19.067 Message concernant la loi sur les précurseurs de substances explosibles du 20 novembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur les précurseurs de substances explosibles, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 novembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1317

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Condensé Le présent projet de loi a pour but d'empêcher l'utilisation abusive de substances pouvant servir à préparer des substances explosibles. La nouvelle loi fédérale restreindra partiellement l'accès des particuliers à de telles substances. Il sera par ailleurs interdit à ces derniers de préparer eux-mêmes des substances explosibles.

En outre, la possibilité est prévue de signaler les événements suspects et de sensibiliser en conséquence les acteurs économiques. La nouvelle loi fédérale contribuera ainsi à garantir la sécurité intérieure de la Suisse et à lutter contre le terrorisme international.

Contexte Les divers attentats terroristes perpétrés ces dernières années en Europe ­ Paris (novembre 2015), Bruxelles (mars 2016, juin 2017), Ansbach (juillet 2016), SaintPétersbourg (avril 2017), Manchester (mai 2017) et Londres (septembre 2017) ­ le montrent clairement: malgré de nouveaux moyens et méthodes d'attaque, les terroristes continuent de privilégier les explosifs. En raison de la réglementation et des contrôles stricts qui entourent les explosifs commerciaux et militaires, ils recourent généralement à des explosifs qu'ils ont eux-mêmes préparés (explosifs artisanaux).

Or les précurseurs de substances explosibles sont des substances chimiques qui se prêtent à la préparation de tels explosifs artisanaux.

Ces précurseurs se trouvent dans une multitude de produits d'usage courant en libre accès. Depuis 2014, l'Union européenne (UE) réglemente la commercialisation et l'utilisation de ces précurseurs afin d'endiguer le risque d'utilisation abusive. En Suisse, les précurseurs ont été réglés jusqu'en 2005 par la législation de l'époque sur les toxiques. Depuis son abrogation, leur remise n'est plus soumise à aucun mécanisme de contrôle. De ce fait, depuis 2014, la Suisse est le seul pays au coeur de l'Europe où ces substances sont encore disponibles sans restriction aucune.

La différence relevée entre la Suisse et l'UE comporte le risque que des criminels se tournent vers notre pays pour s'y procurer des précurseurs ou pour les y utiliser de manière abusive. Compte tenu de la menace terroriste actuelle et en connaissance du risque mentionné à l'instant, le Conseil fédéral a décidé de surveiller la distribution de précurseurs de substances explosibles, de sensibiliser les acteurs économiques des secteurs concernés au risque d'abus et de les encourager à signaler les cas suspects.

Contenu du projet La nouvelle loi règle en particulier: ­

l'accès des particuliers aux précurseurs de substances explosibles (notamment au moyen d'un système d'autorisation);

­

l'interdiction de préparer et de posséder des explosifs artisanaux;

­

la possibilité de signaler les événements suspects à fedpol;

154

­

l'obligation d'information dans la chaîne logistique;

­

les dispositions pénales.

La nouvelle loi n'aura qu'un impact minime sur les consommateurs finaux, les acteurs de l'économie et les cantons, notamment pour ce qui est des coûts et de la formation du personnel.

Les substances à réglementer sont les précurseurs qui présentent le risque d'une utilisation abusive. Les restrictions d'accès pour les particuliers ne s'appliquent qu'à partir d'une certaine concentration. Afin d'éviter de nouvelles entraves techniques au commerce, la liste des substances concernées et les valeurs limites de concentration doivent correspondre à celles de l'UE.

La possibilité de signaler à fedpol les événements suspects vise à soutenir les autorités dans la prévention, la détection et la poursuite des infractions. Il doit fournir aux autorités de police un avantage et une utilité effectifs en les aidant à déjouer les infractions liées à l'utilisation abusive de précurseurs.

Enfin, le projet de loi contient des prescriptions sur les tâches des autorités d'exécution et de contrôle, des règles de protection des données et des dispositions finales. Les modalités seront réglées par voie d'ordonnance.

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Table des matières Condensé

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1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Introduction 1.1.2 Nécessité d'une réglementation 1.1.3 Situation juridique en Suisse 1.2 Réglementation proposée 1.2.1 Restrictions d'accès des particuliers 1.2.2 Interdiction de la préparation et de la possession d'explosifs artisanaux 1.2.3 Possibilité de signaler des événements suspects 1.2.4 Système d'information, obligation d'informer, obligation d'étiquetage, dispositions pénales 1.3 Justification et appréciation de la solution proposée 1.3.1 Généralités 1.3.2 Résultats de la consultation 1.4 Adéquation des moyens requis 1.5 Comparaison avec le droit européen 1.5.1 Réglementation introduite dans l'UE en 2014 1.5.2 Mise en oeuvre du RPE en Europe 1.5.3 Révision du RPE 1.5.4 Coordination du projet avec le droit européen 1.6 Mise en oeuvre 1.6.1 Confédération 1.6.2 Acteurs économiques 1.6.3 Cantons

158 158 158 158 159 161 161

2

Commentaire des dispositions

170

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.1.3 Autres conséquences 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques

193 193 193 193 194 194 195

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

196 196 196

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité

196 196

5

156

163 163 163 164 164 164 165 166 166 167 168 168 169 169 170 170

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5.2 5.3

5.4 5.5 5.6

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse Forme de l'acte à adopter 5.3.1 Acte au niveau de la loi 5.3.2 Législation sur les explosifs 5.3.3 Législation sur les produits chimiques 5.3.4 Nouvel acte Frein aux dépenses Délégation de compétences législatives Protection des données

Loi fédérale sur les précurseurs de substances explosibles (LPSE) (Projet)

198 198 198 199 199 200 200 200 200 201

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Introduction

Les précurseurs de substances explosibles sont des substances chimiques que l'on trouve dans une multitude de produits d'usage courant et qui peuvent être abusivement utilisées pour préparer illégalement des substances explosibles. Il s'agit notamment de produits décolorants pour les cheveux ou de produits désinfectants (peroxyde d'hydrogène), d'engrais (divers nitrates) et de solvants (acétone). Ces produits, qui peuvent être obtenus facilement en raison de leurs nombreux domaines d'utilisation légitimes, sont écoulés sans condition dans le commerce de détail classique et de plus en plus dans le commerce en ligne. En outre, ces précurseurs se caractérisent par leurs volumes de ventes élevés ou par un nombre de transactions important. De ce fait, les personnes mues par des intentions criminelles n'ont pas de mal à se les procurer sans se faire remarquer.

En principe, les précurseurs ne sont pas problématiques lorsqu'ils sont utilisés adéquatement. Seuls leur mélange mécanique ou des réactions chimiques avec d'autres substances produisent des substances explosibles. Si ce processus de préparation est réalisé en dehors de la production industrielle au moyen d'un laboratoire de fortune, les produits obtenus sont appelés «explosifs artisanaux». La grande disponibilité des précurseurs couplée à la multiplicité des «recettes» d'explosifs artisanaux aisément accessibles sur Internet génère un important potentiel de risque.

Toute personne qui le souhaite peut reproduire de manière autonome les différentes étapes des instructions, la synthèse ainsi obtenue représentant déjà un risque considérable pour la sécurité de la personne concernée et de son environnement.

En règle générale, les explosifs artisanaux ne sont pas le résultat d'une production soumise à une assurance de la qualité et ne sont pas fabriqués selon l'état de la technique. C'est pourquoi ils ne sont pas assimilables aux substances explosibles destinées à l'usage professionnel, par exemple dans la construction ou dans l'industrie, et il convient de les qualifier d'instables et de dangereux à manipuler.

1.1.2

Nécessité d'une réglementation

Des substances explosibles préparées à partir de précurseurs sont utilisées dans le monde entier pour commettre des attentats terroristes. Selon Europol, l'intensification de la surveillance des explosifs commerciaux a induit un recours toujours plus important aux explosifs artisanaux. C'est ainsi que les précurseurs ont joué un rôle essentiel lors des récentes attaques perpétrées en Europe. Les enquêtes ont permis de découvrir d'importantes quantités de précurseurs, en plus du matériel destiné à fabriquer des charges explosives.

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Pour contrer cette évolution, l'utilisation de précurseurs a été réglementée dans l'Union européenne (UE). Le règlement (UE) 98/20131 correspondant est applicable depuis le 2 septembre 2014 (cf. ch. 1.5.1). Depuis cette date, la Suisse est, au coeur de l'Europe, le seul pays où ces substances sont encore disponibles sans restriction aucune. Le risque existe donc que des criminels s'approvisionnent en précurseurs de substances explosibles dans notre pays ou qu'ils y utilisent ces substances de manière abusive. On a observé une semblable évolution dans le domaine des précurseurs de stupéfiants, lorsque ceux-ci ont été interdits à l'international mais non en Suisse. Par conséquent, l'utilisation illégale de précurseurs recèle non seulement un risque pour la sécurité de la Suisse, mais aussi un potentiel de conflit politique avec les États membres de l'UE au cas où des précurseurs achetés en Suisse seraient utilisés pour des attentats dans les pays voisins.

Il n'a pas été possible d'attribuer d'emblée le domaine des précurseurs à un service spécialisé au sein de l'administration fédérale. Si l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) disposent des connaissances spécialisées requises dans le domaine des produits chimiques, ils s'occupent pour l'essentiel de l'utilisation sûre des produits chimiques en rapport avec la santé et la protection de l'environnement (safety). L'utilisation non conforme de précurseurs en vue de préparer illégalement des substances explosibles relève par contre clairement des tâches policières (security). En outre, aucune base juridique existante ne se prête à une réglementation des précurseurs analogue à celle de l'UE (cf. ch. 5.3). Aussi l'Office fédéral de la police (fedpol) a-t-il été chargé d'élaborer le présent projet.

1.1.3

Situation juridique en Suisse

Jusqu'au 31 juillet 2005, les produits chimiques, dont la plupart des précurseurs de substances explosibles, étaient régis par la loi du 21 mars 1969 sur les toxiques2 et répartis en classes de toxicité afin de protéger les personnes et les animaux. Selon leur classe de toxicité, leur obtention par des personnes capables de discernement était soit exempte d'autorisation, soit possible en remplissant un accusé de réception ou en présentant une fiche de toxique (art. 18 de l'ordonnance du 19 septembre 1983 sur les teoxiques)3. Tandis que cette réglementation visait prioritairement au maniement sûr des produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement (objectif de safety), elle comportait accessoirement, du point de vue de la police de sécurité, l'effet positif de restreindre la disponibilité de tels produits, c'est-à-dire de contrôler leur remise (objectif de security).

Dans le cadre de l'harmonisation des législations suisse et européenne sur les produits chimiques, la législation sur les toxiques a été abrogée 4. De ce fait, le système 1 2 3 4

Règlement (UE) no 98/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 sur la commercialisation et l'utilisation de précurseurs d'explosifs, JO L 39 du 9.2.2013, p. 1.

RO 1972 430, 1977 2249, 1982 1676, 1984 1122, 1985 660, 1991 362, 1997 1155, 1998 3033; abrogée par RO 2005 2293 RO 1983 1387, 1986 1254, 1992 1175, 1997 697, 1999 56 1362 2036, 2001 522 3294, 2002 1406 1517, 2003 5421; abrogée par RO 2005 2695 RO 2004 4763, 2005 2293

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des autorisations relatives aux toxiques a disparu et la remise de produits chimiques s'est libéralisée. Dès lors, seuls certains produits chimiques hautement toxiques n'étaient pas accessibles aux particuliers. Les précurseurs au sens de la législation européenne n'en font pas partie. Il en a découlé, du point de vue de la police de sécurité, une baisse de la sécurité. Les législations sur les produits chimiques5 et sur les stupéfiants6 contiennent des règles sur certains précurseurs. Quelques substances (peroxyde d'hydrogène 50 %; acide nitrique 5 %; acide sulfurique 15 %) sont exceptées du libre-service, le vendeur étant tenu d'informer l'acheteur des mesures de protection et de recyclage avant de les lui remettre. Ces sustances restent néanmoins librement accessibles aux particuliers.

L'utilisation de précurseurs et leur transformation en explosifs artisanaux ne tombent pas non plus sous le coup de la loi du 25 mars 1977 sur les explosifs (LExpl)7: cette loi ne s'applique pas aux substances qui répondent en soi à la notion d'explosif mais qui, selon le but de la législation sur les explosifs (cf. message du 20 août 1975 concernant un projet de loi fédérale sur les substances explosibles)8, doivent être exclues de cette catégorie. C'est ainsi que les produits et préparations explosibles «fabriqués et mis dans le commerce à d'autres fins que des tirs de mine» ne sont pas considérés comme des explosifs au sens de la LExpl (art. 5, al. 2, let. c, LExpl). Le champ d'application de la LExpl se limite donc aux explosifs fabriqués professionnellement (commerciaux) et n'inclut pas les substances explosibles préparées artisanalement. Les explosifs artisanaux sont produits afin de commettre des actes terroristes ou d'autres actes illégaux. Contrairement aux explosifs normés fabriqués selon les processus industriels, ces explosifs artisanaux sont très dangereux, et leur maniement est extrêmement risqué. Eu égard à ces propriétés et à leur destination, il ne s'agit pas d'explosifs au sens de la LExpl.

L'acquisition et la possession de précurseurs par des particuliers et la fabrication d'explosifs artisanaux ne sont donc soumises à aucune restriction en Suisse. Le code pénal (CP)9 ne prévoit de peine pour l'utilisation de substances explosibles («explosifs») ou de précurseurs («substances propres à leur
fabrication») que si la personne concernée sait ou doit présumer que ces substances ou produits sont destinés à un emploi délictueux (art. 226, al. 2, CP). Seule une personne convaincue de tels actes est passible de poursuites pénales. Il en va de même à l'égard des personnes qui préparent elles-mêmes des substances explosibles (art. 226, al. 1, CP). Dans la pratique, il n'arrive pas souvent que l'art. 226 CP soit appliqué.

5 6 7 8 9

160

Loi du 15 décembre 2000 sur les produits chimiques (LChim; RS 813.1); ordonnance du 5 juin 2015 sur les produits chimiques (OChim; RS 813.11).

Tableau g de l'annexe 8 de l'ordonnance du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants (RS 812.121.11).

RS 941.41 FF 1975 II 1301 RS 311.0

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1.2

Réglementation proposée

Pour prévenir les infractions commises au moyen d'explosifs artisanaux, l'accès des particuliers aux précurseurs est partiellement restreint. Les utilisateurs professionnels qui utilisent des précurseurs dans l'exercice de leur métier ne sont pas concernés par ces restrictions d'accès.

Par ailleurs, la préparation d'explosifs artisanaux est interdite, c'est-à-dire que les particuliers ne sont pas autorisés à préparer eux-mêmes des substances explosibles.

La possession d'explosifs artisanaux est également interdite.

