défense des consommateurs, etc.). Si de tels documents font défaut ou ne sont pas convaincants, le producteur doit le démontrer par un sondage. Pour être probant, le sondage devra porter sur un échantillon représentatif des consommateurs suisses et être formulé de manière à permettre d'établir clairement et sans équivoque la perception des consommateurs. Deuxièmement, le producteur doit encore démontrer que l'indication de provenance utilisée est également exacte pour la branche économique dont il fait partie (par ex. confirmation de l'usage par le biais de documents représentatifs de la branche concernée comme des règlements internes, des standards de production communs, des catalogues, étiquettes, photographies, matériel publicitaire, etc.). Le producteur peut donc faire valoir l'exception de la let. b lorsqu'il apparaît de façon évidente que l'indication de pro58

C'est le cas de la partie de la production produite à base de viande suisse.

7772

venance est utilisée de façon licite selon la compréhension de la branche économique et des consommateurs. Cela pourrait en particulier être le cas pour certaines indications géographiques qui répondent à la définition de l'art. 22, al.1, de l'accord sur les ADPIC. Dans cette hypothèse, le producteur peut déroger aux critères prévus aux art. 48a à 48c. Pensons à l'indication «Genève» pour les montres (pour le droit actuel, voir également ch. 1.1), pour laquelle il est généralement admis qu'un lien plus lâche avec le canton de Genève suffit, par exemple lorsque la montre est suisse conformément à l'ordonnance «Swiss made» pour les montres mais que sa production n'a pas lieu dans le canton de Genève. L'indication «Genève» est cependant exacte, pour les milieux concernés, parce que l'entreprise qui produit cette montre est inscrite au registre du commerce de Genève et déploie ses activités commerciales dans ce canton.

2.1.2.3 Art. 49

Indications de provenance des services Indication de provenance des services

L'art. 49 définit les critères qui permettent de déterminer la provenance d'un service.

Aux termes de l'al. 1, la provenance des services dépend de deux conditions cumulatives: elle doit correspondre au siège et il doit réellement exister une administration effective en Suisse. Les conditions actuelles, qui se fondent sur la nationalité et le domicile de la personne qui fournit le service, ne sont pas pertinentes pour les consommateurs, d'autant que la nationalité et en particulier le domicile ne constituent pas des critères immuables. Seul le rattachement du fournisseur au lieu de fourniture du service est déterminant pour le consommateur. Le choix du siège a de nombreuses conséquences pratiques et juridiques; il doit donc exister un lien étroit entre le siège et le lieu géographique pour que celui-ci puisse réellement être considéré comme le lieu de provenance du service. Il faut en plus qu'il existe un réel centre administratif en Suisse pour qu'une indication de provenance suisse soit exacte. Cette deuxième condition permet d'éviter que le choix d'un siège ne soit motivé par la seule volonté d'utiliser une certaine indication de provenance, pour des raisons de stratégie publicitaire notamment, sans que les activités de l'entreprise aient effectivement lieu en Suisse. Formulée de façon suffisamment générale pour tenir compte des différentes formes d'organisation que peuvent prendre les fournisseurs de services, elle permet aussi d'introduire une réglementation stricte pour empêcher les cas d'abus constatés dans la pratique. Tel qu'il est formulé, l'al. 1 conduit à une plus grande sécurité juridique parce qu'il peut aussi s'appliquer à des fournisseurs ayant un siège principal en divers lieux et pour lesquels il est peu aisé de déterminer où se trouve l'administration centrale. Les deux conditions énoncées à l'al. 1 sont cumulatives. Par exemple, la compagnie aérienne «Swiss International Air Lines SA», qui est une filiale de la société «Lufthansa», dont le siège est en Allemagne, peut utiliser la désignation «Swiss» en relation avec ses services, mais seulement tant que le siège social et l'un de ses centres administratifs réels se trouvent en Suisse. Par contre, l'utilisation de «IT-Swiss-Consulting» serait illicite pour désigner les services d'une entreprise dont le siège se trouve en Suisse,
mais qui ne serait qu'une société boîte aux lettres ou qui aurait une activité pratique insignifiante en Suisse et dont la direction se trouverait dans un autre pays. C'est à dessein que les exigences requises pour remplir la seconde condition sont strictes. En cas de litige, il 7773

appartiendra au juge de déterminer s'il existe une activité administrative réelle suffisante. Lors de son appréciation, il prendra en considération toutes les circonstances et la finalité de ce critère de délimitation.

Conformément à l'al. 4, une filiale n'ayant pas son siège dans le pays de provenance de la société mère (par ex. la «Deutsche-Investment SA Suisse») peut désigner ses services en Suisse tout en renvoyant au pays de provenance de la société mère, à condition que son siège se trouve en Suisse et qu'il y existe une administration effective. Il va de soi que la filiale suisse d'une société mère suisse peut proposer ses services en Suisse en utilisant une indication de provenance suisse si les conditions énoncées à l'al. 1 sont remplies. Par contre, la question de savoir si cette même filiale peut aussi fournir ses services à l'étranger en employant une désignation renvoyant à la Suisse (par ex. l'indication «Swiss-Investment SA») dépend du droit étranger applicable; selon la législation suisse, rien ne s'y oppose.

L'al. 2 prévoit que si une indication de provenance suscite des attentes pour le service qu'elle désigne en termes de nature ou de qualité de ce dernier, ces critères supplémentaires doivent également être pris en considération pour en apprécier la licéité. Au nombre de ces critères figurent également ceux applicables aux indications de provenance qualifiées pour les services. Cette disposition correspond à l'art.

48, al. 2, applicable aux produits.

Correspondant à l'art. 48d, let. b, applicable aux produits, l'al. 3 régit le cas où les conditions énoncées aux al. 1 et 2 ne sont pas remplies, mais où le fournisseur de services peut démontrer que, selon la compréhension des milieux intéressés, il utilise l'indication de provenance en toute licéité pour désigner ses produits (voir commentaire de l'art. 48d, let. b).

L'al. 4 reprend, pour les services, la réglementation prévue pour les produits en matière de reconnaissance des indications de provenance étrangère (voir commentaire de l'art. 48, al. 5).

2.1.2.4

Ordonnances du Conseil fédéral

Art. 50, al. 1 (nouveau) Dès l'entrée en vigueur de la révision législative «Swissness», le Conseil fédéral pourrait, s'il l'estime nécessaire, rédiger une ordonnance générale qui s'appliquerait à toutes les branches économiques n'ayant pas présenté de critères communs ou une direction commune (art. 50, al. 1), ou à une partie d'entre elles. Contrairement à l'ordonnance prévue à l'art. 50, al. 2, qui peut réglementer uniquement les conditions applicables à une indication de provenance suisse pour un produit ou un service spécifique, l'ordonnance prévue à l'art. 50, al. 1, peut concerner des problèmes plus généraux, comme les modalités de calcul des coûts de production (art. 48c, al. 1), ou réglementer la prise en compte d'une matière première (art. 48b, al. 1) pour tous les produits, quels qu'ils soient.

L'ordonnance ne définissant pas toutes les conditions d'utilisation d'une indication de provenance précise pour un produit spécifique, il est impossible de déterminer avec précision l'indication de provenance, les produits et le titulaire. Or, ces éléments sont des éléments essentiels et nécessaires au dépôt d'une marque. En consé-

7774

quence, l'ordonnance prévue à l'art. 50, al. 1, ne permet pas d'obtenir l'enregistrement d'une marque géographique au sens de l'art. 27a.

Art. 50, al. 2 (nouveau) Les indications de provenance sont définies à l'aide de critères généraux pour les produits naturels, pour les produits naturels transformés et pour les autres produits, notamment les produits industriels. L'art. 50, al. 2 spécifie qu'il appartient aux branches économiques de demander au Conseil fédéral de préciser ces critères, en lui soumettant un projet concret et détaillé approuvé par une partie représentative de leurs entreprises. Les branches économiques peuvent prendre l'initiative d'engager des discussions et aboutir à un accord sur des critères communs ou au moins définir une direction commune claire s'agissant du contenu de ces critères. Les critères qui seront présentés au Conseil fédéral devront préciser la réglementation légale, mais ne pourront en aucun cas y déroger (les exceptions possibles sont énumérées de façon exhaustive à l'art. 48d). Par exemple, le Conseil fédéral pourrait accepter de préciser dans une ordonnance qu'une matière première déterminée doit être exclue du calcul des 80 % du poids selon l'art. 48b si la branche économique démontre que cette matière première ne peut pas être obtenue en Suisse d'un point de vue agronomique (par ex. plante du Bangladesh entrant dans la composition de produits cosmétiques). Il pourrait également accepter une ordonnance précisant qu'une matière première déterminée doit être proportionnellement exclue du calcul parce qu'elle n'est pas disponible en quantité suffisante sur le marché suisse et que cette insuffisance dure longtemps. Une telle précision mettrait en évidence qu'il est judicieux de s'approvisionner en matière première suisse dans la proportion où elle disponible, avant de s'approvisionner à l'étranger pour la quantité faisant défaut.

La constatation de l'indisponibilité en quantité suffisante des matières premières suisses doit tenir compte du potentiel de production suisse à moyen terme, c'est-àdire de la capacité des producteurs à satisfaire la demande en matières premières suisses. L'insuffisance doit être établie sur ce moyen terme, c'est-à-dire que les producteurs de matières premières ne doivent objectivement pas être en mesure d'augmenter les volumes produits
de manière suffisante. Cela pourrait être le cas du sucre, si cette insuffisance d'approvisionnement sur le marché suisse était durablement établie, par exemple au moyen de statistiques portant sur les années précédentes, et si cette insuffisance de l'offre était importante (par ex. si l'offre indigène satisfait seulement 35 % de la demande globale, mais pas si elle en satisfait 75 %).

En revanche, le Conseil fédéral ne pourrait pas accepter une ordonnance qui exclut du calcul de la matière première disponible en Suisse mais pouvant être obtenue à un meilleur prix à l'étranger (par ex. le lait, voir commentaires des art. 48b et 48c), car une telle ordonnance ne serait pas strictement conforme à la loi.

Lorsqu'une ordonnance est approuvée par le Conseil fédéral, ce sont les critères qui y sont fixés qui doivent être respectés. Ainsi, s'il ressort d'une ordonnance qu'une matière première n'est pas disponible en quantité suffisante (ce qui concrétise l'exception prévue à l'art. 48b, al. 3) et si cette ordonnance détermine dans quelle mesure ce fait peut être pris en compte dans le calcul des 80 %, le producteur peut s'y référer. Relevons encore que les ordonnances applicables aux branches doivent être revues périodiquement, en particulier si les conditions du marché déterminant se modifient. En effet, si une matière première devient disponible en quantité suffisante, l'exception n'est plus réalisée et l'ordonnance n'a plus sa raison d'être. Les ordonnances contiendront donc une clause de révision périodique.

7775

Art. 50, al. 3 (nouveau) Les organisations de consommateurs sont mentionnées expressément dans la loi. Le Conseil fédéral doit entendre les organisations d'importance nationale ou régionale qui se consacrent statutairement à la protection des consommateurs lors de l'examen d'une ordonnance précisant les conditions auxquelles une indication de provenance suisse peut être employée. En effet, une indication de provenance doit être utilisée conformément à la perception des milieux intéressés, qui sont composés des consommateurs, d'une part, et des branches économiques, d'autre part.

2.1.3 Art. 50a (nouveau)

Registre des indications géographiques Registre des indications géographiques

Les indications géographiques identifient un produit comme étant originaire d'un territoire, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, une réputation ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique (art. 22, al. 1, ADPIC). Le registre prévu à l'art. 50a a donc pour unique objet les indications de provenance qualifiées et non toutes les indications de provenance au sens de l'art. 47 LPM. Il vise non seulement les indications géographiques suisses mais également les indications géographiques étrangères (art. 3 ADPIC et 2 CUP sur le traitement national). Les indications géographiques enregistrées doivent respecter les critères fixés aux art. 48 à 48c, sous réserve de l'exception prévue à l'art. 48d, let. b.

L'art. 50a, qui prévoit la création d'un registre des indications géographiques, a été formulé en tenant compte des enseignements tirés de l'application de l'art. 16 LAgr.

En conséquence, cette disposition reprend largement le contenu de l'art. 16 LAgr sur la base duquel un registre des appellations d'origine et des indications géographiques a été créé pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés.

Le registre des indications géographiques selon l'art. 50a porte sur les produits autres que les produits agricoles, les produits agricoles transformés, les vins, les produits sylvicoles et les produits sylvicoles transformés. En effet, tous ces produits bénéficient ou vont bénéficier d'instruments de protection analogues. Un registre pour les appellations d'origine et les indications géographiques agricoles a été établi en 1997 déjà sur la base des art. 14 et 16 LAgr. Depuis, plus d'une vingtaine d'AOC et d'IGP ont été enregistrées, comme le Gruyère (AOC) ou la viande des Grisons (IGP). Cette réglementation sectorielle a été élaborée en fonction d'objectifs de politique agricole et dans un souci de compatibilité avec la législation communautaire59, le Conseil fédéral visant la reconnaissance mutuelle des AOC et des IGP entre l'UE et la Suisse dans le domaine des produits agricoles, telle qu'elle existe déjà dans le domaine des vins et des spiritueux. Pour ce qui est des vins, leur protection repose sur des réglementations cantonales conformes au droit fédéral, la compétence ayant
été déléguée aux cantons dans le cadre fixé par l'art. 63 LAgr. Enfin, s'agissant des produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés, la motion 08.3247, déposée le 27 mai 2008 par le conseiller national Favre charge le Conseil fédéral d'établir une base légale qui permette de protéger efficacement les dénominations relatives aux produits traditionnels de la sylviculture suisse au moyen de leur 59

Règlement (CEE) 2081/92 remplacé ensuite par le règlement (CE) 510/2006.

7776

enregistrement dans le registre fédéral des AOP et des IGP. La motion reprend le projet de modification de la loi sur les forêts60, qui précise à son nouvel art. 41a (Désignation) les conditions d'emploi d'une indication de provenance protégée, telle qu'une AOC pour les produits sylvicoles et les produits sylvicoles transformés (bois et produits en bois). La loi sur les forêts est modifiée dans le cadre de la présente révision (à ce sujet, voir le commentaire ch. 2.2.8).

L'art. 50a, al. 2, trace les grandes lignes de l'ordonnance d'exécution que le Conseil fédéral devra élaborer. Celle-ci devra fixer les qualités exigées du requérant (let. a), la demande d'enregistrement de l'indication, qui est un signe collectif, devant être effectuée par un groupement demandeur dont la représentativité devra être démontrée. Le groupement devra remettre un cahier des charges (let. b) contenant notamment le nom du produit et l'indication géographique, la description du produit et du processus de fabrication, la délimitation géographique ainsi que les mesures de contrôle. Enfin, la demande devra contenir des informations sur les spécificités du lien existant entre la qualité, les caractéristiques, la réputation, d'une part, et la provenance géographique, d'autre part, étant précisé que les critères ne peuvent pas déroger aux art. 48 à 48c, sous réserve de l'exception prévue à l'art. 48d, let. b.

L'ordonnance contiendra des dispositions sur la procédure d'enregistrement et d'opposition (let. c). Le Conseil fédéral devra également étudier l'opportunité de créer une commission des indications géographiques (expertise externe). La demande d'enregistrement sera publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce ou dans un autre organe de publication désigné par l'IPI. Cette publication sera le point de départ du délai pour faire opposition. Celle-ci pourra être acceptée si la désignation déposée ne correspond pas à la définition de l'indication géographique, si le groupement n'est pas représentatif, si le nom déposé est un nom générique ou si l'enregistrement envisagé risque de porter préjudice (a) à une dénomination totalement ou partiellement homonyme ou (b) à une marque, pour autant qu'il existe un risque de confusion avec l'indication géographique (ce risque est admis de manière restrictive, c'est-à-dire qu'il
faut notamment que la marque antérieure soit réputée et utilisée depuis longtemps). L'intérêt public sera également pris en compte. Enfin, l'ordonnance devra prévoir un mécanisme de contrôle garantissant que les produits sur lesquels l'indication géographique est apposée réalisent les conditions du cahier des charges (let. d).

L'enregistrement d'une indication géographique selon l'art. 50a n'empêche pas le groupement de demander au Conseil fédéral l'adoption d'une ordonnance selon l'art. 50, al. 2, LPM, et et cette dernière n'empêche pas une demande d'enregistrement de la première. Lorsqu'une protection est recherchée à l'étranger, ce cumul peut être très utile car il permet aux producteurs concernés d'invoquer l'instrument le plus proche de ce que connaît la législation nationale du pays étranger, ce qui maximise les chances d'obtenir une protection équivalente dans ce pays. Les conditions d'utilisation de l'indication géographique devront alors être identiques dans le cahier des charges et dans l'ordonnance du Conseil fédéral. Si l'organisation faîtière d'une branche économique au bénéfice d'une ordonnance du Conseil fédéral au sens de l'art. 50, al. 2 demande l'inscription au registre de l'indication géographique faisant l'objet de l'ordonnance, la procédure d'enregistrement sera en principe plus rapide puisque les critères retenus auront déjà été scrupuleusement examinés lors de la procédure d'adoption de l'ordonnance.

60

FF 2007 3677

7777

L'art. 50a, al. 3, est la base légale qui permet à l'IPI de prélever des taxes. En raison de son statut d'établissement de droit public indépendant, l'IPI est géré indépendamment du budget fédéral. Il lui est donc indispensable de pouvoir prélever des taxes dans le cadre de la procédure d'enregistrement d'une indication géographique ainsi que pour la gestion du registre (voir également la base légale existante à l'art. 13, al. 1, LIPI). A titre comparatif, de nombreux pays, appliquant les modèles de législation établis par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) prélèvent des taxes pour l'enregistrement des indications géographiques.

L'art. 50a, al. 4, reprend l'art. 16, al. 3, LAgr.

L'art. 50a, al. 5, est en substance similaire à l'art. 16, al. 6, LAgr, même si sa formulation est légèrement différente. Tout comme cette disposition, il reprend le contenu de l'art. 24, ch. 5, de l'accord sur les ADPIC, en posant le principe suivant: celui qui utilise une indication géographique enregistrée pour des produits identiques ou comparables doit remplir les exigences du cahier des charges visé à l'art. 50a, al. 2.

La disposition fait référence aux produits identiques et produits comparables, c'està-dire ceux qui, par leur nom, leur type, leur forme ou leur présentation prêtent à confusion avec les produits d'origine et dont le consommateur moyen peut croire qu'ils proviennent du lieu réputé et qu'ils ont, le cas échéant, les qualités ou caractéristiques correspondantes fixées dans le cahier des charges. La notion de «produit comparable» doit donc être comprise de façon très étroite. Cette expression a le même sens que celle de «produit similaire»figurant à l'art. 16, al. 6, LAgr, ce qui permet d'éviter tout rapprochement avec la notion de «produit similaire» de l'art. 3 LPM, dont la signification est plus large61. A titre d'exemple, en application de l'art. 16, al. 6, LAgr, celui qui utilise la dénomination «Gruyère» pour du lait n'est pas tenu de respecter le cahier des charges, car «Gruyère» est une appellation d'origine enregistrée pour du fromage, et le lait n'est pas considéré comme un produit comparable au fromage. Si une notion plus large que celle de «produit comparable» était retenue, cela porterait préjudice aux producteurs ou aux fabricants d'autres produits installés
dans la région en question, car ils pourraient se voir empêchés d'user d'une indication de provenance exacte.

Afin d'être conforme à l'art. 24, ch. 5, de l'accord sur les ADPIC, le principe de l'art. 50a, al. 5, souffre une exception si les conditions suivantes sont réunies: ­

61 62 63

Une marque identique ou similaire à l'indication géographique doit avoir été enregistrée de bonne foi ou acquise de bonne foi. La disposition vise donc les marques identiques et les marques pour lesquelles il existe un risque de confusion62 avec l'indication géographique enregistrée. Le critère de la bonne foi fait référence à la connaissance de l'indication géographique63.

Dès l'instant où le déposant de la marque a connaissance de l'existence de l'indication géographique, il n'est plus de bonne foi. Cela sera par exemple le cas lorsque le déposant a connaissance de l'utilisation de l'indication géographique par les producteurs du lieu en question ou par les distributeurs ou les commerçants pour identifier un produit ayant la provenance géographiLa notion de «produit comparable» est également utilisée en droit communautaire. Voir l'art. 14 du règlement (CE) 510/2006 qui renvoie à l'art. 13 du même règlement.

Voir art. 3 LPM et la jurisprudence qui s'y rapporte.

Voir ch. 1.1 où il est rappelé que la protection des indications de provenance, donc également des indications géographiques, est indépendante de tout enregistrement ou de tout titre de protection.

7778

que correspondante. Il y a également absence de bonne foi lorsque le déposant a connaissance du fait que le dépôt de l'indication géographique a été effectué dans le pays d'origine. L'indication relative aux marques acquises par une utilisation de bonne foi fait référence aux marques notoires, dont la protection existe indépendamment d'un enregistrement (voir art. 3 LPM)64.

­

L'enregistrement de bonne foi de la marque ou son acquisition de bonne foi doit avoir eu lieu avant le 1er janvier 1996 ou avant que la dénomination de l'indication géographique enregistrée n'ait été protégée dans le pays d'origine. Le début de la protection de l'indication géographique n'est pas rattaché à un acte bien défini. Il incombe au groupement demandeur de prouver, en cas de litige sur l'emploi d'une indication géographique, depuis quand celle-ci est protégée par les art. 47 ss LPM. Il peut le faire par le biais de divers documents (publicités, factures, etc.) prouvant l'existence de l'indication depuis une période déterminée. Il peut également mettre en évidence certains faits (communications dans les médias, publicité, etc.) qui indiquent que le titulaire de la marque devait avoir connaissance de l'usage de l'indication géographique.

­

La marque ne doit pas être nulle ou faire l'objet d'une déchéance.

Les conditions fixées par l'art. 50a, al. 5, s'appliquent également à la marque géographique, obtenue sur la base de l'indication géographique inscrite au registre conformément à l'art. 50a. Autrement dit, le titulaire de la marque géographique, tout comme le bénéficiaire de l'indication géographique correspondante inscrite au registre de l'art. 50a ne peut pas interdire au titulaire d'une marque antérieure d'utiliser celle-ci si elle remplit les conditions d'exception.

Selon l'art. 50a, al. 5, quiconque utilise une indication géographique enregistrée pour un produit identique ou comparable doit remplir les exigences du cahier des charges visé à l'art. 50a, al. 2, let. b. C'est la raison pour laquelle l'art. 50a, al. 6, prévoit que la procédure d'examen d'une marque qui contient une indication géographique identique ou similaire65 à celle qui fait l'objet d'une demande d'enregistrement doit être suspendue jusqu'à l'entrée en force de la décision relative à la demande d'enregistrement de l'indication géographique. La marque dont il est question doit contenir une indication géographique identique ou similaire à l'indication géographique déposée et porter sur des produits identiques ou comparables (voir commentaire de l'art. 50a, al. 5). Une fois la décision relative à la demande d'enregistrement de l'indication géographique entrée en force, la suspension est levée et la marque peut être enregistrée, avec la limitation adéquate si l'indication géographique a été enregistrée (voir ci-dessous). Une disposition analogue à l'art. 50a, al. 6, P-LPM est inscrite à l'art. 16, al. 5bis, LAgr.

En vertu de l'art. 50a, al. 7, lorsqu'une indication géographique est enregistrée, la marque contenant cette indication peut être enregistrée pour des produits identiques ou comparables, mais la provenance de ces produits doit être limitée à l'indication géographique définie dans le cahier des charges. Voici un exemple concret, fondé 64

65

A noter que l'appellation d'origine ou l'indication géographique ne peut pas être enregistrée lorsque cet enregistrement est de nature à induire le consommateur en erreur sur la véritable identité du produit, en raison de la renommée d'une marque antérieure, de sa notoriété et de la durée de son usage (panel OMC USA-Communautés européennes du 15 mars 2005, WT/DS174/R).

Voir art. 3 LPM et la jurisprudence qui s'y rapporte.

7779

sur la disposition parallèle de l'art. 16 LAgr: une marque qui contient la dénomination «Gruyère» ne peut être enregistrée que si le titulaire accepte qu'il soit mentionné dans le registre des marques que sa marque est enregistrée pour du fromage bénéficiant de l'AOC «Gruyère». La pratique des limitations ne concerne pas uniquement les marques contenant des indications géographiques enregistrées, mais toutes les indications de provenance (art. 47 LPM). Cette pratique a été rappelée et confirmée pour la dernière fois dans la décision «Colorado»66 du Tribunal fédéral.

L'art. 50a, al. 8, reprend l'actuel art. 16, al. 7, LAgr. Lorsqu'un lieu est réputé pour la fabrication de certains produits, la protection des indications géographiques doit permettre de lutter contre l'utilisation de ce nom de lieu pour des produits identiques ou comparables qui n'en sont pas originaires ou qui n'ont pas les caractéristiques ou les qualités fixées dans le cahier des charges (même s'ils ont la bonne origine) et non contre l'usage de ce nom de lieu pour d'autres produits ­ non comparables ­ qui en proviennent effectivement.

2.1.4 Art. 51a (nouveau)

Renversement du fardeau de la preuve Renversement du fardeau de la preuve

Le projet permet de déterminer avec plus de clarté quand une indication de provenance est inexacte (art. 47, al. 3, let. a, LPM), ce qui en rend l'usage illicite. En cas de litige en matière civile, il appartient au demandeur de prouver que l'usage effectué par le défendeur est illicite (règle générale de l'art. 8 CC). Il est presque toujours difficile, voire impossible, pour le demandeur de prouver que le défendeur ­ c'est-àdire le producteur qui seul a connaissance des détails de la fabrication du produit ­ ne respecte pas les critères des art. 48 ss. L'art. 51a tient compte de cette difficulté procédurale et exige du défendeur qu'il fournisse les éléments qui permettent de déterminer si l'indication de provenance est exacte, autrement dit qu'il prouve qu'il respecte les conditions des art. 48 ss ou ceux fixés dans les éventuelles ordonnances applicables aux branches. Si le défendeur n'apporte pas ces éléments, le juge doit considérer que l'utilisation est illicite. L'inscription de cette disposition dans la LPM est nécessaire car la disposition similaire de la LCD (art. 13a), s'applique uniquement dans le cadre de publicités et ne couvre donc pas les litiges portant sur une indication de provenance en dehors de toute publicité. En outre, elle prévoit un renversement du fardeau de la preuve facultatif et non pas systématique.

Le respect du secret de fabrication ou d'affaires doit toujours être garanti, même en cas d'application de l'art. 51a. Ce point est déjà réglé par le code de procédure civile67 (art. 156) et par le code procédure pénale68 (art. 102, al. 1), de sorte qu'il est superflu d'introduire une disposition en ce sens dans la LPM.

66 67 68

ATF 132 III 770 ss; voir également TF, sic! 2006, p. 677 «Fischmanufaktur Deutsche See».

FF 2009 21 FF 2007 6583

7780

2.1.5 Art. 56

Qualité pour agir des autorités Qualité pour agir des associations, des organisations de consommateurs et des autorités

Pour les raisons évoquées plus haut (voir ch. 1.4.1), le projet prévoit de conférer aux autorités un droit limité pour intenter des actions civiles lorsque des indications de provenance inexactes sont employées. L'al. 1 précise que les autorités ne possèdent pas un droit illimité d'agir en justice. Leur droit se limite aux prétentions (indépendamment de toute faute) en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique (art. 52 LPM) et aux actions en cessation ou en suppression d'une violation ou d'une information sur la provenance de produits violant des droits (art. 55, al. 1, LPM). Par ailleurs, les autorités ne peuvent saisir la justice que si les signes concernés revêtent un intérêt particulier pour la Confédération ou les cantons. Selon la let. c, la Confédération doit pouvoir intervenir en particulier lorsque sont utilisés des désignations ou des symboles qui renvoient au territoire de la Confédération. Il s'agit en première ligne de désignations comme «Suisse», «suisse» ou «Swiss made», ainsi que de la croix et du drapeau suisses, dans la mesure où ils peuvent être employés comme indication de provenance, mais aussi de désignations comme «Helvetia» ou de la représentation de Guillaume Tell.

La qualité pour agir de la Confédération est exercée par l'IPI, auquel incombe l'exécution de la LPM conformément à l'art. 2, al. 1, let. b, LIPI. L'IPI assume les risques (usuels) supportés par la partie civile. Cette prérogative n'est pas incompatible avec les autres tâches qu'il exerce en tant qu'autorité d'enregistrement des marques. A ce titre, l'IPI examine, dans le cadre des motifs absolus d'exclusion au sens de l'art. 2, let. c, LPM, si les indications de provenance risquent d'induire en erreur; mais cet examen ne se fait que sur la base de la demande d'enregistrement (et non en considération de l'usage réel) et dans la perspective de déterminer si la marque déposée mérite d'être protégée par rapport à d'autres signes. Si l'IPI inscrit au registre une marque comportant une indication de provenance géographique, en limitant ou non les produits et les services à une certaine provenance, cela signifie qu'il considère comme licite l'emploi de la marque conforme a ce qu'il a enregistré.

