04.430 Initiative parlementaire Réglementation du prix du livre Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 20 avril 2009

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de loi sur la réglementation du prix du livre, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

20 avril 2009

Pour la commission: La présidente, Hildegard Fässler

2009-1079

3663

Condensé Pendant plus d'un siècle, le prix des livres de langue allemande a été soumis à une réglementation. En septembre 1999, la Commission de la concurrence a déclaré illicite l'accord de branche existant en Suisse alémanique. La Fédération suisse alémanique des libraires et des éditeurs (Schweizerischer Buchhändler- und Verlegerverband, SBVV) a fait recours contre cette décision. Alors que ce recours était encore pendant, le conseiller national Jean-Philippe Maitre a déposé une initiative parlementaire le 7 mai 2004. Cette dernière visait à mettre en place dans les meilleurs délais les bases légales nécessaires à la réglementation du prix du livre en Suisse.

Les deux commissions de l'économie et des redevances (CER) ayant approuvé l'initiative parlementaire, la CER du Conseil national a élaboré le présent projet de loi sur le prix du livre, projet qu'elle a approuvé par 13 voix contre 10 et 1 abstention le 20 avril 2009 après avoir pris de connaissance et discuté des résultats de la procédure de consultation.

Dans les grandes lignes, le projet: ­

introduit un prix du livre réglementé obligatoire;

­

repose sur un modèle de prix fixe qui permet des remises sur ce prix;

­

prévoit une durée minimum de la réglementation du prix;

­

confie à l'éditeur et à l'importateur le soin de fixer le prix des livres et accorde au Surveillant des prix le droit d'intervenir en cas de majoration de prix abusive.

Les avis divergent au sein de la commission quant à la nécessité de légiférer. La majorité est convaincue qu'une réglementation du prix du livre permettra de diversifier l'offre de livres et de densifier le réseau de librairies et qu'elle est indispensable à la promotion des auteurs suisses. En outre, selon elle, l'expérience a montré que, dans un système sans réglementation des prix, ces derniers ont tendance à augmenter. Au contraire, une minorité doute qu'une réglementation du prix du livre permette d'atteindre ces objectifs relatifs à la diversité culturelle.

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Table des matières Condensé

3664

1 Genèse du projet

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2 Grandes lignes du projet 2.1 Situation initiale 2.1.1 La réglementation du prix du livre 2.1.2 L'économie du livre en Suisse 2.1.3 Le prix du livre ces dernières années: d'un prix réglementé à un prix libre 2.1.4 La fixation des prix 2.1.5 Données empiriques sur les prix des livres en Suisse 2.1.6 Aides financières existantes en faveur du livre 2.2 Nécessité de légiférer 2.2.1 Arguments de la majorité 2.2.2 Arguments de la minorité 2.3 Le projet 2.3.1 Condensé 2.3.2 Fixation des prix 2.3.3 Réglementation du prix 2.3.4 Système de sanctions 2.4 Résultats de la procédure de consultation

3667 3667 3667 3667 3669 3670 3671 3673 3673 3674 3675 3676 3676 3676 3676 3677 3677

3 Commentaire par article 3.1 Loi fédérale sur la réglementation du prix du livre (Loi sur le prix du livre, LPLiv)

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4 Conséquences 4.1 Conséquences financières et effet sur l'état du personnel 4.2 Conséquences pour les cantons et communes

3686 3686 3687

5 Relation avec le droit européen

3687

6 Bases légales 6.1 Constitutionnalité 6.2 Délégation de compétences législatives 6.3 Forme de l'acte

3687 3687 3689 3689

Loi fédérale sur la réglementation du prix du livre (Projet)

3691

3678

3665

Rapport 1

Genèse du projet

Le 7 mai 2004, le conseiller national Maitre déposait l'initiative parlementaire suivante: Conformément à l'art. 160, al. 1 de la Constitution et l'art. 107 de la loi sur le Parlement, je demande, par la présente initiative parlementaire, que soient mises en place dans les meilleurs délais les bases juridiques nécessaires à la réglementation du prix du livre en Suisse.

Lors de sa séance du 13 septembre 2004, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a donné suite à l'initiative parlementaire par 16 voix contre 6 et 2 absentions. La CER-E a approuvé, lors de sa séance du 23 mai 2005, la décision de la CER-N de donner suite à l'initiative parlementaire, et ce par 7 voix contre 5 (art. 109, al. 3, LParl). La CER-N a ainsi été chargée d'élaborer un projet de loi (art. 111, al. 1, LParl).

Le 21 juin 2005, la CER-N a institué une sous-commission chargée d'étudier les différentes possibilités de mettre en oeuvre l'initiative, composée des personnes suivantes: Dominique de Buman (président), Didier Berberat, Gerold Bührer, Charles Favre, Hildegard Fässler-Osterwalder, Hans Kaufmann et Hansjörg Walter. La sous-commission a siégé à six reprises, entre août 2005 et avril 2006. Elle a mené une série d'auditions et a discuté de l'opportunité de légiférer sur le prix du livre en se fondant sur plusieurs rapports remis par l'Office fédéral de la culture, le Secrétariat à l'économie (SECO), l'Office fédéral de la justice ainsi que les secrétariats de la Commission de la concurrence (Comco) et de la Surveillance des Prix. Le 13 avril 2006, la sous-commission a présenté à la CER-N un rapport contenant deux propositions: l'une visait à classer l'initiative parlementaire, l'autre à poursuivre les travaux et à élaborer un projet de loi. Par 14 voix contre 9, la commission a décidé de poursuivre l'élaboration d'un projet sur la réglementation du prix du livre et, pour que cette élaboration soit possible, de demander la prolongation du délai de traitement (art. 113 LParl). La commission a soumis deux propositions à son conseil: une proposition de majorité visant à proroger le délai de traitement de deux ans, et une proposition de minorité visant à classer l'initiative. Le 20 décembre 2006, le Conseil national a adopté la prorogation du délai de traitement par 124 voix contre 621.

Le 20
février 2007, la CER-N a arrêté les grandes lignes d'une réglementation du prix du livre et a chargé l'administration d'élaborer un texte de loi (art. 112, al. 1, LParl).

En mai 2007, la réglementation du prix du livre en vigueur en Suisse alémanique a finalement été abrogée lorsque le Conseil fédéral a décidé de ne pas considérer l'accord de branche déclaré illicite par la Comco comme justifié par des intérêts publics prépondérants (cf. ch. 2.1.3). Le 3 septembre 2007, eu égard à la situation, la 1

Le délai dans lequel la CER-N doit présenter ses propositions est la session d'été 2009 et non la session d'hiver 2008. En effet, le précédent délai échouait à la session d'été 2007 de sorte que les deux ans supplémentaires accordés par le Conseil national portent le délai à la session d'été 2009.

3666

CER-N a décidé, par 12 voix contre 11 et 1 abstention, de suspendre l'examen du texte de loi entre-temps élaboré par l'administration afin d'attendre les premiers effets de l'abrogation de la réglementation du prix du livre. Le SECO a été chargé de présenter un rapport concernant ces effets (cf. ch. 2.1.5), dont la commission a pris acte les 25 et 26 août 2008. Le rapport a notamment montré que de nouvelles stratégies de prix ont déjà pu être constatées peu de temps après l'abrogation de la réglementation du prix, mais qu'il n'est pas encore possible de tirer des conclusions sur les effets structurels de l'abrogation. Ce rapport n'a donc apporté aucun argument décisif pour ou contre une réglementation du prix du livre. En été 2008, la commission a repris ses travaux législatifs et a examiné le texte de loi. Le 13 octobre 2008, par 13 voix contre 10, et 1 abstention, la CER-N a approuvé un avant-projet et a décidé d'ouvrir une procédure de consultation auprès des milieux intéressés. Cette procédure, qui a débuté le 7 novembre 2008 pour s'achever le 3 février 2009, a révélé que les milieux intéressés saluaient dans leur majorité le principe d'une réglementation du prix du livre (voir ch. 2.4). Après avoir discuté en détail des résultats de la consultation ainsi que pris connaissance d'un co-rapport oral de la Commission de la science, de l'éduction et de la culture du Conseil national, la commission a décidé, par 13 voix contre 10 et 1 abstention, de soumettre à son conseil le projet mis en consultation, à quelques modifications rédactionnelles près.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Situation initiale

2.1.1

La réglementation du prix du livre

Dans un système de prix réglementé (appelé aussi prix fixe ou prix unique), l'éditeur fixe le prix du livre dont devra s'acquitter le client final. A la différence d'un régime de prix libre, les détaillants ne sont donc pas libres, dans un tel système, de pratiquer les prix qu'ils souhaitent. Un système de prix réglementé prévoit toutefois en général la possibilité pour les détaillants de pratiquer des rabais dans une certaine mesure (5 à 10 % par ex.). Ces rabais peuvent être plus importants pour certains consommateurs (par exemple des bibliothèques ou des écoles). Le prix réglementé du livre peut être limité dans le temps.

Un système de prix réglementé peut être le fruit d'une obligation légale ou le résultat d'un accord interprofessionnel de la branche. En Europe, l'Autriche, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie le Portugal, l'Espagne et les Pays-Bas connaissent un régime de prix fixe réglé par une loi. Au Danemark, en Hongrie et en Norvège, c'est un accord interprofessionnel qui règle la fixation des prix des livres. La Belgique, la République tchèque, la Finlande, l'Irlande, la Pologne, le Royaume-Uni et la Suède connaissent un régime de prix libre.

