ad 09.503 Initiative parlementaire Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois (projet 2) Rapport du 17 août 2020 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 18 novembre 2020

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement (LParl), nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 17 août 2020 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois» (projet 2).1 Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 novembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

1

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2020-3054

9113

FF 2020

Avis 1

Contexte

La suppression des droits de timbre demandée par l'initiative parlementaire 09.503 «Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois» a été divisée en trois sous-projets au cours des délibérations.

Le projet 1 porte sur la suppression du droit de timbre d'émission (ci-après «droit d'émission») (diminution des recettes fiscales estimée à 250 millions de francs). Sur la base des résultats de la consultation et de l'avis du Conseil fédéral du 23 janvier 20132, le Conseil national a approuvé ce projet le 19 mars 2013.

Le 16 janvier 2020, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a mis en consultations deux avant-projets portant sur la suppression des autres droits de timbre: ­

L'avant-projet 2 prévoit la suppression du droit de timbre de négociation (ci-après «droit de négociation») sur les titres suisses et sur les obligations étrangères dont la durée résiduelle est inférieure à un an, d'une part, et la suppression du droit de timbre sur les primes d'assurance-vie, d'autre part (diminution des recettes fiscales estimée à 219 millions de francs).

­

L'avant-projet 3 prévoit la suppression du droit de négociation sur les autres titres étrangers et du droit de timbre sur les primes d'assurance de choses et de patrimoine (diminution des recettes fiscales estimée à 1786 millions de francs).

Le 3 mars 2020, le Conseil des États a décidé de suspendre l'avant-projet 1 jusqu'à ce que la CER-N ait fixé, après la procédure de consultation, les prochaines étapes en ce qui concerne les avant-projets 2 et 3.

Le 17 août 2020, la CER-N a pris acte des résultats de la consultation.

2

­

Les membres de la commission considèrent, dans leur majorité, que le projet 1 est prioritaire.

­

La CER-N propose, par la voix prépondérante du président (12 voix contre 12 et 1 abstention), d'entrer en matière sur le projet et d'adopter l'avant-projet 2 envoyé en consultation (ci-après «projet 2»). La majorité des membres de la commission estiment que le projet 2 constitue une chance pour la place financière suisse. Quant à la minorité des membres, ils considèrent que les conséquences économiques seront trop importantes, en particulier dans le contexte de l'insécurité économique découlant de l'épidémie de COVID-19.

­

La CER-N a décidé, par 15 voix contre 10, de suspendre l'avant-projet 3 jusqu'à ce que le Conseil fédéral ait adopté son message sur la réforme de l'impôt anticipé. Compte tenu de l'importance du manque à gagner escompFF 2013 1023

9114

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té et de la conjoncture actuelle, la commission considère que cet avant-projet n'est pas prioritaire.

Tandis que la majorité des membres de la commission proposent d'entrer en matière sur le projet 2, une minorité s'y oppose. Une autre proposition minoritaire demande au Conseil fédéral de garantir ­ avant l'entrée en vigueur du projet ­ que la diminution des recettes fiscales entraînée par la modification législative soit compensée ailleurs.

Par lettre du 29 septembre 2020, la CER-N a invité le Conseil fédéral à se prononcer sur le projet 2 avant le 25 novembre 2020 au plus tard.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Situation budgétaire de la Confédération

L'économie suisse a été sévèrement touchée durant le premier semestre 2020 par l'épidémie de COVID-19 et les mesures engagées. Les mesures prises par la Confédération, les cantons et les communes ont jusqu'ici permis de contenir le déclin économique. Toutefois, l'évolution de la conjoncture dépend fortement de l'évolution de l'épidémie et est donc sujette à une grande incertitude.

La Confédération emploie les liquidités dont elle dispose et accroît sa dette en vue de financer les nombreuses mesures engagées pour faire face à l'épidémie de COVID-19 en 2020. Selon les estimations actuelles, la dette brute de la Confédération augmentera de 8,7 milliards en 2020 pour atteindre 105,6 milliards. L'endettement de la Suisse, qui reste faible en comparaison internationale, laisse à la Confédération une marge de manoeuvre suffisante pour surmonter la crise. Le Conseil fédéral décidera à la fin de l'année 2020, dans le cadre d'une synthèse budgétaire, comment il entend réduire la dette liée à la crise du COVID-19. Dans ce contexte, le Parlement a inclus une disposition (art. 2, ch. 3) dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 2023 (19.078)3, en vertu de laquelle le Conseil fédéral doit soumettre Parlement un message relatif à la gestion des dépenses extraordinaires liées au COVID-19 qui permette d'éviter les augmentations d'impôts et les programmes d'allégement Le budget fédéral est en bonne santé. Le frein à l'endettement, qui garantit une politique budgétaire anticyclique, permet aux déficits conjoncturels prévus de se poursuivre jusqu'en 2023. Ce serait également le cas si la situation économique venait à se détériorer, ce qui risquerait d'entraîner des déficits beaucoup plus importants. Pour 2024, on devrait alors s'attendrait à un déficit structurel de 0,6 milliard de francs.