Un autre point essentiel du projet est la possibilité de signaler à fedpol des événements suspects en rapport avec des précurseurs. Des mesures de sensibilisation doivent permettre d'attirer l'attention sur cette possibilité.

1.2.1

Restrictions d'accès des particuliers

Le projet prévoit trois niveaux d'accès qui sont indépendants de la concentration des précurseurs: en concentration faible, les précurseurs concernés resteront librement accessibles aux particuliers, tandis qu'à partir d'un certain taux de concentration, il sera nécessaire d'obtenir une autorisation. En outre, il est possible d'interdire l'accès à partir de certaines concentrations plus élevées. Les restrictions d'accès concernent environ 100 à 200 produits sur le marché suisse, qui sont distribués dans les pharmacies, les drogueries et certains magasins spécialisés (cf. ch. 3.3).

L'autorisation d'acquérir des précurseurs est délivrée comme suit: un particulier remplit une demande d'autorisation et la transmet à l'autorité délivrant l'autorisation (fedpol). Ce processus doit, dans la mesure du possible, se dérouler entièrement par voie électronique. L'autorité examine si la personne figure dans les systèmes d'information de police (comparaison automatique avec les systèmes d'information de police). Le cas échéant, des clarifications additionnelles sont effectuées. Si rien ne s'y oppose et que l'usage déclaré ne peut être atteint au moyen d'un produit en libre accès, l'autorisation est accordée. Après avoir reçu l'autorisation, la personne peut acquérir les précurseurs autorisés. Le vendeur contrôle, au moyen du document d'identité de la personne et du numéro de référence de l'autorisation, si le précurseur peut lui être remis. La Confédération met à disposition un portail Internet qui permet de contrôler la validité des autorisations. La transaction est enregistrée sur ce portail puis le produit peut être remis. Si la personne ne peut pas présenter d'autorisation valable, la remise du produit est refusée.

Les substances concernées et les valeurs limites de concentration sont définies par voie d'ordonnance. Elles doivent être reprises du règlement de l'UE correspondant (cf. ch. 1.5). Grâce à cette harmonisation, la législation européenne ne peut plus être contournée sur le marché suisse et, de plus, aucune entrave technique au commerce n'en résulte. En outre, il faudra définir au niveau de l'ordonnance si les particuliers se verront interdire l'accès à partir de certaines concentrations plus élevées. Cela signifierait que la substance à la concentration correspondante ne peut être acquise qu'avec une autorisation exceptionnelle. Il est actuellement prévu de faire usage de

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cette possibilité. La décision finale devra être prise sur la base des résultats de la consultation qui devra être menée sur l'ordonnance.

Le graphique suivant illustre les variantes de réglementation qui découlent du règlement de l'UE pour la Suisse. Comme mentionné, il restera encore à déterminer si le niveau «interdiction» doit aussi être appliqué en Suisse. Si on devait y renoncer, les concentrations correspondantes seraient soumises au niveau «autorisation». Il faut encore décider si des restrictions d'accès s'appliquent à l'acide sulfurique, que l'UE a, en 2019, rajouté à la liste des substances soumises à des restrictions d'accès.

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1.2.2

Interdiction de la préparation et de la possession d'explosifs artisanaux

La préparation de substances explosibles est interdite aux utilisateurs privés. La possession de substances explosibles préparées artisanalement par des particuliers est également interdite, quels que soient les précurseurs utilisés pour la préparation.

La fabrication professionnelle (commerciale) d'explosifs est toujours régie par la LExpl.

1.2.3

Possibilité de signaler des événements suspects

La possibilité actuelle de signaler des événements suspects en rapport avec des précurseurs de substances explosibles est désormais inscrite dans la loi. Si des points de vente, des utilisateurs professionnels ou des particuliers constatent des événements suspects (par ex. vol, disparition ou transactions suspectes), ils peuvent s'adresser à fedpol. Ainsi, un traitement unitaire et professionnel du signalement est garanti. Des mesures de sensibilisation adaptées permettront d'informer les personnes concernées de la possibilité de signaler les événements suspects. Il est aussi prévu de favoriser l'autorégulation des branches professionnelles (par ex. recommandations pour l'entreposage des substances).

1.2.4

Système d'information, obligation d'informer, obligation d'étiquetage, dispositions pénales

fedpol doit pouvoir traiter diverses données d'identité pour gérer les autorisations et traiter les signalements d'événements suspects. Selon l'état actuel de la planification, ces tâches seront du ressort de l'Office central des explosifs, un service séparé de la Police judiciaire fédérale (PJF) au plan de l'organisation et du personnel. Les week-ends et les jours fériés, ce sera la Centrale d'engagement (CE) de fedpol qui réceptionnera et traitera les signalements d'événements suspects. Elle pourrait aussi renseigner les corps de police en leur indiquant si une personne dispose d'une autorisation. Le traitement des données est effectué dans un système d'information spécifique, qui contient notamment les données sur l'enregistrement des transactions soumises à autorisation. fedpol est habilité à comparer entre elles les données enregistrées dans le système d'information, afin de chercher des indices laissant présumer que des précurseurs pourraient être utilisés pour commettre des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle de personnes ou contre des biens matériels.

Le projet prévoit en outre que la livraison des précurseurs dans la chaîne logistique doit être accompagnée d'une mention des dispositions de la nouvelle loi.

Dans le cas d'infractions à la nouvelle loi, le projet prévoit des dispositions pénales.

Les infractions sont poursuivies par fedpol dans une procédure pénale administrative.

163

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1.3

Justification et appréciation de la solution proposée

1.3.1

Généralités

Le projet présenté poursuit trois objectifs: garantir la sécurité intérieure de la Suisse, contribuer à la sécurité en Europe et constituer un système de régulation simple et flexible.

La réglementation proposée apporte un gain de sécurité réel pour la Suisse. Elle supprime aussi les différences actuelles avec l'UE et rend la Suisse moins attrayante comme source d'approvisionnement pour les criminels. L'économie et les particuliers ne sont pas sujets à des restrictions ou à une charge administrative excessives.

L'utilisation légitime de précurseurs de substances explosibles reste possible aussi pour les utilisateurs privés.

Aucune réglementation, aussi poussée soit-elle, n'offre encore de protection absolue contre un attentat. Il n'en demeure pas moins qu'une réglementation est importante et judicieuse en Suisse aussi, parce qu'elle constitue un premier obstacle pour les terroristes potentiels et munit les autorités de poursuite pénale des instruments nécessaires. Une réglementation contribue en outre à la gestion responsable des précurseurs au sein de l'économie et de la population en renforçant la prise de conscience des personnes concernées. La probabilité augmente ainsi que les abus attirent l'attention dès un stade précoce et que des mesures appropriées soient prises.

L'expérience acquise dans certains pays où les précurseurs sont déjà réglementés montre que cette réglementation apporte un gain de sécurité réel et n'est pas juste une charge administrative supplémentaire. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) connaît plusieurs exemples provenant de pays de l'UE où la réglementation a produit de l'effet et conduit à l'arrestation de personnes, réduisant ainsi les risques pour la société.

Étant donné qu'il n'est prévu aucune restriction pour les utilisateurs professionnels (y compris les agriculteurs) et l'industrie, seule une petite partie du marché sera couverte. Le contrôle des utilisateurs professionnels et de l'industrie s'accompagnerait d'une lourde charge administrative et serait difficile à mettre en oeuvre. Des mesures de sensibilisation appropriées, une autorégulation volontaire et l'institutionnalisation de la possibilité de signalement doivent permettre de contrecarrer l'usage abusif des précurseurs également dans le cadre de leur utilisation professionnelle.

1.3.2

Résultats de la consultation

Sur mandat du Conseil fédéral, le DFJP a mené une consultation du 8 décembre 2017 au 23 mars 2018. Environ 80 % des participants à la consultation (23 cantons, 3 partis, 13 organisations) se sont déclarés favorables à l'avant-projet, tout en y apportant des propositions de modification et certaines réserves. Ils ont salué les efforts visant à mieux préserver la sécurité intérieure et à fournir un instrument additionnel pour la lutte contre le terrorisme international au moyen des mesures prévues. Environ 20 % des participants à la consultation (3 cantons, 1 parti, 7 organisations) rejettent l'avant-projet. De leur point de vue, celui-ci génère des 164

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coûts de réglementation qui ne seraient nullement compensés par un gain de sécurité proportionnel. Les mesures prévues ne seraient pas adéquates pour atteindre les objectifs visés.

Certains voient d'un oeil critique le fait que les mesures prévues portent uniquement sur l'utilisation des substances concernées par les particuliers. Selon eux, il faudrait aussi prévoir des exigences pour leur maniement dans le cadre professionnel, par exemple des prescriptions d'entreposage et de comptabilité. Certains estiment en outre qu'au lieu de la possibilité de signaler prévue, il faudrait plutôt instaurer une obligation de signaler, du moins dans le cas d'un vol de précurseurs.

La consultation a suscité des réactions globalement positives. Aucune adaptation de principe n'est exigée dans les commentaires des participants à la consultation.

Comme mentionné précédemment, le contrôle du marché tout entier (y compris les utilisateurs professionnels) se traduirait par une lourde charge administrative et serait difficile à mettre en oeuvre. Dans ce domaine, il vaut donc mieux miser sur les mesures de sensibilisation prévues. De même, il est préférable de renoncer à introduire une obligation de signaler les événements suspects (au lieu de la possibilité de signaler prévue) et d'encourager plutôt la collaboration volontaire et constructive de tous les acteurs.

Par ailleurs, 4 participants à la consultation pensent qu'il serait indiqué d'attendre que la réglementation de l'UE soit aboutie avant d'adopter une loi fédérale. C'est désormais le cas (cf. ch. 1.5.3). Le projet tient compte des adaptations de la réglementation européenne en renonçant au système d'enregistrement qui était encore prévu dans l'avant-projet. Cet abandon permet à la fois de simplifier le système des restrictions d'accès et de décharger les points de vente. En outre, au lieu d'un simple étiquetage des précurseurs avant de les mettre à la disposition des utilisateurs privés, le projet prévoit une information tout au long de la chaîne logistique (cf. ch. 1.5.4).

Les remarques des participants à la consultation sont détaillées dans le commentaire des dispositions (ch. 2). Ces dernières ont fait l'objet d'adaptations par suite de ces remarques.

Pour plus de détails, nous renvoyons au rapport sur les résultats de la consultation10.

1.4

Adéquation des moyens requis

La réglementation des précurseurs de substances explosibles est l'une des mesures mettant en oeuvre la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste11. Cette stratégie vise à prévenir la commission d'attentats en Suisse, à empêcher l'exportation du terrorisme à partir du territoire suisse et, enfin, à empêcher que le territoire suisse serve de base de soutien au terrorisme. Si cette réglementation n'était pas mise en place, la Suisse serait le seul pays au coeur de l'Europe où les précurseurs seraient encore disponibles sans restriction aucune, ce qui ferait du pays une source d'approvisionnement attirant les criminels.

10 11

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFJP FF 2015 6843

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La nouvelle loi fédérale fournit ainsi une contribution à la sécurité intérieure de la Suisse et empêche que notre pays devienne une base logistique de terroristes au sein de l'Europe. Les ressources financières et en personnel engagées à cet effet par la Confédération sont relativement modestes (cf. ch. 3.1). Les cantons et l'économie ne sont concernés que dans une très faible mesure (cf. ch. 3.2 et 3.3).

1.5

Comparaison avec le droit européen

1.5.1

Réglementation introduite dans l'UE en 2014

L'UE règlemente les précurseurs de substances explosibles dans le règlement (UE) no 98/2013 (ci-après RPE). Le RPE est entré en vigueur le 1er mars 2013 et s'applique depuis le 2 septembre 2014. Il ne fait pas partie de l'acquis de Schengen, la Suisse n'est donc pas tenue de le reprendre.

Le RPE s'applique aux substances énumérées dans les annexes I et II et aux mélanges qui les contiennent. Par conséquent, les substances elles-mêmes (par ex. sous forme de matière première ou de produit chimique), mais aussi les mélanges et les produits de consommation finale sont concernés. Les articles pyrotechniques et les médicaments soumis à une prescription médicale sont exceptés du règlement, de même que les articles au sens de l'art. 3, ch. 3 du règlement (CE) n o 1907/200612.

Le règlement oblige les États membres à instituer un point de contact auquel les transactions suspectes doivent être signalées et à charger une autorité compétente d'octroyer les autorisations et de contrôler les registres. En outre, le RPE définit les conditions-cadres du système d'octroi des autorisations (licences) et de l'enregistrement des transactions. Les sanctions relèvent quant à elles de l'appréciation des États membres.

Les particuliers sont soumis à des restrictions d'accès aux substances énumérées à l'annexe I RPE. Aucune substance mentionnée à l'annexe I et dont la concentration dépasse la valeur limite qui s'y trouve indiquée ne peut être mise à la disposition des particuliers ou introduite, détenue ou utilisée par des ceux-ci. L'introduction d'un système de licences permet aux particuliers d'acquérir et de détenir les substances visées. Selon la réglementation introduite en 2014, certaines substances peuvent alternativement être soumises à un régime d'enregistrement. Selon ce système, les particuliers ont accès à la substance si la vente est enregistrée.

Le RPE entraîne pour les entreprises diverses obligations de diligence en cas de transactions impliquant des précurseurs. L'obligation de signaler les transactions suspectes, qui est indépendante des concentrations, concerne aussi bien les transactions entre les acteurs économiques et les particuliers (business-to-customer) 12

166

Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n o 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n o 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission, JO L 396 du 30.12.2006, p. 1.

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qu'entre les acteurs économiques (business-to-business). De plus, les acteurs économiques sont responsables de l'étiquetage des substances et produits concernés mentionnés à l'annexe I si ceux-ci sont destinés à des particuliers. L'achat, la détention et l'utilisation de précurseurs par les acteurs économiques ne sont pas soumis à restriction.

1.5.2

Mise en oeuvre du RPE en Europe

À la suite de l'introduction du RPE, la disponibilité des précurseurs sur le marché européen s'est réduite pour les particuliers, tandis que le nombre de signalements d'événements suspects a augmenté dans les États membres.

La disponibilité réduite des précurseurs et la prise de conscience accrue des acteurs économiques concernés sont les premiers résultats du RPE. Dans plusieurs cas, les autorités de poursuite pénale ont pu empêcher l'utilisation abusive de précurseurs et les éventuels dommages corporels ou matériels qui auraient pu s'ensuivre. Les obstacles créés par le RPE limitent les possibilités des terroristes et ces restrictions conduisent à l'échec de la préparation et de l'exécution d'attentats terroristes.

Malgré ces premiers succès, des précurseurs continuent d'être utilisés abusivement pour préparer des substances explosibles et perpétrer des actes terroristes. Des précurseurs ont été saisis lors de plusieurs arrestations en Europe et il existe des indices selon lesquels les criminels et les terroristes tentent de contourner les obstacles introduits par le RPE.