2.1.2

L'économie du livre en Suisse

A titre préliminaire, il convient de rappeler qu'environ 80 % des livres vendus sur le marché suisse sont des livres produits à l'étranger (Allemagne, France, Italie, marginalement d'autres pays). Les 20 % restants correspondent à la production éditoriale (au sens large) suisse.

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Toute description du marché du livre en Suisse doit se faire de manière différenciée et distinguer les trois marchés qui existent en fonction des régions linguistiques.

Ci-dessous sont présentées de manière succincte les caractéristiques des trois marchés du livre par rapport aux trois maillons constituant la chaîne du livre (maisons d'éditions, distributeurs et librairies)2.

Marché du livre en Suisse alémanique ­

Edition: elle est constituée de quelques grandes maisons d'édition avec rayonnement dans toute la région germanophone en Europe. Existent également des éditeurs de taille moyenne et petite. Un grand nombre de maisons d'édition allemandes sont actives sur le marché suisse alémanique; certaines d'entre elles publient des oeuvres d'auteurs suisses.

­

Diffusion/distribution: la diffusion/distribution est en mains allemandes et suisses. Chaque librairie peut décider de commander un livre chez l'un ou l'autre des distributeurs. La distribution de plus de 50 % des livres (étrangers et suisses) se fait par le Buchzentrum, qui appartient aux librairies, le reste est opéré par d'autres distributeurs. Depuis l'abrogation de la réglementation du prix, les librairies se fournissent davantage directement auprès des maisons d'édition.

­

Librairies: environ 40 % du marché de la vente sont aux mains des librairies indépendantes (de taille moyenne à petite). Les 60 % restants sont aux mains de trois grands groupes (Orell Füssli, Thalia, Ex Libris). Il n'existe aucune statistique sur la part du commerce électronique transfrontalier.

Marché du livre en Suisse romande ­

Edition: le tissu de maisons d'édition romandes est caractérisé par la petite taille des entreprises. La poursuite d'activités éditoriales est le fait de quelques personnes à la tête de ces entreprises.

­

Diffusion/distribution: la diffusion/distribution de livres en Suisse romande est majoritairement en mains françaises.

­

Librairies: 35 à 40 % du marché est aux mains des librairies indépendantes.

Deux sociétés françaises (FNAC et Payot) et les grandes surfaces se partagent les 60 à 65 % restants. Plus de 40 librairies ont fermé entre 2001 et 2004. Il n'existe aucune statistique sur la part du commerce électronique transfrontalier.

Marché du livre en Suisse italienne

2

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Edition: les maisons d'édition sont petites, peu nombreuses et seules quelques-unes ont une structure professionnelle.

­

Diffusion/distribution: chaque libraire se rend régulièrement en Italie pour acheter les livres.

­

Librairies: il y a quelques librairies (avec des succursales), toutes indépendantes. Il n'existe aucune statistique sur la part du commerce électronique transfrontalier.

Pour une description détaillée du marché du livre en Suisse, voir le rapport Prognos: F. Neiger, J. Trappel, «Le marché du livre et le prix imposé en Suisse», Bâle, 2001.

3668

2.1.3

Le prix du livre ces dernières années: d'un prix réglementé à un prix libre

Réglementation du prix du livre en Suisse alémanique Pendant plus d'un siècle, le prix des livres de langue allemande a été soumis à une réglementation. À partir de 1993, la réglementation du prix du livre a pris la forme de l'accord dit du Sammelrevers. Chaque éditeur ayant signé cet accord concluait avec les grossistes et libraires qui s'étaient eux aussi soumis au Sammelrevers un contrat individuel de réglementation du prix du livre. Par ce dernier, les libraires et grossistes s'engageaient à respecter le prix de vente final fixé par l'éditeur et à ne pas le contourner de manière indirecte. Des rabais de quantité (par exemple pour des bibliothèques) et d'autres conditions spéciales étaient réglés de manière explicite dans le Sammelrevers. Les éditeurs étaient libres de fixer ou non le prix d'un livre, et le cas échéant, d'en déterminer le montant et la durée. Ils étaient par ailleurs obligés à ne livrer qu'à des libraires ayant signé le Sammelrevers, ce qui privait les libraires qui ne l'avaient pas signé de tout moyen de se procurer de livres auprès d'eux. Enfin, les éditeurs étaient obligés à traiter de manière non discriminatoire les différents canaux de vente. A titre de sanction, des peines conventionnelles étaient prévues pour les éditeurs et les libraires qui ne respectaient pas l'accord. Relevons encore qu'au total, quelque 90 % des livres de langue allemande étaient soumis au Sammelrevers.

Par décision du 6 septembre 1999, la Comco a déclaré illicite l'accord dit du Sammelrevers. Selon la Comco, le prix fixe du livre restreignait la concurrence et enfreignait par conséquent la loi sur les cartels. La Fédération suisse alémanique des libraires et des éditeurs (Schweizerischer Buchhändler- und Verlegerverband, SBVV) a fait recours contre cette décision devant la Commission de recours pour les questions de concurrence, puis devant le Tribunal fédéral. Si la Commission de recours a confirmé la décision de la Comco, le Tribunal fédéral a donné partiellement raison au SBVV et a demandé, par décision du 14 août 2002, à la Comco de bien vouloir examiner si la restriction notable à la concurrence induite par le Sammelrevers pouvait être justifiée par des motifs d'efficacité économique (ATF 2A.299/2001).

La Comco a ainsi examiné si le Sammelrevers conduisait à une augmentation de l'étendue de
l'assortiment, à une plus grande diversité de produits ou à une amélioration des ventes par une densité accrue des points de vente et un meilleur conseil.

La Comco a estimé que l'efficacité économique n'était pas démontrée et, par décision du 21 mars 2005, a à nouveau déclaré illicite l'accord du Sammelrevers3.

Cette décision a fait l'objet d'un nouveau recours du SBVV devant la Commission de recours, puis le Tribunal fédéral (ATF 2A.430/2006). Le SBVV a été débouté devant les deux instances. Suite à ces décisions négatives, le SBVV a présenté une demande d'autorisation exceptionnelle auprès du Conseil fédéral. La loi sur les cartels (LCart) prévoit en effet en son art. 8 que le Conseil fédéral peut autoriser, sur demande des parties, des accords en matière de concurrence si, à titre exceptionnel, ces accords sont nécessaires à la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (en 3

Pour un résumé des décisions de la Comco, veuillez consulter le rapport du secrétariat de la Comco, qui contient des explications sur la décision de la Comco du 21 mars 2005 concernant le prix réglementé du livre.

3669

l'occurrence des intérêts liés à la politique culturelle). Le 2 mai 2007, le Conseil fédéral a rejeté la demande du SBVV. Le Conseil fédéral a fondé sa décision sur l'examen de l'efficacité fait par la Comco, selon lequel les effets positifs n'avaient pas pu être démontrés. Le Conseil fédéral a par ailleurs ajouté que les buts visés de politique culturelle pouvaient être réalisés par d'autres moyens.

Prix du livre en Suisse romande Le prix du livre est libre en Suisse romande depuis le début des années 90. Auparavant existait un accord de la branche réglementant le prix du livre.

Prix du livre en Suisse italienne Le prix du livre dans la Suisse italienne est libre ainsi qu'il l'a toujours été.

2.1.4

La fixation des prix

Un prix du livre réglementé influence la façon dont les prix sont fixés (voir tableau ci-dessous). Sans réglementation du prix du livre, les prix sont fixés par le marché, à savoir en fonction de l'offre et de la demande. Les éditeurs peuvent recommander des prix et accorder des rabais. Les librairies cherchent elles les meilleures possibilités d'achat et réagissent à la demande avec des baisses ou des hausses de prix, des programmes de fidélité, etc. Sous un régime de prix réglementé, ce sont les éditeurs ou les importateurs qui fixent le prix. Il n'y a donc plus de concurrence au niveau des prix entre les librairies, puisque celles-ci sont tenues de respecter le prix qui leur a été prescrit.

Les deux systèmes peuvent connaître des prix élevés. Sans réglementation du prix, une demande inélastique peut par exemple en être à l'origine. Une autre possibilité est que la concurrence ne fonctionne pas du fait d'accords ou d'abus de position dominante de la part d'un acteur du marché. Dans ce cas, la Comco peut intervenir, ordonner l'élimination de la restriction de la concurrence et, le cas échéant, prononcer des sanctions. Sous un système de prix réglementé, l'accord ne pose pas problème en tant que tel puisque la restriction de la concurrence est voulue. D'autres moyens doivent être prévus afin que les prix ne soient pas fixés de manière abusive.

En Suisse, cette tâche revient au Surveillant des prix.

Système sans prix réglementé

Système avec prix réglementé

Fixation du prix pour le client final

Le libraire fixe le prix en fonction des conditions du marché.

L'éditeur ou l'importateur fixent le prix.

Contrôle

La Comco veille au respect de la concurrence.

Le Surveillant des prix intervient en cas de prix abusifs.

