Irrégularités comptables chez CarPostal Suisse SA ­ Considérations du point de vue de la haute surveillance parlementaire Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 12 novembre 2019

2019-3916

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L'essentiel en bref Dans un rapport publié en février 2018, l'Office fédéral des transports (OFT) a révélé l'existence d'un système d'irrégularités comptables de grande ampleur au sein de CarPostal Suisse, filiale de la Poste Suisse, entreprise appartenant à la Confédération. Ces révélations ont connu un énorme écho médiatique et politique et ont eu de nombreuses retombées au cours des mois ayant suivi, tant au niveau de la Poste que des autorités fédérales.

En sa qualité d'organe chargé de la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil fédéral, de l'administration fédérale et des autres organes auxquels sont confiés des tâches de la Confédération, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a suivi de manière étroite l'évolution de cette affaire. Entre février 2018 et septembre 2019, elle a mené de nombreuses auditions à ce sujet, a adressé diverses questions écrites aux acteurs concernés et a analysé les documents et rapports relatifs à cette affaire.

La CdG-E fait part, dans le présent rapport, des principaux éléments portés à sa connaissance jusqu'à fin septembre 2019 dans ce dossier et des conclusions qu'elle en tire du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Elle formule sur cette base quinze recommandations et sept interventions parlementaires à l'intention du Conseil fédéral.

Dans le respect de ses compétences légales, la commission a avant tout examiné si la surveillance et la conduite exercées sur la Poste et CarPostal par le Conseil fédéral, les départements compétents (notamment le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication [DETEC]) et les unités administratives compétentes (notamment l'OFT, l'Administration fédérale des finances [AFF] et le Contrôle fédéral des finances [CDF]) avaient été adéquates. La commission a en outre cherché à déterminer quels enseignements de portée générale pouvaient être tirés de ce cas en ce qui concerne la conduite et la surveillance de la Poste et des autres entreprises proches de la Confédération. Au vu de ces éléments et dans la mesure où une procédure pénale administrative est en cours dans ce dossier, la commission ne porte par contre pas d'appréciation sur les responsabilités individuelles relatives à l'affaire CarPostal ou sur les démarches effectuées par
l'entreprise depuis 2018.

Sur le plan général, la CdG-E tient toutefois à souligner qu'elle déplore au plus haut point les agissements illégaux constatés au sein de CarPostal. De son point de vue, il est incompréhensible que ceux-ci aient pu survenir et perdurer durant de nombreuses années sans être décelés par les instances de surveillance internes ou externes de l'entreprise et signalés au propriétaire. La commission salue néanmoins les premières mesures prises et invite la Poste à continuer à oeuvrer de manière active et transparente en vue d'un règlement des questions ouvertes, afin qu'un tel cas ne se reproduise jamais à l'avenir.

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Surveillance et conduite exercées sur la Poste et CarPostal par le Conseil fédéral, le DETEC et les autres unités et organes compétents La CdG-E constate que, durant la période précédant la révélation de l'affaire CarPostal (2007­2017), le Conseil fédéral, le DETEC et les autres unités et organes compétents ont exercé une surveillance lacunaire sur l'entreprise et ont présenté, vis-à-vis de celle-ci, des positions parfois contradictoires (par exemple: position peu claire de l'OFT concernant la restructuration «Impresa» de CarPostal). Le fait que les pratiques comptables illégales au sein de CarPostal n'aient pas été mises à jour plus tôt s'explique, selon l'analyse de la commission, par la conjugaison de plusieurs faiblesses de la part du DETEC, de l'OFT et du CDF. Il ressort par ailleurs des travaux de la CdG-E que le DETEC et l'AFF étaient informés depuis 2011 au moins du conflit d'objectifs auquel était confronté CarPostal en ce qui concerne la réalisation de bénéfices. Ils n'ont toutefois pas agi à l'époque, ce que la commission ne comprend pas et critique vivement. Certains médias ont par ailleurs affirmé que le DETEC avait été informé, en septembre 2011, des pratiques comptables illégales au sein de CarPostal. En l'état actuel des choses, les informations à disposition de la commission ne permettent pas de confirmer ce constat. La CdG-E continuera néanmoins d'examiner ce point. Elle se réserve la possibilité d'adapter son appréciation ultérieurement, dans le cas où de nouveaux éléments déterminants seraient portés à sa connaissance, notamment après l'issue de la procédure pénale en cours.

Au-delà de ces constatations, la commission n'a pas identifié de manquements graves ou d'agissements contraires à la loi. Elle souligne que l'OFT a rempli ­ bien que tardivement ­ son rôle légal, puisque c'est lui qui a révélé les pratiques comptables illégales de CarPostal. Aucun indice ne laisse par ailleurs penser que l'office aurait volontairement fermé les yeux sur les pratiques frauduleuses de l'entreprise.

La commission considère en outre que les acteurs concernés ont réagi de manière globalement adéquate suite à la révélation de l'affaire CarPostal (2018­2019). La CdG-E a néanmoins identifié, dans le cadre de ses travaux, divers éléments soulevant des remarques du point de vue de la haute
surveillance. Ceux-ci concernent entre autres les démarches du DETEC et de l'AFF en vue de l'assemblée générale 2018 de la Poste, les entretiens réalisés par le DETEC et l'AFF avec certains membres du conseil d'administration de l'entreprise ou les approfondissements relatifs à la période avant 2007. En outre, la CdG-E estime que le Conseil fédéral, le DETEC et l'AFF ont dans l'ensemble présenté une position défensive en ce qui concerne l'intervention de la Confédération vis-à-vis de la Poste suite à l'affaire CarPostal et se sont largement reposés sur les travaux de l'entreprise.

La CdG-E a également approfondi, dans le cadre de ses travaux, le cas spécifique de CarPostal France. Les investigations à ce propos ont montré que la situation financière de cette filiale avait été présentée de manière excessivement positive durant de nombreuses années. La CdG-E déplore au plus haut point cette situation et estime que le retrait de CarPostal du marché français constitue une décision appropriée et nécessaire. Les clarifications de la commission ont montré que le DETEC et l'AFF avaient abordé l'engagement de CarPostal en France de manière régulière, mais qu'ils auraient dû se montrer plus critiques à ce sujet. La CdG-E n'est pas en mesure de déterminer si le Conseil fédéral et le Parlement auraient

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soutenu la stratégie d'expansion de CarPostal en France ces dernières années, si la situation financière de la filiale avait été présentée sous son vrai jour. Par ailleurs, la commission déplore fortement que la Poste n'ait pas été en mesure de lui rendre compte des critères ayant été déterminants dans la décision du développement de CarPostal en France. Enfin, pour la CdG-E, il est primordial de clarifier sur le fond si les aides financières accordées par la Poste Suisse à CarPostal France sont conformes à l'accord de libre-échange entre la Suisse et la Communauté économique européenne, afin d'en tirer des leçons pour l'ensemble des entreprises proches de la Confédération.

La CdG-E estime que diverses clarifications devront encore être menées par le Conseil fédéral une fois que l'enquête pénale administrative relative à CarPostal sera achevée, concernant notamment la surveillance exercée par l'OFT, le DETEC et l'AFF sur CarPostal, les irrégularités comptables survenues avant 2007 ainsi que les flux financiers entre CarPostal Suisse et CarPostal France. Elle attend également du Conseil fédéral qu'il procède à un bilan global de l'affaire CarPostal sous la forme d'un rapport.

Enseignements de portée générale de l'affaire CarPostal La CdG-E salue les clarifications menées par le DETEC et l'OFT suite à l'affaire CarPostal en ce qui concerne la surveillance exercée sur les entreprises du transport régional de voyageurs (TRV), ainsi que les mesures d'amélioration prises dans ce domaine. Elle formule diverses remarques relatives à la mise en oeuvre du nouveau système de surveillance et suivra étroitement son introduction. La CdG-E estime par ailleurs que les interfaces et la répartition des rôles entre l'OFT et les autorités cantonales doivent être clarifiées dans ce domaine. Elle est enfin d'avis que le Conseil fédéral devrait examiner s'il est opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du transport régional de voyageurs.

La CdG-E a également examiné les enseignements pouvant être tirés de l'affaire CarPostal en ce qui concerne la conduite et la surveillance des entreprises proches de la Confédération. La commission salue les démarches du Conseil fédéral à ce sujet, mais estime que les mesures décidées par ce dernier ne vont pas assez loin et
que des améliorations supplémentaires doivent être examinées. De manière générale, la CdG-E considère que le modèle de gestion stratégique des entreprises proches de la Confédération demeure adapté sur le fond. Elle estime néanmoins qu'un renforcement de la surveillance sur les entreprises est nécessaire dans le cadre existant, en particulier au niveau des premières lignes de surveillance.

La CdG-E est d'avis que les autorités représentant la Confédération en tant que propriétaire (Conseil fédéral, départements propriétaires et AFF) devraient exercer de manière plus active le rôle de conduite stratégique et de surveillance stratégique qui leur revient. Elle formule, dans le présent rapport, plusieurs recommandations et interventions parlementaires en ce sens. La commission estime notamment que le Conseil fédéral devrait définir plus clairement quels éléments de l'activité des entreprises sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire», qu'il devrait disposer d'un concept permettant d'identifier et de

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régler les conflits d'objectifs auxquels sont confrontées les entreprises et qu'il devrait exiger davantage d'informations de la part de celles-ci. La commission invite également le Conseil fédéral à renforcer les préceptes relatifs aux instruments internes de surveillance des entreprises. Au vu du cas de CarPostal France, elle considère en outre que les filiales les plus importantes des entreprises devraient être soumises à un suivi plus étroit.

La CdG-E estime par ailleurs que des mesures organisationnelles doivent être prises au sein des autorités représentant la Confédération en tant que propriétaire: elle souhaite qu'une réflexion de fond soit menée quant aux responsabilités, compétences et rôles respectifs de ces autorités et estime que les ressources consacrées à la conduite et à la surveillance des entreprises étaient insuffisantes jusqu'à présent.

Elle est également d'avis que le rôle du Conseil fédéral en tant qu'organe central chargé d'assumer les fonctions de surveillance et de conduite revenant à la Confédération en tant que propriétaire des entreprises doit être renforcé; à cet effet, elle le charge de constituer une délégation de surveillance permanente consacrée aux entreprises proches de la Confédération. Pour terminer, la CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les échanges et la coordination entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les offices chargés de la surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération (tels que l'OFT), de l'autre, soient renforcés.

Par ailleurs, la CdG-E invite le Conseil fédéral à s'assurer que l'ensemble des entreprises proches de la Confédération soient à l'avenir considérées comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la loi sur la surveillance de la révision, ce qui n'est pas le cas actuellement. Elle est en outre d'avis qu'un changement régulier de l'organe de révision externe est souhaitable au sein des entreprises.

La commission formule également diverses remarques relatives au rôle de surveillance du CDF. Elle déplore vivement le fait que ce dernier ait, durant plusieurs années, exercé une surveillance limitée sur la Poste et attend de celui-ci qu'il applique à l'avenir une pratique régulière et homogène vis-à-vis des entreprises.

Enfin, la CdG-E est arrivée à la conclusion que
l'affaire CarPostal n'impliquait pas de nécessité d'agir concernant le rôle de la haute surveillance parlementaire, considérant qu'elle a été, dans le cas présent, pleinement en mesure d'effectuer son mandat.

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Table des matières L'essentiel en bref

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Introduction 1.1 Contexte 1.2 Structure du rapport

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Principes directeurs et bases légales 2.1 Pilotage et surveillance des entreprises proches de la Confédération 2.2 Pilotage et surveillance de la Poste et de CarPostal 2.3 Bases légales et surveillance dans le domaine du transport régional subventionné

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Traitement de l'affaire CarPostal par d'autres organes 3.1 Enquête pénale administrative 3.2 Clarifications mandatées par la Poste 3.3 Clarifications mandatées par la Confédération 3.4 Clarifications relatives à la surveillance de l'OFT 3.5 Audits du Contrôle fédéral des finances 3.6 Examen de l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision 3.7 Travaux du Conseil fédéral sur la gouvernance des entreprises proches de la Confédération

7003 7003 7003 7004 7004 7005

4

Traitement de l'affaire CarPostal par la CdG-E 4.1 Champ de compétences des CdG et objet du rapport 4.2 Démarches de la CdG-E

7006 7006 7007

5

Résultats de l'examen de la CdG-E: Période précédant la révélation de l'affaire CarPostal 5.1 Les faits: conduite et surveillance des autorités fédérales sur CarPostal 5.1.1 2007 à 2015: Contrôles de l'OFT selon le droit des subventions 5.1.2 2011: Echange du DETEC et de l'AFF avec la Poste au sujet des objectifs de CarPostal 5.1.3 2011/2012: Signalements des autorités cantonales à l'OFT 5.1.4 2012: Nouveaux objectifs stratégiques de la Poste 5.1.5 2012 à 2014: Signalements du Surveillant des prix 5.1.6 2013 à 2015: Elaboration du projet «Impresa» 5.1.7 2015 à 2017: Examen approfondi de l'OFT 5.1.8 2007 à 2017: Activités de surveillance du Contrôle fédéral des finances

3

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6992 6997 7001

7005 7005

7008 7011 7011 7011 7012 7013 7014 7015 7016 7018

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5.2

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Appréciation 5.2.1 Surveillance exercée par l'OFT selon le droit des subventions 5.2.2 Conduite et surveillance exercées par le DETEC et l'AFF en tant que représentants du propriétaire 5.2.3 Surveillance exercée par le CDF

Résultats de l'examen de la CdG-E: Période suivant la révélation de l'affaire CarPostal 6.1 Les faits: surveillance des autorités fédérales et mesures prises suite à la révélation de l'affaire CarPostal 6.1.1 Information du DETEC et du Conseil fédéral concernant les résultats de l'enquête de l'OFT 6.1.2 Démarches de l'OFT et du DETEC suite à la publication du rapport de révision de l'OFT 6.1.3 Procédure pénale administrative 6.1.4 Démarches de la Poste suite au rapport de l'OFT 6.1.5 Clarifications du DETEC et de l'AFF en vue de l'assemblée générale 2018 de la Poste 6.1.6 Assemblée générale 2018 de la Poste et rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste en 2017 6.1.7 Calcul et remboursement des montants indûment perçus par CarPostal 6.1.8 Approfondissements relatifs à la période avant 2007 6.1.9 Approbation des comptes 2016 à 2018 de CarPostal selon le droit des subventions, renégociation des offres 2019 de CarPostal, réserve de l'entreprise 6.1.10 Démarches de la Poste à partir de juin 2018 6.1.11 Suivi des démarches de la Poste par les autorités fédérales à partir de juin 2018 6.1.12 Assemblée générale 2019 de la Poste et rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste en 2018 6.1.13 Investigations de l'ASR relatives au rôle de l'entreprise de révision externe de la Poste 6.1.14 Examen et réorganisation de la surveillance de l'OFT sur les entreprises de transport subventionnées 6.1.15 Démarches du Contrôle fédéral des finances 6.1.16 Travaux du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise de la Confédération 6.2 Appréciation 6.2.1 Considérations générales 6.2.2 Démarches en matière de droit pénal administratif 6.2.3 Mesures du Conseil fédéral, du DETEC et de l'AFF

7019 7020 7026 7029 7030 7031 7031 7031 7033 7036 7039 7042 7043 7046 7047 7049 7054 7056 7057 7059 7062 7064 7065 7066 7066 7068

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6.2.4 6.2.5

Mesures de l'OFT Autres considérations

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7

Résultats de l'examen de la CdG-E: CarPostal France 7.1 Informations fournies à la CdG-N entre 2016 et 2017 7.2 Démarches suite aux révélations liées à CarPostal Suisse SA 7.3 Appréciation

7073 7074 7076 7080

8

Enseignements de l'affaire CarPostal (état à fin septembre 2019) 8.1 Questions de fond relatives à la surveillance sur le TRV subventionné 8.1.1 Rôle de surveillance de l'OFT 8.1.2 Répartition des compétences de surveillance entre Confédération et cantons 8.1.3 Réalisation de bénéfices dans les domaines subventionnés 8.2 Questions de fond relatives au gouvernement d'entreprise de la Confédération 8.2.1 Responsabilité de surveillance sur les entreprises 8.2.2 Rôle du Conseil fédéral, des départements propriétaires et de l'AFF 8.2.2.1 Degré d'implication du propriétaire 8.2.2.2 Définition des éléments considérés comme stratégiques pour le propriétaire 8.2.2.3 Structure organisationnelle au niveau de la Confédération 8.2.2.4 Objectifs stratégiques assignés aux entreprises 8.2.2.5 Information du propriétaire par les entreprises 8.2.2.6 Entretiens entre le propriétaire et l'entreprise 8.2.2.7 Instruments internes de surveillance des entreprises 8.2.2.8 Surveillance sur les filiales des entreprises 8.2.2.9 Mesures en cas de crise 8.2.3 Activités des autorités de surveillance sectorielle 8.2.3.1 Coordination entre le propriétaire et les autorités de surveillance sectorielle 8.2.3.2 Transparence des entreprises vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle 8.2.4 Organes de révision externes des entreprises 8.2.5 Rôle du Contrôle fédéral des finances 8.2.6 Rôle de la haute surveillance parlementaire

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Conclusions et suite de la procédure

7119

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Liste des abréviations

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7084 7084 7088 7092 7094 7095 7096 7096 7097 7098 7101 7104 7105 7107 7110 7112 7113 7113 7115 7116 7117 7118 7125

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Annexes: 1 Liste des personnes auditionnées 2 Structures de surveillance sur les entreprises proches de la Confédération 3 Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral de 2010 à 2013 (extraits) 4 Bénéfices de CarPostal et évolution de la réserve spéciale de l'entreprise entre 2007 et 2017 5 Recommandations et interventions parlementaires de la CdG-E

7128 7129 7130 7135 7137

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Dans un rapport de révision publié en février 20181, l'Office fédéral des transports (OFT) a révélé l'existence d'un système d'irrégularités comptables de grande ampleur au sein de la société CarPostal Suisse SA, filiale de la Poste Suisse SA2. CarPostal est la principale compagnie de bus active dans le domaine du trafic régional de voyageurs (TRV) en Suisse; elle bénéficie à ce titre d'environ 400 millions de francs de subventions par an, allouées par la Confédération et les cantons.

L'OFT a constaté, dans le rapport mentionné ci-dessus, que CarPostal avait, durant plusieurs années, réalisé des bénéfices trop élevés dans le TRV, systématiquement manipulé sa comptabilité afin de dissimuler ces gains et encaissé de ce fait des subventions excessives, initialement estimées par l'office à 78,3 millions de francs 3.

Ces révélations ont connu un énorme écho au sein de la population, dans le monde politique et dans les médias et ont eu de nombreuses retombées au cours des mois ayant suivi. La directrice ainsi que deux membres du conseil d'administration de l'entreprise ont quitté leur fonction; la Poste s'est également séparée de la totalité de la direction de CarPostal et de la cheffe de son service interne de révision. Après des calculs détaillés, l'entreprise a remboursé fin 2018 à la Confédération et aux cantons un montant total de 205,3 millions de francs4. Diverses mesures organisationnelles ont été prises, notamment au sein de la Poste et de l'OFT. Des investigations et clarifications complémentaires ont été réalisées ou sont en cours afin de déterminer les responsabilités liées à cette affaire, les suites à y donner et les enseignements à en tirer (cf. chap. 3, 5 et 6).

La Poste Suisse SA est une société anonyme de droit public, dont la Confédération suisse constitue l'actionnaire unique. En sa qualité d'organe chargé de la haute surveillance parlementaire, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a décidé, lors de sa séance du 23 février 2018, de suivre de manière étroite l'évolution de cette affaire5. Entre février 2018 et septembre 2019, elle a procédé à de nombreuses auditions et échanges de lettres avec les principaux acteurs du dossier et a pris connaissance de nombreux documents à ce sujet. Dans le respect de ses compétences légales, la commission a avant tout cherché à établir les faits perti1

2 3 4 5

Office fédéral des transports: Leistungsverrechnungen zwischen den PostAutoGesellschaften, rapport de révision du 1.2.2018 (en allemand uniquement; ci-après «Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018»).

Les termes «CarPostal» et «la Poste» seront utilisés ci-après, sauf exceptions particulières.

Enquête sur les bénéfices de CarPostal Suisse SA en trafic régional subventionné, communiqué de presse de l'OFT du 6.2.2018.

188,1 millions de francs sur base contraignante pour la période 2007­2018 et 17,2 millions de francs sur base volontaire de la part de la Poste pour la période 2004­2006.

CarPostal Suisse SA: Première demande d'informations de la CdG-E, communiqué de presse de la CdG-E du 23.2.2018.

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nents, à déterminer quelles suites étaient à donner à ceux-ci du point de vue de la haute surveillance parlementaire et à identifier quels enseignements pouvaient être tirés de cette affaire en ce qui concerne la conduite et la surveillance de la Poste et des autres entreprises proches de la Confédération6 par le Conseil fédéral, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), l'Administration fédérale des finances (AFF), ainsi que les autres autorités compétentes (OFT, Office fédéral de la police [fedpol], Contrôle fédéral des finances [CDF] et Autorité fédérale de surveillance en matière de révision [ASR]). La commission a décidé de faire part, dans le rapport ci-après, des principaux éléments portés à sa connaissance jusqu'à présent dans ce dossier et des conclusions qu'elle en tire du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

1.2

Structure du rapport

Le chap. 2 présente les principes directeurs et bases légales pertinentes en ce qui concerne, d'un côté, le pilotage et la surveillance des entreprises proches de la Confédération en général et de la Poste en particulier et, de l'autre côté, le domaine du TRV. Le chap. 3 propose une vue d'ensemble des principales procédures lancées suite à la révélation de l'affaire CarPostal. Le chap. 4 détaille ensuite le champ de compétences de la CdG-E et les démarches effectuées par la commission dans ce dossier.

Dans les chap. 5 et 6, la CdG-E fait part de son analyse de la gestion de l'affaire CarPostal par le Conseil fédéral et les autres unités compétentes; le rapport distingue à ce propos la période précédant la révélation publique de l'affaire (chap. 5) et la période faisant suite à sa mise à jour (chap. 6). Le chap. 7 est consacré au cas de CarPostal France. Le chap. 8 aborde quant à lui les questions de fond soulevées par le dossier CarPostal, d'un côté en ce qui concerne la surveillance du TRV subventionné (chap. 8.1) et de l'autre en ce qui concerne la gouvernance des entreprises proches de la Confédération (chap. 8.2). Enfin, le chap. 9 est consacré aux conclusions.

Dans les parties consacrées à l'analyse, la CdG-E se limite à exposer les faits pertinents du point de vue de la haute surveillance. Les parties rendant compte de l'appréciation de la commission sont, autant que possible, identifiées en tant que telles.