Le RPE laisse une certaine marge de manoeuvre aux États membres dans le choix des restrictions d'accès (système d'enregistrement, système d'autorisation, interdiction), ce qui crée une situation relativement hétérogène au niveau de la mise en oeuvre. En outre, une majorité des États membres considèrent le système d'enregistrement comme une faille potentielle, car avec ce système, les personnes qui achètent des précurseurs ne font l'objet d'aucun contrôle préalable. Ce point faible peut être mis à profit par les criminels et les terroristes qui iront se procurer les précurseurs dans le pays à la réglementation la plus libérale. Ce qui montre bien à quel point une réglementation commune à l'échelle de l'Europe et la coopération des bureaux de signalement sont importants.

La variabilité de la mise en oeuvre dans les États membres et les incertitudes qui subsistent quant aux responsabilités le long de la chaîne logistique n'aident pas les acteurs économiques à respecter les dispositions légales.

167

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1.5.3

Révision du RPE

Pour remédier aux difficultés précitées, la Commission européenne a proposé une révision totale du RPE en avril 2018. Le nouveau règlement (UE) 2019/114813 (ciaprès RPE II) a été adopté entre-temps par le Parlement européen et le Conseil. Il entrera en vigueur le 1er février 2021 et apportera plusieurs nouveautés.

En raison des doutes des États membres quant à la sécurité et à l'efficacité du système d'enregistrement, ce niveau d'accès sera abandonné. Les substances qui n'étaient soumises qu'à l'obligation d'enregistrement seront nouvellement soumises au système d'autorisation. En outre, les États membres n'auront plus la possibilité de choisir eux-mêmes s'ils prévoient également des autorisations pour les précurseurs en fortes concentrations ou en interdisent la remise aux particuliers. Pour ces concentrations élevées, l'interdiction s'appliquera dans tous les États membres.

Par ailleurs, les restrictions de remise ont été élargies à une nouvelle substance (acide sulfurique) et la valeur limite de concentration du nitrométhane a été adaptée.

Un autre point à considérer est la clarification des responsabilités dans la chaîne logistique. À l'avenir, au lieu d'une simple obligation d'étiquetage pour la mise à la disposition des particuliers, le flux d'information devra être assuré dans toute la chaîne logistique. Les fabricants et les intermédiaires seront aussi tenus d'informer leurs clients des dispositions légales s'appliquant au produit concerné. La manière de transmettre l'information n'a pas été fixée. On peut imaginer une note dans la fiche de données de sécurité, un étiquetage spécifique ou une information dans un document séparé.

Afin que les restrictions de remise s'appliquent aussi, dans l'exécution, aux utilisateurs professionnels sans réel besoin, les transactions entre les acteurs économiques (c'est-à-dire les transactions business-to-business) seront également soumises à une certaine réglementation: les points de vente devront contrôler plus en détail si les utilisateurs professionnels ont un réel besoin de précurseurs. Afin de documenter cette vérification, les points de vente auront l'obligation de tenir un registre comportant notamment la profession et l'usage prévu par l'utilisateur professionnel et de conserver les documents.

1.5.4

Coordination du projet avec le droit européen

Comme mentionné précédemment (ch. 1.2.1), la liste des substances soumises à des restrictions d'accès et les valeurs limites de concentration à partir desquelles ces restrictions s'appliquent doivent être reprises du RPE II. Cela permet d'éviter que la réglementation européenne puisse être contournée par le biais du marché suisse et, en même temps, cela évite aussi les entraves techniques au commerce.

13

168

Règlement (UE) 2019/1148 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la commercialisation et à l'utilisation de précurseurs d'explosifs, modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 et abrogeant le règlement (UE) no 98/2013,JO L 186 du 11.7.2019, p. 1.

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L'avant-projet prévoyait pour la Suisse une combinaison entre un système d'enregistrement, un système d'autorisation et l'interdiction (optionnelle), à savoir l'obligation d'enregistrement pour les concentrations moyennes, l'obligation d'autorisation pour les concentrations élevées et, en sus, la possibilité d'interdire totalement l'accès aux concentrations élevées. Comme nous l'avons vu, l'UE abandonne le système d'enregistrement. Ces derniers temps, les pays européens (dont l'Allemagne) étaient de toute manière de plus en plus nombreux à s'en détourner.

Par conséquent, le projet renonce lui aussi au système d'enregistrement. Cela signifie que les produits qui auraient dû être seulement enregistrés selon l'avant-projet sont désormais également soumis à l'obligation d'autorisation.

Dans ce contexte, on relèvera que certains fabricants de l'UE ne proposent d'ores et déjà plus que des produits avec des concentrations réduites de précurseurs, pour éviter qu'ils ne soient touchés par les restrictions d'accès. Il faut s'attendre à une diminution à moyen terme du nombre de produits soumis aux restrictions d'accès sur le marché européen. Au regard de ce recul attendu de produits présentant des concentrations critiques, la simplification du système de restrictions d'accès s'impose. L'abandon du système d'enregistrement permet aussi de décharger les points de vente. Dans le système d'autorisation, le vendeur doit certes aussi enregistrer la transaction par voie électronique, mais cette saisie est plus simple que dans le système d'enregistrement, car les informations sur l'acquéreur ont déjà été saisies lors de la délivrance de l'autorisation. En outre, avec ce système d'autorisation, les intérêts sécuritaires de la Suisse sont mieux préservés qu'avec le système d'enregistrement, car les acquéreurs sont contrôlés préalablement (au moment de délivrer l'autorisation) et non ultérieurement (après l'enregistrement de la transaction).

Le projet, tout comme l'avant-projet, ne prévoit pas d'étendre la réglementation aux transactions entre utilisateurs professionnels. L'obligation de tenir un registre pour les transactions business-to-business ne doit donc pas s'appliquer en Suisse. Une telle obligation entraînerait un investissement important pour l'économie.

En revanche, le projet prévoit un flux d'information
tout au long de la chaîne logistique, au lieu du simple étiquetage d'un produit pour la mise à la disposition des utilisateurs privés. La reprise de cette réglementation est dans l'intérêt de tous les acquéreurs de précurseurs et contribue également à éviter les entraves techniques au commerce.

1.6

Mise en oeuvre

1.6.1

Confédération

fedpol statue sur la délivrance et le retrait des autorisations d'acquisition et traite les signalements d'événements suspects. Il gère un système d'information à cet effet. En cas d'infraction à la loi fédérale, il rend les décisions nécessaires. Il est aussi chargé de contrôler l'observation de la loi par les points de vente.

Il incombe en outre à fedpol de sensibiliser les intéressés aux risques d'abus liés aux précurseurs.

169

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Enfin, fedpol poursuit les infractions à la loi dans le cadre de procédures pénales administratives.

L'Administration fédérale des douanes (AFD) assume une activité de contrôle dans le domaine de l'importation et de l'exportation de précurseurs.

1.6.2

Acteurs économiques

Quiconque met des précurseurs à disposition sur le marché est tenu d'informer ses clients des dispositions contenues dans la présente loi.

Quiconque remet des précurseurs soumis à des restrictions d'accès à des particuliers doit vérifier l'existence des autorisations nécessaires et enregistrer les transactions dans le portail Internet mis à disposition par fedpol.

1.6.3

Cantons

Il est possible de charger les autorités cantonales d'effectuer des contrôles par sondage aux points de vente.

2 Art. 1

Commentaire des dispositions But et objet

Cette disposition résume le but de la loi, à savoir empêcher que des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle de personnes et contre des biens matériels ne soient commises au moyen de substances explosibles préparées artisanalement.

Les restrictions d'accès s'appliquent uniquement aux utilisateurs privés. Un contrôle de l'ensemble du marché (utilisateurs professionnels inclus) serait un frein pour l'économie, difficile à mettre en place et, par conséquent, disproportionné. Des mesures de sensibilisation inciteront toutefois également les utilisateurs professionnels à être attentifs et à signaler les cas suspects liés aux précurseurs.

De même, l'interdiction de préparer des substances explosibles ne s'applique qu'aux utilisateurs privés. La fabrication à titre professionnel (commercial) d'explosifs est régie par la LExpl (cf. ch. 1.1.3).

Les restrictions d'accès s'appliquent aux précurseurs désignés par le Conseil fédéral (art. 3). Des événements suspects peuvent cependant être signalés pour l'ensemble des précurseurs (art. 17).

L'interdiction de préparer des substances explosibles s'applique indépendamment des précurseurs utilisés (art. 16).

Lors de la consultation, la Société suisse des pharmaciens (pharmaSuisse) a proposé que les médicaments soient exceptés du champ d'application de cette loi. Le présent projet ne contient pas de telle exception générale. Mais la base est créée à l'art. 3 170

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pour que le Conseil fédéral puisse excepter des restrictions d'accès certains produits, dont les médicaments soumis à une prescription médicale. La proposition susmentionnée est ainsi prise, du moins partiellement, en considération.

Art. 2

Définitions

Let. a Substance explosible Sont considérées comme substances explosibles uniquement les substances dont l'explosion peut être provoquée sans apport d'air. Cette notion ne couvre donc pas les gaz explosibles, les émanations de fluides inflammables ni les autres substances qui n'explosent qu'au contact de l'air. Par ailleurs, l'explosion doit être à même de mettre en danger la vie et l'intégrité corporelle de personnes ou de détruire des biens matériels.

Let. b Précurseur Par précurseur, on entend toute substance chimique pouvant servir à préparer des substances explosibles. Le terme «précurseur» est utilisé tant pour les substances elles-mêmes que pour les mélanges et les solutions qui les contiennent.

Plusieurs participants à la consultation ont relevé que le terme allemand «Vorläuferstoff» («précurseur» / «precursore») était déjà utilisé dans le droit des stupéfiants.

Ils proposent d'adopter, dans la version allemande de la loi, le terme «Ausgangsstoff» couramment utilisé par l'UE. Dans le projet de loi, il est néanmoins toujours question de «Vorläuferstoff», car c'est le terme utilisé en Suisse. Il ne serait en outre pas possible de changer de terme en français, ni en italien. Dans ces langues en effet, les termes de «précurseur» et de «precursore» sont également employés au niveau de l'UE.

Let. c Utilisateur privé Les restrictions d'accès ne s'appliquent qu'aux utilisateurs privés; l'accès des utilisateurs professionnels reste libre dans le cadre de leurs activités. La distinction ainsi faite entre «privé» et «professionnel» est essentielle et doit être définie. Ces notions sont délimitées sur la base de la distinction opérée dans la législation sur les produits chimiques (cf. définition de l'«utilisateur professionnel» donnée à l'art. 2, al. 2, let. a, OChim). Le commerce peut se fonder sur la distinction faite dans la législation sur les produits chimiques. Lors des campagnes de sensibilisation, mention sera faite de la possibilité supplémentaire d'utiliser le numéro d'identification de l'entreprise (IDE) pour identifier les utilisateurs professionnels.

Comme il ressort de la définition de l'«utilisateur privé», c'est l'usage prévu du précurseur qui est déterminant. Ainsi, selon le type de substance, une même personne physique ou morale peut être tant un utilisateur privé qu'un utilisateur
professionnel. Prenons l'exemple d'un agriculteur: il est considéré comme un utilisateur professionnel lorsqu'il utilise un engrais, mais ne l'est plus lorsqu'il utilise un produit de nettoyage pour aquariums.

Les écoles (cours de chimie), les universités et les écoles polytechniques peuvent invoquer une utilisation à des fins de formation ou de recherche. On parle d'utilisation dans le cadre «d'une activité d'intérêt général» lorsqu'une institution 171

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d'utilité publique (par ex. une fondation ou une association) exerce une activité commerciale pour laquelle elle a besoin de précurseurs.

Art. 3

Restrictions d'accès

Le Conseil fédéral dresse une liste des précurseurs dont l'accès est restreint. Cette liste peut être adaptée au gré des nouveaux développements surgissant lorsque des abus sont constatés. Elle doit être harmonisée avec celle de l'UE. Il est actuellement prévu que cette liste comprenne les substances suivantes: peroxyde d'hydrogène, nitrométhane, acide nitrique, chlorate de potassium, perchlorate de potassium, chlorate de sodium, perchlorate de sodium et nitrate d'ammonium. À cette liste pourrait s'ajouter l'acide sulfurique, que l'UE fait désormais figurer dans le RPE II, dans la liste des substances dont l'accès est restreint.

Le Conseil fédéral détermine pour chacun des précurseurs listés le seuil de concentration jusqu'auquel l'accès est libre et le seuil à partir duquel l'accès est soumis à autorisation (le niveau d'accès «soumis à enregistrement» encore prévu dans l'avant-projet est abandonné; cf. ch. 1.5.4). Pour éviter que de nouvelles entraves techniques au commerce ne surviennent, il faut, dans la mesure où aucune exception fondée ne s'y oppose, que ces limites de concentration correspondent à celles fixées par l'UE (cf. ch. 1.2.1). Ces valeurs sont proposées par le Standing Committee on Precursors, le comité d'experts de l'UE sur les précurseurs, auquel la Suisse participe également.

Le Conseil fédéral peut en outre interdire à un utilisateur privé l'accès à un précurseur fortement concentré (niveau d'accès «accès interdit»). Les États membres de l'UE avaient jusqu'à présent la possibilité, mais non l'obligation, d'introduire ce niveau d'accès. Ils y sont désormais tenus en vertu du RPE II. Le niveau d'accès «accès interdit» s'appliquera aussi en Suisse si les résultats de la consultation relative à l'ordonnance ne s'y opposent pas. Comme nous l'avions déjà précisé dans le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, une telle interdiction ne peut pas être absolue et des exceptions doivent être ménagées pour des utilisations juridiquement admissibles. Le projet prévoit dès lors des dispositions régissant les exceptions (cf.

art. 4, al. 2, et 10).

Plusieurs participants à la consultation ont relevé que l'al. 3 prévu dans l'avantprojet contenait pour l'essentiel les critères figurant à l'al. 1 et qu'il comprenait de plus un critère non pertinent (dangerosité du précurseur). Il n'a donc
pas été repris dans le projet.

Les al. 3 et 4 contiennent désormais une disposition selon laquelle les objets et certains produits sont exclus des restrictions d'accès. Par «objet», on entend un produit qui, lors de sa fabrication, est doté d'une forme, surface ou consistance spécifique, et dont l'usage est davantage déterminé par sa nature physique que par sa composition chimique (cf. art. 2, al. 2, let. e, OChim). Dans l'UE, les restrictions d'accès ne s'appliquent pas aux objets qui contiennent des précurseurs14, par 14

172

Art. 2, par. 2, let. a, RPE, en relation avec l'art. 3, par. 3, du règlement REACH de l'UE (le terme d'«objet» utilisé dans le droit suisse correspond à celui d' «article» des actes européens).

