20.034 Message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé (Successions) du 13 mars 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé1, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 mars 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

1

RS 291

2019-2621

3215

Condensé Le projet de modification de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) vise à moderniser le droit suisse régissant les successions internationales, figurant au chap. 6 de la LDIP, et de l'harmoniser avec l'évolution du droit à l'étranger.

Le projet accroît l'autonomie des parties et réduit le risque de conflit de compétence avec les autorités étrangères, et en particulier celles des pays membres de l'Union européenne (UE).

Contexte En 2014, Luc Recordon, alors député au Conseil des États, a déposé la motion 14.4285 «Convention internationale sur les successions», qui chargeait le Conseil fédéral «d'examiner les possibilités de mettre en place une convention internationale sur les successions ou de prendre toute autre mesure évitant que la Suisse ne soit exclue de l'espace juridique de ce domaine créé par le règlement n o 650/2012 de l'Union européenne». Dans son avis sur la motion, le Conseil fédéral a reconnu que le règlement européen sur les successions internationales aurait des conséquences considérables pour les ressortissants suisses dont le dernier lieu de résidence habituelle se trouve dans un État membre de l'UE et pour les personnes qui résident en Suisse et possèdent des biens dans un État membre de l'UE. Des doutes quant à l'opportunité de conclure une convention avec l'UE, comme le demande la motion, ont cependant poussé le Conseil national, informé que le Conseil fédéral se proposait d'adapter les dispositions de la LDIP sur le droit successoral dans le sens d'une harmonisation, à rejeter la motion.

Certes, l'existence de conflits de compétence avec d'autres États en matière successorale n'est pas nouvelle, mais l'harmonisation apportée par le règlement européen représente une chance pour la Suisse de minimiser le risque existant avec une grande partie de l'Europe et d'offrir aux citoyens davantage de sécurité juridique et de prévisibilité dans le sort de leurs biens après leur décès.

Contenu du projet Le but principal de la présente modification de loi est d'éviter des décisions contradictoires en matière de successions internationales, grâce à une harmonisation partielle du droit suisse avec le règlement européen en la matière. En premier lieu, il s'agit de mieux coordonner les compétences de décision en adaptant les règles sur les fors et la reconnaissance
de décisions étrangères. Lorsque ce n'est pas possible, le projet vise du moins à ce que le droit appliqué soit le même en Suisse et dans les États appliquant le règlement européen. Le droit suisse se prête le mieux à une harmonisation avec le règlement européen lorsque les solutions choisies ne sont pas les seules concevables ou paraissent désuètes et lorsque la solution choisie par l'UE est compatible avec les principes fondateurs de la LDIP en général et de son chap. 6 en particulier.

3216

La révision ne se limite pas à la coordination avec le règlement européen. Elle vise aussi à apporter les modifications, compléments et clarifications dont la jurisprudence et la doctrine ont établi la nécessité en ces quelque 30 ans depuis lesquels la loi est entrée en vigueur. Elle donne également un peu plus d'autonomie aux citoyens au sujet de leur succession.

3217

FF 2020

Table des matières Condensé

3216

1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir 1.1.1 La motion Recordon 1.1.2 Le chap. 6 de la LDIP 1.1.3 Le règlement européen sur les successions internationales 1.1.4 Nécessité d'une coordination 1.2 Objectifs visés 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

3219 3219 3219 3219 3220 3222 3223

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Genèse du projet 2.2 Résultats de la procédure de consultation

3224 3224 3224

3

Présentation du projet 3.1 Réglementation proposée 3.1.1 Aperçu des modifications et de leurs buts 3.1.2 Maintien du rattachement au dernier domicile du défunt 3.1.3 Mesures législatives complémentaires 3.2 Adéquation des moyens requis et mise en oeuvre

3225 3225 3225 3227 3227 3228

4

Commentaire des dispositions

3228

5

Conséquences 5.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 5.2 Conséquences sociales et économiques

3251

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.3 Forme de l'acte à adopter 6.4 Frein aux dépenses 6.5 Délégation de compétences législatives 6.6 Protection des données

3252 3252 3252 3253 3253 3253 3254

6

3223

3251 3252

Litérature citée

3255

Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) (Projet)

3257

3218

FF 2020

Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir

1.1.1

La motion Recordon

Le 12 décembre 2014, Luc Recordon, alors député au Conseil des États, a déposé la motion 14.4285 «Convention internationale sur les successions», qui chargeait le Conseil fédéral «d'examiner les possibilités de mettre en place une convention internationale sur les successions ou de prendre toute autre mesure évitant que la Suisse ne soit exclue de l'espace juridique de ce domaine créé par le règlement n o 650/20122 de l'Union européenne» (ci-après «règlement européen»). La motion a été acceptée le 19 mars 2015 par le Conseil des États (par 27 voix contre 4 et une abstention), puis rejetée le 21 septembre de la même année par le Conseil national, sur proposition du 27 août 2015 de sa Commission des affaires juridiques (proposition adoptée à 15 voix contre 0 et 1 abstention). Certes, nul ne contestait que des conflits de compétence pouvaient découler de la coexistence du règlement européen et des dispositions pertinentes du droit interne (qui figurent dans la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]3). Résoudre le problème par une convention internationale a toutefois été jugé irréaliste, comme le pensait aussi le Conseil fédéral. Le Conseil national a par contre été informé que l'on se proposait d'adapter les dispositions de la LDIP sur le droit successoral (voir ch. 2.1).

1.1.2

Le chap. 6 de la LDIP

Le chap. 6, soit les art. 86 à 96, de la LDIP règle la compétence des autorités suisses et le droit applicable par ces dernières dans les cas de successions internationales, de même que la reconnaissance des actes juridiques étrangers concernant une succession.

La compétence est déterminée essentiellement par le dernier domicile du défunt (art. 86, al. 1). Les autorités suisses ont une compétence subsidiaire pour la succession des Suisses de l'étranger et pour les biens successoraux qui se trouvent en Suisse (art. 87, al. 1, et 88). Les Suisses de l'étranger peuvent en outre soumettre l'ensemble de leur succession ou une partie de celle-ci à la compétence des autorités suisses (art. 87, al. 2).

Le droit applicable à la succession est lui aussi déterminé par le dernier domicile du défunt. Si celui-ci avait son dernier domicile en Suisse, le droit successoral suisse s'applique, à moins que le de cujus n'ait choisi le droit d'un autre État dont il a la 2

3

Règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, JO L 201 du 27.7.2012, p. 107.

RS 291

3219

FF 2020

nationalité (art. 90). Si le défunt avait son dernier domicile à l'étranger, le droit successoral applicable est celui que désignent les règles de droit international privé de l'État concerné (art. 91, al. 1). Un disposant de nationalité suisse peut cependant soumettre sa succession, en totalité ou en partie, au droit successoral suisse. Il peut le faire directement ou indirectement, en la soumettant à la compétence des autorités suisses (art. 91, al. 2). Des règles particulières s'appliquent à la validité des testaments et des pactes successoraux (art. 93 à 95). Les mesures conservatoires et les aspects procéduraux de la dévolution successorale sont déterminés par le droit suisse (art. 89 et 92, al. 2).

L'art. 96 règle la reconnaissance des «décisions, [d]es mesures ou [d]es documents relatifs à une succession», de même que des «droits qui dérivent d'une succession ouverte à l'étranger». Qu'un acte juridique étranger puisse être reconnu dépend notamment du fait que la Suisse reconnaisse ou non la juridiction étrangère comme compétente (on parle ici de compétence indirecte). Comme pour la compétence des autorités suisses, cette appréciation se fonde sur le critère du dernier domicile du de cujus. Sont cependant aussi considérés comme compétent l'État dont le de cujus a choisi le droit et, dans le cas des biens immobiliers, l'État dans lequel se trouve le bien concerné. Sont en outre reconnus les actes juridiques reconnus dans un de ces États (État du dernier domicile, État du droit choisi, État de situation des biens).

1.1.3

Le règlement européen sur les successions internationales

Le règlement européen est entré en vigueur le 16 août 2012. Il s'applique à tous les États de l'Union européenne à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni (qui est entretemps sorti de l'UE) et de l'Irlande et vaut pour la succession des personnes décédées après le 16 août 2015.

Le règlement européen a essentiellement le même objet que le chap. 6 de la LDIP. Il porte sur la compétence des autorités des États liés par le règlement (ci-après «États membres»), sur le droit que ces autorités doivent appliquer et sur la reconnaissance des actes juridiques relevant du droit successoral et émanant d'autres États membres.

Il contient aussi un chapitre instituant un «certificat successoral européen» (que nous n'abordons pas plus avant).

Dans les grandes lignes, la règlementation européenne est semblable à celle de la LDIP. La différence la plus flagrante est le rattachement au dernier lieu de résidence habituelle du défunt plutôt qu'à son dernier domicile. Dans la doctrine, il semble cependant y avoir unanimité pour dire que ces deux notions coïncident dans la plupart des cas. Il est une autre différence qui revêt une plus grande importance pratique: sous l'empire du règlement européen, les autorités de l'État (membre) national du défunt ou de l'État (membre) où sont situés une partie des biens ont une compétence subsidiaire lorsque la personne concernée avait sa résidence habituelle au moment de son décès dans un État non soumis au règlement (État tiers), tandis que la LDIP pose comme condition que les autorités étrangères ne s'occupent pas de la succession. En revanche, selon le règlement européen, les autorités de l'État national ne sont compétentes que si des biens successoraux se trouvent dans cet État.

3220

FF 2020

L'État (membre) dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle antérieure est assimilé à l'État national s'il ne s'était pas écoulé plus de cinq ans depuis qu'il avait changé de résidence habituelle (pour l'ensemble de la question, voir art. 10 du règlement européen). Une autre différence importante par rapport à la LDIP est le fait que le disposant ne peut pas soumettre sa succession par testament ou par pacte successoral à la compétence des autorités de l'État national.

Le règlement européen ne règle le cas où des procédures étrangères sont en cours ou closes dans la même cause que s'il s'agit d'autres États membres (art. 17 s. du règlement européen). Selon la doctrine dominante4, pour ce qui est des procédures d'États tiers tels que la Suisse, c'est le droit procédural de l'État membre qui décide de sa compétence dans le cas concret qui s'applique.

Le règlement européen prend aussi la dernière résidence habituelle comme critère de rattachement pour la loi applicable (art. 21). Si le défunt résidait dans un État tiers, le droit successoral applicable est déterminé par les règles de droit international privé de cet État, comme à l'art. 91, al. 1, LDIP, mais uniquement si ces règles renvoient au droit d'un État membre ou d'un autre État tiers qui, en l'espèce, appliquerait son propre droit successoral. Autrement, c'est le droit successoral matériel de l'État tiers de résidence qui s'applique (pour l'ensemble du mécanisme, voir art. 34 du règlement européen).

Le règlement européen autorise l'élection de droit en faveur de l'État national du de cujus (art. 22). Il traite cependant différemment de la LDIP la question de la pluralité de nationalités et celle du moment déterminant pour la nationalité (pour plus de précisions, voir ch. 4). Comme la LDIP, il contient des règles spéciales portant sur le droit applicable aux testaments et aux pactes successoraux (art. 24 à 27), mais il existe là aussi des différences dans les détails (pour plus de précisions, voir ch. 4).

La principale différence réside dans le fait que la LDIP ne régit pas les testaments et les pactes successoraux de la même manière et ne prévoit de règles spéciales pour les premiers que sur certains points.

Le règlement européen contient un chapitre sur la reconnaissance des décisions étrangères (chap. IV) et un autre sur la
reconnaissance des actes authentiques et transactions judiciaires étrangers (chap. V). Ces deux chapitres sont axés sur les relations entre États membres. La reconnaissance des actes juridiques des États tiers tels que la Suisse est déterminée, selon la doctrine dominante, par le droit procédural international de l'État membre dans lequel la question de la reconnaissance se pose.

Pour ce qui est des actes des États membres, il n'est pas licite d'examiner si l'État concerné était compétent5.

4 5

Voir par ex. Bonomi, Bonomi/Wautelet, art. 17, N 6 ss.

Sur l'ensemble de la question, voir Pretelli, Bonomi/Wautelet, avant les art. 39 ss, N 7 et 11.

3221

FF 2020

1.1.4

Nécessité d'une coordination

La coexistence de la LDIP et du règlement européen peut donner lieu à des problèmes, comme l'illustrent les exemples suivants.

­

Une «expat» française, qui avait jusque-là vécu et travaillé à Genève, meurt.

Elle laisse des biens tant en Suisse que dans sa patrie d'origine. Comme elle avait son dernier domicile à Genève, les autorités genevoises compétentes en matière de successions se considèrent comme compétentes pour l'ensemble de la succession, en vertu de l'art. 86, al. 1, LDIP. Toutefois, il existe aussi une compétence globale en France, dont la défunte avait la nationalité et où elle a laissé des biens successoraux (art. 10, par. 1, let. a, du règlement européen). Il est imaginable qu'un héritier ouvre une procédure en Suisse et une autre en France, les deux concernant la même question relative à la succession. Si les deux États se déclarent compétents, il surgit ce que l'on appelle un conflit de compétence positif.

­

Un Suisse qui a travaillé en dernier lieu à Francfort rentre en Suisse, où il meurt deux ans plus tard. À sa mort, il laisse plusieurs comptes dans des banques allemandes. La situation est la même que dans l'exemple précédent.

La compétence des autorités étrangères se fonde cette fois-ci sur l'art. 10, par. 2, let. b, du règlement européen, qui prévoit un rattachement au lieu de résidence habituelle antérieur.

­

Une Suissesse passe sa retraite en Provence, où elle meurt. Elle laisse un testament dans lequel elle soumet l'ensemble de sa succession au droit suisse.