D'autres charges pourront résulter de réformes fiscales ou de dépenses qui font actuellement l'objet de discussions politiques (cf. commentaires au ch. 2.2.).

On ne peut pas non plus exclure que la crise du COVID-19 entraîne un fléchissement de la croissance tendancielle des recettes de l'impôt anticipé ou une stagnation 3

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pluriannuelle des recettes de l'impôt sur le bénéfice. Durant les dernières années, les recettes de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt anticipé ont fortement augmenté: elles constituent désormais plus de 25 % des recettes budgétisées. Une stagnation des bénéfices ou une baisse durable des distributions de dividendes seront donc douloureuses pour le budget de la Confédération.

Enfin, il se pourrait aussi que les scénarios établis sous-estiment les conséquences économiques de l'épidémie de COVID-19. Seule l'évolution de la situation au cours des prochains mois permettra d'y voir plus clair.

2.2

Projets fiscaux en suspens

2.2.1

Priorités du Conseil fédéral en matière fiscale

Le Conseil fédéral entend poursuivre, d'une part, les réformes fiscales pour lesquelles il a déjà adopté un message et, d'autre part, celles qui sont importantes d'un point de vue économique et entraînent un manque à gagner limité. Il s'agit en l'occurrence de l'imposition des couples et des familles, de la suppression des droits de douane sur les produits industriels et de la refonte de l'impôt anticipé4. Le tableau 1 donne un aperçu des conséquences financières et de l'état d'avancement de ces projets.

Tableau 1 Projets fiscaux selon le plan financier de la législature Projets

Estimation de l'augmentation (+) ou de la diminution (­) des recettes de la Confédération, en millions de francs

État

Projets faisant l'objet de délibérations parlementaires 19.076 Suppression des droits de douane sur les produits industriels

­ 562,5

Conseil national: 4.6.2020, non-entée en matière; Conseil des États: 23.9.2020, entrée en matière

Projets pour lesquels la procédure de consultation est terminée Modification de la loi sur l'impôt anticipé (Renforcement du marché des capitaux de tiers)

4

­ 160 (dépend de l'évolution du niveau des intérêts);

Consultation terminée.

Message du Conseil fédéral prévu pour le printemps 2021

­ 25 (manque à gagner supplémentaire dû à la suppression du droit de négociation sur les emprunts suisses)

Plan financier 2021­2023 de la législature, p. 12; peut être consulté sur www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances > Budget 2020 avec PITF 2021­2023.

9116

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Projets

Estimation de l'augmentation (+) ou de la diminution (­) des recettes de la Confédération, en millions de francs

État

­ 1150

Le Parlement a renvoyé le projet au Conseil fédéral en lui demandant de proposer des modèles supplémentaires.

Ces modèles devront répondre aux objectifs supplémentaires que le Parlement a intégrés au programme de la législature 2019 à 2023 (19.078): ­ Adoption du message concernant l'introduction de l'imposition individuelle (art. 4, ch. 13) ­ Adoption d'une stratégie nationale de conciliation entre vie familiale et activité professionnelle en collaboration avec les cantons (art. 4, ch. 17)

Projets en préparation 18.034 Imposition équilibrée des couples et de la famille

Le Conseil fédéral estime que les charges supplémentaires découlant de ces projets pourraient se matérialiser au plus tôt à partir de 2022 pour ce qui est de la suppression des droits de douane sur les produits industriels, de 2023 pour la réforme de l'impôt anticipé, et seulement après 2024 en ce qui concerne la réforme de l'imposition du couple et de la famille5.

En revanche, le rejet en votation populaire du 27 septembre 2020 du projet de loi visant à augmenter les déductions pour enfants et les déductions pour les frais de garde des enfants par des tiers entraînera un allégement du budget de la Confédération. Les recettes supplémentaires par rapport au plan financier s'élèveront à 37 millions de francs en 2021, à 293 millions en 2022, à 350 millions en 2023 et à 381 millions en 2024.