Dans l'éventualité d'un procès civil, le titulaire de la marque pourrait lui reprocher cette appréciation. En
revanche, si la marque n'est pas employée conformément à son enregistrement (notamment pour des produits d'une autre provenance), l'IPI pourrait saisir la justice. Dans le deux cas, l'IPI ne serait plus considéré comme l'autorité qui rend des décisions en matière d'enregistrement, mais comme une partie civile. Le fait qu'il applique dans tous les cas, c'est-à-dire aussi bien en tant qu'autorité d'enregistrement qu'en tant que partie civile dans un procès civil, les mêmes normes et principes dans l'appréciation du risque de tromperie induit par des indications de provenance est voulu et vise à favoriser une application uniforme du droit. L'IPI n'est cependant pas lié par son comportement en sa qualité de partie civile dans sa pratique en matière d'enregistrement des marques. La simple possibilité (et non l'obligation) pour l'IPI de saisir la justice lui permet de procéder à une pondération des intérêts avant d'intenter une action. Le fait qu'il ne saisisse pas la justice dans un cas particulier ne comporte aucune implication pour sa pratique d'enregistrement.

La let. d règle de manière analogue la qualité pour agir des cantons.

7781

L'al. 3 précise que le droit cantonal doit déterminer quelle autorité est compétente pour agir en justice.

2.1.6

Dispositions pénales

Art. 61, al. 1, let. b Le projet prévoit d'insérer à la let. b de l'al. 1 la notion d'entreposage en vue de la de mise en circulation. La teneur de cette disposition met ainsi en évidence la cohérence matérielle entre les infractions et les violations des droits exclusifs énumérés à l'art. 13, al. 2, LPM69. Il n'y a aucune raison objective de considérer l'entreposage comme un fait moins répréhensible que par exemple le transit. La solution proposée correspond d'ailleurs aux réglementations inscrites dans la LBI et la LDes, aux termes desquelles l'entreposage est considéré comme un acte punissable (voir art. 81 en relation avec les art. 66 et 8, al. 2, LBI; art. 41 en relation avec l'art. 9, al. 1, LDes). Cette modification, permet ainsi de tendre vers une plus grande homogénéité avec les autres lois régissant les biens immatériels.

Au-delà de cette modification, il est prévu de procéder à quelques adaptations purement terminologiques à la nouvelle LD, lesquelles n'ont aucune incidence matérielle (voir ch. 2.1.7.2).

Art. 62, al. 3 Le projet prévoit d'abroger l'al. 3. Avant la révision de la LBI en 2007, l'importation, l'exportation, le transit et l'entreposage de marchandises portant atteinte à une marque n'étaient pas considérés comme des actes punissables en tant que tels. Pour le devenir, ils devaient se faire dans un but de tromperie. Les actes énumérés à l'al. 3, qui sont assimilables à de la complicité, n'étaient pas considérés comme des infractions autonomes, ce qui simplifiait les poursuites pénales dans les cas où les auteurs principaux se trouvaient à l'étranger. Lors de la révision de la LBI en 2007, l'importation, l'exportation et le transit ont été réévalués, élevés au rang d'infractions autonomes et inscrits en tant que tels à l'art. 61, al. 1, LPM. En proposant d'ajouter l'entreposage dans cette norme pénale (voir art. 61 P-LPM), il n'est plus possible de prêter assistance à l'auteur d'une violation de marque sans porter soimême atteinte à la marque. Les sanctions pour violation d'une marque étant toutefois plus lourdes que celles prévues en cas de complicité d'usage frauduleux d'une marque, les infractions énumérés à l'art. 62, al. 3, ne peuvent pas être considérées comme une forme qualifiée de la violation d'une marque. Cette disposition peut donc être abrogée.

Art. 64

Usage d'indications de provenance inexactes

Pour les motifs évoqués plus haut (voir ch. 1.4.1), le projet de modification prévoit de poursuivre d'office non seulement l'usage par métier d'indications de provenance inexactes, mais aussi tout emploi intentionnel. L'al. 1 ne prévoit donc plus l'obligation de déposer plainte puisque cette infraction sera poursuivie d'office.

Cette modification n'entraîne pas un durcissement des peines, car il n'est pas 69

Voir aussi FF 2006 1, p. 125.

7782

procédé à une nouvelle appréciation du degré objectif du comportement délictuel; elle vise uniquement à simplifier les poursuites judiciaires dans l'intérêt public. Les peines correspondent à celles prévues pour les cas d'utilisation abusive de signes publics, qui sont poursuivis d'office (voir commentaire relatif à l'art. 28, al. 1, P-LPASP; ch. 2.2.5.9).

En raison de la modification de l'art. 47, al. 3, let. c, la disposition prévoit que l'utilisation d'une raison de commerce est susceptible de créer un risque de tromperie.

L'al. 2 est modifié pour reprendre la nouvelle formulation de l'al. 1.

L'al. 3 autorise l'IPI à dénoncer une infraction auprès des autorités cantonales de poursuite pénale compétente. L'inscription, dans la LPM, du droit de dénoncer prévu par l'art. 301, al. 1, CPP procède du principe de la légalité en droit administratif. Conformément à l'art. 104, al. 2, CPP, la Confédération peut par ailleurs reconnaître la qualité de partie, avec tous les droits ou des droits limités, à d'autres autorités chargées de sauvegarder des intérêts publics. S'agissant de l'emploi d'indications de provenance inexactes, il reconnaît cette qualité à l'IPI, auquel incombe l'exécution de la LPM (voir art. 2, al. 2, let. b, LIPI). Le code de procédure pénale ne spécifiant pas la notion de «qualité de partie, avec tous les droits ou des droits limités», il faut régler dans la LPM quels droits sont concrètement conférés à l'IPI. Il s'agit des mêmes droits que le CPP confère à la partie plaignante et, de ce fait, des droits les plus étendus pouvant être exercés par une partie tierce dans une procédure pénale, outre ceux appartenant au prévenu. Il s'agit en premier lieu des droits de participation fondés par le droit d'être entendu conformément à l'art. 107 CPP et de la possibilité de faire recours contre des ordonnances de classement (art. 322, al. 2, CPP) et des décisions (art. 382, al. 1, CPP).

2.1.7

Autres points de la révision

2.1.7.1

Document de priorité

Art. 9, al. 1 Peu satisfaisante, l'obligation imposée au titulaire de produire un document de priorité doit être supprimée, d'une part, parce qu'elle ne permet pas de garantir que la priorité est effectivement tirée du premier dépôt effectué à l'étranger et non d'un dépôt postérieur également effectué à l'étranger et, d'autre part, parce qu'elle représente pour le déposant un obstacle administratif au stade de la procédure d'enregistrement de la marque. Elle génère en outre une charge de travail supplémentaire pour l'IPI qui doit contrôler avoir bien reçu le document de priorité.

Si la remise d'un document de priorité n'est plus obligatoire, l'IPI garde cependant la possibilité d'exiger sa remise, afin de pouvoir traiter les cas peu clairs.

7783

2.1.7.2

Adaptations terminologiques à la loi sur les douanes

Art. 13, al. 2, let. d, et 2bis; 61, al. 1, let. b; 62, al. 3; 70, al. 1; 71, al. 1; 72, al. 1 Les dispositions de la LPM faisant référence aux notions d'importation, d'exportation et de transit doivent être modifiées du fait de l'entrée en vigueur de la nouvelle LD (art. 6). De nature purement formelle, cette modification qui consiste à reprendre la terminologie des douanes vise à uniformiser les définitions des notions d'importation, d'exportation et de transit utilisées dans le droit de la propriété intellectuelle avec celui des douanes et à éviter que des divergences terminologiques entre les deux législations ne créent une insécurité juridique pouvant laisser supposer que des termes différents recouvrent des concepts différents.

L'art. 61, al. 1, let. b est légèrement remanié pour inclure l'entreposage figurant actuellement à l'art. 62, al. 3, qui est abrogé. Cette modification permet de supprimer un doublon susceptible de créer des incertitudes quant à la portée respective des deux dispositions.

2.1.7.3 Art. 17a, al. 1

Division de la demande ou de l'enregistrement Division de la demande ou de l'enregistrement

L'exigence de la forme écrite pour requérir la division de l'enregistrement ou de la marque restreint la marge de manoeuvre de l'IPI et ne lui permet notamment pas d'accepter une requête transmise au moyen d'un courrier électronique. Cette exigence doit donc être supprimée. L'art. 6, al. 3, de l'ordonnance du 23 décembre 1992 sur la protection des marques (OPM) contient déjà une règle permettant à l'IPI de supprimer l'exigence de la signature ­ et donc de la forme écrite ­ lorsqu'il l'estime justifié.

2.1.7.4

Communication des décisions et des ordonnances de classement

Art. 54

Communication des décisions et des ordonnances de classement

L'art. 63 de l'accord sur les ADPIC oblige tous les pays membres de l'OMC, dont la Suisse, à être prêts à fournir au secrétariat de l'OMC des données statistiques sur les jugements rendus sur leur territoire dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle. L'IPI se verra conférer, selon le projet de révision législative, un droit limité d'intenter des actions civiles lorsque la Confédération est concernée par l'emploi d'indications de provenance inexactes ou l'usage illicite de signes publics (voir commentaires des art. 56 P-LPM, et de l'art. 27 P-LPASP).

Pour ces raisons, l'IPI doit être informé sans délai de toutes les décisions qui ont été rendues dans le domaine des marques, des indications géographiques et des signes publics. «Dès qu'elles ont été rendues» signifie que les décisions en question doivent être communiquées à l'IPI immédiatement et non pas seulement une fois qu'elles sont exécutoires.

7784

L'art. 54 prévoit par conséquent une obligation légale de communiquer les décisions civiles (pour la terminologie, voir art. 236 ss et 241 ss CPC). L'ordonnance du 10 novembre 2004 réglant la communication des décisions pénales prises par les autorités cantonales70 régit la communication des jugements pénaux. Conformément aux art. 3, ch. 5, et 7 de cette ordonnance, les autorités cantonales sont tenues de communiquer sans délai à l'IPI tous les jugements rendus en application de la LPM et de la LPAP. Cette ordonnance et l'art. 54 garantissent que l'IPI soit informé de toutes les procédures civiles et pénales concernant des marques, des indications de provenance, des armoiries et d'autres signes publics, en particulier des décisions d'irrecevabilité, des décisions incidentes et des décisions ordonnant des mesures provisionnelles au sens du CPC et des décisions sur l'irrecevabilité et des ordonnances de non-entrée en matière au sens du CPP; les décisions incidentes et les ordonnances de procédure, par contre, ne doivent pas être obligatoirement communiquées.

Toutes les conditions sont ainsi réunies pour permettre à l'IPI d'examiner dans les délais la possibilité de faire recours contre une décision (par le biais du ministère public de la Confédération en cas de jugements pénaux cantonaux).

2.1.7.5

Procédure simplifiée de radiation pour non-usage

Plusieurs participants à la consultation ont souhaité que la LPM prévoie une procédure simplifiée de radiation pour non-usage devant l'IPI.

Principe L'art. 12 LPM constitue le point de départ. Celui-ci spécifie que le titulaire qui n'a pas utilisé la marque pour les produits ou les services enregistrés pendant une période ininterrompue de cinq ans ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif. Bien qu'elle reste inscrite au registre, une marque frappée du défaut d'usage n'a plus de contenu matériel et ne confère de ce fait plus de droits. Une marque qui n'est pas utilisée dans le commerce ne mérite en effet pas d'être protégée et devrait être mise à la disposition des agents économiques. Or les tiers utilisant un signe similaire ou désireux de le faire enregistrer comme marque doivent attendre la radiation de la marque pour avoir la certitude de l'inexistence du titre de protection.

Conformément au droit en vigueur, la radiation d'une marque non utilisée doit être prononcée par un juge civil statuant sur une demande correspondante. Bien que la loi ne prescrive pas explicitement l'action en radiation, celle-ci y figure implicitement (ATF 130 III 267, consid. 2.2). La loi actuelle ne prévoit pas non plus de procédure de radiation devant l'IPI. Autrement dit, il faut emprunter la longue et coûteuse voie judiciaire même dans les cas manifestes de non-usage pour obtenir la radiation d'une marque et faire en sorte que celui-ci reflète à nouveau la réalité juridique (l'IPI n'était pas habilité à radier la marque au centre de la cause traitée dans l'ATF 115 II 276, il a fallu inscrire une nouvelle fois la société ­ entre-temps liquidée ­ titulaire de la marque au registre du commerce pour obtenir par la voie judiciaire qu'elle fasse radier la marque. L'inscription d'une procédure simplifiée de radiation devant l'IPI vise justement à éviter ces situations.

70

RS 312.3

7785

Une procédure de radiation de marques frappées du défaut d'usage devant l'autorité d'enregistrement existe par exemple en Allemagne et à l'Office d'harmonisation pour le marché intérieur, l'agence de l'UE chargée de l'enregistrement des marques communautaires. Devant l'office allemand des marques et des brevets, la procédure s'arrête lorsque le titulaire de la marque fait opposition dans les deux mois à la demande de radiation; le demandeur doit alors recourir à la justice (par. 53 de la loi allemande sur les marques)71. Au niveau européen, le règlement (CE) no 207/2009 prévoit une procédure à deux parties avec plusieurs échanges d'écritures (art. 56 et 57) dans le cadre de laquelle le titulaire de la marque doit apporter la preuve de l'usage sérieux de la marque (règle 40 du règlement (CE) no 2868/95.

La procédure de radiation proposée dans le projet se situe à mi-chemin entre ces deux modèles. A la différence de ce que prévoit le droit allemand, il ne suffit pas de requérir la radiation auprès de l'autorité d'enregistrement, mais il faut rendre le défaut d'usage vraisemblable (voir aussi art. 12, al. 3, LPM). Cette obligation permet de garantir un examen matériel de la situation juridique même lorsque le titulaire de la marque ne se prononce pas dans le cadre de la procédure. L'obligation de motiver la demande contribue à prévenir les requêtes abusives. Le titulaire de la marque, pour sa part, ne peut pas se contenter de faire opposition pour que l'autorité d'enregistrement rejette une demande de radiation dûment motivée. Il est tenu, au contraire, de démontrer l'usage sérieux de la marque ou l'existence de justes motifs pour son non-usage. A la différence de la procédure européenne, il ne doit pas apporter la preuve de ce qu'il avance, mais il suffit qu'il rende ses allégations vraisemblables, conformément à la nature sommaire de la procédure, pour éviter que l'IPI ne radie la marque. L'allègement du fardeau de la preuve en comparaison de ce que dispose l'art. 12, al. 3, deuxième partie de la phrase, LPM est justifiée par le fait que le requérant qui n'obtient pas gain de cause peut toujours porter l'affaire devant un tribunal civil.

Art. 35, let. e L'art. 35 contient une liste exhaustive des raisons pour lesquelles l'IPI peut radier du registre une marque enregistrée. Aussi faut-il ajouter à la let. e la radiation à la suite de l'acceptation d'une demande au sens de l'art. 35a.

Art. 35a (nouveau)

Demande de radiation

Aux termes de l'art. 12, al. 1, LPM, le titulaire ne peut plus faire valoir son droit à la marque si, à compter de l'échéance du délai d'opposition ou, en cas d'opposition, de la fin de la procédure, il n'a pas utilisé la marque pendant une période ininterrompue de cinq ans. Avant l'échéance de ce délai de carence, il n'est pas possible de motiver valablement une demande de radiation pour non-usage. L'al. 2 prévoit donc qu'une telle demande ne peut pas être présentée à l'IPI avant l'expiration de ce délai.

Pour les enregistrements internationaux (art. 44 ss LPM), le délai de carence commence à courir au plus tôt une année à compter de la date à laquelle le Bureau international de l'OMPI a communiqué l'enregistrement à l'IPI s'il s'agit d'un enregistrement selon l'Arrangement de Madrid (voir art. 5, al. 2, AM et règle 18, al. 1, 71

Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi allemande sur les marques du 25 octobre 1994), (BGBl. I p. 3082 (1995, 156); 1996, 682); dernière modification datant du 7 juillet 2008 par l'art. 4 de la loi (BGBl. I p. 1191).

7786

let. a)iii) du RexC); pour les enregistrements internationaux selon le Protocole de Madrid, le délai de carence commence à courir au plus tôt 18 mois à compter de la date de la communication (voir art. 5, al. 2, let. b, PM). Si l'IPI notifie un refus provisoire de protection durant ces douze ou dix huit mois en invoquant des motifs absolus d'exclusion ou en raison d'une opposition, le délai de carence ne commence à courir qu'au terme de la procédure correspondante. Le Conseil fédéral réglera les modalités d'exécution en précisant la date à partir de laquelle une demande de radiation d'un enregistrement international pourra être présentée (comme il l'a fait pour le délai d'opposition, voir art. 50, al. 1, OPM).

Toute personne peut présenter une demande de radiation. Bien qu'il ressorte du libellé de l'art. 52 LPM que la personne intentant une action en constatation d'un droit doit établir qu'elle a un intérêt juridique à la constatation, les exigences en la matière ne sont pas très strictes selon la pratique judiciaire. Selon l'ATF 125 III 193 consid. 2.a), toute personne est habilitée à invoquer le défaut d'usage; il n'est pas nécessaire d'établir un intérêt particulier, l'intérêt général à ne pas être empêché à former librement des signes suite au non-usage de marques nulles étant en règle générale suffisant; ce n'est que dans des circonstances particulières que l'intérêt à faire valoir son droit peut faire défaut. Cette raison, la nature sommaire de la procédure de radiation devant l'IPI et le fait que le titulaire de la marque peut empêcher la radiation de sa marque simplement en rendant vraisemblable l'usage de sa marque ou l'existence de motifs suffisants justifiant le non-usage font qu'il n'est pas nécessaire de démontrer un intérêt particulier.

Selon l'al. 3, une demande de radiation est réputée déposée dès que la taxe perçue en la matière a été payée. Pour fixer le montant de cette taxe, l'IPI devra veiller à proposer une procédure avantageuse (dans le cadre des principes constitutionnels généraux); la taxe devra néanmoins être suffisamment élevée pour éviter les demandes abusives.

Art. 35b (nouveau)

Décision

Avant de statuer sur une demande de radiation, l'IPI entend chaque partie sur les allégués de la partie adverse (art. 31 PA). Si le titulaire de la marque n'avance pas ses allégués en temps utile ou ne peut être entendu, notamment parce qu'il n'existe plus (par ex. en raison d'une liquidation), l'IPI statuera en se fondant sur les allégués avancés par le requérant (art. 32 PA).

Aux termes de l'al. 1, let. a, le requérant doit rendre vraisemblable le défaut d'usage de la marque. Cette condition correspond à la première partie de la phrase de l'art. 12, al. 3, LPM. Il doit présenter des moyens de preuve appropriés (par ex. des recherches sur l'usage de la marque) qui permettent à l'IPI de conclure à la vraisemblance du non-usage de la marque. Le fait que le titulaire de la marque inscrit au registre n'existe plus constituera indubitablement un indice pour le défaut d'usage.

Si le requérant ne parvient pas à démontrer le non-usage de la marque, il devra en supporter les conséquences. S'il n'est pas en mesure de rendre vraisemblable le défaut d'usage de la marque, l'IPI rejettera sa demande de radiation.

Le titulaire de la marque a la possibilité de mettre en doute la vraisemblance du nonusage en contestant les preuves produites par le requérant. Selon la let. b, il peut cependant aussi rendre vraisemblable l'usage de sa marque ou l'existence de justes motifs pour le défaut d'usage. L'IPI rejettera la demande de radiation s'il estime que la marque a été utilisée pendant la période prévue dans la loi ­ dans ce cas, la tenta7787

tive de rendre le non-usage vraisemblable aura tout simplement échoué ­ ou qu'il existe de justes motifs pour le défaut d'usage.

Il suffit que le requérant rende vraisemblable le défaut d'usage de la marque en Suisse. Bien qu'il soit possible de faire valoir en Suisse un usage de la marque en Allemagne conformément à l'art. 5, al. 1, de la Convention du 13 avril 1892 entre la Suisse et l'Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques72, cette dérogation au principe de territorialité ne peut pas avoir pour conséquence pour le requérant qu'il doive commencer par rendre vraisemblable le défaut d'usage en Allemagne. La convention peut au contraire éventuellement être invoquée par le titulaire de la marque pour lui permettre de démontrer l'usage de sa marque.

Si le défaut d'usage est rendu vraisemblable pour une partie seulement des produits et des services désignés (al. 2), l'IPI admettra la demande de radiation pour ces produits et ces services.

Aux termes de l'al. 3, l'IPI devra décider, en statuant sur la demande de radiation, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause devront être supportés par celle qui succombe. Il s'appuiera sur la pratique qu'il a développée en la matière dans la procédure d'opposition, pour laquelle la LPM prévoit, à son art.

34, une disposition identique.

La décision de l'IPI peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (art. 33, let. e, LTAF); les décisions de ce dernier sont sujettes au recours en matière civile dont connaît le Tribunal fédéral (art. 72, al. 2, let. b, ch. 2, LTF).

Art. 35c (nouveau)

Procédure

Comme pour la procédure d'opposition, le Conseil fédéral réglera les modalités dans les prescriptions d'exécution. Il devra notamment décider à quel moment les parties devront avancer les allégués et fournir les preuves, ainsi que déterminer la nature des allégués et des preuves et les délais à impartir par l'IPI. Le Conseil fédéral devra également régler la relation entre procédure d'opposition et procédure de radiation pour le cas où le défendeur allègue le non-usage de la marque antérieure à titre incident (voir art. 32 LPM) tout en requérant la radiation de la marque dans le cadre de la procédure de radiation.

Art. 41, al. 4, let. e (nouvelle) Conformément à l'art. 41, al. 4, let. e, la poursuite de la procédure est exclue en cas d'inobservation du délai pour former opposition. Dans sa pratique, l'IPI estime qu'il s'agit d'un motif absolu et exclut par conséquent toute poursuite de la procédure d'opposition en cas d'inobservation de ce délai. A la différence de la procédure d'enregistrement d'une marque, à laquelle ce moyen de droit est adapté, la procédure de radiation est une procédure à deux parties dans laquelle la sécurité juridique constitue un aspect plus important. Du fait que les délais impartis par l'IPI dans la procédure d'opposition et la future procédure de radiation peuvent être prolongés (art. 22, al. 2, PA), que l'IPI peut prendre en considération des allégués tardifs s'ils paraissent décisifs (art. 32, al. 2, PA) et que les parties peuvent demander à être restituées si elles ont été empêchées, sans leur faute, d'agir dans le délai fixé (art. 24, 72

RS 0.232.149.136

7788

al. 1, PA), il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi un droit supplémentaire permettant, indépendamment de toute faute, de requérir la poursuite de la procédure.

C'est pourquoi cette possibilité n'a pas été prévue pour la procédure de radiation.

2.1.7.6

Intervention de l'Administration des douanes

Art. 70, al. 1, et 71, al. 1 Afin que les parties habilitées à intenter une action conformément à l'art. 56 puissent effectivement le faire, elles doivent pouvoir requérir l'intervention de l'Administration des douanes et faire retenir à la douane des produits munis illicitement d'une indication de provenance.

2.1.7.7

Adaptations formelles

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

2.2

Autres lois fédérales

2.2.1

Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

L'art. 2, al. 1, let. f, LIPI prévoit que l'IPI participe à la coopération technique dans le domaine de la propriété intellectuelle. Selon le message relatif à cette loi, ce dernier peut aussi réaliser lui-même des projets de coopération technique.73 Ce n'est qu'en 2007 que l'IPI a commencé à initier seul une poignée de projets qui s'inscrivent dans son domaine de compétence. Or, la pratique a montré que, dans l'accomplissement de cette tâche, il doit être habilité, comme d'autres services fédéraux actifs dans le domaine de la coopération au développement et pour des raisons d'efficacité, à négocier et à conclure des traités internationaux d'une portée temporelle et matérielle limitée permettant de régler avec l'Etat partenaire les modalités de ces projets. L'IPI ne disposant pour l'heure pas d'un tel droit, la modifica73

«Dans ce domaine, seul ou en collaboration avec d'autres organisations nationales et internationales, il pourra notamment apporter assistance et conseil; ...», voir FF 1994 III 981.

7789

tion de l'art. 2, al. 3bis, LIPI vise à inscrire cette délégation de compétence dans la loi.

Du point de vue du champ d'application matériel, la compétence se limite à des projets dans le domaine de la propriété intellectuelle pouvant être autofinancés par l'IPI. Il n'y aura donc en règle générale pas de chevauchement avec des compétences analogues exercées par d'autres services fédéraux comme la Direction du développement et de la coopération, le Département fédéral des affaires étrangères et le Secrétariat d'Etat à l'Economie du Département fédéral de l'économie. Cette disposition prévoit en outre l'obligation pour l'IPI de coordonner les traités internationaux qu'il conclut avec les autres activités de l'Administration fédérale dans le domaine de la coopération internationale. Elle ne s'appliquera pas aux projets de coordination que l'IPI réalise sur mandat et sous la conduite d'un autre service fédéral puisque, dans ces cas, la conclusion du traité international n'est pas de son ressort. Cette délégation de compétence n'a aucune incidence financière pour la Confédération étant donné que l'IPI finance l'intégralité de ces projets avec les recettes provenant des taxes qu'il encaisse pour la délivrance et le maintien des titres de protection.

Les traités concernés sont des traités de portée mineure au sens de l'art. 7a, al. 2, de la loi du 21 mars 2007 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), donc de traités qui, abstraction faite de la disposition proposée, relèvent de toute manière de la compétence du Conseil fédéral selon la délimitation des prérogatives entre celui-ci et l'Assemblée fédérale. Le Conseil fédéral pourrait déléguer la compétence de conclure ces traités internationaux à l'IPI en vertu de l'art. 48a, al. 1, LOGA. Pour des raisons de transparence au sein de la Confédération et en particulier par rapport aux partenaires étrangers, il est préférable de régler cette délégation de compétence à dans l'article de la LIPI se référant à cette tâche de l'IPI. Par ailleurs, il n'existe aucun autre acte tel qu'une ordonnance qui permettrait de régler la question au sein de l'administration et de garantir la transparence voulue.

2.2.2 Art. 955a (nouveau)

Code des obligations74 D. Réserve en faveur des autres dispositions fédérales

Cette disposition rappelle que l'inscription d'une raison de commerce au registre du commerce ne libère pas l'ayant droit de l'obligation de respecter les autres dispositions légales, notamment celles qui établissent une protection contre la tromperie dans les relations commerciales. Ainsi, même si une raison de commerce a été inscrite, elle ne peut pas être utilisée avec des produits ou des services s'il en résulte un risque de tromperie au sens de l'art. 47 LPM (pour les détails, voir ch. 2.1.2.1).

L'art. 955a CO fixe le cadre de l'utilisation de la raison de commerce, à l'intention du titulaire. Il ne s'adresse par contre pas aux autorités du registre du commerce (voir également le commentaire de l'art. 47, al. 3, let. c, P-LPM).

74

RS 220

7790

2.2.3

Loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur75

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 75, al. 1, 76, al. 1, et 77, al. 1 L'adaptation terminologique proposée dans ces dispositions correspond à celle qui est effectuée pour diverses dispositions du P-LPM (voir le commentaire au ch. 2.1.7.2).

2.2.4

Loi du 9 octobre 1992 sur les topographies76

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 5, let. b L'adaptation terminologique proposée dans cette disposition correspond à celle qui est effectuée pour diverses dispositions du P-LPM (voir le commentaire au ch. 2.1.7.2).

2.2.5

Loi du 5 octobre 2001 sur les designs77

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Art. 9, al. 1 et 1bis, 46, al. 1, 47, al. 1, et 48, al. 1 L'adaptation terminologique proposée dans ces dispositions correspond à celle qui est effectuée pour diverses dispositions du P-LPM (voir le commentaire au ch.

2.1.7.2).

75 76 77

RS 231.1 RS 231.2 RS 232.12

7791

2.2.6

Loi du 25 juin 1954 sur les brevets78

La présente révision partielle donne l'occasion de remplacer le terme «Institut» par IPI dans toute la loi.