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exemple les allumettes (chlorate de potassium) ou les batteries de voiture (acide sulfurique). Cette exception ­ qui n'était qu'implicite dans l'avant-projet ­ doit aussi être valable en Suisse. Le Conseil fédéral doit cependant avoir la possibilité de réglementer certains objets. Outre les objets, certains produits chimiques doivent également être exclus des restrictions d'accès. On songe ici en particulier aux produits auxquels l'accès est déjà contrôlé par ailleurs. Au niveau européen, les médicaments mis à disposition sur la base d'une prescription médicale ne sont pas concernés par les restrictions d'accès15. Cette exception pour les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire doit elle aussi s'appliquer en Suisse.

Quelques participants à la consultation, dont pharmaSuisse et l'Association suisse des droguistes, demandent en outre l'introduction d'un seuil quantitatif. Si les précurseurs n'étaient distribués qu'en petites quantités, aucune restriction d'accès ne devrait s'appliquer. Le projet ne prévoit toutefois toujours pas de seuil quantitatif général. Un tel seuil permettrait de contourner les restrictions d'accès par la multiplication des achats. Il faut en outre mentionner que pour la production de moyens d'allumage, seules de très faibles quantités de précurseurs (quelques grammes) sont nécessaires. C'est la raison pour laquelle l'UE ne prévoit pas non plus de seuil quantitatif.

Art. 4

Acquisition et possession

Les utilisateurs privés ne sont en principe pas autorisés à acquérir ou à posséder les précurseurs visés à l'art. 3 ayant le niveau d'accès «accès soumis à autorisation» ou «accès interdit». L'acquisition et la possession ne sont légales que si la substance a été acquise dans le respect des modalités d'accès fixées.

Pour certaines utilisations, les utilisateurs privés peuvent être obligés de recourir aux précurseurs dont l'accès est interdit. Le projet contient pour cette raison une disposition selon laquelle fedpol peut délivrer des autorisations exceptionnelles dans de tels cas (cf. art. 10).

La possession de précurseurs acquis avant l'entrée en vigueur de la loi reste autorisée (cf. art. 38).

Art. 5

Interdiction d'aliénation

Les utilisateurs privés ne peuvent aliéner à d'autres utilisateurs privés les précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit. En effet, dans de tels cas, il ne peut être garanti qu'il a été vérifié que l'acquéreur dispose de l'autorisation nécessaire, ni que la transaction a été enregistrée.

Il est dès lors interdit d'acheter les précurseurs mentionnés pour une autre personne (par ex. un voisin), car le produit serait dans ce cas aliéné (transfert de la possession). En revanche, il est possible qu'une personne qui habite dans le même ménage que l'acquéreur utilise le produit dans le cadre de ce ménage. Si quelqu'un a par exemple acheté du détergent pour piscines, la piscine peut également être nettoyée à l'aide de ce produit par un membre de la famille ou par un colocataire. Une telle 15

Cf. art. 2, let. c, RPE.

173

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utilisation par une personne logeant au même endroit que l'acquéreur n'est pas une «aliénation» au sens du présent article (pas de transfert de possession au sens du droit civil). Le produit ne peut toutefois pas être emporté ailleurs par le membre de la famille ou le colocataire.

Art. 6

Demande d'autorisation d'acquisition

Les utilisateurs privés souhaitant acquérir les précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation doivent adresser une demande d'autorisation d'acquisition à fedpol en indiquant l'usage prévu de la substance. Il est prévu que les demandes soient transmises via un portail Internet.

Art. 7

Délivrance ou refus de l'autorisation d'acquisition

L'autorisation d'acquisition est délivrée uniquement aux personnes majeures domiciliées en Suisse qui auront nommé un usage prévu plausible. Il ne doit pas non plus y avoir de motifs s'y opposant visés à l'al. 2.

Le domicile en Suisse constitue une condition car c'est seulement ainsi qu'il est possible de vérifier en détail si aucun motif ne s'oppose à la délivrance d'une autorisation d'acquisition. Dans le cas de personnes domiciliées à l'étranger, le risque existe que fedpol n'ait pas connaissance de toutes les informations pertinentes, malgré la consultation des systèmes d'information visés à l'art. 18, al. 1, et la prise de contact avec les autorités partenaires étrangères selon l'art. 19. À l'avenir, il sera possible le cas échéant de vérifier systématiquement les informations concernant le domicile, par l'intermédiaire d'un système national qui permettra de consulter les adresses des personnes physiques16.

La plausibilité de l'usage prévu indiqué peut être vérifiée si différents précurseurs possèdent des possibilités «classiques» d'utilisation en raison de leurs propriétés chimiques. Si un autre usage est indiqué, des précisions peuvent éventuellement être demandées. À cela s'ajoute que l'autorisation d'acquisition peut être refusée en vertu de l'al. 3 si l'objectif poursuivi par l'usage indiqué peut être atteint par d'autres substances.

Art. 8

Portée et durée de l'autorisation d'acquisition

La présente disposition règle la validité des autorisations d'acquisition: ces dernières doivent être limitées sur les plans matériel et temporel.

Art. 9

Vérification et retrait de l'autorisation d'acquisition

fedpol peut vérifier périodiquement si les utilisateurs privés continuent à remplir les conditions nécessaires applicables à l'acquisition de précurseurs et si, le cas échéant, l'autorisation d'acquisition doit être retirée. De même, chaque saisie de transaction

16

174

Cf. avant-projet du Conseil fédéral du 14 août 2019 «Loi fédérale sur le système national de consultation des adresses des personnes physiques (loi sur le service national des adresses, LSAdr)», en consultation du 16 août au 22 novembre 2019.

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(remise, importation ou exportation) fournit l'occasion d'une telle vérification, laquelle s'effectue conformément aux art. 18 à 27.

En cas de retrait d'une autorisation d'acquisition, fedpol peut confisquer les précurseurs acquis sur la base de cette autorisation.

Art. 10

Autorisation exceptionnelle

La présente disposition règle les autorisations exceptionnelles d'acquisition des précurseurs visés à l'art. 3 ayant le niveau d'accès «accès interdit». Ces autorisations ne peuvent être délivrées que si l'utilisateur privé a impérativement besoin d'une telle substance en vue d'une utilisation déterminée. L'utilisation prévue du précurseur doit par conséquent être prouvée. Il appartient à fedpol de fixer les utilisations pour lesquelles des autorisations exceptionnelles sont délivrées. L'autorisation peut également, selon l'usage prévu, être limitée à une certaine quantité du précurseur ou à un certain nombre de transactions.

La délivrance et le retrait de l'autorisation exceptionnelle sont régis au surplus par les dispositions relatives à l'autorisation d'acquisition. Pour ce qui est de leurs effets, les autorisations exceptionnelles sont assimilées dans tout le projet aux autorisations d'acquisition.

Art. 11

Importation

Les utilisateurs privés doivent disposer d'une autorisation d'acquisition ou d'une autorisation exceptionnelle lorsqu'ils souhaitent importer des précurseurs dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit. Ils doivent en outre précédemment saisir l'importation via un portail Internet mis à disposition par fedpol.

Art. 12

Exportation

Les utilisateurs privés peuvent exporter les précurseurs dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit pour leur usage personnel s'ils ont acquis ces substances conformément aux prescriptions en vigueur en Suisse et s'ils ont saisi l'exportation avant le départ de Suisse via un portail Internet mis à disposition par fedpol. Les prescriptions des États de transit et de destination demeurent réservées.

L'avant-projet prévoyait encore que l'exportation envisagée soit déjà mentionnée dans la demande d'autorisation d'acquisition. Lors de la consultation, il a toutefois été relevé que la décision d'exporter le précurseur peut aussi être prise après la vente. Le projet prévoit par conséquent que l'utilisateur privé saisisse lui-même l'exportation, à l'instar de ce qui se fait en cas d'importation.

Art. 13

Mise en sûreté provisoire

L'AFD met provisoirement en sûreté les précurseurs dont l'acquisition, l'importation ou l'exportation n'a pas été autorisée ou saisie en bonne et due forme.

Toute violation est en principe poursuivie par fedpol dans le cadre d'une procédure pénale administrative (cf. art. 32, en relation avec l'art. 37). fedpol décide ainsi aussi

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du séquestre de l'objet provisoirement mis en sûreté (cf. art. 46 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif [DPA]17).

Si, en raison des circonstances, la violation n'est pas poursuivie par fedpol, notamment parce que le Ministère public de la Confédération (MPC) est compétent ou que la procédure est jointe à une procédure pénale cantonale, c'est le ministère public compétent qui décide du séquestre.

L'AFD ne peut pas assumer de telles tâches d'exécution dans les enclaves douanières de Samnaun et de Sampuoir.

Art. 14

Remise à des utilisateurs privés

Cette disposition règle la remise, par les points de vente, des précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès à des utilisateurs privés est soumis à autorisation ou interdit.

L'utilisateur privé souhaitant acquérir un précurseur dont l'accès est soumis à autorisation justifie de son identité envers la personne qui remet le précurseur et présente l'autorisation d'acquisition octroyée (ou seulement le numéro d'autorisation). La personne qui remet le précurseur saisit le numéro de l'autorisation dans un portail Internet mis à disposition par fedpol, suite à quoi les données d'identité de l'utilisateur privé et les informations concernant l'autorisation délivrée s'affichent.

Si l'utilisateur privé possède l'autorisation requise, le précurseur peut lui être remis.

La personne qui remet le précurseur doit pour sa part saisir la transaction dans le portail Internet. Les données d'identité de l'utilisateur privé étant déjà enregistrées dans le système, elles ne doivent plus qu'être confirmées. Les seules données qui doivent être saisies sont notamment celles qui concernent le précurseur (probablement le type de substance, sa concentration et la quantité acquise) et éventuellement les données relatives à la remise (heure, lieu).

Afin qu'un précurseur dont l'accès est interdit puisse être remis, c'est une autorisation exceptionnelle et non une autorisation d'acquisition qui doit être présentée.

La personne qui remet le précurseur devra probablement se loguer pour accéder au portail Internet. Vu que pour consulter les données, c'est le numéro de référence de l'autorisation qui est nécessaire et non les données d'identité, il est garanti que le point de vente ne peut pas consulter abusivement le système (rechercher de personnes).

Art. 15

Information lors de la remise

L'art. 12 de l'avant-projet prévoyait que les produits contenant des précurseurs auxquels s'applique un niveau d'accès et qui devaient être remis à des utilisateurs privés soient étiquetés. À l'avenir, il conviendra toutefois de garantir, au sein de l'UE, un flux d'information tout au long de la chaîne logistique, au lieu d'une simple obligation d'étiqueter au moment de la mise à la disposition des particuliers: les fabricants et les intermédiaires doivent informer les clients des dispositions légales s'appliquant au produit concerné.

17

176

RS 313.0

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En Suisse également, une telle information doit être introduite tout au long de la chaîne logistique. Les clients ont intérêt à être directement informés, par leurs fournisseurs, des dispositions applicables. De plus, cela permet d'éviter des entraves techniques au commerce. Le présent article prévoit dès lors que les dispositions de la loi fédérale doivent être mentionnées aussi lors de transactions entre utilisateurs professionnels. La manière de transmettre l'information n'est pas fixée. On peut imaginer une note dans la fiche de données de sécurité, un étiquetage spécifique ou une information dans un document séparé.

Art. 16

Interdiction de préparation et de possession de substances explosibles

Les utilisateurs privés ne sont pas autorisés à préparer des substances explosibles, ni à acquérir et à posséder des substances explosibles préparées (en Suisse ou à l'étranger) par des utilisateurs privés, quel que soit le précurseur utilisé.

Une disposition de coordination avec la LExpl n'est pas nécessaire car la fabrication d'explosifs n'entre pas dans le champ d'application de la LExpl (cf. ci-dessus ch. 1.1.3). Les utilisateurs privés ne peuvent donc pas demander d'autorisation en vertu de l'art. 9, al. 1, LExpl; ils ne répondraient de toute façon pas aux exigences de l'art. 8a LExpl.

La disposition ne s'applique certes qu'aux utilisateurs privés. Il convient néanmoins de rappeler que la distinction faite entre utilisateur «privé» et «professionnel» se fonde sur l'usage concret du précurseur (cf. art. 2, let. a). Toute personne acquérant un précurseur en tant qu'utilisateur professionnel n'est pas libre de l'utiliser comme bon lui semble. Un agriculteur acquérant un engrais est considéré comme un utilisateur professionnel tant qu'il l'utilise effectivement comme engrais. En revanche, l'utilisation d'engrais à des fins de préparation de substances explosibles ne peut être assimilée à l'activité d'agriculteur. Dans ce contexte, l'agriculteur est considéré comme un utilisateur privé, raison pour laquelle la préparation de substances explosibles lui est également interdite. De même, une école utilisant des précurseurs dans le cadre des cours de chimie est considérée comme un utilisateur professionnel. Si un enseignant prépare de telles substances explosibles en dehors de l'école, cela n'entre pas dans son mandat de formateur. Il lui est donc interdit à lui aussi de préparer de telles substances.

Art. 17

Signalement d'événements suspects

Cette disposition correspond à l'art. 14 de l'avant-projet, mais ne règle toutefois plus que les signalements d'événements suspects (droit de signaler). Les mesures de sensibilisation sont désormais mentionnées à l'art. 28, al. 1.

Toute personne peut signaler un événement suspect en rapport avec des précurseurs, en particulier lors des transactions ou des tentatives de transactions qui suscitent la méfiance de la personne qui remet la substance. Peu importe qu'il s'agisse d'une transaction avec un utilisateur privé ou professionnel. En outre, le vol ou la disparition de précurseurs et tous les autres incidents suspects peuvent être signalés, indépendamment du type d'événement.

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Les signalements d'événements suspects peuvent concerner l'ensemble des précurseurs au sens de l'art. 2, let. b. Ils ne sont en effet pas limités aux précurseurs visés à l'art. 3. Toutes les informations importantes peuvent être communiquées.

Le fait que fedpol assume le rôle de point de contact pour la Suisse garantit que les signalements sont traités de manière uniforme et professionnelle. Dans le cadre des mesures immédiates provisoires, un numéro de téléphone et une adresse électronique ont déjà été mis en place, auxquels les signalements peuvent être adressés. Ces mesures devront être institutionnalisées.

Des mesures de sensibilisation sont en outre prévues (cf. art. 28, al. 1). Elles ont pour but de motiver les points de vente, les utilisateurs professionnels et privés et les autorités à être attentifs et à signaler les cas suspects liés aux précurseurs.

Quelques participants à la consultation proposent d'introduire une obligation de signaler au lieu d'un simple droit de signaler. Le vol de grandes quantités de précurseurs doit en particulier être signalé. À l'échelon de l'UE, il existe déjà une telle obligation. Le projet prévoit toutefois toujours un simple droit de signaler. Il est décisif pour un système opérationnel que les branches et autorités concernées soient informées et sensibilisées de manière appropriée. Aucun bénéfice essentiel n'est à attendre d'une réglementation contraignante et de la menace de sanctions. Au lieu d'envisager la contrainte, il vaut donc mieux miser sur la collaboration volontaire et constructive de tous les acteurs. Un autre argument contre une obligation de signaler est qu'il n'est pas possible de définir précisément quand il y a événement suspect et quand un signalement serait dès lors impératif.