Cette élection de droit confère obligatoirement aux autorités suisses une compétence en vertu de l'art. 87, al. 2, LDIP. Toutefois, les autorités françaises se considèrent aussi comme compétentes, parce que la défunte a eu sa dernière résidence habituelle dans ce pays. Il y a de nouveau un risque de conflit de compétence positif.

La résidence habituelle au sens du règlement européen et le domicile au sens de la LDIP coïncident en général, comme on l'a dit plus haut. Cependant, on peut concevoir des cas dans lesquels les autorités suisses estimeront que le dernier domicile est en Suisse et les autorités d'un État européen que le dernier lieu de résidence habituelle est dans cet État. La doctrine cite le cas de couples de retraités suisses qui passent une grande partie de leur temps dans leur résidence secondaire de Majorque.

Si tant la Suisse que l'Espagne se déclarent compétentes, il y a risque de décisions contradictoires.

Si, dans les exemples cités, une procédure est ouverte en Suisse en premier lieu, c'est le droit de procédure de l'autre État qui déterminera dans quelle mesure cet État doit la prendre en compte. Si une procédure a été ouverte à l'étranger avant la procédure suisse, l'autorité suisse compétente ne peut pas en tenir compte. L'art. 9 LDIP, qui s'applique en ce cas, pose en effet comme condition que la décision rendue à l'issue de la procédure étrangère puisse être reconnue en Suisse, ce qui n'est pas le cas dans ces exemples. Les décisions de l'État du dernier ou de l'avantdernier lieu de résidence habituelle, de même que celles de l'État national du défunt, ne peuvent en principe pas être reconnues en Suisse, pas plus que celles de l'État dans lequel les biens mobiliers sont situés (art. 96 LDIP). Il en va de même pour des 3222

FF 2020

décisions émanant de l'État du lieu de situation de biens mobiliers. Même une décision rendue dans le dernier État de domicile ne peut être reconnue lorsque les autorités suisses sont forcément compétentes au sens de l'art. 87, al. 2, LDIP6, comme c'est le cas dans le 3e exemple. Le principe de litispendance ne permet ainsi d'éviter les conflits de compétence positifs que modérément dans les exemples cités.

Le projet de révision de la LDIP répond donc à la nécessité d'une coordination. Le risque de conflits de compétence positifs avec d'autres États n'est certes pas nouveau en la matière. L'harmonisation du droit apportée par le règlement européen représente cependant une opportunité de minimiser ce risque avec une grande partie de l'Europe et d'offrir aux citoyens davantage de sécurité juridique et de prévisibilité dans le déroulement de leur succession.

1.2

Objectifs visés

Le projet vise essentiellement une harmonisation partielle du droit suisse avec le règlement européen en matière de successions internationales afin d'éviter des décisions contradictoires avec les États appliquant le règlement européen. La révision du chap. 6 de la LDIP que cette harmonisation réclame fournit aussi l'occasion d'apporter les modifications, compléments et clarifications dont la jurisprudence et la doctrine ont établi la nécessité depuis l'entrée en vigueur de la loi, il y a 30 ans.

Le texte proposé renforce par ailleurs légèrement ­ dans l'esprit de la révision en cours des dispositions de droit successoral dans le code civil (CC)7 ­ la liberté de chacun de disposer de sa succession.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est mentionné ni dans le message du 29 janvier 20208, ni dans le projet d'arrêté fédéral du 29 janvier 20209 sur le programme de la législature 2019 à 2023.

Il s'inscrit toutefois dans le cadre du traitement de la motion Recordon décidé par le Parlement en 2015 (voir ch. 1.1.4).

Le projet n'a aucune incidence sur la planification financière de la Confédération et ne présente aucun lien avec les stratégies nationales du Conseil fédéral.

6 7 8 9

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 5P.274/2002 du 28 octobre 2002, consid. 4.1.

Voir le message du 29 août 2018 concernant la révision du code civil suisse (droit des successions), FF 2018 5865 ss.

FF 2020 1709 FF 2020 1830

3223

FF 2020

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Genèse du projet

Le 23 décembre 2015, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a soumis un document de travail à des spécialistes et des associations représentant les facultés de droit, les avocats, les notaires et les juges, ainsi qu'à quelques autorités cantonales chargées des successions. Ce document présentait plusieurs options de modification du chapitre «Successions» de la LDIP. L'élaboration de ce document a été précédée par un échange de vues avec Andrea Bonomi, professeur ordinaire de l'Université de Lausanne. Fin février 2016, cette consultation écrite avait permis de recueillir 14 avis.

L'OFJ a ensuite instauré un groupe d'experts, composé du professeur Bonomi, de Hans Rainer Künzle, professeur titulaire de l'Université de Zurich et associé d'une entreprise zurichoise de conseil en patrimoine, de Barbara Graham-Siegenthaler, professeur ordinaire à l'Université de Lucerne et associée d'un cabinet d'avocats bâlois, et de Kinga M. Weiss, avocate spécialiste FSA en droit successoral et associée d'un cabinet d'avocats zurichois. Alessandra Ceresoli, dr en droit et responsable de l'office des successions de Bâle-Ville, a participé aux travaux de fond comme experte additionnelle.

L'OFJ a élaboré, sur la base des avis susmentionnés, plusieurs esquisses de travail qui ont été discutées dans le groupe d'experts et qui ont débouché sur un avantprojet. Le texte de l'avant-projet a été soumis à une procédure de consultation du 14 février au 31 mai 2018.

A la suite de la consultation, l'avant-projet a été plusieurs fois remanié, en étroite collaboration avec le groupe d'experts, pour finalement prendre la forme du présent projet. Certains points isolés ont fait l'objet de désaccords au sein du groupe d'experts.

2.2

Résultats de la procédure de consultation

La consultation a permis à 22 cantons, 5 partis politiques, 2 organisations faîtières oeuvrant à l'échelle nationale, 8 autres organisations, 1 université et 1 cabinet d'avocat de s'exprimer. 39 avis ont été livrés au total10.

Tous les participants à la consultation approuvent le projet de révision et son orientation. 5 participants approuvent aussi expressément l'avant-projet sans se prononcer sur les différents points de la révision. 6 autres participants expliquent être d'accord avec tous les points qu'ils ne critiquent pas explicitement. Il en résulte que toutes les propositions de modification sont approuvées à une nette majorité.

Même si l'on considère exclusivement les avis spécifiques, les propositions du Conseil fédéral manquent d'obtenir l'approbation majoritaire sur deux points matériels

10

Les avis peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2018 > DFJP.

3224

FF 2020

seulement, et même là, les résultats sont très serrés. Il s'agit des propositions d'art 90, al. 2, et 92, al. 2, P-LDIP.

3

Présentation du projet

3.1

Réglementation proposée

3.1.1

Aperçu des modifications et de leurs buts

Le but principal de la modification de loi est d'éviter des décisions contradictoires dans les cas de successions internationales impliquant des États qui appliquent le règlement européen, grâce à une harmonisation partielle du droit suisse avec ledit règlement (voir ch. 1.2). Il s'agit en premier lieu de mieux coordonner les compétences de décision, en adaptant les règles sur les fors et sur la reconnaissance de décisions étrangères. Lorsque ce n'est pas possible, l'avant-projet vise du moins à ce que le droit applicable soit le même en Suisse et dans les États appliquant le règlement européen. Le Conseil fédéral estime que le droit suisse se prête le mieux à une harmonisation avec le règlement européen lorsque les solutions choisies ne sont pas les seules concevables ou paraissent désuètes, au plan matériel, et lorsque la solution choisie par l'UE est compatible avec les principes fondateurs de la LDIP en général et de son chap. 6 en particulier. Il n'est pas question de reprendre tel quel le règlement européen.

Huit des dispositions du chap. 6 du projet contiennent des modifications qui servent à réduire le risque de conflits de compétence positifs 11. Les personnes ayant une nationalité étrangère pourront prendre en compte une éventuelle revendication de compétence de l'État national en question en soumettant aux autorités de ce dernier les biens qui y sont situés voire l'ensemble de leur succession. Les ressortissants suisses auront aussi, dans une certaine mesure, la possibilité de prendre en compte la revendication de compétence d'un autre État. L'avant-projet offre ainsi à ceux qui veulent soumettre leur succession au droit suisse la possibilité de faire une réserve en faveur de la compétence de l'État concerné. Les ressortissants suisses, comme les ressortissants étrangers, pourront en outre soumettre des immeubles étrangers à la compétence de l'État où ils sont situés. Les autres modifications permettront aux autorités suisses chargées des successions, qui n'ont qu'une compétence subsidiaire si le défunt avait son dernier domicile à l'étranger, de n'intervenir en ce cas réellement qu'à titre subsidiaire.

Sept modifications visent une harmonisation concernant le droit applicable12.

Comme le règlement européen, la loi suisse permettra sans restriction aux ressortissants suisses et étrangers,
doubles nationaux compris, de choisir le droit de leur ou d'un de leurs États nationaux. Il suffira qu'ils possèdent la nationalité en question au moment de l'établissement du testament ou au moment du décès. Pour les testaments et les donations pour cause de mort, c'est le dernier domicile au moment de l'étab11 12

Art. 87, al. 1 et 2, 88, al. 1, 88a, 88b, al. 1 et 2, 96, al. 1, let. c et d. On se reportera au ch. 4 pour des explications détaillées sur ces dispositions.

Art. 91, al. 1, 94, al. 1 à 3, 95, al. 3 et 4, 95a. On se reportera au ch. 4 pour des explications détaillées sur ces dispositions.

3225

FF 2020

lissement de l'acte, et non au moment du décès, qui sera déterminant et une élection de droit sera en outre permise. Pour les pactes successoraux, auxquels ces principes s'appliquent déjà, les choix possibles seront plus vastes. Les testaments «réciproques» ne seront plus traités dans les dispositions régissant les pactes successoraux, à moins qu'ils ne se fondent sur un accord contraignant. Pour les testaments comme pour les pactes successoraux, le texte précise les différentes questions régies par les dispositions spéciales qui s'appliquent à eux.

Des points obscurs ont été éclaircis dans quinze dispositions13. La loi indique clairement que l'art. 9 LDIP (concernant la litispendance) s'applique aussi au règlement non litigieux de la succession. La doctrine postule que les disposants étrangers ont la possibilité de choisir le for d'un État national: cette règle sera à l'avenir codifiée.

Les conditions de la compétence subsidiaire des autorités suisses sont décrites de manière plus claire. Des précisions sont aussi apportées concernant la question du droit applicable à la succession des personnes décédées à l'étranger. Le projet clarifie en outre plusieurs points: ­

la recevabilité d'une élection de droit partielle;

­

le droit applicable au statut juridique de l'exécuteur testamentaire et de l'administrateur de la succession;

­

le champ d'application matériel du droit applicable aux pactes successoraux;

­

la notion de pacte successoral «réciproque»;

­

le droit applicable et les possibilités d'élection de droit dans les cas de pactes successoraux réciproques;

­

les effets de la prorogation du for sur la reconnaissance des actes juridiques étrangers;

­

la reconnaissance des actes juridiques de l'État au droit duquel la succession est soumise, et

­

le droit transitoire.

Plusieurs modifications donneront davantage d'autonomie au disposant14. Ce sont celles qui touchent la possibilité de proroger le for pour les disposants de nationalité étrangère ou possédant un immeuble à l'étranger, la possibilité de réserver la compétence d'un autre État en cas de soumission de la succession au droit suisse et l'extension des possibilités d'élection de droit aussi bien en relation avec la succession qu'avec un testament ou un pacte successoral.

Le souci d'édicter une règlementation proche de la pratique a également guidé le choix des adaptations à faire15. Les autorités suisses auront une certaine marge d'appréciation concernant leur compétence subsidiaire. Par ailleurs, le statut d'exé-

13 14 15

Art. 87, al. 1, 88, al. 1, 88a, 88b, 90, al. 2, 91, al. 3, 92, al. 2, 95, al. 1 à 4, 96, al. 1, let. c, 199a, 199b. On se reportera au ch. 4 pour des explications détaillées sur ces dispositions.

Art. 87, al. 2, 88b, al. 1 et 2, 91, al. 1 et 2, 94, al. 3, 95, al. 4, et 96, al. 1, let. c. On se reportera au ch. 4 pour des explications détaillées sur ces dispositions.

Concerne les modifications apportées aux art. 87, al. 1, 88, al. 1, 92, al. 2, et certaines adaptations à l'art. 96. On se reportera au ch. 4 pour des explications plus détaillées.

3226

FF 2020

cuteur testamentaire ou de liquidateur de la succession au sens du droit suisse pourra être conféré aux homologues prévus par la législation étrangère applicable.

3.1.2

Maintien du rattachement au dernier domicile du défunt

Lors des travaux préparatoires, la possibilité de remplacer le dernier domicile par le dernier lieu de résidence habituelle du défunt (critère sur lequel le règlement européen se fonde, voir ch. 1.1.2) a été mise en discussion. Une claire majorité s'est dite défavorable à une modification de ce principe. Lors de la procédure de consultation, le rejet a été encore plus net. En conséquence, le projet ne touche pas au critère de rattachement.

Les voix discordantes se sont référées au message sur la LDIP16, dans lequel le Conseil fédéral exposait que sur le plan du lieu, c'est le dernier domicile du défunt qui présente, en général, le rapport le plus étroit avec la succession. De plus, les intervenants ont souligné que le lieu de résidence habituelle peut être éphémère et, dans certains cas, difficile à déterminer, sans compter que la notion est floue et que chaque État l'interprète différemment. Le lieu de domicile, lui, est souvent désigné dans le testament; même si cette mention n'a pas force de loi, elle représente une indication de poids. Plusieurs experts consultés ajoutent qu'il existe des États, hors du champ d'application du règlement européen, qui s'appuient sur le critère du domicile. Mention a aussi été faite de la cohérence avec les règles de la LDIP applicables aux régimes matrimoniaux (art. 52 ss), lesquelles prennent aussi le domicile comme point de rattachement. Reste à préciser qu'il est plutôt rare que ces deux lieux soient différents l'un de l'autre17.