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 8, al. 2, 86a, al. 1, 86b, al. 1, et 86c, al. 1 L'adaptation terminologique proposée dans ces dispositions correspond à celle qui est effectuée pour diverses dispositions du P-LPM (voir ch. 2.1.7.2). L'art. 8, al. 3, LBI n'est par contre pas modifié. Il restreint le droit d'interdiction du transit, c'est-àdire le passage de marchandises à travers le territoire douanier qui comprend également l'entreposage dans un dépôt franc. Le brevet national confère à son titulaire un tel droit d'interdiction uniquement lorsque ce dernier est également en droit de s'opposer à l'importation dans le pays de destination. En conséquence, si l'importation dans le pays de destination constitue une utilisation licite de son invention, le titulaire n'est pas atteint dans ses droits. L'art. 8, al. 3, LBI empêche donc que le droit de faire interdire le transit, qui vise à lutter contre la contrefaçon, puisse être détourné de son objectif et utilisé pour interdire la circulation légale de la marchandise entre Etats tiers79.

Les modifications rédactionnelles des art. 86a ss n'ont aucune incidence sur la portée de l'art. 8, al. 3, LBI. Il faut considérer les mesures à la frontière prévues par ces dispositions, notamment le droit de demander l'intervention des douanes inscrit à l'art. 86b, à la lumière de l'art. 8, al. 3, LBI. Il doit par conséquent exister non seulement des indices concrets d'une atteinte aux droits découlant d'un brevet en Suisse, mais aussi des indices d'une atteinte aux droits dans le pays de destination.

Ainsi, le titulaire du brevet est tenu, lorsqu'il demande l'intervention des douanes en cas de transit de marchandises dont il soupçonne qu'elles portent atteinte à ses droits, d'apporter également la preuve que celles-ci portent atteinte à un brevet dans le pays destinataire. A défaut, l'intervention des autorités douanières n'est pas justifiée.

Art. 83a (nouveau)

Infractions commises dans la gestion d'une entreprise

Pour les infractions dans les entreprises commises par le subordonné, le mandataire ou le représentant, l'art. 83a renvoie aux art. 6 et 7 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA). Cet article permet d'harmoniser les dispositions sur les infractions dans les établissements commerciaux, car diverses lois sur la propriété intellectuelle (art. 71 LDA, art. 67 LPM et art. 26 LCD) comportent une disposition similaire.

78 79

RS 232.14 Message LBI, FF 2006 1, p. 112.

7792

2.2.7

Loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture80

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 16, al. 2bis (nouveau) L'ordonnance sur les AOP et les IGP permet déjà l'enregistrement de dénominations concernant des aires géographiques de pays tiers. Ainsi, l'OFAG, qui est compétent pour l'enregistrement des dénominations en vertu de l'art. 16 LAgr, entre en matière sur les demandes d'enregistrement étrangères. Comme l'accès au registre de l'OFAG pour les dénominations étrangères a été confirmée dans le cadre de l'OMC, il y a lieu de préciser expressément cette possibilité dans la loi (art. 16, al. 2bis, P-LAgr), afin d'écarter toute ambiguité quant à cette possibilité.

Art. 16, al. 5bis (nouveau) Quiconque utilise une appellation d'origine ou une indication géographique enregistrée pour un produit identique ou comparable doit remplir les exigences du cahier des charges. Pour cette raison, l'art. 16, al. 5bis, LAgr, prévoit que la procédure d'examen d'une marque qui contient une indication géographique identique ou similaire81 à celle qui fait l'objet d'une demande d'enregistrement doit être suspendue jusqu'à l'entrée en force de la décision relative à la demande d'enregistrement de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique. Une fois cette décision entrée en force, la suspension est levée et la marque peut être enregistrée, avec la limitation adéquate si l'indication géographique a été enregistrée.

2.2.8

Loi du 4 octobre 1991 sur les forêts82

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 41a (nouveau)

Désignation

L'art. 41a, al. 1, crée les conditions nécessaires à l'introduction d'une appellation d'origine contrôlée permettant de protéger les produits de l'économie sylvicole et les produits sylvicoles transformés. L'AOC, jusqu'alors réservée aux produits agricoles pourra aussi être utilisée dans le cadre de la commercialisation de produits sylvicoles et de produits sylvicoles transformés (bois et produits du bois) venant de régions qui restent à préciser, et offrir ainsi de nouveaux débouchés. La présente modification de la loi sur les forêts établit la base légale permettant de protéger efficacement les dénominations relatives aux produits traditionnels de la sylviculture suisse, ce qui satisfait à la requête de la motion Favre 08.3247, «Protection AOP/IGP des produits de la sylviculture» (voir ch. 1.2).

80 81 82

RS 910.1 Voir art. 3 LPM et la jurisprudence qui s'y rapporte.

RS 921.0

7793

L'al. 2 prévoit que l'enregistrement et la protection des appellations d'origine sont régis par la législation sur l'agriculture. S'appliquent notamment l'art. 16 LAgr, l'ordonnance sur les AOP et les IGP, ainsi que les mesures administratives, les dispositions d'exécution et les dispositions pénales de la LAgr. Conformément à l'art. 8, al. 2, de l'ordonnance sur les AOP et les IGP, l'office fédéral de l'environnement est entendu, en sa qualité d'autorité fédérale concernée, par l'OFAG.

2.3

Révision de la loi sur la protection des armoiries publiques

Le projet consiste en une révision totale qui abroge la loi fédérale du 5 juin 1931 pour la protection des armoiries publiques et autres signes publics (LPAP). Par signes publics, on entend en Suisse les armoiries, les drapeaux, les signes de garantie de la Confédération et de ses collectivités territoriales (les cantons et les communes, mais aussi d'autres collectivités territoriales telles les communautés de vallée ou les paroisses). La protection couvre aussi les signes publics d'Etats étrangers et ceux de leurs collectivités territoriales. En raison du principe de territorialité, la LPASP sera applicable à ces signes lorsqu'ils seront employés sur le territoire suisse (s'agissant de la protection à l'étranger, voir ch. 1.3). A ces emblèmes s'ajoutent les désignations officielles comme «Confédération», «fédéral», «canton» ou d'autres désignations renvoyant à une autorité. La loi définit notamment le cercle des personnes et des autorités autorisées à utiliser les signes publics. Elle ne vise pas uniquement à protéger la collectivité dans l'emploi de ses emblèmes, mais aussi les agents économiques et les consommateurs de la tromperie pouvant être induite par l'usage de ces signes publics. Ainsi la concurrence doit-elle pouvoir se défendre lorsqu'un agent économique appose la croix suisse sur des produits fabriqués à l'étranger. Contrairement aux signes publics des collectivités territoriales, leurs noms (Suisse, Berne, Saint-Moritz) ne sont pas protégés par cette loi (concernant les noms des collectivités territoriales, voir commentaire de l'art. 4 LPASP). Les armoiries familiales sont également exclues de la protection. En résumé, l'objectif poursuivi par la révision totale de la loi est de protéger le public de la tromperie découlant d'un emploi abusif des signes publics et de préserver la forte valeur économique et identitaire de ces signes.

2.3.1

Titre

Le titre de la loi tient compte du fait que le projet ne se limite pas à la protection des armoiries de la Confédération, mais concerne plus généralement celle des signes publics.

7794

2.3.2

Chapitre 1

Signes publics suisses

2.3.2.1

Section 1

Définitions

Art. 1

Croix suisse

La croix suisse est définie comme une croix blanche sur un fond rouge. La croix est verticale et alésée et ses branches, égales entre elles, sont d'un sixième plus longues que larges. Cette définition correspond à la croix telle que définie dans l'arrêté fédéral du 12 décembre 1889 concernant les armoiries de la Confédération suisse (arrêté fédéral 1889). Il n'existe en effet aucune obligation de limiter l'emploi de la croix suisse à la forme définie. Si les conditions d'emploi sont remplies, les ayants droit sont libres, comme par le passé, d'utiliser la croix suisse sous une forme modifiée, par exemple en utilisant d'autres dimensions ou en l'associant à d'autres éléments graphiques. Aussi, Tourisme Suisse peut-il continuer d'utiliser la croix suisse sous la forme de l'edelweiss83.

La croix blanche pleine ­ à l'origine un symbole chrétien ­ sous la forme de deux bandes cousues perpendiculairement, apparaît pour la première fois comme signe de ralliement sur les vêtements des Bernois à la bataille de Laupen (1339). Elle orne les étendards bernois dès le XIVe siècle et le fanion fédéral au XVe siècle. Le Pacte fédéral de 1815 fixe les armoiries de la Confédération: croix blanche verticale alésée, à branches égales sur fond rouge. D'abord apposée au centre du sceau fédéral, elle était entourée par les armoiries cantonales. Sous l'impulsion de GuillaumeHenri Dufour, un drapeau militaire commun pour toute la Suisse est créé en 1840 (croix blanche alésée sur fond rouge)84.

L'arrêté fédéral 1889 précise (voir commentaire de l'art. 2) que les quatre branches de la croix, égales entre elles, doivent être d'un sixième plus longues que larges.

Art. 2

Armoiries de la Confédération suisse

L'art. 2, al. 1, définit les armoiries de la Confédération en reprenant la définition de la croix suisse telle qu'énoncée dans l'arrêté fédéral 1889, qui peut ainsi être abrogé.

Les objets protégés à l'art. 2 sont les armoiries de la Confédération, comme définies dans cet arrêté fédéral. La définition est complétée par la description de la forme des armoiries (écusson triangulaire). D'un point de vue matériel, l'art. 2 ne modifie rien à la définition et à l'utilisation licite des armoiries de la Confédération. A l'avenir, il sera toujours possible, pour la collectivité concernée ainsi que pour les organisations et les entreprises qui assument des tâches publiques en tant qu'unités juridiques indépendantes85, d'utiliser les armoiries de la Confédération sous une forme modifiée, par exemple en relation avec d'autres éléments graphiques ou avec d'autres proportions (voir art. 8). Les CFF sont ainsi autorisés à apposer les armoiries de la Confédération sur une locomotive si celles-ci diffèrent dans leur forme ou dans leurs proportions de celles définies à l'art. 2.

83 84 85

Sous cette forme, la croix est enregistrée comme marque de service (marque no P 461 959).

Informations tirées du Dictionnaire historique de la Suisse: http://hls-dhs-dss.ch/textes/f/ F10104.php.

Sur la notion d'«unités juridiques indépendantes», voir le rapport du Conseil fédéral du 13 septembre 2006 sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799.

7795

Certains participants à la procédure de consultation ont jugé trop limitée la définition des armoiries de la Confédération comme une croix suisse placée dans un écusson triangulaire, arguant que les armoiries ne sont pas reproduites uniquement dans un écusson triangulaire, mais souvent aussi dans ce qu'on appelle une forme espagnole dont le bord inférieur est arrondi (par ex. sur les plaques d'immatriculation). L'art. 8, qui règle l'emploi des armoiries de la Confédération et des signes susceptibles d'être confondus avec elles, tient compte de cette préoccupation. L'expression «susceptibles d'être confondus» comprend également les signes qui ont une autre forme que la forme triangulaire de l'écusson (forme espagnole: bords inférieurs arrondis, semicirculaire; forme anglaise: souvent carré et bout en pointe; forme de losange: écusson en forme de losange se tenant sur la pointe; forme ronde; écusson avec deux entailles; blason romand: forme en amande; etc.). Concernant le risque de confusion, il est déterminant de savoir si la forme utilisée est encore perçue par les agents économiques concurrents ou les consommateurs comme une armoirie (voir commentaire de l'art. 8). L'art. 2 se limite à définir les armoiries de la Confédération.

L'al. 2 renvoie à l'annexe 1 de la loi, dans laquelle sont illustrées les armoiries de la Confédération définies à l'al. 1. Par souci de précision, les armoiries officielles de la Confédération sont toujours reproduites dans la loi. Comme par le passé, les dimensions de la croix blanche placée sur fond rouge sont définies, mais les proportions de la croix par rapport à celles de l'écusson ne sont pas réglementées. La nouveauté est que la loi définit le ton de la couleur rouge; cette définition sert de critère pour déterminer s'il existe un risque de confusion entre un signe et les armoiries de la Confédération (voir commentaire de l'art. 8 concernant le risque de confusion). Les armoiries pourront toujours être utilisées dans d'autres tonalités de rouge. L'introduction d'une telle définition répond toutefois à un besoin général et apporte également davantage de clarté. Par le passé, l'absence de définition du ton de la couleur rouge a généré des incertitudes, notamment dans la branche du graphisme, et suscité des demandes de renseignements. L'ancien Office central fédéral
des imprimés et du matériel (OCFIM) avait édité, comme solution provisoire, des recommandations de couleur pour les imprimés. La définition de la couleur correspond aux indications contenues dans le guide Identité visuelle de l'administration fédérale suisse, qui a été édité par le service Identité visuelle de la Confédération en 200586. Elle a été complétée par des indications de couleur modernes qui sont fréquemment utilisées.

Art. 3

Drapeau suisse

L'art. 3, al. 1, donne une définition du drapeau suisse (pavillon) qui fait entièrement défaut aujourd'hui. Le drapeau suisse tirant son origine d'un étendard militaire (voir commentaire sur la croix suisse à l'art. 1), il possède une forme carrée. Différant de la forme rectangulaire de la plupart des drapeaux des autres Etats, cette dernière est profondément ancrée dans la tradition populaire: les citoyens suisses s'identifient à cette forme carrée. Elle est généralement bien acceptée à l'étranger et possède une force distinctive particulière. C'est justement en raison de sa forme carrée et de ses dimensions équilibrées que le drapeau suisse figure, après la bannière étoilée des Etats-Unis et l'Union Jack du Royaume-Uni, parmi les drapeaux les plus connus du monde. La définition inscrite dans le projet de loi n'apporte toutefois aucune modification matérielle. Aussi, comme par le passé, le drapeau peut-il être modifié dans la 86

Le guide est publié sur le site Internet du service Identité visuelle de la Confédération: http://www.bk.admin.ch/themen/02268/02385/index.html?lang=fr.

7796

publicité (par ex. la délimitation carrée peut être légèrement modifiée en adoptant une forme ondulée ou avec d'autres proportions). Le respect des règles de provenance (voir commentaire de l'art. 13) demeure toutefois une condition préalable à l'emploi du drapeau. La définition légale du drapeau suisse vient compléter les informations sur la croix suisse et sur les armoiries de la Confédération figurant aux art. 1 et 2. Cet ajout est nécessaire puisque, comme mentionné, le drapeau suisse diffère des autres formes rectangulaires de drapeaux.

A l'instar de la définition des armoiries de la Confédération, les dimensions exactes du drapeau suisse sont réglementées à l'annexe 2 de la loi (al. 2), ce qui implique également une définition des proportions entre la croix suisse et le drapeau.

En vertu de l'al. 3, les dispositions de la loi du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime et de la loi du 21 décembre 1948 sur l'aviation relatives aux emblèmes suisses continuent de s'appliquer. Ces deux lois contiennent des dispositions spécifiques sur l'utilisation du pavillon suisse sur les bateaux et de la marque de nationalité des aéronefs. L'apposition de la marque de nationalité sur l'empennage des aéronefs de la société de navigation aérienne «Swiss» continuera d'être régie par la législation spéciale, à savoir l'ordonnance du 6 septembre 1984 sur les marques distinctives des aéronefs87. Tenant compte des données techniques particulières, ces actes spéciaux continuent de primer, pour les domaines concernés, sur la LPASP concernant l'utilisation des armoiries de la Confédération et du drapeau suisse. Cette solution paraît logique puisque dans les autres cas il n'existe aucune obligation de reprendre les armoiries de la Confédération et le drapeau suisse dans la forme définie. Avec la réserve formulée dans la loi du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire88, l'armée est autorisée à utiliser les drapeaux militaires (drapeaux, étendards, fanions et insignes militaires) qui possèdent une grande valeur symbolique sur le plan historique, dans leur exécution particulière conformément à l'ordonnance y relative et au «règlement sur les drapeaux» de l'armée suisse89. L'usage des drapeaux militaires, étendards et fanions étant soumis à des règles particulières qui font partie du protocole militaire
ou du protocole officiel, celles-ci continueront de s'appliquer. Certaines de ces règles concernent également les proportions des drapeaux militaires pouvant différer, pour des raisons techniques ou de tradition, de la définition donnée par la loi.

Art. 4

Autres emblèmes de la Confédération

L'al. 1 prévoit l'établissement, par le Conseil fédéral, d'une liste des autres emblèmes de la Confédération dans une annexe de l'ordonnance d'exécution. L'objectif est d'améliorer la vue d'ensemble et la clarté. A l'exception de la liste envoyée à l'OMPI en 1967 dans le cadre du système de notification prévu par la CUP90, il manque une vue d'ensemble des emblèmes, ce qui n'est évidemment pas sans conséquence sur l'exécution. La disposition proposée permet au Conseil fédéral de décider, dans une annexe séparée ayant force obligatoire, quels signes doivent être considérés comme autres emblèmes de la Confédération. Il est à tout moment possi87 88 89 90

RS 748.216.1 RS 510.10 Règlement 51.340, l'usage des drapeaux, étendards et fanions.

Les emblèmes notifiés à l'OMPI sont consultables dans la Bibliothèque numérique de propriété intellectuelle de l'OMPI, rubrique «Recherche structurée Article 6ter»: http://www.wipo.int/ipdl/fr/search/6ter/search-struct.jsp.

7797

ble de mettre à jour la liste des signes par simple modification de l'ordonnance. De plus, chacun a la possibilité de se faire une idée, par simple consultation de l'annexe, des signes publics de la Confédération bénéficiant d'une protection, et notamment des signes et poinçons de contrôle et de garantie (voir al. 2). Dans l'ensemble, l'exécution de la législation sur la protection des armoiries s'en trouvera donc simplifiée.

En plus des armoiries de la Confédération, du drapeau suisse et de la croix suisse, il existe d'autres emblèmes de la Confédération qui ont également besoin d'être protégés et qui entrent dès lors dans le domaine d'application du projet de loi. Il s'agit de signes publics exprimant symboliquement la souveraineté de l'Etat, tels que les poinçons officiels, les sceaux, les timbres officiels de valeur (timbres-postes, vignettes), les signaux officiels trigonométriques ou limnométriques et les signes de démarcation. Des dispositions pénales spéciales protègent certains de ces emblèmes, comme les art. 240 à 250 CP relatives à la fausse monnaie, à la falsification des timbres officiels de valeur, des marques officielles, des poids et mesures et l'art. 290 CP sur les scellés officiels (bris des scellés). Les poinçons officiels font également partie des emblèmes de la Confédération. Par exemple, toutes les boîtes de montres en or, argent, platine et palladium fabriquées ou importées en Suisse sont obligatoirement soumises au Contrôle suisse des métaux précieux, qui en examine la composition matérielle. Si les ouvrages sont trouvés conformes, ils sont insculpés du poinçon officiel, la «tête de saint-bernard»91. La Convention du 15 novembre 1972 sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux (Convention de Vienne)92, à laquelle la Suisse a adhéré93, prévoit trois poinçons communs pour les articles en or, en argent et en platine, reconnus dans tous les Etats parties. Le poinçon commun comporte en relief sur fond linéaire l'image d'une balance et l'indication du titre de l'ouvrage en chiffres arabes et en millièmes, le tout dans un encadrement indiquant la nature du métal précieux. Par ailleurs, la CUP prévoit un système de notification spécifique pour les signes publics. En vertu de cette convention, seuls les emblèmes nationaux de la Suisse qui ont été communiqués
aux pays membres de l'Union de Paris sont protégés à l'étranger. En 1967, la Suisse a notifié divers emblèmes nationaux à l'OMPI, qui est l'organisation qui administre cet accord. A côté de la «tête de saint-bernard», la Suisse a notifié d'autres poinçons officiels. Ceux-ci ne sont cependant plus utilisés depuis la dernière révision de la législation sur les métaux précieux. On les rencontre toutefois encore souvent sur de nombreuses marchandises et objets, d'où la nécessité de continuer à les protéger comme emblèmes (al. 2).

Les noms des collectivités territoriales ne sont par contre pas admis à la protection des emblèmes visée à l'art. 4. Aussi, des noms comme «Suisse», «Berne» ou «Morat» ne sont pas protégés en vertu du projet de loi. Si ces noms s'avèrent être des indications de provenance géographique, leur protection est régie par les art.

47 ss LPM. Ceux-ci bénéficient, tout comme les noms des collectivités publiques,

91

92 93

Pour davantage d'informations sur les poinçons officiels, voir le site internet du Contrôle suisse des métaux précieux, à l'adresse suivante: http://www.ezv.admin.ch/glossar/00012/index.html?lang=fr.

RS 0.941.31 Autres pays ayant adhéré à cette convention: le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège, le Portugal, la Grande-Bretagne, l'Irlande, les Pays-Bas, la République tchèque, l'Autriche, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, Chypre, Israël et la Slovénie.

7798

d'une protection de droit public prévu par l'art. 29 CC régissant la protection du nom.

Les logos et les marques des services fédéraux utilisés pour des produits, des prestations ou des activités qui, de façon générale, n'expriment pas la souveraineté de l'Etat et qui ne sont pas perçus comme tels ne sont pas non plus considérés comme des emblèmes de la Confédération. C'est par exemple le cas du slogan «Love Life Stop Aids»94 de la campagne nationale STOP SIDA réalisée par l'Office fédéral de la santé publique et l'Aide suisse contre le sida et du logo «Ecole sur le net»95 de l'Office fédéral de la formation professionnelle qui est utilisé pour le projet du même nom de la Confédération et des cantons en collaboration avec le secteur privé.

Dans ces cas de figure, ce sont les normes spéciales du droit de la protection des marques et du droit de la concurrence qui s'appliquent pour protéger le slogan des utilisations abusives.

Art. 5

Armoiries, drapeaux et autres emblèmes des cantons, districts, cercles et communes

C'est aux cantons que revient la compétence de définir les armoiries, les drapeaux et les autres emblèmes des cantons, districts, cercles et communes. Le droit actuel part de ce même principe, mais n'est inscrit expressément dans aucun texte de loi. Les art. 1 à 4 donnant une définition des signes publics de la Confédération, il paraît logique, par souci de structure et de transparence, de souligner que la compétence de définir les signes publics cantonaux est déléguée aux cantons.

Art. 6

Désignations officielles

Les désignations officielles continuent de bénéficier d'une protection. La liste des désignations figurant à l'art. 6 n'est pas exhaustive. En font par exemple partie des désignations telles que «Confédération suisse», «www.admin.ch, «Confoederatio Helvetica», les sigles d'autorités courantes (DFJP, DDPS, EPFZ, etc.) ou d'autres désignations renvoyant à la collectivité ou à ses organes. En plus des désignations officielles au sens étroit, il convient de protéger les désignations ou les indications faisant référence à une activité étatique ou à une fonction d'Etat. Cette nouveauté concerne par exemple le terme «police», qui sera assimilé aux désignations officielles. Le but est de protéger la confiance que les citoyens placent dans les désignations renvoyant à une activité officielle.

Dans le cadre de la procédure de consultation, certains participants ont argumenté que les désignations «Suisse», «suisse» ou les noms des cantons, des districts, des cercles et des communes devraient être assimilés aux désignations officielles. Or ces désignations permettent d'exprimer les liens les plus divers au territoire, au peuple ou à l'Etat et ne renvoient pas forcément à un caractère officiel ou ne permettent pas de conclure automatiquement à une autorité. Aussi, en tant que telle, la désignation «suisse» n'a pas forcément la signification de «étatique», «officiel» ou «semiétatique». Ce mot, en effet, n'est pas associé exclusivement à l'Etat ou à ses organes.

Des institutions purement privées telles l'Agence télégraphique suisse ou la Garde aérienne suisse de sauvetage peuvent également se qualifier de «suisse», exprimant 94 95

Ce logo est protégé au titre de marque (marque no 536 793).

Ce logo est protégé au titre de marque (marque no 501 169).

7799

ainsi qu'elles sont actives sur un plan national. Mais lorsque le mot «suisse» ou le nom d'une collectivité est utilisé en relation avec une autre désignation et que la combinaison de ces désignations ­ par exemple l'Institut suisse de droit comparé, l'Institut suisse des produits thérapeutiques ou la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents ­ fait penser à une activité officielle ou semi-étatique, il s'agit alors d'une désignation officielle. C'est également vrai lorsque les circonstances concrètes permettent de conclure à une telle activité ou à une autorité. Dans ces cas de figure, c'est la protection selon l'art. 6 qui s'applique et le nom «Suisse» ou le nom de la collectivité ne peut être employé pour des activités privées. Le nom de domaine «suisse.ch» ou «stadt-bern.ch» donne l'impression que le site Web est exploité par la Confédération ou par la ville de «Berne», et l'internaute est en droit de penser qu'il trouvera sur ces sites des informations officielles concernant la collectivité en question. L'utilisation des raisons de commerce «Institut suisse des plantes médicinales», «Swissmoney Ltd.» ou «Swiss Institute of Biotechnology» laissent supposer une activité étatique ou semi-étatique et ne sont dès lors pas admises pour une société privée. Les raisons de commerce «Swiss Travel Ltd.», «Swissôtel SA» ou «eidgenossenkunst ­ Dr. Dirk Hanebuth» n'entrent par contre pas dans cette catégorie.

Art. 7

Signes nationaux figuratifs ou verbaux

L'art. 7 définit ce qu'il faut entendre par signes nationaux figuratifs ou verbaux suisses. Ceux-ci doivent continuer de bénéficier de la protection conférée aux signes publics par la loi. Ils renvoient à des emblèmes nationaux comme la Stiftsbibliothek St. Gallen, les Tre Castelli de Bellinzone ou le Cervin, à des héros nationaux comme Guillaume Tell ou Winkelried, à des symboles nationaux comme Helvetia, à des mythes ou légendes nationaux comme le serment du Grütli, à des lieux nationaux comme le Rütli ou à des monuments comme ceux de Guillaume Tell, de Winkelried ou de St-Jacques.

2.3.2.2 Art. 8

Section 2

Emploi

Armoiries

Dans le cadre de la procédure de consultation, la distinction entre croix suisse et armoiries de la Confédération a été saluée à la grande majorité. Les armoiries étant exclusivement réservées à l'Etat, la croix suisse peut être mise à la disposition de l'économie de façon appropriée. Le principe selon lequel les armoiries, et par conséquent les signes susceptibles d'être confondus avec elles, ne doivent être utilisés que par les collectivités concernées est considéré par la majorité comme opportun et judicieux. Certains participants à la consultation étaient toutefois d'avis que la Confédération ne devait pas avoir le monopole absolu de l'emploi des armoiries, arguant que ce monopole risquait de créer des injustices dans les cas où un signe de type armoiries s'est déjà imposé comme marque dans le commerce. C'est pourquoi ils ont demandé que les entreprises traditionnelles suisses, les associations ou les fondations, qui utilisent depuis des décennies les armoiries publiques ou des signes similaires, aient le droit de poursuivre cet usage, mais à des conditions strictes.

L'al. 4 tient compte de cette préoccupation puisque les exceptions prévues sont assorties de conditions strictes, ce qui ne remet pas en question l'un des objectifs 7800

poursuivi par la révision législative, à savoir de réserver les armoiries suisses à la collectivité concernée (voir commentaire de l'art. 35).

Les armoiries de la Confédération suisse, des cantons, districts, cercles et communes expriment la souveraineté et la dignité de la collectivité en question. C'est pourquoi l'art. 8, al. 1, réserve l'usage des armoiries et des signes susceptibles d'être confondus avec celles-ci à la collectivité concernée. Font partie de la collectivité les organisations et les entreprises qui assument des tâches publiques en tant qu'unités autonomes mais qui appartiennent à la collectivité (la collectivité détient une participation importante ou majoritaire dans l'entreprise). Il s'agit par exemple de l'IPI, de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, de Swissmedic, de l'Institut suisse de droit comparé, de la CNA, de La Poste, de l'Assurance suisse contre les risques à l'exportation, de Swisscom, des CFF, de Skyguide et de RUAG.

L'entreprise doit pouvoir utiliser les armoiries aussi longtemps qu'elle fait partie de la collectivité. Cependant, si une entreprise de ce type est privatisée (par ex. la compagnie aérienne «Swiss» dont la participation majoritaire est en mains privées), elle n'appartient plus à la collectivité et ne doit donc plus pouvoir utiliser les armoiries de cette dernière.

Les reproductions fidèles ou les reproductions partielles des emblèmes, mais aussi les signes susceptibles d'être confondus avec les emblèmes sont réservés aux collectivités. Le risque de confusion est évalué à la lumière des critères généraux applicables dans le droit des signes distinctifs et ne se limite pas à des critères purement héraldiques. Il y a risque de confusion lorsque, eu égard au domaine de protection conféré par la loi, des signes identiques ou semblables mettent en danger un signe distinctif dans sa fonction d'individualisation de la collectivité ou de corporations de la collectivité (ATF 131 III 572 consid. 3 p. 577 avec des renvois). Pour apprécier le risque de confusion, il faut tenir compte de l'impression d'ensemble que laissent les deux signes dans l'esprit des consommateurs (ATF 131 III 572 consid. 3 p. 576; 121 III 377 consid. 2a p. 378). Aussi ne suffit-il pas de modifier les proportions des armoiries protégées ou d'utiliser une autre forme
d'écusson pour exclure le risque de confusion, ni d'utiliser une autre couleur ou combinaison de couleur si elle ne se différencie pas clairement de la couleur ou de la combinaison de couleur du signe protégé.