Art. 18

Collecte d'informations

Al. 1 Lors du traitement des demandes d'autorisation d'acquisition et d'autorisation exceptionnelle, des vérifications de ces autorisations et du traitement des signalements d'événements suspects, fedpol vérifie s'il y a lieu de penser que des précurseurs puissent être utilisés pour commettre des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle de personnes ou contre des biens matériels (cf. art. 7, al. 2, et 21, al. 2).

Pour se faire une image de la situation aussi complète que possible, fedpol peut, en vertu de la présente disposition, collecter automatiquement et systématiquement des données de plusieurs systèmes d'information.

Les systèmes d'information de police concernés sont les suivants: a.

système d'appui aux enquêtes de police judiciaire de la Confédération visé à l'art. 10 de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP)18;

b.

système de traitement des données relatives aux infractions fédérales visé à l'art. 11 LSIP;

c.

système de traitement des données relatives à la coopération policière internationale et intercantonale visé à l'art. 12 LSIP;

18

178

RS 361

FF 2020

d.

système de recherches informatisées de police visé à l'art. 15 LSIP;

e.

dans le cadre de l'acquis de Schengen: partie nationale du Système d'information Schengen (SIS) visé àl'art. 16 LSIP;

f.

index national de police visé à l'art. 17 LSIP;

g.

système de gestion des affaires et des dossiers de fedpol visé à l'art. 18 LSIP;

h.

système d'indexation des données INDEX SRC du Service de renseignement de la Confédération (SRC) visé à l'art. 51 de la loi fédérale du 25 septembre 2015 sur le renseignement (LRens)19;

i.

casier judiciaire informatisé visé à l'art. 365 du code pénal;

j.

banque de données relative au refus de délivrer des autorisations, à la révocation d'autorisations et à la mise sous séquestre d'armes visée à l'art. 32a, al. 1, let. c, de la loi du 20 juin 1997 sur les armes LArm20 (DEBBWA);

k.

banque de données visée à l'art. 32a, al. 1, let. d, LArm (DAWA);

l.

système d'information sur les documents d'identité visé à l'art. 11 de la loi du 22 juin 2001 sur les documents d'identité (LDI)21;

m. système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile visé par la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile (LDEA)22.

Le système d'appui aux enquêtes de police judiciaire de la Confédération contient les données que la PJF collecte lors de ses recherches de police judiciaire dans le cadre de procédures pénales pendantes (cf. art. 10 LSIP). Le système de traitement des données relatives aux infractions fédérales permet de traiter les données que la PJF collecte dans le cadre de ses tâches d'information et de coordination ne relevant pas des procédures pénales (cf. art. 11 LSIP). Le système de traitement des données relatives à la coopération policière internationale et intercantonale sert entre autres à l'échange d'informations relevant de la police criminelle et d'informations relatives à des infractions qui ne sont pas soumises à la juridiction fédérale (art. 12, al. 1, let. a, ch. 1 et 2, LSIP). fedpol doit également pouvoir consulter ces données pour accomplir les tâches susmentionnées.

Dans ce contexte, l'accès au système informatisé de gestion interne des affaires et des dossiers (cf. art. 18 LSIP), utilisé par la PJF et exploité par fedpol, est pertinent.

Il permet d'organiser efficacement les processus de travail au sein de fedpol.

Le système de recherches informatisées de police visé à l'art. 15 LSIP (RIPOL) contient les données relatives à des personnes et à des objets signalés par une autorité fédérale ou cantonale. fedpol doit pouvoir vérifier si une personne est enregistrée dans ce système. Il doit de même pouvoir vérifier si un document d'identité présenté

19 20 21 22

RS 121 RS 514.54 RS 143.1 RS 142.51

179

FF 2020

dans le cadre d'une demande d'autorisation d'acquisition ou d'autorisation exceptionnelle y est enregistré.

L'accès au SIS doit comprendre les signalements de personnes aux fins d'extradition et les signalements de personnes et d'objets aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé. Cet accès a de l'importance notamment pour le traitement des signalements d'événements suspects, puisque ceux-ci peuvent également concerner des personnes de l'étranger. Dans un tel cas, il doit pouvoir être possible de vérifier si la personne en question est signalée dans le SIS comme étant recherchée (cf. aussi ch. 5.2).

L'index national de police permet de savoir si des informations concernant une personne déterminée figurent dans les systèmes d'information des autorités policières cantonales ou dans les systèmes d'information visés aux art. 10 à 16 LSIP; une demande d'assistance administrative est nécessaire pour obtenir des renseignements plus complets auprès de l'autorité compétente (cf. art. 17 LSIP). Seules des informations concernant des infractions constituant un crime ou un délit selon le droit suisse sont saisies (cf. art. 4, al. 2, de l'ordonnance du 15 octobre 2008 sur l'index national de police23). L'accès à l'index national de police est notamment nécessaire pour que fedpol puisse vérifier si une personne est déjà enregistrée dans les systèmes d'information cantonaux.

Le système d'information INDEX SRC sert entre autres à déterminer si le SRC traite des données relatives à une personne, à une organisation, à un groupement, à un objet ou à un événement spécifique (art. 51, al. 1, let. a, et 3, let. a, LRens). fedpol doit pouvoir vérifier si une personne a été enregistrée. Il n'est pas nécessaire pour cela de modifier la LRens, car elle contient déjà à l'art. 51, al. 4, let. c, la base nécessaire à de telles recherches. Si une personne est enregistrée, fedpol peut demander au SRC davantage d'informations en vertu de l'art. 29 du présent projet.

En ce qui concerne le casier judiciaire informatisé, l'accès aux données relatives à des jugements et à des procédures pénales pendantes aux fins mentionnées dans le présent article est assuré par une modification de l'art. 367, al. 2, let. c, CP. Cette base légale sera toutefois abrogée par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi du 17 juin 2016 sur le
casier judiciaire (LCJ)24, si bien qu'il est également proposé de modifier l'art. 46, let. a, ch. 10, LCJ. À compter de 2023 environ, un accès en ligne à l'extrait 2 du casier judiciaire visé à l'art. 38 LCJ est donc prévu (cf. «Modification d'autres actes» en annexe du projet). Cet accès se justifie par le fait qu'il s'agit de prévenir des infractions (cf. message du 20 juin 2014 relatif à la loi sur le casier judiciaire25, ch. 1.3.1). Afin de vérifier si une personne pourrait utiliser des précurseurs pour commettre des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle de personnes ou contre des biens matériels, fedpol doit avoir accès en particulier aux données de l'extrait 2 du casier judiciaire concernant les procédures pénales en cours.

En ayant accès à DEBBWA, fedpol peut vérifier si une personne s'est vu refuser ou retirer une autorisation prévue par la législation sur les armes ou si une arme a été 23 24 25

180

RS 361.4 FF 2016 4703 FF 2014 5525

FF 2020

mise sous séquestre pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 8, al. 2, LArm. Il en va de même de l'accès à DAWA: cette banque de données contient des informations sur les conscrits et les militaires auxquels aucune arme personnelle n'a été remise au vu des motifs visés à l'art. 113 de la loi du 3 février 1995 sur l'armée26. fedpol doit également pouvoir vérifier s'il existe un tel motif. De plus, DAWA contient des données quant à la remise en toute propriété d'armes de l'armée. Ces données doivent cependant rester inaccessibles.

L'accès au système d'information relatif aux documents d'identité visé à l'art. 11 LDI et au système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile se limite à la clarification de l'identité, c'est-à-dire qu'il sert à savoir si une personne a indiqué un document d'identité valable dans le cadre d'une demande d'autorisation d'acquisition ou d'autorisation exceptionnelle. En ce qui concerne le système d'information relatif aux documents d'identité, il existe déjà une base dans la LDI (cf. art. 12, al. 2, let. a, LDI). S'agissant du système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile, l'art. 9 LDEA doit être modifié (cf. «Modification d'autres actes» en annexe du projet).

Al. 2 et 3 Afin de vérifier s'il existe d'éventuels indices d'utilisation abusive de précurseurs, fedpol peut se renseigner auprès d'autorités fédérales et cantonales au sujet de la personne concernée. À l'instar des accès visés à l'al. 1, ces clarifications ont lieu dans le cadre du traitement des demandes d'autorisation d'acquisition et d'autorisation exceptionnelle, des vérifications de ces autorisations et du traitement des signalements d'événements suspects.

En cas d'événement suspect, fedpol peut en outre recourir aux informations que la personne concernée a rendues publiques sur Internet.

Art. 19

Échange d'informations avec des autorités partenaires étrangères

À la différence de l'avant-projet, le projet limite l'applicabilité de la présente disposition (art. 16 de l'avant-projet) à la coopération avec des autorités partenaires étrangères, l'échange d'informations avec des autorités nationales étant déjà couvert par l'art. 18, al. 1 et 2. On entend par «autorités partenaires» étrangères les autorités qui accomplissent également des tâches dans le domaine des précurseurs, notamment les points de contact nationaux pour les précurseurs (national contact points, NCP) et les autorités compétentes en la matière des pays de l'UE et de l'Espace économique européen (EEE; competent authorities, CA) ainsi qu'Europol.

Lorsqu'il examine des demandes d'autorisation d'acquisition ou d'autorisation exceptionnelle et des événements suspects présentant un lien avec l'étranger, fedpol doit pouvoir coopérer avec les NCP, les CA et Europol. Toutes les données personnelles visées à l'art. 22 peuvent être échangées dans ce contexte.

Si la personne concernée s'adresse d'elle-même à fedpol pour lui soumettre une demande d'autorisation d'acquisition ou d'autorisation exceptionnelle, l'échange d'informations n'est soumis à aucune restriction particulière. Dans le cas 26

RS 510.10

181

FF 2020

d'événements suspects, en revanche, fedpol ne peut divulguer des données personnelles à l'étranger que si c'est nécessaire en vue d'écarter un danger menaçant des personnes ou des biens matériels. Sont concernées ici non seulement les données sensibles mais l'ensemble des données personnelles, c'est-à-dire également les données d'identité.

Art. 20

Communication de jugements pénaux et de décisions pénales

Cette disposition prévoit expressément que les décisions visées à l'art. 22, let. f, doivent être communiquées à fedpol.

Art. 21

Système d'information

Afin d'accomplir les tâches qui lui incombent en vertu de la nouvelle loi fédérale, fedpol doit pouvoir traiter diverses données personnelles dans un propre système d'information.

fedpol est autorisé à comparer entre elles les données enregistrées dans le système pour déceler des transactions suspectes et vérifier d'autres indices laissant penser que des précurseurs pourraient être utilisés en vue de commettre des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle de personnes ou contre des biens matériels.

Art. 22

Contenu du système d'information

Cette disposition précise quelles sont les données contenues dans le système d'information.

Les décisions visées à l'art. 28, al. 2, font partie des décisions mentionnées à la let. g. Les personnes à qui une autorisation d'acquisition ou une autorisation exceptionnelle doit être refusée, par exemple, ont toutefois elles aussi droit à une décision.

Art. 23

Droit d'accès et de rectification

Le droit d'accès et de rectification est régi par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)27. S'agissant des données provenant des systèmes d'information de police visés dans la LSIP, les dispositions particulières des art. 8, 8a et 16 LSIP sont cependant réservées.

Il n'y a pas de droit d'accès selon la LPD tant qu'une procédure pénale administrative est menée par fedpol contre la personne concernée en vertu de l'art. 37 (cf. art. 2, al. 2, let. c, LPD). Ce sont alors les dispositions relatives à la consultation des pièces de la partie qui s'appliquent (cf. art. 36 DPA).

fedpol ne fournit pas non plus de renseignement sur les données provenant du système visé à l'art. 10 LSIP, lequel contient les données que la PJF collecte lors de ses recherches de police judiciaire dans le cadre de procédures pénales pendantes. Dans ces cas-là, et sur la base du code de procédure pénale (CPP)28, c'est le MPC qui a la

27 28

182

RS 235.1 RS 312.0

FF 2020

compétence de répondre aux demandes de renseignements (cf. aussi art. 7, al. 4, et 10, al. 3, LSIP).

Art. 24

Accès en ligne au système d'information

En vertu de l'al. 1 du présent article, le Conseil fédéral peut permettre à certaines autorités d'accéder en ligne au système d'information.

Les services qui délivrent des autorisations en vertu de la LArm doivent vérifier l'existence de motifs visés à l'art. 8, al. 2, LArm. Il en va de même selon le projet (nouvel art. 14a LExpl) des services qui délivrent des autorisations en vertu de la LExpl. Ils doivent pouvoir savoir si une personne s'est vu refuser ou retirer, du fait des motifs prévus, une autorisation d'acquisition ou une autorisation exceptionnelle délivrée selon la présente loi ou si des mesures ont été prises à son encontre du fait d'événements suspects. Ils doivent en outre pouvoir accéder aux informations visées à l'art. 22, let. f. Comme il s'agira dans ces cas-là d'un grand nombre de demandes, un accès en ligne est justifié (let. a).

Lors de contrôles ou de perquisitions, les polices cantonales, la PJF et l'AFD peuvent trouver des précurseurs visés à l'art. 3. Il doit alors être possible de vérifier sans tarder si les autorisations d'acquisition ou les autorisations exceptionnelles nécessaires ont été délivrées et si la remise, l'importation ou l'exportation a été saisie (let. b).

Les autorités qui aident fedpol à exécuter la présente loi doivent elles aussi disposer des droits d'accès nécessaires. Il s'agit notamment des autorités qui effectuent les contrôles auprès des points de vente (let. c).

Conformément à l'al. 2, l'AFD doit pouvoir savoir quelles personnes présentant un risque accru d'usage abusif se sont vu refuser ou retirer une autorisation d'acquisition ou ont fait l'objet de mesures du fait d'événements suspects. Elle peut ainsi cibler ses contrôles sur les risques existants.

Art. 25

Communication automatique de données aux autorités chargées de l'exécution de la loi sur les armes

Cette disposition permet non seulement la transmission, par procédure d'appel, des informations visées à l'art. 24 aux autorités chargées de l'exécution de la LArm, mais aussi en partie une communication automatique, par analogie avec les communications automatiques aux offices cantonaux des armes des inscriptions au casier judiciaire (cf. art. 63 LCJ).

Art. 26

Utilisation du numéro AVS

En vertu de l'art. 50e, al. 1, de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurancevieillesse et survivants (LAVS)29, le numéro AVS ne peut être utilisé systématiquement, en tant que numéro d'identification personnel, en dehors des assurances so-

29

RS 831.10

183

FF 2020

ciales fédérales que si une loi fédérale le prévoit et que le but de l'utilisation et les utilisateurs légitimés sont définis. Le présent article crée la base légale nécessaire.