6

Par «entreprises proches de la Confédération», il est entendu dans le présent rapport les sociétés anonymes de droit privé ou public proposant des prestations fournies sur le marché, pour lesquelles la Confédération constitue l'actionnaire majoritaire ou unique.

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Principes directeurs et bases légales

2.1

Pilotage et surveillance des entreprises proches de la Confédération

À la fin des années 1990, les Chambres fédérales ont décidé de restructurer les marchés dans les domaines des transports et des télécommunications, en externalisant les activités de la Confédération dans ces secteurs et en les confiant à des entreprises autonomisées, dont la Confédération constitue l'actionnaire majoritaire7. Le Conseil fédéral a défini les principes de l'organisation et du pilotage de ces entités dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise de 20068.

Le pilotage et la surveillance sur les entreprises proches de la Confédération sont exercés à différents niveaux. D'abord à l'intérieur de l'entreprise elle-même, où le contrôle de la réalisation des objectifs relève du conseil d'administration en sa qualité d'organe directorial suprême. L'entreprise est également soumise à des audits menés par des organes de révision interne et externe. Le niveau de surveillance suivant est assuré par le Conseil fédéral, qui pilote l'entreprise en fonction des objectifs stratégiques, tout en respectant son autonomie. Cette surveillance est généralement déléguée à un ou plusieurs départements ou unités administratives.

L'Assemblée fédérale, enfin, exerce sa haute surveillance en s'assurant que la surveillance exercée par le Conseil fédéral fonctionne comme prévu 9. Les modalités du pilotage et de la surveillance des entreprises proches de la Confédération sont spécifiées dans les actes normatifs applicables à chacune d'entre elles (concernant la Poste, cf. chap. 2.2).

Les différents niveaux de cette structure sont détaillés ci-après; ils sont également résumés dans un graphique présenté en annexe (cf. annexe 2).

Conduite et surveillance interne à l'entreprise Tout comme dans le secteur privé, c'est le conseil d'administration qui assure la direction et la surveillance des personnes chargées de la conduite des affaires au sein des entreprises proches de la Confédération. En sa qualité d'organe directorial suprême, il en est aussi responsable vis-à-vis de la Confédération. En règle générale, 7

8

9

Cf. art. 2 et art. 8 de la loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) ainsi que art. 6, al. 3, de l'ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Rapport du Conseil fédéral du 13.9.2006 sur l'externalisation et la gestion de tâches de la Confédération (FF 2006 7799) (ci-après: Rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006).

Cf. également: Rapport du Conseil fédéral du 25.3.2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations au sein du Conseil national (FF 2009 2299); Elsener, Marc (2012): Corporate Governance: Die Politik des Bundes. In: Die Volkswirtschaft, 6-2012; Lienhard, Andreas / Rieder, Stefan / Sonderegger, Roger W. / Ladner, Andreas / Höchner, Claudia / Ritz, Manuel / Roose, Zilla (2019): Évaluation du gouvernement d'entreprise de la Confédération fondée sur l'analyse de quatre entreprises. Rapport à l'intention de l'Administration fédérale des finances. Berne, Lucerne, Saint-Gall, Lausanne (ci-après: Rapport d'experts, évaluation du gouvernement d'entreprise 2019).

Weber, Urs (2012), La gestion politique des entreprises fédérales d'infrastructure par le Conseil fédéral, dans: La Vie économique, 6-2012.

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les tâches du conseil d'administration sont régies par le code des obligations10.

L'une de ses tâches principales consiste à nommer, à surveiller et, le cas échéant, à révoquer les responsables de la direction opérationnelle de l'entreprise. Il est également responsable de la mise en oeuvre des objectifs stratégiques11.

Il incombe en outre au conseil d'administration de mettre en place un système de contrôle interne et de prendre les mesures pertinentes pour assurer le bon déroulement des opérations courantes12. Le contrôle interne a notamment pour but d'assurer que la comptabilité générale et la comptabilité financière sont fiables et complètes et que les opérations majeures en termes de portée financière sont prises en compte de manière adéquate. Le conseil d'administration peut instituer des délégations chargées de s'occuper de questions spécifiques13.

Les comptes annuels des entreprises proches de la Confédération sont contrôlés par des réviseurs externes du secteur privé. Le réviseur externe est désigné par l'assemblée générale (ou par le Conseil fédéral). Ses tâches sont régies par le code des obligations14.

Conduite et surveillance par le Conseil fédéral et les départements compétents La conduite et la surveillance exercées par le Conseil fédéral sur les entreprises proches de la Confédération sont définies par la loi et l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA et OLOGA), par le droit de la société anonyme15 ainsi que par la législation spécifique à chaque entreprise. Dans son rapport de 2006 sur le gouvernement d'entreprise, le Conseil fédéral souligne qu'il «exerce le rôle de propriétaire et détient en principe seul face à toutes les entités devenues autonomes le droit à l'information, le droit d'intervention et le droit de contrôle qui en découlent»16. Les trois principaux instruments dont il dispose à cet effet sont les suivants:

10 11 12 13 14 15 16 17

1

Élection du conseil d'administration: le Conseil fédéral élit les membres du conseil d'administration et sa présidence lors de l'assemblée générale sur la base des profils d'exigences établis pour l'entreprise en question17.

2

Définition des objectifs stratégiques: le Conseil fédéral fixe des objectifs stratégiques pour une période qui est en règle générale de quatre ans. Leur réalisation est évaluée annuellement. La définition des objectifs et le contrôle de leur réalisation sont thématisés dans le cadre d'entretiens périoArt. 716 ss de la loi fédérale du 30.3.1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) [CO; RS 220].

Schedler, Kuno / Müller, Roland / Sonderegger, Roger W. (2013): Führung, Steuerung und Aufsicht von öffentlichen Unternehmen. 2e édition. Berne: Haupt, pp. 172 ss.

Schedler, Kuno / Müller, Roland / Sonderegger, Roger W. (2013), Führung, Steuerung und Aufsicht von öffentlichen Unternehmen, 2e édition, Berne: Haupt, pp. 207 ss.

Schedler, Kuno / Müller, Roland / Sonderegger, Roger W. (2013), Führung, Steuerung und Aufsicht von öffentlichen Unternehmen, 2e édition, Berne: Haupt, p. 177 s.

Art. 728 ss. CO.

Cf. notamment art. 689 ss. CO (droits et obligations des actionnaires) et art. 698 ss. CO (assemblée générale).

Rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006 (FF 2006 7799 7860).

Rapport explicatif de l'Administration fédérale des finances (AFF) du 13.9.2006 concernant le rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006, p. 26.

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diques (généralement trimestriels) entre les départements responsables, l'AFF et les directions des entreprises18.

3

Approbation du rapport de gestion et des comptes annuels: chaque année, le conseil d'administration présente aux départements responsables un rapport relatif à la réalisation des objectifs stratégiques. Les départements responsables et l'AFF étudient les rapports reçus et en discutent avec la direction de l'entreprise dans le cadre de l'entretien avec le propriétaire du 1 er trimestre. En conclusion, les départements responsables soumettent au Conseil fédéral un rapport sur la réalisation des objectifs stratégiques fixés à chacune des entreprises19, présentant une proposition en vue de l'assemblée générale.

Au sein de l'administration fédérale, la conduite et la surveillance des entreprises est organisée selon un système dit «dual». La préparation et la coordination des affaires relevant de la politique de propriétaire incombe principalement aux départements spécialisés (p. ex. DETEC pour la Poste, les CFF et Swisscom, DDPS pour RUAG)20. Ces départements sont soutenus dans leur tâche par l'AFF, qui est notamment responsable des questions ayant trait aux caisses de pensions, aux directives financières et à la distribution de bénéfices des entreprises. L'AFF, respectivement le DFF, sont également chargés des questions transversales relatives au gouvernement d'entreprise de la Confédération21. Dans le présent rapport, le terme générique «les départements propriétaires et l'AFF» sera utilisé pour désigner ces autorités.

En cas de problèmes, le Conseil fédéral dispose vis-à-vis des entreprises de toute une gamme d'instruments d'intervention prévus par le droit de la société anonyme: il peut ajuster les objectifs stratégiques, refuser d'approuver le rapport de gestion, refuser la décharge au conseil d'administration, révoquer ou remplacer le conseil d'administration et l'organe externe de révision, faire valoir des prétentions en matière de responsabilité contre des organes de l'entreprise ou proposer à l'Assemblée fédérale de modifier la loi d'organisation22.

Le Conseil fédéral peut également, en vertu de l'art. 23 LOGA, constituer des délégations chargées de certains dossiers. Ces délégations préparent les délibérations et les décisions du Conseil fédéral ou négocient en son nom avec d'autres autorités ou avec des particuliers23. Il n'existe actuellement pas de délégation du Conseil fédéral chargée spécifiquement des entreprises liées à la Confédération.

18 19

20

21 22 23

Ci-après: «entretiens avec le propriétaire» ou «entretiens trimestriels».

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, avis du Conseil fédéral du 14.11.2012 relatif au rapport de la CdG-N du 8.5.2012 (FF 2012 8493 8499).

Rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006 (FF 2006 7799 7860). Cf. également DETEC, Le pilotage des entreprises fédérales, www.uvek.admin.ch, DETEC > Entreprises liées à la Confédération > Pilotage des entreprises (état au 4.10.2018). Pour ce qui est de Skyguide, la responsabilité est assumée conjointement par le DETEC et le DDPS, en collaboration avec l'AFF.

Cf. art. 1, al. 3 et art. 8, al. 2, de l'ordonnance du 17.2.2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances (Org DFF; RS 172.215.1).

Rapport explicatif de l'AFF du 13.9.2006 concernant le rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006, p. 61.

Le Conseil fédéral a institué des délégations, communiqué du Conseil fédéral du 23.3.2016.

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Dans le respect de l'autonomie entrepreneuriale accordée aux entreprises proches de la Confédération, la conduite du Conseil fédéral se limite, en règle générale, aux aspects de portée stratégique et ne porte pas sur les aspects opérationnels internes.

La délimitation entre ces deux sphères est toutefois sujette à des interprétations variées et est régulièrement discutée par le Parlement; cette question est apparue à plusieurs reprises dans le cadre des travaux relatifs à CarPostal (cf. notamment chap. 8.2.2.2).

En 2012, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a procédé à une évaluation des pratiques de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom24. Il était ressorti de cet examen que le modèle de gestion stratégique appliqué par la Confédération était probant dans l'ensemble et était à même de permettre le pilotage des entreprises «en temps normal». La CdG-N avait néanmoins souligné que, dans la pratique, «les compétences prévues [...] n'étaient pas toujours respectées et que le modèle montrait ses limites dans les situations inhabituelles, lorsque les entreprises étaient exposées à une forte pression politique (par exemple en cas de crise ou d'événements inattendus qui concernent la stratégie)»25. Une nouvelle évaluation de la gouvernance des entreprises proches de la Confédération a été réalisée en 2019, sur mandat du Conseil fédéral: celle-ci est arrivée à la conclusion que le modèle de conduite actuel fonctionnait bien dans l'ensemble, mais que certaines améliorations étaient souhaitables26.

Les entreprises proches de la Confédération sont aussi soumises à la surveillance d'autres autorités de surveillance sectorielle, comme la Commission fédérale de la poste (PostCom), la Commission de la concurrence (COMCO) ou certains offices fédéraux tels que l'OFT ou l'Office fédéral de la communication (OFCOM). La surveillance exercée par la Confédération est encore plus développée dans les domaines subventionnés, tels que le TRV (cf. à ce sujet chap. 2.3); dans ce domaine, la surveillance est assurée par l'OFT en tant qu'autorité de surveillance sectorielle.

Haute surveillance et participation de l'Assemblée fédérale Ce sont les CdG, les Commissions des finances (CdF) et la Délégation des finances (DélFin) qui exercent la haute surveillance sur les
entreprises proches de la Confédération pour le compte de l'Assemblée fédérale.

La Loi sur le Parlement27 (LParl) ainsi que la LOGA28 contiennent les jalons déterminant l'étendue de la haute surveillance du Parlement sur les entreprises proches de la Confédération. L'Assemblée fédérale bénéficie d'un certain degré de participation à la planification de l'activité étatique et à la définition des objectifs stratégiques servant au pilotage des entreprises proches de la Confédération. Le Parlement est ainsi consulté lors du renouvellement des objectifs stratégiques assignés aux entre24 25 26 27 28

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012 (FF 2012 7905).

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012 (FF 2012 7905 7908).

Rapport d'experts, évaluation du gouvernement d'entreprise 2019, pp. 85­86.

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Cf. en particulier art. 28, al. 1 et 1bis, LParl.

Art. 8, al. 5, LOGA.

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prises, par l'entremise des Commissions des transports et télécommunications (CTT). Les CdG et les CdF ont également la possibilité de se prononcer à ce sujet.

Les modalités de la haute surveillance que les CdG exercent sur les entreprises proches de la Confédération ont fait l'objet de différents avis de droit29 et ont été précisées à plusieurs reprises par les commissions. La haute surveillance parlementaire s'exerce à titre subsidiaire par rapport à la surveillance des organes internes à l'entreprise et du Conseil fédéral. C'est à eux que revient la responsabilité de conduite et de contrôle des tâches de l'entreprise, en accord avec leurs compétences légales respectives. Tandis que la surveillance directe du Conseil fédéral constitue un instrument de pilotage, la haute surveillance représente un moyen de faire valoir la responsabilité politique de l'Assemblée fédérale. En vertu de l'art. 26, al. 4, LParl, l'Assemblée fédérale n'a pas la compétence de modifier les décisions de l'entité surveillée et ne peut pas non plus lui imposer une action30.

Par ailleurs, la haute surveillance parlementaire est normalement exercée de manière indirecte: les organes concernés contrôlent la façon dont le Conseil fédéral met en oeuvre sa politique vis-à-vis des entreprises31, le but étant de s'assurer que les intérêts de la Confédération en tant que propriétaire sont défendus correctement. Ils se fondent pour cela principalement sur les rapports annuels standardisés que le Conseil fédéral leur présente, portant sur l'atteinte des objectifs stratégiques 32. Cette manière de procéder permet de respecter l'autonomie accordée par le législateur aux entreprises proches de la Confédération. Les CdG ont néanmoins la possibilité de procéder à une inspection portant directement sur une entreprise proche de la Confédération, pour autant qu'elles disposent d'indices concrets de dysfonctionnements majeurs représentant une menace potentielle pour le bon fonctionnement de celle-ci.

Dans l'exercice de leur fonction, les CdG disposent de droits à l'information étendus33. Elles peuvent interroger directement toutes les personnes étant ou ayant été au service de la Confédération et se voir remettre tous les documents qu'elles souhaitent, à l'exception des procès-verbaux du Conseil fédéral et les documents secrets relevant de
la sécurité de l'Etat ou du renseignement. Fondamentalement, elles disposent des mêmes droits vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération.

Afin de respecter l'autonomie de ces dernières, elles en font toutefois usage avec une grande retenue.

29

30 31 32 33

Voir en particulier: rapport des CdG du 23.5.2000 sur leurs activités (FF 2000 4241); Uhlmann, Felix (2013): avis de droit à l'intention des CdG concernant la haute surveillance sur la FINMA, 28.8.2013; Biaggini, Giovanni (2013): avis de droit sur les possibilités et limites de la haute surveillance du Parlement dans le domaine de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), 26.8.2013.

Müller, Georg (2016), Parlamentarische Oberaufsicht im Bund, dans: Parlement, 1/2016, 19e année Tschaeni, Hanspeter (2012), La haute surveillance du Parlement sur la politique de la Confédération en tant que propriétaire, dans: La Vie économique, 6-2012 Rapport explicatif de l'AFF du 13.9.2006 concernant le rapport sur le gouvernement d'entreprise 2006.

Art. 153 LParl. Cf. également: Information et communication des Commissions de gestion des Chambres fédérales, directives des CdG du 22.5.2006.

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Surveillance du Contrôle fédéral des finances (CDF) Les entreprises proches de la Confédération sont également soumises à la surveillance du CDF, organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière. Indépendant, le CDF assiste l'Assemblée fédérale dans l'exercice de sa haute surveillance et le Conseil fédéral dans l'exercice de sa surveillance (art. 1 de la loi sur le contrôle des finances [LCF]34). Les bénéficiaires d'aides financières ainsi que les entreprises dont la Confédération détient plus de 50 % du capital social sont soumises à sa surveillance financière (art. 8 LCF). Le CDF établit un rapport pour chaque contrôle effectué et remet celui-ci à la DélFin. Il communique en outre les manquements ayant une portée fondamentale en matière de gestion aux CdG ou à la DélCdG (art. 14 LCF).

2.2

Pilotage et surveillance de la Poste et de CarPostal

La législation spécifique à chaque entreprise proche de la Confédération est déterminante pour définir les modalités précises du pilotage et de la surveillance exercés sur celle-ci35. Dans le cas de la Poste, celles-ci sont contenues dans la loi sur l'organisation de la Poste (LOP)36. Cette dernière précise que, sauf disposition contraire, la Poste est soumise aux dispositions du code des obligations relatives à la société anonyme (art. 4 LOP).

De 1998 à 2012, la Poste était définie par la loi comme un «établissement autonome de droit public» (art. 2, al. 1, LOP 1997). En juin 2013, suite à l'entrée en vigueur de la LOP révisée, la Poste a été transformée en une société anonyme de droit public, sous la nomination «La Poste Suisse SA»37.

En plus des dispositions légales ci-dessus, l'organisation de la Poste est définie par les statuts de la société et par le règlement d'organisation; ce dernier a été révisé à plusieurs reprises depuis 1998, et sa version actuelle date du 24 septembre 2013.

Conduite et surveillance interne à l'entreprise Les tâches du conseil d'administration de la Poste sont définies par le droit sur la société anonyme (cf. chap. 2.1) et par les règlements internes à l'entreprise. Concrètement, selon la Poste38, le conseil d'administration «assure la haute direction et la haute surveillance des personnes chargées de la conduite des affaires». En outre, il «définit la politique de l'entreprise» et «fixe les objectifs à moyen et long termes du 34 35

36

37

38

Loi fédérale du 28.6.1967 sur le Contrôle fédéral des finances (LCF; RS 614.0).

Cf. art. 8, al. 4, LOGA. Cf. également Müller, Georg / Vogel, Stefan (2009): Haute surveillance de l'Assemblée fédérale sur les entités devenues autonomes qui assument des tâches de la Confédération, avis de droit à l'intention de la CdG-N, p. 10.

Loi fédérale du 17.12.2010 sur l'organisation de La Poste Suisse (Loi sur l'organisation de la Poste, LOP; RS 783.1). Précédemment (du 1.1.1998 au 1.10.2012), l'entreprise était régie par la Loi fédérale du 30.4.1997 sur l'organisation de l'entreprise fédérale de la poste (ci-après LOP 1997).

A noter que les tâches et responsabilités des organes internes de l'entreprise (Conseil d'administration, direction, révision), qui étaient détaillés dans la LOP 1997, n'apparaissent plus dans la loi depuis sa révision en 2012.

La Poste Suisse SA, Rapport financier 2018, p. 66 et suiv.

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groupe, de même que les moyens nécessaires à leur réalisation». Il est régulièrement informé au sujet de la situation financière, des projets, du respect de la planification générale et des directives stratégiques ainsi que de la gestion des risques.

Un comité «Audit, Risk & Compliance», constitué de quatre membres du conseil d'administration39, est «responsable de la création et du développement de structures de surveillance internes appropriées et veille au respect des dispositions légales». Il «évalue [...] régulièrement la gestion des risques de la Poste et approuve le rapport semestriel». Par ailleurs, il «étudie les observations et les recommandations de l'unité Révision du groupe [organe de révision interne] et de l'organe de révision externe et soumet, le cas échéant, les propositions correspondantes du Conseil d'administration»40.

L'unité Révision du groupe, directement subordonnée au conseil d'administration, contrôle entre autres «le respect des prescriptions externes et internes, [...] le respect du principe comptable de l'image fidèle et la gestion des projets»41. La révision externe du groupe Poste (y compris CarPostal) est quant à elle nommée par la Confédération lors de l'assemblée générale. Elle a été assurée de 1998 à 2018 par l'entreprise KPMG SA, puis à partir de 2019 par l'entreprise Ernst&Young (EY) SA.

La direction de la Poste, de son côté, est responsable de la gestion opérationnelle des activités de l'entreprise. La directrice générale ou le directeur général représente la direction du groupe devant le conseil d'administration.

CarPostal Suisse SA, fondée en 2004, est une société anonyme de droit privé, appartenant entièrement à la Poste et soumise à la surveillance du conseil d'administration de l'entreprise. La direction de CarPostal est composée de neuf membres. Son directeur général («Responsable CarPostal») est également président du conseil d'administration de CarPostal et membre de la direction de la Poste42.

De 2004 à 2015, CarPostal Suisse SA constituait une filiale la Poste Suisse SA. A partir de 2016 (suite à la réorganisation «Impresa»), une nouvelle société-mère a été créée (CarPostal Management SA), incluant sept sociétés affiliées43, dont CarPostal Suisse SA. Cette structure de sous-holding a été démantelée entre 2018 et 2019, suite à la révélation des
irrégularités comptables au sein de l'entreprise (cf.

chap. 6.1.10).

Conduite et surveillance par le Conseil fédéral et les départements compétents Selon la loi, la Confédération est actionnaire de la Poste et détient la majorité des voix et des actions (art. 6 LOP). Depuis 2013, au moment de la transformation de la 39

40 41 42

43

Concernant la composition du comité «Audit, Risk & Compliance» et des autres organes de la Poste au cours des années 2007 à 2018, cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 234 et suiv. / 272 et suiv.

La Poste Suisse SA, Rapport financier 2018, p. 67 La Poste Suisse SA, Rapport financier 2018, p. 68.

Depuis 2004, le conseil d'administration de CarPostal a compté entre un et trois membres.

Concernant la composition de la direction et du conseil d'administration de CarPostal au cours des années 2007 à 2018, cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 285 et suiv.

CarPostal Véhicules SA, CarPostal Solutions de mobilité SA, CarPostal Production SA, CarPostal Suisse SA, PubliBike SA, CarPostal France SA, PostAuto Liechtenstein Anstalt AG.

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Poste en une société anonyme de droit public, la Confédération est l'actionnaire unique de l'entreprise. Avant 2013, la Poste était un établissement autonome de droit public et la Confédération ne constituait donc pas un actionnaire de l'entreprise au sens du droit de la société anonyme. Les modalités de la conduite et de la surveillance de la Confédération sont déterminées par la LOP et par le droit de la société anonyme.

