09.475 Initiative parlementaire Augmentation temporaire du nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 14 septembre 2009

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale limitée dans le temps concernant l'augmentation temporaire du nombre de postes de juge près le Tribunal administratif fédéral, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose, par 13 voix contre 3, sans abstention, d'adopter le projet d'acte ci-joint.

Une minorité de la commission (Schwander, Kaufmann, Reimann Lukas) propose de ne pas entrer en matière sur le présent projet.

14 septembre 2009

Pour la commission: La présidente, Gabi Huber

2009-2280

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 27 août 2009, le Tribunal administratif fédéral a prié la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) d'examiner la possibilité de créer des postes de juge supplémentaires en vue du traitement des recours attendus en relation avec la demande d'entraide administrative des Etats-Unis au sujet de UBS SA. Le 28 août 2009, après que le président du Tribunal administratif fédéral et le directeur de l'Office fédéral de la justice lui ont donné de plus amples informations à ce sujet, la commission a décidé, par 15 voix contre 8, et aucune abstention, de déposer une initiative de commission visant à élaborer les bases légales nécessaires à l'engagement temporaire de juges supplémentaires. Par 16 voix contre 0, et 7 abstentions, la commission s'est prononcée en faveur de l'engagement, pour une durée de deux ans, de cinq juges supplémentaires au maximum.

Le 8 septembre 2009, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats s'est ralliée à cette décision à l'unanimité.

A sa séance du 14 septembre 2009, la CAJ-CN est entrée en matière sur le présent projet d'ordonnance par 13 voix contre 3, sans abstention, puis l'a approuvé à l'intention de son conseil avec la même proportion de voix.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Demande d'entraide administrative des Etats-Unis au sujet de UBS SA

Le 19 août 2009, la Suisse et les Etats-Unis ont signé un accord qui est entré en vigueur le jour même. Cet accord prévoit que les Etats-Unis s'abstiennent de prendre des mesures unilatérales en vue d'obtenir des informations sur certains comptes de clients de l'UBS; ils retirent avec effet immédiat la requête d'exécution en suspens devant le tribunal compétent de Miami dans le cadre de la procédure civile contre l'UBS et s'engagent à n'émettre aucune nouvelle requête similaire. La Suisse s'engage en contrepartie à traiter dans un délai d'un an une nouvelle demande d'entraide administrative des Etats-Unis, qui portera sur quelque 4450 comptes. Le 31 août 2009, l'autorité fiscale américaine IRS (Internal Revenue Service) a transmis cette demande d'entraide administrative à l'Administration fédérale des contributions (AFC). La demande s'appuie sur des critères bien précis fixés dans un modèle qui permettra, dans l'affaire UBS et conformément au droit suisse en vigueur et à la jurisprudence, d'identifier des cas de fraude fiscale ou infractions semblables. A la demande des Etats-Unis et dans l'intérêt du bon déroulement du programme de dénonciation volontaire de l'IRS (voluntary disclosure program), les critères ne seront publiés que 90 jours après l'entrée en vigueur de la convention.

C'est pourquoi ils ne sont pas encore connus du public au moment de l'adoption de ce projet.

L'AFC traitera la nouvelle demande d'entraide administrative de manière accélérée grâce à une unité opérationnelle spéciale. Cette unité se composera d'environ 30 spécialistes d'une entreprise de révision comptable et de quelque 40 juristes et 5992

fiscalistes recrutés au sein de l'administration. Selon l'accord, l'AFC doit rendre une décision finale portant sur la transmission des informations demandées dans un délai de 90 jours après réception de la demande pour les 500 premiers cas et de 360 jours pour tous les autres cas. La protection juridique des personnes concernées demeure garantie, puisque les décisions finales de l'AFC pourront être contestées par la voie d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral. Avant l'entrée en force d'une décision finale de l'AFC, les autorités suisses ne livreront aucun renseignement sur les clients de l'UBS aux autorités américaines. Le droit suisse interdit en effet expressément une transmission anticipée de ces renseignements1.

