11.2.2

Message concernant l'approbation des accords de promotion et de protection réciproque des investissements avec le Turkménistan et Madagascar du 14 janvier 2009

1 1.1

Partie générale Contexte

En 2008, la Suisse a signé, sous réserve de ratification, deux nouveaux accords bilatéraux de promotion et de protection réciproque des investissements (APPI). Il s'agit des accords avec le Turkménistan et Madagascar.

Les APPI ont pour but d'assurer aux investissements effectués dans les pays partenaires par des particuliers et des entreprises suisses, comme à ceux effectués en Suisse par des investisseurs du pays partenaire, une protection conventionnelle contre les risques non commerciaux. Sont notamment visées les discriminations étatiques par rapport aux investisseurs nationaux, les expropriations illicites ou les restrictions aux transferts des revenus et autres montants afférents à l'investissement.

Des procédures de règlement des différends permettent, si nécessaire, de recourir à l'arbitrage international pour assurer l'application des dispositions conventionnelles.

En concluant des APPI, les parties peuvent améliorer les conditions-cadres de leur site économique et donc l'attrait de celui-ci pour les investissements internationaux.

Pour la Suisse, l'investissement international joue depuis longtemps un rôle de premier plan. Le stock d'investissements directs suisses à l'étranger (632 milliards de francs à la fin de 2006) et le nombre d'emplois créés à l'étranger par les entreprises suisses (plus de 2 millions) affichent, en comparaison internationale, un niveau exceptionnel. Quant aux investissements directs étrangers en Suisse, ils atteignaient, la même année, 266 milliards de francs et donnaient du travail à plus de 350 000 personnes.

La mondialisation croissante de l'économie montre que l'investissement international est un facteur déterminant de croissance et de développement pour la plupart des économies nationales. Pourtant, il n'existe toujours pas d'ordre universel dans ce domaine, comparable à l'OMC pour le commerce international. Tendant à combler cette lacune, les APPI constituent, à l'égard des pays non-membres de l'OCDE, un instrument indispensable de la politique économique extérieure suisse. Le fait que l'initiative de négocier de tels accords vienne aujourd'hui souvent des pays en développement ou en transition illustre l'intérêt réciproque de cette démarche.

De 1961 à nos jours, la Suisse a conclu 124 APPI, dont 108 sont en vigueur. Depuis 2004, les APPI sont soumis à l'approbation du Parlement, avec le rapport annuel sur la politique économique extérieure.1

1

Cf. message du Conseil fédéral du 22 sept. 2006, ch. 1.3 (FF 2006 8031).

2008-2989

751

1.2

Situation économique des deux pays et relations d'investissement avec la Suisse

Turkménistan Pays de plaines et de vallées désertiques à 80 %, le Turkménistan ne compte guère plus de 5 millions d'habitants sur une superficie équivalente à presque 12 fois celle de la Suisse. Bordé à l'Ouest par la mer Caspienne, il occupe une position stratégique importante, la plupart des axes de désenclavement de l'Asie centrale passant par son territoire. Bien que le pays soit un important producteur de coton, l'essentiel de sa richesse vient de l'exploitation des immenses réserves d'hydrocarbures, sur laquelle les autorités ont d'ailleurs assis leur politique économique de développement graduel et autonome. En 1998, le pays a renoué avec la croissance (10 % en 2007 et 2008), mais les réformes d'envergure tardent à venir (éducation, santé, lutte contre la désertification, etc.). Les flux d'investissements avec le Turkménistan sont encore négligeables. En dépit du potentiel économique de ce pays, principalement dans le secteur de l'énergie, les investisseurs étrangers sont en position d'attente. La signature de l'APPI améliorera notablement la sécurité juridique offerte à nos entreprises déjà présentes au Turkménistan ou qui désirent y investir.

Au sein des institutions financières internationales ­ le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ­, le Turkménistan appartient au groupe de vote de la Suisse.