Le Conseil fédéral définit tous les quatre ans les objectifs stratégiques de la Confédération en tant que propriétaire de la Poste (art. 7, al. 1, LOP). Le conseil d'administration veille à la mise en oeuvre de ces objectifs stratégiques, établit à l'intention du Conseil fédéral un rapport sur leur réalisation et fournit les informations nécessaires au contrôle (art. 7, al. 3, LOP). Dans les objectifs stratégiques actuels de la Poste44, les dispositions suivantes sont pertinentes en ce qui concerne l'affaire CarPostal: ­

«La Poste offre, dans les secteurs relevant de son activité principale [...], des produits et des prestations de qualité, [...] tout en générant une croissance rentable et en renforçant la rentabilité de l'entreprise [...]» (point 2.2).

­

Dans le domaine du trafic voyageurs, la Poste «consolide sa position de leader du marché et assume des tâches de gestion de systèmes dans le domaine des transports publics (bus) en Suisse; elle peut poursuive ses activités à l'étranger à condition que les risques restent supportables et qu'une rentabilité durable soit garantie» (point 2.5).

­

En termes d'objectifs financiers, le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle soit «créatrice de valeur, tout en garantissant et en augmentant durablement la valeur de l'entreprise, et réalise un rendement conforme à la branche dans tous ses secteurs d'activité» (point 3.1).

­

Les coopérations et prises de participation de la Poste en Suisse et à l'étranger sont autorisées, pour autant qu'elles «renforcent son activité principale en Suisse ou obéissent à une autre forme de stratégie industrielle et qu'[elles] contribuent à réaliser les objectifs stratégiques et à garantir de manière durable la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, ces coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques [...]» (point 5).

En vertu de l'art. 698 CO portant sur les pouvoirs de l'assemblée générale, la Confédération en tant qu'actionnaire unique de la Poste a notamment le droit d'adopter et de modifier les statuts, de nommer les membres du conseil d'administration, de donner décharge aux membres du conseil d'administration et de prendre toutes les décisions qui lui sont réservées par la loi ou les statuts (cf. chap. 2.1).

Dans les faits, c'est la cheffe du DETEC qui représente principalement la Confédération en tant que propriétaire vis-à-vis des instances dirigeantes de la Poste et qui assume la responsabilité politique de conduite et de surveillance de cette entreprise.

44

Objectifs stratégiques assignés à La Poste Suisse SA par le Conseil fédéral pour les années 2017 à 2020 (FF 2017 125). Les dispositions relatives à CarPostal contenues dans les versions précédentes des objectifs stratégiques assignés à la Poste (périodes 2006­2009, 2010­2013, 2013­2016) sont présentées à l'annexe 3.

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Elle est soutenue dans sa tâche par le Secrétariat général du DETEC (SG-DETEC), chargé de la gestion des affaires courantes dans ce domaine45, ainsi que par l'AFF, qui se charge essentiellement des aspects financiers. La cheffe du DETEC et le directeur de l'AFF procèdent à des entretiens trimestriels avec les représentants de l'entreprise, durant lesquels sont abordés la réalisation des objectifs stratégiques et diverses questions d'actualité46. Dans le présent rapport, les termes génériques «le DETEC et l'AFF» ou «le département propriétaire et l'AFF» seront utilisés.

En tant qu'entreprise du groupe Poste, CarPostal est également soumise à la surveillance générale du Conseil fédéral. La Confédération, en sa qualité de propriétaire, n'exerce toutefois pas de contrôle direct sur les filiales, à l'exception des activités pour lesquelles une surveillance spécifique est prévue par la loi (pour CarPostal: surveillance de l'OFT sur le TRV subventionné, cf. ci-après). Au-delà de cet aspect, la surveillance du Conseil fédéral sur CarPostal est exercée de manière indirecte, par l'intermédiaire du conseil d'administration de la Poste (cf. chap. 8.2.2.8).

Surveillance par les unités administratives En parallèle de la surveillance exercée par la Confédération en tant que propriétaire, certains aspects de l'activité de la Poste sont, en vertu de la loi, soumis au contrôle d'unités administratives spécifiques (ci-après: autorités de surveillance sectorielle).

Ainsi, la surveillance des services postaux relevant du service universel est assumée par la PostCom47, tandis que la surveillance des services de paiement relevant du service universel incombe à l'OFCOM48. PostFinance, qui dispose d'une licence bancaire, est en outre soumise aux prescriptions de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Enfin, CarPostal, en tant qu'entreprise du TRV, est placée sous la surveillance de l'OFT pour ses activités subventionnées (cf.

chap. 2.3).

Haute surveillance de l'Assemblée fédérale En vertu de l'art 148, al. 3bis, LParl, le Conseil fédéral adresse au Parlement, chaque année au mois de mars, un rapport sur la réalisation des objectifs stratégiques assignés à la Poste. Ce document, adressé aux CdG et aux CdF, détaille également les propositions du conseil d'administration en vue de l'assemblée
générale (approbation des comptes, utilisation du bénéfice, décharge au conseil d'administration, nominations, etc.). Par ailleurs, le Conseil fédéral indique dans ce rapport s'il approuve les propositions du conseil d'administration et s'il a chargé son représentant à l'assemblée générale d'approuver les propositions du conseil d'administration.

L'atteinte des objectifs stratégiques est abordée par les CdG avec la cheffe du DETEC et le directeur de l'AFF ainsi qu'avec les représentants de la Poste lors

45

46 47 48

Cf. art. 5, al. 2 de l'ordonnance du 6.12.1999 sur l'organisation du DETEC (Org DETEC; RS 172.217.1). Cf. également: Rapport d'experts, évaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.

Objectifs stratégiques assignés à La Poste Suisse SA par le Conseil fédéral pour les années 2017 à 2020 (FF 2017 125), point 7.

Art. 20 et suiv. LPO.

Art. 63 OPO.

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d'une séance organisée courant avril49. Cet échange est également l'occasion de traiter de diverses thématiques d'actualité liées à l'entreprise.

Hormis ces échanges annuels, les CdG ont approfondi ces dernières années, dans le cadre de leurs activités de haute surveillance, diverses thématiques liées à la Poste.

La CdG-N s'est ainsi penchée, entre 2016 et 2017, sur les activités de CarPostal en France (cf. chap. 7). En 2017, elle a abordé avec les représentants de l'OFCOM les résultats d'une évaluation de la loi sur la Poste. La question des tarifs de distribution des journaux et périodiques en abonnement fait également l'objet d'un suivi de la part de la CdG-N.

2.3

Bases légales et surveillance dans le domaine du transport régional subventionné

Les modalités du subventionnement du TRV et de sa surveillance sont réglées dans la loi et l'ordonnance sur le transport de voyageurs (LTV et OTV)50 ainsi que dans l'ordonnance sur l'indemnisation du trafic régional de voyageurs (OITRV)51. Selon la loi, la Confédération et les cantons indemnisent les entreprises de transport pour les coûts du TRV non couverts selon les comptes planifiés (art. 28 LTV).

Les indemnisations du TRV sont soumises aux dispositions de la loi sur les subventions (LSu)52. En vertu de celle-ci, le Conseil fédéral est tenu d'examiner toutes les subventions au moins tous les six ans et de rapporter les conclusions de ces examens à l'Assemblée fédérale (art. 5, al. 1, LSu). La loi précise en outre que «l'autorité compétente édicte les directives applicables à l'établissement des décomptes» et qu'elle «tient compte, ce faisant, des usages propres à la branche» (art. 21 LSu).

L'OFT est chargé de la surveillance dans le domaine des subventions accordées au TRV; il procède à un «examen» et à une «approbation» des comptes qui lui sont soumis chaque année par les entreprises concernées (art. 37, al. 1, LTV) 53. Dans ce cadre, il «vérifie si les comptes sont conformes aux dispositions de la législation et aux conventions sur les contributions et les prêts des pouvoirs publics». Cet examen 49 50

51

52 53

Ces séances ont lieu en présence de membres des sous-commissions compétentes des CdF et des présidents des CTT.

Loi du 20.3.2009 sur le transport de voyageurs (LTV; RS 745.1); Ordonnance du 4.11.2009 sur le transport de voyageurs (OTV; RS 745.11). Avant leur entrée en vigueur en 2010, ce domaine était régi par la loi fédérale du 20.12.1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101).

Ordonnance du 11.11.2009 sur l'indemnisation du trafic régional de voyageurs (OITRV; RS 745.16). Avant son entrée en vigueur en 2010, ce domaine était régi par l'Ordonnance du 18.12.1995 sur les indemnités, les prêts et les aides financières selon la loi sur les chemins de fer (Ordonnance sur les indemnités, OIPAF; RS 742.101.1).

Loi fédérale du 5.10.1990 sur les aides financières et les indemnités (Loi sur les subventions, LSu; RS 616.1).

La mention de «l'examen» et de «l'approbation» a été supprimée de la LTV lors de l'entrée en vigueur, le 1.1.2018, de la loi fédérale du 17.3.2017 sur le programme de stabilisation 2017­2019 (RO 2017 5205; FF 2016 4519): désormais, l'art. 37, al. 1, LTV stipule simplement que «les entreprises qui sont au bénéfice de contributions ou de prêts des pouvoirs publics soumettent leurs comptes annuels à l'OFT avec les justificatifs correspondants».

7001

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sous l'angle du droit des subventions «complète le contrôle du service de révision de l'entreprise» (art. 37, al. 2, LTV).

La loi précise que «l'OFT peut effectuer auprès de l'entreprise des contrôles plus approfondis que celui des comptes sous l'angle du droit des subventions» (art. 37, al. 4, LTV). A cet effet, l'office dispose d'un service de Révision interne au sens de l'art. 11 LCF, qui réalise des audits ponctuels. C'est dans le cadre d'un tel audit que les irrégularités comptables ont été découvertes chez CarPostal.

Les exigences assignées aux entreprises concessionnaires du TRV en matière de comptabilité sont précisées dans l'OITRV ainsi que dans une ordonnance spécifique, édictée par le DETEC (OCEC)54. Les entreprises qui fournissent des prestations de transport indemnisées doivent tenir, outre leurs comptes financiers, une comptabilité analytique séparée sous forme de comptes par secteur (art. 29, al. 1, OITRV). La comptabilité analytique est définie par le DETEC comme «le compte des coûts effectifs, qui sert de base à l'attestation du résultat des différents secteurs d'une entreprise» (art. 2 OCEC). Les coûts et recettes doivent être «justifiés par ligne de manière vérifiable» (art. 29, al. 2, OITRV). La liste des attestations devant être remises par les entreprises à l'OFT en vue de la vérification sous l'angle du droit des subventions est précisée à l'art. 6 OCEC55.

Dans le cas où les dédommagements fournis par la Confédération et les cantons dépassent les dépenses d'un secteur de transport bénéficiant d'indemnités (situation de bénéfice en secteur subventionné), la loi prévoit que l'entreprise affecte cet excédent à une réserve spéciale destinée à couvrir les futurs déficits des secteurs indemnisés (art. 36, al. 2, LTV 56). Depuis l'entrée en vigueur de la LTV en 2010, la loi précise qu'au moins deux tiers de l'excédent doivent être affectés à cette réserve; elle prévoit en outre que si la réserve atteint 25% du chiffre d'affaires annuel des secteurs concernés ou 12 millions de francs, le bénéfice est à la libre disposition de l'entreprise.

Parallèlement à l'OFT, le CDF et les contrôles cantonaux des finances sont également habilités à procéder à ces contrôles ponctuels dans le domaine du TRV subventionné, selon une approche fondée sur les risques57.

54

55 56

57

Ordonnance du DETEC du 18.1.2011 sur la comptabilité des entreprises concessionnaires (OCEC; RS 742.221), édictée en vertu de l'art. 35, al. 1, LTV. Avant son entrée en vigueur en 2011, ce domaine était régi par l'Ordonnance du DETEC du 18.12.1995 concernant la comptabilité des entreprises concessionnaires (ORCO; RS 742.221).

Pour plus de détails relatifs aux prescriptions en matière de comptabilité appliquées à CarPostal, cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 331 et suiv.

Avant l'entrée en vigueur de la LTV en 2010, une telle possibilité était déjà prévue dans la loi fédérale du 20.12.1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101). Celle-ci prévoyait de manière générale que l'excédent provenant de secteurs indemnisés devait être mis «en réserve pour couvrir les futurs déficits» (art. 64, al. 2).

Cf. notamment art. 8 et 16 LCF.

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3

Traitement de l'affaire CarPostal par d'autres organes

Suite à la révélation de l'affaire CarPostal en février 2018, de nombreux organes et de nombreuses autorités se sont penchés sur ce dossier. Dans les mois qui ont suivi, diverses procédures et démarches ont été lancées, portant sur l'entreprise CarPostal elle-même, sur le rôle de conduite et de surveillance des autorités fédérales dans cette affaire ou sur d'autres aspects connexes (système de surveillance du transport régional subventionné, rôle de l'organe de révision externe, gouvernance des entreprises proches de la Confédération, etc.).

Dans le respect du principe de subsidiarité (cf. chap. précédent), la CdG-E s'est régulièrement informée de l'avancée de ces procédures et démarches ainsi que de leurs résultats. Elle a intégré dans son examen les informations pertinentes issues de ces travaux.

La commission présente ci-dessous une vue d'ensemble des principales procédures et démarches réalisées ou en cours. Celles-ci sont ensuite détaillées au fil du rapport (cf. chap. 5 à 8). La CdG-E se limitera à citer, dans son analyse, les éléments présentant une pertinence du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

3.1

Enquête pénale administrative

Le 27 février 2018, le Conseil fédéral a chargé l'Office fédéral de la police (fedpol) de mener une procédure pénale administrative dans le but d'examiner et de juger les irrégularités comptables constatées au sein de CarPostal58. Initialement dirigée contre inconnu, la procédure a été focalisée début 2019 sur certains acteurs clés de l'affaire. Cette enquête est soumise aux mêmes principes qu'une procédure pénale ordinaire. Au moment de l'adoption du présent rapport, la procédure était encore en cours et il n'était pas possible de fournir des indications sur sa durée. Conformément aux dispositions légales, la procédure pénale a la priorité sur les autres enquêtes et audits, notamment en termes d'accès aux documents et aux témoins. Cela a eu une importante influence sur les démarches de la Poste et de la Confédération, mais également de la CdG-E, au cours de l'année 201859.

3.2

Clarifications mandatées par la Poste

Après avoir été informée en novembre 2017 des conclusions de l'OFT, la Poste a confié à la fin de l'année 2017 au cabinet d'avocats Kellerhals Carrard et à la société de révision EY le mandat d'étudier les pratiques comptables de CarPostal entre 2007 et 2015 et d'en établir les responsabilités. En raison de la procédure pénale administrative en cours, la Poste et ses mandataires n'ont toutefois pas été autorisés à inter58 59

CarPostal: fedpol mène la procédure pénale administrative, communiqué de presse du Conseil fédéral, 27.2.2018.

Pour plus de détails concernant la procédure pénale administrative et ses conséquences, cf. chap. 6.1.3. Concernant les démarches de la Poste et du DETEC, cf. chap. 6.

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roger les personnes concernées; l'analyse se base donc uniquement sur l'étude de documents. Le rapport de Kellerhals Carrard a été publié par la Poste au début du mois de juin 2018, accompagné de l'avis d'un groupe d'experts60. Sur la base de ces documents, le conseil d'administration de la Poste et la Confédération ont pris diverses mesures organisationnelles à partir de juin 201861.

3.3

Clarifications mandatées par la Confédération

Un rapport complémentaire, portant sur les responsabilités au sein du conseil d'administration de la Poste durant la période 2016­2018, a été rédigé par Kellerhals Carrard sur mandat du SG-DETEC et de l'AFF, en vue de l'assemblée générale 2018 de l'entreprise62. Différentes clarifications ont également été mandatées par l'OFT ­ en collaboration avec les cantons ­ afin de calculer les montants indûment perçus par CarPostal en vue de leur remboursement63. L'OFT a également chargé la Poste de lui transmettre un rapport relatif aux pratiques comptables de CarPostal avant 2007. Celui-ci a été finalisé en septembre 201864.

3.4

Clarifications relatives à la surveillance de l'OFT

Dans le courant de l'année 2018, des clarifications ont également été lancées concernant le rôle de surveillance de l'OFT dans le domaine du TRV subventionné et l'organisation interne de l'office. Le DETEC a confié à l'entreprise BDO un audit externe portant sur l'organisation, la méthodologie et les ressources mises en oeuvre par l'OFT, dont les résultats lui ont été remis en décembre 201865. En parallèle, l'OFT a planché sur une nouvelle organisation de son système de surveillance du TRV. Sur la base de ces travaux, le Conseil fédéral a approuvé, en mai 2019, un projet visant à adapter et renforcer la surveillance sur les entreprises subventionnées66.

60

61 62 63 64 65 66

Kellerhals Carrard: PostAuto. Untersuchungsbericht zuhanden des Verwaltungsrats der Schweizerischen Post AG, rapport du 31.5.2018 (en allemand uniquement; ci-après «Rapport Kellerhals Carrard»); Donatsch, Andreas / Bachmann, Stephan A. J. / Uhlmann, Felix: PostAuto Schweiz AG. Gutachten erstattet zuhanden Präsident der Schweizerischen Post AG, expertise du 29.5.2018 (en allemand uniquement). Remarque: en raison de l'interdiction qui lui était imposée d'interroger les personnes concernées, la Poste s'est limitée à publier une version partielle de ces rapports. La CdG-E a toutefois pris connaissance de la version intégrale des documents concernés.

Pour plus de détails concernant les démarches de la Poste et du DETEC, cf. chap. 6.1.

Kellerhals Carrard: PostAuto. Zusatzbericht zuhanden des Eigners, rapport du 31.5.2018 (en allemand uniquement; ci-après «Rapport complémentaire Kellerhals Carrard»).

Concernant le calcul des remboursements, cf. chap. 6.1.7.

PostAuto: Analyse Umbuchungen vor 2007. Bericht zuhanden BAV, rapport de la Poste du 5.9.2018. Concernant les clarifications sur la période avant 2007, cf. chap. 6.1.8.

BDO: Audit der subventionsrechtlichen Prüfungen des Bundesamtes für Verkehr (BAV) im regionalen Personenverkehr, rapport du 19.12.2018 (en allemand uniquement) Emploi correct des subventions dans les TP: l'OFT renforce la surveillance, communiqué de presse de l'OFT, 6.5.2019. Pour plus de détails concernant la surveillance de l'OFT, cf. chap. 6.1.14 et 8.1.

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3.5

Audits du Contrôle fédéral des finances

Dans le cadre d'un audit réalisé en 2018, le CDF s'est penché sur la gestion des risques au sein de la Poste, en se focalisant notamment sur les activités des filiales de CarPostal en France et au Liechtenstein. Le rapport du CDF, daté du 8 mars 2019, a été rendu public le 22 mai 201967. Par ailleurs, le CDF a rédigé, de sa propre initiative, un rapport portant sur le respect, par la révision interne de la Poste et le CDF, des obligations légales qui leur revenaient dans le cadre de l'affaire CarPostal; celui-ci n'a pas été publié68.

3.6

Examen de l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision

L'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR), quant à elle, a examiné le rôle de l'entreprise KPMG, qui a assumé entre 1998 et 2018 la fonction de réviseur externe de la Poste et de CarPostal. Début décembre 2018, l'ASR a fait part de ses principales conclusions dans un communiqué de presse 69; le rapport correspondant n'a pas été publié70.

3.7

Travaux du Conseil fédéral sur la gouvernance des entreprises proches de la Confédération

Enfin, dans le sillage de l'affaire CarPostal et d'autres incidents relevés au cours des dernières années (cyberattaque contre RUAG, vol de données chez Swisscom, etc.), le Conseil fédéral a décidé en juin 2018 de soumettre la gouvernance des entreprises proches de la Confédération à un examen externe. Le rapport, rédigé par des experts des universités de Berne, Lausanne et Saint-Gall et de l'entreprise Interface, a été finalisé 26 avril 201971. Le Conseil fédéral a pris connaissance des conclusions des experts le 26 juin 2019, dans le cadre d'une séance spéciale consacrée à la thématique de la gouvernance des entreprises. Le même jour, il a présenté les mesures qu'il avait décidé d'adopter sur la base de l'expertise et a publié cette dernière72.

67

68

69 70 71 72

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019 (en allemand uniquement, résumé en français). Pour plus de détails concernant les démarches du CDF, cf. chap. 6.1.15.

CDF: Bericht an die Finanzdelegation der eidgenössischen Räte betreffend die Erfüllung der gesetzlichen Verpflichtungen durch IR-Post und EFK in der Affäre PostAuto, rapport du 4.2.2019 (en allemand uniquement, non publié).

L'ASR clôt le contrôle visant l'audit financier de CarPostal Suisse SA, communiqué de presse de l'ASR du 4.12.2018 Pour plus de détails concernant les démarches de l'ASR, cf. chap. 6.1.13.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019. La traduction française du rapport est datée du 21 juin 2019.

Le Conseil fédéral adopte des mesures à la suite du rapport d'experts sur le gouvernement d'entreprise, communiqué de presse du Conseil fédéral du 26.6.2019. Pour plus de détails à ce sujet, cf. chap. 6.1.16 et 8.2.

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Enfin, le Conseil fédéral a annoncé à l'été 201973 qu'il travaillait à la rédaction d'un rapport portant sur la stratégie du propriétaire pour les entités de la Confédération devenues autonomes, faisant suite à l'adoption en mars 2019 d'un postulat du Conseiller aux Etats Fabio Abate74.

4

Traitement de l'affaire CarPostal par la CdG-E

4.1

Champ de compétences des CdG et objet du rapport

Dans le cadre de ses travaux relatifs à l'affaire CarPostal, et au vu des nombreuses procédures en cours (cf. chap. 3), la CdG-E a porté une attention particulière à la définition et au respect de son périmètre de compétences.

En application de l'art. 26, al. 1, LParl, les CdG exercent la haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, des tribunaux fédéraux, mais également des autres organes auxquels sont confiés des tâches de la Confédération. À ce titre, les entreprises telles que la Poste entrent donc également dans leur champ de compétences. Dans ce cas, la haute surveillance parlementaire s'exerce en règle générale de manière indirecte; elle consiste essentiellement à examiner comment le Conseil fédéral et les départements contrôlent et pilotent les entreprises en question. Elle est également subsidiaire par rapport à la surveillance exercée par les organes internes de l'entreprise et par la Confédération (cf. chap. 2.1).

Par ailleurs, les CdG exercent leur haute surveillance dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs. Elles ne sont pas autorisées à modifier ou abroger les décisions d'une autorité administrative ou judiciaire, ou à se substituer à ces dernières. Pour cette raison, et au vu de la procédure pénale administrative en cours, la CdG-E ne porte pas d'appréciation, dans le présent rapport, sur les responsabilités individuelles relatives à l'affaire CarPostal, sur les conclusions issues des rapports mandatés par la Poste ou sur l'adéquation des mesures internes prises par l'entreprise au cours des derniers mois. La commission présente ci-après une analyse des faits portés à sa connaissance en tant qu'organe politique chargé de la haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration. Elle se réserve la possibilité d'approfondir certains aspects du dossier et de compléter son appréciation une fois que les démarches judiciaires relatives à CarPostal seront terminées.