3.1.3

Mesures législatives complémentaires

Deux États soumis au règlement européen, la Grèce et l'Italie, sont liés à la Suisse par un traité qui prime les dispositions de la LDIP (voir ch. 6.2). Ces deux traités comprennent des différences notables par rapport à la LDIP et au règlement européen. Il conviendra donc d'examiner, conjointement avec ces deux États, dans quelle mesure ces dispositions conventionnelles doivent être modifiées ou abrogées. L'OFJ a entrepris de premières démarches.

Lors de la consultation, nul n'a contesté la nécessité de réexaminer ces deux traités.

Quatre participants se sont félicités expressément des démarches entreprises.

16 17

Message du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé (loi de DIP), FF 1983 I 255 Voir aussi Bonomi, SJ 2014, p. 404 ss.

3227

FF 2020

3.2

Adéquation des moyens requis et mise en oeuvre

Le projet de révision ne fonde aucune nouvelle tâche de l'État et ne touche pas à l'organisation actuelle des autorités. Il ne réclame aucune mesure de mise en oeuvre.

4

Commentaire des dispositions

Art. 51, let. a, P-LDIP L'art. 51 règle la compétence des tribunaux suisses «pour connaître des actions ou ordonner les mesures» relatives aux régimes matrimoniaux. En vertu de sa let. a, la compétence incombe, lors de la dissolution du régime matrimonial consécutive au décès d'un des époux, aux autorités judiciaires ou administratives suisses compétentes pour liquider la succession (art. 86 à 89).

Le projet contient (à la différence de l'avant-projet) une incise à la let. a: «à l'exclusion de l'art. 88b». Cet ajout vise à indiquer que le renvoi aux art. 86 à 89 LDIP ne s'applique pas au nouvel art. 88b. La disposition en question permet à l'époux de révoquer, par un acte unilatéral, la compétence suisse prévue aux art. 86 ss LDIP pour ses biens. Il faut exclure cette possibilité lors de la dissolution du régime matrimonial, qui concerne les biens des deux époux.

Toutefois, lorsque l'autre époux a accepté une compétence (prorogation de for) au sens de l'art. 88b P-LDIP, celle-ci doit être prise en compte lors de la dissolution du régime matrimonial si les conditions de l'art. 5 LDIP sont réunies.

La présente modification s'applique par analogie aux partenaires enregistrés en vertu de l'art. 65a LDIP.

Art. 58, al. 2, P-LDIP Une incise est également ajoutée à l'art. 58, al. 2, LDIP, cette fois à la fin de la phrase, dont la teneur est la suivante: «à l'exception de l'art. 96, al. 1, let. c». Il en va, pour l'essentiel, de la même question qu'à l'art. 51 LDIP. Un époux ne devrait avoir la possibilité de définir unilatéralement la compétence judiciaire que pour sa succession, non pour la dissolution du régime matrimonial consécutive à son décès.

Il ne devrait donc pas être possible de reconnaître une compétence étrangère en matière de succession, pour ce qui est du régime matrimonial, lorsqu'elle repose sur une prorogation de for ou une élection de droit décidée unilatéralement par l'époux avant son décès au sens de l'art 96, al. 1, let c, P-LDIP.

Comme à l'art. 51 P-LDIP, l'incise n'a pas d'effet si l'autre époux a donné valablement son accord à la compétence de l'autorité en question. C'est l'art. 26, let. b, LDIP qui détermine si tel est le cas.

Art. 87, al. 1, P-LDIP Les termes «les autorités étrangères» sont remplacés par «les autorités de l'État du domicile» et une phrase est ajoutée à l'art. 87, al. 1, LDIP.

3228

FF 2020

L'art. 87 porte sur la succession des Suisses domiciliés à l'étranger à leur décès.

L'al. 1 prévoit une compétence subsidiaire des autorités suisses du lieu d'origine au cas où «les autorités étrangères ne s'(...) occupent pas [de la succession]». Le droit en vigueur n'est pas clair: suffit-il que l'autorité compétente du dernier domicile du défunt ne s'occupe pas de la succession, ou bien faut-il que les autorités d'éventuels autres États dont la compétence pourrait être reconnue du point de vue de la Suisse (art. 96) ne s'en occupent pas? La doctrine n'est pas unanime. Il en va de la sécurité du droit de clarifier cette question dans le texte de loi.

Nous proposons une solution qui devrait concilier les deux points de vue opposés.

Pour des considérations pratiques, elle se base sur l'interprétation la plus étroite, selon laquelle seul l'État du dernier domicile entre en ligne de compte. On ne saurait en effet présumer des autorités suisses en matière de succession qu'elles fassent de complexes recherches juridiques pour déterminer tous les États dont les décisions pourraient être reconnues au sens de l'art. 96 LDIP (comme les États dont les décisions sont reconnues dans l'État du dernier domicile [art. 96, al. 1, let. a]). Il convient de plus d'épargner aux héritiers la lourde tâche de contacter tous ces États avant de pouvoir établir la compétence des autorités suisses18. En même temps, les autorités suisses auront la possibilité d'éviter des conflits de compétence positifs dans certaines situations. La deuxième phrase proposée à l'art. 87, al. 1, P-LDIP leur permet donc de faire dépendre leur compétence, en l'espèce, de l'inactivité des autorités d'autres États que celui du dernier domicile du défunt, si ces autorités sont aussi susceptibles de s'occuper de la succession. Selon le texte proposé, il pourrait s'agir d'un État national étranger de la personne concernée, de l'État où elle avait sa dernière résidence habituelle ou, dans le cas de biens successoraux isolés, de l'État de situation de ces biens. L'énumération couvre les compétences prévues par le règlement européen19. L'idée est que les autorités suisses puissent faire dépendre leur compétence du comportement de plus qu'un de ces États.

Le passage «Afin d'éviter des conflits de compétence,» ajouté dans la deuxième phrase de l'art. 87,
al. 1, P-LDIP, après la consultation, vise à préciser que les autorités suisses ne devraient faire dépendre leur compétence de l'inaction d'un autre État que l'État de domicile que si elles peuvent supposer qu'il existe un risque réel de conflit de compétence positif avec l'État en question. Pareil conflit présuppose que les autorités de cet État sont compétentes en vertu de sa législation et qu'elles n'accorderaient pas la priorité à une procédure ouverte en Suisse en premier lieu.

Art. 87, al. 2, P-LDIP L'art. 87, al. 2, LDIP permet aux Suisses de l'étranger de choisir pour leur succession un for suisse. Soumettre leur succession au droit suisse revient à la soumettre à la compétence des autorités suisses (prorogation de for); on aboutit à une présomption irréfragable que le disposant, en choisissant le droit suisse, a voulu fonder une compétence des autorités suisses.

18 19

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_612/2016 du 1 er mars 2017, consid. 3.3.

On se reportera au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation pour des explications détaillées sur le sujet, p. 14 s.

3229

FF 2020

Dans le cas où un Suisse de l'étranger choisit la Suisse comme for, il existe un risque de conflit de compétence positif. Tel est le cas par ex. si le disposant avait son dernier lieu de résidence habituelle dans un État appliquant le règlement européen ou qu'il en avait la nationalité et qu'il y a laissé des biens. On a donc envisagé de supprimer la présomption légale. C'est finalement une solution de compromis qui a été retenue (opt-out au lieu de opt-in). Lorsque la succession est soumise au droit suisse, la présomption d'une prorogation de for parallèle subsistera. Cette présomption se justifie dans la mesure où elle devrait généralement correspondre à l'intention du disposant. Elle assure en outre la convergence entre compétence et droit applicable. La nouveauté est que le disposant aura la possibilité de renverser cette présomption en adoptant une clause contraire, c'est-à-dire de statuer qu'il ne choisit pas la compétence des autorités de l'État dont il a choisi le droit. On a donc ajouté à l'art. 87, al. 2, LDIP le passage «, pour autant qu'il n'ait pas fait de réserve quant à la compétence,». Le disposant peut ainsi éviter les risques de conflit de compétence positif découlant de son élection de droit20.

Autre nouveauté par rapport à l'art. 87, al. 2, LDIP en vigueur, le disposant peut soumettre à la compétence suisse non seulement l'ensemble de sa succession ou de ses biens en Suisse, mais aussi une partie de ces derniers. La chose est particulièrement importante pour les immeubles situés en Suisse. On a donc remplacé les termes «la part de celle-ci se trouvant en Suisse» par «certains biens se trouvant en Suisse».

L'objectif est d'opérer un rapprochement avec la compétence, étendue, de prorogation partielle figurant à l'art. 88b P-LDIP. Comme dans cette disposition, la plus grande latitude laissée au disposant lui permet d'éviter des conflits de compétence (voir le commentaire de l'art. 88b, 1re phrase). L'avant-projet ne contenait pas de modification correspondante21.

L'art. 87, al. 2, P-LDIP ne dispose finalement pas selon le modèle de la deuxième phrase de l'art. 88b P-LDIP (concernant le moment déterminant pour la nationalité).

La disposition, dans sa formulation, englobe le cas où le défunt n'a obtenu la nationalité suisse qu'après avoir disposé. Elle ne s'applique pas au cas
inverse où le disposant perd ultérieurement la nationalité suisse. La solution paraît toutefois appropriée. Il n'y a aucune nécessité de reconnaître que le droit suisse, à la différence du règlement européen et sans doute du droit de la plupart des États tiers, garantit un for pour la succession d'anciens ressortissants. Le for de nécessité au sens de l'art. 3 LDIP et la compétence subsidiaire prévue à l'art. 88, al. 1, P-LDIP (voir ci-dessous) semblent suffire. De toute façon, les cas de perte de la nationalité suisse sont plutôt rares, d'autant plus qu'elle n'est pas automatique lors de l'acquisition d'une nouvelle nationalité.

Art. 88, al. 1, P-LDIP A l'art. 88, al. 1, LDIP, par analogie avec les modifications de l'art. 87, al. 1, on a remplacé «les autorités étrangères» par «les autorités de l'État du domicile» et ajouté une phrase.

20 21

On se reportera au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation pour des explications détaillées sur le sujet, p. 16 s.

Chose que critique Widmer Lüchinger, p. 43 s.

3230

FF 2020

L'art. 88, al. 1, LDIP prévoit un for suisse subsidiaire pour les biens successoraux situés en Suisse. Les conditions de cette compétence sont réglées de la même manière qu'à l'art. 87, al. 1, LDIP (voir le commentaire de l'art. 87, al. 1, P-LDIP). La disposition est également complétée par une deuxième phrase précisant que les autorités suisses peuvent faire dépendre leur compétence de l'inaction d'un autre État que l'État de domicile du défunt. Seule manque la mention de l'État de situation, inutile puisque la compétence subsidiaire de l'art. 88 LDIP ne s'applique qu'aux biens situés en Suisse.

Dans le texte allemand, suite à ces modifications (et comme à l'art. 89 LDIP), la formulation «Ort der gelegenen Sache», issue des droits réels, est remplacée par «Lageort» afin de bien montrer que la compétence suisse concerne aussi les biens successoraux immatériels comme les comptes en banque.

Art. 88a P-LDIP Les dispositions de la LDIP sur la compétence, et notamment celles des art. 86 à 88, sont soumises à la réserve prévue à l'art. 9 LDIP. Les tribunaux et les autorités suisses ne sont compétentes que lorsqu'aucune action ayant le même objet est déjà pendante entre les mêmes parties dans un État dont la Suisse reconnaît la compétence. On peut toutefois se demander si l'art. 9 LDIP s'applique uniquement à la procédure d'action ou aussi au règlement de la succession, que les art. 86 ss LDIP englobent incontestablement et dont la procédure d'émission d'un certificat d'héritier fait partie22. L'art. 88a P-LDIP précise donc expressément que l'art. 9 LDIP (dont la teneur vise les procédures d'action) s'applique par analogie à la succession.

La nouvelle disposition permet aussi d'éliminer une autre source d'insécurité juridique. Elle précise implicitement que l'introduction de la procédure en Suisse ne dépend pas de l'ouverture de la succession au sens de l'art. 537 CC (autrement dit de la mort du de cujus), comme le pensent de nombreux auteurs de doctrine, mais du dépôt de la requête. Le renvoi à l'art. 9 LDIP n'aurait sinon aucun sens, puisqu'il ne serait pas possible de la faire dépendre d'une action introduite antérieurement à l'étranger.

L'avant-projet ne contenait pas cette disposition. Le sujet n'était abordé que dans le rapport explicatif23. Des participants à la consultation ont émis le voeu
que la question soit réglée expressément dans la loi.

Art. 88b, al. 1, P-LDIP, 1re phrase L'art. 88b P-LDIP repose sur l'art. 86, al. 3 et 4, AP-LDIP. Il n'a aucun équivalent dans le droit en vigueur.

Dans le droit actuel, les Suisses peuvent soumettre leur succession à la compétence des autorités suisses, par testament ou pacte successoral, pour le cas où ils seraient domiciliés à l'étranger au moment de leur décès (art. 87, al. 2, LDIP). Il en ira de 22 23

Voir Bucher, art. 86 N 6 ss.

Rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 36.

3231

FF 2020

même pour les ressortissants étrangers. Eux aussi doivent pouvoir soumettre leur succession à la compétence des autorités de leur État national (prorogation de for).

Certains auteurs de doctrine24 admettent déjà l'existence de cette règle dans le droit en vigueur25.