Madagascar L'économie de Madagascar est dominée par l'agriculture (1er producteur mondial de vanille), qui emploie 80 % de la population et contribue pour environ un tiers au PIB. La lutte contre la pauvreté (70 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté) s'est concrétisée, depuis 2005, par une amélioration sensible du cadre régulateur: loi sur la concurrence, charte des investissements et lancement de la privatisation des secteurs des télécommunications, des chemins de fer, de l'eau, de l'énergie, du sucre et du coton. Fortement déteriorée durant la crise politique de 2002, la situation économique générale a regagné en dynamisme les années suivantes (4,7 % de croissance en 2006), dû à la forte reprise des exportations. On note également une progression marquée des investissements directs étrangers ­ notamment dans les zones franches et le secteur minier (chrome, nickel, diamants) ­, domaine dans lequel
les avantages comparatifs de Madagascar sont importants.

Depuis la sortie de crise, au début de 2003, les entreprises suisses s'intéressent à nouveau au marché malgache. Le montant des investissements directs suisses à Madagascar est encore faible, et celui des investissements malgaches en Suisse, insignifiant.

2 2.1

Partie spéciale Déroulement des négociations

Turkménistan L'unique cycle de négociation en vue de l'APPI s'est tenu à Achkhabad en 1999, à l'issue duquel l'accord a pu être paraphé. Par la suite, la partie turkmène a cependant présenté plusieurs demandes d'amendements, points qui ont été réglés par la voie diplomatique. La signature de l'APPI a eu lieu le 15 mai 2008 à Achkhabad.

752

Madagascar L'accord conclu en 1964 entre la Suisse et Madagascar dans les domaines du commerce, des investissements et de la coopération technique, entré en vigueur en 19662, étant dépassé en matière de protection des investissements ­ l'absence de mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat comptant au nombre de ses lacunes ­, des négociations en vue d'un APPI moderne ont été lancées en février 2005, à l'occasion de la visite à Berne du ministre malgache de l'économie, des finances et du budget. Elles se sont poursuivies par la voie diplomatique, pour aboutir au paraphe de l'accord le 6 février 2007. L'APPI a été signé le 19 novembre 2008 à Antananarivo.

2.2

Contenu des accords

Les accords concernant la promotion et la protection réciproque des investissements conclus ces quinze dernières années par la Suisse concordent dans une large mesure quant à leur contenu. Les textes conventionnels négociés avec le Turkménistan et Madagascar contiennent les principes fondamentaux défendus par notre pays dans ce domaine3. En outre, ils n'incluent pas de dispositions qui porteraient préjudice aux obligations internationales existantes en matière sociale et environnementale, ou qui les remettraient en question. Les normes internationales retenues apporteront un surcroît de sécurité juridique aux investisseurs suisses déjà présents dans ces pays ou qui désirent y investir.

Préambule ­ Le préambule des accords énonce leurs objectifs et relève expressément (Madagascar) que les objectifs fixés doivent pouvoir être atteints sans abaisser les normes relatives à la santé, à la sécurité et à l'environnement.

Définitions ­ L'art. 1 des deux APPI contient les définitions des principaux termes utilisés, en particulier les notions d'investisseur, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une entité juridique, d'investissement et de revenus.

Champ d'application ­ Selon l'art. 2 de chacun des accords, ceux-ci sont applicables aux investissements réalisés avant ou après leur entrée en vigueur, mais ne le sont pas aux différends antérieurs à celle-ci. Dans l'APPI avec Madagascar, le principe du contrôle de l'investissement par un investisseur de l'autre partie prend aussi place dans cette disposition, alors que dans l'APPI avec le Turkménistan, il se trouve rattaché à la notion d'investisseur (art. 1, al. 2, let. c) ­ à noter qu'il ne pourra être invoqué par les investisseurs suisses qu'à compter de l'adhésion du Turkménistan à l'OMC (art. 2, al. 2).

Encouragement, admission ­ Les art. 3 soulignent, d'une part, la volonté de chaque partie de promouvoir, dans la mesure du possible, les investissements des investisseurs de l'autre partie sur son territoire. D'autre part, ils contiennent l'engagement des parties de délivrer les autorisations requises en relation avec un investissement, une fois celui-ci admis, conformément à leurs législations respectives. Cela concerne surtout les permis requis pour l'emploi du personnel clé choisi par l'investisseur.