Au regard des considérations ci-dessus, la CdG-E a focalisé ses travaux sur les deux questions suivantes: 1

73 74

La surveillance et la conduite exercées par le Conseil fédéral, les départements compétents et les unités administratives compétentes sur la Poste et sur CarPostal ­ avant et après la révélation des irrégularités comptables ­ étaient-elles adéquates? Conformément à son mandat légal, la CdG-E con-

Le Conseil fédéral adopte des mesures à la suite du rapport d'experts sur le gouvernement d'entreprise, communiqué de presse du Conseil fédéral du 26.6.2019.

Po. Abate «Stratégie du propriétaire pour les entités de la Confédération devenues autonomes» du 13.12.2018 (18.4274).

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centrera son examen sur le respect de trois principes: légalité, opportunité et efficacité75.

2

Des enseignements de portée générale peuvent-ils être tirés de ce cas en ce qui concerne la conduite et la surveillance, par le Conseil fédéral, les départements compétents et l'administration fédérale, de la Poste et des autres entreprises proches de la Confédération?

Le présent rapport inclut également un chapitre relatif au cas de CarPostal France.

Les activités de cette filiale font l'objet, depuis de nombreuses années, de diverses questions et critiques. La CdG-N s'est penchée sur ce sujet dès 2016, suite à la publication d'un arrêt du Tribunal de commerce de Lyon. La révélation de l'affaire CarPostal a jeté un nouvel éclairage sur ce dossier. Début juillet 2018, la Poste a admis que la situation financière de ses filiales étrangères avait été présentée de manière incomplète par le passé. Elle a indiqué que, selon le rapport Kellerhals Carrard, il semblait vraisemblable que les bénéfices générés de manière illicite au sein de CarPostal Suisse aient servi à renforcer les activités à l'étranger. La Poste est arrivée à la conclusion que les bénéfices excessifs avaient «contribué au renforcement de la solidité financière» de CarPostal France76. L'entreprise a par la suite annoncé sa volonté de se retirer du marché français du transport de voyageurs. Au vu des questions soulevées par ce cas en termes de conduite des entreprises proches de la Confédération, la CdG-E a décidé de l'inclure dans ses travaux, en se basant sur les démarches préalables de la CdG-N (cf. chap. 7).

4.2

Démarches de la CdG-E

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E77 a été chargée par la commission de procéder aux investigations relatives à CarPostal et de lui rendre compte de ses conclusions. Entre les mois de février 2018 et de septembre 2019, elle a approfondi ce sujet dans le cadre d'une quinzaine de séances, durant lesquelles elle a auditionné vingt-cinq personnes, représentant les principaux acteurs du dossier (cf. liste détaillée en annexe). Le sujet a également été abordé lors des séances d'avril 2018 et 2019 portant sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste78 et des séances des CdG consacrées au rapport de gestion 2017 du Conseil fédéral. A l'issue des auditions, les personnes entendues ont reçu pour vérification les extraits de procès-verbal les concernant.

75 76 77

78

Cf. art. 52, al. 2, LParl.

Présentation incomplète de la situation financière des sociétés étrangères de CarPostal, communiqué de presse de la Poste du 3.7.2018.

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E est composée du Conseiller aux Etats Claude Hêche (président), de la Conseillère aux Etats Géraldine Savary et des Conseillers aux Etats Joachim Eder, Peter Föhn et Werner Luginbühl. L'ancien conseiller national Jürg Stahl, président de la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N jusqu'en juin 2019, a également participé à une partie des séances, à des fins de coordination.

Lors d'une séance réalisée chaque année au mois d'avril, les CdG abordent l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste, des CFF, de Swisscom et de Skyguide avec les représentants des départements compétents et des entreprises concernées. Ces séances ont lieu en présence de membres des sous-commissions compétentes des CdF et des présidents des CTT.

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La sous-commission s'est en outre adressée à plusieurs reprises par écrit au DETEC, au conseil d'administration de la Poste, à l'OFT et à d'autres organes, en leur soumettant diverses questions. Elle a également pris connaissance de nombreux documents et rapports établis durant cette période79. La CdG-E remercie l'ensemble des acteurs concernés pour leur collaboration.

Dans le cadre de ses travaux, la CdG-E a suivi de manière régulière l'évolution des différentes procédures en cours au sujet de CarPostal (cf. chap. 3 et 6); elle a auditionné à plusieurs reprises les représentants des organes concernés, leur a adressé des questions écrites et a pris connaissance de leurs conclusions et/ou remarques. La commission a accordé une attention particulière aux questions de coordination et de délimitation des compétences, afin de s'assurer que les démarches ne génèrent pas de doublons et que les responsabilités légales et les prérogatives de chaque organe soient respectées.

Par ailleurs, en ce qui concerne CarPostal France, la sous-commission a pris connaissance de divers documents issus des travaux de la CdG-N au cours des années 2016 et 2017, qui lui ont été gracieusement transmis par la commission.

Sur la base des informations collectées, la commission a décidé d'élaborer un rapport afin de rendre compte des faits à sa connaissance et de ses conclusions. Le projet de rapport a été soumis à consultation auprès des entités concernées (correction d'erreurs formelles et matérielles, remarques quant à la publication d'informations sensibles). Lors de sa séance du 12 novembre 2019, la CdG-E a ensuite examiné et approuvé la version finale du rapport, y compris les recommandations et interventions parlementaires qu'il contient, et a transmis celui-ci au Conseil fédéral.

Lors de cette même séance, elle a décidé de rendre public ce rapport.

5

Résultats de l'examen de la CdG-E: Période précédant la révélation de l'affaire CarPostal

Ci-après, la CdG-E présente les résultats des clarifications qu'elle a menées depuis février 2018 au sujet de l'affaire CarPostal. Dans le respect de son champ de compétences (cf. chap. 4.1), la commission a concentré ses travaux sur la conduite et la surveillance exercées par le Conseil fédéral, le DETEC et les unités administratives compétentes sur CarPostal au cours des dernières années. Pour son analyse, la CdGE distingue deux phases: la période précédant la révélation de l'affaire CarPostal (2007 à 2017, chap. 5) et la période suivant cette révélation (2018 et 2019, chap. 6).

Pour chacune de ces périodes, la commission présente les faits pertinents portés à sa connaissance, ainsi que son appréciation du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

Les chapitres 5 et 6 se concentrent sur les éléments directement en lien avec le cas concret de CarPostal. Les enseignements plus généraux tirés de cette affaire sont, quant à eux, présentés dans un chapitre séparé (chap. 8).

79

L'ensemble des documents consultés sont cités en note de bas de page au fil du rapport.

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Dans la première partie de son analyse (chap. 5), la CdG-E prend en compte les faits qui lui sont connus à partir de 2007, ce qui correspond à la période examinée par l'OFT dans le rapport ayant révélé les irrégularités comptables chez CarPostal80. Sur la base de clarifications réalisées en 2018, la Poste est arrivée à la conclusion que les pratiques comptables illégales au sein de CarPostal remonteraient à 2004 déjà 81.

Néanmoins, au vu de la qualité insuffisante des données disponibles, il n'a pas été possible de procéder à un examen approfondi de la période avant 2007 (cf.

chap. 6.1.8).

La commission rappelle que la période couverte par ce chapitre fait actuellement l'objet d'une procédure pénale administrative menée par fedpol (cf. chap. 6.1.3).

Dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, la CdG-E n'émet ci-après aucune appréciation concernant d'éventuelles responsabilités individuelles liées à l'affaire CarPostal, que cela soit au sein de la Poste, des autorités fédérales ou de tout autre acteur concerné. La commission se réserve la possibilité de compléter son appréciation une fois que les conclusions de la procédure pénale administrative seront connues.

Excursus:

Rappel des principaux faits connus concernant les irrégularités comptables chez CarPostal Suisse SA (état: fin septembre 2019)82

Dans le cadre d'une révision ordinaire dont les résultats ont été publiés en février 2018, l'OFT a constaté que CarPostal avait réalisé, entre 2007 et 2015, des bénéfices plus élevés que ceux déclarés officiellement dans le secteur du transport par bus (TRV) indemnisé, et que ces bénéfices avaient été transférés vers d'autres secteurs, par le biais de manipulations comptables illégales.

Selon la loi, CarPostal est tenue de remettre à l'OFT, chaque année, un décompte des coûts et recettes réalisés par l'entreprise dans le secteur du TRV indemnisé, sous la forme d'une comptabilité analytique (cf. chap. 2.3). Celle-ci constitue une information importante au moment de négocier les indemnités futures.

Les clarifications menées au printemps 2018, notamment par Kellerhals Carrard sur mandat de la Poste83, ont montré que la comptabilité remise annuellement par CarPostal à l'OFT incluait une période comptable supplémentaire (nommée 80 81 82

83

Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018.

PostAuto: Analyse Umbuchungen vor 2007. Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018 (en allemand uniquement).

Sources principales: Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018; Rapport Kellerhals Carrard; L'enquête externe et l'expertise confirment un comportement fautif inacceptable.

Le Conseil d'administration de la Poste en tire les conséquences, communiqué de presse de la Poste du 11.6.2018 (annexe: Aperçu de l'exposé des faits).

Il convient de préciser que les clarifications menées par Kellerhals Carrard sur mandat de la Poste présentent plusieurs limites. En raison de la priorité de la procédure pénale menée par fedpol, l'analyse de Kellerhals Carrard s'est limitée aux documents collectés avant mars 2018. Les auteurs ont ainsi été dans l'impossibilité de vérifier la plausibilité des informations collectées et de garantir aux individus concernés le droit d'être entendus.

Cela a eu pour conséquence que diverses personnes citées dans le rapport ont contesté son contenu. Pour plus de détails à ce sujet, cf. chap. 6.1.4.

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«Période 15»), invisible pour l'office, dans laquelle de nombreuses manipulations comptables étaient effectuées, visant à transférer le bénéfice des secteurs indemnisés vers d'autres secteurs.

Ces manipulations comptables ont eu pour conséquence que, dans la comptabilité d'exploitation de CarPostal, le bénéfice réel n'était pas inscrit sous le domaine TRV, mais sous la rubrique «Autres». La démarche a englobé un nombre important d'enregistrements comptables directs et indirects (environ 200 000), dans le cadre desquels des coûts fictifs ­ par exemple des coûts jamais encourus pour des pneus ­ ont été portés au débit du domaine TRV et figuraient en contrepartie comme recettes sous la rubrique «Autres». Ainsi, le bénéfice présenté aux commanditaires était artificiellement réduit dans le domaine TRV, et CarPostal pouvait percevoir des indemnités excessivement élevées.

Entre 2007 et 2015, CarPostal a déclaré des bénéfices annuels à l'OFT pour un montant total de 16 millions de francs environ (cf. annexe 4). Les calculs réalisés par la Confédération et les cantons courant 2018 ont montré que l'entreprise avait, durant la même période, dissimulé des bénéfices à hauteur 90,5 millions de francs environ par le biais des manipulations comptables. Des clarifications complémentaires ont en outre montré que des transferts injustifiés avaient eu lieu dans le secteur des trafics commandé et local à hauteur de 16,6 millions de francs environ (cf. chap. 6.1.7).

Les clarifications de Kellerhals Carrard ont montré que la direction de CarPostal ainsi qu'une partie de la direction générale de la Poste étaient vraisemblablement au courant des pratiques comptables illégales réalisées au sein de CarPostal.

Début 2013, CarPostal a été chargée par la direction de la Poste de mener à bien un projet visant à préserver les bénéfices de la filiale. L'entreprise a alors conçu une nouvelle structure, baptisée «Impresa», prévoyant la création de différentes sous-sociétés pour CarPostal (cf. chap. 5.1.6). Cette structure, introduite le 1er janvier 2016, devait servir à dissimuler les bénéfices réalisés par le biais de facturations internes au sein des sous-sociétés de CarPostal: elle prévoyait que CarPostal Suisse SA achète des prestations à d'autres sociétés du groupe CarPostal à des prix excessifs. Cette démarche devait
permettre de reporter sur les autres filiales le bénéfice réel de CarPostal Suisse SA sans avoir à procéder à des transferts fictifs. C'est suite à l'entrée en vigueur de cette restructuration que l'OFT a procédé à la révision ordinaire ayant mené à la révélation de l'affaire CarPostal.

Le montant des bénéfices réalisés dans le cadre de cette nouvelle structure pour les années 2016 à 2018 a été estimé à 54,3 millions de francs (cf. chap. 6.1.7).

Tant le rapport de révision de l'OFT que les clarifications de Kellerhals Carrard se sont limités à la période allant de 2007 à 2015, en raison de la prescription des faits antérieurs. Des clarifications complémentaires menées par la Poste ont néanmoins montré que des transferts illégaux avaient eu lieu à partir de 2004 déjà chez CarPostal. En raison de la mauvaise qualité des données disponibles, il n'a néanmoins pas été possible pour l'instant de déterminer les raisons ayant motivé l'introduction de ce système (cf. chap. 6.1.8).

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5.1

Les faits: conduite et surveillance des autorités fédérales sur CarPostal

5.1.1

2007 à 2015: Contrôles de l'OFT selon le droit des subventions

Les informations à disposition de la CdG-E84 montrent que l'OFT, en sa qualité d'organe de surveillance sur les entreprises du TRV, a procédé régulièrement, entre 2007 et 2015, à des contrôles des comptes de CarPostal selon le droit des subventions ainsi qu'à des contrôles approfondis ponctuels85. Dans ce cadre, l'office a transmis à CarPostal diverses demandes de précisions et corrections concernant les décomptes et les offres de l'entreprise. Ces demandes portaient notamment sur la justification de provisions, le taux de rémunération des fonds propres, les amortissements négatifs ou encore la délimitation des frais de gestion86. Dans un rapport publié en février 2012 par exemple, l'OFT a déploré le manque de transparence du système de frais de gestion de la Poste et a formulé des recommandations à ce sujet87. Selon les informations de l'OFT, entre 2007 et 2011, l'office aurait exigé des corrections auprès de CarPostal pour un montant total de 13,7 millions de francs 88.

De manière générale, les informations collectées par la CdG-E montrent que l'OFT et les cantons ont été régulièrement confrontés, durant les années sous revue, à des difficultés dans leurs négociations avec CarPostal dans le domaine du TRV subventionné; les offres soumises par l'entreprise étaient souvent surévaluées et devaient être examinées de manière critique par les commanditaires (Confédération et cantons)89.

Les travaux de révision de l'OFT durant cette période n'ont toutefois pas permis de mettre à jour le système de comptabilisations illégales de l'entreprise. Dans le cadre d'un examen approfondi réalisé en 2010, l'office est ainsi arrivé à la conclusion que les décomptes de lignes de CarPostal dans le domaine du TRV subventionné étaient correctement établis et n'a constaté aucun subventionnement croisé 90.

5.1.2

2011: Echange du DETEC et de l'AFF avec la Poste au sujet des objectifs de CarPostal

A l'occasion de l'entretien trimestriel du 8 septembre 2011 entre le DETEC et l'AFF (représentants de la Confédération en tant que propriétaire) et la Poste, les représentants de l'entreprise ont signalé que CarPostal était confrontée «à des exigences divergentes» entre, d'un côté, la législation sur le transport régional de voyageurs prévoyant un rendement proche de zéro dans le domaine du TRV subventionné et, de l'autre, les objectifs stratégiques du Conseil fédéral, visant une augmenta84 85 86 87 88 89 90

Pour plus de détails, cf. notamment rapport Kellerhals Carrard, consid. 1067 et suiv.

Pour les bases légales pertinentes concernant ces contrôles, cf. chap. 2.3.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1076 ss.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1080.

Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018, p. 11.

Cf. notamment chap. 5.1.3.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1077-1078.

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tion de la valeur de l'entreprise et des rendements conformes à la branche91.

L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E que le département avait alors «envisagé une éventuelle adaptation des objectifs stratégiques dans le domaine du transport de voyageurs»92. A la connaissance de la CdG-E, cette option est toutefois restée lettre morte, les objectifs stratégiques n'ayant pas été fondamentalement modifiés au cours des années ayant suivi.

Début novembre 2019, de nouvelles informations ont été publiées dans la presse au sujet de la séance du 8 septembre 2011. Certains médias ont affirmé que, lors cette séance, la direction du DETEC avait été informée des pratiques comptables illégales au sein de CarPostal93. Les articles concernés font mention à ce propos d'un graphique présentant les bénéfices réalisés par les différentes sections cantonales de CarPostal. La CdG-E s'est renseignée auprès du DETEC quant au contenu des documents présentés lors de ladite séance. Le DETEC a informé la commission que le graphique en question ne figurait pas dans les documents présentés le 8 septembre 2011 et qu'il provenait vraisemblablement d'une présentation interne à l'entreprise, réalisée en juin 201194. Les informations à disposition de la commission ne permettent donc pas de constater, en l'état actuel, que le DETEC avait été informé en septembre 2011 des pratiques comptables illicites de CarPostal, ou que des indices flagrants à ce sujet lui auraient été transmis. La CdG-E continuera néanmoins d'approfondir ce point. Elle se réserve la possibilité d'adapter son appréciation ultérieurement, dans le cas où de nouveaux éléments déterminants seraient portés à sa connaissance, notamment après l'issue de la procédure pénale en cours.

A la connaissance de la CdG-E, les activités de CarPostal n'ont par la suite plus été abordées par le DETEC et l'AFF lors de leurs entretiens trimestriels avec la Poste jusqu'en août 2017 (cf. chap. 5.1.7), à l'exception de la séance spéciale du 26 novembre 2012 en présence de l'OFT (cf. chap. 5.1.5) et de certaines discussions concernant CarPostal France (cf. chap. 7).

5.1.3

2011/2012: Signalements des autorités cantonales à l'OFT

En juillet 201195, la Conférence des directeurs cantonaux des transports publics (CTP) a adressé une lettre à l'OFT portant sur la situation financière de CarPostal.

La CTP y soulignait que l'entreprise avait réalisé d'importants bénéfices au cours des années précédentes et en concluait que les cantons et la Confédération lui avaient versé des contributions trop élevées. La CTP déplorait en outre l'absence de

91 92 93

94 95

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018. Cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 433 ss.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

«PostAuto-Bschiss: UVEK-Spitze war über Gewinne im Bild». In: Blick, 9.11.2019; «PostAuto-Bschiss: Bundesrätin Doris Leuthard handelte nicht». In: Blick, 9.11.2019; «Doris Leuthard gerät in den Strudel der Postauto-Affäre». In: Tages Anzeiger, 11.11.2019.

E-Mail du SG-DETEC à la CdG-E du 11.11.2019 Lettre de la CTP à l'OFT du 5.7.2011. Cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 426.

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réaction de l'OFT et le manque de transparence de CarPostal concernant les bénéfices réalisés dans les régions.

Dans sa réponse96, l'OFT a affirmé que les montants avancés par la CTP n'étaient pas corrects, et que le bénéfice de CarPostal avait été largement réduit à partir de 2010. L'office a souligné qu'il procédait régulièrement à des contrôles auprès de l'entreprise et que des réformes légales avaient été mises en oeuvre afin de renforcer la transparence du financement des transports publics. L'OFT a fait valoir que les cantons disposaient de tous les instruments légaux nécessaires afin de mener des négociations avec CarPostal et qu'il était de leur responsabilité d'en faire usage. Il en a conclu qu'il n'y avait pas de nécessité d'agir de son point de vue.

En juillet 2012, quatre cantons ont adressé une lettre à l'OFT97, afin de faire part de leur mécontentement au sujet des offres soumises par CarPostal en vue de l'année 2013. Dans leur lettre, les cantons concernés déploraient la hausse des tarifs ainsi que le manque de transparence de l'entreprise, ne permettant pas une vérification détaillée des offres. Ils indiquaient que, de leur point de vue, CarPostal réclamait aux pouvoirs publics des indemnités excessives pour le TRV, qui contribuaient «sans doute à subventionner des secteurs non indemnisés». Les quatre cantons requérants priaient l'OFT d'exiger la remise de la comptabilité financière de CarPostal et de faire valoir son droit d'examiner la gestion de toute l'entreprise.

Dans sa réponse du 20 août 201298, l'OFT a indiqué aux cantons qu'il avait demandé à CarPostal de lui remettre un certain nombre d'informations complémentaires et que des corrections avaient été exigées dans les offres soumises par l'entreprise.

L'office a indiqué que, de son point de vue, la hausse des indemnités demandées par CarPostal était compréhensible dans une certaine mesure, mais que celle-ci devait être compensée par «des gains d'efficience, des synergies et des produits supplémentaires» au sein de l'entreprise.

5.1.4

2012: Nouveaux objectifs stratégiques de la Poste

Le 14 décembre 2012, le Conseil fédéral a adopté les objectifs stratégiques assignés à la Poste pour les années 2013 à 201699. Sur le fond, ceux-ci ne présentaient pas de changement majeur concernant CarPostal par rapport à la version précédente 100. Les passages pertinents des objectifs stratégiques, dans leurs différentes versions, sont présentés à l'annexe 3.

96 97 98

Lettre de l'OFT à la CTP du 12.9.2011. Cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 427 ss.

Lettres des cantons du Jura, de Neuchâtel, de Berne et de Vaud à l'OFT du 20.7.2012.

Lettre de l'OFT aux cantons du Jura, de Berne, de Neuchâtel, de Vaud et à CarPostal du 20.8.2012.

99 Objectifs stratégiques assignés à La Poste Suisse SA par le Conseil fédéral de 2013 à 2016 (FF 2012 8999) 100 Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral de 2010 à 2013 (FF 2010 395)

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5.1.5

2012 à 2014: Signalements du Surveillant des prix

En 2012, dans le cadre d'un examen sur le prix des billets de transports publics en Suisse, le Surveillant des prix a relevé de grandes différences entre les bénéfices présentés par CarPostal dans ses comptes annuels établis selon les standards internationaux et le décompte remis par l'entreprise à l'OFT selon le droit des subventions.

Peu satisfait par les explications fournies par CarPostal suite à ses demandes de précisions, le Surveillant des prix s'est adressé à l'OFT dès novembre 2012101.

Dans ce contexte, une réunion a eu lieu le 26 novembre 2012 entre l'OFT et une délégation de la Poste et de CarPostal, en présence de représentants du SG-DETEC et de l'AFF. A cette occasion, le DETEC, l'AFF et l'OFT ont précisé à la Poste «qu'un rendement proche de zéro [...] s'appliqu[ait] au transport régional de voyageurs subventionné» et qu'aucun bénéfice n'était attendu dans ce domaine102.