La fixation des prix et la Comco en Suisse romande En mars 2008, la Comco a ouvert une enquête contre les diffuseurs des livres en Suisse romande. Elle examine actuellement si les représentants en Suisse des maisons d'édition françaises occupent une position dominante. Si tel est le cas, la Com3670

co déterminera s'il y a abus de position dominante en matière de prix. En effet, les diffuseurs importent des livres auxquels ils fixent des prix nettement plus élevés que ceux pratiqués sur le marché français. Il pourrait s'agir par conséquent de prix abusifs au sens de la loi sur les cartels. Le résultat de cette enquête n'est pas connu au moment de la publication du présent rapport (avril 2009).

La fixation des prix et le Surveillant des prix en Suisse alémanique En 1988, la branche et le Surveillant des prix ont conclu un règlement amiable en ce qui concerne la fixation des prix des livres importés. Le Surveillant des prix a accepté que les prix suisses soient plus élevés que les prix du pays d'origine en raison des coûts plus élevés en Suisse. La différence de prix devait être dégressive: plus le livre était cher, moins la différence de prix devait être importante en termes relatifs. La branche proposait aux éditeurs allemands une tabelle de conversion que le Surveillant des prix contrôlait et approuvait. Si le cours de l'Euro par rapport au franc suisse variait de plus de 2,5 %, la tabelle de conversion était adaptée ­ en cas de hausse du taux de change sur proposition de la branche, dans le cas inverse sur proposition du Surveillant des prix.

Lorsque la Comco a ouvert une procédure en 1999, le Surveillant des prix a cessé d'être actif sur ce dossier dans la mesure où il voulait attendre la fin des investigations de l'autorité de la concurrence. En 2005, alors qu'une issue de la procédure se faisait attendre et que les plaintes au sujet des prix des livres élevés devenaient plus fréquentes, le Surveillant des prix a repris le dossier en main. Il s'attela à déterminer quelle différence de prix par rapport à ceux du marché allemand était justifiée.

Calculant que les coûts pertinents en Suisse (salaires et loyers) étaient au maximum 12 % plus élevés qu'en Allemagne, le Surveillant des prix a estimé que la différence justifiée de prix de vente au consommateur entre les deux marchés ne pouvait pas dépasser les 8 % si étaient en plus pris en compte les taux de TVA différents entre les deux pays4. En l'occurrence, la différence de prix effective constatée entre les deux marchés s'élevait à 16 %. Suite aux négociations avec le Surveillant des prix, une baisse moyenne des prix des livres de 2 %
a eu lieu à deux reprises, au 1er juillet 2006 et au 1er janvier 2007. Le Surveillant des prix avait demandé une plus forte diminution des prix, mais a renoncé momentanément à toute démarche ultérieure, jusqu'à clarification du cadre juridique (au vu des procédures en cours tant à la Comco qu'au Parlement).

2.1.5

Données empiriques sur les prix des livres en Suisse

Ainsi que mentionné au ch. 1, la commission a chargé en septembre 2007 le SECO d'analyser les effets de la suppression du prix fixe sur le marché suisse alémanique.

Dans le cadre d'une étude réalisée par la Haute école spécialisée de la Suisse du Nord-Ouest (FHNW), les prix des livres ont été relevés entre mars 2007 et mars 2008 tant sur le marché de la Suisse alémanique que sur celui de la Suisse romande.

Des données sur la fourchette des prix entre les points de vente ainsi que sur la

4

La TVA pour les livres s'élève en Allemagne à 7 % et en Suisse à seulement 2,4 %. Cette différence de taux doit être prise en compte dans l'intérêt du consommateur.

3671

différence entre les prix catalogue et les prix de vente ont été plus particulièrement récoltées.5 Prix des livres en Suisse alémanique A l'époque du Sammelrevers, 90 % environ des titres des livres étaient concernés par la réglementation du prix du livre. Pour ces titres, les prix catalogue s'appliquaient de manière contraignante à chaque librairie. Depuis l'abolition du prix fixe du livre en Suisse alémanique, les prix catalogue sont uniquement des prix recommandés non contraignants. Selon l'étude de la FHNW, il a pu être constaté 10 mois après l'abolition du prix unique que les prix connaissaient une plus grande variation entre les différentes librairies et autres canaux de distributions.

A titre d'exemples de cette évolution, on peut mentionner que Ex Libris offre 15 % de rabais sur les prix catalogue et de 30 % sur les bestsellers. Orell Füssli et Weltbild offrent pour leur part des rabais jusqu'à 30 % sur les prix catalogue des bestsellers.

Selon l'étude de la FHNW, les prix moyens n'ont pas varié de manière significative.

On ne constate en effet pas de différence significative entre les prix de vente moyens et les prix catalogue. Selon le SECO, les modifications structurelles ne peuvent toutefois pas être évaluées à leur juste mesure à si court terme, les changements structurels s'étalant normalement sur plusieurs années.

Prix des livres en Suisse romande Dans la Suisse romande, il existe pour beaucoup de titres une grande variation de prix entre les points de vente, les consommateurs payant les livres plus ou moins chers suivant le lieu d'achat. Différents rabais sont accordés dans le cadre de programme de fidélité, en particulier des rabais sur les bestsellers par les grandes chaînes. Selon l'étude de la FHNW, les prix de vente moyens correspondent à peu près aux prix catalogue (i.e. aux recommandations de prix non contraignantes).

Prix des livres en Suisse italienne L'étude de la FHNW ne s'est pas penchée sur le marché de la Suisse italienne, celuici ne constituant que 3 % des ventes totales en Suisse.

Prix des livres en comparaison avec l'étranger Les prix de vente des livres au consommateur sont de manière générale plus élevés en Suisse que dans les pays voisins. Evaluer précisément cette différence de prix est toutefois très difficile notamment parce que la différence de prix
est influencée par le taux de change. On peut néanmoins constater que les prix en Suisse italienne sont à peine plus élevés qu'en Italie, que la différence est plus élevée entre la Suisse alémanique et l'Allemagne et que la plus grande différence est entre la Suisse romande et la France.

Selon l'étude de la FHNW, le prix de vente moyen sur le marché suisse alémanique en mars 2008 s'élevait entre 6 et 13 % du prix catalogue en Allemagne (prix qui correspond en Allemagne au prix de vente en raison du prix fixe). La variation de 5

Voir B. Hulliger, D. Lussmann, P. Perrett, M. Binswanger, «Premières conséquences de la suppression du prix unique du livre», Haute école spécialisée de la Suisse du NordOuest, juillet 2008.

(http://www.seco.admin.ch/themen/00374/00459/00460/index.html?lang=de).

3672

ce pourcentage est fonction des variations du taux de change pendant la période observée.

2.1.6

Aides financières existantes en faveur du livre

Outre le prix réglementé, il existe d'autres moyens de promouvoir le livre, notamment les aides financières. Dans le cadre de la promotion du livre et de l'édition, les mesures suivantes existent en Suisse: ­

Les cantons ainsi que certaines villes soutiennent la branche du livre en versant des contributions aux auteurs pour la traduction, l'édition et la diffusion des oeuvres. En 2006, ces contributions se sont élevées à 4,5 millions de francs.

­

Promotion du livre suisse: en 2006, les trois principaux bailleurs de fonds de la Confédération ont consacré quelque 6,7 millions de francs à cette action.

Il s'agit de Pro Helvetia (notamment sous forme d'aide à la traduction, de bourses d'écriture et de contributions à l'impression), de l'Office fédéral de la culture (promotion de la lecture et soutien à la distribution à l'étranger) et du Fonds national (aides à la publication pour les ouvrages scientifiques).

­

Promotion de l'accès au livre en subventionnant les bibliothèques; en 2006, la Bibliothèque nationale a consacré 23,2 millions de francs pour collectionner, inventorier, conserver et mettre à disposition les informations imprimées ou conservées sur d'autres supports que le papier ayant un lien avec la Suisse (les oeuvres qui se rapportent à la Suisse et à ses habitants, ainsi que les oeuvres et les traductions en toutes langues d'auteurs suisses).

­

Soutien indirect de la demande par le biais d'un taux de TVA réduit de 2,4 % sur les livres, ce qui représente une aide de 40 à 50 millions de francs par an.

En outre, l'OFC est sur le point de définir une nouvelle politique du livre en Suisse.

Il examine la politique d'aide sélective dans le but de coordonner les mesures entre la Confédération, les cantons et les villes. Il examine également la possibilité de développer une aide liée au succès. Enfin, le projet de loi d'encouragement à la culture ouvre une possibilité supplémentaire de promouvoir le livre.

2.2

Nécessité de légiférer

Au sein de la commission, les avis divergent quant à la nécessité de légiférer sur la réglementation du prix du livre. La majorité est convaincue qu'une telle réglementation permettra de promouvoir la diversité et la qualité de ce bien culturel et de garantir un accès aux livres aux meilleures conditions possibles. Au contraire, une minorité doute qu'une réglementation du prix du livre permette d'atteindre de tels objectifs en matière de diversité culturelle et propose de ne pas entrer en matière sur le projet.

L'entrée en matière a été décidée par 13 voix contre 11 et une abstention.

3673

2.2.1

Arguments de la majorité

On ne saurait trop souligner l'importance du livre en tant que bien culturel et véhicule de l'identité d'un pays. Or, au vu de la situation actuelle et notamment en raison de la disparition de nombreuses librairies indépendantes, ce bien culturel est menacé dans sa qualité et sa diversité et il est urgent que les pouvoirs publics réagissent en inscrivant dans la loi le principe de la réglementation du prix du livre.