2.2

Recours attendus

Il est pour l'heure impossible de donner une estimation fiable du nombre de recours auxquels le Tribunal administratif fédéral devra faire face. En revanche, on connaît le nombre approximatif de comptes qui remplissent les critères non encore publiés et qui sont donc concernés par la demande d'entraide judiciaire: selon les estimations de l'UBS, il s'agirait de quelque 4450 comptes. Théoriquement, il se pourrait ainsi que jusqu'à 4450 recours soient déposés auprès du Tribunal administratif fédéral; s'il est peu probable que ce soit le cas, on ne peut toutefois l'exclure. Par ailleurs, on ne sait pas encore combien de clients de l'UBS vont s'annoncer dans le cadre du programme de dénonciation volontaire lancé par l'IRS, qui expire à la fin septembre 2009. La charge de travail du Tribunal administratif fédéral sera en effet d'autant moins grande qu'il y aura de dénonciations volontaires.

Les recours seront vraisemblablement déposés de manière échelonnée. L'AFC prépare actuellement 500 décisions, qu'elle notifiera aux personnes concernées le 30 novembre 2009. Le délai de recours de 30 jours commencera à courir à partir de cette date; il est à prévoir que tous les recours ne seront pas nécessairement déposés au dernier moment, mais ce devrait être généralement le cas. Les premiers recours pourraient donc être déposés auprès du Tribunal administratif fédéral dans le courant du mois de décembre 2009; pour les 500 premières décisions, le taux de recours devrait être très élevé, vu l'absence de précédent en la matière. Par la suite, l'AFC devrait encore délivrer 4000 décisions environ jusqu'au 31 août 2010; étant donné que le Tribunal administratif fédéral aura rendu alors ses premiers arrêts, le taux de recours sera certainement plus faible que pour les 500 premières décisions. En outre, le tribunal pourra probablement traiter plusieurs recours simultanément et rendre des arrêts de principe. Bien qu'aucun délai n'ait été convenu entre les Etats-Unis et la Suisse pour le traitement des recours, le Tribunal administratif fédéral devra agir le plus rapidement possible afin de permettre à l'AFC de se fonder sur sa jurisprudence.

1

cf. communiqué de presse du DFJP du 19 août 2009 et communiqué de presse du DFF du 31 août 2009.

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2.3

Mesures internes du Tribunal administratif fédéral

Le Tribunal administratif fédéral prévoit de prendre plusieurs mesures internes concernant le traitement des recours. Il envisage notamment de mettre en place une équipe qui se consacrera exclusivement à ces recours et qui disposera pour ce faire de moyens supplémentaires (matériel informatique, locaux, etc.). Cette équipe sera essentiellement composée de juges de la cour compétente en la matière, à savoir la première cour, lesquels jouissent donc de l'expérience requise. Elle pourra ainsi être immédiatement opérationnelle.

Le tribunal prévoit par ailleurs d'augmenter les postes destinés aux travaux de chancellerie à hauteur de 250 % et de recruter 8 à 10 greffiers supplémentaires.

Ces mesures ne suffiront toutefois pas à garantir le traitement des recours en temps voulu tout en assurant le fonctionnement normal du tribunal. En effet, pendant cette période, l'équipe spéciale ne se consacrera qu'aux recours contre les décisions de l'AFC; autrement dit, les juges concernés ne seront pas à la disposition du tribunal pour traiter d'autres affaires. C'est pourquoi ce dernier estime qu'il est nécessaire de créer trois à cinq postes de juge supplémentaires pour une durée maximale de deux ans.