Selon le DETEC, suite à cette réunion, «rien n'indiquait que la Poste n'était toujours pas au clair quant aux prescriptions des commanditaires et aux objectifs stratégiques du Conseil fédéral. Le sujet n'a donc plus figuré à l'ordre du jour d'un rapport ultérieur de la Poste»103. L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E que CarPostal ne pouvait plus ignorer, à partir de cette date, que ses pratiques ne correspondaient pas à la loi104.

Entre novembre 2012 et août 2013, divers échanges ont eu lieu entre le Surveillant des prix, l'OFT et CarPostal au sujet des bénéfices de l'entreprise. Lors d'une réunion organisée le 6 mars 2013 avec des représentants de l'OFT et de CarPostal, le Surveillant des prix a soulevé différentes questions à ce sujet, afin que «l'ensemble des acteurs disposent de la même base d'informations»105. D'autres contacts ont suivi avec l'office en avril et mai 2013. Le Surveillant des prix souhaitait «s'assurer que la question des bénéfices [de CarPostal] apparaisse sur le radar de l'OFT»106.

Dans un rapport interne rédigé à l'été 2013, le Surveillant des prix est arrivé à la conclusion que la responsabilité primaire concernant la clarification des bénéfices de CarPostal revenait à l'OFT107. Il a continué à s'informer régulièrement auprès de l'office de l'avancée des travaux à ce sujet, entre novembre 2013 et octobre 2014.

La question de CarPostal n'a ensuite plus fait l'objet d'échanges
entre le Surveillant des prix et l'office jusqu'en 2017108.

Face à la CdG-E, le Surveillant des prix a déploré le manque de transparence et de coopération auquel il avait été confronté de la part de la Poste dans le cadre de ses 101 102 103 104 105

106 107 108

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018. Cf. également rapport Kellerhals Carrard, consid. 449 ss. et 1082 ss.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018, audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018 (trad. de l'allemand). Selon le rapport Kellerhals Carrard (consid. 1091), les montants mis en évidence par le Surveillant des prix pour l'année 2011 lors de cet entretien correspondaient largement aux montants des manipulations comptables effectivement réalisées par CarPostal en 2011.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018 (trad. de l'allemand).

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

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travaux, estimant que l'entreprise avait fait preuve d'une résistance active et délibérée109. Il a précisé qu'il avait dû recourir à des mesures exceptionnelles afin de mener ses clarifications à bien (lettre personnelle à la directrice de la Poste, ouverture d'une procédure formelle contre l'entreprise)110.

Interrogé sur les suites données par l'OFT aux signalements du Surveillant des prix, le DETEC a indiqué que l'office avait adressé plusieurs questions à CarPostal au cours de l'année 2013, portant sur la compensation des frais de gestion et de licence ainsi que sur les différences de bénéfices constatées par le Surveillant des prix111. Il a également précisé que ces signalements avaient mené l'OFT à examiner les charges d'intérêt pour l'achat de véhicules de CarPostal, débouchant en 2015 sur une nouvelle méthode de calcul des taux d'intérêt pour les offres de l'entreprise112.

5.1.6

2013 à 2015: Elaboration du projet «Impresa»

Dès mars 2013 ­ soit après les interventions du Surveillant des prix et des cantons113 ­ CarPostal a planché sur une réorganisation de sa structure et de ses flux financiers, dans le but, selon les recherches de Kellerhals Carrard, de dissimuler les bénéfices générés illégalement par l'entreprise114. Le modèle retenu, baptisé «Impresa», prévoyait la création de diverses sous-sociétés de CarPostal (système de sousholding115) ainsi qu'une imputation des coûts entre les sociétés sur la base de prix de transferts116. L'entreprise KPMG ­ qui occupait alors la fonction de réviseur externe de la Poste ­ a été impliquée dans l'élaboration de ce modèle par le biais de prestations de conseil.

Par lettre du 31 mars 2014117, CarPostal a informé l'OFT de la réorganisation prévue et a invité l'office à prendre position à ce sujet. Dans sa réponse du 15 mai 2014 118, l'OFT a indiqué que CarPostal était libre de déterminer son organisation et qu'il n'était pas de la responsabilité de l'office d'approuver une telle restructuration. Il a toutefois souligné que l'entreprise était tenue de respecter la LTV et les dispositions légales relatives à la comptabilité des entreprises concessionnaires. L'OFT a également fait part de son scepticisme quant à l'impact de la création de filiales supplémentaires en termes d'efficacité et de coûts; il a souligné l'importance de la transparence et de la traçabilité financière et a laissé entendre qu'il procéderait à des 109 110 111 112 113 114 115

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 451 ss.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 468 ss.

Une nouvelle société-mère a été créée (CarPostal Management SA), incluant sept sociétés affiliées: CarPostal Véhicules SA, CarPostal Solutions de mobilité SA, CarPostal Production SA, CarPostal Suisse SA, PubliBike SA, CarPostal France SA, PostAuto Liechtenstein Anstalt AG. Cf. à ce sujet rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018, chap. 2.3.2.

116 Prix de transfert: facturation de biens et services entre les sociétés d'un même groupe, en l'occurrence la Poste.

117 Lettre de CarPostal à l'OFT du 31.3.2014.

118 Lettre de l'OFT à CarPostal du 15.5.2014; cf. également lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018 et rapport Kellerhals Carrard, consid. 534.

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contrôles à cet effet. Dans la même lettre, l'office a reconnu que les objectifs stratégiques du Conseil fédéral assignés à la Poste119 entraient en conflit avec les prescriptions de la LTV; il a précisé que, de son point de vue, la réorganisation de CarPostal permettrait d'éliminer cette divergence120. Par lettre du 16 juin 2014, l'entreprise a affirmé à l'OFT que la nouvelle structure permettrait une amélioration de l'efficacité et a assuré que les prescriptions légales seraient respectées 121.

La restructuration a été approuvée par la direction de la Poste le 19 novembre 2014.

Elle n'a pas nécessité de validation formelle du conseil d'administration, dans la mesure où son impact financier était inférieur à 10 millions de francs 122. Les grandes lignes du projet avaient néanmoins été présentées préalablement au comité «Organisation, Nomination & Remuneration» du conseil d'administration lors de sa séance du 22 avril 2014123. La nouvelle organisation est entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E que le projet «Impresa» n'avait à l'époque pas été abordé lors des entretiens trimestriels avec le propriétaire. Du point de vue du DETEC, cela est conforme aux principes du gouvernement d'entreprise de la Confédération, selon lequel «le Conseil fédéral [...] n'exerce aucune influence sur les décisions opérationnelles de l'entreprise» telles que la structure organisationnelle d'un secteur d'activité124. L'ancienne cheffe du DETEC a par ailleurs indiqué que les échanges entre la Confédération et l'entreprise à cette époque étaient majoritairement consacrés à une autre thématique particulièrement complexe, à savoir la transformation de la Poste en une société de droit privé 125.

5.1.7

2015 à 2017: Examen approfondi de l'OFT

Suite à l'annonce de la nouvelle structure «Impresa», l'OFT a décidé en 2015 de procéder à un examen approfondi en vertu du droit des subventions, portant sur le modèle de sous-holding mis en place chez CarPostal. Selon les représentants de l'office, la réorganisation de l'entreprise avait éveillé des soupçons; leur attention a également été attirée par des «marges bénéficiaires irréalistes apparues dans le domaine des activités annexes»126. Le service de révision interne de l'OFT a été mandaté pour réaliser ce contrôle, portant sur l'année 2016 (premier exercice du modèle «Impresa»). L'ouverture de cet examen a été annoncée à la Poste le 2 septembre 2016127.

119 120 121 122 123 124 125 126 127

La CdG-E part du principe qu'il s'agit en particulier des objectifs stratégiques portant sur la croissance et la rentabilité de l'entreprise.

Lettre de l'OFT à CarPostal du 15.5.2014.

Lettre de CarPostal à l'OFT du 16.6.2014.

Auditions des représentants de la Poste, séances du 2.7.2018 et du 17.10.2018 Rapport Kellerhals Carrard, consid. 532 ss.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

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Les informations en possession de la CdG-E montrent que le DETEC, en tant que département propriétaire, n'a pas été informé en 2015 et 2016 des soupçons portés par l'OFT contre CarPostal.

Dans le cadre de ses travaux de révision, l'OFT a été rapidement confronté à des problèmes d'accès aux informations, la Poste refusant d'accorder à l'office un droit de regard sur les nouvelles sous-sociétés de CarPostal, à l'exception de CarPostal Suisse SA128. A partir de novembre 2015, le comité «Audit, Risk & Compliance» du conseil d'administration de la Poste a traité de cette question à plusieurs séances, en refusant systématiquement de donner suite aux demandes d'accès de l'OFT129. Le blocage a persisté jusqu'à l'automne 2017 (cf. plus bas).

Les représentants de l'office ont indiqué à la CdG-E que la Poste avait mis d'importants moyens en oeuvre pour empêcher l'accès aux données de ses soussociétés; l'entreprise a notamment eu recours à son service juridique ainsi qu'à des conseillers externes et a justifié sa pratique par des avis de droit auxquels l'OFT n'a jamais eu accès. Les demandes de contacts avec la révision interne de la Poste ont été refusées130.

Par lettre du 14 août 2017, l'OFT a fait part à la directrice de la Poste de ses soupçons portant sur des subventionnements croisés illégaux pour l'exercice 2016 au sein de CarPostal et a souligné les problèmes d'accès aux informations auxquels il était confronté131. Dans leur réponse du 23 août 2017, la directrice de la Poste et le directeur de CarPostal ont assuré que le modèle financier de CarPostal était conforme à la loi132. La lettre de l'OFT a été mentionnée lors de la séance du comité «Audit, Risk & Compliance» du conseil d'administration du 28 août 2017133.

En parallèle, le DETEC a été informé, lors du rapport d'office du 21 août 2017 avec l'OFT, de la problématique de l'accès de l'OFT aux données de CarPostal.

L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E qu'elle avait alors fait part de ses critiques et qu'elle avait personnellement invité la directrice de la Poste à coopérer134. Suite à cette intervention, l'entreprise a assuré l'OFT de sa pleine collaboration et les documents souhaités ont été livrés.

Face à la CdG-E, le président du conseil d'administration de la Poste a admis que le refus de l'entreprise de livrer les documents
souhaités durant ces années n'était pas admissible et que la collaboration de la Poste avec l'OFT avait présenté un dysfonctionnement. Il a annoncé que l'entreprise tirerait les leçons de ce cas135. De son côté, l'ancienne cheffe du DETEC a souligné que la Poste avait, après l'intervention du département, pleinement coopéré aux investigations136. Elle a également indiqué à la commission que le SG-DETEC et l'AFF n'avaient, de leur côté, pas été confrontés à 128 129 130 131 132 133 134 135 136

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018. Cf. également rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018, chap. 3.2.

Cf. notamment rapport Kellerhals Carrard, consid. 543 ss.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 554.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 555.

Rapport complémentaire Kellerhals Carrard, consid. 160 ss.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.4.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

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des situations où la Poste n'aurait pas fourni les informations demandées dans les délais et que le département n'avait par conséquent «pas envisagé des mesures visant à améliorer la collaboration avec la Poste»137.

L'examen approfondi de l'OFT a mis en évidence que les surfacturations entre les sous-sociétés de CarPostal avaient permis de dissimuler illégalement un bénéfice de l'ordre de 15 millions de francs durant l'année 2016138. Sur cette base, l'office a ensuite procédé à une analyse approfondie de la comptabilité de CarPostal pour l'année 2015, puis pour les années 2007 à 2014. Il est arrivé à la conclusion que l'entreprise avait dissimulé illégalement, durant la période examinée, des bénéfices à hauteur de 107 millions de francs, en procédant à des modifications comptables de grande ampleur139. Le rapport final de la Révision OFT a été transmis à la Poste 140 en date du 14 novembre 2017 pour prise de position. Le même jour, en vertu de la LCF, un exemplaire du rapport a été transmis au CDF, qui a informé à son tour le Conseil fédéral et la DélFin. Les CdG n'ont par contre été informées que lors de la publication du rapport final de l'OFT, le 6 février 2018.

5.1.8

2007 à 2017: Activités de surveillance du Contrôle fédéral des finances

Dans le cadre de ses travaux, la CdG-E s'est également penchée sur les activités de surveillance exercées par le CDF sur CarPostal durant la période concernée. Face à la commission, les représentants du CDF ont indiqué que le dernier audit portant sur la Poste remontait à l'année 2010141. Ils ont reconnu que la surveillance exercée par le Contrôle des finances sur les entreprises proches de la Confédération avait été faible par le passé142. Ils ont toutefois souligné qu'après une nouvelle évaluation des risques, le CDF avait décidé en 2014 de se focaliser davantage sur ces entreprises. A ce titre, un nouvel audit de la Poste était prévu pour 2018, portant sur la thématique des risques pour le propriétaire; suite à la révélation de l'affaire CarPostal, cet examen a été étendu à des aspects supplémentaires143.

Courant 2018, le CDF a mené de sa propre initiative une analyse interne afin de déterminer si la révision interne de la Poste et le CDF lui-même avaient rempli, dans le cas de l'affaire CarPostal, les obligations qui leur revenaient selon la LCF. Le

137 138 139 140

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018, chap. 3.

Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018, chap. 3.

Le président du conseil d'administration de la Poste a indiqué que c'est à cette occasion qu'il avait été informé pour la première fois de la présence de transferts comptables illégaux au sein de CarPostal; auparavant, il avait été uniquement question de soupçons d'infractions à la loi sur les subventions (audition du 2.7.18).

141 Audition des représentants du CDF, séance du 24.4.2018; cet audit portait sur le «Business continuity management» de la Poste.

142 Audition des représentants du CDF, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

143 Audition des représentants du CDF, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

Concernant l'audit de 2018, cf. également chap. 6.1.15 et 7.2.

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rapport présentant ses conclusions, daté du 4 février 2019144, montre que des échanges annuels réunissant le CDF et le service de révision interne de la Poste se sont tenus entre 2007 et 2016, mais que le CDF n'a exercé qu'une surveillance restreinte sur l'entreprise durant cette période. Il n'a notamment pas systématiquement évalué les rapports qui lui étaient remis et a renoncé à réclamer auprès de l'entreprise certains documents manquants145. Par ailleurs, il n'a pas rempli, durant quelques années, son devoir d'évaluation périodique de l'efficacité du service de révision interne de la Poste, prévu par l'ancien art. 11, al. 2, LCF146. Le rapport relève également que le CDF a présenté à la Poste une très généreuse interprétation en ce qui concernait le devoir d'annonce de l'entreprise, laissant une grande marge de manoeuvre à cette dernière147. Néanmoins, selon le CDF, les documents qui lui ont été fournis par la Poste durant cette période n'ont jamais présenté d'indices faisant état de problèmes de grande ampleur au sein de l'entreprise148.

Dans son rapport, le CDF formule également différentes critiques concernant le rôle du service de révision interne de la Poste. L'analyse du CDF est toutefois vivement contestée par l'ancienne cheffe du service concerné149. La CdG-E renonce à approfondir cet aspect pour le moment, dans la mesure où celui-ci fait potentiellement l'objet de la procédure pénale administrative en cours. Elle examinera l'opportunité d'approfondir cet aspect dans le cadre du contrôle de suivi de la présente inspection.

5.2

Appréciation

Ci-après, la CdG-E présente son appréciation relative à la surveillance exercée par les autorités fédérales compétentes (DETEC, AFF, OFT et CDF) sur CarPostal entre 2007 et 2017. Les conclusions de portée générale tirées de cette période et portant sur toutes les entreprises proches de la Confédération sont présentées au chap. 8. Les renvois aux recommandations correspondantes sont présentés entre parenthèses au fil du texte.

Pour autant que la CdG-E ait pu le constater, le Conseil fédéral, en tant qu'autorité de surveillance et de conduite suprême de la Poste, n'a été informé que le 14 novembre 2017 par le CDF de problèmes spécifiques relatifs à CarPostal (cf. chap. 6.1.1).

144

145 146

147

148 149

CDF: Bericht an die Finanzdelegation der eidgenössischen Räte betreffend die Erfüllung der gesetzlichen Verpflichtungen durch IR-Post und EFK in der Affäre PostAuto, rapport du 4.2.2019 (en allemand uniquement, non publié). La CdG-E souligne que, dans ce rapport, le CDF présente une critique de sa propre pratique; cet examen ne peut donc pas être considéré comme l'équivalent d'une analyse externe indépendante. Les éléments contenus dans ce rapport doivent par conséquent être considérés avec une certaine prudence.

Rapport du CDF du 4.2.2019 (non publié), chap. 3.1.

Depuis la dernière révision de la LCF (entrée en vigueur le 1.1.2018), les services de révision interne des entreprises proches de la Confédération ne sont plus soumis aux disposition de l'art. 11 LCF.

Rapport du CDF du 4.2.2019 (non publié), chap. 3.1, audition des représentants du CDF du 24.4.2018. En novembre 2011, le CDF a communiqué à la Poste que, de son point de vue, le service d'audit interne de l'entreprise n'était pas considéré comme un service de révision au sens de l'ancien art. 11 LCF et était donc délié des droits d'annonce visà-vis du CDF.

Rapport du CDF du 4.2.2019 (non publié), chap. 3.1.

Rapport du CDF du 4.2.2019 (non publié), chap. 2.

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Au vu de la procédure pénale en cours, la CdG-E ne porte pas d'appréciation, dans le présent chapitre, sur le détail des pratiques comptables au sein de la Poste et de CarPostal durant les années 2007 à 2017. Sur le plan général, la commission tient toutefois à souligner qu'elle déplore au plus haut point les agissements illégaux constatés au sein de l'entreprise. De son point de vue, il est incompréhensible que ceux-ci aient pu survenir et perdurer durant de nombreuses années sans être décelés par les instances de surveillance internes ou externes de l'entreprise et signalés au propriétaire. Une telle situation est inacceptable, en particulier de la part d'une entreprise dont la Confédération constitue l'actionnaire unique, et qui est par là soumise à un devoir élevé d'exemplarité. La CdG-E attend de la Poste qu'elle prenne toutes les mesures nécessaires, tant sur le plan du personnel que de l'organisation ­ en particulier une fois les résultats de la procédure pénale connus ­ pour qu'un tel cas ne se reproduise jamais à l'avenir. La commission salue les premières mesures prises par l'entreprise (cf. notamment chap. 6.1.10).

5.2.1

Surveillance exercée par l'OFT selon le droit des subventions

Une question centrale de l'affaire CarPostal, de l'optique de la haute surveillance parlementaire, est de savoir si l'OFT, en tant qu'autorité chargée de la surveillance sur CarPostal dans le domaine du TRV subventionné, a agi de manière adéquate entre 2007 et 2017. La CdG-E a en particulier examiné si l'office aurait pu ­ ou dû ­ déceler les irrégularités comptables de l'entreprise plus tôt.

Appréciation des acteurs du dossier Dans son rapport mandaté par la Poste, le bureau Kellerhals Carrard estime que divers éléments, aisément détectables, auraient dû attirer l'attention de l'OFT sur la situation financière de CarPostal, au moins à partir de l'année 2011150. Kellerhals Carrard critique également le fait que l'examen approfondi mené par l'OFT en 2010 n'ait pas permis de déceler les pratiques comptables illicites et que l'office n'ait pas réagi plus rapidement suite aux interventions du Surveillant des prix en 2012/2013151. Face à la CdG-E, les représentants de Kellerhals Carrard ont affirmé que, de leur point de vue, l'office avait manqué d'esprit critique, n'avait pas approfondi certaines questions de manière suffisamment tenace et avait laissé beaucoup de temps s'écouler avant d'étudier la situation de CarPostal sur le fond. Ils ont indiqué qu'ils n'avaient toutefois pas relevé d'indices d'une inactivité volontaire de la part de l'OFT152.

La CdG-E a abordé ces aspects avec les représentants de l'OFT. Ceux-ci ont fait valoir que le système de falsification comptable mis en place par CarPostal était particulièrement raffiné, qu'il avait été conçu précisément pour que l'office ne 150

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1103 ss. (non publiés). Kellerhals Carrard estime notamment que les comptes de CarPostal établis selon les standards internationaux et les décomptes rendus à l'OFT selon le droit des subventions (tous deux à disposition de l'office) présentaient depuis 2010 des différences non explicables.

151 Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1103 ss. (non publiés).

152 Audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2019.

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puisse pas le déceler, et qu'il aurait été impossible de le mettre à jour sans procéder à un examen approfondi des finances de l'entreprise153. Ce dernier point est partagé par le Surveillant des prix, qui a rappelé que la Poste avait freiné de manière active toutes les démarches de clarification à ce propos154. Contrairement aux affirmations de Kellerhals Carrard, l'OFT estime que les pratiques comptables illicites n'auraient pas pu être décelées plus tôt, et que l'office a lancé des examens approfondis dès qu'il a eu connaissance d'indices de transferts de bénéfices, en 2015, ce qui a finalement mené à la révélation de l'affaire CarPostal; l'office considère qu'en ce sens, les contrôles ont fini par déployer leurs effets155.

La CdG-E a examiné si les interventions des cantons et du Surveillant des prix, entre 2011 et 2013, avaient été traitées de manière adéquate par l'OFT. Interrogé à ce sujet, l'office a indiqué qu'il avait pris celles-ci tout à fait au sérieux, mais que les clarifications entreprises sur cette base n'avaient pas permis de déceler les fausses déclarations de la Poste156. Le DETEC a également présenté à la CdG-E les démarches entreprises par l'OFT en 2013 et les années suivantes157. Face à la commission, les représentants de l'office ont reconnu que, a posteriori, on peut relever certains indices dans les lettres du Surveillant des prix et que le sujet aurait sans doute dû être approfondi davantage. Ils ont toutefois fait valoir que les questions soulevées à l'époque par celui-ci concernaient avant tout des aspects de détail158.

Le Surveillant des prix, de son côté, a indiqué à la commission qu'il était parti du principe, en 2013, que l'OFT prendrait ce dossier en main, et que cela avait en effet été le cas par la suite. Il a adressé un «éloge particulier» à l'OFT pour la révélation des pratiques comptables frauduleuses de CarPostal, estimant que lui-même n'aurait jamais pu procéder à de telles investigations159. Il a précisé qu'il n'était pas en mesure de déterminer s'il aurait été possible de mettre à jour ce système plus tôt160.

L'OFT a également rappelé qu'il avait explicitement précisé aux dirigeants de l'entreprise, en novembre 2012 ­ soit après la première intervention du Surveillant des prix ­ qu'un rendement proche de zéro était attendu dans le domaine du TRV
subventionné, et qu'il était parti du principe que cette exigence serait respectée 161.