Le prix réglementé permet d'aider les petites et moyennes librairies, qui peuvent ainsi compter sur le bon chiffre d'affaires généré par les best-sellers. Sans prix réglementé, les best-sellers font l'objet d'une forte sous-enchère en matière de prix de la part des supermarchés et des grandes chaînes de librairies. Les supermarchés et autres grands magasins baissent fortement les prix des livres à succès, ces livres étant utilisés avant tout comme des produits d'appel. Les grandes chaînes de librairies pratiquent elles aussi cette sous-enchère, ce afin de gagner des parts de marché; elles peuvent se le permettre, car elles réussissent à obtenir des conditions avantageuses de livraison en raison de leur taille. En revanche, les librairies indépendantes n'ont manifestement pas autant de marge de manoeuvre en matière de politique de prix. Voyant leurs revenus issus de la vente des best-sellers diminuer, certaines sont contraintes, tôt ou tard, de mettre la clef sous la porte. L'expérience en Suisse et à l'étranger confirme qu'un prix réglementé préserve les petites librairies de la politique des prix agressive pratiquée par les grandes chaînes spécialisées et les supermarchés. La baisse très importante du nombre de librairies et de maisons d'édition en Suisse romande ­ supérieure à celle constatée en Suisse alémanique, où le Sammelrevers était en vigueur ­ est largement due à la suppression de cette mesure.

Un réseau dense de librairies est important non seulement parce qu'il facilite l'accès au livre, mais aussi parce qu'il permet de diversifier l'offre. Jusqu'à 50 % des achats en librairies sont ce qu'on appelle des achats spontanés (achats non prévus qui se font à la vue d'un ouvrage exposé). Les ouvrages peu connus et plus marginaux sont les premiers à bénéficier de ces achats spontanés. Si la surface d'exposition diminue du fait de la baisse du nombre de librairies, il en résulte
automatiquement une baisse des achats spontanés et donc une baisse des ventes de ces ouvrages, ce qui ne peut que pousser les éditeurs à renoncer à les publier. En d'autres termes, renoncer à un prix réglementé signifierait, à moyen terme, renoncer à une offre éditoriale diversifiée. L'expérience à l'étranger en est la preuve: par exemple, en Grande-Bretagne, en raison de la très bonne conjoncture, la suppression du prix réglementé n'a certes pas freiné, à court terme, la croissance du nombre de titres; en revanche, à moyen terme, elle a mené à un effondrement des nouveaux titres coïncidant avec l'augmentation des parts de marché des grands magasins et des fournisseurs en ligne.

Par ailleurs, l'expérience a montré que, dans un système sans réglementation des prix, ces derniers ont tendance à augmenter. Toujours en Grande-Bretagne, l'augmentation du prix des livres a été nettement supérieure à celle des prix à la consommation au cours de la décennie qui a suivi la suppression du prix réglementé. Alors que les prix des best-sellers ont baissé dans les grandes chaînes spécialisées et les grandes surfaces, ceux des ouvrages moins prisés ont augmenté, car ces derniers ne pouvaient plus bénéficier de la péréquation garantie par le prix réglementé du livre.

Globalement, la suppression du prix réglementé a donc mené à une hausse du prix des livres. La Suisse n'a pas été épargnée par ce phénomène: lorsque le Sammelrevers était encore en vigueur en Suisse alémanique, la différence de prix entre la Suisse alémanique et l'Allemagne était de 12 à 18 %, une différence bien inférieure 3674

aux 25 à 33 % qui existait entre la Suisse romande (où le prix n'était pas réglementé) et la France.

Les opposants au prix réglementé affirment souvent (voir ci-dessous les arguments de la minorité) que le consommateur peut contourner la réglementation des prix en passant par l'achat en ligne transfrontalier. La majorité estime que la part de marché des plates-formes Internet étrangères est minime et le restera. La majorité des lecteurs continuent de privilégier l'achat de livres en Suisse. En outre, l'attractivité des plates-formes Internet étrangères dépend essentiellement des différences de prix: si, comme il est prévu dans le projet, le Surveillant des prix garantit que les différences de prix restent infimes, les plates-formes Internet étrangères ne pourront pas concurrencer le prix réglementé en Suisse.

2.2.2

Arguments de la minorité

Minorité (Kaufmann, Estermann, Favre Charles, Flückiger, Gysin, Miesch, Müller Philipp, Rime, Theiler, Walter, Wandfluh) Une minorité de la commission doute que la réglementation du prix du livre permette d'atteindre les objectifs culturels de l'initiative.

Aux yeux de la minorité, l'expérience en Suisse et à l'étranger a montré que les prix réglementés n'ont permis ni de densifier le réseau de librairies, ni de diversifier l'offre éditoriale. La concentration du réseau de points de vente est une tendance actuelle, sur laquelle le prix réglementé ne peut avoir qu'une influence marginale.

Ce fait est notamment démontré en Suisse alémanique, laquelle connaissait également un fort processus de concentration malgré l'accord du Sammelrevers. Le prix du livre unique permet aux petites librairies de survivre peut-être à court terme, mais certainement point à moyen et à long terme. L'expérience dans des pays sans prix fixe démontre par ailleurs que de nombreuses librairies indépendantes ont pu poursuivre leur activité en adoptant des stratégies adaptées (par exemple, en organisant des événements culturels ou en utilisant de nouvelles technologies) ainsi qu'en se positionnant sur des marchés de niche.

Quand bien même un prix réglementé permettrait d'assurer un réseau dense de librairies, la minorité n'est par ailleurs nullement convaincue celui-ci soit une condition nécessaire pour garantir une diversité de l'offre éditoriale. En France, par exemple, on n'a constaté aucune modification notable de la production éditoriale suite à l'introduction du prix réglementé. En réalité, d'autres facteurs semblent déterminer la diversité de l'offre et, parmi eux, en premier lieu, la baisse des coûts fixes de production.

La minorité constate en outre qu'à l'ère d'Internet, les consommateurs peuvent facilement contourner une réglementation des prix. Elle met en doute l'avis de la majorité selon laquelle les plates-formes Internet n'auront des parts de marché que marginales. S'il est vrai que jusqu'à présent, l'usage d'Internet est resté relativement modeste, il est appelé à se développer. Tôt ou tard, il rendra alors largement vaine toute réglementation du prix du livre.

Outre ses doutes quant à l'efficacité de la réglementation du prix du livre comme instrument de politique culturelle, la minorité souligne aussi
qu'une telle loi constituerait une atteinte grave à la liberté économique et serait contraire aux principes libéraux qui fondent le système économique suisse. Cette réglementation en porte-à3675

faux avec notre ordre économique pose d'ailleurs la question de sa conformité à la Constitution (cf. ch. 6).

2.3

Le projet

2.3.1

Condensé

Le projet prévoit une réglementation obligatoire du prix du livre: ­

qui repose sur un modèle de prix fixe permettant des remises sur ce prix;

­

qui prévoit une durée minimum de la réglementation du prix;

­

qui confie à l'éditeur ou à l'importateur le soin de fixer le prix des livres et qui accorde au Surveillant des prix le droit d'intervenir en cas de majoration de prix abusive;

­

qui limite le champ d'application de la loi à l'édition, à l'importation et au commerce de livres écrits dans les langues nationales suisses;

­

qui confie à la branche le soin de contrôler si la loi est respectée;

­

qui reprend les sanctions de droit civil prévues par la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD).

2.3.2

Fixation des prix

Le projet de loi s'appuie sur le principe de la responsabilité de la branche envers elle-même. C'est en ce sens qu'il laisse aux éditeurs et aux importateurs le soin de fixer le prix des livres, lequel sera toutefois soumis au contrôle du Surveillant des prix. En renonçant à définir le calcul et la majoration du prix des livres importés, le projet confie en premier lieu cette tâche aux éditeurs et aux importateurs. S'il existe des indices donnant à penser que le prix fixé en Suisse est excessif, notamment en comparant le prix de vente final du même livre dans le pays d'édition et le pays voisin, le Surveillant des prix a compétence pour prévenir tout abus et la loi fédérale du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix (LSPr) est applicable. En vertu de la LSPr, le Surveillant des prix cherchera d'abord à trouver un règlement amiable (art. 9 LSPr). S'il n'y parvient pas, le projet lui confère la compétence de déterminer, par une décision générale touchant l'ensemble de la branche, le prix ou la majoration autorisée, en faisant cas toutefois des différences liées aux régions linguistiques. Cette solution permet de tenir compte de ces différences linguistiques régionales dans la structure et la diffusion des livres. Par ailleurs, la pratique, qui s'est avérée concluante en Suisse alémanique, consistant à confier la fixation des prix à la branche et au Surveillant des prix sera étendue aux autres régions linguistiques.

2.3.3

Réglementation du prix

Les libraires seront tenus à vendre leurs livres au prix fixé par les éditeurs et les importateurs ou par le Surveillant des prix. La loi prévoit à cet égard une marge de manoeuvre minimale sous l'angle de la concurrence des prix en autorisant les librai3676

res à appliquer des prix inférieurs de 5 % au prix de vente final fixé. Par ailleurs, le projet prévoit une série de situations dans le cadre desquelles des remises peuvent être accordées.