Les armoiries de la Confédération et le drapeau suisse présentant le même motif ­ une croix blanche verticale sur fond rouge ­, il importe de faire une distinction judicieuse et logique entre ces deux signes dans l'appréciation du risque de confusion. L'écusson se prête bien à une illustration de cette délimitation. En dépit de la teneur de l'art. 2, al. 1, la forme (triangulaire, semi-circulaire, ronde, écusson avec deux entailles, blason normand, etc.) ne joue aucun rôle. Ce qui est déterminant dans l'appréciation du risque de confusion avec les armoiries de la Confédération est de savoir si la forme utilisée est encore associée à une armoirie par les destinataires.

L'interdiction formelle d'utiliser tout signe susceptible d'être confondu vise à empêcher que les utilisateurs aient recours à des astuces pour ne modifier que très légèrement les signes protégés, mais de façon suffisante pour contourner l'imitation au point de vue héraldique. Par exemple, une croix blanche verticale sur un écusson à fond orange est un signe susceptible d'être confondu avec les armoiries de la Confédération. Malgré la différence entre la couleur «rouge» et «orange», l'observateur ne pourra en effet s'empêcher de faire une association mentale avec les armoiries de la Confédération. La couleur choisie ne se distingue par conséquent pas suffisamment du rouge utilisé dans les armoiries de la Confédération. Il en va de même pour une 7801

croix blanche verticale sur un écusson à fond noir qui pourrait être interprété par les destinataires comme une représentation en noir et blanc des armoiries nationales, ainsi que pour une croix argentée sur fond rouge.

Concernant les éléments caractéristiques des armoiries d'un canton, la protection ne porte pas sur le simple motif (ours, lion), mais sur les éléments essentiels et marquants des armoiries dans leur réalisation caractéristique comme l'ours appenzellois debout ou le lion thurgovien se cabrant sur ses pattes arrières en combinaison avec un écusson. Cette précision est nécessaire, car les éléments caractéristiques des armoiries cantonales figurent également dans les drapeaux cantonaux correspondants, ce qui permet ainsi d'éviter toute contradiction avec l'art. 10.

L'al. 2 prévoit une protection pour les allusions verbales aux armoiries de la Confédération ou d'un canton. Les signes verbaux tels que «écusson suisse» ou «armoiries de Berne» tombent sous cette disposition. Se limitant aux armoiries, l'interdiction ne s'applique plus aux éléments caractéristiques des armoiries cantonales auxquels il sera autorisé de se référer. A la différence des armoiries, l'utilisation des expressions «le bâton d'évêque de Bâle», le «taureau d'Uri» ou «l'ours bernois» n'est pas considérée comme une référence directe à la collectivité et est aujourd'hui déjà licite pour des services.

Les armoiries de la Confédération et les armoiries des cantons, districts, cercles et communes expriment la souveraineté et la dignité de la collectivité concernée. C'est pourquoi leur emploi sera réservé à la collectivité concernée (pour les exceptions, voir les al. 5 et 6). Il est en conséquence logique que la collectivité ne soit pas autorisée à délivrer à des particuliers des licences portant sur ces signes, ni à les transférer. En délivrant une licence ou en transférant les droits, le titulaire du signe octroie à des tiers un droit d'utiliser le signe. L'interdiction de l'utiliser prévue par la loi rend toutefois nul ce droit d'utilisation octroyé sur la base du droit privé.

L'acquéreur du signe ou le preneur de licence ne pourra pas utiliser licitement le signe malgré le transfert des droits ou l'octroi de la licence. C'est déjà le cas aujourd'hui du fait de l'interdiction générale pour les particuliers d'utiliser
les armoiries sur des produits96. Par le passé, toutefois, des sociétés privées se sont vues octroyer des licences ou transférer des droits relatifs à des marques d'autorités fédérales ayant comme élément les armoiries de la Confédération. L'al. 3 crée une base légale claire disposant l'interdiction générale d'octroyer une licence ou de transférer les armoiries en tant que signe. Indépendamment de cela, l'emploi d'un signe public par un particulier pour une marque collective ou de garantie qui a été licitement déposée par la collectivité au sens de l'art. 8, al. 4, let. e, sera toujours permis. Le pouvoir sur la marque, et notamment sur sa gestion, ainsi que la définition unilatérale ­ à la différence d'un contrat de licence ­ des conditions d'utilisation de la marque dans le règlement de celle-ci reste en effet réservé à la collectivité concernée.

Les armoiries et les éléments caractéristiques des armoiries cantonales en relation avec un écusson ne peuvent être utilisés que par la collectivité concernée (Confédération, canton, district, cercle ou commune) et par ses unités. En dérogation à ce principe, ces signes pourront être utilisés par d'autres personnes dans les cas expressément mentionnés à l'al. 4. Il est en effet prévu d'admettre la reproduction

96

Pour les services, l'utilisation des armoiries est licite aujourd'hui.

7802

d'armoiries dans les dictionnaires et les ouvrages de référence ou à des fins d'illustration dans les ouvrages scientifiques (let. a).

De même, la possibilité d'employer des armoiries comme décoration à l'occasion de fêtes et de manifestations, notamment les manifestations sportives et politiques, reste inchangée (let. b).

L'apposition d'armoiries sur des objets des arts appliqués tels que gobelets, vitraux, monnaies commémoratives ou autres objets similaires que l'acheteur expose un certain temps chez lui en souvenir d'un événement ou d'une fête (par ex. fête de tir, fête de gymnastique), continuera d'être admise. Dans ce cas de figure, les armoiries confèrent leur particularité au produit (let. c). Lors de la consultation, certains participants ont invoqué le fait que la formulation prévue dans l'avant-projet rappelait la jurisprudence actuelle concernant l'usage décoratif des armoiries qui, bien trop généreuse, a entraîné nombre d'abus. La disposition a été précisée afin de tenir compte de cette préoccupation. L'exception ne s'applique plus de manière générale aux articles de souvenir, mais uniquement aux objets qui sont en lien direct avec une fête ou une manifestation au sens de la let. b. L'apposition des armoiries de la Confédération sur d'autres articles de souvenir n'est pas permise; mais il est possible de les remplacer par le drapeau ou par la croix suisses. Si les articles de souvenir proviennent de l'étranger, le drapeau suisse ou la croix suisse (sans écusson) sont admis uniquement si le signe utilisé n'est pas considéré comme une indication de provenance géographique. La réponse à cette question se fondera sur la perception des milieux intéressés, à l'instar des indications de provenance (art. 47 LPM) (voir commentaire de l'art. 10). Cette règle s'applique aussi à toutes les armoiries des cantons, districts, cercles ou communes et les éléments caractéristiques des armoiries cantonales en relation avec un écusson.

La dernière exception (let. d) s'applique à l'usage des armoiries comme élément du signe des brevets suisses conformément à l'art. 11 de la LBI.

Il existe une autre exception pour les marques collectives et les marques de garantie de la collectivité qui peuvent être utilisées par les particuliers en vertu du règlement de la marque. Par exemple, le canton de Vaud a fait
enregistrer les marques collectives «Saucisson vaudois» (marque figurative comprenant les armoiries du canton de Vaud)97 et «Saucisse aux choux vaudoise» (marque figurative comprenant les armoiries du canton de Vaud)98 pour les spécialités correspondantes. Selon le règlement régissant ces marques, celles-ci peuvent être utilisées par des particuliers, autrement dit par les producteurs de ces spécialités à base de viande. Cette dérogation s'applique aussi aux marques «Parc national» (fig. avec les armoires de la Confédération)99, «Parc naturel régional» (fig. avec les armoiries de la Confédération)100 et «Parc naturel périurbain» (fig. avec les armoiries de la Confédération)101 de l'Office fédéral de l'environnement qui sont enregistrées pour diverses prestations de services en relation avec ces parcs. Les marques de garantie en particulier sont des marques qui ne peuvent pas être utilisées par le titulaire lui-même, mais exclusivement par les tiers. Quiconque remplit les critères définis par le règlement

97 98 99 100 101

Marque collective no 541 468.

Marque collective no 541 469.

Marque de garantie no 524 790.

Marque de garantie no 524 789.

Marque de garantie no 524 788.

7803

de la marque et verse une rémunération appropriée au titulaire de la marque est libre d'utiliser la marque de garantie (let. e).

Les cas relevant du droit de poursuivre l'usage visé à l'art. 35 constituent une autre exception (let. f). Dans des circonstances particulières, le DFJP peut autoriser, sur demande motivée, la poursuite de l'usage des armoiries de la Confédération ou des signes susceptibles d'être confondus avec elles (voir commentaire de l'art. 35).

Les collectivités territoriales compétentes sont habilitées à prévoir d'autres exceptions concernant l'emploi des armoiries des cantons, districts, cercles et communes (al. 5). Sous l'angle de l'autonomie des communes et du droit à l'autodétermination, cette disposition permet de donner aux collectivités territoriales la liberté de décider elles-mêmes qui peut employer leurs armoiries et à quelles conditions. Par exemple, une commune pourra autoriser sa coopérative des vignerons à apposer les armoiries locales sur un vin d'anniversaire à l'occasion d'une grande manifestation.

Art. 9

Désignations officielles

Lors de la consultation, certains participants ont argumenté que les désignations officielles, tout comme les armoiries officielles, devraient être réservées aux collectivités et à leurs organes, éventuellement aux entités étatiques ou semi-étatiques.

Cette remarque a été prise en considération: seules, les désignations officielles au sens de l'art. 6 ne peuvent être utilisées que par la collectivité à qui elles appartiennent (al. 1).

L'al. 2 prévoit que l'emploi de ces désignations par d'autres personnes que la collectivité concernée est admis uniquement si ces personnes exercent une activité étatique ou semi-étatique. Cette disposition tient compte du fait que de nos jours de nombreuses tâches de l'Etat sont transférées à des particuliers qui exercent par conséquent une activité étatique. Il est dès lors nécessaire que les institutions privées soient habilitées à utiliser les désignations officielles correctes dans le cadre de l'exercice des activités qui leur ont été expressément transférées.

Par contre, l'emploi de désignations officielles associées à d'autres éléments verbaux ou figuratifs peut prendre une signification toute autre. En combinaison avec d'autres éléments, en effet, il est possible que les désignations ne soient pas associées à l'Etat ou à ses organes, ni mises en lien avec les autorités. L'al. 3 maintient donc la possibilité d'utiliser, à titre exceptionnel, les désignations officielles en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou figuratifs à condition que l'emploi ne soit pas trompeur. La notion de tromperie couvre aussi bien l'emploi susceptible de tromper les consommateurs que l'emploi relevant de la concurrence déloyale. Par concurrence déloyale, on entend tout acte contraire à l'honnêteté attendue en matière industrielle ou commerciale. Ainsi, la Fédération suisse de gymnastique peut continuer à employer la désignation «Fête fédérale de gymnastique», tout comme l'Association fédérale de lutte la «Fête fédérale de lutte suisse et des jeux alpestres».

Dans les deux cas, l'adjectif «fédérale» ne renvoie pas à une soi-disant relation officielle à la collectivité. Un tel emploi est donc admis, car il n'est ni inexact ni trompeur.

Art. 10

Drapeaux et autres emblèmes

L'art. 10 autorise l'emploi de la croix suisse et du drapeau suisse non plus seulement pour les services mais aussi pour les produits. Les produits qui remplissent les 7804

critères régissant l'utilisation des indications de provenance pourront donc être munis de la croix suisse. Cette nouveauté permet de simplifier l'interprétation de la frontière ténue entre utilisation licite de la croix suisse à des fins décoratives (par ex.

croix suisse sur un t-shirt ou sur une casquette) et utilisation illicite à titre d'indication de provenance dans un but commercial, entre reproduction stylisée autorisée et reproduction interdite car susceptible de créer une confusion. La première question qu'il faudra se poser à l'avenir sera de savoir si la croix suisse, utilisée en relation avec des produits concrets, est susceptible d'être perçue comme une indication géographique. La réponse à cette question se fondera sur la perception des milieux intéressés, à l'instar des indications de provenance (art. 47 ss LPM). Dans l'affirmative, le produit ainsi désigné devra satisfaire aux critères relatifs à la provenance définis dans la LPM. Ainsi, l'apposition de la croix suisse sur un lampion ou sur le devant d'une casquette ou sur un t-shirt ne peut pas être considérée comme une indication de provenance, mais correspond à une utilisation décorative, autorisée pour les produits étrangers également. En revanche, une croix suisse sur un emballage de chocolat ou sur le cadran d'une montre est comprise comme une indication géographique. C'est pourquoi elle ne peut être apposée que sur des produits de provenance suisse. La société Valser sera ainsi autorisée à apposer la croix suisse sur une eau minérale qui prend sa source en Suisse, tout comme Swatch SA sur le cadran de ses montres, à condition qu'elles soient fabriquées en Suisse. L'usage de la croix suisse sur des produits (par ex. sur des casseroles) fabriqués à l'étranger ou qui ne remplissent pas les critères définis dans la LPM, ou sur leur emballage, demeurera par contre illégal.

La même réglementation s'applique aux licences portant sur une marque comportant une croix suisse. Dans ces cas, le preneur de licence ne sera autorisé à apposer la marque sur ses produits seulement si ceux-ci satisfont aux critères généraux du «Swiss made» selon la LPM. Ainsi, un preneur de licence privé ne serait habilité à utiliser la marque de la Confédération «approved by armasuisse» (fig. avec la croix suisse)102 que si ses marchandises répondent aux
critères généraux définis aux art. 48 ss LPM régissant la provenance des produits. En vertu de la loi actuelle, il ne serait même pas possible d'octroyer une licence pour des produits suisses, étant donné qu'il est interdit d'apposer la croix suisse sur des produits de particuliers. Le droit sur la marque conféré par la licence ne pourrait pas être exercé en raison de l'interdiction d'utilisation.

L'usage de la croix suisse ne doit pas être inexact ou trompeur, ne doit pas porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ni être contraire au droit en vigueur.

Cette réserve procède du principe général de la bonne foi. L'usage de la croix suisse est donc licite seulement lorsqu'il ne déçoit pas les attentes légitimes du public visé et qu'il ne trompe pas le consommateur. Par usage trompeur, on entend une utilisation de la croix suisse qui, prise dans son contexte général, est objectivement propre à faire croire à quelque chose d'erroné, par exemple sur la situation commerciale ou sur de prétendus rapports avec une collectivité publique. Ainsi, l'emploi de la croix suisse pour un bureau privé fournissant des conseils et des services pour l'obtention de visas qui se présente sous le nom de «Swiss Helping Point, Visa Assistance» est trompeur car les clients potentiels de ces services pourraient être portés à croire qu'ils sont fournis par un bureau de conseils de l'Etat. La notion de tromperie couvre

102

Marque no 513 614.

7805

aussi bien l'emploi susceptible de tromper les consommateurs que l'emploi relevant de la concurrence déloyale.

Dans l'appréciation de l'emploi de la croix suisse et du drapeau suisse, il faut également tenir compte de la réserve des bonnes moeurs applicable en droit privé. Bien qu'il soit peu aisé de donner une définition générale juridiquement contraignante des bonnes moeurs et que celles-ci soient en constante évolution, leur invocation permet, dans les cas d'abus graves, de faire appel à des principes éthiques et moraux communément admis. Par exemple, l'utilisation d'un signe est contraire aux bonnes moeurs lorsqu'elle porte atteinte aux normes générales de bienséance (morale prédominante) ou aux principes et critères éthiques de l'ordre juridique. L'usage de la croix suisse est ainsi considéré comme contraire aux bonnes moeurs lorsqu'il est propre à porter atteinte au sens moral de larges pans de la population ou lorsqu'il manque de respect à la collectivité. Dans ce dernier cas, il faut trouver un juste milieu entre la liberté d'expression, la liberté de l'art et le respect de la collectivité.

Il est en effet impensable de voir dans toute représentation critique ou provocatrice du drapeau suisse une atteinte aux bonnes moeurs. Il ne faut pas criminaliser une protestation contre un Etat mais tenir compte aussi de la proportionnalité de la critique et du principe de la liberté d'expression. Par contre, il y a lieu de considérer comme une atteinte aux bonnes moeurs les cas de représentations obscènes ou clairement racistes, même si elles ne sont pas répréhensibles sur le plan pénal103.

La notion d'atteinte à l'ordre public revêt une fonction similaire. Sont considérés comme atteinte à l'ordre publique la représentation ou l'utilisation de drapeaux et autres emblèmes lorsque cet emploi est contraire aux principes fondamentaux juridiques et sociaux de la Suisse (ordre constitutionnel). L'usage de drapeaux et autres emblèmes est également contraire à l'ordre public lorsqu'il est susceptible de compromettre les intérêts nationaux suisses, de ternir la réputation de la Suisse et de perturber les relations diplomatiques avec un autre Etat, ce qui serait le cas s'ils étaient utilisés en relation avec des organisations illicites.

Finalement, l'usage de la croix suisse ne doit pas être contraire au
droit en vigueur.

A cet égard, il faut tenir compte notamment de la loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge (loi sur la Croix-Rouge). Cette dernière dispose que la Croix-Rouge, ou tout signe pouvant être confondu avec celle-ci, ne peut ni être enregistrée ni être utilisée comme marque.

Dans certaines circonstances, l'utilisation de la croix suisse ­ qui pourra être confondue avec la Croix-Rouge ­ devra être interdite (voir commentaire, ch. 2.3.7).

Il faut en outre respecter de nombreuses prescriptions légales visant avant tout à protéger les consommateurs de la tromperie (par ex. la législation sur les denrées alimentaires). Ainsi, l'utilisation d'une affiche par le Parti des Suisses Nationalistes dans le canton d'Argovie lors de la campagne pour l'élection au conseil national de 2003 a été jugée contraire au droit en vigueur car elle avait déjà été utilisée par les nationaux-socialistes suisses en 1933. Sur l'affiche «Nous nettoyons» figurait une croix suisse repoussant des bonzes, des communistes et des juifs. A l'époque, le tribunal de district d'Aarau avait condamné trois membres de la direction du parti à des amendes allant de 300 à 500 francs pour discrimination raciale104.

103 104

Art. 197 et 262bis CP.

Décision du Bezirksamt d'Aarau du 1er juillet 2005 dans la procédure ST.2003.4839.

7806

Art. 11

Signes nationaux figuratifs ou verbaux

L'emploi des signes nationaux figuratifs ou verbaux tels que définis à l'art. 7 est autorisé, à moins qu'il soit inexact ou trompeur, contraire à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou au droit. La notion de tromperie couvre aussi bien l'emploi susceptible de tromper les consommateurs que l'emploi relevant de la concurrence déloyale. Par concurrence déloyale, on entend tout acte contraire à l'honnêteté attendue en matière industrielle ou commerciale.

Art. 12

Signes publics suisses susceptibles d'être confondus avec des signes publics étrangers

Reprenant l'art. 12 LPAP, cette disposition exprime la réserve prévue à l'art. 6ter, al. 8, CUP. En vertu de cette disposition, les ressortissants de chaque pays qui sont autorisés à faire usage des emblèmes d'Etat de leur pays pourront les utiliser, même si ceux-ci présentent des similarités avec ceux d'un autre pays. Un signe public suisse peut dès lors être utilisé par l'utilisateur autorisé à le faire même lorsqu'il existe un risque de confusion avec un signe public étranger. Par exemple, un producteur appenzellois est autorisé à utiliser le drapeau d'Appenzell Rhodes-Intérieures (ours noir debout sur fond blanc) pour les produits fabriqués dans son canton indépendamment du fait que le drapeau de l'Etat fédéré de Berlin se compose, outre de deux rayures rouges sur le bord supérieur et d'une sur le bord inférieur, d'un ours noir debout sur fond blanc. La similarité des éléments principaux des deux signes est toutefois très forte, et ils pourraient parfaitement être confondus. En vertu de l'art. 6ter CUP, l'ours berlinois est également protégé en Suisse en tant qu'emblème de l'Etat fédéré de Berlin. L'art. 12 permet de garantir qu'un producteur appenzellois puisse légitimement utiliser l'ours appenzellois en dépit du risque de confusion avec l'ours berlinois.

Art. 13

Emploi de signes en tant qu'indications de provenance

Les signes visés aux art. 8, 10 et 11 P-LPASP ou tout signe susceptible d'être confondu avec eux, qui sont considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou des services, sont des indications de provenance aux sens des art. 47 ss LPM. Peu importe la manière dont est éveillée cette attente. Il faut considérer, dans le cas concret, l'impression générale produite par le signe sur les milieux intéressés pour déterminer s'il éveille ou non une attente quant à une provenance et s'il s'agit donc, de ce fait, d'une indication de provenance au sens de la LPM. La perception des milieux intéressés varie toujours en fonction des produits désignés. A l'instar de ce qui vaut pour les marques, la question de savoir si les pavillons, les drapeaux et la croix suisse au sens de l'art. 10 sont compris par les milieux intéressés comme un renvoi à la provenance géographique des produits et des services est examinée de façon abstraite et indépendamment de leur emploi dans le cas concret. Il n'est par conséquent pas possible d'éliminer le risque de confusion en apportant un simple correctif sur la marchandise ou l'emballage. Ainsi, l'emploi de la croix suisse dans le logo «Sigg Switzerland» est inexact et donc trompeur même si le lieu effectif de fabrication est indiqué sur l'emballage («made in China»). La soi-disant rectification ­ «made in China» ­ ne suffit pas à corriger l'attente du public (provenance suisse du produit) éveillée par l'emploi de la croix suisse, ni à écarter le risque de confusion. Bien au contraire: ce type de rectification contribue à diluer la valeur de la croix suisse comme indication géographique. C'est 7807

également vrai pour des indications comme «de type suisse», «de style suisse», «selon une recette suisse», qui ne sont pas en mesure de supprimer les attentes par rapport à la provenance (voir art. 47, al. 3bis, P-LPM). Elles ne sont donc pas autorisées pour les produits qui ne remplissent pas les critères relatifs à la provenance suisse. Les particuliers sont autorisés, à titre exceptionnel, à utiliser les armoiries conformément à l'art. 8 (voir exceptions visées à l'art. 8, al. 4, et plus particulièrement à l'art. 35). Dans ces cas, les mêmes critères relatifs à la provenance géographique que ceux régissant l'emploi des drapeaux et emblèmes prévu à l'art. 10 s'appliquent. L'avant-projet proposait que les armoiries ne puissent être utilisées par la collectivité concernée que pour les produits de provenance entièrement suisse, mais cette différence par rapport à l'utilisation de la croix suisse aurait entraîné un émiettement du droit puisque les critères appliqués auraient été fonction du signe utilisé. Or, pour des raisons de transparence, il faut que les mêmes critères soient applicables à toutes les indications de provenance. En effet, du point de vue du public visé, il n'existe pas vraiment de différence entre un couteau muni de la croix suisse et un couteau muni des armoiries de la Confédération. Dans les deux cas, il s'imagine avoir à faire à un produit de provenance suisse, indépendamment du fait que les armoiries soient utilisées par la collectivité ou, exceptionnellement, par des particuliers. Même dans le cas où une entreprise traditionnelle est autorisée à utiliser les armoiries en vertu du droit de poursuivre l'usage défini à l'art. 35, les armoiries doivent être soumises aux mêmes règles de détermination de la provenance que celles qui régissent l'utilisation de la croix suisse. Ainsi, une entreprise traditionnelle qui est autorisée à apposer les armoiries de la Confédération sur un couteau ne peut utiliser les armoiries sur d'autres produits tels des bagages que si les produits remplissent les mêmes critères de provenance que le couteau. En effet, qui n'est autorisé à utiliser la croix suisse ne peut être autorisé à employer les armoiries de la Confédération.

Enfin, la représentation de Guillaume Tell sur une bouteille de bière est considérée comme une indication de provenance au
sens de la LPM, ce qui signifie que la représentation ne peut être utilisée qu'en relation avec de la bière. Il faudra juger cas par cas et du point de vue des milieux intéressés si le signe national figuratif ou verbal éveille certaines associations liées à la provenance géographique des produits ou des services désignés. L'apposition du monument de Guillaume Tell sur un t-shirt ou sur une carte postale ne suscite par exemple pas de telles attentes.

2.3.2.3

Section 3

Interdiction d'enregistrement

Art. 14 La réglementation actuelle interdit l'enregistrement de la croix suisse comme élément d'une marque de produit par des particuliers. L'interdiction d'enregistrement ne s'applique en revanche pas aux marques de services selon la volonté expresse du législateur (voir art. 75, ch. 3, LPM en relation avec art. 1 LPAP). Dans le cadre de la dernière révision de la LPM intervenue au début des années 90, le législateur a maintenu cette distinction, qui a des motifs historiques, pour des raisons politiques.

Cette dérogation en faveur des services et cette inégalité de traitement par rapport aux marques de produits n'a toutefois plus de raisons d'être. C'est pourquoi il sera possible de faire enregistrer la croix suisse comme élément d'une marque de produit dans la mesure où le produit désigné est de provenance suisse (l'emploi de la croix 7808

suisse ne doit pas être trompeur). L'art. 14 exclut uniquement de l'enregistrement comme marque ou design les signes (armoiries et éléments caractéristiques des armoiries cantonales, ainsi que les éléments verbaux faisant référence à ces armoiries) qui sont strictement réservés à la collectivité. Cependant l'emploi d'un signe en vertu des art. 8 à 13 n'implique pas que celui-ci puisse être enregistré sans autre à titre de marque. L'admissibilité des signes à la protection à titre de marque se fonde sur l'examen des motifs absolus d'exclusion définis dans la LPM105. Il est donc tout à fait possible qu'un signe muni de la croix suisse puisse être utilisé sans être admis à l'enregistrement comme marque. Citons l'exemple d'un lampion fabriqué en Chine. Dans ce cas de figure, l'apposition de la croix suisse est permise parce que celle-ci ne peut pas être perçue comme un renvoi à la provenance géographique. Par contre, lorsque la représentation d'un lampion est déposée comme marque figurative pour des denrées alimentaires, le signe ne peut être enregistré comme marque que si la liste des produits se limite aux produits de provenance suisse. En tant que marque figurative pour des denrées alimentaires, le lampion est en effet perçu par le public comme une indication de provenance. Les signes propres à induire en erreur n'étant pas admis à la protection à titre de marque, la marque figurative est réservée aux produits de provenance suisse.

L'al. 2 fait référence aux exceptions énumérées à l'art. 8, al. 4 et 5, qui autorisent l'emploi des armoiries par des particuliers dans certains cas. Ces emplois autorisés ne signifient pas pour autant que les armoiries pourront être déposées en tant que marques ou designs par ces particuliers. Cette disposition est applicable en particulier aussi aux signes dont les cantons, les districts et les communes ont autorisés l'emploi. Cette autorisation ne signifie pas que le signe peut être déposé en tant que marque et donc être monopolisé.

En revanche, les signes pour lesquels le DFJP a accordé un droit de poursuivre l'usage au sens de l'art. 35 sont expressément exclus de l'interdiction d'enregistrement (al. 3). Cette solution permet aux entreprises traditionnelles suisses, aux associations et aux fondations ayant intégré depuis des décennies les armoiries ou des signes
similaires dans leur logo et pour lesquelles le DFJP a prévu un droit de poursuivre l'usage d'enregistrer le signe à titre de marque. La marque leur donne des moyens efficaces de défendre le droit, octroyé à titre officiel, de poursuivre l'usage du signe. Par exemple, la société Victorinox pourrait demander le droit de poursuivre l'usage et ­ en cas d'acceptation ­ continuer à utiliser son logo de type armoirie pour certaines marchandises de provenance suisse et le faire inscrire au registre des marques suisses. Cette mesure assure une optimisation déterminante de la protection et de la défense de ces signes à l'étranger, car certains Etats n'enregistrent les marques portant les armoiries d'un autre Etat que si celles-ci sont enregistrées comme marque dans leur pays d'origine.

105

Art. 2 LPM.