Ladite règle, qui a plutôt été préconisée pour des raisons d'égalité de traitement, établira aussi une cohérence avec le règlement européen, ce qui n'est pas sans importance sur le plan pratique. Comme on l'a expliqué plus haut (ch. 1.1.3), son art. 10, par. 1, let. a, prévoit, pour la succession des ressortissants d'un État membre, la compétence de cet État dès lors qu'une partie de la succession se trouve sur son territoire. Si la personne concernée avait son dernier domicile en Suisse, un conflit de compétence positif risque aujourd'hui d'apparaître (voir ch. 1.1.4). La prorogation de for rendue possible par l'art. 88b P-LDIP permettra d'éviter pareil conflit: la Suisse renonce à sa compétence pour le cas où le disposant soumet sa succession à la compétence des autorités de son État national. La disposition permet aussi de réduire le risque de conflit de compétence avec certains États n'appliquant pas le règlement européen26.

C'est le droit du pays en question qui détermine si la prorogation de for est contraignante pour lui ou non. L'art. 88b P-LDIP règle seulement les effets de la prorogation de for sur la compétence suisse. Elle est exclue dans la mesure où les autorités étrangères s'occupent effectivement de la succession qui leur est soumise.

À la différence de l'art. 87, al. 2, P-LDIP, une élection de droit en faveur d'un État national étranger n'emporte pas la présomption que les autorités de cet État sont aussi compétentes27. On écarte ainsi le risque que les autorités de cet État n'appliquent un autre droit que celui qu'a choisi le disposant et que l'élection de droit ne soit sans effet. Ce risque n'existe pas dans les cas visés à l'art. 87, al. 2, P-LDIP.

Comme à l'art. 87, al. 2, LDIP (dans le droit en vigueur comme dans le projet), l'art.

88b P-LDIP autorise une prorogation de for partielle. Le disposant peut la limiter à certains biens, par exemple à ceux qui sont situés dans l'État national étranger. C'est un avantage notamment lorsque l'unique objectif de la prorogation est de tenir compte d'une éventuelle
revendication de compétence de cet État. La part de la succession dont cet État n'a pas l'empire pourra être confiée à la compétence des autorités suisses28.

Art. 88b, al. 1, P-LDIP, 2e phrase La règle prévue par la deuxième phrase de l'art. 88b P-LDIP ne figurait pas dans l'avant-projet. Elle définit le moment déterminant pour la nationalité de la personne mentionnée dans la première phrase. Le disposant doit avoir eu la nationalité en question au moment de disposer ou au moment de son décès. La règle est donc la 24 25 26 27 28

Voir par ex. Schnyder/Liatowitsch, art. 87 N 16 et les références citées.

On se reportera au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation pour des explications détaillées sur le sujet, p. 12 s.

Voir sur le sujet Romano, p. 211 ss.

Romano, p. 217 s., l'approuve.

Voir aussi les réflexions de Romano, p. 219.

3232

FF 2020

même que lors d'une élection de droit au sens des art. 91, al. 1, 94, al. 3, et 95, al. 4, P-LDIP (voir en particulier le commentaire de l'art. 91, al. 1, P-LDIP).

La disposition proposée a pour conséquence que la prorogation de for doit également être respectée lorsque le disposant a perdu la nationalité en question avant son décès. Vu que la compétence de décider d'une prorogation de for sert essentiellement à éviter les conflits de compétence, il ne parait pas opportun d'opter ici pour une solution restrictive. La plupart du temps, l'État étranger en question ne se considérera plus compétent de toute façon et laissera la compétence entre les mains des autorités suisses. Il peut toutefois arriver que cet État se juge compétent à un autre titre, comme lorsque le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État au sens de l'art. 10, par. 1, let. b, du règlement européen. Une reconnaissance de la prorogation du for par la Suisse peut alors permettre, dans certaines circonstances, d'éviter un conflit de compétence positif.

La prorogation de for a également des effets dans le cas inverse, où la personne qui en a décidé n'obtient la nationalité en question qu'après avoir disposé par testament ou pacte successoral. Cette règle permet elle aussi d'éviter des conflits de compétence positifs. Pour les buts de l'art. 10, par. 1, let. a, du règlement européen et des dispositions analogues d'États tiers, il importe seulement que le défunt ait eu la nationalité en question au moment de son décès.

À la différence du régime du droit en vigueur concernant l'élection du droit (art. 90, al. 2, LDIP) et en accord avec le régime correspondent du présent projet (voir le commentaire de l'art. 91, al. 1, P-LDIP), le pouvoir de soumettre la succession à la compétence d'un État national étranger est aussi accordé aux Suisses ayant une ou plusieurs autres nationalités. Surtout vu le but de coordination du projet, il paraît peu opportun de limiter ce pouvoir aux ressortissants étrangers qui ne possèdent pas la nationalité suisse.

Art. 88b, al. 2, P-LDIP L'art. 86, al. 2, LDIP prévoit que les immeubles situés à l'étranger sont exclus de la compétence suisse lorsque l'État concerné revendique la compétence exclusive sur les immeubles situés sur son territoire. Cette disposition vise à éviter les conflits de
compétence. Elle est toutefois incomplète: elle ne couvre en effet pas le cas où l'État du lieu de situation d'un immeuble ne revendique pas de compétence exclusive, mais qu'il ne reconnaîtrait pas une procédure ouverte en Suisse parce qu'il ne reconnaît pas, par exemple, des actes de l'État du dernier domicile. Pour pouvoir éviter des conflits de compétence dans pareille situation, il faut que les citoyens puissent exclure la compétence suisse sur les immeubles situés à l'étranger au bénéfice de l'État en question29. Il n'est toutefois dérogé à la compétence suisse que si l'État de situation de l'immeuble s'en occupe effectivement.

Selon le règlement européen (art. 10, par. 2), l'État dans lequel sont situés des biens successoraux est en principe compétent pour statuer sur ces biens. C'est le droit interne de l'État en question qui détermine si des procédures ouvertes dans un État

29

Chose que demande aussi Widmer Lüchinger, pp. 31 et 38 s.

3233

FF 2020

tiers sont prises en compte. Il existe ici un risque de conflits de compétence positifs qu'une prorogation de for au sens de l'art. 88, al. 2, P-LDIP permettra d'éviter.

Une dérogation à la compétence suisse au sens de l'art. 88b, al. 2, P-LDIP peut être combinée avec une prorogation au sens de l'art. 87, al. 2, P-LDIP. Les ressortissants suisses peuvent soumettre leur succession à la compétence des autorités de leur État national et faire une réserve en faveur de l'État de situation pour leurs immeubles 30.

Art. 89 P-LDIP L'art. 89 LDIP prévoit une compétence limitée des autorités suisses sur les biens successoraux situés en Suisse. Elles ont seulement à prendre «les mesures nécessaires à la protection provisionnelle de ceux-ci». La doctrine cite l'exemple d'une personne décédée à l'hôtel, lors d'un bref séjour en Suisse, et y laissant des objets d'une valeur considérable31.

L'art. 89 LDIP soumet cette compétence à la condition que le défunt avait son dernier domicile à l'étranger. Le passage est supprimé. L'objectif est d'assurer que la compétence en question est également valable dans les cas prévus aux art. 88a et 88b P-LDIP. Il s'agit de cas où le défunt avait son dernier domicile en Suisse, mais que celle-ci n'est pas compétente pour la succession, en raison soit d'une litispendance à l'étranger, soit d'une disposition correspondante du défunt. La phrase introductive de l'art. 89 LDIP doit dans le même temps être complétée par un passage précisant que la compétence prévue à l'art. 89 LDIP présuppose l'absence d'une compétence suisse au sens des art. 86 à 88 LDIP. L'objectif est d'éviter les conflits de compétence internes (une demande énoncée lors de la procédure de consultation).

Cette disposition ne doit pas exclure, dans le cas où les autorités suisses du lieu de domicile ou du lieu d'origine sont compétentes pour régler la succession, qu'une autorité du lieu où se situe un bien successoral en Suisse ordonne les mesures qui s'imposent d'urgence pour sa conservation. L'admissibilité et la nature de ces mesures sont régies par l'art. 10 LDIP (conc. les mesures provisoires).

Dans le texte allemand, suite à ces modifications (et comme à l'art. 88 LDIP), la formulation «Ort der gelegenen Sache», issue des droits réels, est remplacée par «Lageort» afin de bien montrer que la compétence
suisse concerne aussi les biens successoraux immatériels comme les comptes en banque.

Remarques préliminaires concernant les art. 90 s. P-LDIP Les art. 90 et 91 LDIP désignent le droit applicable à la succession («statut successoral»). Ils ont été réorganisés à la suite de diverses modifications, dans le but de rendre la réglementation plus claire et plus compréhensible.

Le titre marginal de l'art. 90 LDIP, «II. Droit applicable / 1. Dernier domicile en Suisse» est modifié en «II. Droit applicable / 1. Principe» et à l'art. 91 LDIP, «2. Dernier domicile à l'étranger» est remplacé par «2. Élection de droit». L'art. 90 P-LDIP comprend de ce fait les règles de principe concernant la détermination du 30 31

Comme le demande Widmer Lüchinger, p. 43 s.

Voir Künzle, art. 89 N 7.

3234

FF 2020

statut successoral et l'art. 91 P-LDIP les exceptions pour le cas où une personne élit le droit d'un État national. La réglementation est ainsi structurée comme les autres chapitres de la LDIP. Le texte de l'art. 90, al. 1, LDIP reste inchangé.

De la même manière que dans l'avant-projet, les art. 90 s. LDIP maintiennent le dernier domicile comme critère de rattachement et ne se réfèrent pas à la dernière résidence habituelle comme le fait le règlement européen (voir ch. 3.1.2).

Art. 90, al. 2, P-LDIP L'art. 90 P-LDIP désigne le droit applicable à la succession (statut successoral) en l'absence d'élection de droit selon l'art. 91 P-LDIP. Il renvoie, dans le cas où le défunt avait son dernier domicile à l'étranger, non pas au droit successoral de l'État de domicile, mais à son droit international privé (règles de conflits de lois). Le droit successoral appliqué est donc celui que les règles de conflits de lois de l'État de domicile désignent. Cette règle figure à l'art. 90, al. 2, P-LDIP, qui reprend l'art. 91, al. 1, LDIP. À la différence de ce dernier, la disposition proposée contient une phrase complémentaire: «Si ces règles renvoient au droit international privé suisse, le droit successoral matériel de l'État du dernier domicile du défunt est applicable.» L'art. 91, al. 1, LDIP pose des problèmes lorsque les règles de conflits de lois de l'État de domicile étranger ne déterminent pas directement le droit matériel applicable, mais renvoient aux règles de conflits de lois d'un autre État et qu'il se trouve en l'espèce que cet autre État est la Suisse. Les règles de conflits de lois suisses, autrement dit l'art. 91, al. 1, LDIP, renvoient de nouveau au droit international privé étranger et vice versa, en une boucle sans fin. L'exemple classique de cette situation est celui d'une personne qui avait son dernier domicile en Angleterre et qui possédait un immeuble en Suisse. S'il existe un for subsidiaire en Suisse (art. 88 LDIP), c'est la règle de conflits de lois anglaise (le Royaume-Uni n'ayant pas de droit civil unifié) qui détermine le droit matériel applicable. Mais la règle anglaise renvoie aux règles de conflits de lois suisses pour l'immeuble situé en Suisse (foreign court theory), amorçant un ping-pong entre les deux législations. Il ne semble pas y avoir de jurisprudence concernant ce
problème, et les solutions avancées par la doctrine partent en tous sens, si bien qu'il existe sur ce point une grande insécurité juridique, que le présent projet entend contrer.

Sur la base de l'art. 91, al. 1, LDIP, deux solutions s'offrent. La première consiste à renvoyer non plus au droit international privé étranger mais au droit matériel de l'État concerné, dans les cas où le droit international privé étranger renvoie aux règles de conflits suisses. La seconde est de transformer le renvoi aux règles de conflits suisses en un renvoi au droit matériel suisse. Nous proposons, conformément à la doctrine dominante32, d'adopter la première option, qui correspond au principe fondamental du rattachement au dernier domicile du de cujus33.

32 33

Voir les renvois chez Bonomi, SRIEL 2018, p. 176.

Schwander, p. 483, l'approuve. On se reportera au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation pour des explications détaillées sur le sujet, p. 20 ss (qui aborde aussi une proposition divergente faite par le groupe d'experts).

3235

FF 2020

Art. 90, al. 3, P-LDIP L'art. 90, al. 3, P-LDIP traite lui aussi de la détermination du droit applicable à la succession dans le cas où il n'existe aucune élection de droit valable et que le défunt avait son dernier domicile à l'étranger. La disposition prévoit une exception au principe énoncé à l'art. 90, al. 2, P-LDIP: lorsque les autorités suisses sont compétentes en vertu de l'art. 87, al. 1, P-LDIP, la succession est régie par le droit suisse.

La disposition est reprise de l'art. 91, al. 2, LDIP. Mais elle ne couvre plus les cas de compétence suisse au sens de l'art. 87, al. 2, LDIP, traités maintenant à l'art. 91 P-LDIP puisqu'ils concernent une élection de droit.

Art. 91, al. 1, P-LDIP, 1re phrase L'art. 91 P-LDIP traite de la possibilité, pour une personne, d'élire le droit auquel elle souhaite soumettre sa succession.

Dans le droit en vigueur comme dans l'avant-projet, la situation est la suivante: les ressortissants suisses peuvent soumettre leur succession au droit suisse ou ­ dans certaines situations ­ au droit de l'État (étranger) de leur dernier domicile (art. 87, al. 2, et 91, al. 2, LDIP). Les ressortissants étrangers qui ne possèdent pas la nationalité suisse peuvent élire le droit de leur État d'origine lorsqu'ils avaient leur dernier domicile en Suisse (art. 90, al. 2, LDIP). S'ils ont leur domicile à l'étranger au moment de leur décès, ce sont les règles de conflits de lois de l'État en question qui déterminent les possibilités d'élection de droit (art. 91, al. 1, LDIP).