La durée du prix réglementé est déterminée par l'éditeur ou l'importateur. Ces derniers ne peuvent abolir la réglementation du prix d'un livre que 18 mois au minimum après la mise sur le marché du livre en question.

2.3.4

Système de sanctions

Conformément au principe inscrit dans le projet de loi, il s'agit d'introduire un système de sanctions de droit privé dans le cadre duquel la branche se verra confier le plus de responsabilités possible. Il appartiendra aux marchés impliqués, à savoir les éditeurs, les importateurs, les grossistes, les libraires, les consommateurs et les associations qui les représentent, de veiller au respect de la loi et d'agir en vue de réprimer les infractions. La Confédération ne sera pas habilitée à intervenir, mis à part le contrôle qu'elle exercera par le biais du Surveillant des prix sur les prix fixés par les éditeurs et les importateurs. L'arsenal de droit civil dont disposent les personnes qui ont qualité pour agir correspond à celui qui figure dans la LCD.

Le projet prévoit également la création par la branche d'un représentant chargé de défendre les intérêts des membres de la branche indépendamment de leur affiliation à l'une de ses organisations. Cet organe aura également le droit d'intenter une action en cas d'infraction à la loi fédérale sur le prix réglementé du livre.

Le projet institue également les règles au cas où, sur des bases privées, est institué un tribunal arbitral chargé de trancher les litiges résultant de la présente loi.

2.4

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation s'est ouverte le 7 novembre 2008 et a pris fin le 3 février 2009. Tous les gouvernements cantonaux, quinze partis politiques, les trois associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, huit associations faîtières de l'économie et seize autres organisations ont été invités à prendre position. Sur l'ensemble des participants, 46 avaient été officiellement invités à se prononcer et 22 ont fait parvenir leur avis spontanément.

Sur les 68 avis déposés, 25 cantons (tous sauf AR), sept partis politiques (PDC, PEV, PLR, Verts, PVL, PS, UDC), quatre organisations faîtières de l'économie (economiesuisse, USAM, USS et SEC Suisse) et 32 milieux intéressés se sont exprimés sur l'avant-projet de loi sur le prix du livre. Sur l'ensemble de ces avis, 36 soutiennent le principe d'une réglementation du prix du livre, 27 y sont opposés et cinq ne se prononcent pas clairement.

Parmi les cantons, seize se déclarent favorables à une réglementation du prix du livre (AI, GE, GR, JU, LU, NE, NW, OW, SG, SO, TG, UR, VD, VS, ZG, ZH) et neuf la rejettent (AG, BE, BL, BS, FR, GL, SH, SZ, TI). Quatre partis politique approuvent cette réglementation (PDC, PEV, Verts et PS) et trois y sont défavorables (PLR, PLV et UDC). Deux associations faîtières de l'économie sont partisanes d'une réglementation (SEC Suisse et USS) et deux autres y sont opposées (economiesuisse et USAM). Parmi les autres milieux intéressés, quatorze organisations 3677

soutiennent une réglementation du prix du livre et treize la refusent. Les organisations de consommateurs n'expriment pas une position homogène, pas plus que les bibliothèques. Bon nombre des avis émanant des professionnels du livre réservent un bon accueil au principe d'une réglementation du prix du livre, mais rejettent le projet sous la forme présentée. La Surveillance des prix, la COMCO et le commerce de détail sont défavorables à l'introduction d'un prix réglementé du livre.

Les principaux points de l'avant-projet qui ont été contestés ont notamment été ceux relatifs au champ d'application de la loi et au système visant à empêcher des prix abusifs. Sur le champ d'application, c'est avant tout l'exclusion du commerce électronique transfrontalier qui a été controversée. Si, pour un certain nombre de participants, l'exclusion se justifie pour des raisons de souveraineté et de praticabilité, pour d'autres, dont les milieux de la branche, cette proposition fait courir le risque d'une distorsion de la concurrence au détriment du commerce national et pourrait porter préjudice à l'efficacité de la loi.

En ce qui concerne les propositions relatives à la lutte contre les prix abusifs, ce sont avant tout les représentants de la branche qui ont remis en cause la solution de la commission. Selon ces derniers, un examen des prix par le Surveillant des prix est une solution lourde et bureaucratique à laquelle il faut préférer un modèle de fourchette. Selon ce modèle, le prix des livres serait fixé dans une fourchette allant de 100 à 120 % par rapport au cours de référence de l'euro.

Pour les autres points discutés dans la procédure de consultation (notamment la durée de la réglementation du prix du livre et les remises prévues pour certains clients finaux), nous renvoyons au rapport sur les résultats de la procédure de consultation.6

3

Commentaire par article

3.1

Loi fédérale sur la réglementation du prix du livre (Loi sur le prix du livre, LPLiv)

Titre et préambule Le titre proposé pour désigner le nouvel acte législatif, «Loi fédérale sur la réglementation du prix du livre» (titre court: «loi sur le prix du livre»; sigle: LPLiv), évoque concrètement son objet.

Art. 1

But

Le projet de loi vise à promouvoir et à protéger le livre au titre de bien culturel. La loi doit créer les conditions-cadre permettant de produire le plus grand nombre et la plus grande diversité possibles de livres et d'y avoir accès. Il s'agit, d'une part, de promouvoir la multiplicité et la qualité de l'offre éditoriale et, d'autre part, de rendre cette offre accessible à un maximum de lecteurs dans les meilleures conditions possibles.

6

Le rapport est disponible sur: http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1713/Ergebnis.pdf

3678

Le projet a pour finalité de garantir l'accès à un large et dense assortiment de livres au plus grand nombre de lecteurs, moyennant des prix raisonnables. Il s'agit de mettre en équilibre les intérêts des auteurs, des éditeurs, des importateurs, des grossistes et des libraires, d'un côté, et ceux des consommateurs, de l'autre, ces derniers ayant tout intérêt à disposer d'un vaste réseau de points de vente susceptible de proposer un large et dense assortiment de livres à des prix modérés.

Art. 2

Champ d'application

L'al. 1 définit le champ d'application de la loi, qui se limite aux livres, tels que définis à l'art. 3 du projet, écrits dans les langues nationales. Entrent donc dans le champ protégé de la loi les livres rédigés et édités en allemand, en français, en italien et en rhéto-romanche. Les oeuvres publiées dans d'autres langues ne sont pas soumises à la réglementation. Celle-ci ne s'appliquera pas non plus aux livres usagés ou défectueux. L'exclusion de ces livres du champ d'application facilite la réglementation subséquente en limitant au strict nécessaire les dérogations au prix réglementé. La loi englobe l'édition, l'importation et le commerce de livres. Conformément à l'al. 2, le commerce électronique transfrontalier ne fait pas partie du champ d'application pour des raisons de souveraineté et d'exécution. Cette règle correspond à la pratique en vigueur dans les pays voisins, où la réglementation du prix du livre s'applique uniquement sur le territoire national. Il est à noter que le principe de la libre circulation des marchandises, inscrit dans le traité CE, interdit à ces pays d'imposer un prix du livre au-delà de leurs frontières.

Minorité (Rechsteiner Paul, Fässler, Kiener Nellen, Leutenegger Oberholzer, Rennwald) Une minorité de la commission propose de biffer le deuxième alinéa: elle souhaite que le commerce électronique transfrontalier entre dans le champ d'application de la loi, arguant que, dans le cas contraire, la réglementation du prix du livre perdrait de son efficacité. Pour sa part, la majorité de la commission salue l'exclusion du commerce électronique transfrontalier, estimant que cela permettra d'exercer une pression sur les prix pratiqués en Suisse. Elle renvoie également aux difficultés de mise en oeuvre que l'extension au commerce électronique ne manquerait pas de poser ainsi qu'aux problèmes de compatibilité avec le droit européen (voir ch. 5).

Minorité (Kaufmann, Estermann, Flückiger, Miesch, Riklin Kathy, Rime, Theiler, Wandfluh, Zemp) Une minorité de la commission souhaite exclure, au moyen d'un alinéa 3 supplémentaire, du champ d'application de la loi les livres conçus spécialement pour l'enseignement scolaire, qui ne seraient ainsi pas concernés par la réglementation du prix. La majorité estime que les remises fixées à l'art. 7, al. 1, let. b, tiennent déjà compte
des écoles. Ces remises concernent d'ailleurs non seulement les livres conçus pour l'enseignement scolaire, mais aussi les ouvrages littéraires en général, que les écoles commandent fréquemment.

Art. 3

Définitions

Cet article définit les principales notions utilisées dans l'acte législatif. C'est une manière de limiter indirectement le champ d'application.

3679

Le premier terme de la liste décrit la notion de livre. Il y est défini comme une publication éditoriale sous forme imprimée. Les produits combinés, dont le livre imprimé est l'élément principal, sont également considérés comme des livres; nous pensons ici par exemple au livre vendu avec un CD ou un DVD. En revanche, la loi ne considère pas les livres audio comme des livres. Pour éviter tout problème d'interprétation, le projet de loi précise à titre exemplatif les types de publications n'entrant pas dans la définition du livre (journaux, revues, partitions musicales et produits cartographiques).

Le prix de vente final est le prix auquel le livre est vendu aux clients finaux en Suisse, incluant la taxe sur la valeur ajoutée. L'indication du prix incluant la taxe sur la valeur ajoutée est conforme au droit en vigueur, notamment aux dispositions de l'ordonnance du 11 décembre 1978 sur l'indication des prix.