Le 14 octobre 2020, le Conseil fédéral a décidé de poursuivre le projet de loi fédérale sur la taxe au tonnage (15.049; projet 3). Les conséquences financières de ce projet ne seront probablement pas très importantes.

D'autre part, le Département fédéral des finances (DFF) a reporté pour le moment l'ouverture de la consultation sur la mise en oeuvre de la motion 17.3171 Grin («Augmentation des déductions forfaitaires de l'impôt fédéral direct destinée à compenser l'explosion des primes d'assurance-maladie»), qui demande, d'une part, une augmentation des déductions pour les primes d'assurance et les intérêts des capitaux d'épargne dans le cadre de l'impôt fédéral direct et, d'autre part, l'élabora5

Budget 2021 assorti d'un plan intégré des tâches et des finances 2022­2024, tome 1, p. 54; peut être consulté sur www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances.

9117

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tion du message du Conseil fédéral sur la loi fédérale sur l'imposition des rentes viagères et des formes de prévoyance similaires. Une réévaluation aura lieu durant le 1er semestre 2021. Les charges supplémentaires découlant de ces projets sont indiquées dans le tableau 2.

Tableau 2 Projets fiscaux suspendus Projets

Estimation de l'augmentation (+) ou de la diminution (­) des recettes de la Confédération, en millions de francs

État

Projets pour lesquels la procédure de consultation est terminée Loi fédérale sur l'imposition des rentes viagères et des formes de prévoyance similaires (mise en oeuvre de la motion 12.3814)

­ 10

Consultation terminée.

Décision quant à l'élaboration du message durant le 1er semestre 2021

Projets en préparation Hausse des déductions pour les primes de l'assurancemaladie obligatoire et de l'assurance accident dans le cadre de l'impôt fédéral direct (mise en oeuvre de la motion 17.3171)

2.2.2

Lignes directrices non encore Décision quant au projet fixées: ­ 290 à ­ 380, suivant mis en consultation durant la variante mise en oeuvre le 1er semestre 2021

Autres projets fiscaux en suspens

Parmi les autres projets fiscaux en suspens, les trois propositions visant à supprimer les droits de timbre revêtent une importance particulière. Cependant, les efforts déployés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l'échelle internationale pour uniformiser l'imposition des bénéfices sont également importants. Le tableau 3 et le texte ci-après en donnent un aperçu.

9118

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Tableau 3 Autres projets fiscaux en suspens Projets

Estimation de l'augmentation (+) ou de la diminution (­) des recettes de la Confédération, en millions de francs

État

Projets adoptés dont l'entrée en vigueur n'a pas encore été déterminée 16.076 Loi sur le traitement fiscal des sanctions financières

Si des amendes importantes Mise en vigueur au peuvent dans certains cas être 1er janvier 2022 déduites du bénéfice, il est possible que la diminution des recettes fiscales soit importante

Projets faisant l'objet de délibérations parlementaires Iv. pa. 09.503 projet 1: Suppression du droit de négociation

­ 250

Approbation par le Conseil national; actuellement suspendu par le Conseil des États

Iv. pa. 09.503 projet 2: suppression du droit de négociation sur les titres suisses et les obligations étrangères avec une durée résiduelle inférieure à un an et suppression du droit de timbre sur les assurances-vie

­ 219

CER-N: entrée en matière et approbation

Iv. pa. 09.503 avant-projet 3: suppression du droit de négociation sur les autres titres étrangers et du droit de timbre sur les primes d'assurance de choses et de patrimoine

­ 1786

Suspendu par la CER-N

17.400 Changement du système d'imposition de la propriété du logement

­ 100 à ­ 400 (selon la conception de la déduction des intérêts de la dette et sur la base du niveau actuel des intérêts hypothécaires)

Consultation terminée; la suite des délibérations est devant la CER-E

Projets pour lesquels la procédure de consultation est terminée Projet concernant le dévelop- Recettes supplémentaires La consultation s'est achevée pement de la TVA dans le annuelles de l'ordre de le 12 octobre 2020 cadre d'une économie numé- quelques dizaines de millions risée et mondialisée (comprend la mise en oeuvre des motions 16.3431, 17.3657, 18.3540, 18.4205 et 19.3892)

9119

FF 2020

D'autres projets de réforme sont en cours de préparation. Les conséquences financières de ces projets ne sont pas (encore) quantifiables: ­

Mise en oeuvre de la motion 17.3261 «Pour un traitement fiscal concurrentiel des start-up et des participations détenues par leurs collaborateurs»;

­

Mise en oeuvre de la motion 19.3702 «Autoriser les rachats dans le pilier 3a».