L'art. 91, al. 1, P-LDIP prévoit une simplification en donnant à tous le pouvoir d'élire le droit d'un de leurs États nationaux. Il s'ensuit trois nouveautés: 1) l'élection d'un droit national étranger est aussi possible pour les Suisses ayant plusieurs nationalités; 2) l'élection d'un droit national étranger doit aussi être prise en compte dans le cas où le disposant avait son dernier domicile à l'étranger et où le droit de cet État n'admet pas cette élection de droit; 3) la règle selon laquelle l'élection du droit de l'État du dernier domicile n'est possible que si l'État en question la reconnaît s'applique également aux Suisses.

L'extension de l'option d'élection de droit aux Suisses ayant plusieurs nationalités (que l'avant-projet prévoyait sous la forme de modifications et de compléments apportés à
l'art. 90, al. 2, LDIP) repose sur les réflexions suivantes: la limitation actuelle des possibilités d'élection de droit est justifiée par l'égalité de traitement de tous les citoyens suisses, qu'ils aient une autre nationalité ou non 34. Elle entraîne cependant une inégalité entre les doubles nationaux suisses et les purs étrangers.

Quelle que soit l'option choisie, une inégalité demeure 35. Dans ces circonstances, le plus sensé semble être d'opter pour la solution qui met la loi en harmonie avec le règlement européen. Le projet suit donc l'art. 22 du règlement européen, selon lequel une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont

34 35

Voir le message du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé (loi de DIP), FF 1983 I 255, ch. 263.3.

Dans le même sens Guillaume, p. 228, et Schwander, p. 482. Position critique également dans Heini, art. 90 N 8.

3236

FF 2020

elle possède la nationalité. Cette solution présente en outre l'avantage d'accroître l'autonomie privée36.

La nouveauté, par rapport à l'avant-projet, est que l'élection d'un droit national étranger doit aussi être prise en compte dans le cas où le disposant avait son dernier domicile à l'étranger et que le droit de l'État en question n'admet pas pareille élection de droit. Cette disposition permet de traiter à égalité les Suisses et les étrangers en matière d'élection de droit tout en harmonisant la loi avec l'art. 22 du règlement européen. Elle a l'inconvénient de permettre que le droit applicable à la part de la succession réglée en Suisse soit un droit différent de celui qui est appliqué à l'étranger au reste de la succession. Au disposant de décider s'il veut l'éviter et renoncer à une élection de droit dans les cas concernés.

Autre nouveauté: par analogie avec le règlement européen, ni les Suisses, ni les ressortissants étrangers ne peuvent soumettre leur succession à l'État de leur dernier domicile si les règles de conflit de loi de cet État ne le permettent pas. Le droit en vigueur prévoit une telle option pour le cas où une personne de nationalité suisse soumet sa succession à la compétence de la Suisse37. Cette option est remplacée par la règle figurant à l'art. 91, al. 2, P-LDIP, qui permet au disposant d'assortir son élection de for d'une réserve. Celle-ci a pour effet que le droit applicable est désigné par la règle de principe inscrite à l'art. 90, al. 2, P-LDIP. Une élection de droit en faveur du dernier État de domicile ne sera en conséquence possible que si l'État en question l'autorise. Le disposant jouira en contrepartie des autres options que les règles de conflits de lois de cet État lui offrent en matière d'élection de droit. Sa marge de manoeuvre est également étendue dans la mesure où il ne sera plus contraint d'élire le droit de l'État de son dernier domicile pour empêcher que sa succession soit soumise au droit suisse s'il ne le souhaite pas.

Art. 91, al. 1, P-LDIP, 2e phrase La deuxième phrase de l'art. 91, al. 1, P-LDIP se réfère au pouvoir qu'a le disposant de soumettre sa succession au droit d'un de ses États nationaux, énoncé dans la première phrase. Elle statue, en conformité avec l'art. 22, par. 1, du règlement européen, qu'il doit pour ce faire avoir eu la
nationalité en question au moment de disposer ou au moment de son décès.

L'art. 90, al. 3, AP-LDIP prévoyait déjà qu'une élection de droit ne devenait pas caduque si le disposant perdait la nationalité en question avant son décès. L'art. 90, al. 2, LDIP règle actuellement la question dans le sens contraire. Cette solution ne semble pas forcément impérative. On peut tout à fait défendre le point de vue que l'existence d'un lien avec l'État choisi au moment de l'élection de droit suffit. Cette solution a l'avantage de la continuité38: le choix opéré valablement demeure valable tant qu'il n'est pas révoqué, même si les circonstances extérieures changent.

36

37 38

On se reportera au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation pour des explications détaillées sur le sujet, p. 17 s. Voir aussi Widmer Lüchinger, p. 13 (et le renvoi à l'art. 52 LDIP).

Voir Künzle, art. 91 N 18 et ses renvois aux travaux préparatoires.

Voir Widmer Lüchinger, p. 13.

3237

FF 2020

L'avant-projet ne disait rien sur la situation inverse, celle dans laquelle le disposant n'acquiert une nationalité étrangère qu'après l'élection de droit. Le projet suit quant à lui la suggestion de quelques participants à la consultation de parfaire l'harmonisation avec le règlement européen39. Le groupe d'experts a en effet jugé faible le potentiel d'abus évoqué dans le rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation40.

Art. 91, al. 2, P-LDIP Selon l'art. 91, al. 2, P-LDIP, si le disposant a soumis sa succession à la compétence des tribunaux et des autorités suisses au sens de l'art. 87, al. 2, P-LDIP, la succession est présumée soumise au droit suisse, sauf disposition contraire. Si la prorogation ne porte que sur une partie de la succession, il en va de même pour l'élection de droit qui en découle.

À la différence de l'art. 91, al. 2, LDIP du droit en vigueur et de l'avant-projet, le projet prévoit que la personne qui soumet sa succession à la compétence de la Suisse et qui n'a pas l'intention d'élire le droit suisse a seulement à déclarer que son testament ne touche pas au droit applicable en vertu de la loi. Elle n'a pas à procéder à l'élection de tel ou tel droit. Cette approche opt-out est la même qu'à l'art. 87, al. 2, P-LDIP (voir le commentaire de l'art. 87, al. 2, P-LDIP).

Contrairement à l'avant-projet (voir l'art. 90, al. 2, 2e phrase, AP-LDIP), le projet ne prévoit pas de règle analogue en cas de prorogation en faveur d'un État national étranger. Si les autorités de cet État s'estiment compétentes, ce n'est pas à la Suisse de désigner le droit qu'elles doivent appliquer. Dans le cas inverse, c'est-à-dire si la compétence reste entre les mains des autorités suisses, on peut douter que l'élection de droit supposée corresponde encore à l'intention hypothétique du disposant. De plus, la convergence en principe visée dans la LDIP entre compétence et droit applicable serait perdue41.

Art. 91, al. 3, P-LDIP Une élection de droit au sens de l'art. 91, al. 1, P-LDIP porte en principe sur l'ensemble de la succession, comme l'exprime implicitement l'art. 91, al. 3, P-LDIP.

Il en va de même, selon l'interprétation dominante qui en est faite, dans le droit en vigueur et dans le règlement européen.

Les art. 87, al. 2, et 91, al. 2, LDIP prévoient toutefois une exception à ce
principe, que le projet de loi conserve. Une personne ayant la nationalité suisse peut choisir le droit suisse pour ses biens situés en Suisse; elle peut le faire directement ou indirectement, en soumettant lesdits biens à la compétence suisse (chose qui conduit automatiquement, en vertu de l'art. 91, al. 2, LDIP, à l'application du droit suisse). L'art.

91, al. 3, P-LDIP dispose donc qu'une élection de droit partielle est admise lorsque a) elle invoque le droit suisse, b) elle porte sur des biens situés en Suisse et c) il existe une compétence correspondante des autorités suisses. Celle-ci peut découler 39 40 41

Voir aussi Guillaume, p. 228 s.

P. 20.

Voir Guillaume, p. 229.

3238

FF 2020

d'une prorogation parallèle du for par le disposant ou du fait qu'il n'a prévu aucune clause dans son élection de droit qui réserve la compétence (voir l'art. 87, al. 2, P-LDIP).

Dans le cas de l'élection de droit indirecte prévue à l'art. 91, al. 2, P-LDIP, via une prorogation sans réserve concernant le droit applicable, ces conditions sont toujours remplies.

Si l'exception prévue à l'art. 91, al. 3, P-LDIP ne correspond pas au règlement européen, le projet de loi entend conserver les possibilités dont jouissent actuellement les Suisses de l'étranger.

Art. 92, al. 2, P-LDIP L'art. 92 LDIP précise d'une part les questions soumises au droit désigné par les art. 90 s. LDIP («statut successoral») et d'autre part les questions qui restent soumises au droit du lieu d'ouverture de la succession («statut d'ouverture», p. ex. le droit suisse pour les procédures ayant lieu en Suisse).

La nouvelle formulation proposée pour l'art. 92, al. 2, LDIP vise à éliminer une insécurité juridique42. Il faut qu'il soit clair que la soumission de l'exécution testamentaire au statut d'ouverture vise en premier lieu à en saisir les «aspects procéduraux» (surveillance exercée par les autorités, voies de recours des héritiers, etc.).

Pour ce qui est des aspects matériels, le projet suit la ligne amorcée par le Conseil fédéral dans le message sur la LDIP43 (en se fondant sur la doctrine de l'époque44).

Les droits et les obligations de l'exécuteur testamentaire (tâches, prérogatives, devoir de diligence, rémunération, etc.) relèvent en principe du statut successoral. La question de ses pouvoirs par rapport à la succession, c'est-à-dire celle de l'étendue de son pouvoir de disposition et de son éventuelle qualité de propriétaire de la succession («droits sur la succession»), relève, elle, du statut d'ouverture.

Le texte de l'art. 92 en vigueur mentionne uniquement l'exécution testamentaire.

Dans un but de clarté, la nouvelle formulation fait également mention de l'administration de la succession. Cette expression doit être comprise comme faisant référence à la liquidation de la succession ordonnée par une autorité, comme la liquidation par un administrator en common law ou par un «administrateur de la succession» selon l'art. 29 du règlement européen. La simple administration d'office de la succession au sens de l'art. 554
CC, limitée à des mesures conservatoires, n'est toutefois pas visée ici45 et doit continuer à relever entièrement du statut d'ouverture46.

Le choix d'un champ d'application large du statut d'ouverture en matière d'exécution testamentaire et d'administration de la succession répond au souci d'édicter 42 43 44 45 46

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 22 s.

Message du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé (loi de DIP), FF 1983 I 255, ch. 263.5 À ce sujet, voir par ex., Vischer/von Planta, p. 145.

Voir ATF 145 III 205 consid. 4.4.5.

Voir au sujet de la situation juridique actuelle l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_758/2007 du 3 juin 2008.

3239

FF 2020

une réglementation proche de la pratique. L'avantage de la solution proposée, c'est que lorsque le droit des successions d'un pays de common law s'applique dans le cadre d'une succession ouverte en Suisse et que le testament fait mention d'un executor, celui-ci pourra être assimilé à un exécuteur testamentaire au sens du CC, et qu'en l'absence d'une telle mention, on pourra satisfaire à l'obligation d'instituer un administrator en initiant une liquidation officielle au sens de l'art. 593 CC47. Les institutions de l'executor et de l'administrator pourront ainsi être transposées sans problème dans un contexte de droit civil suisse. Pour ce qui concerne les certificats d'héritier et d'exécuteur testamentaire, les inscriptions au registre foncier et les autres points semblables, les dispositions de droit suisse applicables aux successions sans élément international pourront être appliquées. Avantage supplémentaire: les autorités suisses n'auront pas à vérifier si le statut successoral prévoyant l'executor ou l'administrator confère à la personne concernée la qualité de propriétaire de la succession, une question qui n'est pas toujours facile à régler. Cela permettra de tenir tout de même suffisamment compte du statut successoral48. La solution proposée ici correspond par ailleurs à la doctrine dominante concernant l'art. 92 LDIP49.

Le fait que le pouvoir de disposition de l'exécuteur testamentaire ou de l'administrateur de la succession relève du statut d'ouverture simplifie lui aussi considérablement le règlement de la succession en Suisse. Les règles correspondantes des ordres juridiques de la common law, selon lesquelles l'executor ou l'administrator a généralement une position de trustee, sont difficiles à transposer dans le contexte suisse50. La soumission du pouvoir de disposition au statut d'ouverture vise en outre à protéger les transactions juridiques. Un tiers qui nouera une relation d'affaires avec un exécuteur testamentaire ou un administrateur de succession désigné dans une procédure de succession suisse pourra se fier à la validité des règles suisses relatives à la capacité de disposer. La LDIP défend des intérêts analogues dans d'autres dispositions51.

«Pouvoir de disposition» doit être entendu ici dans un sens large. Le terme ne désigne pas seulement l'aliénation ou le fait de grever
des biens successoraux, mais aussi le fait de contracter des obligations à la charge de la succession. L'expression «droits sur la succession» est à prendre elle aussi au sens large. Elle englobe la question de la possession et du droit à la possession.

Lorsqu'un exécuteur testamentaire ou un administrateur de succession est désigné dans une procédure de succession étrangère et que la décision correspondante des autorités peut être reconnue en Suisse, au sens de l'art. 96 LDIP, les droits sur la

47 48 49 50

51

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, nbp 53.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 24.

Voir ATF 145 III 205 consid. 4.4.3, et Künzle, art. 92, N 16 et les références citées.