Enfin, l'APPI avec Madagascar ajoute ici une obligation de transparence quant aux 2

3

Accord de commerce, de protection des investissements et de coopération technique du 17 mars 1964 entre la Confédération suisse et la République malgache (RS 0.946.295.231).

Cf. message du Conseil fédéral du 22 septembre 2006 (FF 2006 8035).

753

textes réglementaires nationaux pouvant affecter les investissements des investisseurs de l'autre partie.

Protection et traitement général ­ Cette disposition (art. 4, al. 1, des deux accords) octroie aux investissements des investisseurs de l'autre partie les standards du traitement juste et équitable et la garantie d'une protection et d'une sécurité complètes et constantes. En outre, à la demande de Madagascar (art. 4, al. 2), les parties confirment qu'elles pourront continuer à prendre des mesures d'intérêt public, par exemple en matière de santé, de sécurité ou d'environnement, pour autant qu'elles le fassent dans le cadre de l'accord.

Traitement national et traitement de la nation la plus favorisée ­ L'assurance du traitement national ou de celui de la nation la plus favorisée complète ce dispositif (Turkménistan: art. 4, al. 2; Madagascar: art. 5, al. 1 et 2). Le second traitement ne s'étend toutefois pas aux privilèges consentis à un Etat tiers dans le cadre d'une zone de libre-échange, d'une union douanière ou d'un marché commun, ou en vertu d'un accord pour éviter la double imposition (Turkménistan: art. 4, al. 3; Madagascar: art. 5, al. 3).

Transfert des montants afférents à l'investissement ­ Aux termes des art. 5 (Turkménistan) et 6 (Madagascar), le libre transfert des montants afférents à l'investissement, c.-à-d. leur transfert, dans le territoire de l'autre partie et hors de celui-ci est garanti, sans restriction ni retard, dans une monnaie librement convertible.

Expropriation, indemnisation ­ Des mesures de dépossession, directe et indirecte, (Turkménistan: art. 6, al. 1 et 2; Madagascar: art. 7) ne sont possibles que si les parties en respectent les conditions, strictes, comme l'existence d'un intérêt public, la non-discrimination, le versement d'une indemnité adéquate et effective à l'investisseur, et le respect des garanties prévues par la loi.

Indemnisation des pertes ­ En cas de pertes provoquées par des conflits armés ou des troubles civils (Tukménistan: art. 6, al. 3; Madagascar: art. 8), l'investisseur ne pourra pas être discriminé: il se verra accorder le traitement national ou celui de la nation la plus favorisée, le plus favorable l'emportant.

Subrogation ­ La subrogation dans les droits de l'investisseur (Turkménistan: art. 7; Madagascar: art. 11) vise le cas du
paiement effectué par une partie en vertu d'une garantie ou d'une assurance contre des risques non commerciaux octroyée par elle à l'un de ses investisseurs.

Autres obligations ­ En vertu de ces dispositions (Turkménistan: art. 10; Madagascar: art. 9 et 10), toutes les autres obligations du pays hôte plus favorables aux investissements des investisseurs de l'autre partie ­ que celles-ci découlent d'engagements spécifiques passés avec un investisseur, de la législation nationale ou du droit international ­ seront respectées.

Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie ­ Selon ce volet du dispositif de règlement des litiges (Turkménistan: art. 8; Madagascar: art. 12), l'investisseur et l'Etat hôte doivent s'efforcer, dans un premier temps, de régler leur différend à l'amiable. En cas d'échec, l'investisseur a le choix entre l'arbitrage international selon les règles du CIRDI4 et l'arbitrage ad hoc.

4

754

Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, cf.

RS 0.975.2

Règlement des différends entre les parties ­ Ce second volet du dispositif (Turkménistan: art. 9; Madagascar: art. 13) traite des différends entre les parties contractantes concernant l'interprétation ou l'application de l'accord. Deux étapes sont également prévues pour les litiges de cette nature: la conduite de consultations et, en l'absence de solution amiable, la soumission du différend à un tribunal arbitral.