2.4

Considérations de la commission

La majorité de la commission estime que l'accord entre la Suisse et les Etats-Unis est essentiel et qu'il s'agit de tout mettre en oeuvre pour permettre son exécution. Il convient donc de réunir les conditions indispensables à un traitement des éventuels recours qui soit aussi rapide et efficace que possible. A cet effet, il faut se préparer au pire des scénarios: même si le Tribunal administratif fédéral ne peut fournir aucune donnée précise concernant la charge de travail supplémentaire qui l'attend, son estimation de la situation doit être prise au sérieux et soutenue.

Les premiers recours pouvant être déposés auprès du Tribunal administratif fédéral en décembre 2009 déjà, il est nécessaire d'agir rapidement: les bases légales permettant l'élection de juges supplémentaires doivent être adoptées dès que possible afin que l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) puisse déjà élire de nouveaux juges à la session d'hiver 2009.

Il est clair que l'augmentation du nombre de postes de juge constituerait une mesure limitée dans le temps, due à une situation exceptionnelle. L'adoption des bases légales permettant l'élection de cinq juges supplémentaires ne conférera pas automatiquement au tribunal le droit de pourvoir ces postes. Ces derniers ne seront pourvus que si cela se révèle nécessaire dans le courant des mois à venir en raison des recours qui auront été déposés. La Commission judiciaire examinera cas par cas la nécessité d'élire des juges supplémentaires.

L'AFC devant notifier les 4450 décisions dans un délai d'un an, le choix de limiter à deux ans l'augmentation du nombre de postes de juge semble judicieux: cela devrait laisser le temps au Tribunal administratif fédéral de traiter tous les recours qui lui auront été soumis.

Une minorité rejette pour sa part la présente ordonnance pour des raisons de principe. Selon elle, l'une des conditions à remplir pour la création de postes de juge supplémentaires au Tribunal administratif fédéral consiste à garantir aux clients de 5994

l'UBS concernés une procédure conforme aux principes de l'Etat de droit; or, la minorité doute que cette condition soit réellement remplie. En effet, on ne peut pas totalement exclure que les autorités fiscales des Etats-Unis aient déjà connaissance des comptes concernés par la demande d'entraide administrative: il existe donc un risque que la protection juridique des clients concernés ne soit pas garantie.

3

Avis des tribunaux

Conformément à l'art. 162, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl)2, la commission a donné au Tribunal administratif fédéral ainsi qu'au Tribunal fédéral la possibilité de se prononcer dans le cadre de ses travaux. Par lettre du 11 septembre 2009, le Tribunal administratif fédéral a indiqué à la commission qu'il soutenait l'initiative parlementaire. Quant au Tribunal fédéral, il ne voit aucune objection à ce que le nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral soit temporairement augmenté: dans un courrier du 14 septembre 2009, il a fait savoir à la commission qu'une augmentation progressive des postes lui semblait judicieuse, puisqu'il n'était pas possible pour l'heure de prévoir combien de recours seraient effectivement déposés.

4

Commentaire par article de l'ordonnance

Art. 1

Nombre de postes de juge

Le nombre de postes de juge près le Tribunal administratif fédéral est temporairement porté à 70 au maximum, ce qui représente une augmentation de cinq postes au maximum par rapport à l'ordonnance sur les postes de juge3, qui en prévoit 65. Les postes de juge supplémentaires peuvent être pourvus progressivement. La Commission judiciaire de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) décide du nombre de postes à pourvoir et de la date de leur mise au concours. Pour ce faire, elle se fonde sur l'ampleur de la charge de travail supplémentaire du Tribunal administratif fédéral causée par les recours déposés à la suite de la demande d'entraide administrative des Etats-Unis.

Conformément à l'art. 13, al. 1, de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)4, les juges peuvent exercer leur fonction à plein temps ou à temps partiel: il est donc possible que les cinq postes de juge soient occupés par plus de cinq personnes.