7809

2.3.3

Chapitre 2

Signes publics étrangers

2.3.3.1

Section 1

Emploi et autorisation

Art. 15

Emploi

L'art. 15 règle l'emploi des signes publics étrangers. Font l'objet de la protection les armoiries, les drapeaux, les pavillons et les emblèmes des Etats et des Etats fédérés d'un Etat fédéral. Comme pour les emblèmes nationaux, leur emploi est réservé à la collectivité concernée. Font partie de la collectivité les organisations et les entreprises qui assument des tâches publiques en tant qu'unités juridiques indépendantes mais qui appartiennent à la collectivité (la collectivité détient une participation importante ou majoritaire dans l'entreprise). Une exception importante limite ce principe: dans certains cas, une autorisation d'utiliser les signes publics peut être délivrée (voir commentaire de l'art. 16). Il appartient en effet à un Etat étranger de décider lui-même s'il autorise d'autres personnes que la collectivité concernée à employer ses signes publics. Le principe de réciprocité n'est donc pas appliqué. Le droit suisse entend protéger les emblèmes étrangers en Suisse indépendamment du fait qu'un Etat étranger accorde ou non sa protection aux emblèmes fédéraux et cantonaux. La raison en est que la majorité des Etats est membre de la CUP qui réglemente, à son art. 6ter, la protection des emblèmes d'Etat. La réciprocité est donc garantie pour tous les pays membres de la CUP. Pour les Etats qui ne sont pas membres de la CUP, mais qui ont adhéré à l'accord sur les ADPIC, celui-ci prévoit à son art. 2 que les dispositions des art. 1 à 12 CUP s'appliquent; la réciprocité est donc garantie pour ces Etats également. Le principe de la réciprocité étant assuré à quelques exceptions près, il est renoncé à subordonner explicitement la protection en Suisse à la réciprocité.

Certains participants à la consultation ont critiqué le fait qu'il n'est pas autorisé d'utiliser les pavillons et drapeaux étrangers, alors que c'est en principe le cas pour les pavillons et drapeaux suisses. Cette critique n'est pas défendable puisque la Suisse est liée par le droit international (art. 6ter CUP) en ce qui concerne l'emploi des drapeaux et pavillons étrangers et qu'il est dès lors obligatoire de maintenir l'interdiction d'emploi des drapeaux et pavillons étrangers. Il est cependant possible de surmonter cette interdiction en obtenant l'autorisation correspondante (voir art. 16).

Les signes prêtant à confusion
continuent de faire partie du champ d'application de la loi. Ainsi, tous les signes susceptibles d'être confondus, que ce soit du point de vue héraldique ou non, avec des armoiries étrangères, bénéficient de la même protection que les emblèmes suisses. La Suisse souhaitant améliorer la protection de ses emblèmes d'Etat à l'étranger, notamment les armoiries de la Confédération et la croix suisse, par des mesures appropriées, il serait contradictoire de ne plus accorder aux emblèmes étrangers la protection de la LPAP et de la restreindre aux imitations au sens héraldique au sens de l'art. 6ter CUP, ce qui est moins large. Cette protection plus étendue vise à prévenir les astuces des utilisateurs qui se contenteraient de modifier très légèrement les signes protégés, mais de façon suffisante pour contourner l'imitation au point de vue héraldique.

Matériellement, l'al. 2 correspond à l'art. 11 LPAP. L'usage licite en soi des signes étrangers par l'Etat concerné est soumis à la condition générale que l'utilisation ne soit ni de nature trompeuse, ni contraire à l'ordre public, aux bonnes moeurs et au droit en vigueur. La notion de tromperie couvre aussi bien l'emploi susceptible de 7810

tromper les consommateurs que l'emploi relevant de la concurrence déloyale. Par concurrence déloyale, on entend tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. L'emploi des signes publics étrangers doit respecter le cadre juridique suisse.

Les objets protégés à l'al. 1 sont les emblèmes d'un Etat étranger, mais pas les signes d'autres collectivités, notamment les armoiries, drapeaux et emblèmes de communes étrangères. La prise en compte des signes publics des communes à l'al. 1 créerait une confusion susceptible de rendre difficile l'application de la loi. Les emblèmes pourront donc continuer d'être utilisés librement dans les limites de la réserve générale (al. 3). Leur emploi ne doit donc être ni inexact ou trompeur, ni contraire à l'ordre public, aux bonnes moeurs et au droit en vigueur. Le but de cette réserve générale est de protéger en premier lieu le public suisse. Pour être trompeur, l'emploi de l'armoirie d'une commune étrangère suppose que celle-ci soit connue en tant que telle ou reconnaissable par le public. Les signes inconnus ou non reconnaissables en tant qu'armoires d'une commune peuvent être utilisés librement.

Si les emblèmes étrangers utilisés en relation avec certains produits ou services sont perçus par les milieux intéressés comme une référence à la provenance géographique, ils sont considérés comme indication de provenance. Dans ce cas de figure, les critères de provenance inscrits aux art. 48, al. 5, et 49, al. 4, P-LPM sont applicables et doivent être impérativement respectés (al. 4). Les signes publics étrangers sont donc traités de la même manière que les signes publics suisses. Cette égalité de traitement découle des accords internationaux, notamment de l'accord sur les ADPIC. L'emploi des signes publics étrangers comme indication de provenance est admis à condition qu'il ne soit pas trompeur. La notion de tromperie couvre aussi bien l'emploi susceptible de tromper les consommateurs que celui relevant de la concurrence déloyale.

Art. 16

Autorisation

Il appartient à l'Etat étranger qui est le titulaire du signe public ou auquel celui-ci renvoie de décider qui d'autre que lui est habilité à l'utiliser. L'art. 16 restreint par conséquent l'interdiction générale d'utilisation formulée à l'art. 15 en disposant qu'elle ne s'applique pas aux personnes qui ont été expressément autorisées à employer le signe étranger. La disposition correspond à l'art. 10, al. 2, LPAP. L'autorisation doit toutefois correspondre à la protection revendiquée: il ne suffit pas au déposant d'une marque de présenter une autorisation générale à employer le signe étranger. L'autorisation doit spécifier que le signe peut être employé en tant que marque. Dans le cas des autorisations étrangères, l'autorisation d'utiliser le signe à titre de marque est souvent expressément exclue afin d'éviter une position de monopole injustifiée du déposant. La réserve générale en vertu de laquelle l'emploi ne doit être ni trompeur, ni déloyal s'applique dans ce cas également.

L'al. 2 énumère de façon non exhaustive ce qui est considéré comme une autorisation. Ainsi, une attestation de l'enregistrement du signe par l'autorité étrangère est suffisante pour enregistrer le signe en Suisse à titre de marque.

7811

2.3.3.2

Section 2

Interdiction d'enregistrement

Art. 17 L'art. 17 interdit l'enregistrement des signes publics étrangers à titre de marque, design, raison de commerce, nom de coopérative, d'association ou de fondation, ou comme élément de ceux-ci si leur emploi n'est pas licite. Cette interdiction ne s'applique pas en présence d'une exception au sens de l'art. 16. Il faut toutefois que l'autorisation corresponde à la protection revendiquée (voir commentaire de l'art. 16).

2.3.4

Chapitre 3 Liste électronique des signes publics protégés

Art. 18 L'art. 18 prévoit que l'IPI, qui est l'autorité d'exécution de la Confédération en matière de protection des armoiries et autres signes publics, tienne une liste électronique des signes publics suisses et étrangers. Cette mesure permet de garantir que tous les signes publics sont recensés, ce qui facilite par ailleurs l'exécution de la présente loi par l'IPI. Ce dernier sera ainsi en mesure, dans le cadre de la procédure d'examen des marques par exemple, de différencier de manière fiable les emblèmes familiaux ou fantaisistes des emblèmes publics. Lors de fusions de communes, il sera beaucoup plus aisé de déterminer quelle armoirie doit être abrogée, et laquelle est appliquée à la nouvelle commune. L'IPI aura également la possibilité d'établir une liste des signes publics des cantons. Outre les armoiries des districts et des communes, les divers sceaux des cantons bénéficient aussi d'une protection. Les notaires du canton de Berne, par exemple, possèdent un sceau professionnel composé de l'armoirie cantonale qui est encadrée par le texte «N. N. Notar des Kantons Bern» et des numéros du registre du notaire et du sceau106. Il manque enfin, à l'heure actuelle, un aperçu de l'ensemble des armoiries des communes de Suisse, ce qui a parfois rendu complexe l'exécution de la LPAP. La nouvelle liste électronique n'aura pas force obligatoire; elle a pour objectif premier de donner une information générale et de favoriser la transparence. Cette base de données permettra à quiconque, par simple consultation, de se faire une idée des signes publics des cantons.

Si un signe figure dans la liste électronique, une personne pourra en déduire qu'il s'agit d'un signe public, jusqu'à preuve du contraire. La protection d'un signe public qui ne serait pas recensé dans cette liste devra par contre être prouvée en se fondant sur les dispositions cantonales applicables.

Les armoiries et emblèmes étrangers pour lesquels la protection est revendiquée conformément à l'art. 6ter CUP doivent être notifiés à l'OMPI dans le cadre d'une procédure formelle. Cette dernière envoie par la suite à tous les pays membres de la CUP une communication à ce sujet. En Suisse, les signes protégés sont régulièrement publiés dans la Feuille fédérale (concernant l'organe de publication, voir les explications concernant les modifications de l'art. 4, al. 1 et 3, de la loi sur les Nations Unies, ch. 2.3.7). Il est cependant peu aisé, pour les tiers, de connaître les 106

Art. 12 de l'ordonnance sur le notoriat du canton de Berne,169.112 du Recueil systématique des lois bernoises.

7812

signes étrangers bénéficiant d'une protection en Suisse. La liste électronique proposée fournira un aperçu de tous les signes publiés en Suisse, accessible librement, apportant ainsi la transparence voulue.

2.3.5

Chapitre 4

Voies de droit

2.3.5.1

Section 1

Droit civil

Art. 19

Renversement du fardeau de la preuve

L'art. 19, qui introduit le renversement du fardeau de la preuve, est calqué sur l'art. 51a du P-LPM (ch. 2.1.4). Selon l'art. 8 CC, le demandeur doit prouver les faits qu'il allègue pour en déduire son droit. Il est aisé de fournir cette preuve lorsque l'inexactitude découle des prestations du défendeur, mais la situation est toute autre lorsque le demandeur doit prouver que le défendeur n'est pas autorisé à utiliser un signe public. Cela est particulièrement vrai pour l'emploi de signes étrangers, lorsque le défendeur a la possibilité de demander à la collectivité concernée une autorisation d'utiliser le signe. A l'avenir, le défendeur sera tenu de fournir des documents attestant qu'il est autorisé à utiliser le signe public en question. S'il n'est pas en mesure de le faire, il pourra se référer à des cas similaires dans lesquels l'emploi est toléré dans l'Etat correspondant. Pour déterminer si l'emploi du signe étranger est également licite en Suisse, le tribunal devra se reporter au droit étranger.

Si celui-ci ne se prononce pas à ce propos et que l'emploi du signe étranger est toléré dans l'Etat concerné, l'utilisation peut être considérée, à titre exceptionnel, comme licite.

Dans le cadre du renversement du fardeau de la preuve, il est essentiel de garantir les secrets de fabrication ou d'affaires. Le tribunal possédant déjà une base pour prendre les mesures nécessaires (voir art. 156 CPC et 102, al. 1, CPP), il est superflu de prévoir une disposition spéciale.

Art. 20

Action en exécution d'une prestation et qualité pour agir

La croix suisse, les pavillons et les drapeaux sont souvent utilisés comme des moyens pour désigner la provenance géographique des produits et des services. La croix suisse est utilisée par exemple sur l'emballage de produits laitiers (Emmi), de biscuits (Kambly), de produits agricoles (produits Suisse Garantie) ou en rapport avec des services d'assurances (Swiss Life). Le projet de révision prévoit que tous les agents du marché qui subissent ou risquent de subir une atteinte dans leurs intérêts économiques en raison de l'emploi illicite de signes publics auront qualité pour agir. Il peut s'agir d'agents économiques concurrents, mais aussi de consommateurs; tous auront la possibilité d'introduire une action contre l'utilisation abusive des signes publics. L'art. 20 précise l'action en exécution d'une prestation et la qualité pour agir. Cette disposition s'inspire largement du droit des brevets, des marques, des designs et du droit d'auteur (art. 66, let. a et b, 72, al. 1, et 73 LBI, art. 55 LPM, art. 35 LDes et art. 62 LDA) en y apportant une amélioration sur le plan linguistique.

L'al. 1, let. a et b, réglemente les prétentions en prévention ou en cessation. L'action est admise en cas de violation ou de risque de violation du signe public. L'obligation d'informer au sens de la let. c permet d'exiger de la partie défenderesse qu'elle indique la provenance et la quantité des objets se trouvant en sa possession sur 7813

lesquels un signe public a été illicitement apposé. Il est également possible de demander des informations sur les destinataires et la quantité des objets qui ont été remis à des acheteurs commerciaux. Le but de cette obligation est de trouver, grâce aux informations recueillies, la source de la violation. L'obligation d'informer couvre toute la chaîne de production et de vente. La let. d constitue le fondement pour une action en constatation du caractère illicite d'une violation lorsque le trouble créé subsiste.

L'al. 2 énonce une réserve générale en faveur des actions qui tendent au paiement de dommages-intérêts, à la réparation du tort moral et à la remise du gain en vertu du droit des obligations. La LPASP ne réglemente pas les conditions régissant cette action, mais se contente de se référer aux dispositions correspondantes prévues dans le code des obligations (art. 41, 49 et 423 CO). La liste n'est pas exhaustive. Des prétentions découlant d'actions en responsabilité peuvent également résulter de l'enrichissement illégitime (art. 62 CO) ou de dispositions sur la responsabilité dans d'autres lois.

Art. 21

Qualité pour agir des associations et des organisations de consommateurs

Les associations professionnelles et économiques sont habilitées à intenter une action si elles sont autorisées à défendre les intérêts économiques de leurs membres..

La qualité pour agir octroyée aux organisations des consommateurs permet de garantir la protection des consommateurs. Ont qualité pour intenter une action les organisations qui se consacrent statutairement à la protection des consommateurs; ce but doit être essentiel pour l'organisation.

Art. 22

Qualité pour agir de la collectivité concernée

Comme pour l'emploi d'indications de provenance inexactes (voir ch. 2.1.5), la collectivité concernée doit avoir une qualité, limitée, pour agir par la voie civile dans le cas d'un emploi illicite des signes publics. L'al. 1 énonce ce principe et renvoie à l'art. 20 pour toutes les prétentions que les autorités peuvent faire valoir. Il s'agit de prétentions (indépendamment de toute faute) en constatation d'un droit ou de rapports de droits, et d'actions en cessation ou en suppression d'une violation ou d'une information sur la provenance de produits violant la loi. A la requête de la partie qui a obtenu gain de cause, le juge peut ordonner la publication du jugement.

Si les signes de la Confédération ou des signes publics nationaux sont utilisés illicitement, c'est l'IPI qui a qualité pour agir (al. 2). Il est en effet compétent pour l'exécution de la présente loi en vertu de l'art. 2, al. 1, let. b, LIPI. Pour les détails à ce sujet ­ notamment en ce qui concerne le lien entre la qualité pour agir de l'IPI et ses tâches en tant qu'autorité décisionnelle dans l'enregistrement de marques, où il examine également si un signe doit être refusé à l'enregistrement parce qu'il est contraire au droit en vigueur (art. 2, let. d, LPM), voir le commentaire de l'art. 56 P-LPM (ch. 2.1.5).

En vertu de l'al. 3, ce sont les cantons qui déterminent quels services peuvent exercer la qualité pour agir lorsque des armoiries, drapeaux, emblèmes ou désignations officielles qui concernent le plan cantonal ou communal sont utilisés illicitement.

7814

Art. 23

Confiscation dans la procédure civile

L'art. 23, al. 1, permet de retirer de la circulation les objets sur lesquels sont apposés illicitement des signes publics. Il prévoit non seulement la confiscation des objets, mais aussi celle des étiquettes, des emballages, des moyens publicitaires, des catalogues et d'autres objets. Le tribunal peut ordonner une mesure radicale, à savoir la destruction des objets. La destruction représente un moyen de dissuasion, d'une part, et un instrument juridique permettant la mise en oeuvre rigoureuse de la protection des signes publics, d'autre part. Le tribunal est également explicitement autorisé à confisquer des instruments, de l'outillage et des autres moyens destinés principalement à fabriquer des objets illicites. La réglementation proposée fait écho aux dispositions des diverses lois régissant la propriété intellectuelle.

L'al. 2 confère au tribunal une large marge d'appréciation dans sa décision concernant le sort des objets confisqués. En fin de compte, les mesures ordonnées par le tribunal seront fonction du cas concret, l'objectif étant de transformer les produits et les objets saisis pour qu'ils puissent être utilisés sans signes publics protégés. La destruction demeurera en règle générale une mesure de dernier recours.

Art. 24

Instance cantonale unique

Un grand nombre de participants à la consultation ont proposé de prévoir une instance cantonale unique chargée de connaître les litiges civils. L'art. 24 tient pleinement compte de ce souhait. Le droit fédéral prescrit déjà aux cantons de désigner une instance unique chargée de connaître la plupart des actions relevant du droit de la propriété intellectuelle (voir art. 58, al. 3, LPM; art. 37 LDes; art. 64, al. 3, LDA; art. 42 de la loi du 20 mars 1975 sur la protection des obtentions végétales) et, pour les litiges en matière de brevets, il prévoit même une instance fédérale unique (voir message du 7 décembre 2007 concernant la loi sur le Tribunal fédéral des vets107). Comme dans la plupart des autres actes législatifs régissant la propriété intellectuelle, il est pertinent de prévoir une instance cantonale unique dans la LPASP, parce que la complexité de la matière exige une concentration des connaissances juridiques et techniques au sein d'un seul tribunal cantonal. Le CPC sera complété en conséquence (voir à ce sujet ch. 2.3.7). Suivant la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la notion de risque de confusion doit être interprétée de manière uniforme pour l'ensemble du droit des signes distinctifs (ATF 4A 101/2007 du 28 août.2007, sic! 1/2008 p. 52 ss). Selon cet arrêt, les principes sur lesquels se fonde l'appréciation du risque de confusion sont également applicables aux emblèmes.

Art. 25

Mesures provisionnelles

L'art. 16 LPAP prévoit des mesures provisionnelles. L'intervention rapide d'un juge pouvant s'avérer nécessaire en particulier dans le domaine des biens immatériels: les différentes lois spéciales du droit de la propriété intellectuelle contiennent toutes des prescriptions sur les mesures provisionnelles (art. 65 LDA; art. 59 LPM; art. 38 LDes, art. 77 LBI). La formulation du présent article est donc analogue à celle de ces dispositions. Il est par ailleurs renvoyé aux dispositions du CPC (art. 262 ss).

107

FF 2008 373

7815

Art. 26

Publication du jugement

La publication du jugement prévue à l'art. 26 figure également dans les autres lois régissant la propriété immatérielle (art. 66 LDA; art. 60 LPM; art. 37 LDes; art. 70 LBI). Le projet comprend donc une disposition qui fait écho à ces lois. A la requête de la partie qui a obtenu gain de cause, le juge peut ordonner la publication du jugement aux frais de la partie adverse. Il détermine le mode et l'étendue de la publication. La publication du jugement permet d'informer les milieux intéressés et augmente, de ce fait, la sécurité juridique. Elle exerce aussi une fonction de prévention, notamment dans les cas de violations systématiques ou lorsque l'on craint d'autres atteintes en raison du comportement ou du désaccord de l'auteur de la violation. Finalement, la publication des jugements permet de sensibiliser le public, dans un but de prévention générale. Cet aspect est particulièrement important pour les signes publics, puisqu'il reflète la volonté de la collectivité de combattre les atteintes à ces signes.

Art. 27

Communication des décisions et des ordonnances de classement

Voir le commentaire concernant l'art. 54 P-LPM, ch. 2.1.7.4.

2.3.5.2 Art. 28

Section 2

Droit pénal

Emploi illicite des signes publics

L'utilisation illicite des signes publics constituera, comme aujourd'hui, un délit poursuivi d'office (art. 28, al. 1) par les autorités cantonales. La liste non exhaustive des actes punissables exprime la volonté du législateur de renforcer et d'optimiser la protection des signes publics. La compétence de la Confédération est explicitement inscrite dans la loi; il incombera à l'IPI de dénoncer une infraction pour le compte de la Confédération (voir commentaire de l'art. 31, al. 2, P-LPASP et de l'art. 64, al. 3, P-LPM, ch. 2.1.6). Indépendamment de cette compétence, toute personne pourra dénoncer pénalement une infraction aux autorités cantonales compétentes. Comme dans les autres lois régissant le droit de la propriété intellectuelle, les délits commis par négligence demeurent impunis: d'une part, une telle sanction irait trop loin et, d'autre part, il serait peu aisé d'apporter une preuve dans le cadre d'une procédure pénale.

L'art. 28, al. 2, permet d'harmoniser les peines sanctionnant les infractions par métier et celles prévues dans les autres lois régissant le droit de la propriété intellectuelle. Si l'auteur de l'infraction agit par métier, il est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Le montant de cette dernière est déterminé en fonction du nouveau système de jour-amende défini dans les dispositions générales du code pénal. La peine maximale est fixée à 360 jours-amende, ce qui équivaut à CHF 1 080 000, le montant maximum d'un jour-amende étant de CHF 3000 conformément à l'art. 34, al. 2, CP. Ces mesures visent à augmenter de manière appropriée la sanction en cas d'infraction par métier et à exercer un effet plus dissuasif sur les auteurs. La révision de la loi donne par ailleurs l'occasion d'adapter les dispositions pénales à la nouvelle terminologie utilisée dans les dispositions générales du code pénal. Ainsi, les diverses expressions désignant la privation de liberté (emprisonnement ou réclusion) sont remplacées par la notion de 7816

«peine privative de liberté» et il est renoncé aux arrêts en faveur de la peine pécuniaire.

En vertu de l'al. 3, l'art. 64 P-LPM concernant la punissabilité de l'emploi d'indications de provenance inexactes est réservé. Les signes réglementés par la LPASP pouvant être considérés comme des références à la provenance géographique des produits ou des services ­ et donc être traités comme des indications de provenance au sens des art. 47 ss LPM (art. 13 et 15, al. 4) ­, la question du rapport entre les dispositions pénales de l'art. 28 et celles de l'art. 64 P-LPM se pose. Il faut distinguer plusieurs cas de figure: ­

Lorsqu'un signe public dont l'emploi est réservé à une collectivité (par ex.

les armoiries de la Confédération) est utilisé par une personne non autorisée comme une indication de provenance exacte (autrement dit pour des produits ou des services de provenance suisse), l'infraction visée à l'art. 64 P-LPM n'est pas réalisée, et c'est l'art. 28 qui s'applique.

­

Lorsqu'un signe public (par ex. la croix suisse) est utilisé comme indication de provenance inexacte (autrement dit pour des produits ou des services qui ne remplissent pas les conditions énoncées aux art. 48 ss P-LPM), cet emploi remplit en même temps les états de fait décrits aux art. 64 P-LPM et 28 (concours idéal). Lorsque l'atteinte à la LPASP se limite à la tromperie sur la provenance géographique des produits ou des services désignés ­ à savoir le signe n'éveille pas en même temps l'apparence trompeuse que le fournisseur est la Confédération ou l'une de ses entreprises ­, le concours est imparfait. Les deux dispositions protégeant les mêmes destinataires des signes de la même tromperie, l'auteur de l'infraction ne sera puni que pour un seul délit selon le principe du concours alternatif (le cadre pénal est d'ailleurs identique pour les deux dispositions).

­

Lorsqu'un signe public dont l'emploi est réservé à une collectivité (par ex.

les armoiries de la Confédération) est utilisé par une personne non autorisée comme indication de provenance inexacte, il s'agit d'un concours parfait: d'une part, l'emploi du signe enfreint le droit exclusif de la collectivité d'utiliser ses armoiries; d'autre part, les consommateurs sont trompés sur la provenance géographique des produits ou des services désignés, et peut-être même sur la nature «officielle» de l'activité exercée par le prestataire. Dans ce cas de figure, c'est l'art. 49, al. 1, CP qui s'applique en vertu duquel le juge condamne l'auteur à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Elle ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction.

Art. 29

Infractions commises dans une entreprise

Pour les infractions commises dans les entreprises par le subordonné, le mandataire ou le représentant, l'art. 29 fait référence aux art. 6 et 7 DPA. Cet article permet d'harmoniser les dispositions sur les infractions dans les établissements commerciaux, car diverses lois sur la propriété intellectuelle (art. 71 LDA, art. 67 LPM et art. 26 LCD) comportent une disposition similaire. Il est prévu d'inscrire une disposition similaire dans la LBI (voir commentaire de l'art. 83a P-LBI; ch. 2.2.6).

7817

Art. 30

Confiscation

Comme le prévoit l'art. 16, al. 2, LPAP, la confiscation d'objets peut être ordonnée en cas de non-lieu ou d'acquittement.

Il est tout à fait imaginable qu'une personne inculpée soit acquittée parce qu'il n'y a pas d'intention délictueuse ou de faute, mais que les faits constituent une violation d'un signe public. Il est également possible d'ordonner la confiscation si les objets ne présentent aucun risque pour la sécurité des personnes ou s'ils ne portent pas atteinte aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.

Dissuasive, la destruction est en même temps un moyen efficace d'assurer la protection des signes publics. Cette disposition s'inspire du droit des designs, en y apportant une amélioration sur le plan linguistique.

Art. 31

Poursuite pénale

L'al. 1 correspond au principe inscrit à l'art. 123 Cst. selon lequel la procédure pénale relève de la compétence des cantons. Cette disposition énonce donc expressément un principe déjà en vigueur.

A l'instar de ce qui est prévu pour l'emploi des indications de provenance inexactes, l'al. 2 autorise expressément l'IPI à dénoncer une infraction auprès des autorités de poursuite pénale cantonales compétentes et à faire valoir des droits d'une partie plaignante dans la procédure (voir le commentaire de l'art. 64, al. 3, P-LPM, ch. 2.1.6).

2.3.6

Chapitre 5 Intervention de l'Administration des douanes

Art. 32 Le projet prévoit l'intervention de l'Administration des douanes dans un but d'harmonisation avec les autres actes législatifs régissant la propriété intellectuelle.

L'art. 32 renvoie aux dispositions sur l'intervention de l'Administration des douanes figurant dans la LPM. Ces dispositions ont été complétées dans le cadre de la révision du 22 juin 2007 et sont entrées en vigueur le 1er juillet 2008. On pourra se référer aux commentaires des dispositions du projet de révision figurant dans le message concernant la modification de la loi sur les brevets et l'arrêté fédéral portant approbation du traité sur le droit des brevets et du règlement d'exécution108.

L'Administration des douanes sera ainsi autorisée à attirer l'attention de la collectivité concernée sur l'introduction sur le territoire douanier suisse de marchandises ou d'objets sur lesquels des signes publics sont illicitement apposés. La position juridique de la collectivité qui lutte contre l'usage illicite de ses emblèmes se voit ainsi consolidée et la rétention de produits violant des droits de propriété immatérielle est facilitée. Il ne faut pas oublier, toutefois, qu'il s'agit d'une disposition potestative et que les autorités douanières ne sont pas tenues de procéder à des recherches systématiques d'envois suspects, ni d'effectuer un véritable contrôle. Si l'Administration

108

FF 2006 1, voir ch. 1.4.2, 2.4.4.3 et 2.4.2.

7818

des douanes découvre que des marchandises suspectes ont introduites sur le territoire douanier suisse ou en sortent, les deux possibilités se présentent: 1)

Il existe une demande d'intervention (voir aussi art. 72 LPM). L'Administration des douanes informe le requérant de la rétention des marchandises. Elle les retient durant dix jours ouvrables pour laisser au requérant le temps d'obtenir des mesures provisionnelles. Si ce délai s'avère insuffisant, il peut être prolongé de dix jours. S'il n'est pas possible d'obtenir des mesures provisionnelles dans ce délai, les marchandises sont remises en circulation.

2)

Il n'existe pas de demande d'intervention (voir aussi art. 70 LPM). L'Administration des douanes est habilitée à informer la collectivité concernée par le signe public employé (par ex. l'IPI). Elle retient les marchandises pendant trois jours ouvrables afin que l'ayant droit puisse requérir l'intervention des douanes. Si aucune requête n'est présentée, les marchandises sont remises en circulation. Si une requête est déposée, la procédure est celle décrite sous le point 1).

Les autorités douanières sont par exemple autorisées à retenir à la douane le transit de coucous étrangers s'ils sont munis des armoiries de la Confédération. L'IPI est également informé de la rétention de l'envoi afin qu'il puisse requérir les mesures provisionnelles nécessaires auprès du tribunal compétent. L'intervention de l'Administration des douanes est un moyen très efficace de retirer de la circulation les marchandises illicitement munies de signes publics, avant qu'elles ne parviennent sur le marché. Les mesures à la frontière, et notamment le blocage des marchandises en transit qui a lieu d'office, revalorisent clairement la protection des signes publics.