Consultations ­ L'art. 11 de l'APPI avec le Turkménistan prévoit la possibilité pour les parties de tenir des consultations sur des questions liées à la mise en oeuvre de l'accord ou en matière de politique de l'investissement.

Clauses finales ­ Les accords (Turkménistan: art. 12; Madagascar: art. 14) sont valables pour une durée initiale de dix ans, puis seront reconduits tacitement pour des périodes successives de deux ans, à moins qu'ils ne soient dénoncés avec un préavis de six mois. En cas de dénonciation, leurs dispositions continueront de s'appliquer pendant une période supplémentaire de dix ans aux investissements effectués avant leur expiration. Le nouvel APPI avec Madagascar (art. 14, al. 3) remplacera les dispositions relatives aux investissements de l'accord de 1964.

3 3.1

Conséquences Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

La conclusion des présents accords n'a pas de conséquences sur les finances et sur le personnel de la Confédération, des cantons et des communes. Il n'est cependant pas exclu que la Suisse soit un jour impliquée ­ par une partie contractante ou un investisseur étranger ­ dans une procédure de règlement des différends (cf. ci-dessus: Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie et Règlement des différends entre les parties) ou appelée à intervenir dans le cadre d'une procédure formelle de règlement des différends afin d'assurer le respect de l'un des accords, ce qui pourrait avoir des répercussions financières. Dans cette hypothèse, il appartiendrait au Conseil fédéral de régler la question de la prise en charge des frais et, le cas échéant, de demander un crédit additionnel au Parlement.5

3.2

Conséquences économiques

L'impact économique des accords de protection des investissements ne peut être estimé sur le modèle des évaluations conduites lors de la conclusion de conventions de double imposition ou d'accords de libre-échange, dans le cadre desquelles les prévisions de gains ont pour corollaire celles de pertes de recettes fiscales ou douanières.

L'importance économique des APPI réside dans le fait qu'ils fournissent une base de droit international public à nos relations d'investissement avec les pays partenaires, y renforçant alors considérablement la sécurité juridique de nos investisseurs et réduisant les risques de voir ceux-ci discriminés ou lésés d'une autre façon.

5

Cf. message du Conseil fédéral du 22 septembre 2006, note de bas de page 10 (FF 2006 8040).

755

Renforcée par la mondialisation, la pertinence économique de tels accords prend une dimension particulière pour la Suisse vu la taille réduite de son marché intérieur. Par le soutien apporté à nos entreprises ­ spécialement les PME ­ qui affrontent la concurrence internationale en investissant à l'étranger, les APPI renforcent également la place économique suisse.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est pas mentionné dans le message sur le programme de la législature 2007 à 20116.

5

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)7 , les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. La compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver les traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., sont sujets au référendum en matière de traités internationaux les accords qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Les présents accords peuvent être dénoncés dès la fin de leur période initiale de validité, puis au terme de chaque période ultérieure, moyennant un préavis de six mois (cf. ci-dessus: ch. 2.2, Clauses finales). Ils n'impliquent pas d'adhésion à une organisation internationale.

Les accords contiennent des dispositions fixant des règles de droit au sens de l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement8. Pour ce qui est de leur importance, les Chambres fédérales ont clairement admis, lors des délibérations9 sur le message du Conseil fédéral du 22 septembre 200610, que les APPI dont le contenu est similaire à celui d'autres APPI conclus antérieurement et qui n'entraînent pas de nouveaux engagements importants ne sont pas sujets au référendum en matière de traités internationaux. Les deux accords en cause sont d'une portée économique, juridique et politique n'allant pas au-delà de celle des APPI déjà conclus ces quinze dernières années par la Suisse. Ils n'entraînent pas de nouveaux engagements importants. Comme c'est le cas des APPI déjà conclus, la mise en oeuvre des présents accords n'exige pas l'adoption de lois fédérales.

Pour ces motifs, le Conseil fédéral propose de ne pas soumettre les arrêtés fédéraux portant approbation de ces accords ne soient pas au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

6 7 8 9 10

756

FF 2008 639 RS 101 RS 171.10 BO 2006 E 1169; BO 2007 N 837 FF 2006 8023