2 3

4

RS 171.10 Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 17 juin 2005 relative aux postes de juge près le Tribunal administratif fédéral (Ordonnance sur les postes de juge, RS 173.321). Le nombre maximal de postes de juge a été porté de 64 à 65 par l'Assemblée fédérale le 12 juin 2009. Cette modification est entrée en vigueur le 1er juillet 2009 (RO 2009 2797).

RS 173.32

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Art. 2

Durée de fonction limitée

Les nouveaux postes de juge sont créés pour une durée limitée à deux ans. Les juges concernés ne sont donc pas élus pour la période de fonction en cours, mais seulement jusqu'à la date fixée à l'al. 1, soit le 31 octobre 2011. Au besoin, il est possible aussi de pourvoir une partie de ces nouveaux postes en augmentant le taux d'occupation de juges employés par le tribunal à temps partiel, une décision qui incombe à la Commission judiciaire de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) (art. 40a, al. 4, LParl). En tout état de cause, une telle mesure serait limitée elle aussi au 31 octobre 2011.

Art. 3

Disposition finale

La présente ordonnance de l'Assemblée fédérale n'est pas sujette au référendum et peut entrer en vigueur dès son adoption par les conseils, permettant ainsi l'élection d'un ou de plusieurs nouveaux juges lors de la session suivant la votation finale.

5

Conséquences financières

Le traitement des juges au Tribunal administratif fédéral correspond à la classe 33 prévue à l'art. 36 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération5. Le montant minimal du traitement annuel brut des juges est actuellement fixé à 143 471 francs6, et le montant maximal, à 227 611 francs. Ainsi, pour cinq nouveaux postes de juge, les frais de personnel supplémentaires se monteraient à 1 million de francs au maximum par an. Ce montant serait évidemment moindre au cas où les postes en question ne seraient pas tous pourvus.

Le Département fédéral des finances va déposer au Parlement une demande de crédit supplémentaire pour l'ensemble des frais (notamment de personnel) qui découlent de la demande d'entraide administrative des Etats-Unis. Ces frais incluent les moyens qui seront alloués au Tribunal administratif fédéral, y compris les salaires des juges.

6

Bases légales

6.1

Légalité

Conformément à l'art. 1, al. 5, LTAF, l'Assemblée fédérale peut autoriser, pour une période de deux ans au plus, des postes de juge supplémentaires si le Tribunal administratif fédéral est confronté à un surcroît de travail que ses moyens ne lui permettent plus de maîtriser. Il ne fait aucun doute que le surcroît de travail entraîné par les probables recours liés à la demande d'entraide administrative des Etats-Unis remplit cette condition.

5

6

Cf. ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les rapports de travail et le traitement des juges du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral (ordonnance sur les juges, RS 173.711.2), art. 5, al. 1.

Cf. ordonnance sur les juges (RS 173.711.2), art. 5, al. 2.

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6.2

Forme de l'acte

L'autorisation de créer de nouveaux postes de juge pour une période de deux ans au plus concerne non seulement le nombre des nouveaux juges à élire, mais aussi leur statut, à savoir leur période de fonction (qui est plus courte que la période de fonction ordinaire de six ans prévue à l'art. 9, al. 1, LTAF). L'autorisation prévue à l'art. 1, al. 5, LTAF étant de nature législative, il convient de lui donner la forme d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale. Qui plus est, la LTAF prévoit que l'Assemblée fédérale règle par ordonnance les rapports de travail des juges (art. 13, al. 3) et détermine dans une ordonnance le nombre de postes de juge pour une durée de fonction ordinaire (art. 1, al. 4).

Il serait possible de modifier temporairement l'ordonnance sur les postes de juge (RS 173.321) qui est en vigueur. Néanmoins, l'adoption d'une nouvelle ordonnance de l'Assemblée fédérale présente plusieurs avantages: d'une part, l'acte expire automatiquement à l'échéance de son délai de validité et, d'autre part, il tient davantage compte du caractère exceptionnel de la situation qu'une modification temporaire de l'ordonnance actuelle.

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