Enfin, le projet de l'OCDE concernant les règles de taxation de l'économie numérique est également à l'ordre du jour. Il s'agit d'adapter les principes d'imposition des entreprises multinationales. D'une part, la répartition de l'impôt sur le bénéfice entre l'État où est situé le siège et l'État du marché doit être modifiée en faveur de l'État du marché. D'autre part, l'imposition adéquate des bénéfices doit être assurée par une règle globale de taxation minimale. Le rapport final de l'OCDE contenant les grandes lignes du projet aurait dû être disponible à la fin de 2020; l'objectif est désormais de trouver un accord sur ces grandes lignes d'ici à l'été 2021. Pour la Suisse, on peut s'attendre à une diminution de recettes de plusieurs centaines de millions de francs.

2.3

Position du Conseil fédéral sur la suppressiondes droits de timbre

2.3.1

Positions et réformes antérieures

Au cours des dernières années, le Conseil fédéral a traité les droits de timbre sous différents angles.

Dans son message du 20 avril 2011 concernant la révision de la loi sur les banques (11.028 Renforcement de la stabilité du secteur financier, too big to fail)6, le Conseil fédéral a proposé de supprimer le droit d'émission sur les obligations. Cette modification est entrée en vigueur le 1er mars 2012.

Le 30 novembre 2011, le Conseil fédéral a présenté ses priorités en matière fiscale.

Il a confirmé les conclusions qu'il a données en présentant son avis sur le rapport de la CER-N du 23 janvier 2013 (projet 1) et dans le cadre son rapport du 20 septembre 2013 concernant les projets en suspens ayant d'importantes conséquences financières.

6

­

Il estimait alors que deux réformes primaient: l'élimination du surcroît de charge fiscale, anticonstitutionnel, grevant les couples mariés par rapport aux concubins et la réforme de l'imposition des entreprises III (RIE III).

­

Il était favorable à la suppression du droit d'émission sur le capital propre. Il l'a donc proposée dans son message relatif à la RIE III, en rejetant cependant l'idée de procéder à la suppression de ce droit de manière isolée et antérieure. Pour des raisons qui relèvent de la politique budgétaire, le Conseil fédéral tenait à conserver les autres droits de timbre (le droit de négociation et le droit de timbre sur les primes d'assurance).

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9120

FF 2020

Le 3 avril 2020, le Conseil fédéral a mis en consultation le projet de réforme de l'impôt anticipé. Il proposait, en guise de mesure d'accompagnement, la suppression du droit de négociation sur les obligations suisses. Avec cette réforme, le Conseil fédéral entend renforcer le marché suisse des capitaux de tiers. Il devrait présenter le message relatif à ce projet au printemps 2021.

2.3.2

Proposition: non-entrée en matière

Dans le cadre des droits de timbre, le Conseil fédéral accorde la priorité à la suppression du droit d'émission et à celle du droit de négociation sur les obligations nationales. Il soutient donc la suppression du droit d'émission selon le projet 1 relatif à l'initiative parlementaire 09.503 (manque à gagner estimé à 250 millions de francs). Il proposera par ailleurs la suppression du droit de négociation sur les obligations nationales (manque à gagner estimé à 25 millions de francs) dans le cadre du message concernant la révision de la loi sur l'impôt anticipé (renforcement du marché des capitaux de tiers) prévu pour le printemps 2021.

Pour l'heure, le Conseil fédéral rejette d'autres mesures de suppression, ne serait-ce que pour des raisons financières. En d'autres termes, il propose de ne pas entrer en matière sur le présent projet 2.

Les raisons suivantes justifient la suppression du droit d'émission: ­

La suppression du droit d'émission aura des répercussions positives sur toutes les sociétés qui émettent de nouveaux capitaux propres. Cela vaut pour les sociétés à capital important qui viennent s'installer et pour les centrales de groupes, mais aussi pour les entreprises établies en Suisse qui ont d'importants projets d'investissement.

­

Elle contribue à améliorer la neutralité du financement, car le financement par émission de participations ­ qui constitue la forme de financement la plus onéreuse pour des raisons fiscales ­ ne sera alors plus grevé aussi par le droit d'émission.