De manière plus générale, les représentants de l'office ont indiqué qu'ils considéraient à l'époque la Poste comme un partenaire de confiance et que l'entreprise avait fourni des réponses qui semblaient convaincantes à toutes les demandes qui lui avaient été transmises162. Le Surveillant des prix a lui aussi souligné qu'une fraude d'une telle ampleur semblait alors impensable et qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'une entreprise entièrement en mains de la Confédération agisse de la sorte. De 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018; note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018. Cf. également chap. 5.1.5.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019. Cf. également chap. 5.1.5.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

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son point de vue, le fait que l'OFT ait accordé une grande confiance à la Poste est typique d'une structure de surveillance sectorielle, dans laquelle l'autorité de contrôle et l'entreprise contrôlée entretiennent des échanges étroits et réguliers dans différents domaines (concernant l'indépendance de l'OFT vis-à-vis des entreprises surveillées, cf. chap. 8.1.1.)163.

Le fait que cinq ans se soient écoulés entre les signalements du Surveillant des prix (2012) et l'achèvement de l'enquête de l'OFT (2017) s'explique, selon l'office, par la réorganisation alors en cours au sein de la Poste et par les difficultés d'accès aux informations164. Le Surveillant des prix a également évoqué les capacités limitées des autorités de surveillance, ne leur permettant pas d'examiner toutes les entreprises subventionnées avec la profondeur souhaitée165.

Les représentants de l'OFT ont en outre précisé qu'il n'était pas de la responsabilité de l'office, en tant qu'autorité de surveillance sur le TRV subventionné, de détecter des actes délictueux au sein de la comptabilité de CarPostal ou de vérifier que celleci était établie conformément aux standards en vigueur, mais que cette tâche revenait à la Poste et à son service de révision externe. Le fait que l'office procède, selon le droit des subventions, à une «approbation» des comptes aurait été mal interprété par les entreprises de révision, qui en auraient déduit que l'office procédait systématiquement à des contrôles approfondis, ce qui n'était pas le cas. L'OFT a exprimé sa surprise quant au fait que le système comptable illicite de CarPostal ait pu perdurer durant plus de dix ans sans qu'aucun réviseur de la Poste ne pose de questions à ce propos166.

Sur mandat du DETEC, l'entreprise BDO a procédé courant 2018 à un examen du système de surveillance de l'OFT dans le domaine du TRV subventionné. Celui-ci a mis en évidence divers manquements structurels de ce système 167: il a notamment montré que les ressources de l'office ne permettaient pas de procéder à des contrôles autant approfondis que souhaité, que les compétences des collaborateurs devaient être renforcées ou encore que la répartition des responsabilités au sein des sections de l'office pouvaient mener à des conflits d'intérêt (cumul de tâches de commande de prestations du TRV et de surveillance sur ces
dernières).

Les enseignements tirés de l'affaire CarPostal par le DETEC et l'OFT concernant la surveillance sur le TRV ont été abordés à plusieurs reprises par la CdG-E avec les entités concernées. Début mai 2019, sur proposition de l'office, le Conseil fédéral a approuvé un projet de réorganisation de la surveillance de l'OFT, prévoyant notamment l'abandon de l'approbation des comptes des entreprises, une nouvelle organisation de la section compétente et le renforcement des ressources de l'office 168. Face à 163 164 165 166

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018. Le rôle de l'entreprise KPMG, qui officiait alors en tant que réviseur externe de la Poste, a été examiné par l'ASR suite à la révélation de l'affaire CarPostal (cf. à ce sujet chap. 6.1.13).

167 BDO: Audit der subventionsrechtlichen Prüfungen des Bundesamtes für Verkehr (BAV) im regionalen Personenverkehr, rapport du 19.12.2018 (en allemand uniquement) 168 Emploi correct des subventions dans les TP: l'OFT renforce la surveillance, communiqué de presse de l'OFT, 6.5.2019. Pour plus de détails sur les mesures prises, cf. chap. 6.1.14 et 8.1.

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la presse, le directeur de l'OFT a admis que l'office avait trop longtemps détourné le regard dans l'affaire CarPostal169.

L'OFT a néanmoins indiqué à la CdG-E que la non-découverte des falsifications comptables durant plusieurs années n'était de son point de vue pas liée à des erreurs individuelles au sein de l'office et qu'il n'était par conséquent pas prévu de prendre de sanctions spécifiques en matière de personnel170.

Les clarifications de la CdG-E ont également montré que la répartition des responsabilités de surveillance entre les autorités cantonales et fédérales dans le domaine du TRV n'était visiblement pas définie de manière suffisamment claire171, ce qui pourrait avoir contribué à un affaiblissement de la surveillance sur CarPostal (cf. à ce propos chap. 8.1.2).

Appréciation de la CdG-E En préambule, la CdG-E tient à rappeler qu'en vertu de la loi et des principes de la gouvernance d'entreprise de la Confédération, c'est aux organes de la Poste (direction, conseil d'administration, révision interne et externe) que revient la responsabilité primaire de contrôle sur les affaires de l'entreprise et de respect des prescriptions légales par cette dernière (cf. chap. 2.1 et 2.2). Par conséquent, ce sont avant tout ces derniers qui avaient le devoir de procéder aux examens requis vis-à-vis de CarPostal.

Dans ce contexte, la commission déplore au plus haut point que la Poste ainsi que ses services de révision interne et externe n'aient pas identifié et signalé au propriétaire le système d'irrégularités comptables illégales chez CarPostal, ce d'autant plus qu'il avait été communiqué à l'entreprise de manière claire et à plusieurs reprises qu'un rendement proche de zéro était attendu dans le domaine du TRV subventionné. La CdG-E renonce à établir une appréciation plus détaillée concernant les responsabilités à l'interne de la Poste, sachant que cet aspect dépasse le cadre de son inspection et que la procédure pénale administrative à ce propos est encore en cours.

L'OFT, en sa qualité d'autorité de surveillance sur le TRV subventionné, n'a qu'une responsabilité subsidiaire de contrôle sur les activités de CarPostal; il intervient en complément des organes internes de l'entreprise et du service de révision externe et n'est pas censé se substituer à ces derniers. La CdG-E rappelle par ailleurs
que l'OFT a rempli ­ bien que tardivement ­ son rôle légal, puisque c'est lui qui, suite à l'annonce du modèle «Impresa» en 2015, a procédé à des vérifications approfondies, qui ont permis de révéler l'affaire CarPostal. La commission considère que les pratiques illégales n'auraient sans doute pas été décelées sans l'intervention de l'office.

La commission peine toutefois à comprendre pourquoi l'OFT n'a pas accordé plus tôt une attention renforcée aux activités financières de CarPostal. Selon le rapport Kellerhals Carrard, certains indices comptables auraient dû attirer l'attention de l'office à ce sujet, ce que l'OFT conteste. La commission n'est pas en mesure de 169 170 171

Eine Aufsicht, die keine war. In: Basler Zeitung, 7.5.2019.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Auditions de l'OFT, séances du 14.11.2018 et du 27.3.2019; lettres de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018, du 12.3.2019 et du 29.5.2019; lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

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trancher cette question de manière définitive. Néanmoins, elle estime que les signalements des cantons et du Surveillant des prix auraient dû mener l'office à lancer un examen approfondi de CarPostal au moins à partir de 2011­2012. Cela se justifie d'autant plus que l'OFT et les cantons avaient été confrontés, au cours des années précédentes, à des difficultés répétées dans le cadre de leurs négociations avec l'entreprise.

Les informations de la CdG-E laissent penser que l'office s'est, à différentes occasions, contenté des réponses qui lui étaient fournies par la Poste et s'est montré peu curieux dans ce dossier. Pour la commission, cet exemple montre que l'OFT devrait accorder, à l'avenir, davantage de poids aux signalements qui lui sont transmis par d'autres autorités actives dans le domaine du TRV, en développant par exemple un système de monitorage spécifique (cf. recommandation 4, chap. 8.1.1).

La CdG-E constate également que l'OFT a, à certaines occasions, présenté une position ambiguë par rapport aux agissements de CarPostal. Ainsi, dans sa lettre du 15 mai 2014 relative au projet «Impresa», l'office a souligné que l'entreprise était tenue de respecter les dispositions légales pertinentes et a fait part de son scepticisme quant à la création de filiales supplémentaires; dans le même temps, il a toutefois indiqué que, de son point de vue, la réorganisation proposée permettrait d'éliminer le conflit d'objectifs auquel CarPostal était confronté. La CdG-E peine à comprendre les raisons de cette dernière affirmation, qui a pu être interprétée par l'entreprise comme une validation de sa stratégie.

Par ailleurs, la CdG-E estime que les flux d'informations entre l'OFT en tant qu'autorité de surveillance sectorielle sur CarPostal et le DETEC en tant que représentant du propriétaire de la Poste ont été insuffisants (cf. chap. 5.2.2).

Malgré tout, la CdG-E reconnaît que l'OFT a procédé, durant la période sous revue, à plusieurs clarifications ayant mené à des corrections des comptes de l'entreprise; elle constate aussi qu'aucune période d'inactivité prolongée de la surveillance de l'office n'est à relever entre 2007 et 2015. Par ailleurs, en l'état actuel, aucun indice n'indique que l'OFT aurait volontairement fermé les yeux sur les pratiques frauduleuses de CarPostal. Divers autres éléments doivent aussi relativiser les critiques quant à la réaction tardive de l'OFT: ­

A plusieurs reprises, tant l'office que le département ont précisé à la Poste et à CarPostal qu'un rendement proche de zéro s'appliquait dans le domaine du TRV subventionné. Ils pouvaient donc, de bonne foi, partir du principe que ces règles seraient respectées. La question politique de la pertinence des dispositions légales relatives aux bénéfices dans le TRV peut certes être posée (cf. chap. 8.1.3 et postulat 5); toutefois, le cadre légal de l'époque ne laissait aucune place au doute à ce propos. Les faits à la connaissance de la CdG-E montrent que CarPostal était conscient des prescriptions en vigueur et a délibérément oeuvré à contourner celles-ci.

­

Durant plusieurs années, la Poste a refusé d'accorder aux autorités de surveillance de la Confédération ­ OFT et Surveillant des prix ­ un accès aux données issues de ses filiales, n'a fourni que des réponses minimales et a tenté activement d'empêcher ces autorités de procéder aux contrôles prévus par la loi. Du point de vue de la commission, une telle situation est inadmis-

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sible. La commission attend du Conseil fédéral qu'il s'assure que de tels blocages ne se reproduisent plus à l'avenir au sein des entreprises proches de la Confédération et que les autorités de surveillance sectorielle bénéficient d'un accès aux informations dont elles ont besoin pour exercer leur mandat légal (cf. recommandation 15, chap. 8.2.3.2).

­

A l'époque, la Poste jouissait d'une bonne image; selon l'office, il n'y avait aucune raison fondamentale de remettre en cause le bien-fondé des informations qui lui étaient fournies. La CdG-E est également d'avis que l'on devrait pouvoir partir du principe que les entreprises proches de la Confédération présentent un comportement exemplaire. Elle estime toutefois qu'un contrôle effectif et régulier constitue un pendant indispensable au principe de confiance. La commission est d'avis que l'indépendance et l'esprit critique des autorités de contrôle vis-à-vis des entreprises surveillées doivent être renforcés à l'avenir (cf. recommandation 4, chap. 8.1.1).

Le rapport mandaté par le DETEC auprès de BDO (cf. chap. 6.1.14) a montré que l'OFT n'était visiblement pas en mesure, au vu des ressources à sa disposition, des délais restreints qui lui étaient imposés et de la conception du système de surveillance sur le TRV en vigueur à l'époque, d'analyser de manière approfondie la comptabilité de toutes les entreprises subventionnées172. La CdG-E estime malgré tout que l'office aurait dû mieux prioriser ses activités de surveillance en fonction des risques, en procédant de manière plus régulière à des contrôles approfondis des entreprises bénéficiant des subventions les plus importantes, telles que CarPostal. En outre, la commission relève que l'office et les entreprises de TRV avaient visiblement une vision différente de l'«approbation des comptes» réalisée par l'OFT au sens de l'art. 37, al. 1, LTV. De son point de vue, il est particulièrement important que des précisions soient apportées afin de garantir une interprétation claire et uniforme de la législation sur le TRV à l'avenir (cf. recommandation 4, chap. 8.1.1).

La CdG-E a pris connaissance avec satisfaction des mesures décidées début mai 2019 par le Conseil fédéral suite à l'affaire CarPostal afin d'améliorer la surveillance de l'OFT sur le TRV subventionné (pour une présentation détaillée de ces mesures, cf. chap. 6.1.14). Dans l'ensemble, elle estime que celles-ci vont dans la bonne direction. Elle formule néanmoins quelques remarques ponctuelles en vue de leur mise en oeuvre (cf. chap. 8.1.1) et suivra étroitement l'introduction du nouveau système. Pour la commission, il est indispensable que celui-ci puisse empêcher qu'un tel cas ne se reproduise à l'avenir.

Le rapport mandaté par le DETEC auprès de BDO a mis en évidence les manquements liés au système de surveillance de l'office, mais n'a pas approfondi la question d'éventuels manquements liés aux personnes actives au sein de l'OFT entre 2007 et 2015. L'office a indiqué à la commission qu'il ne jugeait pas nécessaire de prendre des mesures en termes de personnel en son sein suite à l'affaire CarPostal. Il n'a toutefois pas indiqué comment il était parvenu à cette conclusion, et quelles démarches ou réflexions avaient été menées à ce propos à l'interne de l'office suite à la révélation de l'affaire. De manière générale, la commission a constaté que l'office 172

BDO: Audit der subventionsrechtlichen Prüfungen des Bundesamtes für Verkehr (BAV) im regionalen Personenverkehr, rapport du 19.12.2018 (en allemand uniquement).

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était peu enclin à examiner ses responsabilités passées et qu'il préférait se concentrer sur une amélioration du système de surveillance pour l'avenir.

Il ne revient pas à la CdG-E de porter une appréciation quant à d'éventuelles responsabilités individuelles au sein de l'office, en raison notamment de la procédure pénale encore en cours. La commission estime néanmoins que de plus amples clarifications doivent être menées. A ce titre, elle attend du Conseil fédéral qu'il mandate ­ dès que les résultats de la procédure pénale administrative seront connus ­ une enquête externe afin de retracer la manière dont la surveillance sur la comptabilité de CarPostal a été effectuée par l'OFT au cours des années 2007 à 2015 et de déterminer si des manquements sont à attribuer au personnel de l'office (unités chargées de l'approbation des comptes et service de révision interne de l'OFT, notamment).

Postulat 1:

Enquête externe relative à la surveillance exercée par l'OFT sur CarPostal entre 2007 et 2015

Une fois la procédure pénale administrative relative à l'affaire CarPostal close, le Conseil fédéral est chargé de mandater une enquête externe afin de retracer la manière dont la surveillance sur la comptabilité de CarPostal a été exercée par l'OFT au cours des années 2007 à 2015 et de déterminer si des manquements sont à attribuer au personnel de l'office. Il présentera les résultats de cette enquête dans un rapport et déterminera, sur cette base, la nécessité de prendre des éventuelles sanctions ou mesures.

La commission souhaite par ailleurs saluer le travail d'enquête mené par le Surveillant des prix entre les années 2011 et 2013; elle relève en particulier la pertinence des questions soulevées par ce dernier auprès de l'OFT et de la Poste. Du point de vue de la commission, l'intervention du Surveillant des prix a joué un rôle déterminant dans la mise à jour de l'affaire CarPostal. Elle invite le Conseil fédéral et l'ensemble des unités administratives compétentes à accorder aux signalements du Surveillant des prix une attention renforcée à l'avenir.

Enfin, la surveillance exercée par l'OFT sur CarPostal entre 2007 et 2015 soulève, du point de vue de la commission, différentes questions d'ordre général, concernant les ressources et compétences de l'office en matière de surveillance sur le TRV, les relations entre l'autorité de contrôle et les entreprises surveillées ou encore la répartition des compétences de surveillance entre les autorités fédérales et cantonales dans ce domaine. Ces aspects sont abordés au chapitre 8.1.

5.2.2

Conduite et surveillance exercées par le DETEC et l'AFF en tant que représentants du propriétaire

Les objectifs stratégiques assignés à la Poste constituent l'un des principaux instruments de conduite de la Confédération vis-à-vis de l'entreprise (cf. chap. 2.1). Or, l'affaire CarPostal a mis en évidence que la Poste était confrontée depuis de nombreuses années à un conflit d'objectifs entre, d'un côté, les dispositions de la législation sur le TRV, interdisant tout bénéfice dans le domaine des transports subven7026

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tionnés et, de l'autre, les objectifs stratégiques de l'entreprise, exigeant une augmentation de la valeur de l'entreprise et des rendements conformes à la branche.

Cette contradiction d'objectifs a été portée par la Poste à la connaissance du DETEC et de l'AFF à partir de 2011 au moins. Le DETEC a indiqué à la CdG-E qu'il avait alors «envisagé une éventuelle adaptation des objectifs stratégiques dans le domaine du transport de voyageurs». Cette option est toutefois restée sans suites, les objectifs stratégiques n'ayant pas été fondamentalement modifiés depuis lors. La commission ne comprend pas et critique vivement que le DETEC et l'AFF n'aient pas, à l'époque, approfondi davantage cette question.

Certains médias ont affirmé que le DETEC avait été informé, en septembre 2011, des pratiques comptables illégales au sein de CarPostal. En l'état actuel des choses, les informations à disposition de la commission ne permettent pas de confirmer ce constat (cf. chap. 5.1.2). La CdG-E continuera néanmoins d'examiner ce point. Elle se réserve la possibilité d'adapter son appréciation ultérieurement, dans le cas où de nouveaux éléments déterminants seraient portés à sa connaissance, notamment après l'issue de la procédure pénale en cours.

La CdG-E relève que le fait qu'un rendement proche de zéro était attendu au sein du TRV subventionné a été précisé à plusieurs reprises par le DETEC, l'AFF et l'OFT à la Poste, notamment lors de l'entretien de novembre 2012. En ce sens, il était de la responsabilité de l'entreprise de respecter cette limitation prévue par la loi, même si celle-ci allait à l'encontre de sa logique entrepreneuriale.

La commission constate que le conflit d'objectifs auquel est confronté CarPostal perdure actuellement; dans les faits, la filiale est toujours censée présenter une valeur croissante, tout en étant interdite de bénéfices. La CdG-E prie par conséquent le Conseil fédéral d'adapter dès que possible les objectifs stratégiques de la Poste concernant CarPostal. Elle l'invite en particulier à examiner les options suivantes: premièrement délier CarPostal de l'obligation d'augmenter la valeur de l'entreprise ou de réaliser un rendement conforme à la branche, ou deuxièmement ancrer explicitement dans les objectifs stratégiques le fait qu'un rendement proche de zéro est attendu dans le domaine subventionné.

Recommandation 1:

Adaptation des objectifs stratégiques de la Poste concernant CarPostal

Le Conseil fédéral est invité à adapter dès que possible les objectifs stratégiques de la Poste concernant CarPostal. Dans ce cadre, il est invité en particulier à examiner les options suivantes: délier CarPostal de l'obligation d'augmenter la valeur de l'entreprise ou de réaliser un rendement conforme à la branche, ou ancrer explicitement dans les objectifs stratégiques le fait qu'un rendement proche de zéro est attendu dans le domaine subventionné.

De manière plus générale, la CdG-E estime que le Conseil fédéral devrait procéder à un examen politique de fond afin d'examiner s'il serait opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné. Il est en outre prié d'examiner si l'interdiction de réaliser des bénéfices dans les secteurs subventionnés ne devrait pas être précisée de manière expli7027

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cite au niveau de la loi ou dans les objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération concernées (cf. postulat 5, chap. 8.1.3). Enfin, l'identification et le traitement des conflits d'objectifs auxquels sont confrontées les entreprises revêt un rôle central pour la commission (cf. recommandation 6, chap. 8.2.2.4) La problématique du cumul des rôles, au sein du DETEC, entre une unité exerçant le rôle de propriétaire face à la Poste (SG-DETEC) et une unité exerçant la surveillance sur CarPostal en tant qu'entreprise du TRV subventionné (OFT) a été soulevée suite à l'affaire CarPostal. Dans le cadre de ses clarifications concernant la période 2007­ 2017, la CdG-E n'a toutefois pas eu connaissance de situations fondamentalement problématiques liées à cette structure (conflits d'intérêts majeurs ou prises d'influence de la part du département sur l'office). La commission a constaté que les deux unités étaient conscientes de leurs rôles mutuels et respectaient ceux-ci.

Les clarifications de la commission montrent par contre que la coordination et les flux d'information entre l'OFT et le SG-DETEC concernant CarPostal n'ont pas été suffisants au cours de la période sous revue. L'OFT ­ qui ne participe pas aux entretiens trimestriels avec la Poste ­ n'a visiblement pas été informé de l'échange ayant eu lieu en 2011 entre le SG-DETEC, l'AFF et la Poste au sujet du conflit d'objectifs de CarPostal173. A l'inverse, l'OFT n'a selon toute évidence pas fait suffisamment part au SG-DETEC des difficultés auxquelles il était confronté dans le cadre des négociations avec CarPostal ou de ses soupçons concernant la nouvelle structure «Impresa». En outre, il a fallu près d'une année pour que le SG-DETEC soit averti des problèmes d'information de l'OFT dans le cadre de son enquête sur CarPostal.

La commission estime que le SG-DETEC aurait dû être avisé rapidement de ces sujets afin de les aborder dans le cadre des entretiens trimestriels avec la Poste.

La commission est consciente de l'importance d'une distinction claire entre les unités chargées d'assumer le rôle de propriétaire vis-à-vis des entreprises (en l'occurrence le SG-DETEC et l'AFF) et celles assurant des tâches de surveillance sectorielle (en l'occurrence l'OFT). Elle estime toutefois que ces deux rôles sont complémentaires et qu'un flux
d'informations régulier entre les unités concernées est indispensable pour garantir une conduite et une surveillance adéquate sur l'entreprise. Lorsque les autorités de surveillance sectorielles sont confrontées à des situations problématiques dans les entreprises, elles devraient en avertir les autorités représentant le propriétaire dans les plus brefs délais.

Dans le cas de CarPostal, la commission considère que la distinction entre les rôles de surveillant et de propriétaire a été interprétée de manière trop rigoureuse par l'OFT et le DETEC et que cela a contribué à un affaiblissement de la surveillance sur la Poste. De son point de vue, l'OFT, en tant qu'unité du DETEC, devrait faire part à la direction du département des constatations importantes qu'il recueille dans le cadre de son activité de surveillance, afin que le DETEC et le Conseil fédéral disposent des informations nécessaires pour représenter les intérêts de la Confédération en tant que propriétaire de la Poste.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les échanges entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les offices chargés de la surveillance 173

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

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sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération, de l'autre, soit renforcés (cf. recommandation 14, chap. 8.2.3.1). La commission souhaite en outre que le Conseil fédéral consulte à l'avenir les autorités de surveillance sectorielle lors du renouvellement des objectifs stratégiques des entreprises (cf. recommandation 7, chap. 8.2.2.4) et qu'il inclue, en annexe de son rapport annuel sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, un chapitre présentant les principales informations qui lui ont été communiquées par les autorités de surveillance sectorielle (cf. recommandation 14, chap. 8.2.3.1).