Le numéro AVS peut être utilisé pour échanger automatiquement des données avec d'autres systèmes pour lesquels un tel échange se fonde là aussi sur une loi. Une fois que la LCJ sera entrée en vigueur, ce sera le cas du casier judiciaire informatisé (cf.

art. 13, al. 2, LCJ). Les systèmes d'information régis par la LArm utilisent eux aussi le numéro AVS (cf. art. 32abis LArm).

L'utilisation du numéro AVS permet d'effectuer, avec fiabilité et efficacité, l'échange automatique de données entre le système visé à l'art. 21 et les systèmes précités. Elle permet en outre d'éviter les erreurs (doubles saisies ou méprises de personnes). Les numéros AVS sont fournis par la Centrale de compensation (CdC) au moyen d'une comparaison automatique. fedpol doit prendre des mesures techniques et organisationnelles pour éviter toute utilisation abusive (art. 50g, al. 2 et 3, LAVS).

Récemment, le conseil fédéral a proposé une modification de la LAVS qui permettrait aux autorités de la Confédération, des cantons et des communes d'utiliser de manière générale le numéro AVS dans le cadre de leurs tâches légales (cf. Message du 30 octobre 201930 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurancevieillesse et survivants [utilisation systématique du numéro AVS par les autorités]).

Lors de la consultation portant sur le présent projet, certains ont fait valoir que tant que cette décision n'est pas prise, il faut renoncer à l'utilisation du numéro AVS.

Cette dernière est toutefois d'un grand intérêt dans le présent contexte, en raison de l'échange de données requis avec le casier judiciaire informatique et les systèmes d'information régis par la LArm, lesquels utilisent déjà le numéro AVS comme numéro d'identification personnel. Elle doit donc être possible, peu importe que la modification précitée de la LAVS soit effectuée ou non.

Art. 27

Dispositions d'exécution relatives au système d'information

Le Conseil fédéral règle par voie d'ordonnance les modalités afférentes au système d'information.

Art. 28

fedpol

L'autorité compétente pour l'accomplissement des tâches découlant de la nouvelle loi est fedpol, qui doit à ce titre pouvoir rendre les décisions nécessaires.

fedpol doit en outre informer les personnes concernées des nouvelles dispositions et les y sensibiliser. Il s'agit notamment de la possibilité de signaler des événements suspects (cf. à ce sujet le commentaire de l'art. 17). Il faut aussi encourager l'autorégulation des branches (par ex. recommandations concernant l'entreposage de substances). Les organisations sectorielles et les services cantonaux compétents (par ex. les chimistes cantonaux) seront consultés sur ces mesures de sensibilisation et y seront associés.

30

184

FF ...

FF 2020

fedpol vérifie que les points de vente respectent les dispositions afférentes aux restrictions d'accès. Comme dans le domaine des explosifs, ces contrôles se font par sondage (cf. art. 33, al. 3, LExpl). Afin qu'ils puissent être coordonnés et regroupés (par ex. avec des contrôles devant déjà être effectués dans les domaines des produits chimiques ou des produits thérapeutiques), fedpol doit pouvoir travailler avec des partenaires cantonaux et les mandater pour qu'ils procèdent à ces contrôles, dont l'efficacité en sera ainsi accrue.

Dans le cadre de la consultation, plusieurs cantons se sont prononcés contre la réalisation par leurs soins de tels contrôles par sondage. Il a aussi été demandé que la Confédération prenne en charge les coûts ou y participe. La réglementation prévue dans l'avant-projet est toutefois conservée dans le projet. Il convient de souligner que ce dernier n'attribue pas aux cantons d'autres tâches d'exécution que les contrôles par sondage. Et ce, pas non plus dans le domaine du droit pénal, puisque les infractions à la nouvelle loi seront poursuivies par fedpol dans une procédure pénale administrative (art. 37). Les contrôles par sondage devront en outre, dans la mesure du possible, être regroupés avec des contrôles qui seront de toute façon effectués. En raison de la faible ampleur des contrôles dans le domaine des précurseurs, un contrôle tel que par exemple usuel dans le domaine des produits chimiques ne devrait pas prendre beaucoup plus de temps. Les contrôles doivent être adaptés aux besoins et être effectués après consultation des autorités cantonales compétentes.

Art. 29

Service de renseignement de la Confédération

Le SRC donne son avis à fedpol si des doutes sont émis quant à une personne en rapport avec la délivrance ou la vérification d'une autorisation d'acquisition ou d'une autorisation exceptionnelle ou le signalement d'un événement suspect.

Art. 30

Émoluments

Des émoluments appropriés sont perçus pour les décisions rendues et les autorisations d'acquisition et autorisations exceptionnelles délivrées (cf. aussi art. 46a de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, [LOGA]31). Les émoluments pour les autorisations d'acquisition et les autorisations exceptionnelles, comme ceux pour les décisions, ne peuvent être fixés de sorte à couvrir les coûts. Les produits concernés sont peu onéreux, et des émoluments élevés risquent de pousser des utilisateurs privés vers l'illégalité. Le montant des émoluments doit encore être défini et réglé au niveau de l'ordonnance.

S'agissant de la réalisation des contrôles par sondage visés à l'art. 28, al. 3, aucun émolument n'est perçu, sauf si d'importantes irrégularités ont été constatées lors d'un contrôle.

Par ailleurs, si fedpol confisque des précurseurs, des émoluments doivent être perçus pour leur entreposage et leur élimination.

31

RS 172.010

185

FF 2020

Art. 31

Infractions lors de la remise et de l'aliénation de précurseurs

Conformément à cette disposition, est puni quiconque fait fi des dispositions afférentes à la remise à des utilisateurs privés des précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit (cf. art. 14; pour ce qui est de la distinction entre utilisateurs professionnels et privés, cf. le commentaire de l'art. 2). Les utilisateurs privés qui aliènent de tels précurseurs sont eux aussi punis (cf. art. 5).

Les infractions concernées doivent pouvoir être punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Une peine plus lourde (et donc la qualification des infractions en crime) ne serait pas justifiée, et ce, parce qu'il ne doit pas être prouvé en l'espèce que l'auteur a mis en danger des biens juridiques par intention ou par dol éventuel (c'est-à-dire qu'il savait ou devait présumer que les substances concernées étaient destinées à un emploi délictueux). Si l'on peut prouver qu'il a agi par intention ou par dol éventuel, il est puni selon l'art. 226, al. 2, CP, qui prévoit une peine maximale de cinq ans.

Les infractions sont poursuivies en vertu de la DPA (cf. art. 37). En cas d'infractions commises dans une entreprise, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont commis l'acte (art. 6, al. 1, DPA). Si le chef d'entreprise ou l'employeur omet, intentionnellement ou par négligence, de prévenir une infraction commise par le subordonné ou d'en supprimer les effets, il (ou ses organes fautifs) peut en outre être puni de la même manière que l'auteur (art. 6, al. 2 et 3, DPA). Le vendeur qui omet de respecter les dispositions afférentes aux restrictions d'accès dans le commerce se rend lui-même punissable. Si l'entreprise n'a pas empêché l'infraction, soit par intention soit par négligence, l'entrepreneur ou les organes fautifs peuvent eux aussi être punis.

Il convient de noter que le non-respect des dispositions peut relever d'autres raisons que de l'intention. Il peut arriver dans le commerce que des produits soient confondus ou que le contrôle de l'autorisation ou la saisie de la transaction soient oubliés.

Vu les objectifs de la réglementation prévue, il importe que les prescriptions concernées soient respectées de manière systématique, raison pour laquelle leur violation par négligence doit elle aussi être
punie. Toutefois, le projet ne prévoit en l'espèce qu'une amende. Si le montant de l'amende entrant en ligne de compte n'excède pas 5000 francs et si une enquête à l'égard des personnes punissables serait hors de proportion, il est alors possible de condamner l'entreprise elle-même au paiement de l'amende (cf. art. 7 DPA).

Il faut aussi tenir compte du fait que les utilisateurs privés n'ont pas le droit d'aliéner à d'autres utilisateurs privés les précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit. Il se peut cependant que la personne qui a aliéné le produit connaissait personnellement le destinataire et a pu s'assurer que ce dernier l'utiliserait pour son usage personnel et de manière légitime. Dans un tel cas, la condamnation à une peine privative de liberté ou à une peine pécuniaire est disproportionnée. C'est pourquoi le projet prévoit qu'ici aussi, seule une amende soit prononcée.

Dans les cas de peu de gravité, il doit en outre être possible de classer la procédure ou de seulement prononcer un avertissement. Cette disposition s'applique tant aux infractions dans le commerce qu'à l'aliénation par des utilisateurs privés. Par cas de 186

FF 2020

peu de gravité, on entend les cas où la faute est légère. La disposition s'aligne par là sur l'art. 52 CP. Elle ne se limite toutefois pas à certains cas particuliers, mais doit être appliquée systématiquement, dès qu'une infraction visée à l'al. 2 et 3 du présent article est constatée pour la première fois. Les récidives ne pourront en revanche plus être considérées comme des cas de peu de gravité.

Art. 32

Acquisition et possession illégales ainsi qu'infractions lors de l'importation ou de l'exportation

En vertu de l'art. 4, il est en principe interdit aux utilisateurs privés d'acquérir et de posséder les précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit. L'acquisition et la possession de ces substances ne sont autorisées que si ces dernières ont été acquises dans le respect des modalités d'accès fixées. L'utilisateur privé concerné doit alors notamment disposer d'une autorisation d'acquisition ou d'une autorisation exceptionnelle. Si ce n'est pas le cas, la possession illégale doit être punie d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

Les utilisateurs privés doivent enregistrer au préalable l'importation et l'exportation des précurseurs concernés par les niveaux d'accès «accès soumis à autorisation» et «accès interdit» (art. 11 et 12). S'ils entendent en importer, ils doivent en outre disposer d'une autorisation d'acquisition ou d'une autorisation exceptionnelle. Toute infraction à ces dispositions est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Quiconque possède, importe ou exporte le produit pour son usage personnel et dans un but légitime ne doit être, là aussi, puni que d'une amende. Dans ces cas également, il doit être possible de classer la procédure ou de seulement prononcer un avertissement.

Art. 33

Obtention frauduleuse d'une autorisation d'acquisition ou d'une autorisation exceptionnelle

Quiconque obtient une autorisation d'acquisition ou une autorisation exceptionnelle en donnant de fausses indications à l'autorité concernée doit pouvoir être puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Une amende est prévue dans les cas de peu de gravité. Comme dans les cas dont il est question aux art. 31 et 32, il doit être possible de classer la procédure ou de seulement prononcer un avertissement.

Art. 34

Préparation, acquisition et possession illégales de substances explosibles

Les utilisateurs privés n'ont pas le droit de préparer des substances explosibles.

L'acquisition et la possession de substances explosibles préparées (en Suisse ou à l'étranger) par des utilisateurs privés sont elles aussi interdites. Et ce, peu importe les substances utilisées pour la préparation, et peu importe si leur possession est légale ou non. Une violation de l'interdiction de préparation, d'acquisition et de possession de substances explosibles doit, si le cas n'est pas de peu de gravité, être punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

187

FF 2020

Celui qui aura préparé la substance explosible sachant ou devant présumer qu'elle était destinée à un emploi délictueux sera puni selon l'art. 226, al. 1, CP. Cette norme pénale prévoit une peine privative de liberté de six mois à dix ans.

Art. 35

Fausse information lors de la remise

Les dispositions afférentes à l'information dans la chaîne logistique représentent un élément important du système de restrictions d'accès prévu par la nouvelle loi. Le non-respect de ces prescriptions, même s'il relève de la négligence, doit donc être passible d'une amende. Si les prescriptions sont intentionnellement enfreintes, l'amende doit pouvoir se monter à 100 000 francs au plus. Dans les cas de peu de gravité, il doit là aussi être possible de classer la procédure ou de seulement prononcer un avertissement.

Art. 36

Insoumission à une décision

L'art. 292 CP déjà prévoit que celui qui ne se conforme pas à une décision est puni d'une amende. Ce qui doit aussi être possible pour les décisions que fedpol rend en vertu de la présente loi. Ce ne sont alors pas les autorités de poursuite pénale cantonales qui doivent prononcer l'amende, mais fedpol, dans une procédure pénale administrative (cf. art. 37). Aussi une norme pénale spéciale doit-elle être créée dans la présente loi.

Art. 37

Poursuite et jugement par fedpol

fedpol, qui réceptionne aujourd'hui déjà des signalements d'événements suspects liés à des précurseurs, se chargera également de délivrer les autorisations d'acquisition et les autorisations exceptionnelles et, conjointement avec les cantons, contrôlera le respect des prescriptions pertinentes. Ainsi fedpol d'une part disposera des connaissances spécifiques dans le domaine des précurseurs et d'autre part centralisera toutes les informations, ce qui est judicieux. Confier la poursuite pénale aux cantons n'est donc pas indiqué, et les actes passibles d'une peine au sens des art. 31 à 36 du présent projet doivent être poursuivis par fedpol, en qualité d'autorité administrative.

Si la poursuite d'infractions est confiée à une autorité administrative fédérale, la DPA s'applique (cf. art. 1 DPA). C'est donc de cette loi que doivent relever les normes pénales précitées, ce qui a notamment les conséquences suivantes: ­

Les dispositions générales du CP ne s'appliquent que si la DPA n'en dispose pas autrement (cf. art. 2 DPA).

­

Ainsi, à la différence de la partie générale du CP, la DPA prévoit, sous certaines conditions, la punissabilité de personnes dirigeantes dans des entreprises qui sont habilitées à donner des instructions à l'auteur: si le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté omet, intentionnellement ou par négligence, de prévenir une infraction commise par le subordonné ou d'en supprimer les effets, il (ou ses organes fautifs) peut être puni de la même manière que l'auteur (art. 6, al. 2 et 3, DPA). Les dispositions

188

FF 2020

pertinentes pourraient être appliquées notamment en rapport avec le respect des prescriptions afférentes aux restrictions d'accès dans le commerce.

­

Lorsque l'amende entrant en ligne de compte n'excède pas 5000 francs et que l'enquête rendrait nécessaire à l'égard de la personne punissable des mesures d'instruction hors de proportion, il est possible de condamner à sa place l'entreprise au paiement de l'amende (art. 7 DPA).

­

La majorité pénale est fixée à 15 ans (art. 4 DPA). Un mineur qui commet une infraction avant cet âge n'est donc pas poursuivi. S'agissant des infractions relevant du CP en revanche, la majorité pénale est de 10 ans (art. 9, al. 2, CP en relation avec l'art. 3, al. 1, et l'art. 4 du droit pénal des mineurs du 20 juin 200332).