­

Dans le contexte actuel, un nouvel argument plaide en faveur de la suppression du droit d'émission: c'est précisément lorsque l'économie est en récession que ce droit frappe le plus durement les entreprises, puisqu'une partie d'entre elles sont alors tributaires d'apports de capitaux propres pour survivre. C'est en effet durant les années de crise que le droit d'émission a retiré le plus de ressources aux entreprises: 375 millions de francs en 2001, 365 millions en 2008 et 331 millions en 2009.

Les mesures d'urgence adoptées (nouveaux crédits sous forme de fonds de tiers) ont certes permis de surmonter les pénuries de liquidités. Cependant, ces crédits n'aident pas les entreprises à absorber les pertes: seuls les capitaux propres sont en mesure de le faire. On peut supposer qu'une grande partie des entreprises dépendront des apports de capitaux de leurs associés pour éviter un bilan négatif ou un surendettement et assurer leur survie. Dès lors que la franchise de 1 million de francs est dépassée, le droit d'émission de 1 % est prélevé sur les apports de capital. Dans certains cas, l'exonération du 9121

FF 2020

droit d'émission en cas d'assainissement ne s'applique pas, les conditions étant trop restrictives. En effet, elle n'est accordée que si des pertes existantes sont éliminées et que le total des paiements effectués par les associés ou les coopérateurs ne dépasse pas 10 millions de francs. En d'autres termes, si une entreprise prend des mesures pour anticiper la crise, elle est tenue d'acquitter le droit d'émission.

La suppression du droit d'émission contribuerait donc à atténuer les conséquences économiques de l'épidémie de COVID-19.

La suppression du droit de négociation aurait également des conséquences favorables pour l'économie, notamment pour les raisons suivantes: ­

Réduction des frais de financement des entreprises et des établissements de droit public;

­

Augmentation de l'attrait de la bourse suisse;

­

Renforcement du marché suisse des capitaux de tiers;

­

Accroissement de la compétitivité des intermédiaires financiers suisses dans les activités internationales de gestion de fortune et de commerce de dépôt;

­

Rapatriement du commerce d'emprunts étrangers à courte durée résiduelle.

Dans le cadre de la stratégie du Conseil fédéral, le marché intérieur des capitaux de tiers peut être renforcé de manière globale grâce à la réforme de l'impôt anticipé, à la suppression de droit de négociation sur les obligations suisses et à l'adaptation de la réduction pour participation pour les capitaux de tiers transférés à l'intérieur d'un groupe. Cette approche permet de réduire le coût du financement par emprunt pour les entreprises et les établissements de droit public. Toutefois, afin de réduire aussi les coûts d'autofinancement des sociétés suisses cotées en bourse, le droit de négociation sur les titres de participation suisses devrait également être supprimé. Cette mesure permettrait en outre de rendre la bourse suisse plus attrayante. Par contre, la position concurrentielle des intermédiaires financiers suisses dans le domaine des activités internationales de gestion de fortune et de commerce de dépôt ne pourrait être sensiblement renforcée que si le droit de négociation sur les titres étrangers était également supprimé. Cela vaut également pour le rapatriement du commerce d'emprunts étrangers à courte durée résiduelle. Dans ce cas, toutefois, seules les obligations correspondantes devraient être exonérées du droit de négociation.

Dans l'ensemble, le Conseil fédéral s'attend à ce que la suppression du droit d'émission et du droit de négociation sur les obligations suisses dans le cadre de la réforme prévue de l'impôt anticipé présente, du point de vue économique, un meilleur rapport coût-bénéfice que la suppression du droit de négociation sur les autres titres suisses et sur les obligations étrangères dont la durée résiduelle est inférieure à un an, comme le prévoit le projet 2. Toutefois, le Conseil fédéral n'exclut pas que d'autres réformes des droits de timbre, dépassant la simple suppression du droit d'émission, devront être envisagés dès que les conditions politiques le permettront.

9122

FF 2020

2.3.3

Propositions subsidiaires

Proposition subsidiaire 1: renoncer à supprimer le droit de timbre sur les assurances-vie Contrairement à la suppression du droit d'émission et du droit de négociation, la suppression du droit de timbre sur les assurances-vie n'aura pratiquement pas d'effets positifs sur l'économie. Au contraire, la sous-imposition existante sera accentuée.