Les clients finaux sont les personnes qui font l'acquisition de livres à d'autres fins que la revente. Il peut aussi s'agir de personnes morales, d'entreprises artisanales, d'organisations ou de bibliothèques. Cette définition ne recouvre pas exactement celle de «consommateur» utilisée dans la Constitution et dans plusieurs lois fédérales. Les livres qui n'ont pas été acquis pour être revendus sont considérés comme des livres usagés, dès lors qu'ils ont été lus. Ils ne relèvent pas du champ d'application de la loi proposée. Leur revente n'est pas soumise au régime du prix réglementé.

Le libraire est la personne qui vend à titre professionnel des livres à des clients finaux. Ainsi, la loi prend non seulement en compte les libraires traditionnels, mais aussi tous les autres fournisseurs de livres, parmi lesquels les grands distributeurs et les kiosques. Les éditeurs et les importateurs qui pratiquent des ventes directes (p.ex.

à des bibliothèques) sont en même temps libraires.

Art. 4

Fixation du prix

L'al. 1 oblige les éditeurs et les importateurs de livres à fixer le prix de vente final des livres qu'ils ont édités ou importés. Cette obligation concerne principalement les éditeurs. C'est à titre subsidiaire que l'importateur fixe le prix de vente final en Suisse, à savoir lorsque l'éditeur ne le fait pas, essentiellement pour les livres édités à l'étranger. La notion de fixation du prix comprend également les modifications de prix. Les modifications de prix, vers le haut comme vers le bas, sont monnaie courante dans la pratique. Elles peuvent intervenir en tout temps, les prix étant fixés par les éditeurs ou les importateurs. Le soin de gérer les majorations ou les baisses de prix doit être confié à la branche, laquelle est en mesure de régler ces questions sous le régime du droit privé, conformément à l'approche systématique de la loi.

L'al. 2 dispose que le prix de vente final doit être publié avant la première édition du livre avec l'indication de la date de parution. On entend par édition chaque nouveau tirage d'une oeuvre, mais aussi sa publication sous une autre présentation (p.ex.

l'édition de poche publiée après l'édition reliée). L'obligation de publication vaut également en cas de modification du prix. La branche est libre de concevoir la manière dont le prix et la date sont publiés.

Les prix de vente finaux fixés par les éditeurs ou les importateurs pourront être soumis au contrôle du Surveillant des prix (al. 3). En cas d'indices suggérant la fixation d'un prix abusif, le Surveillant des prix s'efforcera de parvenir à un règlement amiable avec l'auteur de l'abus allégué (art. 9 de la loi fédérale du 20 décem3680

bre 1985 concernant la surveillance des prix, LSPr). Ce règlement ne s'appliquera pas à un livre ou à un éditeur donné, mais il touchera l'ensemble de la branche, en faisant cas des différentes régions linguistiques. Le Surveillant des prix devra se fonder sur les prix pratiqués dans les magasins des pays d'édition (TVA non incluse) pour vérifier si un prix pratiqué en Suisse est abusif. S'il est impossible de parvenir à un règlement amiable, le Surveillant des prix fixera les prix par une décision générale s'appliquant à l'ensemble de la branche et prenant en considération les régions linguistiques. Les recours contre cette décision seront réglés par les dispositions générales régissant l'organisation judiciaire fédérale (al. 4).

Minorité (de Buman, Fässler, Leutenegger Oberholzer, Meier Schatz, Rechsteiner Paul, Zysiadis) Une minorité propose de renoncer à la solution d'un contrôle par le Surveillant des prix et suggère la mise en place d'un modèle instaurant une fourchette de prix7.

L'éditeur ou l'importateur serait ainsi habilité à fixer le prix de vente final des livres soumis à une réglementation dans le pays d'édition, de sorte que ce prix soit compris entre 100 % et 120 % du prix de vente pratiqué dans le pays d'édition (TVA comprise). Le prix en francs suisses serait calculé en fonction du cours de référence de l'euro. La minorité propose également de biffer l'al. 4, dans la mesure où, renonçant à toute intervention par le Surveillant des prix, elle n'a pas besoin de prévoir des voies de droit contre les décisions de ce dernier. Alors que la minorité estime que ce modèle entraînerait une charge administrative moindre, la majorité considère qu'il pourrait conduire à des prix abusifs et qu'il ne tient pas compte des intérêts des consommateurs. Une augmentation de prix pouvant aller jusqu'à 20 % correspond environ au double de l'écart admis par le Surveillant des prix sous le régime du Sammelrevers. En outre, un tel modèle inscrit de manière rigide dans la loi la hausse de prix tolérée, alors que le système prévoyant l'intervention du Surveillant des prix permet de fixer, de manière flexible et en fonction des différences de coût effectives, des prix qui soient conformes au marché.

Minorité (Kaufmann, Flückiger, Miesch, Müller Philipp, Rime, Schneider, Walter, Wandfluh, Zemp) Une minorité
exige, moyennant un al. 3bis supplémentaire, que le prix de vente en Suisse soit calculé en fonction du prix de vente dans le pays d'édition sans compter la taxe sur la valeur ajoutée, permettant ainsi d'éviter tout abus. La majorité estime que l'art. 4, al. 3 et son commentaire remplissent déjà cet objectif.

Art. 5

Réglementation du prix

L'art. 5 fixe la réglementation horizontale du prix pour le commerce du livre. Les libraires seront tenus à vendre les livres au prix fixé par l'éditeur ou l'importateur.

Sont réservés les art. 6 à 8 du projet, qui régissent les remises et la durée du prix réglementé.

7

Dans son co-rapport oral à la CER, la Commission de la science, de l'éduction et de la culture du Conseil national avait soumis cette même proposition.

3681

Minorité (Kaufmann, Estermann, Flückiger, Miesch, Rime, Walter, Wandfluh) Une minorité souhaite ajouter un al. 2 octroyant à l'acheteur final le droit de régler le prix de vente en francs ou dans la devise indiquée par le prix affiché. Cette mesure permettrait d'éviter des prix abusifs.

Art. 6

Remise généralement admissible

L'art. 6 autorise les libraires à accorder une remise de 5 % au maximum sur le prix de vente final fixé. Cela leur permettra de baisser leur prix de 5 %. Les libraires pourront répercuter cette remise comme ils l'entendent.

Minorité (Schelbert, Fässler, Fehr Hans-Jürg, Leutenegger Oberholzer, Rennwald, Rechsteiner Paul, Thorens, Zisyadis) Une minorité souhaite que les libraires puissent non seulement baisser, mais également augmenter le prix et propose en ce sens que les libraires puissent faire varier à la baisse ou à la hausse de 5 % au plus le prix de vente fixé par l'éditeur ou l'importateur. Ce surplus pourrait permettre notamment aux petites librairies de contribuer à promouvoir la lecture en finançant par exemple des semaines du livre.

Art. 7

Remises admissibles dans des cas particuliers

L'al. 1 détermine les situations économiques dans lesquelles il sera possible de déroger au prix réglementé en accordant une remise. Ces remises sont, aujourd'hui déjà, communément pratiquées au sein de la branche et les pays qui connaissent un prix réglementé du livre les accordent également.

La let. a concerne les remises accordées lors de la vente de livres à des bibliothèques publiques. En principe, ces remises peuvent aller jusqu'à 10 %. Si une bibliothèque publique dispose pour l'acquisition de livres d'un budget annuel de plus de 500 000 francs, une remise allant jusqu'à 15 % peut être accordée. Si le budget est supérieur à un million de francs, les partenaires peuvent librement négocier les remises sur les prix. Cette disposition est à considérer dans le contexte de la promotion de l'éducation: des prix plus bas permettraient d'inciter les bibliothèques à enrichir leur assortiment et, partant, de faciliter l'accès au livre et de contribuer à donner le goût de la lecture.

La let. b prévoit la possibilité d'accorder des rabais de quantité; cette possibilité, courante dans d'autres branches, peut inciter les consommateurs à acheter davantage de livres. Lors de l'achat d'une même oeuvre en plus de dix exemplaires, une remise allant jusqu'à 10 % peut être accordée; la remise peut aller jusqu'à 15 % pour plus de 50 exemplaires et être au maximum de 20 % pour plus de 100 exemplaires. Cette possibilité profiterait notamment aux écoles.

La let. c autorise une dérogation au prix réglementé du livre dans deux cas particuliers: lors de la vente en bloc d'une série d'oeuvres connexes et lors de la souscription d'une oeuvre. Reste à savoir s'il s'agit bien de remises. L'achat de toute une série d'oeuvres empêche l'acheteur d'acquérir éventuellement un seul volume, celui qui l'intéresse. Octroyer une réduction de prix permet de dédommager l'acquéreur obligé d'acheter la série d'oeuvres complète. Dans le cas de la souscription, l'acheteur s'engage à acquérir une oeuvre qu'il ne peut consulter avant sa parution, raison pour laquelle on lui accorde de meilleures conditions.

3682

Enfin, la let. d prévoit une remise pour les clubs de livres, qui mettent sur le marché des titres sous leur propre présentation et à une date postérieure à celle de l'édition originale. La dérogation porte sur des usages en cours dans le commerce, qui seront maintenus dans la loi.