­

Les infractions sont poursuivies par fedpol, qui peut faire appel aux polices cantonales et communales (cf. à ce sujet art. 19 et 20 DPA). Le jugement des infractions relève également de sa compétence. Si le département auquel l'administration compétente est subordonnée estime qu'une peine privative de liberté doit être envisagée, le tribunal cantonal est alors compétent, de même que si la personne touchée demande à être jugée par ce dernier (cf. à ce sujet art. 21 et 22 DPA). Dans ces deux cas, le Conseil fédéral peut aussi déférer l'affaire au Tribunal pénal fédéral (cf. art. 21, al. 3, DPA: «cour des affaires pénales»). Les mesures de contrainte prises pendant l'enquête peuvent en outre être l'objet d'une plainte adressée à la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 26, al. 1, DPA).

Si fedpol constate qu'il faut lancer une enquête aussi en raison de soupçons d'infractions visées aux art. 224 à 226 CP (par ex. en présence d'éléments indiquant un contexte terroriste), il ne peut pas étendre sa procédure pénale administrative à ces infractions, qui, en vertu de l'art. 23, al. 1, let. d, CPP, sont soumises à la juridiction fédérale. La poursuite pénale doit dans ce cas faire l'objet d'une jonction et être confiée au MPC. Certes, l'art. 20, al. 3, DPA prévoit déjà la possibilité d'une telle jonction, laquelle doit toutefois être ordonnée par le département dont relève l'administration concernée et être approuvée par l'autorité de poursuite pénale concernée. À l'al. 2 de la présente disposition, il est donc clairement dit qu'une jonction auprès du MPC est obligatoire dans ce cas précis. Il peut donc être renoncé à un ordre du DFJP et à l'accord du MPC. Il n'y a pas de juridiction fédérale pour la poursuite pénale des mineurs de moins de 18 ans, laquelle est du ressort du ministère public des mineurs en vertu du CP (cf. art. 3, al. 2, let. b, de la procédure pénale applicable aux mineurs du 20 mars 200933), raison pour laquelle la disposition ne s'applique pas.

L'art. 7 DPA selon lequel, sous certaines conditions, l'entreprise peut être condamnée au paiement de l'amende doit aussi s'appliquer, dans les cas de fausse information intentionnelle de la chaîne logistique, aux amendes de plus de 5000 francs. Le montant maximum d'une amende est en principe de 10 000 francs (art. 2 DPA en relation avec l'art. 106, al. 1, CP). Dans les cas de fausse information intentionnelle de la chaîne logistique, des amendes allant jusqu'à 100 000 francs peuvent toutefois 32 33

RS 311.1 RS 312.1

189

FF 2020

être prononcées (art. 35, al. 1, du projet). L'art 7 DPA doit pouvoir être appliqué si une amende de 20 000 francs au plus entre en ligne de compte. Les art. 125 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes34 et 100 de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA35 prévoient eux aussi un relèvement du plafond de l'amende prononcée en vertu de l'art. 7 DPA.

Le canton de Zurich propose en outre de régler la majorité pénale et la poursuite pénale des mineurs comme pour les infractions relevant du CP, c'est-à-dire d'abaisser la majorité pénale à 10 ans et donc de confier au ministère public des mineurs la poursuite pénale des jeunes de moins de 18 ans. On sait d'expérience qu'une radicalisation peut commencer avant l'âge de 15 ans déjà. Dans ces cas-là, les ministères publics des mineurs seraient plus à même de clarifier suffisamment la biographie et l'environnement de ces jeunes. Le présent projet ne prévoit cependant pas une telle disposition: comme, lors de la consultation, plusieurs cantons ont vu d'un oeil critique la reprise de nouvelles tâches d'exécution, il faut renoncer à transférer de manière générale la poursuite pénale des mineurs aux ministères publics des mineurs. S'il paraît indiqué, dans certains cas, de procéder à des investigations spéciales en vue du jugement ou s'il convient de prendre des mesures prévues pour les mineurs, la procédure peut être confiée au ministère public des mineurs, sur la base de l'art. 23, al. 1, DPA. Une poursuite pénale des jeunes de moins de 15 ans ne serait toutefois justifiée que si les ministères publics des mineurs en tant qu'autorités spécialisées ont été déclarés compétents. Il faut donc y renoncer.

Art. 38

Disposition transitoire

Les utilisateurs privés qui, avant l'entrée en vigueur de la loi, possédaient déjà les précurseurs visés à l'art. 3 dont l'accès est soumis à autorisation ou interdit peuvent continuer de les posséder. Toutefois, si le risque d'un usage illégal existe, fedpol doit avoir la possibilité de confisquer ces substances aussi.

Art. 39

Modification d'autres actes

La modification d'autres actes est réglée dans une annexe. En font partie les modifications ci-dessous.

Modification de la la loi sur les explosififs La LExpl fait l'objet de plusieurs modifications, principalement formelles.

­

34 35

190

Dans le titre long de la LExpl, les termes «explosionsgefährliche Stoffe» ou «substances explosibles» sont employés. Or la présente nouvelle loi utilise elle aussi le terme «substances explosibles». Pour des raisons de clarté, la LExpl n'aura désormais plus de titre long et sera toujours désignée par son titre court («Sprengstoffgesetz» ou «loi sur les explosifs»). Cette modification ne concerne pas le titre italien.

RS 631.0 RS 641.20

FF 2020

36 37

­

Dans le préambule, il est dorénavant fait référence aux dispositions de la nouvelle Constitution (Cst.)36.

­

L'art. 5, al. 2, LExpl listant les exceptions au terme «explosif» est désormais explicitement complété par «au sens de la présente loi», dans la mesure où ce terme est compris aux art. 224 à 226 CP dans un sens plus large que dans la LExpl.

­

La formule «et mis dans le commerce» est supprimée de l'art. 5, al. 2, let. c, LExpl. À la place, il est indiqué à l'art. 1, al. 1, LExpl que le champ d'application de la loi est limité aux matières explosives fabriquées à titre professionnel (cf. ch. 1.1.3).

­

Aux art. 1, 2, 3, 16, 17, 28 et 37, LExpl, le terme «Verkehr» («commerce»/ «commercio») de matières explosives et d'engins pyrotechniques est remplacé par «Umgang» («opérations»/«operazioni»), qui traduit de manière plus adéquate les différentes activités jusqu'alors regroupées sous «Verkehr» (cf. à ce sujet art. 3, al. 1, LExpl).

­

Dans les versions française et italienne de l'art. 29, al. 1, LExpl, le terme «Umsatz» est imprécisément rendu par «opérations»/«operazioni», ce qui doit être rectifié puisqu'on entend désormais explicitement autre chose par «Umgang» («opérations»/«operazioni».

­

Aux art. 8a et 33, al. 3, LExpl, le terme employé «In-Verkehr-Bringen» ne correspond plus à la terminologie actuelle. Il est en outre trop restreint pour le contexte dont il est ici question. Les dispositions sont donc reformulées.

­

L'art. 9 LExpl règlemente entre autres la fabrication de matières explosives et de poudre de guerre. Les dispositions de la nouvelle loi fédérale selon lesquelles la préparation de substances explosibles par des utilisateurs privés ainsi que l'acquisition et la possession de substances explosibles préparées par des utilisateurs privés sont interdites doivent ici être expressément réservées. Certes, les explosifs fabriqués à titre privé ne relevant de toute façon pas du champ d'application de la LExpl (cf. ch. 1.1.3), il serait possible de renoncer à cette réserve. Celle-ci doit toutefois aussi remplir la fonction de renvoi déclaratoire: quiconque cherche des renseignements dans la LExpl doit être rendu attentif aux dispositions de la nouvelle loi fédérale.

­

Les art. 37 et 38 LExpl doivent être formulés sur le modèle prévu dans le projet de loi fédérale sur l'adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié37. Ici aussi, il ne s'agit que de modifications formelles. La principale adaptation concerne l'augmentation de 10 000 à 20 000 francs de l'amende pour les infractions commises intentionnellement selon l'art. 38 LExpl. En fonction de la tournure que prendront les délibérations parlementaires sur le projet précité et sur le présent projet, une disposition de coordination pourra être nécessaire.

RS 101 FF 2018 3133

191

FF 2020

Le nouvel art. 14a LExpl apporte une modification matérielle: il prévoit les mêmes motifs que ceux listés à l'art. 7 du projet. Il doit être possible de refuser aux personnes concernées par ces motifs tout accès à certains précurseurs mais aussi toute autorisation liée à des matières explosives, à des engins pyrotechniques et à de la poudre de guerre. Les offices chargés de délivrer les autorisations relevant du droit sur les explosifs, lorsqu'elles examinent l'existence de ces motifs, peuvent demander à fedpol si une personne s'est déjà vu refuser ou retirer une autorisation d'acquisition de précurseurs ou si des mesures ont été prises à son encontre du fait d'événements suspects. L'art. 24, al. 1, let. a, du projet autorise la fourniture de ces informations en procédure automatisée aussi. L'accès aux informations visées à l'art. 22, let. f, est en outre possible.

Une autre modification matérielle concerne les art. 2, al. 1, et 10, al. 5, LExpl: l'armée, les administrations militaires fédérales et cantonales et leurs entreprises ne sont soumises aux dispositions de la présente loi que si elles fournissent non seulement des matières explosives mais aussi des engins pyrotechniques à des offices civils ou à des particuliers. Dans les deux cas, la fourniture n'est plus soumise à l'autorisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche mais se fait en accord avec fedpol.

Modification de lois fédérales sur divers systèmes d'information Les dispositions afférentes aux systèmes d'information mentionnés à l'art. 18, al. 1, du projet doivent être adaptées de sorte que fedpol puisse directement accéder à ces systèmes (cf. à ce sujet le commentaire de l'art. 18). Les dispositions suivantes sont donc adaptées ou intégrées dans les lois respectives: art. 9, al. 1, let. c, LDEA, art. 9, al. 2, let. c, ch. 1, LDEA, art. 10, al. 4, let. e, LSIP, art. 11, al. 5, let. e, LSIP, art. 12, al. 6, let. d, LSIP, art. 15, al. 4, let. k, LSIP, art. 16, al. 2, let. j, LSIP, art. 17, al. 4, let. m, LSIP, art. 32c, al. 3, LArm et art. 46, let. a, ch. 10, LCJ. D'autres projets prévoient également une modification d'une partie de ces dispositions. Des dispositions de coordination pourraient donc être nécessaires.

Pour autant que fedpol fasse office d'autorité pénale administrative en vertu de
l'art. 37, les accès sont régis par les dispositions s'appliquant à de telles autorités.

Ces dispositions doivent être complétées sur un point: le nouvel art. 15, al. 3, let. l, LSIP permet de garantir que fedpol, en qualité d'autorité pénale administrative, puisse signaler dans le RIPOL des personnes et des objets.

Notons enfin que la LCJ a certes été adoptée par le Parlement, mais que la date de son entrée en vigueur n'a pas encore été fixée. Selon le calendrier interne du DFJP, ce devrait être le cas début 2023, lorsque le nouveau casier judiciaire informatisé sera opérationnel. Pour l'heure, le casier judiciaire est encore réglé aux art. 365 à 371a CP. Afin que fedpol dispose déjà des droits d'accès nécessaires pendant la phase de transition jusqu'à l'entrée en vigueur de la LCJ, le projet prévoit également une modification de l'art. 367, al. 2, let. c, CP.

192

FF 2020

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Les coûts de la la mise au point du projet de loi, de la réalisation du projet TIC et de la poursuite des mesures immédiates entre 2020 et 2022 se montent à quelque 2,4 millions de francs. Ils seront compensés en interne au sein du DFJP. Il en va de même des coûts occasionnés jusqu'à présent, dont 0,09 million de francs pour le projet TIC.

À ce jour, les coûts d'exploitation liés à l'exécution du projet sont estimés à 1,7 million de francs par an en moyenne. Ce montant inclut les coûts de personnel (1,1 million; 6 équivalents plein temps, EPT) et les charges de biens et services et autres charges d'exploitation (0,55 million), lesquelles comprennent les charges liées à l'exploitation de l'application informatique (350 000 francs), aux mesures de sensibilisation des acteurs économiques et des autorités partenaires (50 000 francs) et les frais (150 000 francs). Les charges afférentes à l'exploitation du système d'information se fondent sur des valeurs empiriques issues des systèmes d'information similaires que fedpol exploitent actuellement.

Ces estimations, de même que les ressources en personnel nécessaires quantifiées ciaprès, seront réévaluées au cours des travaux de projet.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Les ressources en personnel nécessaires à l'exécution de la nouvelle loi fédérale, estimées à 6 EPT au maximum, serviront notamment au traitement des demandes d'autorisation d'acquisition et d'autorisation exceptionnelle, à celui des événements suspects signalés (investigations comprises), à la poursuite pénale par fedpol en cas 193

FF 2020

d'infraction aux nouvelles dispositions pénales (droit pénal administratif), au travail de sensibilisation spécifique à la branche, à la coordination des contrôles (surveillance du marché), à la responsabilité des applications du système d'information et aux tâches de conduite et d'administration. Le calcul du nombre de cas et donc de la charge en personnel nécessaire au traitement des dossiers se fonde entre autres sur les valeurs empiriques issues des mesures immédiates ainsi que sur les chiffres de vente actuels.

3.1.3

Autres conséquences

L'AFD se voit attribuer de nouvelles tâches d'exécution. Son activité de contrôle en matière de précurseurs entrera en concurrence avec des contrôles relevant d'actes législatifs autres que douaniers.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

En vertu de l'art. 28, al. 2, du projet, fedpol peut charger les cantons d'effectuer des contrôles par sondage auprès des points de vente. Ces contrôles peuvent être coordonnés et regroupés avec ceux effectués dans un autre domaine (par ex. celui des produits chimiques ou celui des produits thérapeutiques).

Dans le cadre de la consultation, plusieurs cantons se sont prononcés contre la réalisation par leurs soins de tels contrôles dans le domaine des précurseurs. Il a aussi été demandé que la Confédération prenne en charge les coûts ou y participe. La réglementation prévue est toutefois conservée dans le projet. Les contrôles par sondage devront, dans la mesure du possible, être regroupés avec des contrôles qui seront de toute façon effectués. En raison de la faible ampleur des contrôles dans le domaine des précurseurs, un contrôle tel que par exemple usuel dans le domaine des produits chimiques ne devrait pas prendre beaucoup plus de temps.

À part les contrôles par sondage, le projet n'attribue pas de tâches d'exécution aux cantons, notamment pas dans le domaine du droit pénal, puisque les infractions à la nouvelle loi seront poursuivies par fedpol en procédure pénale administrative (cf.

art. 37). Les autorités cantonales judiciaires et d'enquête ne seront associées à ces procédures que dans de rares dossiers, par exemple dans le cas d'un jugement par le tribunal cantonal (cf. art. 21 et 22 DPA) ou d'une cession au ministère public des mineurs (cf. art. 23 DPA). fedpol peut toutefois, dans certains cas, demander aux polices cantonales qu'elles lui prête main forte (cf. art. 20, al. 2, DPA). Si un événement suspect laisse craindre qu'une infraction au sens des art. 224 à 226 CP a été commise, ce sont, comme jusqu'à présent, le MPC et la PJF qui sont compétents (juridiction fédérale). Les premières investigations sont alors menées par la PJF, qui peut faire appel aux polices cantonales (par ex. pour une audition sur place, une perquisition ou une mise en sûreté de substances dangereuses).