Réflexions analogues et solution identique sur le fond (y compris s'agissant des droits sur la succession): avis de droit de la Division de la justice du Département fédéral de justice et police, JAAC 37/1973 no 57). Suivant celui-ci, Bucher, art. 92 LDIP, N 7; Diggelmann/Wolf, p. 89, et Berther, p. 218 s. Voir aussi Dutoit, art. 92, N 5, Künzle, art. 92, N 16, et ATF 145 III 205 consid. 4.4.3.

Voir par ex. art. 126, al. 2, et 158 LDIP.

3240

FF 2020

succession et le pouvoir de disposer de celle-ci sont définis par le droit sur lequel se fonde la décision en question des autorités52.

Selon le règlement européen (art. 29, par. 2, 3e al.), dans le cadre de l'administration d'une succession, le «transfert de la propriété du bien successoral» relève du statut successoral. Il n'en résulte cependant aucun risque de conflit avec le droit suisse.

L'art. 29 du règlement concerne la désignation d'un administrateur dans le cadre d'une procédure de succession se déroulant dans un État membre. Du point de vue suisse, les explications de l'alinéa qui précède s'appliquent à la personne désignée.

Remarques préliminaires concernant l'art. 94 P-LDIP L'art. 94 LDIP en vigueur règle le droit applicable à la question de la capacité juridique de rédiger un testament ou d'autres dispositions pour cause de mort (capacité de disposer). Le projet lui donne une nouvelle teneur en y fixant, de manière générale, le droit applicable aux testaments, et en lui ajoutant le titre marginal «Testaments». Pour ce qui est des pactes successoraux, le règlement actuel est transféré à l'art. 95 P-LDIP. La capacité relative aux autres dispositions contractuelles pour cause de mort (telles que les donations) est désormais réglée à l'art. 95a P-LDIP.

La nouvelle mouture de l'art. 94 LDIP vise principalement à adapter le droit suisse au règlement européen dans un but d'harmonisation du droit. Les questions relatives aux testaments sont aujourd'hui en principe soumises au droit applicable à l'ensemble de la succession (statut successoral). La modification prévoit ­ sur le modèle de l'art. 24 du règlement ­ d'introduire des critères de rattachement spéciaux pour ces questions. Pour les pactes successoraux, la LDIP prévoit déjà de tels critères spéciaux (art. 95 LDIP). Pour ce qui concerne les testaments, elle ne prévoit en revanche qu'un rattachement spécial partiel, limité aux questions de la validité quant à la forme (art. 93 LDIP) et de la capacité de disposer (voir ci-dessus).

Art. 94, al. 1, P-LDIP La nouvelle mouture de l'art. 94 LDIP vise principalement, nous l'avons dit, à adapter le droit suisse à l'art. 24 du règlement européen. Sur le modèle de cette disposition, les questions relatives au testament sont soumises au droit du domicile du disposant au moment où ce dernier fait
son testament et non plus au droit de son domicile au moment de son décès53. Il reste toutefois une différence par rapport à l'art. 24 du règlement dans la mesure où le critère de rattachement retenu est le domicile et non la résidence habituelle. Ce choix découle de la décision de principe de conserver dans la LDIP le critère du domicile et de ne pas reprendre celui de résidence habituelle prévu par le règlement (voir ch. 3.1.2).

52

53

Teneur implicite de l'art. 67, al. 1, let. a, ch. 2 et 4, et b, ch. 3, de l'ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier (ORF, RS 211.432.19) concernant le transfert de propriété d'un executor ou d'un administrator («ayant droit intermédiaire») à un trustee.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 26 s.

3241

FF 2020

L'avant-projet ne définissait pas en détail le champ d'application matériel du nouvel art. 94, ce qui a suscité des critiques lors de la consultation. Aussi le projet précise-til quels aspects des testaments relèvent de l'art. 94 LDIP. Ceux-ci sont «la validité au fond, la révocabilité et l'interprétation» d'un testament et «les effets déployés par ses dispositions». L'art. 95b P-LDIP précise ce qu'il faut entendre par «validité au fond».

La validité quant à la forme n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 94 (contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet), mais reste régie par l'art. 93 LDIP.

La solution qu'il prévoit correspond à celle du règlement européen54.

L'art. 94 P-LDIP (en rel. avec l'art. 95b P-LDIP) englobe aussi la «recevabilité [des] dispositions» du testament (substitution fidéicommissaire, constitution de fondations, etc.) et les «effets déployés par [ces] dispositions». La question de savoir si le champ d'application de la disposition analogue de l'art. 24 du règlement européen est aussi étendu ne fait pas l'unanimité. Toutefois, le parallélisme avec l'art. 95 LDIP, qui fait l'objet d'une interprétation large (voir le commentaire de l'art. 95, al. 1, P-LDIP), constitue l'un des arguments en faveur de l'inscription de ces questions dans l'art. 94 P-LDIP55.

Art. 94, al. 2, P-LDIP Si le disposant a entièrement soumis sa succession au droit d'un de ses États nationaux, ce droit s'applique en lieu et place de celui prévu à l'al. 1. Il faut que «toute» la succession soit ainsi soumise. En cas de simple élection de droit partielle (voir art. 91, al. 3, P-LDIP) la règle énoncée à l'art. 94, al. 2, P-LDIP n'est donc pas applicable.

L'art. 95, al. 2, P-LDIP contient une disposition analogue pour les pactes successoraux fondée sur l'art. 95, al. 2, LDIP (pour plus de détails, voir le commentaire de l'art. 95, al. 2, P-LDIP). La règle prévue à l'art. 94, al. 2, P-LDIP correspond en outre à celle du règlement européen56.

Art. 94, al. 3, P-LDIP, 1re phrase En vertu de l'art. 94, al. 3, 1re phrase, P-LDIP, le disposant peut aussi soumettre son testament, c'est-à-dire les questions visées à l'art. 94 P-LDIP (voir commentaire de l'al. 1) directement au droit d'un de ses États nationaux, lequel remplace alors le droit prévu à l'al. 1. L'élection de droit au sens de l'al. 3 prévaut
sur la soumission de toute la succession au droit d'un autre État national au sens de l'al. 2.

Cette disposition suit elle aussi le modèle du régime proposé pour les pactes successoraux (voir commentaire de l'art. 95, al. 4, P-LDIP) et correspond à ce que prévoit le règlement européen (voir art. 24, par. 2, de celui-ci).

54 55 56

Voir le rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 28.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 27.

Voir Bonomi, Bonomi/Wautelet, art. 24 N 23.

3242

FF 2020

Art. 94, al. 3, P-LDIP, 2e phrase La deuxième phrase de l'art. 94, al. 3, P-LDIP correspond à la deuxième phrase de l'art. 91, al. 1 et à la deuxième phrase de l'art. 95, al. 4, P-LDIP. Cette question est réglée de la même façon dans le règlement européen.

Art. 95, al. 1, LDIP À la différence du cas des testaments (voir remarques préliminaires concernant l'art. 94 P-LDIP), la LDIP prévoit déjà à l'art. 95 une réglementation spéciale complète pour les pactes successoraux. Le critère de rattachement est en principe le même que celui qui est prévu pour les testaments (voir commentaire de l'art. 94, al. 1, P-LDIP).

Contrairement aux dispositions correspondantes du droit en vigueur et de l'avantprojet, l'art. 95, al. 1, P-LDIP définit, conformément au souhait de différents participants à la consultation, le champ d'application matériel de la réglementation spéciale prévue pour les pactes successoraux. L'énumération correspond à celle de l'art. 94, al. 1, P-LDIP (voir commentaire de l'art. 94, al. 1, P-LDIP), à ceci près que la notion d' «effets contraignants» s'y substitue à celle de «révocabilité». L'art. 95b P-LDIP concrétise là aussi la notion de validité au fond. Le projet ne vise pas à modifier le contenu de l'art. 95 LDIP. Le champ d'application de cette disposition est entendu au sens large57. Le fait que la question de la validité quant à la forme soit réglée à l'art. 93 LDIP, comme pour les testaments (voir commentaire de l'art. 94, al. 1, PLDIP), correspond aussi au droit en vigueur.

L'art. 95, al. 1, P-LDIP coïncide pour l'essentiel avec la disposition correspondante du règlement européen (voir art. 25 s.; quant aux différences concernant le rattachement et le champ d'application, voir commentaire de l'art. 94, al. 1, P-LDIP).

Art. 95, al. 2, P-LDIP L'art. 95, al. 2, LDIP prévoit que si le disposant soumet toute sa succession au droit de son État national, ce dernier régit également le pacte successoral. Dans le projet, la disposition est adaptée au contenu du règlement européen dans le sens où elle prévoit que la succession est aussi soumise au droit national s'il en a été décidé ainsi avant la conclusion du pacte successoral («dans une disposition antérieure»).

Le passage «au droit de son État national» est remplacé par «au droit d'un de ses États nationaux». Et le droit désigné
s'applique «en lieu et place du droit désigné par l'al. 1», plutôt que «en lieu et place du droit du domicile». Ces reformulations servent uniquement à clarifier les choses. Elles ne visent pas une modification de contenu.

Le projet maintient la nécessité de soumettre «toute» la succession. La simple élection de droit partielle (voir art. 91, al. 3, P-LDIP) n'entre donc pas en ligne de

57

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 28 s. et à son renvoi à l'ATF 138 III 489, consid. 3.3.1; message sur la LDIP, ch. 264.1; Heini, art. 95 N 11; Bucher, art. 95 N 2, et Dutoit, art. 95 N 1.

3243

FF 2020

compte. Si c'est cette solution qui est retenue, le pacte successoral restera soumis au droit désigné à l'al. 1.

Art. 95, al. 3, P-LDIP, 1re et 2e phrases, et titre marginal L'actuel al. 3 de l'art. 95 LDIP prévoit que les pactes successoraux «réciproques», c'est-à-dire ceux dans lesquels plus d'une personne dispose de sa succession, sont valables s'ils sont «conformes au droit du domicile [au sens de l'al. 1] de chacun des disposants ou au droit d'un État national commun qu'ils ont choisi». Cette disposition manque de clarté et la doctrine n'en donne pas une interprétation unanime, de sorte qu'il subsiste une grande insécurité juridique.

Le Conseil fédéral a opté pour une clarification dans le sens de l'interprétation la plus libérale et, selon lui, la plus appropriée58. Le passage indiqué ci-dessus a été remplacé dans le projet (mais pas dans l'avant-projet) par un nouveau texte, selon lequel chacune des dispositions d'un pacte successoral impliquant deux parties ou plus est évaluée selon le droit dont elle relève (le droit d'un des États nationaux ou le droit de l'État du dernier domicile du disposant, conformément aux al. 1 et 2). Le pacte successoral n'est pris en considération, en revanche, que si toutes les dispositions sont valables selon le droit en question et ont des effets contraignants entre les parties (c'est-à-dire que le disposant ne peut pas les modifier unilatéralement).

Le projet n'exige donc pas que chaque disposition satisfasse aux exigences de la totalité des ordres juridiques impliqués (ceux de l'État national ou de l'État de domicile de chacun des disposants), comme une part importante de la doctrine l'exige en vertu du droit en vigueur. Une telle solution serait inutilement restrictive et contraire au principe dit favor testamenti du droit suisse des successions (sur lequel se fonde d'ailleurs l'actuel art. 94 LDIP) selon lequel les dispositions du défunt doivent être respectées dans la mesure du possible. La validité simultanée de plusieurs droits pose particulièrement problème lorsqu'on veut évaluer les effets individuels d'une disposition spécifique pour cause de mort (une substitution fidéicommissaire, par ex.). Quel droit prévaut si chacun prévoit des effets juridiques différents? En cas de substitution fidéicommissaire, par exemple, la situation du grevé et de
l'appelé n'est pas la même dans tous les droits. Il n'est pas non plus possible d'interpréter une disposition selon deux droits différents.

Le règlement européen (art. 25, par. 2) soumet lui aussi en principe, pour les pactes successoraux concernant la succession de plusieurs personnes, chaque disposition à un seul droit. Il ne prévoit l'applicabilité cumulative de plusieurs ordres juridiques que dans le domaine restreint de la recevabilité de principe du pacte successoral.

Contrairement à ce que prévoit la solution proposée ici, il ne soumet pas chaque disposition à un droit distinct (celui de l'État national ou de l'État de domicile du disposant). Il impose l'identification, parmi les lois concernées, de celle qui présente «les liens les plus étroits» avec le pacte successoral, et l'application de celle-ci à l'ensemble des dispositions. Tant les experts que les participants à la consultation étaient d'avis d'écarter cette solution. Le rattachement en fonction des liens les plus étroits est trop vague et n'offre pas la sécurité juridique souhaitée. L'art. 95, al. 4, 58

À ce sujet, voir notamment Heini, art. 95, N 8; Schnyder/Liatowitsch, art. 95, N 5, et Dutoit, art. 95, N 4.

3244

FF 2020

P-LDIP se rapproche néanmoins du règlement européen en ceci que les parties ont désormais la possibilité de soumettre l'intégralité des dispositions au droit de l'État national ou au droit de l'État de domicile d'un des disposants (voir commentaire de l'art. 95, al. 4, P-LDIP). En ce qui concerne la recevabilité de principe du pacte successoral, les approches du règlement européen et du projet aboutissent au même résultat: un pacte successoral n'est valable que s'il l'est en vertu du droit de l'État national ou du droit de l'État de domicile de chacun des disposants.

À l'art. 95, al. 3, P-LDIP, le renvoi aux al. 1 et 2 établit clairement que le droit applicable à chacune des dispositions se détermine en fonction de ces deux alinéas, et notamment que l'al. 2 (selon lequel, en cas de soumission de la succession à un droit national, celui-ci s'applique au pacte successoral concerné) s'applique aussi aux pactes successoraux auxquels sont parties deux disposants ou plus59. Le règlement européen contient une disposition analogue. L'applicabilité de l'art. 95, al. 2, P-LDIP n'est pas soumise à la condition que tous les disposants aient soumis leur succession à un seul et même droit, en l'occurrence celui de leur État national commun, comme certains le supposent sous le régime actuel 60.