Le DETEC et l'AFF ont indiqué qu'ils n'avaient pas été confrontés, dans le cadre de leur mandat de propriétaire, à des problèmes d'accès aux informations issues de la Poste, contrairement à l'OFT. La commission souligne que ces unités n'avaient pas de raison fondamentale de mettre en doute la probité de l'entreprise, au vu de leur coordination limitée avec l'OFT à ce sujet à l'époque. Au vu des manquements identifiés dans le cas de CarPostal (notamment en lien avec CarPostal France, cf. chap. 7), elle estime malgré tout que le Conseil fédéral devrait définir de manière plus précise quelles informations issues des entreprises proches de la Confédération doivent être transmises aux départements propriétaires et à l'AFF (cf. recommandation 8, chap. 8.2.2.5).

Enfin, pour la CdG-E, à l'exemple du projet «Impresa», la question se pose de savoir dans quelle mesure la Confédération, en tant que propriétaire, devrait être informée des réorganisations effectuées au sein des entreprises dont elle est propriétaire, et à partir de quel degré de telles réorganisations revêtent un caractère stratégique (cf. recommandation 5, chap. 8.2.2.2).

De manière plus générale, la CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il examine, une fois que la procédure pénale administrative relative à l'affaire CarPostal sera achevée, la manière dont la surveillance sur CarPostal a été exercée par le DETEC, avec le soutien de l'AFF, au cours des années 2007 à 2015, et qu'il détermine sur cette base si des mesures sont nécessaires. La commission renonce à formuler une recommandation à ce sujet dans l'immédiat, mais abordera cette question avec le Conseil fédéral à l'issue de la procédure pénale administrative.

5.2.3

Surveillance exercée par le CDF

Les informations portées à la connaissance de la CdG-E montrent que le CDF a, en tout cas jusqu'en 2014, exercé une surveillance limitée sur la Poste, en ne remplissant que partiellement le mandat qui lui revenait au sens de la LCF (cf. chap. 2.1 et 5.1.8). La commission déplore vivement cette situation. Elle peine en particulier à comprendre pourquoi le CDF n'a pas analysé de manière systématique les documents qui lui étaient remis, n'a pas exigé les documents manquants et n'a procédé à aucun audit de l'entreprise durant une période de huit ans. Elle ne peut pas exclure qu'une activité de contrôle plus étroite du CDF aurait permis de déceler plus tôt les pratiques comptables illicites chez CarPostal. La commission n'a toutefois relevé aucun indice d'une inactivité volontaire de la part du CDF. Elle prend note de l'autocritique effectuée par le CDF quant à ses agissements passés; elle estime

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toutefois que cet examen, réalisé par le CDF lui-même, doit être considéré avec le recul nécessaire.

La commission salue le fait que CDF ait revu sa stratégie de contrôle vis-à-vis de la Poste à partir de 2014. Elle attend du CDF qu'il applique à l'avenir une pratique régulière et homogène en ce qui concerne le contrôle des entreprises proches de la Confédération, et qu'il remplisse entièrement le mandat qui lui est confié par la loi.

Elle suivra, au cours des années à venir, l'évolution des activités du CDF dans ce domaine.

La CdG-E regrette que le CDF ne l'ait pas informée, lorsqu'il en a pris connaissance en novembre 2017, des résultats de l'enquête de l'OFT relative à CarPostal. La commission constate néanmoins qu'une telle situation ne devrait plus survenir à l'avenir. Par courrier du 5 mars 2018, les deux CdG ont en effet prié le CDF de leur transmettre dorénavant les annonces d'irrégularités faites au Conseil fédéral et à la DélFin en application de l'art. 15, al. 3, LCF.

Dans le cadre de ses travaux, la CdG-E a pris note du fait que, suite à l'entrée en vigueur de la LCF révisée en janvier 2018, les services de révision interne des entreprises proches de la Confédération ne sont désormais plus soumis à l'art. 11 LCF.

Ce dernier prévoyait auparavant que les services de révision interne signalent toute irrégularité de portée majeure au CDF et que ce dernier approuve leurs règlements internes. La commission a néanmoins décidé d'attendre les enseignements issus de la procédure pénale en cours avant de se pencher plus en détail sur ce point.

6

Résultats de l'examen de la CdG-E: Période suivant la révélation de l'affaire CarPostal

Ce chapitre couvre la période ayant suivi la révélation de l'affaire CarPostal par l'OFT (février 2018 jusqu'à septembre 2019). La CdG-E rappelle que certains éléments mentionnés ci-après peuvent faire l'objet de la procédure pénale administrative actuellement menée par fedpol et doivent donc être considérés avec la retenue nécessaire (cf. remarques introductives du chap. 5).

Dans le respect du périmètre de la haute surveillance parlementaire, l'examen de la CdG-E se focalise essentiellement sur les activités des autorités fédérales (Conseil fédéral, DETEC et AFF, OFT, CDF et ASR) durant cette période. Dans un souci de compréhension, la commission rend néanmoins également compte des principales démarches et mesures réalisées par la Poste au cours des mois sous revue (chap. 6.1.4 et 6.1.10).

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6.1

Les faits: surveillance des autorités fédérales et mesures prises suite à la révélation de l'affaire CarPostal

6.1.1

Information du DETEC et du Conseil fédéral concernant les résultats de l'enquête de l'OFT

Lors du rapport d'office (entretien périodique entre la cheffe du département et la direction de l'office) du 21 août 2017, l'OFT a avisé le SG-DETEC de la présence de transferts comptables potentiellement problématiques chez CarPostal. Lors de l'entretien trimestriel du 11 septembre 2017, la Poste a informé le SG-DETEC et l'AFF des contrôles effectués par l'OFT sous l'angle du droit des subventions. Le 6 novembre 2017, l'office a confirmé au département que l'entreprise avait vraisemblablement réalisé des bénéfices illégaux significatifs depuis 2007. Le 29 janvier 2018, il a informé le SG-DETEC que la Poste acceptait les résultats de la révision réalisée par l'office174.

Le 15 novembre 2017, le service de révision de l'OFT a averti le CDF des premiers résultats de l'enquête de l'OFT portant sur CarPostal, en vertu de l'art. 11 LCF. Le même jour, le CDF a informé le Conseil fédéral à ce sujet175.

6.1.2

Démarches de l'OFT et du DETEC suite à la publication du rapport de révision de l'OFT

Le rapport de révision définitif de l'OFT176, contenant six recommandations à l'intention de la Poste, a été rendu public le 6 février 2018. Dans un communiqué daté du même jour177, l'OFT a annoncé qu'il suivrait la mise en oeuvre des recommandations et se réservait la possibilité de demander des mesures supplémentaires, qu'il poursuivrait la reconstruction des opérations et qu'il définirait les mesures à prendre, notamment concernant le remboursement des subventions versées en trop, le modèle comptable de CarPostal et les éventuelles mesures pénales. Dans la foulée, l'office a demandé à la Poste de lui fournir une déclaration de renonciation au délai de prescription pour les remboursements de la période 2007 à 2015; celle-ci a été signée le 23 février 2018178.

Par lettre du 13 février 2018, l'ancienne cheffe du DETEC a communiqué au président du conseil d'administration de la Poste que toute la lumière devrait être faite sur les irrégularités comptables de CarPostal. La Poste a en outre été priée de remettre au département «tous les documents pertinents»179.

174 175 176 177 178 179

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

En vertu de l'art. 15, al. 3, LCF; audition des représentants du CDF, séance du 17.10.2018.

Rapport de révision de l'OFT du 1.2.2018.

Enquête sur les bénéfices de CarPostal Suisse SA en trafic régional subventionné, communiqué de presse de l'OFT du 6.2.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

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Le 14 février 2018, l'OFT a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) et du Ministère public Région Berne-Mittelland. Formellement, selon les art. 37 et 39 de la loi sur les subventions, l'administration concernée ­ en l'occurrence l'OFT ­ est compétente pour procéder à l'enquête dans le domaine du droit pénal administratif180. L'office était néanmoins arrivé à la conclusion que les faits reprochés ne relevaient probablement pas uniquement du droit des subventions, mais constituaient également des infractions au code pénal (escroquerie, faux dans les titres, gestion déloyale des intérêts publics)181. Le DETEC a indiqué à la commission que l'office, «souhaitant l'ouverture rapide des poursuites», avait déposé cette plainte sans avoir au préalable obtenu l'aval du département182. Les explications fournies par l'OFT et le DETEC à ce sujet restent néanmoins très générales; ni l'office ni le département n'ont indiqué à la CdG-E d'autres raisons ayant motivé cette façon de procéder.

Le 21 février 2018, le MPC et le Parquet général du canton de Berne ont annoncé183, après analyse des faits dénoncés, qu'ils n'étaient pas compétents pour enquêter dans cette affaire. Ils ont indiqué que les présumées infractions invoquées dans la dénonciation de l'OFT tombaient sous le coup du droit pénal administratif 184 et devaient par conséquent obligatoirement être poursuivies et jugées par l'office fédéral compétent ou, sur décision du Conseil fédéral, par une autre unité administrative de la Confédération185.

Le 28 février 2018, l'OFT a adressé une lettre 186 à toutes les entreprises bénéficiant de subventions pour le TRV, afin de rappeler à ces dernières divers principes relatifs au domaine des subventions (règles de comptabilisation, règles relatives aux bénéfices, interdiction de financements croisés). L'office y a également précisé les responsabilités de contrôle respectives du conseil d'administration, de la direction et du service de révision externe des entreprises subventionnées ainsi que de l'OFT.

Il a par ailleurs prié les entreprises de lui confirmer par écrit qu'elles respectaient les prescriptions du droit des subventions. Cette obligation de confirmation écrite a été maintenue depuis lors; en outre, un nouveau système de surveillance sur les entreprises du TRV subventionné a été élaboré par la suite, incluant notamment un système de controlling financier assorti de contrôles ponctuels approfondis (cf. chap. 6.1.14).

180 181 182 183 184 185 186

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, 23.4.2018; lettre de l'ancienne cheffe du DETEC du 19.12.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

CarPostal Suisse SA: Aucune compétence du Ministère public de la Confédération et du Parquet général du canton de Berne, communiqué du MPC du 21.2.2018.

Le MPC et le Parquet général sont arrivés à la conclusion qu'il n'existait pas de soupçon suffisant d'infractions selon le code pénal.

Comme le prévoit l'art. 37, al. 1, LSu.

Lettre de l'OFT aux entreprises du TRV subventionné, 28.2.2018. Des copies de cette lettre ont été adressées notamment aux offices cantonaux des transports publics.

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6.1.3

Procédure pénale administrative

Le 27 février 2018, le Conseil fédéral a annoncé187 qu'il avait chargé l'office fédéral de la police (fedpol) de mener la procédure pénale administrative dans l'affaire CarPostal, d'examiner et de juger les infractions selon le droit pénal administratif et la loi sur les subventions. Le Conseil fédéral a indiqué que, contrairement aux unités rattachées au DETEC et au DFF, fedpol ne poursuivait «aucun intérêt de propriétaire» et pourrait donc «mener la procédure en toute impartialité et indépendance».

Par décision du 2 mars 2018, fedpol a ouvert la procédure pénale administrative pour «escroquerie en matière de prestations et de contributions et pour d'éventuels autres délits en lien avec la fourniture de prestations de TRV par CarPostal»188.

Cette procédure, basée sur la loi sur le droit pénal administratif 189, répond aux mêmes principes qu'une procédure pénale ordinaire190. Il s'agit d'une enquête rétrospective, sans restriction temporelle, mais limitée aux éléments pénalement répréhensibles191. L'unité chargée de l'enquête est tenue d'examiner tous les éléments portés à sa connaissance, indépendamment du contenu de la plainte déposée.

Par ailleurs, la procédure pénale administrative a la priorité sur toutes les autres enquêtes et audits, notamment en termes d'accès aux documents et aux témoins. Ce dernier point a eu une influence déterminante sur les travaux des autres acteurs du dossier CarPostal (cf. plus bas)192.

La CdG-E s'est entretenue à deux reprises193 avec des représentants de fedpol au sujet de la procédure pénale administrative en cours; elle a abordé avec eux les défis organisationnels liés à la réalisation de l'enquête ainsi que la collaboration avec les autres acteurs du dossier CarPostal. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, la commission n'a pas recueilli d'informations quant au contenu de la procédure en cours.

Face à la CdG-E, la directrice de fedpol a souligné l'importance de garantir l'indépendance de la procédure et le respect de la séparation des pouvoirs. Elle a indiqué que la conduite des travaux avait été confiée à un chargé d'enquête externe194, soutenu par une équipe d'enquêteurs et de spécialistes de la Police judiciaire fédérale (PJF), de l'administration fédérale des douanes (AFD) de l'Administration fédérale des contributions (AFC). La directrice a en outre précisé qu'elle n'intervenait pas dans le déroulement de la procédure, dans la mesure où il lui re187 188

189 190 191 192 193 194

CarPostal: fedpol mène la procédure pénale administrative, communiqué de presse du Conseil fédéral du 27.2.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018. Pour plus d'informations concernant la procédure pénale administrative de fedpol, cf. Car Postal: Procédure pénale administrative ­ ce qu'il faut savoir, www.fedpol.admin.ch > Actualité > News > 2019 (consulté le 15.7.2019).

Loi fédérale du 22.3.1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0).

La présomption d'innocence, la maxime inquisitoire, le secret d'instruction et le droit de recours s'appliquent notamment.

Audition des représentants de fedpol, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

Audition des représentants de fedpol, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

Audition des représentants de fedpol, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

Par communiqué du 13.3.2018, fedpol a annoncé qu'il avait nommé l'ancien juge fédéral Hans Mathys comme chargé d'enquête et le juge au Tribunal cantonal neuchâtelois Pierre Cornu comme chargé d'enquête adjoint.

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viendrait de décider des mesures à prendre à l'issue de celle-ci195. Elle a également précisé que fedpol portait une attention particulière à garantir son indépendance visà-vis des départements propriétaires de la Poste (DETEC et DFF)196. Enfin, elle a souligné que fedpol, dans le respect de son rôle d'autorité d'enquête pénale indépendante, ne pouvait ni ne voulait se «cacher derrière les travaux d'autres organes»197.

Dès le lancement de la procédure, tant le Conseil fédéral que fedpol ont précisé qu'il était impossible de déterminer la durée de l'enquête, et que celle-ci pourrait s'étendre sur des mois, voire des années198.

Concernant la réalisation de l'enquête à proprement parler, fedpol a indiqué à la commission avoir réuni et analysé un total de 25 millions de documents (3,5 terabytes de données), remis volontairement par la Poste ou collectés dans le cadre de perquisitions, puis traités par le biais d'outils informatiques spécialisés. Cette analyse de documents a été complétée par les auditions de collaborateurs de la Poste et de CarPostal, anciens ou actuels199. En plus du chargé d'enquête et son adjoint, le groupe d'enquête compte jusqu'à 26 collaborateurs qui s'occupent au moins partiellement du cas. S'y ajoutent une greffière et une traductrice.

La directrice de fedpol a indiqué à la commission qu'il ne serait possible de déterminer les coûts totaux de la procédure qu'une fois celle-ci terminée. La commission a été informée du fait que les éventuelles peines pécuniaires prononcées à l'issue de l'enquête ne permettraient pas de couvrir les coûts de la procédure pénale et des démarches judiciaires subséquentes200. Il convient néanmoins de préciser que les procédures pénales font partie des tâches régaliennes de l'Etat; à ce titre, elles ne couvrent généralement pas entièrement leurs frais et ceux-ci sont majoritairement pris en charge par l'Etat.

La commission a également abordé à plusieurs reprises la question de la collaboration entre fedpol et les autres acteurs concernés du dossier CarPostal. En effet, suite à l'ouverture de l'enquête début mars 2018 et en vertu du principe de priorité de la procédure pénale, la Poste a été tenue de mettre à disposition de fedpol tous les documents liés aux infractions signalées, tandis que les autres acteurs (p. ex. conseil 195 196

197 198

199 200

Audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018 Audition des représentants de fedpol, séance du 17.10.2018. La directrice de fedpol a précisé que l'office n'avait pas subi de pression de la part des départements propriétaires dans le cadre ses travaux.

Audition des représentants de fedpol, séance du 17.10.2018.

Certains acteurs du dossier ont, par la suite, fait part du souhait que les travaux puissent être achevés rapidement (cf. notamment audition des représentants de la Poste, séance du 15.4.2019). Face à la CdG-E, la directrice de fedpol a fait valoir que cette procédure devait être menée de manière particulièrement consciencieuse, et que l'office ne pouvait pas prendre le risque, en se soumettant à des pressions temporelles, de commettre des erreurs formelles susceptibles de nuire à la réputation de l'autorité et d'entraver la recherche de la vérité (cf. audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018). Pour cette raison également, fedpol a indiqué qu'il portait une attention toute particulière au secret de l'enquête et qu'il ne communiquait qu'avec une grande prudence sur les travaux en cours, afin de garantir le respect de la présomption d'innocence et de la réputation des personnes soupçonnées (cf. audition des représentants de fedpol, séance du 17.10.2018).

Audition des représentants de fedpol, séance du 17.10.2018. Fedpol a précisé que la Poste avait coopéré à l'enquête de façon satisfaisante.

Audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018

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d'administration de la Poste, DETEC, AFF ou CDF) n'ont plus été autorisés à accéder aux documents concernés ou à interroger des témoins201. Ainsi, le bureau Kellerhals Carrard a dû se limiter, pour son rapport réalisé sur mandat de la Poste, à une analyse de documents sans auditions (cf. chap. 6.1.4). Le DETEC et l'AFF ont été quant à eux, durant une certaine période, dans l'incapacité d'accéder aux informations nécessaires à la préparation de l'assemblée générale 2018 de la Poste (cf.

chap. 6.1.5).

Les auditions réalisées par la CdG-E202 ont néanmoins montré qu'après une première période de blocage, des solutions de coordination avaient pu être trouvées entre fedpol et les acteurs du dossier. La Poste a été autorisée à finaliser le rapport qu'elle avait mandaté auprès de Kellerhals Carrard et à en publier une version caviardée; fedpol a toutefois indiqué que ce document serait considéré comme une «expertise à la demande d'une des parties» dans le cadre de l'enquête 203. Le DETEC et l'AFF ont, quant à eux, pu consulter certains documents en vue de la préparation de l'assemblée générale de la Poste; la directrice de fedpol a néanmoins rappelé que les départements représentant la Confédération constituaient, en tant qu'actionnaires, un organe de l'entreprise et faisaient à ce titre figure de prévenus potentiels dans le cadre de la procédure204. Le CDF a en outre été autorisé à consulter certains documents et à procéder à des auditions; il a néanmoins dû renoncer à certains volets de l'audit qu'il prévoyait sur CarPostal (cf. chap. 6.1.15). Fedpol a également coordonné ses travaux avec ceux de l'OFT liés au remboursement des subventions indûment perçues (cf. chap. 6.1.7). Dans l'ensemble, tant fedpol que les autres organes interrogés par la CdG-E ont jugé que la coordination mise en place au printemps 2018 était satisfaisante.

En février 2019, fedpol a confirmé qu'une procédure pénale spécifique avait été ouverte contre l'ancien directeur et l'ancien responsable des finances de CarPostal, en raison de soupçons d'escroquerie en matière de prestations au sens de l'art. 14 DPA. Le mois suivant, il a annoncé que la procédure avait été étendue à l'ancien chef des finances de la Poste, et qu'il n'était pas exclu qu'elle soit encore dirigée contre d'autres personnes à l'avenir205. Début septembre 2019,
fedpol a indiqué que la procédure avait encore été étendue à trois anciens membres de la direction de CarPostal, dont l'ancien responsable de marché partiel Ouest 206. La directrice de l'office a toutefois signalé à la commission que le droit pénal administratif prévoyait 201

202

203 204

205 206

Cette mesure doit permettre de garantir que l'enquête ne soit pas «contaminée» et que les éléments de preuves possibles ne soient pas rendus inutilisables (cf. rapport Kellerhals Carrard, consid. 23 et audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018).

Audition des représentants de fedpol, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018, auditions des représentants du CDF, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018, auditions des représentants de la Poste, séances du 23.4.2018 et du 23.1.2019.

Audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018.

Audition des représentants de fedpol, séance du 24.4.2018. La directrice de fedpol a précisé à la CdG-E qu'elle n'avait pas pour but d'empêcher la tenue de l'assemblée générale de l'entreprise, mais qu'il n'était pas acceptable que les départements, en tant que propriétaires de la Poste et donc organes de cette dernière, s'adressent directement à l'entreprise pour obtenir des informations alors qu'une procédure pénale était en cours.

Car Postal: Procédure pénale administrative ­ ce qu'il faut savoir, www.fedpol.admin.ch > Actualité > News > 2019 (consulté le 15.7.2019).

Postauto: Ex-Frankreich-Chef steht unter Betrugsverdacht. In: SonntagsZeitung, 1.9.2019.

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un délai de prescription de sept ans pour les faits survenus avant 2014207 et que fedpol concentrerait par conséquent ses efforts d'enquête sur les faits qui n'étaient pas encore prescrits208.

Début 2019, les représentants de la Poste ont déploré face à la commission le fait que fedpol n'avait toujours pas accordé à l'entreprise l'autorisation d'interroger des témoins ou de consulter les procès-verbaux d'auditions209. Au printemps 2019, la Poste a annoncé qu'elle suspendait temporairement ses clarifications, dans l'attente de la possibilité de consultation du dossier ou d'un jugement dans la procédure pénale (à ce propos, cf. 6.1.10)210. La situation est demeurée inchangée jusqu'à la publication du présent rapport.

6.1.4

Démarches de la Poste suite au rapport de l'OFT

Informée début novembre 2017 des conclusions de l'OFT, la direction de la Poste a mis en place une taskforce interne dédiée au dossier CarPostal. Elle a chargé l'entreprise Ernst&Young (EY) de procéder à une analyse approfondie des transferts de bénéfices réalisés entre 2007 et 2015 chez CarPostal. Le rapport intermédiaire rendu par EY en décembre 2017 a confirmé les principales constatations de l'OFT211. Sur cette base, la direction a chargé le bureau Kellerhals Carrard de procéder à un examen complet des faits, fondé sur les données récoltées par EY, afin d'établir les responsabilités liées à cette affaire212.