En cas de vie, de décès ou d'invalidité et en cas de rachat, les prestation des assurances de capital susceptibles de rachat sont exonérées de l'impôt sur le revenu si les assurances sont financées par des primes périodiques7. Il en va de même si elles sont financées par une prime unique, dans la mesure où les prestations sont versées à un assuré de 60 ans en vertu d'un contrat qui a duré au moins 5 ans et qui a été conclu avant le 66e anniversaire de ce dernier. Une simple planification permet de réunir ces conditions. L'exonération de l'impôt sur le revenu pour les assurances de capital susceptibles de rachat constitue un privilège dont ne bénéficient pas les autres instruments d'investissement du pilier 3b8.

Durant la période de taux d'intérêt élevés des années 90, les assurances de capital susceptibles de rachat se sont imposées comme instruments d'optimisation fiscale.

Cependant, le droit de timbre sur les assurances-vie à prime unique a été réintroduit le 1er avril 1998 afin de réduire les possibilités d'optimisation fiscale. Si le droit de timbre sur les assurances-vie était supprimé sans être remplacé, comme le propose le projet 2, le potentiel d'optimisation fiscale serait rétabli.

En principe, il serait adéquat de supprimer le droit de timbre sur les assurances-vie et de soumettre à l'impôt sur le revenu les prestations des assurances de capital susceptibles de rachat du pilier 3b. Dans son étude concernant la suppression par étapes des droits de timbre («Schrittweise Abschaffung der Stempelabgaben», p. 84)9, l'Administration fédérale des contributions a proposé d'imposer la différence entre le montant des prestations versées et le montant des primes d'assurance conjointement avec les autres revenus, en appliquant le taux de la rente, conformément aux dispositions de l'art. 37 LIFD.

Du fait que d'autres variantes sont également envisageables en pratique et que l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des prestations des assurances de capital
susceptibles de rachat n'a pas fait l'objet d'une consultation, le Conseil fédéral renonce à le proposer. Dans sa proposition subsidiaire 1, il propose cependant de renoncer à supprimer le droit de timbre sur les assurances-vie.

7

8 9

Art. 24, let. b, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (RS 642.11; LIFD) et 7, al. 4, let. d, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (RS 642.14; LHID) Art. 20, al. 1, let. a, LIFD et 7 , al. 1ter, LHID Peut être consultée (en allemand, avec résumé en français) sur www.estv.admin.ch > Politique fiscale Statistiques fiscales, Publications > Politique fiscale > Informations spécialisées > Rapports > 2011.

9123

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Proposition subsidiaire 2: rejeter la proposition émise par la minorité concernant la compensation du manque à gagner Le Conseil fédéral rejette la proposition de la minorité présentée au ch. II, par. 3, du projet 2, selon laquelle il devrait garantir, avant la mise en oeuvre du projet, que le manque à gagner fiscal induit par la modification législative soit compensé ailleurs.

Ses arguments sont les suivants: ­

Dans la mesure où la proposition émise par la minorité entraîne une compensation du côté des recettes, on rappellera que le Conseil fédéral n'a pas lui-même la compétence de créer de nouveaux impôts ou d'augmenter les impôts existants. Ces mesures doivent être réglées au niveau de la loi et de la base constitutionnelle correspondante. Si une compensation du manque à gagner est souhaitée, la procédure appropriée serait donc que le législateur décide à l'heure actuelle déjà, dans le cadre du présent projet, d'une autre hausse d'impôts. Si cette tâche devait néanmoins, comme le propose la minorité, être déléguée au Conseil fédéral dans le cadre de la mise en vigueur, celui-ci devrait lancer un nouveau projet législatif, comprenant l'organisation d'une consultation et la rédaction d'un message. L'entrée en vigueur du projet serait alors incertaine.

­

Par contre, si le but de cette disposition est d'assurer une compensation du manque à gagner par une diminution des dépenses, elle n'apporterait aucun avantage spécifique étant donné que le frein à l'endettement prévoit déjà un équilibre durable entre les recettes et les dépenses. En cas de défaut de financement et en l'absence d'une augmentation compensatoire des impôts, le Conseil fédéral devra prendre des mesures d'économies afin que le budget réponde aux exigences du frein à l'endettement et ce, même sans la nouvelle disposition demandée par la minorité.

3

Propositions du Conseil fédéral

Proposition: Le Conseil fédéral propose de ne pas entrer en matière sur le projet 2 de la commission.

Proposition subsidiaire 1: ch. I Art. 22, let. a, abis et ater, et art. 24, al. 1 Supprimer Proposition subsidiaire 2: ch. II, al. 3 Le Conseil fédéral propose de rejeter la proposition émise par la minorité.

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