Le passage «ou au droit d'un État national commun qu'ils ont choisi» de l'art. 95, al. 3, LDIP ne figure plus dans le projet. Il est remplacé par l'art. 95, al. 4, P-LDIP.

Le projet remplace aussi «Les dispositions [...] pour cause de mort» par «un pacte successoral» et précise, dans une tphrase additionnelle, que certains testaments sont réputés pactes successoraux (à ce sujet, voir le commentaire de l'art. 95, al. 3, P-LDIP, 3e phrase)61. Il supprime en outre l'adjectif «réciproques», qui prête à confusion, au profit de la notion plus claire de pacte successoral «qui compte deux disposants ou plus»62. Ces modifications permettent de raccourcir le titre marginal de l'art. 95 LDIP pour ne conserver que «Pactes successoraux».

Art. 95, al. 3, P-LDIP, 3e phrase La troisième phrase de l'art. 95, al. 3, P-LDIP prévoit que certains groupements de testaments doivent être qualifiés de pactes successoraux au sens de l'art. 95 (voir commentaire ci-dessus). Elle vise des testaments établis les uns en fonction des autres, qui
doivent être considérés comme l'expression d'un accord contraignant conclu entre les disposants (à l'image des wechselbezüglichen gemeinschaftlichen Testamente de droit allemand ou des mutual wills en common law63) assimilable du point de vue matériel à un pacte successoral. Le règlement européen (art. 3, par. 1, let. b) traite également ces constellations comme des pactes successoraux.

59 60 61 62 63

Widmer Lüchinger salue cette solution, p. 17.

Voir par ex. Schnyder/Liatowitsch, art. 95 N 6.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 31.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 31.

Voir Bonomi, Bonomi/Wautelet, art. 25, N 7.

3245

FF 2020

Art. 95, al. 4, P-LDIP, 1re phrase L'art. 95, al. 4, P-LDIP prévoit que les parties peuvent soumettre le pacte successoral (autrement dit les éléments cités à l'al. 1) au droit de l'un des États nationaux du disposant ou de l'un des disposants, selon qu'il s'agit d'un pacte successoral unilatéral ou mutuel64, ce qui correspond au contenu du règlement européen (art. 25, par. 3).

Contrairement à l'avant-projet, le projet prévoit que les parties puissent soumettre le pacte successoral au droit dans lequel un des disposants est domicilié. Cette disposition est conçue pour les pactes successoraux comptant deux disposants ou plus. Il n'est pas offert d'option semblable pour les pactes successoraux unilatéraux. Le règlement européen n'offre même pas cette possibilité pour les pactes successoraux comptant deux disposants ou plus. Il est cependant probable que la plupart des tribunaux considéreront le droit de l'État de domicile désigné comme présentant avec le pacte successoral les liens les plus étroits au sens de l'art. 25, par. 2, 2e al., du règlement et reconnaîtront donc indirectement l'élection de droit. De ce point de vue, le passage ajouté à l'art. 95, al. 4, P-LDIP constitue au moins un rapprochement avec le règlement européen.

Alors que l'art. 95, al. 2, P-LDIP porte sur l'élection de droit pour toute la succession, que la loi étend au pacte successoral qui la contient, l'art. 95, al. 4, P-LDIP porte sur une élection de droit ciblée sur le pacte successoral et les dispositions qu'il contient. Ce choix prévaut sur celui visé à l'art. 2.

Il ne ressort pas clairement du droit en vigueur si un choix de ce type est possible 65.

L'art. 95, al. 4, P-LDIP élimine cette insécurité juridique. Le nouveau texte donne par ailleurs plus de marge de manoeuvre aux parties. Il leur permet en effet de soumettre le pacte successoral et les dispositions qu'il contient à un même droit, même lorsqu'elles n'ont pas de nationalité commune. Cette solution présente l'avantage supplémentaire de permettre une certaine coordination avec le régime matrimonial (voir art. 52, al. 2, LDIP).

L'art. 95, al. 4, LDIP en vigueur porte lui sur une tout autre question: il contient une réserve en faveur des art. 93 et 94 LDIP, qui devient sans objet du fait de la nouvelle version proposée pour l'art. 95, al. 1.

Art. 95, al. 4,
P-LDIP, 2e phrase La deuxième phrase de l'al. 4 s'inspire de la deuxième phrase de l'art. 91, al. 1, P-LDIP. Elle prévoit également que l'élection d'un droit national n'est pas caduque si, au moment de son décès, le disposant concerné n'avait plus la nationalité de l'État en question. L'art. 95 LDIP visant à favoriser la durabilité des pactes successoraux, une telle règle s'impose. L'élection de droit reste en outre valable si l'intéressé n'acquiert la nationalité en question qu'après coup.

Cette disposition correspond à ce que prévoit le règlement européen (art. 25, par. 3, et 22, par. 1). Elle en diffère cependant sur un point: le disposant concerné doit avoir 64 65

Widmer Lüchinger salue cette solution, p. 20.

On se reportera pour plus de détails au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 30.

3246

FF 2020

eu la nationalité en question au plus tard au moment du décès du premier disposant.

Il ne suffit pas qu'il l'ait eue au moment du décès de l'un des autres disposants.

Cette différence tient au fait que le droit applicable au pacte successoral doit être fixé au premier des décès réglés par celui-ci.

Art. 95a P-LDIP Cette disposition précise que l'art. 95 P-LDIP s'applique par analogie aux autres dispositions contractuelles pour cause de mort, par exemple la donation pour cause de mort, qui se distingue du pacte successoral en ce qu'elle est révocable à tout moment.

Le droit actuel ne prévoit une telle règle que pour les «dispositions réciproques pour cause de mort» (art. 95, al. 3, LDIP). Dans les autres cas de figure, le droit déterminant est, comme pour les testaments, celui qui s'applique à la succession. Étant donné que le présent projet réserve le même traitement aux testaments et aux pactes successoraux, la soumission des autres dispositions contractuelles pour cause de mort au régime correspondant s'impose, d'autant plus que le règlement européen prévoit une solution analogue66.

Le renvoi par analogie à l'art. 95 P-LDIP concerne principalement ses al. 1 et 4, les al. 2 et 3 étant sans incidence sur les donations pour cause de mort.

Les dispositions des contrats de mariage relatives à la dissolution du régime matrimonial sont soumises aux règles de la LDIP applicables aux régimes matrimoniaux, même si elles ont trait au décès67. Cela concerne en particulier le partage du bénéfice tel qu'il est prévu à l'art. 216, al. 1, CC. S'agissant de la quotité disponible, le droit déterminant est, comme pour les pactes successoraux, celui visé aux art. 90 s.

P-LDIP (statut successoral)68. Pour ce qui est des atteintes à la réserve héréditaire, le statut successoral comprend la contestation des libéralités de toute nature, qu'elles relèvent ou non du droit des successions. Il en va de même sous l'empire du règlement européen. Selon les règles européennes de conflits de lois, la dissolution du régime matrimonial en cas de décès de l'un des époux est également soumise aux règles applicables aux régimes matrimoniaux69 mais la contestation, au titre de la réserve héréditaire, de dispositions ne relevant pas du droit des successions relève du statut successoral70.

Art. 95b, al. 1, P-LDIP La disposition
énumère les aspects couverts par la notion de «validité au fond» utilisée aux art. 94, al. 1, et 95, al. 1, P-LDIP.

La liste mentionne expressément la capacité de disposer, qui est l'objet de l'art. 94 LDIP en vigueur. L'intégration de la capacité de disposer dans les art. 94 et 95 66 67 68 69 70

Voir Bonomi, Bonomi/Wautelet, art. 23, N 88.

Voir art. 51, let. a, et 58, al. 2, LDIP.

Voir Bucher, art. 56, N 4; Dutoit, art. 56, N 3, et Widmer Lüchinger, ZK, art. 56, N 7.

Confirmant ce principe (contre l'avis de certains auteurs): arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 1er mars 2018 C-558/16 Mahnkopf, ECLI:EU:C:2018:138 Au sujet de ce dernier, voir Bonomi, Bonomi/Wautelet, art. 25, N 6.

3247

FF 2020

P-LDIP rend les exigences la concernant quelque peu plus strictes que dans le droit en vigueur. Les dispositions pour cause de mort devront se conformer au droit désigné par l'art. 94 ou 95 P-LDIP. Il ne suffira plus qu'elles soient valides en vertu d'un autre droit étroitement lié71. La question du droit applicable n'a toutefois qu'une portée pratique limitée aux rares situations dans lesquelles le disposant est mineur et qu'une des législations en cause reconnaît aux personnes mineures la capacité de disposer72.

L'énumération de l'art. 95b, al. 1, P-LDIP vise à couvrir l'ensemble des aspects qui figurant dans les dispositons analogues du règlement européen (voir son art. 26), y compris l'éventuelle inadmissibilité de disposer en faveur de certaines personnes (art. 26, par. 1, let. b, du règlement), l'admissibilité de la représentation (art. 26, par.

1, let. c, du règlement) et les vices du consentement tels que la fraude, la contrainte ou l'erreur (art. 26, par. 1, let. e, du règlement).

Art. 95b, al. 2, P-LDIP Le deuxième alinéa de l'art. 95b P-LDIP précise que la quotité disponible est soumise au droit applicable à la succession en vertu des art. 90 s. P-LDIP (statut successoral) et qu'elle n'entre pas dans le champ d'application des art. 94 à 95a P-LDIP.

C'est déjà le cas dans le droit en vigueur73 ou du moins considéré comme souhaitable74.

Art. 96, al. 1, P-LDIP L'art. 96 LDIP traite de la reconnaissance des «décisions, [d]es mesures ou [d]es documents relatifs à une succession» ainsi que des droits «qui dérivent d'une succession ouverte à l'étranger». Selon l'al. 1, let. a, de cette disposition, ces actes peuvent en principe être reconnus lorsqu'ils proviennent de l'État du dernier domicile du défunt ou de l'État au droit duquel le défunt a soumis sa succession, ou s'ils sont reconnus dans un de ces États.

Le projet règle les deux critères de rattachement que sont le dernier domicile et l'élection de droit dans des sous-paragraphes distincts (let. a et c), en étant un peu plus restrictif pour le second. En revanche, il établit une équivalence entre la soumission à la compétence d'un État particulier (prorogation de for) et l'élection de droit en faveur du même État (voir commentaire de l'art. 96, al. 1, let. c, P-LDIP). À la let. d, le projet prévoit la reconnaissance de compétences
étrangères supplémentaires au cas où l'État du dernier domicile ne s'occupe pas de la succession (voir commentaire de l'art. 96, al. 1, let. d, P-LDIP).

Le nouveau passage «sous réserve de l'art. 87, al. 2» vise à établir clairement que les actes juridiques étrangers ne sont pas reconnus si le défunt avait la nationalité suisse et qu'il avait soumis sa succession à la compétence des autorités suisses, soit direc71 72 73 74

Voir plus de détails dans le rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 27.

Voir Widmer Lüchinger, p. 26 (qui cependant critique cette nouveauté).

Voir Bucher, art. 95 N 2 avec les références citées, Dutoit, art. 95 N 1, et Künzle, art. 95 N 4.

Voir Heini, art. 95 N 11.

3248

FF 2020

tement par une prorogation de for, soit indirectement par une élection de droit (voir commentaire de l'art. 87, al. 2, P-LDIP). La consultation a mis en évidence la nécessité de cette clarification. Cette disposition correspond à la pratique du Tribunal fédéral75.

Art. 96, al. 1, let. a, P-LDIP Comme nous le précisons plus haut, l'art. 96, al. 1, let. a, P-LDIP ne se réfère plus qu'aux actes qui émanent de l'État du dernier domicile du défunt ou qui y sont reconnus. Ceux qui relèvent de l'État au droit duquel la succession a été soumise font désormais l'objet d'une nouvelle let. c. Il n'y a pas d'autre modification de la let. a.

Le choix de ne pas remplacer «domicile» par «résidence habituelle» vaut aussi pour l'art. 96 LDIP, les raisons étant les mêmes que celles exposées en lien avec les questions de la compétence de la Suisse et du droit applicable (voir ch. 3.2.1).

Art. 96, al. 1, let. c, P-LDIP Le rattachement au droit choisi par le défunt, prévu à l'al. 1, let. a, en vigueur (voir commentaire de l'art. 96, al. 1, P-LDIP), soulève deux questions: n'y a-t-il lieu de prendre en compte que les élections de droit valables? Et, le cas échéant, selon quel droit la question de la validité doit-elle être tranchée? Le projet vise à éliminer cette insécurité juridique.

La doctrine semble admettre à l'unanimité que seules les élections de droit valables doivent être prises en compte. Les débats se limitent à la question de savoir comment juger de la validité. La solution présentée ici s'inscrit plutôt dans la ligne de l'approche restrictive représentée dans la doctrine76. Selon ce point de vue, le droit choisi n'aura d'influence sur la question de la compétence de l'État étranger concerné que s'il s'agit du droit de l'État national ou de l'un des États nationaux du défunt.

En contrepartie, le projet prévoit qu'une prorogation de for directe en faveur de l'un des États nationaux doit également être prise en compte, une telle conclusion s'imposant notamment au vu du pouvoir de prorogation de for prévu à l'art. 88b P-LDIP. Sur le plan rédactionnel, ces modifications se concrétisent par une suppression du passage de l'art. 96, al. 1, let. a, LDIP concernant les cas d'élection de droit et par une nouvelle let. c réglant la question de la reconnaissance des actes juridiques émanant de l'État national ou
des États nationaux du défunt.