En vertu de l'al. 2, tous les acteurs du marché qui subissent ou risquent de subir une atteinte dans leurs intérêts économiques et qui ont qualité pour agir par la voie civile peuvent requérir l'intervention de l'Administration des douanes. Ils doivent pouvoir défendre leurs intérêts dès la frontière. En cas d'utilisation abusive de signes de la Confédération ou de signes publics à signification nationale, l'IPI sera pourvu de la qualité pour agir conformément à l'art. 22, al. 2 (voir commentaire de l'art. 22, al. 2, et en particulier celui de l'art. 56 P-LPM; ch. 2.1.5). En vertu de cette qualité pour agir, l'IPI est aussi expressément autorisé à demander, pour le compte de la Confédération, l'intervention de l'Administration des douanes. Il est ainsi habilité à introduire à temps les mesures indispensables pour préserver les droits de la Confédération sur les signes publics ou sur ceux qui sont susceptibles d'être confondus avec eux et de lutter, dès la frontière, contre les abus. Il sera donc possible de punir les abus de façon plus rigoureuse et efficace en retenant les produits à la douane et en introduisant, en parallèle, une procédure pénale. L'introduction de sanctions juridiques effectives permet d'accroître la dissuasion.

7819

2.3.7 Art. 34

Chapitre 6

Dispositions finales

Abrogation et modification du droit en vigueur

Loi fédérale du 5 juin 1931 pour la protection des armoiries et autres signes publics109 S'agissant d'une révision totale, la LPAP peut être abrogée.

Arrêté fédéral du 12 décembre 1889 concernant les armoiries de la Confédération suisse110 La définition des armoiries de la Confédération suisse énoncée dans cet arrêté fédéral est reprise à l'art. 3 de la loi. Dès lors, l'arrêté fédéral susmentionné peut être abrogé.

Loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge111 En raison du lien traditionnel entre la Suisse et le Comité international de la CroixRouge (CICR) et du fait que le signe de la Croix-Rouge est constitué de la croix suisse aux couleurs inversées, il existe une parenté étroite entre les deux signes. En tant que symbole de l'aide humanitaire, le signe de la Croix-Rouge bénéficie d'une protection absolue. Pour des raisons de sécurité et de crédibilité du signe en cas de conflit armé, il est important qu'il bénéficie d'une telle protection et qu'il demeure réservé aux ayants droit. C'est pourquoi l'usage de toute imitation de la CroixRouge ou de la désignation «Croix-Rouge» est interdite aux personnes non autorisées. Cette protection absolue découle non seulement d'un engagement international mais aussi d'une loi fédérale. L'engagement international est en effet inscrit dans les Conventions de Genève et ses protocoles additionnels. Sur le plan national, c'est la loi sur la Croix-Rouge qui régit l'utilisation de la croix rouge sur fond blanc et de l'expression «Croix-Rouge», dont l'usage abusif est punissable. Une partie des dispositions de ladite loi est aussi applicable aux signes du croissant rouge, du lion rouge et du soleil rouge (le signe se compose d'un lion rouge avec un soleil rouge sur fond blanc), et du cristal rouge (le signe se compose d'un carré au tracé rouge debout sur la pointe sur fond blanc). La loi interdit toute utilisation ainsi que tout enregistrement à titre de raison de commerce, de marque ou de design de signes susceptibles d'être confondus avec le nom et/ou l'emblème de la Croix-Rouge.

Ainsi, en vertu tant du droit en vigueur que de la nouvelle réglementation, la croix suisse peut être utilisée dans la publicité ayant trait à des activités médicales ou liées à la médecine. La loi sur la Croix-Rouge restreint toutefois
cette utilisation autorisée par la LPASP. Dans certains cas, l'usage de la croix suisse dans une publicité pour des services ou des produits médicaux est susceptible de créer une confusion avec la Croix-Rouge. L'emploi peut dès lors être frappé d'interdiction en vertu de la loi sur la Croix-Rouge. Les Conventions de Genève fixent les règles d'utilisation de la croix suisse, dont la législation nationale doit tenir compte. Une révision de la loi qui prévoirait une utilisation plus libre de la croix suisse que celle définie dans les conventions ne serait pas admissible du point de vue du droit international. Les Conventions de Genève et la loi sur la Croix-Rouge viennent limiter par conséquent 109 110 111

RO 48 1 RO 11 334 RS 232.22

7820

l'utilisation de la croix suisse. Compte tenu du principe reconnu de la primauté du droit international sur le droit national, il importe d'aménager la législation nationale en conformité avec les conventions.

Dans cette optique, une solution s'impose au problème de délimitation entre les deux signes. Une adaptation de la loi sur la Croix-Rouge ou des Conventions de Genève n'est pas réaliste. Les Conventions de Genève ne protègent pas en premier lieu les intérêts de la Suisse relatifs à ses emblèmes, mais le signe de la Croix-Rouge contre son utilisation abusive. C'est pourquoi une adaptation, et par conséquent une modification de la protection de la Croix-Rouge conférée par les Conventions de Genève, qui serait dictée par des intérêts économiques de la Suisse n'est pas envisageable.

Aucun autre pays membre des Conventions de Genève n'approuverait une modification motivée par des intérêts particuliers de la Suisse. La LPASP pourrait par exemple exclure l'emploi de la croix suisse pour certaines catégories de produits et services; mais cela soulève d'autres questions de délimitation. Comment déterminer ces catégories et pour quels produits et services l'utilisation de la croix suisse devraitelle être exclue? L'évaluation au cas par cas par le tribunal compétent, fondée sur une interprétation conforme au droit international de la LPASP, paraît la solution la plus opportune, car pour estimer l'éventualité du risque de confusion, il importe de connaître toutes les circonstances (impression générale, produits et services pour lesquels la protection est revendiquée, éléments complémentaires, etc.).

Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

L'art. 7 réunit les al. 1 et 2 en une seule disposition; la terminologie est adaptée à la réglementation de l'art. 14, al. 1, LPASP. Par rapport à la réglementation actuelle, il n'y a aucun changement d'ordre matériel. La modification vise à unifier la terminologie utilisée dans tous les actes législatifs qui ont pour objet la protection de signes distinctifs particuliers.

La modification proposée de l'art. 8, al. 1, permet d'harmoniser la terminologie conformément à l'art. 333, al. 2 à 6, CP, dans sa teneur du 13 décembre
2002. Les sanctions pénales sont harmonisées avec celles prévues dans la LPASP. Les cas peu graves ou les délits par négligence continueront d'être punis d'une amende.

Loi fédérale du 15 décembre 1961 concernant la protection des noms et emblèmes de l'Organisation des Nations Unies et d'autres organisations intergouvernementales112 Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

L'expression «ou de tous autres signes qui en constituent des imitations» figurant aux art. 1, al. 2, 2, al. 2, 3, al. 2, et 7, al. 1, sera remplacée par la formulation «signes susceptibles d'être confondus avec les signes visés à l'al. 1». La modification vise à harmoniser la terminologie utilisée dans tous les actes législatifs qui ont pour objet la protection de signes distinctifs particuliers. Il n'en résulte aucun changement matériel puisque le terme d'«imitation» utilisé jusqu'à présent est placé sur le même plan que «risque de confusion». Le message relatif à un projet de loi sur les 112

RS 232.23

7821

Nations Unies113 relève que l'art. 7 est repris de la loi concernant la protection de l'emblème et du nom de l'Organisation mondiale de la santé (qui a précédé la loi sur les Nations Unies); celle-ci faisait référence au risque de confusion. L'insécurité juridique générée dans le passé lors de l'examen de l'admissibilité de signes à titre de marque est écartée grâce à la plus grande transparence proposée dans le projet.

Celui-ci prévoit qu'il sera possible de rejeter la marque parce qu'un de ses éléments est considéré comme une imitation d'un emblème protégé en vertu de la loi sur les Nations Unies. Il s'agit du seul moyen efficace de protéger ces emblèmes des signes susceptibles d'être confondus avec eux.

Avec les modifications de l'art. 4, al. 1 et 3, l'IPI se voit attribuer la compétence de déterminer l'organe de publication. La solution proposée lui permet de tenir compte des derniers développements technologiques dans le domaine de la publication et des besoins de l'économie qui en découlent. Il en résulte la possibilité de publier par la voie électronique. La réglementation s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans la volonté de l'OMPI de n'envoyer aux Etats membres les signes protégés en vertu de l'art. 6ter CUP que sous forme électronique (voir document OMPI SCT/19/5 du 22 avril 2008). Elle est également en lien étroit avec la liste des signes publics protégés qu'il s'agit de créer conformément à l'art. 18.

La modification proposée de l'art. 7, al. 1, permet d'harmoniser la terminologie à l'art. 333, al. 2 à 6, CP, dans sa teneur du 13 décembre 2002. Les sanctions pénales sont harmonisées avec celles prévues dans la LPASP. Les cas peu graves ou les délits par négligence continueront d'être punis d'une amende.

Code de procédure civile du 19 décembre 2008114 Le CPC prescrit aux cantons de désigner une instance unique chargée de statuer sur les litiges relevant du droit de la propriété intellectuelle (voir art. 58, al. 3, LPM; art. 37 LDes; art. 64, al. 3, LDA; art.42 de la loi sur la protection des obtentions végétales). Comme le droit régissant la protection des emblèmes n'a pas pour objet leur protection en tant que bien immatériel et qu'il prévoit même les conditions auxquelles ils peuvent en être exclus (ATF 4A 101/2007 du 28.8.2007, sic! 1/2008 p. 52 ss), il faut compléter l'art. 5 CPC
pour éviter l'ouverture d'une procédure arbitrale au sens du CPC et garantir qu'une seule instance statue sur les litiges concernant les emblèmes. Cette modification vise en outre à étendre la compétence de l'instance cantonale unique aux litiges découlant de l'application de la loi sur la Croix-Rouge et de celle sur les Nations Unis, lesquelles sont, matériellement, très proche de la LPASP. En effet, à l'instar de cette dernière, ces deux lois ont pour objet la protection de signes distinctifs précis (signe de la Croix-Rouge et signe des Nations Unis). Le risque de confusion doit donc être apprécié à la lumière des mêmes principes applicables aux armoiries, emblèmes et autres signes publics. La notion de risque de confusion devant être interprétée de manière uniforme pour l'ensemble du droit des signes distinctifs, l'art. 5, let. i prévoit de soumettre les litiges découlant des trois lois susmentionnées au jugement de l'instance unique désignée par les cantons.

113 114

FF 1961 I 1341 RS ...; FF 2009 21

7822

Loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse115 Le préambule fait encore référence aux dispositions de l'ancienne Constitution. Il est donc adapté pour insérer la référence aux dispositions de la Constitution du 18 avril 1999.

Art. 3, al. 2 La forme et les proportions du pavillon maritime suisse ne sont pas modifiées. Seule la couleur est précisée puisque la tonalité du rouge est définie.

Art. 35

Droit de poursuivre l'usage

L'art. 35, al. 1, permet d'éviter les cas de rigueur pouvant découler de l'interdiction d'utiliser les armoiries. Les armoiries dont l'usage était licite (par ex. dans la publicité ou dans les prospectus pour produits suisses) mais qui ne le sont plus en vertu de la nouvelle réglementation pourront continuer d'être utilisées pendant une période de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. L'avant-projet prévoyait une période de transition de cinq ans qui a été jugée trop longue dans le cadre de la consultation.

Cette durée a été réduite à deux ans, pour tenir compte de la longueur de la procédure législative et du fait que les personnes concernées par cette exception pourront examiner l'opportunité d'accomplir les démarches nécessaires pour demander la poursuite de l'usage, prévues à l'al. 2, dès que le Conseil fédéral aura adopté le message. Passé ce délai, l'usage autorisé jusqu'à présent deviendra illicite et pourra être puni en conséquence (voir art. 28).

L'al. 2 prévoit que le DFJP peut autoriser, lorsque des circonstances particulières le justifient et sur demande motivée, la poursuite de l'usage des armoiries de la Confédération. Certains participants à la consultation craignaient le monopole de la Confédération sur les armoiries suisses. Ils étaient d'avis qu'il était nécessaire de prévoir des exceptions pour les entreprises traditionnelles suisses (par ex. les sociétés Victorinox SA et le Touring Club Suisse) ou les associations (Club alpin suisse et l'association Swiss Snowsports) qui utilisent depuis longtemps les armoiries de la Confédération ou des signes similaires soit pour des services, ce qui est licite, soit pour des produits, ce qui est illicite, dont le logo s'est imposé auprès du public.

L'al. 2 tient compte de manière équilibrée des intérêts de la Confédération et de ceux des entreprises traditionnelles suisses. Les entreprises qui souhaitent poursuivre l'usage des armoiries et de signes susceptibles d'être confondues avec elles dans la même mesure que jusque-là doivent déposer une demande auprès du DFJP. Le DFJP est habilité à autoriser la poursuite de l'usage des armoiries de la Confédération à certaines conditions, énoncées dans la loi (voir al. 3). La demande, accompagnée des preuves de l'existence de circonstances spéciales, doit être déposée au plus tard deux ans
après l'entrée en vigueur de la LPASP (le délai de deux ans correspond à la durée autorisée pour la poursuite de l'usage définie à l'al. 1). Une fois ce délai passé, il ne sera plus possible de faire valoir des circonstances particulières, et le signe concerné ne pourra plus être utilisé.

Des circonstances particulières au sens de l'al. 3 existent lorsque deux conditions sont remplies de manière cumulative. Il faut prouver, d'une part, que les armoiries de la Confédération ou les signes susceptibles d'être confondus avec elles ont été 115

RS 747.30

7823

utilisés de façon ininterrompue et incontestée par l'entreprise concernée depuis 30 ans pour des produits ou services. Cette condition s'inspire des conditions liées à l'acquisition extraordinaire de la propriété foncière (art. 662 CC). L'entreprise doit prouver, d'autre part, qu'elle a un intérêt légitime à la poursuite de l'usage. Il faut donc exposer les motifs pour lesquels l'abandon causerait un préjudice excessif. Si les conditions fixées sont remplies, une entreprise traditionnelle suisse, une association ou une fondation pourra poursuivre l'usage des armoiries publiques dans son logo, sans limite de temps. Ainsi, une entreprise telle que Victorinox pourrait continuer à utiliser son logo similaire aux armoiries pour tout son assortiment présent et futur, à condition qu'il s'agisse de produits suisses. Le droit de poursuivre l'usage pour des produits n'est cependant pas accordé pour les services, et inversement. Si le droit de poursuivre l'usage est accordé pour des services, il ne vaut pas pour des produits. Ce principe s'applique également au dépôt à titre de marque du signe utilisé jusqu'à présent, qui n'est possible que pour des produits ou des services. La poursuite de l'usage sur demande est délibérément soumise à des conditions strictes, afin de ne pas remettre en question l'un des objectifs poursuivi par la révision législative, à savoir de réserver les armoiries de la Confédération à la collectivité concernée.

Avec l'entrée en vigueur de la LPASP, il ne sera plus possible pour les particuliers de faire enregistrer et d'inscrire au registre des marques une marque de services contenant une armoirie. Dans le sens d'une protection des droits acquis, l'al. 4 confère donc un droit, illimité dans le temps, de poursuivre l'usage à des marques de services enregistrées de bonne foi ou enregistrées avant le 18 novembre 2009. Afin que le titulaire d'une marque puisse poursuivre l'usage de sa marque de service enregistrée licitement sous l'ancien droit ou déposée avant le 18 novembre 2009, il doit déposer une requête dans le délai de deux ans prévu pour la poursuite de l'usage à compter de l'entrée en vigueur de la LPASP.

La marque confère à son titulaire le droit exclusif d'utiliser celle-ci en relation avec les produits ou les services enregistrés et de disposer librement de son droit (art. 13
LPM; voir par ex. ATF 128 III 146 consid. 2.bb). Elle ne lui donne par contre aucun droit de pouvoir utiliser le signe. Le titulaire est en tous les cas tenu de respecter la législation en vigueur (par ex. prescriptions sur les denrées alimentaires et sur les produits thérapeutiques). Il ne peut se soustraire à cette obligation en invoquant l'enregistrement de la marque. L'enregistrement ne générant aucun droit acquis, le titulaire du signe s'expose au risque que la loi change ultérieurement et qu'il ne puisse plus utiliser la marque.

Pour les armoiries des cantons, districts et communes, l'autorité cantonale compétente peut, sur demande motivée, autoriser la poursuite de l'usage. Tenant compte de l'autonomie des communes et du droit à l'autodétermination des cantons, cette disposition permet aux cantons de décider d'eux-mêmes la poursuite de l'usage. Le droit cantonal règle les conditions qui sont liées à la poursuite de l'usage des emblèmes cantonaux (al. 5).

En vertu de l'al. 6, la poursuite de l'usage des armoiries ou d'un signe susceptible d'être confondu avec elles ne doit pas tromper sur la provenance géographique d'un produit ou d'un service ni sur la nationalité de l'utilisateur, de l'entreprise, de la société, de l'association, de la fondation ou sur la situation commerciale de la personne qui emploie le signe, notamment sur de prétendus rapports avec la Confédération ou un canton. Par conséquent, le signe ne peut être utilisé que pour les produits et les services qui satisfont aux critères relatifs à la provenance suisse au sens des 7824

art. 47 à 50 LPM. Le signe dont l'usage peut être poursuivi ne peut être apposé que sur les produits qui sont véritablement fabriqués en Suisse. Il ne doit pas non plus éveiller l'apparence que l'entreprise serait une autorité ou que celle-ci exerce une activité officielle.

Art. 36

Signes distinctifs déposés mais non enregistrés

Cette disposition concerne les demandes d'enregistrement de marques et de designs qui sont exclus de la protection selon le droit actuel, mais pas selon le nouveau droit.

Par exemple, si avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, une marque contenant comme élément la croix suisse est déposée pour des produits, elle ne serait pas admise en vertu du droit en vigueur. En revanche, si le déposant de cette marque est d'accord pour que la date de dépôt retenue soit celle du jour de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, la demande peut être examinée à la lumière du nouveau droit. La croix suisse étant admise comme élément de la marque de produit selon le nouveau droit, la demande pourra être approuvée et la marque enregistrée. Pour toutes les marques déposées avant l'entrée en vigueur de la LPASP, c'est le jour de l'entrée en vigueur qui est réputé date de dépôt. L'IPI acceptera de telles demandes à partir du jour où le Conseil fédéral aura fixé la date d'entrée en vigueur de la LPASP.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Les modifications proposées doivent être exécutées principalement par l'IPI, l'autorité fédérale compétente en matière de droit de la propriété intellectuelle. Il sera donc chargé d'établir et de tenir le nouveau registre des indications géographiques pour les produits à l'exception des produits agricoles, des produits agricoles transformés, des vins, des produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés.

La procédure d'examen et d'enregistrement des nouvelles marques géographiques et la procédure de radiation d'une marque pour défaut d'usage relèveront aussi de la compétence de l'IPI. C'est également à ce dernier qu'incomberont les autres mesures visant la défense de l'indication de provenance «Suisse» et des signes publics de la Confédération, en particulier les dénonciations pénales et l'introduction d'actions civiles. L'IPI couvrira les dépenses occasionnées par ces tâches supplémentaires en percevant les taxes de registre correspondantes et, subsidiairement, par d'autres sources de revenu. Comme il jouit d'une autonomie financière (voir art. 1 LIPI), le projet n'a pas de conséquences sur le budget de la Confédération.

Les nouvelles mesures d'intervention des douanes en vue de la protection des droits de propriété intellectuelle à la frontière généreront un certain surcroît de travail pour l'Administration des douanes qui nécessitera la création de huit à dix postes. Cet accroissement, déjà prévu dans le cadre de la révision de la LBI116 et des autres actes législatifs du droit de la propriété intellectuelle (LPM, LDes, LDA et LTo) adaptés en conséquence, permettra aussi de faire face au surcroît de travail à la douane susceptible de découler de la révision «Swissness». Les mesures d'intervention que

116

Voir message LBI, FF 2006 1, p. 129. Les postes supplémentaires sont pris en considération dans le budget 2008 et dans la planification 2009 à 2011.

7825

l'Administration des douanes devra prendre n'ont donc pas non plus de conséquences sur le personnel, les finances et l'organisation de la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Le projet de révision n'occasionne pas de coûts supplémentaires pour les cantons.

Les poursuites pénales pour emploi d'indications de provenance inexactes leur incombent déjà, et leur tâche s'en trouvera facilitée grâce à une réglementation plus précise. Durant les deux premières années suivant l'entrée en vigueur de la LPASP, les entreprises souhaitant poursuivre l'usage des armoiries des cantons, districts, cercles et communes (qui seront en principe réservées aux collectivités concernées) auront la possibilité d'en faire la demande (voir commentaire de l'art. 35, al. 5, P-LPASP).

3.3

Conséquences économiques

3.3.1

Nécessité et latitude de l'activité de l'Etat

Dans le monde entier, les consommateurs sont prêts à dépenser beaucoup plus pour un produit lorsqu'il porte la désignation «Swiss made» ou la croix suisse. Les consommateurs suisses dépensent en moyenne 4,50 francs de plus par kilo pour de la viande de volaille lorsqu'ils peuvent partir du principe que celle-ci provient de Suisse. Et 75 % des Suisses sont prêts à débourser 30 % de plus pour acheter des pommes suisses plutôt que des pommes provenant de l'étranger117. En effet, la désignation «Suisse» est pour eux non seulement synonyme de haute qualité, mais elle est aussi associée à d'autres valeurs positives telles que la fiabilité, la confiance, la stabilité, la beauté des paysages, la propreté ou la sécurité118. Ce sont donc la réputation de la désignation «Suisse» et les qualités positives associées aux produits

117

Voir Conradin Bolliger/Sophie Réviron, Consumer Willingness to Pay for Swiss Chicken Meat: An In-store Survey to Link Stated and Revealed Buying Behaviour, Paper presented at 12th European Association of Agricultural Economists (EAAE) Congress, 26 à 30 août 2008, Gand, Belgique. Des études à propos de pommes et de fraises ont livré des résultats semblables, voir Conradin Bolliger, Produktherkunft Schweiz: Schweizer Inlandkonsumenten und ihre Assoziationen mit und Präferenzen für heimische Agrarerzeugnisse, Tagungsband der 18. Jahrestagung der Österreichischen Gesellschaft für Agrarökonomie, 2008, et Gruppe Agrar-, Lebensmittel- und Umweltökonomie am Institut für Umweltentscheidungen, Les consommateurs choisissent leurs fruits, in: Info Agrar Wirtschaft (bulletin du Gruppe Agrar-, Lebensmittel- und Umweltökonomie des Interdepartementalen Instituts für Umweltentscheidungen ETH), 2008, no 3, p. 3.

118 Voir à ce propos les déclarations de Simon Anholt, auteur du «Nation Brand Index» et conseiller du gouvernement britannique: «La réputation de la Suisse en matière de prospérité, de discrétion, d'efficience, d'honnêteté, de neutralité et de fiabilité est l'une des images de marque les plus fortes et les plus positives au monde. La valeur qu'elle apporte aux exportateurs suisses, au tourisme suisse et à presque chaque relation active entre la Suisse et le reste du monde est inestimable.» (traduction libre), in: Peter Leuenberger, Swissness Worldwide, Apunto, Revue des membres des Employés Suisse, 2009, no 1, p. 11.

7826

et services suisses119 qui font que les produits associés à la Suisse se vendent mieux120.

Etablir une réputation est un travail difficile et de longue haleine. Or, elle peut très vite perdre de sa valeur, par exemple en raison de fraudeurs. Si on ne peut plus se fier au fait qu'un produit portant la désignation «Suisse» soit effectivement de provenance suisse, la disponibilité des consommateurs à dépenser plus pour des produits ou des services portant le label «Suisse» et, par ricochets, la plus-value économique réalisable grâce à ce label, décroitra rapidement.

En termes économiques, la désignation «Suisse» et la croix suisse121 représentent des biens immatériels publics. En effet, leur emploi par une personne physique ou morale n'exclut en principe pas leur usage par une autre personne en relation avec un produit similaire ou un autre produit. L'avantage tiré de la désignation «Suisse» par une entreprise qui produit en Suisse n'est en rien diminué par le fait qu'une autre entreprise utilise la même désignation. Par contre, l'emploi abusif par un agent économique est susceptible de diminuer l'avantage général pour tous les ayants droit: il ternit la réputation de la désignation «Suisse»122 et lui fait donc perdre de sa valeur, ce qui a des retombées négatives pour tous les utilisateurs de la désignation.

Pour les producteurs et les prestataires de services, l'investissement de ressources importantes dans la qualité et la sécurité rattachées à la provenance de leur bien n'est donc intéressante que si le danger représenté par les fraudeurs et le risque de voir la valeur de l'indication de provenance être minée sont endigués de manière durable.

S'ils ne peuvent plus se fier à une indication, les consommateurs auront de la peine à évaluer la qualité des produits et des services avant de les acheter et à distinguer leur qualité de celles des produits concurrents. Lorsque la réputation du label «Suisse» comme indication fiable de produits et de services de haute qualité diminue et est mis en cause, l'asymétrie de l'information entre producteurs et consommateurs occasionne des coûts supplémentaires pour ces derniers: ils devront en effet investir 119

Voir Stephan Feige/Benita Brockdorff/Karsten Sausen/Peter Fischer/Urs Jaermann/Sven Reinecke, Swissness Worldwide ­ Internationale Studie zur Wahrnehmung der Marke Schweiz. Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, pp. 14 ss. Pour un résumé actuel voir Stephan Feige/Sven Reinecke/Felix Addor, Das Kreuz mit dem Kreuz. Marketing mit der Schweizer Herkunft, IO New Management, 2009, no 3, pp. 18 à 23.

120 Voir par ex. l'information concernant la menace de délocalisation de la production plânant sur l'entreprise Studer à Regensdorf, spécialisée dans la technique audio: «l'opinion généralement exprimée est que les équipements Studer, qui sont spécialement adaptés aux souhaits des clients, ne sont simplement pas comparables aux produits fabriqués en série en Chine par Soundcraft. Il ne reste plus rien du label 'Swiss Made', qui ne peut être estimé à sa juste valeur pour Studer, a dit Ineichen», in: Tagesanzeiger Online du 15 octobre 2009. Le conseiller national Otto Ineichen s'exprime dans une autre interview: «En discutant avec différents acheteurs des produits Studer, j'ai constaté que le facteur «made in Switzerland» joue un rôle déterminant dans la décision d'achat. J'estime que jusqu'à 80 % des commandes de Studer sont dues à ce facteur Swissness», in: NZZ du 15 octobre 2009, p. 17 (traduction libre).

121 Même si, par la suite, on parle généralement de la désignation «Suisse» et de la croix suisse, ces propos valent généralement pour les indications géographiques et les emblèmes en général, donc par ex. pour les «broderies saint-galloises», le «saucisson vaudois», le «fromage d'alpage tessinois», les «montres genevoises» ou le «pain de seigle valaisan».

122 Le label «Suisse» représente un facteur de valeur significatif. Dans une étude de l'Université de Saint-Gall, 85 % des représentants de fabricants d'articles de marques sondés étaient d'avis que l'association d'un produit ou d'un service avec la Suisse représente un avantage. Voir Torsten Tomczak/Joachim Kernstock/Nicole Schubiger, Internationalisierung Schweizer Marken, Thexis, Saint-Gall, 2002, p. 34.

7827

beaucoup de temps, d'énergie et d'argent pour trouver ce qu'ils cherchent s'ils veulent être certains d'obtenir la qualité souhaitée.

La nature même des indications de provenance en tant que biens publics réclame une intervention de l'Etat si l'on veut éviter les effets négatifs décrits ci-dessus. Les règles proposées dans le projet visent à contrer la perte de réputation et de confiance et à diminuer le dommage économique qui s'ensuit en incitant à investir davantage dans la qualité et l'authenticité des produits et des services suisses et à maintenir et renforcer la Suisse comme lieu de production.