Les conditions spéciales et les remises précisées à l'art. 7 ne sont pas cumulables (al. 2). Cette règle ne concerne pas la réduction de 5 % sur le prix de vente final prévue à l'art. 6, que les libraires sont autorisés à octroyer de leur propre chef et qui est destinée à stimuler la concurrence.

Art. 8

Durée de la réglementation du prix

La durée du prix réglementé est fixée par l'éditeur ou l'importateur, et ces derniers peuvent l'abolir après que le livre a été vendu au minimum pendant 18 mois pour un prix réglementé en Suisse ou à l'étranger. L'abolition du prix réglementé doit être publiée auparavant. Le prix réglementé n'expire pas automatiquement après un certain délai: l'éditeur ou l'importateur doivent faire une déclaration particulière.

Ces derniers doivent avoir, selon la majorité, cette marge de manoeuvre afin de pouvoir maintenir le prix réglementé pour les titres à succès. Cette solution généreuse est nécessaire afin de réaliser les objectifs culturels visés par le projet.

Minorité (Kaufmann, Baader Caspar, Favre Charles, Flückiger, Hassler, Ineichen, Miesch, Müller Philipp, Rime, Schneider, Walter, Wandfluh) Une minorité souhaite que le prix réglementé devienne automatiquement caduc 6 mois après la première édition du livre en Suisse ou à l'étranger. Selon elle, l'éditeur ou l'importateur ne devraient pas être libres de fixer un prix réglementé pour une durée illimitée. Elle préconise donc d'inscrire le délai dans la loi, et de fixer ce dernier à 6 mois. Selon elle, l'effet de nouveauté d'un livre se dissipe après 6 mois; il faut donc donner aux libraires la possibilité de liquider leurs stocks éventuels.

Art. 9

Vente à des détaillants extérieurs à la branche

Les libraires dont l'assortiment n'est pas principalement composé de livres ne pourront pas être approvisionnés à des prix plus bas ou à des conditions plus favorables que celles accordées aux autres libraires. Les grands distributeurs, supermarchés et chaînes de kiosques ne pourront donc pas obtenir d'avantages concurrentiels par rapport aux librairies spécialisées. Cette disposition permettra de promouvoir la diversité et la qualité de l'offre grâce à un réseau dense de points de vente.

Minorité (Kaufmann, Flückiger, Miesch, Müller Philipp, Rime, Schneider, Walter, Wandfluh, Zemp) Selon une minorité, les librairies suisses sont victimes de conditions discriminatoires de livraison: les éditeurs et les importateurs leur vendent en effet les livres à des conditions souvent moins favorables que celles faites à des libraires étrangers. Afin d'y remédier, la minorité veut inscrire dans la loi un 2e alinéa interdisant aux éditeurs, aux importateurs et aux grossistes de vendre en Suisse des livres à des prix plus élevés que ceux pratiqués à l'étranger. Cette interdiction porte sur les livres importés, mais concerne aussi les éditeurs établis en Suisse qui, dans les pays voisins, fixent des prix plus bas qu'en Suisse. Aux yeux de la majorité, des différences de prix peuvent parfois être justifiées; c'est pourquoi elle refuse d'inscrire cette 3683

interdiction dans la loi. La majorité fait confiance au Surveillant des prix pour examiner si des prix abusifs sont pratiqués (art. 4).

Art. 10

Actions

L'al. 1 régit la qualité pour agir et le droit d'intenter une action en justice de la personne affectée à titre individuel par une violation des art. 4 à 9 de la loi sur le prix du livre. La personne affectée est celle qui, du fait des violations en question, subit une atteinte dans ses intérêts économiques ou en est menacée. Il peut s'agir d'un éditeur, d'un importateur, d'un grossiste, d'un libraire ou d'un client final.

La qualité pour agir et le droit d'intenter une action civile conféré à la personne affectée sont inspirés de la LCD, raison pour laquelle on peut se reporter aux publications de référence relatives à cette loi. Néanmoins, il n'est pas possible de se limiter à un renvoi à la LCD parce qu'il y a, dans la qualité pour agir, des différences susceptibles de donner lieu à des confusions.

Conformément à la conception de droit privé qui sous-tend le projet de loi, le droit d'intenter une action en justice consiste, en droit civil, à demander au juge qu'on mette fin à une atteinte et qu'on y apporte réparation. Pour mettre fin à l'atteinte, il est possible de l'interdire, de la faire cesser ou d'en constater le caractère illicite (al. 1, let. a à c), et de demander, à titre complémentaire, qu'une rectification ou que le jugement soit communiqué (al. 2). Point commun à tous ces droits, il suffit de faire valoir le caractère illicite de l'atteinte subie. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait faute de l'auteur.

L'al. 3 confère à la personne affectée la possibilité d'intenter des actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi que d'exiger la remise du gain selon les dispositions sur la gestion d'affaires. C'est le code des obligations (art. 41 ss.)

qui détermine les conditions juridiques permettant de faire valoir ce droit à réparation.

Art. 11

Actions d'organisations

Si l'art. 10 autorise la personne ayant subi une atteinte à intenter action à titre individuel, l'art. 11 confère également ce droit aux associations. Cela se justifie par le fait que le projet de loi prévoit uniquement des sanctions civiles; l'Etat ne possède aucun droit d'intervention. Accorder le droit d'intenter des actions aux associations est une garantie de pouvoir saisir la justice en cas de violation de la loi sur le prix du livre, en dépit des risques financiers et de ceux liés au procès. Si on laissait le soin d'appliquer la loi à l'éditeur, au libraire ou au client final, il y aurait fort à craindre que les infractions ne soient pas réprimées.

Aux termes de la lettre a, les actions en vue d'interdire une atteinte, de la faire cesser, d'en constater le caractère illicite, puis d'obtenir rectification et communication du jugement peuvent être intentées par une association professionnelle ou économique d'importance nationale ou régionale dont les statuts autorisent la défense des intérêts économiques des éditeurs, des importateurs, des grossistes et des libraires. En revanche, il serait peu judicieux d'étendre cette qualité d'agir à l'ensemble des associations professionnelles ou économiques, car il serait difficile de démontrer l'intérêt d'une protection juridique.

3684

Sur le modèle de la LCD, la lettre b autorise les organisations d'importance nationale ou régionale qui se consacrent statutairement à la protection des consommateurs à intenter les actions prévues à l'art. 10, al. 1 et 2. Les prix de vente finaux excessifs qui seraient pratiqués dans une région linguistique pourraient donner lieu, par exemple, à une action des organisations de consommateurs. En pareil cas, il pourrait s'avérer toutefois moins cher de dénoncer la chose au Surveillant des prix.

Art. 12

Mesures provisionnelles

La possibilité de requérir des mesures provisionnelles peut se révéler importante dans le domaine qui nous occupe, en particulier lorsqu'il faut intervenir rapidement, qu'il s'agisse d'agir contre un abus en matière de prix réglementé (art. 5) ou contre une violation de l'interdiction de discrimination (art. 9). Les art. 28c à 28f du code civil (protection de la personnalité) contiennent des dispositions détaillées concernant les mesures provisionnelles de droit civil, qui peuvent être appliquées par analogie dans le cadre de la loi sur le prix du livre. Plusieurs lois, par exemple la LCD et la loi sur les cartels, renvoient à cet égard au code civil.

Art. 13

Représentant de la branche

L'institution d'un représentant de la branche est une solution qui ne dépend pas de l'affiliation obligatoire à une association. En effet, cet organe, que la branche aura à créer, devra également être ouvert à des personnes n'appartenant pas à des associations professionnelles ou économiques qui, par leurs statuts, sont autorisées à défendre les intérêts économiques des éditeurs, des importateurs, des grossistes et des libraires (al. 1). Il sera autorisé à faire valoir les droits conférés par l'art. 10, al. 1 et 2, du projet (al. 2). Il renforcera l'efficacité de la loi et son effet préventif. Ce sera aussi un organe spécialisé auquel ceux qui ne font pas partie d'une association pourront s'adresser pour faire défendre, au besoin, leurs intérêts devant un tribunal.

Art. 14

Tribunaux arbitraux

Aux termes des art. 353 à 399 du code de procédure civile (CPC)8, les parties peuvent retirer par convention des litiges existants ou futurs de la compétence des autorités judiciaires pour les porter devant un tribunal arbitral privé. Pour ce faire, il n'est pas nécessaire que le tribunal arbitral existe déjà en tant qu'organisation; il peut sans autre être constitué à cet effet. Les particuliers ont également toute liberté de créer des organisations permanentes, qui mettent à disposition des arbitres et l'infrastructure nécessaire. Cette possibilité relève de manière générale de l'autonomie privée et de la liberté d'association (art. 23 Cst.). Une partie reste cependant libre de reconnaître ou non un tribunal arbitral permanent déjà en place.

L'art. 14 du projet règle le cas où un tribunal arbitral est créé sur une base privée pour régler les litiges résultant de l'application de la loi sur la réglementation du prix du livre. La première des trois obligations imposées à ce type de tribunaux contraint ceux-ci à accepter toutes les parties indépendamment de leur affiliation à une organisation de la branche (let. a); en d'autres termes, les parties qui ne sont pas membres d'une organisation de la branche peuvent elles aussi faire appel au tribunal 8

Code de procédure civile du 19.12.2008, texte sujet au référendum (FF 2009 21), délai référendaire fixé au 16.4.2009. Le CPC reprend la réglementation du concordat du 27.3.1969 sur l'arbitrage.