194

FF 2020

3.3

Conséquences économiques

Il ressort d'une évaluation du registre des produits tenu par l'OFSP qu'environ 180 produits disponibles sur le marché suisse seront concernés par les restrictions d'accès du fait de la réglementation exposée au ch. 1.2.1. Un chiffre avancé pour autant que l'acide sulfurique soit intégré dans cette liste. Dans le cas contraire, il s'agirait de quelque 114 substances. Cette évaluation (état juin 2018) englobe tous les produits que les fabricants et les importateurs ont déclarés à l'OFSP et qui pourraient être remis à des particuliers.

Si le niveau «accès interdit» est introduit, une centaine de produits sur les 180 seraient soumis à autorisation pour les particuliers et 80 environ leur seraient interdits (avec la possibilité d'autorisations exceptionnelles). Les 180 produits seraient sinon tous soumis à autorisation.

Ce sont principalement les pharmacies, les drogueries et les magasins spécialisés (comme les piscinistes ou les animaleries) qui commercialisent les produits concernés.

Les distributeurs Aldi, Coop, Denner, Hornbach, Ikea, Jumbo, Landi Suisse, Lidl, Manor, Migros, Spar et Volg ont indiqué ne pas proposer, dans leur assortiment standard, de produits soumis aux restrictions d'accès. Même si un éventuel ajout de l'acide sulfurique à la liste des substances soumises aux restrictions d'accès n'est pas pris en considération dans cette indication, les conséquences ne seraient que minimes sur leur assortiment standard si c'était le cas. Il conviendrait encore d'examiner quelles pourraient être précisément ces conséquences (comme pour tout ajout d'une nouvelle substance à la liste).

On peut ainsi partir du principe que l'assortiment standard des distributeurs ne serait guère touché par les restrictions d'accès pour les particuliers. Pour cette catégorie de points de vente, c'est donc surtout le signalement de transactions suspectes qui revêt une certaine importance. Sont ici d'abord concernés les magasins de bricolage et les magasins agricoles.

fedpol mettra à la disposition des points de vente un portail Internet dédié au contrôle de la validité des autorisations et à la saisie des transactions. Ce contrôle et cette saisie allongeront le processus de vente. Il faut en outre compter sur une certaine charge de formation, que les pharmacies et les drogueries interrogées estiment toutefois
relativement faible (une à deux heures par an).

Il ressort de sondages auprès des acteurs économiques, d'extraits de banques de données et de propres estimations que les coûts de la réglementation se monteront à quelque 0,5 million de francs par an pour les entreprises concernées38. Il est difficile d'évaluer à ce jour quelles seront les conséquences de la réglementation sur le marché, la composition des produits (adaptation de la concentration, produits substitutifs) et les chiffres de vente. Cette estimation doit donc être prise sous toutes réserves.

38

Évaluation fondée sur la méthode des coûts standard. Des informations plus détaillées sont disponibles dans le rapport interne de fedpol «Vorläuferstoffe für explosionsfähige Stoffe; Abschätzung der Auswirkungen der Reglementierung von Vorläuferstoffen auf die betroffenen Wirtschaftsakteure. Stand: Juli 2019».

195

FF 2020

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le présent projet n'est annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201939 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201940.

Le 30 novembre 2018, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de lui soumettre d'ici fin 2019 le message et le projet de loi relatifs à la loi fédérale sur les précurseurs de substances explosibles.

4.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

La Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste, adoptée par le Conseil fédéral le 18 septembre 2015, doit permettre à la Suisse de prévenir les attentats sur son territoire et d'empêcher toute exportation du terrorisme et tout soutien au terrorisme à partir de son territoire. Le document englobe l'ensemble du processus de radicalisation d'une personne, de la condamnation à la sanction jusqu'à sa réintégration dans la société. Il contient une analyse des instruments disponibles et décèle les failles qu'il faut combler au moyen de diverses mesures. Le projet de loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT)41 vise notamment à renforcer les instruments dont dispose la police en dehors d'une procédure pénale, en complément du Plan d'action national contre la radicalisation et l'extrémisme violent et des modifications du CP proposées par le Conseil fédéral 42. Le présent projet de réglementation des précurseurs de substances explosibles, en contribuant au maintien de la sécurité intérieure de la Suisse et en empêchant que la Suisse soit utilisée comme base logistique en vue d'attentats, participe à la concrétisation de la stratégie de lutte contre le terrorisme.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Aucune base constitutionnelle explicite ne réglemente les précurseurs de substances explosibles. Une légitimation ressort toutefois de l'art. 95, al. 1, Cst., selon lequel la Confédération peut légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées, ainsi que de la compétence inhérente de la Confédération en matière de 39 40 41 42

196

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 2019 4639 Cf. message du 14 septembre 2018 relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel et concernant le renforcement des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé (FF 2018 6469).

FF 2020

préservation de la sécurité intérieure et extérieure. Vu la dimension transfrontalière des infractions terroristes commises au moyen de substances explosibles, l'art. 54 Cst. peut lui aussi servir de base constitutionnelle. La Confédération est ainsi en droit de contrôler le marché des précurseurs et de mettre en oeuvre des mesures de prévention des actes terroristes.

Art. 95, al. 1, Cst.

En vertu de l'art. 95, al. 1, Cst., la Confédération peut légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées. Cette disposition permet de restreindre la liberté économique (art. 27 Cst.) quand il s'agit de préserver la santé, l'environnement ou la sécurité. Comme déjà indiqué, le contrôle du marché vise à prévenir toute utilisation abusive de précurseurs pour commettre des infractions. Les dispositions proposées sur le contrôle du marché sont donc pertinentes quant à la sécurité, raison pour laquelle elles peuvent se fonder sur l'art. 95, al. 1, Cst.

Préservation de la sécurité intérieure et extérieure La multiplication des attentats terroristes perpétrés dans les pays européens voisins au moyen de précurseurs de substances explosibles amène la Suisse à prendre elle aussi des mesures dans ce domaine pour maintenir la sécurité intérieure et extérieure. C'est pourquoi la compétence inhérente de la Confédération en matière de sécurité intérieure et extérieure peut elle aussi être invoquée en tant que base constitutionnelle, en plus de l'art. 95, al. 1, Cst. Cette base relève du droit constitutionnel tacite, lequel inclut également des compétences législatives. Elle permet à la Confédération de prendre les mesures nécessaires à sa propre protection et à celle de ses organes et institutions. La Confédération se doit de pérenniser la communauté nationale et de veiller à écarter les dangers qui menacent cette dernière dans son existence même43. Les activités terroristes représentent un risque susceptible de sérieusement menacer l'État dans ses structures et son existence même puisqu'elles visent à intimider la population, à contraindre l'exécutif à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque et à déstabiliser voire anéantir les structures fondamentales politiques, sociales et économiques d'un pays. La compétence inhérente de la Confédération en matière de sécurité couvre donc le
renforcement, par le présent projet de loi, des moyens de police préventive pour lutter contre le terrorisme.

S'agissant de ces compétences fédérales pour lesquelles, comme exposé, une attribution explicite fait défaut dans la Constitution, c'est l'art. 173, al. 2, Cst. qui est invoqué, en vertu de la nouvelle pratique.

Art. 54, al. 1, Cst.

Pour ce qui est de la sécurité extérieure, la Confédération jouit d'une compétence générale comprenant de vastes compétences législatives (art. 54, al. 1, Cst.). Le terrorisme étant de dimension internationale, la Suisse doit non seulement empêcher les attentats sur son territoire mais aussi leur exportation à l'étranger et le soutien au 43

Cf. rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010 Sécurité intérieure. Clarification des compétences (FF 2012 4161), ch. 2.2.3.4.

197

FF 2020

terrorisme depuis son sol. L'art. 54, al. 1, Cst. donne lui aussi une base aux buts poursuivis par le présent projet de loi, vu le rapport étroit qui lie ce dernier aux affaires étrangères.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Rien dans le droit international n'impose à la Suisse de réglementer l'accès aux précurseurs. Les mesures que prévoit le présent projet visent en revanche à une harmonisation avec la réglementation européenne (cf. ch. 1.5). Renoncer à ces mesures ferait de la Suisse le seul pays au coeur de l'Europe où se procurer des précurseurs sans restriction aucune serait possible, ce qui la rendrait attrayante pour les criminels (cf. ch. 1.1.2).

Notons en outre que l'art. 18, let. e, prévoit un accès au SIS. En vertu de l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen44, un tel accès n'est autorisé que si le principe de proportionnalité est respecté. De même, il ressort du règlement (UE) 2018/186245 et de la décision 2007/533/JAI du Conseil46 ­ tous deux faisant partie de l'acquis de Schengen ­, que l'accès doit être limité aux vérifications de police (cf. notamment l'art. 40 de la décision 2007/533/JAI du Conseil).

Au niveau de l'ordonnance, l'accès doit par conséquent être restreint aux signalements de personnes aux fins d'extradition et aux signalements de personnes et d'objets aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé. Il ne doit pas non plus être systématique. Cet accès est toutefois d'une importance particulière pour le traitement des signalements d'événements suspects portant sur des personnes de l'étranger.

5.3

Forme de l'acte à adopter

5.3.1

Acte au niveau de la loi

La réglementation vise à contrôler le commerce des précurseurs, pour ainsi accroître les chances de déceler à temps tout abus et de l'empêcher. Elle concerne le grand public et doit créer la base légale pour les enquêtes préliminaires de police et l'utilisation de banques de données de police s'y rapportant. Les aspects légaux de la 44 45

46

198

RS 0.362.31 Règlement (UE) 2018/1862 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale, modifiant et abrogeant la décision 2007/533/JAI du Conseil, et abrogeant le règlement (CE) no 1986/2006 du Parlement européen et du Conseil et la décision 2010/261/UE de la Commission,JO L 312 du 7.12.2018, p. 56.

Décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), JO L 205 du 7.8.2007, p. 63.

FF 2020

protection des données rendent à eux seuls indispensable une base légale formelle.

Des sanctions pénales en cas d'infraction aux prescriptions arrêtées sont en outre prévues.

Comme exposé ci-après, les dispositions prévues ne peuvent être reprises dans une loi fédérale existante.

5.3.2

Législation sur les explosifs

La législation sur les explosifs règle, principalement pour des raisons de police de sécurité, les opérations impliquant des matières explosives, des engins pyrotechniques et de la poudre de guerre. Son exécution relève en majeure partie de la compétence des cantons. Un système d'autorisation (importation, fabrication, commerce, acquisition, utilisation, entreposage) existe, et la surveillance du marché est stricte.

Les matières explosives conventionnelles sont d'abord utilisées dans le bâtiment et l'industrie, tandis que les engins pyrotechniques sont principalement vendus dans le commerce et le plus souvent utilisés lors de feux d'artifices et d'événements privés.

Une partie d'entre eux est également employée dans l'industrie et l'agriculture.

Les cantons réglementent le commerce de détail au moyen d'autorisations de vente et d'entreposage, lesquelles peuvent parfois être temporaires (1er août, Nouvel An).

Seules les personnes formées titulaires d'un permis ad hoc après réussite à l'examen sont en droit de fabriquer et d'allumer des matières explosives. Pour ce qui est des engins pyrotechniques, un permis d'emploi ad hoc est là aussi requis selon leur dangerosité (catégories). Concernant les engins pyrotechniques de divertissement des catégories F1 à F3 (pièces d'artifice pour le public), la loi s'applique uniquement au fabricant, à l'importateur et au vendeur. En conclusion donc, on peut retenir que la LExpl ne concerne que des groupes d'utilisateurs spécifiques et les utilisations légitimes.

L'utilisation de précurseurs de substances explosibles est elle aussi légitime si elle s'inscrit dans le cadre de l'usage initialement prévu (par ex. comme engrais, désinfectant ou dissolvant). Toutefois, les utilisateurs dans ce domaine, par rapport à celui des explosifs et des engins pyrotechniques, sont nettement plus nombreux. Même s'il s'agit à première vue de domaines apparentés, ils se distinguent considérablement pour ce qui est de l'ampleur du marché, des groupes d'utilisateurs et de leur accès au marché ainsi que d'autres aspects à régler. C'est pourquoi élargir aux précurseurs le champ d'application de la législation sur les explosifs serait inapproprié et source de confusion.

5.3.3

Législation sur les produits chimiques

La législation sur les produits chimiques a pour but de protéger la santé et l'environnement des effets nocifs des produits chimiques. La LChim ne portant pas sur les aspects d'un usage abusif aux conséquences pénales, elle ne couvre pas ces aspects. Aussi ne se prête-t-elle pas à la réglementation des précurseurs. La législation sur les produits chimiques s'aligne en outre largement sur la législation euro199

FF 2020

péenne. Il ne faut donc pas l'étendre aux précurseurs, pour éviter de mettre à mal cette harmonisation.

5.3.4

Nouvel acte

Il faut donc renoncer à étendre aux précurseurs le champ d'application d'une loi fédérale existante, raison pour laquelle la présente réglementation doit s'inscrire dans une nouvelle loi.

5.4

Frein aux dépenses

Le présent projet n'induit aucune nouvelle disposition relative aux subventions ni aucun nouveau crédit d'engagement ou plafond de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

5.5

Délégation de compétences législatives

Le projet prévoit plusieurs délégations de compétences législatives au Conseil fédéral. Il s'agit en premier lieu de la liste des précurseurs concernés par une restriction d'accès et des niveaux d'accès y afférents. Il faut à cet égard qu'une adaptation rapide à la menace et à l'évolution internationale soient possibles. D'autres aspects nécessitant un travail de concrétisation important doivent eux aussi être régis au niveau de l'ordonnance. C'est pourquoi les dispositions suivantes autorisent le Conseil fédéral à édicter des ordonnances de substitution: ­

art. 3, al. 1 (liste des précurseurs concernés par une restriction d'accès);

­

art. 3, al. 2 à 4 (détermination des niveaux d'accès et des exceptions);

­

art. 10 (prévision d'autorisations exceptionnelles concernant l'accès aux précurseurs visés à l'art. 3, al. 2, let. c);

­

art. 27 (dispositions d'exécution relatives au système d'information);

­

art. 30 (fixation des émoluments).

5.6

Protection des données

L'exécution de la nouvelle loi fédérale requiert que des données personnelles soient traitées. Les bases légales nécessaires à cette fin figurent dans le projet (cf. art. 18 à 27).

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