C'est à dessein qu'il n'existe pas de procédure administrative pour délivrer une autorisation d'utiliser la désignation «Suisse» ou la croix suisse et qu'il n'est pas non plus prévu d'en créer une. Cette absence de procédure empêche cependant de déterminer avec précision le nombre d'entreprises qui utilisent aujourd'hui (légalement ou illégalement) ces indications de provenance et le nombre d'entreprises désireuses de le faire à l'avenir. Il existe toutefois des indicateurs. Un sondage réalisé en 2005 auprès des membres de l'Union suisse de l'article de marque (Promarca) a montré que plus de la moitié des 30 entreprises ayant répondu utilisait la marque «Suisse» à côté de leur propre marque (co-branding) et que 40 % entendaient davantage y recourir au cours des cinq prochaines années123. De plus, d'autres indices révèlent que le nombre d'entreprises qui misent délibérément sur la «Suissitude» est en augmentation. On observe par exemple que les grandes entreprises ne sont pas les seules à rapatrier de plus en plus souvent leur production124. Le fait que les dépôts de nouvelles marques contenant l'indication «Swiss» aient plus que quadruplé entre 1995 et 2008 montre cet intérêt croissant. Le nombre de cas d'atteintes à la désignation «Suisse» et à la croix suisse traités chaque année par l'IPI se situe dans le même ordre de grandeur. Ayant plus que doublé depuis 2003, il constitue un bon indicateur de l'augmentation du nombre de fraudeurs.125

3.3.2

Mesures et leurs effets

La croix suisse est de loin le signe distinctif jouissant de la plus grande notoriété pour un produit fabriqué en Suisse126. D'un point de vue économique, la LPASP est un élément fondamental du projet, car elle permet d'utiliser la croix suisse aux 123

Voir Marco Casanova, Die Marke Schweiz ­ Gefangen in der Mythosfalle zwischen Heidi und Willhelm Tell: Aktuelle Herausforderung im Zusammehang mit der Verwendung der Marke Schweiz als Co-Branding-Partner, in: Arndt Florack/Martin Scarabis/Ernst Primosch (éd.), Psychologie der Markenführung, Vahlen, Munich 2007, pp. 541 à 550.

124 Voir par ex. Steffen Kinkel, Warum Firmen die Produktion in die Heimat zurückverlagern, IO New Management, 2009, no 3, pp. 8 à 12.

125 En chiffres absolus, le nombre de marques verbales en vigueur contenant la mention «Suisse», «Swiss», etc. est passé de 635 à plus de 1253 en cinq ans (du 31 août 1994 au 31 août 1999). Le 31 août 2008, le nombre de ces marques était de 3098; un an plus tard, on en dénombre 5463. On constate donc une augmentation de huit fois et demie en l'espace de quinze ans (recherche effectuée le 8 octobre 2009 dans le registre suisse des marques sur Swissreg).

126 Dans une étude conduite dans 66 pays, trois personnes sur quatre ont indiqué que la croix suisse ou le drapeau national était le signe leur permettant de reconnaître un produit ou un service suisse en tant que tel. Au deuxième rang, on trouve les désignations «Swiss made» et «Made in Switzerland». Ensuite, des motifs tels que le Cervin ou l'edelweiss sont aussi associés à la Suisse. Voir Stephan Feige et al., Swissness Worldwide. Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, p. 56.

7828

mêmes conditions que l'indication de provenance «Swiss». Selon la LPASP, la croix suisse pourra être employée comme une indication de provenance non seulement pour des services, mais aussi pour tous les produits suisses, et même être protégée comme élément d'une marque.

Cette nouveauté a une importance particulière pour les producteurs qui utilisent ­ en violation de la réglementation en vigueur ­ la croix suisse à côté de leur propre marque (co-branding). La LPASP ôtera l'épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête et offrira aux entreprises qui remplissent les conditions d'utilisation de la désignation «Suisse» et de la croix suisse une plus grande sécurité juridique.

Le P-LPASP prévoit de réserver en principe les armoiries de la Confédération aux autorités étatiques. Afin de ne pas pénaliser les titulaires de marques comme le Touring Club Suisse ou le Club Alpin Suisse, qui utilisent depuis des décennies les armoiries nationales ou des signes similaires dans leur logo, le projet prévoit cependant la possibilité de poursuivre l'usage sur demande. Ce droit ne s'applique toutefois qu'aux produits qui sont effectivement de provenance suisse.

La modification de la LPM aura pour sa part un double impact économique: premièrement, l'accroissement de la sécurité juridique grâce à la définition de critères d'utilisation de l'indication de provenance et, deuxièmement, la simplification de la mise en oeuvre du droit à l'étranger grâce à divers moyens.

La loi révisée contient (contrairement à la LPM127) des informations détaillées sur les étapes de production ou les matières premières pouvant être prises en compte pour la définition de la provenance. Elle délimite donc clairement le cadre légal dans lequel les entreprises intéressées sont autorisées à employer la désignation «Suisse» et la croix suisse. Le but est de préserver à long terme la plus-value liée à la «Suissitude», c'est-à-dire la part du chiffre d'affaires générée par l'utilisation de l'indication de provenance «Suisse», de protéger les consommateurs des abus et enfin de sanctionner les utilisations abusives.

La nouvelle réglementation accorde une place appropriée à la compréhension des milieux intéressés128 et offre aux juges une marge d'appréciation pour une évaluation cas par cas. Les entreprises qui ne peuvent pas ou ne veulent
pas remplir tous les critères régissant l'utilisation pourront désigner un produit au moyen de termes comme «Swiss Design» ou «Swiss Engineering», au lieu de «Swiss», lorsque seuls le design ou l'ingénierie ont lieu en Suisse (voir commentaire de l'art. 47, al. 3ter, P-LPM; ch. 2.1.2.1). De plus, chaque secteur industriel ou branche conserve la possibilité de trouver une solution sur mesure concrétisant les critères d'utilisation d'une indication de provenance suisse en présentant au Conseil fédéral un projet d'ordonnance spéciale applicable au secteur ou à la branche en question. Le seul secteur à disposer d'une telle ordonnance à ce jour est le secteur horloger (voir commentaire de l'art. 50 P-LPM; ch. 2.1.2.4).

Une autre nouveauté contribuant à l'accroissement de la sécurité juridique et de la transparence ­ et qui réduit donc les coûts ­ est la possibilité d'enregistrer les indica127 128

Voir explications au ch. 1.1.

Voir par ex. l'exception selon laquelle un produit peut être labellisé «Swiss» même sans que les critères correspondants soient remplis si le producteur prouve que l'indication de provenance utilisée correspond à la perception des milieux intéressés (voir commentaire de l'art. 48d, let. b, P-LPM; ch. 2.1.2.2) ou encore les exceptions pour les indications géographiques protégées enregistrées (voir commentaire de l'art. 48d, let. a, P-LPM; ch. 2.1.2.2).

7829

tions géographiques pour les produits non agricoles dans le nouveau registre des indications géographiques. La possibilité d'enregistrer, à certaines conditions, les indications géographiques à titre de marque géographique et d'obtenir ainsi un titre de protection susceptible d'être enregistré et appliqué au niveau international y contribue également.

Ces deux mesures (le registre des indications géographiques et la marque géographique) facilitent la défense des indications géographiques et de la «marque Suisse» en particulier, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger. En raison du principe de territorialité, les normes suisses ne peuvent pas être appliquées à l'étranger. Concrètement, les chances de succès des mesures visant à faire respecter les droits conférés par les indications de provenance sont fonction des accords internationaux que la Suisse a négociés avec le pays concerné, mais aussi des modalités de protection des indications de provenance fixées dans le droit des pays en question, tout comme des moyens mis en oeuvre par les autorités compétentes qui appliquent les lois pour défendre cette protection et les dispositions de droit international en la matière. La défense à l'étranger dépend donc de manière non négligeable des signaux positifs donnés par une réglementation suisse claire et une politique d'application rigoureuse à l'étranger.

Les mesures réglementaires ne donnent pas un mauvis signal à l'étranger (elles ne peuvent notamment pas être vues comme des intentions protectionnistes). Les indications de provenance suisses sont soumises aux critères des art. 48 et 49 P-LPM tandis que les indications de provenance étrangères sont régies par la législation de l'Etat concerné à condition que les consommateurs en Suisse ne soient pas trompés.

Ainsi, chaque Etat définit, dans le cadre de ses engagements internationaux, la rigueur des critères applicables à ses indications en fonction de l'importance et de la valeur qu'il leur attribue.

3.3.3

Conséquences pour différents groupes de la société

Producteurs suisses de produits naturels et de produits naturels transformés Pour les produits naturels (en particulier dans le secteur agricole), le projet n'a qu'un impact mineur car les nouvelles dispositions ont pu être reprises pour l'essentiel de l'ordonnance du 23 novembre 2005 sur l'étiquetage et la publicité des denrées alimentaires (voir commentaire de l'art. 48a P-LPM; ch. 2.1.2.2). L'exigence selon laquelle le lieu de provenance d'un produit naturel doit être le lieu où la croissance du produit s'est déroulée intégralement a été délibérément écartée car il est apparu, lors de la procédure de consultation, que cela ne correspondait pas à la réalité économique.

Pour les produits naturels transformés (en particulier l'industrie des denrées alimentaires), le pourcentage d'au moins 80 % du poids des matières premières utilisées constitue un critère important (voir commentaire de l'art. 48b P-LPM; ch. 2.1.2.2).

A la différence d'une valeur fixe, ce critère permet d'éviter que la promotion d'un produit à l'aide de la désignation «Swiss» se fasse au gré des fluctuations du prix du marché des matières premières. Pour que les producteurs puissent appliquer ces prescriptions en matière de poids, les produits naturels qui ne peuvent pas être produits en Suisse (le cacao, les grains de café, mais aussi les fruits cultivés dans les pays du Sud, certaines graisses végétales, le pétrole, etc.) et les matières premières 7830

qui sont temporairement indisponibles (par ex. en raison d'une mauvaise récolte due à des intempéries) pourront être exclus du calcul des 80 %. Les matières premières qui ne sont pas disponibles en quantité suffisante en Suisse pourront également en être exclues si leur disponibilité insuffisante a été établie dans une ordonnance de branche arrêtée par le Conseil fédéral. Il faut s'attendre à ce que le prix de certaines matières premières indigènes augmente en raison d'une demande accrue. Cette pression incitera l'agriculture à étendre la surface cultivable, ce qui fera à nouveau baisser les prix à moyen terme129.

Dans le secteur des denrées alimentaires, il n'est pas impossible que, pour certains produits dont la promotion se fait aujourd'hui à l'aide de la désignation «Suisse», davantage d'efforts doivent être consentis pour que cette indication de provenance puisse continuer à être employée. Les effets concrets du projet restent incertains, car même la branche se contredit dans ses estimations. Force est pourtant de constater que selon les règles en vigueur, certains produits devraient déjà renoncer à la désignation «Swiss» si on les appliquait de manière stricte130.

Se démarquer au moyen d'une indication de provenance suisse est un facteur déterminant dans le secteur agricole, mais aussi dans celui des produits naturels transformés, pour rester compétitif sur la scène internationale et pour faire face à une concurrence régionale et mondiale qui ne manquera pas de s'exacerber si un accord agricole est signé avec l'UE ou si les négociations en cours à l'OMC conduisent à une nouvelle libéralisation du commerce agricole.

Même si les produits naturels et les produits naturels transformés représentent un important secteur d'activité pour une partie de la population suisse, ils n'entrent que pour une faible part dans le produit intérieur brut131. Les conséquences économiques découlant des nouvelles mesures réglementaires concerneront donc principalement les produits industriels et les services.

Producteurs suisses de produits industriels Les producteurs de produits industriels désireux de promouvoir leur marchandise avec la désignation «Suisse» devront veiller à ce qu'au moins 60 % des coûts de fabrication soient réalisés en Suisse. Selon la nouvelle réglementation, les coûts pour la recherche et
le développement seront pris en considération en plus des coûts de production. Ce changement tient compte du fait que la Suisse est un important lieu d'innovation132. Comme pour les produits naturels transformés, les produits industriels dont les matières premières ne sont pas produites en Suisse (par ex. les métaux, les métaux précieux, le pétrole, le coton, etc.) sont exclus de ce calcul.

129

Voir aussi Hanspeter Schneider, Wir würden auch 80 % schaffen, in: Alimenta, Fachzeitschrift für die Lebensmittelwirtschaft, 2009, no 10, pp. 24 ss.

130 Voir par ex. la liste des produits qui n'ont de suisse que leur désignation, établie par la Fondation pour la protection des consommateurs, disponible à l'adresse suivante: http://www.konsumentenschutz.ch/files/pdfs/downloads/09_08_produktlisteswissness_ august_.pdf.

131 En 2007, l'agriculture et la sylviculture, la chasse, la pêche et la pisciculture, l'industrie agro-alimentaire et des denrées d'agrément ainsi que le travail du bois et la fabrication d'articles en bois (NOGA 1 à 5, 15, 16, 20) représentaient environ 3,6 % du produit intérieur brut suisse (voir OFS, Comptes nationaux).

132 Selon le European Innovation Scoreboard 2008 de l'UE, la Suisse se place en tête de la liste des pays les plus innovateurs d'Europe, suivie des pays scandinaves, voir ProInnoEurope, Innometrics (éd.), European Innovation Scoreboard 2008, 2009.

7831

Grâce à l'inclusion des coûts de recherche et de développement, l'augmentation de dix points par rapport au pourcentage actuel ne posera pas de problème aux entreprises dont les produits requièrent d'importants travaux de recherche133. Cette modification pourrait même leur permettre d'élargir leur éventail de produits munis de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse. Les entreprises estimant que cette augmentation entraînera des coûts trop importants pour elles, malgré les diverses exception prévues, pourront se rabattre sur des désignations telles que «Swiss design» ou «Swiss engineering», dès lors que cette étape de la production se déroule intégralement au lieu indiqué (voir commentaire de l'art. 47, al. 3ter, P-LPM; ch. 2.1.2.1).

Le projet apporte enfin un autre avantage économique considérable en permettant ­ ce qui est nouveau pour les produits suisses ­ l'utilisation de la croix suisse à côté de leur propre marque (co-branding), de manière analogue à ce qui se fait pour les services.

Producteurs étrangers Les producteurs pourront utiliser la désignation «Suisse» ou la croix suisse lorsqu'ils remplissent les critères correspondants, que les sociétés soient étrangères ou suisses.

Cette possibilité peut constituer un attrait considérable pour ces entreprises, qui pourraient transférer ou garder des parts de production et de recherche en Suisse.

Prestataires de services Pour les prestataires de services, la provenance de leurs produits est déterminée par le siège de l'entreprise prestataire. De plus, le centre effectif de l'administration devra aussi se trouver en Suisse. La nouvelle réglementation vise à éviter que des «sociétés boîtes aux lettres» tirent également profit de la plus-value conférée par la «Suissitude». Cet objectif s'explique par la nécessité de défendre la réputation des indications de provenance suisses.

Le secteur des services gagne régulièrement en importance134. C'est justement ici que l'on a pu constater récemment combien la réputation de la «Suissitude» est fragile (par ex. immobilisation au sol des avions de Swissair, effets sur le secteur bancaire de la crise financière et des nouveaux standards de l'OCDE relatifs à l'assistance administrative en matière fiscale) et combien il est important de rétablir le plus rapidement possible notre excellent niveau de qualité en vue de redorer non seulement, pour l'activité de services ou pour la branche touchée, une réputation

133

La chimie et l'industrie pharmaceutique, l'industrie de la métallurgie et des machines et l'industrie alimentaire comptent parmi les branches les plus actives au niveau de la recherche. Ces secteurs (NOGA 15 à 16, 23 à 25, 27 à 34, 72 à 73) représentent quelque 20 % de la création de valeur en Suisse (voir OFS, indicateurs science et technologie, Comptes nationaux).

134 Voir par ex. OFS, Indicateurs du marché du travail 2008, OFS, Neuchâtel, 2008, p. 12: «Entre 2002 et 2007, le marché du travail poursuit son processus de tertiarisation [c'est-àdire la tendance vers le secteur des services]. En effet, le secteur des services constitue le moteur de la croissance économique et de la création d'emploi. ».

7832

entachée, mais aussi le label «Suisse» et de regagner la confiance des consommateurs135.

Petites et moyennes entreprises (PME) Les PME fournissent environ deux tiers des emplois en Suisse136. Dans un contexte toujours plus international, les réseaux de distribution hors de Suisse prennent de plus en plus d'importance137. Dans ce contexte concurrentiel, il peut être d'autant plus important pour les PME, qui sont souvent des entreprises de niche, de consolider ou d'étendre un avantage compétitif fondé sur des critères de qualité particuliers ou sur la provenance suisse. L'indication de provenance suisse a un impact dans le monde entier et celui-ci est d'une grande importance économique. Ainsi, l'utilisation de la désignation «broderie saint-galloise» et le bénéfice tiré de la réputation de celle-ci sont, pour beaucoup d'entreprises textiles en Suisse orientale, une condition indispensable à leur survie sur le marché international des textiles.

Pour les PME notamment, il est important de pouvoir jauger, outre les avantages qu'apportent l'utilisation de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse, les éventuelles dépenses auxquelles elles devront faire face. Comme l'emploi de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse ne nécessitera aucune autorisation officielle ou une procédure de licence, les coûts pour les entreprises souhaitant établir si leurs produits ou leurs services remplissent les nouveaux critères d'emploi ne devraient pas varier de ce qu'elles dépensent aujourd'hui pour répondre à cette question. Il se peut qu'initialement l'éclaircissement d'un processus de fabrication complexe génère un surcroît exceptionnel de coûts. En effet, l'instauration de nouvelles règles régissant l'emploi de la désignation «Suisse» et de la croix suisse pourrait inciter certaines entreprises à reconsidérer et à redéfinir leur image de marque138. Pour le reste, on peut se reporter aux paragraphes ci-dessus exposant les conséquences du projet pour les producteurs de produits naturels transformés ou de produits industriels139.

135

136 137

138

139

Le retour à un haut niveau de compétitivité réussi à court terme par la Suisse se traduit par son accession au premier rang dans l'édition actuelle du Global Competitiveness Report du World Economic Forums; voir Schwab Klaus, The Global Competitiveness Report 2009 à 2010. World Economic Forum, Geneva, 2009). A moyen et long terme, la préservation de la réputation de la marque «Suisse» joue également un rôle important: «Jon Cox, an analyst at Kepler Capital Markets, said promoting the Swiss brand would set the country up well for a recovery. 'The whole trend towards premium products will go on even if it is a trend towards less conspicuous consumption,' he said.», in: New York Times, 25/26 juillet 2009.

Franz Jaeger et al., KMU-Landschaft im Wandel. Eine Studie anhand der Betriebszählungen 1998, 2001 und 2005, OFS, Neuchâtel, 2008.

Selon une étude de la Banque nationale suisse, près de 70 % des PME suisses interrogées connaissent une croissance plus forte ou sensiblement plus forte sur le marché des exportations que sur le marché intérieur, voir Thomas Kübler, Exportorientierte KMU ­ Herausforderungen beim Aufbau neuer Märkte, in: Bulletin trimestriel de la BNS, 2008, no 1, pp. 44 à 51.

Sur mandat du Forum PME de la Confédération, la Chambre de commerce du canton de Vaud a dressé une liste en 2008 des compositions de neuf produits (huit produits industriels et un produit naturel tranformé) susceptibles de se voir délivrer un certificat d'origine suisse selon les règles douanières. Parmi ces neufs produits, quatre pourraient vraisemblablement être désignés à juste titre par une indication de provenance suisse selon le droit des marques et des armoiries en vigueur (sur la base des indications ressortant de la liste dressée par la chambre de commerce). Les modifications de la loi sur les marques et de la loi sur la protection des armoiries ne changeraient rien à cette situation.

Pour un aperçu des coûts et des avantages, voir ch. 3.3.4.

7833

Afin de contenir au maximum les coûts induits par le changement pour les PME, l'IPI prépare, sur la base de son mandat d'information, des mesures d'appoint pour les PME comprenant diverses opérations grand public qui seront déployées dès le deuxième semestre 2010140. Les particuliers et les entreprises peuvent obtenir gratuitement des renseignements à ce sujet en s'adressant directement à l'IPI.141 Consommateurs Lorsque les consommateurs optent pour des produits de qualité de provenance suisse, ils sont en règle générale prêts à payer un prix plus élevé142. Il est donc également dans leur intérêt, voire principalement dans leur intérêt, que les informations sur la provenance des produits et leurs qualités, découlant de l'utilisation de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse, soient fiables et si possible harmonisées143.

3.3.4

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Accroissement de l'attractivité de la Suisse comme lieu de production La présence d'entreprises suisses à l'étranger est en hausse. En 2006, plus de 2,1 millions de personnes travaillaient dans les filiales étrangères d'entreprises suisses144. Les mesures proposées visant à préserver la valeur de la «marque Suisse» les inciteront à multiplier à nouveau leurs investissements en Suisse145. Il est donc possible que le projet conduise certaines entreprises qui ont jusqu'ici peu recours à la «Suissitude»146, à transférer ou à rapatrier une part de production suffisante en Suisse afin de pouvoir bénéficier des avantages commerciaux découlant de l'indication de provenance «Suisse».

140 141

142

143

144 145 146

Voir https://www.ige.ch/fr/institut/institut/projets-cooperations/projet-pme-pi.html.

Par téléphone: 031 377 77 77; par courriel: info@ipi.ch ou kmu@ipi.ch; par courrier postal: Institut fédéral de la propriété intellectuelle, Centre de contact, Stauffacherstrasse 65/59g, 3003 Berne.

Ainsi, les résultats de deux enquêtes de l'EPFZ relatives au comportement des consommateurs montrent par ex. qu'en matière d'achat de viande de volaille et de pommes que «près de 85 % des consommateurs préfèrent à prix égal, acheter un produit suisse», voir Conradin Bolliger, Produktherkunft Schweiz: Schweizer Inlandkonsumenten und ihre Assoziationen mit und Präferenzen für heimische Agrarerzeugnisse. Tagungsband der 18. Jahrestagung der Österreichischen Gesellschaft für Agrarökonomie, 2008.

Le sondage représentatif réalisé en 2003 sur mandat de l'OFAG a établi que la majorité des personnes interrogées attend d'un «produit portant une indication de provenance suisse qu'il provienne effectivement à 100 % de Suisse», OFAG, Rapport agricole 2003, Berne 2003, p. 146. Dans un sondage semblable datant de 2007, 80 % des personnes interrogées s'attendent à ce que la nourriture produite en Suisse le soit avec des conditions plus sévères qu'à l'étranger, OFAG, Herkunft von Landwirtschaftprodukten 2007, Berne, 2007. Dans le même sondage, plus de 50 % des personnes interrogées ont répondu qu'elles étaient prêtes à payer jusqu'à plus du double pour des pommes, du lait, de la viande ou des oeufs, lorsque ces produits étaient produits en Suisse (question 4).

Voir Banque nationale suisse, Evolution des investissements directs en 2006, Zurich, 2008.

Voir par ex. Steffen Kinkel, Warum Firmen die Produktion in die Heimat zurückverlagern, IO New Management, 2009, no 3, pp. 8 à 12.

Par ex. dans la branche de la chimie et de la pharmaceutique, dans l'industrie des machines et de la construction d'installations de même que dans la branche informatique et en partie dans le secteur de la mode. Voir Stephan Feige et al., Swissness Worldwide.

Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, pp. 36 ss.

7834

Cet élément sera d'autant plus décisif pour les sociétés suisses qui ont l'intention de transférer leur production à l'étranger mais qui tirent déjà un avantage indéniable de l'utilisation de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse (voir ill.). La révision les incitera en effet à maintenir une part essentielle de la production ou le siège de la société en Suisse ou encore à utiliser davantage de matières premières suisses plutôt qu'étrangères147. Les mesures prévues sont donc profitables à la production intérieure suisse.

Illustration: forces et faiblesses des produits suisses en comparaison internationale148 Zuverlässigkeit 1. Schweiz (ø 4.15) 2. Deutschland (ø 4.11) 3. Japan (ø 3.69) 4. USA (ø 3.05) 5. China (ø 2.05) Tradition 1.

2.

3.

4.

Schweiz (ø 3.94) Deutschland (ø 3.85) Japan (ø 3.19) USA (ø 2.52)

5. China

Int. Spitzenqualität 1. Deutschland (ø 4.22) 2. Schweiz (ø 4.19)

Im Trend

Preisgünstig

1. Japan (ø 4.05) 2. USA (ø 3.80) 3. Deutschland (ø 3.26) 4. Schweiz (ø 3.05) 5. China (ø 2.79)

1. China (ø 4.16) 2. Japan (ø 3.48) 3. USA (ø 3.33) 4. Deutschland (ø 2.91) 5. Schweiz (ø 2.33)

Exklusivität

3. Japan 4. USA

(ø 4.01) (ø 3.29)

1.

2.

3.

4.

Schweiz (ø 4.08) Deutschland (ø 3.46) Japan (ø 2.95) USA (ø 2.75)

(ø 2.25) 5. China

(ø 2.23)

5. China

(ø 1.90)

Innovativ 1.

2.

3.

4.

5.

Japan (ø 4.28) Deutschland (ø 3.79) USA (ø 3.54) Schweiz (ø 3.37) China (ø 2.60)

Int. Respekt

5 = stimme voll zu 1 = stimme gar nicht zu

1. Deutschland (ø 4.15) 2. Schweiz (ø 4.09) 3. Japan (ø 3.95) 4. USA (ø 3.35) 5. China (ø 2.32)

5 = stimme voll zu 1 = stimme gar nicht zu

Aperçu des coûts et des avantages attendus Les coûts et les avantages découlant du projet législatif ne peuvent être quantifiés qu'en partie.

La conservation de la plus-value conférée par la réputation de la «marque Suisse», tant sur le marché suisse que sur les marchés d'exportation, compte au nombre des premiers avantages chiffrables du projet de révision. Selon une étude internationale réalisée en 2008, les consommateurs sont prêts à payer environ 20 % de plus pour des biens de consommation portant le label «Suisse»149, par exemple des montres, des bijoux ou du fromage. Si on prend l'exemple de l'industrie horlogère, qui a exporté pour 17 milliards de francs en 2008, cela équivaudrait à une plus-value de 3 à 3,5 milliards de francs pour l'année 2008. Pour la même année de référence, on arrive pour l'industrie des bijoux, sur la base du même calcul en partant d'exportations à hauteur de 4,8 milliards de francs, à une plus-value de 960 millions de francs induite par l'indication de provenance suisse et, pour l'industrie du choco147

Dans le questionnaire PME annuel de l'OFS, 48 % des PME ont répondu qu'elles pouvaient imaginer une délocalisation partielle ou totale à l'étranger pour les raisons les plus diverses. Voir Franz Jaeger et al.: «KMU-Landschaft im Wandel. Eine Studie anhand der Betriebszählungen 1998, 2001 und 2005», OFS, Neuchâtel, 2008.

148 Source: Stephan Feige et al., Swissness Worldwide. Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, p. 32, ill. 18.

149 Voir Stephan Feige et al., Swissness Worldwide. Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, p. 57. Selon cette étude, dans les trois secteurs de biens de consommation cités dans ce paragraphe, la signification du pays d'origine et le lien avec la Suisse sont très importants (voir ill. 25, p. 39).

7835

lat, sur la base d'un volume d'exportations de près d'un milliard de francs, à une plus-value de près de 200 millions de francs150. Rien que pour ces trois branches, qui bénéficient, selon l'étude de l'Université de Saint-Gall précitée, d'une plus-value de 20 % découlant de la réputation de la «marque Suisse», on arrive à un total d'environ 4,5 milliards de francs pour l'année 2008.

Il est possible de se livrer à un calcul similaire avec les données de l'Association suisse des AOC-IGP. Sur la base de différentes études, celle-ci part aussi du principe que les produits suisses qui sont enregistrés en tant qu'AOC ou IGP génèrent actuellement une plus-value liée à la «Suissitude» de presque 20 % sur le marché intérieur et à l'étranger. Sur un chiffre d'affaires de près d'un milliard de francs, la plus-value équivaut à 200 millions.151 D'autres branches également, que l'on associe (pour le moment) moins à la Suisse, pourraient également réaliser une plus-value si elles offraient des produits ou des services présentant des caractéristiques que les consommateurs attribuent aux produits et aux services suisses. Par exemple, pour l'industrie suisse des machines, l'étude de l'Université de Saint-Gall estime que cette plus-value pourrait représenter 1 à 2 % du chiffre d'affaires152, autrement dit 1,2 milliard de francs (soit 1,5 % des 80 milliards de francs d'exportations de machines enregistrées en 2008 selon Swissmem). Si l'on ajoute ce montant aux 4,5 milliards précités, la plus-value générée par la «marque Suisse» pour les quatre branches mentionnées représente environ 1 % du produit intérieur brut. Le projet a pour objectif de maintenir cette plus-value sur le long terme pour chacune des ces branches.153 Le projet législatif est conçu de sorte à limiter au maximum les coûts pour l'économie, surtout au niveau des charges administratives. C'est donc à dessein que l'on n'a pas retenu les modèles administratifs centralisés proposés par certains, par exemple celui d'une «marque de garantie Suisse» administrée par la Confédération ou par une fondation154. Ce modèle aurait eu pour inconvénient, à l'instar d'autres labels utilisés couramment dans le marketing, de nécessiter une procédure adminis150 151

152 153

154

Voir la statistique du commerce extérieur suisse de l'Administration fédérale des douanes pour ce qui est des volumes d'exportation (base de données Swiss-Impex).