La Suisse reconnaît seulement les actes juridiques émanant de l'État national concerné, à l'exclusion des actes qui y sont simplement reconnus. Le passage supprimé à la let. a n'est ainsi repris que partiellement dans la nouvelle let. c. Le groupe d'experts a estimé qu'il y avait lieu d'adopter une approche restrictive des exceptions au principe sous-jacent au chap. 6 de la LDIP, selon lequel les autorités du dernier domicile du défunt sont compétentes pour le règlement de la succession.

75 76

Arrêt 5P.274/2002 du 28 octobre 2002, consid. 4.1. Pour plus de détails, voir le rapport explicatif relatif à l'avant-projet envoyé en consultation, p. 33.

Approche défendue aussi par Bucher, art. 96 N 2. On se reportera pour plus de détails sur le sujet au rapport explicatif de l'avant-projet envoyé en consultation, p. 33 s.

3249

FF 2020

Art. 96, al. 1, let. d, LDIP Les actes juridiques émanant de l'un des États nationaux du défunt seront par ailleurs également reconnus lorsque le dernier domicile de ce dernier se situait à l'étranger et lorsque l'État concerné ne s'occupe pas de la succession. Il en va de même pour les actes émanant de l'État d'une éventuelle dernière résidence habituelle du défunt différente de son domicile ou, pour les biens successoraux isolés, de l'État dans lequel ils se trouvent. Contrairement à l'avant-projet, le texte proposé indique clairement que le lieu à prendre en considération concerne des biens successoraux «mobiliers». Pour les immeubles, l'art. 96, al. 1, let. b, reste applicable.

Cette nouvelle let. d vise à compléter les nouveaux art. 87, al. 1, et 88, al. 1, LDIP.

Elle permet d'éviter certains conflits de compétence positifs avec les États appliquant le règlement et certains États tiers (voir commentaire de l'art. 87, al. 1, P-LDIP), sans toucher au principe de la compétence des autorités du dernier domicile du défunt.

Art. 199a P-LDIP Les art. 196 à 199 LDIP contiennent des dispositions transitoires liées à l'entrée en vigueur de la LDIP le 1er janvier 1989. Selon la doctrine, ils s'appliquent par analogie à chaque modification de la LDIP 77. Selon le Tribunal fédéral78, ils peuvent au moins être invoqués comme exprimant les règles des art. 1 à 4 tit. fin. CC, qui sont considérés comme des principes généraux de droit.

L'art. 199a P-LDIP fixe expressément cette applicabilité par analogie, créant ainsi la base nécessaire à l'art. 199b P-LDIP. Ces deux dispositions ne figuraient pas dans l'avant-projet.

Art. 199b P-LDIP, 1re phrase L'art. 199b P-LDIP se rattache à l'art. 199a P-LDIP selon lequel les dispositions transitoires des art. 196 à 199 LDIP s'appliquent par analogie aux modifications de la LDIP. Il met en oeuvre l'art. 196, al. 1, LDIP, qui statue que les «faits ou actes juridiques qui ont pris naissance et produit tous leurs effets avant l'entrée en vigueur [du nouveau droit] sont régis par l'ancien droit». Il découle de cette disposition que les effets juridiques du décès d'une personne sur sa fortune relèvent du droit qui était en vigueur au moment du décès. Aussi est-il désormais prévu que les modifications du chap. 6 s'appliquent aux décès qui se sont produits après leur entrée
en vigueur.

L'art. 196 LDIP peut être entendu, nous l'avons dit, comme une émanation de l'art. 1 tit. fin. CC. L'art. 15 tit. fin. CC précise ce principe quant au droit des successions en statuant que le droit déterminant est défini par le moment du décès. Le règlement européen (art. 83, al. 1), fait lui aussi dépendre son applicabilité du moment du décès du disposant.

77 78

Voir Trüten, remarque préliminaire aux art. 196 à 199, N2.

ATF 145 III 109 consid. 5.4

3250

FF 2020

Art. 199b P-LDIP, 2e phrase L'art. 15 tit. fin. CC fait l'objet d'une restriction à l'art. 16 tit. fin. CC. Les dispositions pour cause de mort qui étaient valables sous l'ancien droit doivent le rester si le décès survient après l'entrée en vigueur du nouveau. Ce principe vaut aussi pour la révision du chap. 6 LDIP, comme l'indique la deuxième phrase de l'art. 199b, P-LDIP.

Cette disposition a pour but de protéger la confiance du disposant dans le fait que les dispositions pour cause de mort prises en accord avec le droit en vigueur garderont leur validité. Elle est importante en ce qui concerne la validité au fond (au sens des art. 94, al. 1, et 95, al. 1, P-LDIP) et en particulier pour les testaments (pour lesquels la révision amène plus de changements que pour les pactes successoraux). La révision n'amène pas de modifications en ce qui concerne la validité formelle.

La deuxième phrase de l'art. 199b P-LDIP a elle aussi son pendant dans le règlement européen: l'art. 83, par. 3, du règlement repose sur le même principe.

Art. 199b P-LDIP, 3e phrase La protection des droits acquis selon l'art. 16 tit. fin. CC et l'art. 83, par. 3 du règlement européen ne vaut toutefois pas pour la question de quotité disponible. La troisième phrase de l'art. 199b P-LDIP prévoit ainsi une précision analogue à l'égard de sa deuxième phrase. La disposition de la première phrase de l'art. 199b P-LDIP vaut dès lors sans réserve pour la question de la quotité disponible.

Au vu du fait que la quotité disponible est exclue du champ d'application des art. 94, al. 1, et 95, al. 1, P-LDIP, des questions de droit transitoire ne devraient que rarement se poser à cet égard.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Le projet proposé relève des domaines du droit privé et de la procédure civile. Il ne crée pas de nouvelles tâches pour l'État et ne modifie pas le mode d'organisation actuel. Il n'y a pas non plus lieu de s'attendre à des effets significatifs sur la charge de travail des différentes autorités. Par conséquent, le projet n'entraînera pas de conséquences notables sur l'état du personnel ou sur le plan financier.

Contrairement au souhait exprimé par un canton, le projet ne prévoit pas de réserve en faveur de la souveraineté fiscale des cantons en matière de successions. La LDIP ne traite pas de questions fiscales, elle n'affecte par conséquent en rien le pouvoir des cantons de prélever des impôts sur la succession au dernier domicile du défunt.

Elle n'affecte pas non plus les conventions de double imposition. Si une législation fiscale cantonale se rattache d'elle-même à la compétence en matière de droit des successions, il n'est pas possible d'y remédier dans la LDIP, ne serait-ce que pour des raisons constitutionnelles (absence de compétence fédérale).

3251

FF 2020

5.2

Conséquences sociales et économiques

Les justiciables profiteront de plus de liberté et de sécurité juridique.

Les progrès en matière de sécurité juridique profitent également de façon générale à l'économie. Il n'y a toutefois pas lieu de s'attendre à des effets significatifs sur celleci.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet vise la modification d'une loi en vigueur (la LDIP), fondée sur les art. 54 et 122 de la Constitution (Cst.)79 (compétence fédérale concernant les affaires étrangères et la législation en matière de droit civil et de procédure civile) 80.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les dispositions proposées ne portent pas atteinte aux obligations internationales de la Suisse. Conformément à l'art. 1, al. 2, LDIP, les traités internationaux sont réservés. En outre, la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires81 est en plus réservée à l'art. 93 LDIP.

Sur le plan bilatéral, les traités internationaux (réglant certains aspects relatifs au droit applicable et à la compétence en cas de successions binationales) applicables au droit des successions en vigueur à ce jour sont les suivants:

79 80 81 82 83 84 85

­

Convention d'établissement et de protection juridique du 1 er décembre 1927 entre la Suisse et la Grèce82, art. 10;

­

Convention d'établissement et consulaire du 22 juillet 1868 entre la Suisse et l'Italie83, art. 17, et protocole, art. IV;

­

Convention d'établissement du 25 avril 1934 entre la Confédération suisse et l'Empire de Perse84, art. 8;

­

Traité du 25 novembre 1850 conclu entre la Confédération suisse et les États-Unis de l'Amérique du Nord85, art. V et VI.

RS 101 À l'origine, sur les dispositions antérieures de la constitution du 29 mai 1874.

RS 0.211.312.1 RS 0.142.113.721 RS 0.142.114.541 et RS 0.142.114.541.1 RS 0.142.114.362 RS 0.142.113.361

3252

FF 2020

L'art. VIII de la Convention consulaire du 27 août 1883 entre la Suisse et le Portugal86 vise également le droit des successions mais ne prévoit toutefois que des mesures de protection. L'art. IV du Traité d'amitié, de commerce et d'établissement réciproque du 6 septembre 1855 entre la Confédération suisse et sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande87 requiert uniquement l'égalité dans le traitement des ressortissants des deux États contractants en matière de successions.

Il faut aussi prendre en compte les conventions bilatérales entre la Suisse et différents États européens relatives à la reconnaissance et à l'exécution de décisions judiciaires rendues en matière civile (droit des successions compris)88. Certaines d'entre elles s'appliquent exclusivement aux procédures contentieuses. Ces conventions fixent simplement une norme minimale. La LDIP reste applicable pour autant qu'elle facilite la reconnaissance.

La Convention de Lugano du 30 octobre 2007 (CL)89 n'est pas applicable aux successions (art. 1, al. 2, let. a, CL).

6.3

Forme de l'acte à adopter

La révision consistant en une modification de la LDIP, l'acte à adopter doit prendre la forme d'une loi fédérale.

6.4

Frein aux dépenses

Le projet ne contient pas de dispositions relatives aux subventions et ne prévoit ni crédits d'engagement ni plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

6.5

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de délégation de nouvelles compétences législatives au Conseil fédéral.

86 87 88

89

RS 0.191.116.541 RS 0.142.113.671 Allemagne, RS 0.276.191.361; Autriche, RS 0.276.191.632; Belgique, RS 0.276.191.721; Espagne, RS 0.276.193.321; Italie, RS 0.276.194.541; Liechtenstein, RS 0.276.195.141; République tchécoslovaque, RS 0.276.197.411; Slovaquie, RS 0.276.197.411; Suède, RS 0.276.197.141 RS 0.275.12

3253

FF 2020

6.6

Protection des données

Du point de vue du traitement des données personnelles, la présente révision est sans effet sur les plans pratique et juridique. Les dispositions en matière de protection des données visant les autorités compétentes en matière de successions restent applicables.

3254

FF 2020

Litérature citée Berther, Duri, Die internationale Erbschaftsverwaltung bei schweizerisch-deutschen, -österreichischen und -englischen Erbfällen, Schweizer Schriften zur Vermögensberatung und zum Vermögensrecht vol. 3, Zurich 2001, (cit. Berther) Bonomi, Andrea, Die geplante Revision des schweizerischen Internationalen Erbrechts: Erweiterte Gestaltungsmöglichkeiten und Koordination mit der Europäischen Erbrechtsverordnung, in: SRIEL 2018, p. 105 ss, (cit. Bonomi, SRIEL 2018) Bonomi, Andrea, in: Bonomi/Wautelet (éd.), Le droit européen des successions, Commentaire du Règlement (UE) du 4 juillet 2012, 2e éd., Bruxelles 2016, (cit. Bonomi, Bonomi/Wautelet) Bonomi, Andrea, Le règlement européen sur les successions et son impact pour la Suisse, in: Semaine Judiciaire 2014 II 391 ss, p. 404 ss, (cit. Bonomi, SJ 2014) Bucher, Andreas, in: Commentaire Romand LDIP/CL, Bâle 2011, (cit. Bucher) Diggelmann, Reto/Wolf, Burkard J., Erbgang und Nachlassabwicklung nach dem neuen internationalen Privatrecht der Schweiz, in: Praetor 1988/89, p. 74 ss, (cit. Diggelmann/Wolf) Dutoit, Bernard, Droit international privé, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4 éd., Bâle 2005, (cit. Dutoit) Guillaume, Florence, L'extension de la portée de l'élection de droit en matière successorale, in: successio 2019, p. 224 ss, (cit. Guillaume) Heini, Anton, in: Zürcher Kommentar IPRG, 2e éd., Zurich 2004, (cit. Heini) Künzle, Hans Rainer, in: Zürcher Kommentar IPRG, 3e éd., Zurich 2018, (cit. Künzle) Pretelli, Ilaria, in: Bonomi/Wautelet, Le droit européen des successions, Commentaire du Règlement (UE) du 4 juillet 2012, 2e éd., Bruxelles 2016, (cit. Pretelli) Romano, Gian Paolo, L'élection de for par le de cujus, in: successio 2019, p. 207 ss, (cit. Romano) Schnyder, Anton K./Liatowitsch, Manuel, in: Basler Kommentar IPRG, 3e éd., Bâle 2013, (cit. Schnyder/Liatowitsch) Schwander, Ivo, Bewegt sich das internationale Erbrecht?, in: Arnet/Eitel/Jungo/ Künzle (éd.), Der Mensch als Mass, Festschrift für Peter Breitschmid, Zurich 2019, p. 479 ss, (cit. Schwander) Vischer, Frank/von Planta, Andreas, Internationales Privatrecht, 2e éd., Bâle 1982, (cit. Vischer/von Planta) Widmer Lüchinger, Corinne, in: Zürcher Kommentar IPRG, 3e éd., Zurich 2018, (cit. Widmer Lüchinger, ZK)

3255

FF 2020

Widmer Lüchinger, Corinne, Zur Revision der Art. 86 ff. IPRG: Auswirkungen auf die Nachlassplanung, in: Frésard/Morger (éd.), Aktuelle Fragen des internationalen Erbrechts: Beiträge des Weiterbildungsseminars der Stiftung Schweizerisches Notariat vom 9. September 2019 in Zürich, Zurich 2020, p. 1 ss, (cit. Widmer Lüchinger) Trüten, Dirk, in: Zürcher Kommentar IPRG, 3e éd., Zurich 2018, (cit. Trüten)

3256