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arbitral, à condition toutefois qu'elles se fondent à cet égard sur une condition d'arbitrage valable. La deuxième obligation prévoit que le tribunal arbitral offre les mêmes conditions à toutes les parties indépendamment de leur affiliation à une organisation de la branche (let. b). Enfin, le tribunal arbitral doit être indépendant de toute organisation de la branche (let. c). Comme le prévoit déjà le CPC, les parties ont droit à un arbitre indépendant et impartial9.

Minorité (Favre Charles, Baader Caspar, Flückiger, Hassler, Ineichen, Miesch, Müller Philipp, Kaufmann, Rime, Walter, Wandfluh) Art. 14a (nouveau)

Evaluation périodique

Une minorité souhaite, moyennant un article supplémentaire, que les mesures prévues dans la loi soient réexaminées périodiquement sur le plan de leur efficacité. Au vu du caractère complexe et controversé de la matière, la minorité est d'avis que le législateur se doit d'agir avec cautèle et suivre attentivement les effets de la loi.

L'al. 1 prévoit de procéder à ce réexamen tous les trois ans. Dès lors, la première évaluation devrait intervenir trois ans après l'entrée en vigueur de la loi. Le Conseil fédéral présentera tous les trois ans au Parlement un rapport sur les résultats de l'évaluation et proposera, au besoin, de modifier la loi, voire de l'abroger (al. 2). La majorité considère qu'il serait disproportionné de demander qu'une évaluation soit faite tous les trois ans. Selon elle, la loi ne met pas en place un système totalement nouveau: la Suisse a suffisamment d'expérience dans le domaine de la réglementation du prix du livre.

Art. 15

Coordination avec le code de procédure civile

Les art. 28c à 28f du code civil (mesures provisionnelles) seront abrogés au moment de l'entrée en vigueur du code de procédure civile suisse, les mesures provisionnelles étant alors entièrement réglées dans le code de procédure civile (en particulier dans les art. 261 à 269). Le renvoi au code civil inscrit à l'art. 12 deviendra donc alors caduc. L'art. 15 du projet régle ce problème de coordination.

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Le projet de loi n'implique aucune conséquence financière directe pour la Confédération, car sa conception relève du droit privé. Par contre, l'examen des prix fixés par les éditeurs et les importateurs, à mener à l'échelle nationale et confié au Surveillant des prix, aura des effets sur l'état du personnel.

9

Art. 367, al. 1, CPC

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4.2

Conséquences pour les cantons et communes

Les cantons et les communes ne devraient pas être affectés pour autant que les litiges soient soumis aux tribunaux arbitraux de la branche, et non aux tribunaux ordinaires.

5

Relation avec le droit européen

Le dispositif proposé ne va pas à l'encontre des prescriptions de l'Union européenne. Les lois concernant la réglementation du prix du livre en vigueur dans les pays voisins (Allemagne, Autriche, France et Italie) sont compatibles avec le droit de l'Union européenne puisque qu'elles n'ont qu'une validité nationale. Un effet extraterritorial des lois sur la réglementation du prix du livre violerait à l'inverse le principe de la libre circulation des marchandises valable au sein du marché intérieur européen. De manière analogue, tant que le présent projet n'a qu'une validité nationale, il ne pose pas de problème de compatibilité avec le droit européen.

6

Bases légales

6.1

Constitutionnalité

Afin de juger de la constitutionnalité du présent projet de loi, il convient, d'une part, d'examiner si la Constitution attribue à la Confédération la compétence pour édicter une telle loi. Dans la mesure où une réglementation du prix constitue une limitation de la liberté économique, il convient, d'autre part, d'établir que les conditions posées par la Constitution sont remplies.

Compétence de la Confédération Aux termes des art. 3 et 42, al. 1, Cst., la Confédération a besoin d'une base constitutionnelle pour édicter des normes juridiques. Si, dans un domaine déterminé, la Constitution ne contient aucune disposition attribuant une compétence à la Confédération, les compétences demeurent aux cantons. Dès lors, il y a lieu de se demander si la Constitution attribue à la Confédération les compétences nécessaires pour édicter une loi sur le prix réglementé du livre.

De l'avis de la commission, deux articles fondent la compétence de légiférer sur la réglementation du prix du livre: l'art. 69, al. 2 et l'art. 103 Cst.

L'art. 69, al. 2, Cst. prévoit que la Confédération peut promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l'expression artistique et musicale. Le projet entend favoriser une offre riche de livres et parmi ceux-ci, les ouvrages littéraires sont certainement visés à titre principal. La commission est par conséquent d'avis qu'en légiférant sur le prix réglementé, la Confédération agirait dans le cadre de l'art. 69, al. 2.

Au sein de la commission, certains membres ont exprimé leur doute sur cette manière de fonder la compétence de la Confédération. De leur point de vue, les expressions «promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l'expression artistique et musicale» se réfèrent avant tout à des aides financières et ne permettent pas à la Confédération d'édicter une loi restrictive. La majorité de la 3687

commission ne partage pas cette interprétation étroite de l'art. 69, al. 2, Cst. Le fait que le projet de loi d'encouragement à la culture, qui se base également sur l'art. 69, al. 2, prévoie d'autres mesures que des aides financières plaide notamment pour cette interprétation large de la disposition.

La seconde disposition fondant la compétence de la Confédération, l'art. 103 Cst., dispose que la Confédération peut, au titre de la politique structurelle, soutenir des branches économiques et des professions menacées. Le projet vise à assurer l'existence non seulement des librairies indépendantes mais également de tout le secteur de l'édition suisse, secteur qui sans réglementation risque à terme de disparaître. La commission est par conséquent d'avis que l'art. 103 Cst. peut aussi fonder la compétence de la Confédération à légiférer en la matière. Au sein de la commission, certains membres ont contesté cette argumentation. De leur point de vue, on ne peut pas affirmer que le secteur soit menacé de disparaître; tout au plus, ce sont certaines entreprises ou certains types d'entreprises qui le sont. L'art. 103 ne peut par conséquent pas être invoqué.

Restriction de la liberté économique La réglementation proposée par la commission constitue incontestablement une restriction de la liberté économique puisque les libraires et autres points de vente ne seront plus libres de déterminer la politique de prix ou du moins, ils ne pourront plus le faire que dans la mesure très limitée qu'autorise le projet.

La liberté économique est un droit fondamental consacré à l'art. 27 Cst. Aussi, il convient d'examiner si les conditions posées par la Constitution en matière de restriction des droits fondamentaux sont remplies. Conformément à l'art 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale ­ voire une loi en cas de restriction grave ­ être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. La Constitution ajoute par ailleurs une condition supplémentaire au sujet d'une restriction de la liberté économique: l'art. 94, al. 4, Cst. prévoit qu'une dérogation à liberté économique n'est admise que si elle est prévue par la Constitution.

La première condition, l'existence d'une base légale, voire d'une loi, ne pose évidemment pas problème puisqu'il est
prévu d'édicter une loi. En ce qui concerne l'existence d'un intérêt public, la commission souligne que les buts culturels visés par le projet réalisent cette condition. La condition posée par l'art. 94, al. 4, Cst. est, pour sa part, remplie par le fait que le projet peut, ainsi qu'indiqué ci-dessus, se baser sur l'art 103 Cst., lequel prévoit explicitement que la Confédération peut, au besoin, déroger au principe de la liberté économique.

Au sujet du respect de la proportionnalité, la commission est plus divisée. Le principe de la proportionnalité requiert notamment qu'une mesure restreignant un droit fondamental soit appropriée, c'est-à-dire apte à atteindre le but d'intérêt public visé (critère de l'aptitude) et qu'il n'existe pas un moyen moins restrictif et aussi efficace pour atteindre le but visé (critère de la nécessité)10. La commission étant partagée sur l'efficacité du prix du livre réglementé pour atteindre les objectifs culturels 10

Lors de l'examen du respect de la proportionnalité, il faut également se demander si l'atteinte à la liberté est plus grave que les buts visés (critère de la proportionnalité au sens étroit). Dans cette pesée des intérêts, le législateur a cependant une grande marge d'appréciation. Dès lors, cette question n'a pas besoin d'être analysée de manière plus approfondie ici.

3688

poursuivis, cette divergence fondamentale de points de vue (voir ch. 2.2) se retrouve sur la question du respect de la proportionnalité.

Pour la majorité de la commission, un prix du livre réglementé est à même d'atteindre les buts de politique culturelle poursuivis (critère de l'aptitude). Si d'autres moyens moins restrictifs (par exemple, une politique d'aides financières en faveur des auteurs) sont possibles, ceux-ci ne sont pas aussi efficaces (critère de la nécessité) qu'un prix du livre réglementé. La minorité est de l'avis opposé. Selon elle, outre le fait que l'aptitude d'une réglementation du prix du livre est sujette à caution, il existe ­ si l'on souhaite mener une politique en faveur du livre ­ d'autres moyens, pour le moins, tout aussi efficaces et surtout moins problématiques du point de vue de la liberté économique.

6.2

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit aucune délégation de compétences législatives.

6.3

Forme de l'acte

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives à la restriction des droits constitutionnels (let. b). La réglementation du prix du livre, qui restreint la liberté économique, doit donc prendre la forme d'une loi fédérale.

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