En cas de perte de la moitié de la réputation du label suisse à moyen terme, l'Association suisse des AOC-IGP estime non seulement que la plus-value générée par la «Suissitude» diminuerait de moitié (elle ne s'éleverait donc plus qu'à 100 millions de francs), mais que le chiffre d'affaires à l'exportation se contracterait de moitié (­200 millions) et celui sur le territoire suisse de 20 % (­120 millions). Ces baisses occasionneraient des coûts annuels (sans compter ceux imputables aux étapes de commercialisation en aval) pour les producteurs de biens AOC-IGP de près de 420 millions de francs. Ces coûts peuvent être évités grâce au projet. L'Association suisse des AOP-IGP évalue inversément que les critères proposés dans le cadre du projet, qui sont plus stricts, contribueraient à faire progresser les ventes de près de 20 %, ce qui équivaudrait à une augmentation du chiffre d'affaires de quelque 200 millions de francs.

Voir Stephan Feige et al., Swissness Worldwide. Etude de l'Université de Saint-Gall et al., 2008, p. 57.

Même si certains sont d'avis qu'en temps de récession la «Suissitude» pourrait générer une plus-value encore plus forte (voir par ex. Dominique von Matt, chef de l'agence de publicité Jung von Matt/Limmat: «The Swiss reputation for reliability, quality and precision have even more value now than before the recession» (La Suisse est synonyme de fiabilité, de qualité et de précision; la valeur de cette réputation est encore plus grande aujourd'hui qu'avant la récession» (traduction libre), in: «Made in Switzerland» brand retains its appeal», swissinfo.ch, 12 juin 2009), les chances de voir la plus-value dépasser la barre des 20 % susceptible d'être atteinte dans certaines branches sont plutôt minces.

Voir ch. 3.3.5.

7836

trative lourde et coûteuse pour l'octroi de licences. La nouvelle réglementation ne modifie donc en rien la situation actuelle: le label «Swiss» pourra être employé sans attestation ni autorisation administrative ou autre.

Il se peut toutefois que des efforts supplémentaires doivent être consentis pour certains produits afin de les rendre conformes aux nouveaux critères (voir ch. 3.3.3).

A défaut, les producteurs ont la possibilité d'opter pour d'autres désignations comme «Swiss design», «Swiss engineering» ou «Fabriqué en Suisse». La menace d'une perte de la plus-value engendrée par la réputation de la marque Suisse pourra ainsi être écartée.

Aperçu des retombées économiques positives et négatives escomptées

Retombées négatives probables

Avec le projet Retombées positives probables

Eventuels coûts supplémentaires occasionnés par l'examen ou la redéfinition de l'image de marque en raison de l'introduction de nouveaux critères régissant l'emploi de la désignation «Suisse» ou de la croix suisse.

Préservation de la réputation de la «marque Suisse» et donc de la plus-value générée par la «Suissitude» pour toutes les entreprises produisant, se fournissant en matières premières ou fournissant des services en Suisse.

Perte de la plus-value générée par la réputation de la «marque Suisse» pour les produits qui ne remplissent pas les nouveaux critères (ces inconvénients sont diminués par la possibilité de produire à l'échelle globale, et donc à moindre coût, et sans devoir supporter les charges imposés par les critères régissant l'emploi de la «marque Suisse»).

Maintien de la compétitivité internationale, en particulier pour les PME et les entreprises de niche qui peuvent utiliser la désignation «Suisse» et la croix suisse.

Coûts supplémentaires pour faire en sorte que les produits non conformes à la nouvelle réglementation régissant l'emploi de la désignation «Suisse» et de la croix suisse satisfassent aux nouveaux critères plus stricts (par ex.

changement de lieu de production, changement de certains fournisseurs de matières premières et/ou d'autres fournisseurs).

Maintien et création d'emplois dans les métiers traditionnels ou régionaux, dans la production de produits naturels (agriculture) et dans la recherche et le développement.

Simplification des moyens de poursuivre les atteintes à la désignation «Suisse» et à la croix suisse à l'étranger, notamment grâce au registre des indications géographiques, et possibilité de faire enregistrer une marque géographique en Suisse et de faire enregistrer ce titre de protection au niveau international par l'association de la branche, ce qui en facilite l'application.

Possibilité de limiter la référence à la Suisse à des étapes de production réalisées entièrement en Suisse, par exemple par l'emploi de termes comme «Swiss design» ou «Swiss engineering».

Possibilité d'apposer la croix suisse à des fins commerciales sur les produits qui satisfont aux critères d'emploi définis dans le projet.

7837

Retombées négatives probables

Sans le projet Retombées positives probables

Impossibilité d'utiliser légalement la croix suisse sur les produits à des fins commerciales, même si ceux-ci ont été entièrement fabriqués en Suisse.

Pas de charges éventuelles liées à l'examen et à la redéfinition de l'image de marque.

Insatisfaction croissante des milieux concernés en raison d'une sensibilisation accrue à la problématique d'où le risque d'une application plus rigoureuse de l'interdiction d'utiliser la croix suisse à des fins commerciales.

La plus-value générée par la réputation de la «marque Suisse» peut être obtenue par toute entreprise réalisant 50 % des coûts de production ou l'étape essentielle de production en Suisse (= réglementation en vigueur).

Risque d'érosion de la réputation de la «marque Suisse» en raison de fraudeurs.

Risque d'érosion de la plus-value de la «Suissitude» pour les entreprises qui se réclament du lieu de production suisse. Perte de compétitivité et risque de délocalisation et de suppression d'emplois.

Maintien des difficultés à obtenir et à mettre en oeuvre la protection de l'indication de provenance «Suisse» à l'égard de fraudeurs à l'étranger.

Impact négatif l'étranger: la Suisse est incapable de préserver durablement la réputation de son propre nom.

Conséquences sur la concurrence Les mesures prévues pour renforcer la protection des indications de provenance suisses et des signes publics ne constituent pas une restriction illicite en termes de concurrence. La compétitivité entre les produits n'est donc en rien entravée et les marchés demeurent aussi ouverts qu'aujourd'hui. Plusieurs producteurs peuvent continuer à vendre des produits similaires sous des désignations (marques) différentes, mais en employant la même indication de provenance géographique. De plus, renforcer la protection d'une indication de provenance n'empêche aucunement les fabricants qui ne remplissent pas les conditions régissant son emploi de fabriquer leurs produits et d'offrir leurs services: la nouvelle réglementation leur interdit seulement de les promouvoir au moyen d'une indication de provenance inexacte.

L'introduction de la nouvelle marque géographique au sens des art. 27a ss P-LPM n'entraîne pas non plus de conséquences illicites en termes de concurrence. Elle permet uniquement aux associations suisses de producteurs habilitées de mieux protéger et défendre, à l'étranger notamment, les AOC et les IGP, de même que les indications de provenance «Suisse» définies dans une ordonnance de branche. Sur le long terme, ce nouvel outil de protection nationale améliorera la compétitivité sur le marché mondial des entreprises produisant en Suisse. Pour le reste, la nouvelle réglementation n'a pas de conséquences sur la concurrence.

7838

3.3.5

Réglementations possibles

Le statu quo n'est pas envisageable. La situation actuelle est insatisfaisante en raison du fossé entre le droit et la réalité. Les critères en vigueur, peu précis, sont en outre insuffisants, voire dépassés, compte tenu de l'évolution des systèmes de production.

De plus, la législation en vigueur favorise les fraudes et conduit à une dilution insidieuse de l'indication «Suisse» avec, pour conséquence, une perte en termes d'image pour les «véritables» produits et services suisses155. Il est essentiel (notamment eu égard au cycle de négociations de l'OMC) de garantir le haut niveau de protection des indications de provenance préconisé par la Suisse sur la scène internationale pour toutes les catégories de produits.

La codification de la maigre législation cantonale actuelle sur les produits industriels a également fait l'objet d'un examen. Toutefois, les critères relatifs à ces produits156 ne peuvent pas être repris tels quels dans une réglementation adéquate et adaptée aux circonstances pour les produits impliquant une forte activité de recherche, ni d'ailleurs pour les denrées alimentaires, vu qu'un critère de valeur y est étranger et ne peut être appliqué par les autorités cantonales d'exécution. Cette solution a été écartée.

La possibilité de créer une marque de garantie «Suisse» générale a aussi été examinée. Une telle réglementation impliquerait que toutes les branches économiques se mettent d'accord sur des critères communs, qui seraient alors intégrés dans le règlement de la marque. Elle entraînerait de surcroît des charges administratives supplémentaires pour les utilisateurs de cette marque engendrées par l'examen et la délivrance d'autorisation individuelle d'utilisation et des coûts de licence. Cette solution ferait double emploi avec la possibilité donnée à l'art. 50 LPM d'élaborer des ordonnances de branche. Or cette possibilité permet au Conseil fédéral de garantir et de faciliter l'élaboration de critères communs. De plus, l'administration et la défense judiciaire d'une marque de garantie «Suisse» à l'échelon mondial par la Confédération ou une fondation à créer spécialement à cette fin exposeraient inutilement le budget de la Confédération à des risques procéduraux ­ en raison des frais d'enregistrement de la marque, des frais d'avocat et de procédure ­ et le chargeraient de façon disproportionnée.

3.3.6

Aspects pratiques de l'exécution

Les mesures prévues permettent de préciser les critères de provenance. La transparence qui en découle crée davantage de sécurité juridique et rend plus aisée l'exécution de la protection de la désignation «Suisse» et de la croix suisse pour les autorités cantonales chargées d'appliquer la loi. L'unique structure administrative à instaurer (nouveau registre des indications géographiques) et l'intervention accrue de la Confédération en cas d'abus seront assumées par l'IPI et ne représentent aucune charge supplémentaire pour la Confédération en raison de l'autonomie financière de ce dernier.

155

Voir l'étude de Swiss Branding Experts qui montre que les entreprises suisses sont aujourd'hui prêtes à faire des compromis en matière de qualité et de fiabilité (Thomas Schürpf, Weckruf für die Marke Schweiz, in: NZZ Online, 24 avril 2009).

156 Par ex.: foulards, porte-plumes.

7839

Pour les entreprises, la procédure de dépôt d'une marque (qui peut déjà être effectuée de manière entièrement électronique) demeure inchangée. La charge de travail liée aux demandes et aux enregistrements dans le nouveau registre des indications géographiques sera semblable à celle pour le registre des AOC-IGP tenu par l'OFAG. Grâce aux nouvelles dispositions pénales et civiles et aux nouvelles possibilités d'action de l'IPI, la protection des marques renvoyant à la «Suissitude» sera facilitée pour les titulaires sur le marché indigène et à l'étranger, ce qui aura un effet positif sur la réputation de la Suisse, au vu de l'augmentation des violations observées ces dernières années, en particulier à l'étranger.

Pour certains produits, il existe déjà un contrôle officiel de leurs caractéristiques et donc, entre autres, de leur provenance. C'est par exemple le cas des denrées alimentaires, qui sont examinées par les autorités d'exécution cantonales (chimistes cantonaux). La nouvelle réglementation ne crée pas de tâche supplémentaire pour ces autorités d'exécution, elle ne fait que modifier une tâche déjà existante. En effet, les autorités d'exécution examineront la provenance ou la tromperie du consommateur, non plus au regard de divers actes législatifs fédéraux, mais essentiellement sur la base des critères énoncés à l'art. 48 P-LPM. Un renvoi correspondant sera intégré par le Conseil fédéral dans le droit des denrées alimentaires.

4

Liens avec le programme de la législature et le plan financier

Le projet de révision législative est annoncé dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 2011157 et dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 2011158.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

Le projet de modification de la LPM et la nouvelle loi sur la protection des armoiries se fondent sur l'art. 122 Cst.

Les critères déterminant la provenance des produits sont compatibles avec la législation relative aux denrées alimentaires (voir le commentaire au ch. 1.4.1). Le projet est également parfaitement compatible avec la révision partielle de loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC), puisque les nouvelles exigences en matière d'indications de provenance ne sont pas considérées comme des obstacles au commerce. Même si elles pouvaient l'être, elles seraient justifiées par des motifs de protection de la propriété industrielle et commerciale, ainsi que de loyauté de la circulation commerciale et de protection des consommateurs, dans la mesure où elles respectent le principe de la proportionnalité (voir ch. 1.6).

Si un producteur souhaite apposer sur son produit, outre les déclarations obligatoires requises par les prescriptions techniques, la désignation «Suisse» ou la croix suisse ­ 157 158

FF 2008 671 706 FF 2008 7746

7840

non obligatoires! ­ à des fins promotionnelles, il continuera d'être soumis aux critères régissant l'utilisation de ces indications de provenance. Il devra se conformer à ces critères même s'il met en valeur une déclaration requise par les prescriptions techniques ou s'il l'utilise à des fins publicitaires ou comme label pour faire ressortir la provenance du produit, sinon le consommateur serait manifestement induit en erreur. Ainsi, si le principe Cassis de Dijon, repris unilatéralement par la Suisse dans le cadre de la révision partielle de la LETC, autorise la mise sur le marché d'un produit fabriqué en Suisse conformément à des prescriptions techniques étrangères, son application ne constitue ni un obstacle, ni une autorisation à l'utilisation de l'indication de provenance «Suisse». Il est en effet admissible de limiter le principe Cassis de Dijon si des intérêts supérieurs l'exigent; ce qui est le cas du respect des droits de propriété intellectuelle en vigueur dans le pays importateur159.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

5.2.1

Traités multilatéraux

Les conventions internationales pertinentes devant être prises en considération dans le cadre du projet de révision sont: la CUP, l'accord sur les ADPIC et la première Convention de Genève.

La CUP interdit l'usage d'indications de provenance trompeuses (art. 10bis). Elle interdit également l'utilisation et l'enregistrement en tant que marques des armoiries d'Etat et de leurs imitations au sens héraldique, à moins que les pouvoirs compétents n'aient accordé leur autorisation (art. 6ter).

L'accord sur les ADPIC prévoit l'application du principe du traitement national (art. 3) et de celui de la nation la plus favorisée (art. 4). Par ailleurs, il interdit l'utilisation d'indications géographiques fausses ou propres à induire en erreur (art. 22 et 23). Enfin, la protection dont jouissaient les indications géographiques immédiatement avant l'entrée en vigueur de l'accord (janvier 1996 pour la Suisse) ne doit pas diminuer.

La première Convention de Genève interdit l'emploi de la croix suisse pour désigner des produits notamment lorsqu'il en résulte un risque de confusion avec l'emblème de la Croix-Rouge (art. 53).

5.2.2

Compatibilité avec le droit communautaire

A la lumière du droit communautaire, les critères établis aux art. 48a ss P-LPM pour la protection de la désignation Suisse sont un moyen nécessaire pour protéger les indications de provenance (qui font partie de la propriété industrielle) et préserver le principe de loyauté dans les échanges commerciaux, aussi bien pour les consommateurs que pour la concurrence entre entreprises, malgré les éventuelles restrictions de la circulation des marchandises. Le projet inscrit aux art. 48a ss des critères similaires à ceux retenus dans le code des douanes communautaire qui est appliqué par de nombreux Etats membres. La notion de transformation, appliquée aux produits 159

Voir notes 37 et 160 («American Bud» et «Exportur»).

7841

naturels transformés (art. 48b, al. 4), correspond à celle de «dernière transformation ou d'ouvraison substantielle». Le critère retenu dans le projet pour les produits industriels revêt l'avantage de donner une précision supplémentaire puisqu'il définit déjà expressément que le lieu de la provenance est le lieu où s'est déroulée l'activité ayant donné au produit ses caractéristiques essentielles (art. 48c, al. 4). Un critère fondé sur le pourcentage est régulièrement appliqué à l'étranger, comme le pourcentage des coûts examiné par des tribunaux français (voir ch. 1.6). Répondant à la même logique (pour les produits naturels transformés), le critère du pourcentage du poids doit être considéré de façon similaire, d'autant qu'il est plus adapté aux produits naturels transformés.

De l'avis du Conseil fédéral, les critères retenus aux art. 48 ss respectent le principe de la proportionnalité et sont par conséquent compatibles avec le droit communautaire. En particulier, le critère des 60 % proposé à l'art. 48c, al. 1 est certes plus élevé que l'actuel critère jurisprudentiel des 50 %, mais l'assiette de calcul est plus large. En effet, en plus des coûts de fabrication proprement dit, les coûts de recherche et de développement peuvent être pris en compte. Pour les produits naturels transformés, le critère des 80 % du poids est le pendant du critère des 60 % des coûts de production. En effet, lors de la procédure de consultation, le critère des coûts a été critiqué en relation avec les produits naturels transformés et les participants ont plaidé pour un critère plus adéquat, à savoir le critère du poids (voir ch. 1.4.3.3). Ce critère du poids est plus adapté aux caractéristiques des produits naturels transformés. Ainsi, pour chaque catégorie de produits, le projet retient désormais le critère le plus pertinent, c'est-à-dire celui qui se base sur l'élément essentiel déterminant la provenance du produit. En d'autres termes, le critère déterminant est retenu en répondant à la question «qu'est-ce qui fait le produit?». Le taux retenu de 80 % repose sur le fait que la matière première ne représente qu'une partie des coûts de production, qui comprennent également tout le travail effectué sur la matière première. Si seule la matière première est prise en considération, il faut augmenter le taux qui lui est
applicable afin que l'exigence prévue soit équivalente à celle applicable aux coûts. Pour cette raison déjà, le taux retenu doit être supérieur à 60 %. Le taux retenu, fixé à 80 %, est considéré comme approprié parce qu'il est proche des attentes des consommateurs160 et constitue un compromis adéquat entre des exigences plus élevées (par ex., dans le cadre de la procédure de consultation, 100 % demandé par l'Association AOC-IGP ou 90 % demandé par FPC, Prométerre, USS, BIO-SUISSE) qui ne tiendraient guère compte de la réalité économique et un taux plus bas proche du taux de 60 % retenu pour les produits industriels. Ce dernier serait trop faible et ne permettrait pas de garantir qu'une part suffisante de matières premières suisses compose le produit.

En outre, pour les produits naturels transformés et pour les produits industriels, la possibilité d'exclure les produits naturels qui ne peuvent pas être produits en Suisse, ceux qui ne sont pas disponibles temporairement ou, à certaines conditions, la matière première qui n'est pas disponible en quantité suffisante, confirme que la solution retenue respecte le principe de la proportionnalité. Enfin, l'art. 48d, let. b, qui donne la possibilité à un producteur qui ne réalise pas les conditions des art. 48a ss de démontrer que l'indication de provenance qu'il utilise correspond à la compréhension des milieux intéressés (voir commentaire de l'art. 48d, let. b), correspond à l'objectif général qui est d'éviter qu'une indication de provenance soit utilisée de 160

Voir ch. 2.1.2.2, note de bas de page no 56.

7842

façon inexacte ou trompeuse pour les consommateurs ou, plus généralement, pour les milieux intéressés.

Pour les indications de provenance étrangères, l'application du droit du pays d'origine (voir commentaire de l'art. 48, al. 5) est conforme à la jurisprudence communautaire161, de même que la réserve de l'éventuelle tromperie des consommateurs suisses. En effet, la CJCE a expliqué que c'est en principe au regard des conditions et des conceptions du pays de protection que s'apprécie l'existence d'une tromperie des acheteurs nationaux.

5.2.3

Accord de libre échange entre la Confédération suisse et la CEE de 1972 (ALE)

Aux termes de l'art. 13, paragraphe 1, de l'accord ALE, aucune nouvelle restriction quantitative à l'importation ni mesure d'effet équivalent ne doivent être introduites dans le trafic de marchandises entre la Communauté et la Suisse. En vertu de l'art. 20 ALE, des restrictions à l'importation peuvent être justifiées à certaines conditions, notamment pour des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale.

Les art. 13 et 20 ALE figurent parmi les dispositions centrales de l'accord de libreéchange. Selon la CJCE, dans la mesure où l'accord comporte, en ce qui concerne les échanges entre les parties contractantes, des règles identiques à celles des articles du traité, il n'existe «(...) pas de raison pour interpréter ces règles [en référence aux dispositions de l'ancien accord de libre-échange Norvège-CE identiques aux art. 28 et 30 du traité CE] différemment que les articles du traité»162.

A l'instar de l'interprétation de l'art. 28 du traité CE, la protection de la désignation «Suisse» et de la croix suisse, et notamment les exigences prévus aux art. 48b et 48c P-LPM, pourraient être qualifiées d'entrave au commerce ou de mesures d'effet équivalent, car l'utilisation facultative d'un label de qualité incite ou est susceptible d'inciter à l'achat de produits sur lesquels est apposé le label ou qui peuvent être utilisés pour obtenir le label en question. En l'espèce, la désignation protégée au sens de l'art. 20 ALE est justifiée par des motifs de protection de la propriété industrielle et commerciale et ­ conformément à la jurisprudence de la CJCE ­ de loyauté de la circulation commerciale et de protection des consommateurs. De ce point de vue, les mesures prévues sont nécessaires et proportionnées en vue de préserver la réputation élevée des produits sur lesquels est apposée la désignation «Suisse». On peut renvoyer mutatis mutandis aux commentaires des art. 28 et 30 du traité CE (voir ch. 1.6). Le Conseil fédéral est d'avis que les mesures prévues doivent dès lors être considérées comme compatibles avec l'ALE, même en supposant une application analogue du droit communautaire.

Des réflexions similaires à celles faites dans les commentaires aux art. 13, al. 1, et 20, ALE sont valables pour la Convention AELE, conformément à la version consolidée selon l'accord de Vaduz du 21 juin 2001, qui prévoit à son art. 7 une interdiction des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation et de mesures 161

Arrêt CJCE du 10 novembre 1992, aff. C-3/91, Exportur («Confiserie du Tech»), Rec. p. I-5529.

162 ALE N-CE, arrêt CJCE du 25.5.1993, aff. C-228/91, Commission / Italie, Rec. p. I-2701, point 48.

7843

d'effet équivalent et énonce à son art. 13 une exception en faveur de la propriété industrielle et commerciale. Ces explications valent également pour chaque accord économique de libre-échange conclu avec des pays tiers dans le cadre de l'AELE.

5.2.4

Accord horloger de 1967 et accord complémentaire de 1972

L'accord horloger de 1967 fait partie intégrante des accords conclus dans le cadre du Kennedy Round. Il prévoit une réduction de 30 % en trois étapes des droits de douane sur les produits horlogers et oblige la Suisse à renoncer à toute restriction de droit public en matière d'importation et d'exportation de produits horlogers. De leur côté, la CEE et les Etats membres renoncent à toute mesure non tarifaire. L'accord complémentaire du 20 juillet 1972, conclu parallèlement à l'ALE de 1972, parachève le processus de libéralisation et réglemente la définition du nom «Suisse» pour les montres. Il prévoit que le mouvement doit comporter des pièces suisses pour au moins 50 % de leur valeur et institue une procédure de certification (voir art. 2 de l'ordonnance «Swiss made» pour les montres) pour les entreprises de la CEE et de tout Etat ayant passé avec la Suisse un traité en ce sens. La certification ne rend pas «suisses» les pièces en provenance de la CEE, mais elle permet de calculer l'exigence du 50 % de valeur suisse de façon plus large (en incluant le coût de l'assemblage) et il devient donc possible d'inclure d'avantage de pièces «communautaires» dans la montre, qui reste une montre «suisse».

Les art. 48 ss P-LPM sont compatibles avec l'accord horloger de 1967. Même si on considère que ces dispositions, qui renforcent la protection des indications de provenance et donc celle de la désignation «Suisse», sont de nature à affecter les échanges de produits horlogers entre la Suisse et l'UE, une telle restriction au commerce serait justifiée en application de l'art. 20 ALE (voir les explications générales données au ch. 5.2.3).

La question de la compatibilité de l'art. 48c ­ et plus précisément de l'exigence des 60 % des coûts inscrite à l'al. 1 ­ avec l'accord complémentaire de 1972 doit être examinée sous deux angles différents car elle doit être remplie aussi bien pour le mouvement que pour la montre (produit final).

Concernant les mouvements, l'art. 48c ne restreint pas la portée de l'accord complémentaire de 1972, et il est donc compatible avec ce dernier. Il ne serait pas exact de considérer que le critère des 60 % du prix de revient selon l'art. 48c, al. 1 n'est pas compatible avec le critère des 50 % de la valeur des pièces constitutives selon l'accord complémentaire, simplement parce que
le pourcentage du premier est plus élevé que celui du second. Les deux critères reposent sur des assiettes différentes.

Un producteur de mouvements est tenu de respecter aussi bien la disposition du P-LPM que l'accord complémentaire (ou l'art. 2 de l'ordonnance «Swiss made» pour les montres auquel il renvoie). Selon l'art. 48c, al. 1, les 60 % du prix de revient d'un mouvement doivent être réalisés en Suisse (peuvent notamment être pris en compte, selon l'art. 48c la valeur des pièces constitutives, les coûts d'assemblage, de recherche et de développement). Le producteur reste néanmoins tenu de respecter l'accord complémentaire et, selon ce dernier, le mouvement doit être de fabrication suisse pour 50 % au moins de la valeur de toutes les pièces constitutives (les coûts de l'assemblage pouvant être englobés dans le calcul). On consta-

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te qu'en respectant les exigences de l'accord complémentaire, le producteur respecte de facto les critères de l'art. 48c.

L'accord complémentaire de 1972 ­ qui vise à établir un système de certification du mouvement ­ mentionne uniquement le critère des 50 % de la valeur des pièces constitutives du mouvement et le coût de l'assemblage de celui-ci; il ne contient par contre pas de définition de la montre (produit final). En définissant à l'art. 48c de façon générale la provenance de tous les produits (à l'aide du critère des 60 % des coûts), et donc également celle du produit «montre», le législateur suisse règle une question ne faisant pas l'objet de l'accord complémentaire de 1972. L'art. 48c est donc compatible avec ce dernier.

Une fois le projet de modification de la LPM adopté, l'ordonnance «Swiss made» pour les montres devra être adaptée ­ en ce qui concerne la définition de la montre ­ afin de respecter l'exigence minimale des 60 % des coûts fixée à l'art. 48c. Dans la mesure où l'adaptation effectuée ne touche pas la règle relative au mouvement et qu'elle n'entre par conséquent pas dans le champ d'application de l'accord complémentaire de 1972, il ne sera pas nécessaire de renégocier cet accord.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet «Swissness» modifie des dispositions importantes fixant des règles de droit édictées sous la forme d'une loi (art. 164, al. 1, Cst.). La compétence de l'Assemblée fédérale découle de l'art. 163, al. 1, Cst.

5.4

Délégation de compétences législatives

Concernant la définition des indications de provenance, l'art. 50 P-LPM prévoit une délégation de compétences législatives au Conseil fédéral. Le projet de loi fixe, pour chaque catégorie de produits (produits naturels, produits naturels transformés et produits industriels), les critères qui doivent être respectés. Ainsi, le cadre dans lequel le Conseil fédéral peut préciser ces critères est défini de façon précise. Le Conseil fédéral peut rédiger deux types d'ordonnances. Premièrement, des ordonnances spécifiques aux branches économiques si celles-ci lui proposent des critères communs ou une direction à suivre en se fondant sur l'art. 50, al. 2. Deuxièmement, une ordonnance générale s'appliquant à toutes les branches économiques n'ayant pas pris l'initiative de concrétiser les critères légaux. Cette ordonnance peut concerner des problèmes plus généraux, comme les modalités de calcul des coûts de production (art. 48c, al. 1) ou réglementer la prise en compte d'une matière première (art. 48b, al. 2 et 3) pour tous les produits. Dans ce cas, l'ordonnance ne définit pas toutes les conditions d'utilisation d'une indication de provenance précise pour un produit spécifique mais plutôt les conditions particulières liées à une matière première.

L'art. 50a P-LPM, al. 1 prévoit une délégation de compétences législatives au Conseil fédéral pour l'établissement d'un nouveau registre pour les indications géographiques. A l'instar de l'art. 16 LAgr pour le registre des appellations d'origine et des indications géographiques pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés, l'art. 50a fixe de façon suffisamment concrète ce qui doit être

7845

réglé par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance (voir commentaire de l'art. 50a; ch. 2.1.3).

L'art. 33 P-LPASP prévoit une délégation générale de compétences législatives au Conseil fédéral. Cette délégation vise à délester le texte de dispositions dont les détails iraient bien au-delà du niveau de précision d'une loi. Le projet de loi fixe un cadre suffisamment précis dans lequel le Conseil fédéral peut régler les modalités par voie d'ordonnance. Il lui appartiendra notamment de définir dans une annexe à l'ordonnance les signes mentionnés à l'art. 4 (voir la délégation de compétences inscrite à l'art. 4, al. 1, P-LPASP).

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