Lors de la publication du rapport de l'OFT, le 6 février 2018, la Poste a annoncé une série de mesures immédiates, incluant le départ anticipé du responsable CarPostal, la suspension du responsable des finances de la filiale, ainsi que la mise en place d'un programme de compliance213. Au vu des critiques publiques exprimées vis-àvis de la directrice de la Poste, le président du conseil d'administration a décidé, le 8 février 2018, que l'enquête de Kellerhals Carrard serait désormais placée sous sa supervision directe214. Début mars 2018, la Poste a nommé un comité de trois experts215, chargés de réaliser une expertise indépendante sur la base du rapport de Kellerhals Carrard, une fois celui-ci achevé. Par la suite, la Poste a été contrainte de

207 208 209 210 211 212 213 214 215

En d'autres termes, les faits survenus avant 2011 étaient déjà prescrits en 2018.

Pour les faits survenus après 2014, le délai de prescription a été porté à dix ans.

Audition des représentants de fedpol, séance du 17.10.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Approbation des comptes et reconduction du Conseil d'administration, communiqué de presse de la Poste du 17.4.2019; Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 4.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 5.

CarPostal Suisse SA a perçu des indemnités d'un montant trop élevé, communiqué de presse de la Poste du 6.2.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 9.

Des experts externes garantissent le caractère indépendant de l'enquête, communiqué de presse de la Poste du 8.3.2018.

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procéder à un remaniement de ce comité, l'un des experts s'étant retiré en raison notamment de critiques quant à son indépendance216.

Le rapport final de Kellerhals Carrard a été transmis au conseil d'administration de la Poste fin mai 2018217. La CdG-E a pris connaissance de la version intégrale de ce document et a auditionné les représentants de la Poste et de Kellerhals Carrard à ce propos218. Le rapport présente le système de manipulations comptables mis en place au sein de CarPostal afin de dissimuler les bénéfices de l'entreprise (transferts comptables réalisés à la fin de chaque exercice au moyen d'une période comptable supplémentaire, intitulée «Période 15»), ainsi qu'une chronologie des faits. Selon Kellerhals Carrard, les manipulations comptables étaient validées par la direction de CarPostal et connues d'une partie de la direction de la Poste; quant à la réorganisation «Impresa» (cf. chap. 5.1.6), elle avait été décidée dans le but de dissimuler les bénéfices de la filiale au propriétaire. Le rapport a en outre révélé que la révision interne de la Poste avait fait part, dans une note adressée le 21 août 2013 au comité «Audit, Risk & Compliance» du conseil d'administration, de la présence de manipulations comptables chez CarPostal, en précisant toutefois qu'il n'y avait pas de nécessité d'agir à ce propos219. Dans leur analyse réalisée sur la base du rapport de Kellerhals Carrard, les trois experts externes mandatés par la Poste ont estimé que l'affaire CarPostal constituait une «erreur humaine collective»220.

Sur la base des résultats du rapport et après avoir invité les personnes concernées à prendre position221, le conseil d'administration de la Poste a annoncé222, le 11 juin 2018, qu'il se séparait de la directrice générale de l'entreprise (remplacée ad interim par M. Ulrich Hurni) et de la cheffe de son service de révision interne et qu'il suspendait de ses fonctions l'ensemble de la direction de CarPostal. Un train de mesures organisationnelles a également été décidé, incluant l'annulation de la structure «Impresa» et une réorganisation de CarPostal (cf. chap. 6.1.10). Des versions caviardées du rapport de Kellerhals Carrard et de l'avis des experts ont été publiées le même jour.

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Wenn der Postmann zweimal klingelt. In: Die Weltwoche, 22.3.2018. Untersuchung wird zum Debakel. In: Berner Zeitung, 26.3.2018. M. Kurt Grüter, ancien directeur du CDF, a ensuite été remplacé au sein du comité par M. Stephan Bachmann; cf. Stephan Bachmann désigné comme troisième expert, communiqué de presse de la Poste du 25.4.2018.

Dans la consultation relative au présent rapport, la Poste a indiqué à la CdG-E que ce changement d'experts était intervenu «pour des raisons complexes et à titre préventif», dans le but que les «experts indépendants puissent travailler sans prendre de retard».

Kellerhals Carrard: PostAuto. Untersuchungsbericht zuhanden des Verwaltungsrats der Schweizerischen Post AG, rapport du 31.5.2018 (en allemand uniquement; ci-après «Rapport Kellerhals Carrard») Audition des représentants de la Poste et de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 513 ss. Cf. à ce sujet chap. 6.1.5.

Donatsch, Andreas / Bachmann, Stephan A. J. / Uhlmann, Felix: PostAuto Schweiz AG.

Gutachten erstattet zuhanden Präsident der Schweizerischen Post AG, expertise du 29.5.2018 (en allemand uniquement).

Les procès-verbaux des auditions réalisées par la Poste ainsi que les prises de position rendues par les personnes concernées ont été transmises à fedpol (audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018).

L'enquête externe et l'expertise confirment un comportement fautif inacceptable.

Le Conseil d'administration de la Poste en tire les conséquences, communiqué de presse de la Poste du 11.6.2018.

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Il convient de préciser que les clarifications menées par la Poste présentent plusieurs limites. En raison de la priorité de la procédure pénale administrative menée par fedpol (cf. chap. précédent), l'analyse de Kellerhals Carrard s'est limitée aux documents collectés avant mars 2018. Les représentants de Kellerhals Carrard ont souligné face à la CdG-E que leur rapport présentait en ce sens une image incomplète de l'affaire223. Les auteurs ont ainsi été dans l'impossibilité de vérifier la plausibilité des informations collectées et de garantir aux individus concernés le droit d'être entendus224. Cela a eu pour conséquence que diverses personnes citées dans le rapport ont contesté son contenu225, notamment en ce qui concerne le traitement de la note de la révision interne du 21 août 2013 (cf. à ce sujet chap. 6.1.5). Certains médias ont mis en doute l'indépendance de l'organe ayant rédigé le rapport226; face à la commission, le CDF a également émis des critiques quant aux démarches de la Poste227. Les médias ont par ailleurs souligné qu'un document important pour la chronologie des faits n'avait pas été mentionné dans le rapport228. Face à la CdG-E, les représentants de la Poste et de Kellerhals Carrard ont répondu à ces critiques et présenté les mesures prises afin de garantir la qualité des clarifications menées 229.

Comme précisé préalablement, la CdG-E ne porte pas d'appréciation au sujet des démarches effectuées par la Poste ou du contenu des rapports réalisés sur mandat de l'entreprise, étant donné que ces aspects dépassent son champ de compétences et qu'une procédure pénale est ouverte dans ce dossier. Au vu du contexte et des critiques exprimées, la commission souligne toutefois que les informations fournies par la Poste doivent être considérées avec un certain recul et ne pourront être appréciées de manière intégrale qu'une fois que la procédure pénale administrative aura abouti.

223 224 225 226 227 228 229

Audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 62 ss.

Harsche Kritik an Postauto-Untersuchung. In: NZZ am Sonntag, 1.7.2018; «Ich hätte vieles ins richtige Licht rücken können». In: Schweiz am Wochenende, 30.6.2018.

Postauto-Skandal: Zweifel an Unabhängigkeit der Untersuchung. In: SonntagsZeitung, 24.6.2018. Dieser Anwalt spielt eine heikle Doppelrolle. Im: SonntagsBlick, 1.7.2018.

Audition des représentants du CDF, séance du 24.4.2018.

Das fehlende Protokoll. In: Neue Zürcher Zeitung, 15.6.2018.

Audition des représentants de la Poste et de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018. Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018. La Poste a notamment fait valoir, face à la commission, que le rapport et la composition de l'organe chargé de l'enquête avaient été établis selon les règles existantes et reconnues applicables aux enquêtes internes, et que l'étude d'avocats indépendante externe était supervisée par un organe supérieur constitué de trois experts indépendants. Par ailleurs, le bureau Kellerhals Carrard a indiqué que, suite à la création du comité d'experts, il avait été uniquement en contact avec ce dernier et que le président du conseil d'administration de la Poste n'avait plus été informé des résultats de l'enquête. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, tant la Poste que Kellerhals Carrard ont souligné que seuls le temps imparti et l'interdiction d'interroger les collaborateurs de la Poste ou de CarPostal prononcée par fedpol avaient restreint le champ d'action de l'enquête. Kellerhals Carrard a indiqué qu'il n'avait subi aucune limitation de la part de la Poste.

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6.1.5

Clarifications du DETEC et de l'AFF en vue de l'assemblée générale 2018 de la Poste

Début mars 2018, le SG-DETEC et l'AFF ont institué une task-force consacrée à CarPostal, en vue de l'assemblée générale annuelle de la Poste230. Celle-ci a notamment été chargée de déterminer si la décharge pouvait être accordée au conseil d'administration, si les comptes 2017 pouvaient être approuvés et si un changement était nécessaire au niveau de l'organe de révision externe de la Poste. Elle a également examiné la possibilité de nommer un expert conformément à l'art. 731a CO ou d'instituer un contrôle spécial conformément à l'art. 697a CO231 et a procédé à des échanges avec fedpol concernant l'accès aux documents de la Poste (cf. chap. 6.1.3).

Courant mars 2018, le Conseil fédéral a pris acte du fait que le conseil d'administration de la Poste ne serait pas en mesure de lui soumettre de propositions en vue de l'assemblée générale tant que les résultats des enquêtes mandatées par la Poste ne seraient pas disponibles232. Dans ces conditions, le SG-DETEC, d'entente avec l'AFF, a décidé de reporter l'évaluation de l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste au mois de juin233. Au vu de cette situation, les CdG ont décidé de repousser le traitement du rapport de gestion 2017 du Conseil fédéral ­ initialement prévu pour la session d'été 2018 ­ à une date ultérieure234.

Par lettre du 23 mars 2018235, le SG-DETEC et l'AFF ont fait part au président du conseil d'administration de la Poste de leur volonté de clarifier, en vue de l'assemblée générale, diverses questions relatives à la conduite de l'entreprise. Ils ont indiqué que la Confédération souhaitait notamment savoir quelles personnes, au sein de l'entreprise, avaient été informées à quel moment des malversations comptables de CarPostal. Ils ont souligné qu'ils attendaient à cet effet une analyse couvrant toute la période de 2007 à 2018, afin de pouvoir en particulier évaluer la responsabilité du président du conseil d'administration de la Poste, M. Urs Schwaller, en fonction depuis juin 2016.

Dans la mesure où le rapport réalisé sur mandat de la Poste (cf. chap. précédent) ne portait que sur la période 2007­2015, le DETEC et l'AFF ont chargé Kellerhals Carrard de réaliser un rapport complémentaire, portant sur les années 2016­2018236.

Afin d'éviter tout conflit d'intérêts, ce document a été réalisé sur mandat de la Confédération et remis directement à cette dernière. Le président du conseil d'admi-

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234 235 236

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018, audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 23.4.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

Lettre de l'ancien secrétaire général du DETEC aux CdG du 28.3.2018.

Lettre de l'ancien secrétaire général du DETEC aux CdG du 28.3.2018. Conformément au droit de la société anonyme, l'assemblée générale doit se tenir dans les six mois suivant la clôture de l'exercice (soit avant fin juin pour la Poste). Suite à cette décision, les CdG ont également décidé de repousser à une échéance ultérieure le traitement du Rapport de gestion 2017 du Conseil fédéral, initialement prévu pour la session d'été 2018.

Les CdG finaliseront ultérieurement leur examen du rapport de gestion 2017 du Conseil fédéral, communiqué de presse des CdG du 18.5.2018.

Rapport complémentaire Kellerhals Carrard, consid. 13 ss.

Rapport complémentaire Kellerhals Carrard, consid. 13 ss. Les coûts de ce rapport complémentaires ont été pris en charge par le SG-DETEC.

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nistration a indiqué à la CdG-E qu'il n'avait pas eu accès aux conclusions de ce rapport237.

Dans son rapport relatif aux années 2016­2018238, Kellerhals Carrard arrive à la conclusion que M. Schwaller a été informé explicitement des infractions au sein de CarPostal pour la première fois en août 2017239. Il signale que certains indices ponctuels relatifs à la situation de CarPostal apparaissaient certes dans des documents à partir de l'été 2016 déjà240, mais que M. Schwaller, en sa qualité de nouveau président, n'était alors pas en mesure d'en déduire la présence d'agissements illégaux au sein de l'entreprise241. Face à la CdG-E, ce dernier a souligné que les documents qui lui avaient été soumis à l'époque n'avaient jamais fait état d'une nécessité d'agir pour le conseil d'administration. Il a précisé que, lors de son entrée en fonction, ni son prédécesseur ni la directrice de la Poste n'avaient évoqué avec lui le cas de CarPostal242.

Sur la base de l'analyse de Kellerhals Carrard, le DETEC et l'AFF sont arrivés à la conclusion que M. Schwaller avait agi de manière correcte et n'avait pas négligé ses devoirs243. Une version caviardée du rapport relatif aux années 2016­2018 a été publiée en juin 2018, parallèlement au rapport portant sur les années 2007­2015.

Suite à la publication des rapports de Kellerhals Carrard le 11 juin 2018, des critiques ont été émises dans les médias244 quant au rôle de deux membres du conseil d'administration de la Poste, Mme Susanne Blank et M. Adriano P. Vassalli. En effet, selon Kellerhals Carrard245, ces deux personnes, membres du comité «Audit, Risk & Compliance» du conseil d'administration, figuraient sur la liste des destinataires de la note de la révision interne du 21 août 2013, qui faisait mention de manipulations comptables au sein de CarPostal246. Kellerhals Carrard en a déduit que ces deux personnes auraient dû intervenir suite à cette annonce247. Les intéressés, de leur

237 238

239 240

241 242 243 244

245 246 247

Audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018.

Le rapport de Kellerhals Carrard réalisé sur mandat du DETEC et de l'AFF porte plus précisément sur la période allant du 1.1.2016 au 27.2.2018 (ci-après: «rapport relatif aux années 2016­2018»). Il convient par ailleurs de préciser que le rapport réalisé par Kellerhals Carrard au sujet de la période 2016­2018 présente les mêmes limites que le rapport relatif à la période 2007­2015 (cf. chap. précédent). A ce titre, les informations qui y figurent doivent être traitées avec une certaine distance. La CdG-E ne porte en outre aucune appréciation, dans le présent rapport, concernant la responsabilité du président du conseil d'administration de la Poste.

Rapport complémentaire Kellerhals Carrard, consid. 158 ss.; audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018; cf. également chap. 5.1.7.

Ainsi, un rapport de l'entreprise de révision externe KPMG publié en août 2016 ­ soit quelques semaines après l'entrée en fonction de M. Schwaller ­ faisait mention de la réorganisation «Impresa» et de la nécessité de soustraire les bénéfices de CarPostal à la surveillance de l'OFT (rapport complémentaire Kellerhals Carrard, consid. 122 ss.).

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Cf. par exemple: Post-Vizepräsident gerät ins schiefe Licht. In: Luzerner Zeitung, 13.6.2018.Was wussten die Post-Verwaltungsräte? In: Neue Zürcher Zeitung, 14.6.2018.

Verhängnisvolle Aktennotiz von 2013. In: Berner Zeitung. 27.6.2018.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 498 ss.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 513 ss.

Audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018.

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côté, ont contesté selon les médias avoir reçu la note en question248. La CdG-E n'a pas pu approfondir cette question, dans la mesure où la procédure pénale administrative n'est pas close.

Les 25 mai et 7 juin 2018 ­ soit avant la publication des rapports ­ l'ancienne cheffe du DETEC, accompagnée du directeur de l'AFF, s'est entretenue séparément avec M. Vassalli et Mme Blank249. Ces entretiens visaient à «déterminer si le propriétaire pouvait encore tolérer que ces deux personnes [...] continuent de siéger au sein du conseil d'administration de la Poste»250. Selon l'ancienne cheffe du DETEC, il s'agissait de déterminer s'il était indiqué de proposer, à l'assemblée générale de 2018, la révocation des deux membres concernés. M. Vassalli et Mme Blank ­ qui n'avaient pas encore eu connaissance du rapport de Kellerhals Carrard ­ ont été confrontés aux allégations du rapport selon lesquelles ils auraient dû intervenir suite à une note de la révision interne du mois d'août 2013. Ils auraient alors tous les deux fait valoir qu'ils n'étaient pas au courant de cette note de service interne251. Selon l'ancienne cheffe du DETEC, l'échange a permis à ces deux personnes d'évaluer la situation, ce qui a finalement conduit à leur démission librement consentie.252. Les conclusions tirées de ces entretiens ont ensuite été communiquées au président du conseil d'administration de la Poste253. Le DETEC a indiqué à la CdG-E que ces échanges n'avaient pas fait l'objet d'un procès-verbal; il a précisé qu'«il n'existe [en principe] pas de procès-verbal des entretiens confidentiels menés [par l'ancienne cheffe du DETEC] en l'absence d'autres collaborateurs du DETEC», sans fournir d'explication plus précise à ce propos254.

Dans le courant du mois de juin, Mme Blank et M. Vassalli ont annoncé qu'ils renonçaient à se présenter à leur réélection lors de l'assemblée générale 2018, en motivant leur choix par des «considérations personnelles»255 et par la pression médiatique et politique subie256. Leurs postes, restés vacants, ont été repourvus au mois de novembre 2018 lors d'une assemblée générale extraordinaire (cf. chap. 6.1.10).

248

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Angeschossene Post-Spitzenleute setzen sich zur Wehr. In: Aargauer Zeitung, 27.6.2018.

Les représentants de Kellerhals Carrard ont indiqué à la CdG-E qu'ils étaient partis du principe que les documents avaient effectivement été distribués conformément à la liste de distribution et que toutes les personnes mentionnées comme destinataires de la note avaient pris connaissance de celle-ci. Ils ont toutefois précisé qu'ils n'avaient pas été en mesure, au vu de l'interdiction de réaliser des entretiens qui leur était imposée, de vérifier si cette supposition était vraie (audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018).

Le président du conseil d'administration de la poste n'était pas présent lors de ces entretiens; il a précisé que «l'évaluation des responsabilités des membres du conseil d'administration incombe au propriétaire» (lettres de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018 et du 10.10.2018).

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018; lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 17.10.2019.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018; lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 17.10.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018; lettres de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019 et du 29.5.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 29.5.2019.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018. Cf. également: Purgatorium bei der Post. In: Neue Zürcher Zeitung, 27.6.2018.

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Dans le cadre de ses travaux, la CdG-E a également abordé avec le DETEC et la Poste le cas du procès-verbal de la séance du conseil d'administration de la Poste du 26 juin 2013. Ce document, qui évoquait la question des bénéfices de CarPostal, n'était pas mentionné dans le rapport de Kellerhals Carrard 257. La Poste a indiqué que ce procès-verbal n'avait été identifié qu'après la fin de la rédaction du rapport et que, pour cette raison, Kellerhals Carrard l'avait transmis séparément au propriétaire, en date du 29 mai 2018258. Le DETEC a de son côté confirmé qu'il avait pris connaissance de ce document; il a indiqué que le Conseil fédéral avait fondé ses décisions en vue de l'assemblée générale 2018 sur une évaluation globale et que ce procès-verbal supplémentaire n'avait «aucunement changé la vue d'ensemble»259.

6.1.6

Assemblée générale 2018 de la Poste et rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste en 2017

Lors de sa séance du 8 juin 2018, le Conseil fédéral a arrêté ses décisions en vue de l'assemblée générale de la Poste, prévue le 26 juin. Dans un communiqué260, il a annoncé qu'il avait décidé d'accorder une décharge restreinte au conseil d'administration de la Poste pour l'exercice 2017, en excluant de celle-ci les événements liés à CarPostal. Face aux CdG, l'ancienne cheffe du DETEC a précisé que cette décision se justifiait au vu des différentes enquêtes encore en cours261 et que le Conseil fédéral se réservait ainsi la possibilité d'intenter des actions en responsabilité au cas où les enquêtes prouveraient que des membres du conseil d'administration ont violé leurs obligations262. Le président du conseil d'administration de la Poste a indiqué à la CdG-E que lui aussi avait appelé de ses voeux une telle décharge restreinte263.

Le Conseil fédéral a en outre annoncé qu'il avait décidé d'approuver les comptes 2017 de la Poste. L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E que le Conseil fédéral s'était basé pour ce faire sur l'attestation sans réserves fournie par l'entreprise de révision externe de la Poste, KPMG264. La CdG-E précise ici que l'approbation des comptes 2017 de CarPostal par l'OFT selon le droit des subventions ­ qui constitue une démarche distincte de l'approbation des comptes de la Poste par le Conseil fédéral ­ n'a quant à elle pas été accordée par la suite (cf. à ce propos chap. 6.1.9).

257 258

259 260 261 262 263 264

Das fehlende Protokoll. In: Neue Zürcher Zeitung, 15.6.2018.

Lettres de la Poste à la CdG-E du 10.10.2018 et du 9.1.2019. La Poste a par ailleurs précisé qu'«aucun autre document utile n'a été obtenu et considéré comme pertinent» durant cette période.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Le Conseil fédéral restreint la décharge accordée au conseil d'administration de la Poste, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.6.2018.

Auditions de l'ancienne cheffe du DETEC, séances du 2.7.2018 et du 24.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018.

Auditions de l'ancienne cheffe du DETEC, séances du 23.4.2018 et du 2.7.2018.

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Dans le même communiqué, le Conseil fédéral a indiqué qu'il avait décidé de réélire KPMG SA en tant qu'organe de révision de la Poste pour l'exercice 2018, mais que cette collaboration ne serait pas poursuivie par la suite, et qu'un appel d'offres serait lancé en vue de l'exercice 2019 (cf. chap. 6.1.10). Le DETEC a justifié cette décision par le fait que des travaux de révision étaient en cours au sein de PostFinance et qu'un «remplacement à court terme de l'organe de révision au milieu de l'année aurait eu des conséquences organisationnelles importantes»265.

Le Conseil fédéral a également annoncé sa décision de soumettre le pilotage des entreprises proches de la Confédération à un examen externe. Il a chargé le DFF, le DETEC et le DDPS de commander une analyse en ce sens (pour les résultats, cf.

chap. 6.1.16 et 8.2)266.

Dans son rapport annuel sur la réalisation des objectifs stratégiques de la Poste en 2017, adopté le 8 juin 2018 et adressé aux CdG et aux CdF267, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que la bonne réalisation des objectifs de la Poste était «assombrie» par les irrégularités comptables de CarPostal. Il a précisé que, compte tenu des enquêtes en cours, les résultats de CarPostal ne pouvaient pas être évalués de manière exhaustive et que l'objectif relatif au trafic voyageurs était donc considéré comme «non atteint». Il a en outre souligné que les subventions versées en trop devraient être intégralement remboursées et que la structure de CarPostal devrait être revue afin que les exigences légales en matière de subventions soient respectées à l'avenir.

L'assemblée générale de la Poste s'est tenue le 26 juin 2018. Suite à celle-ci, la taskforce instaurée par le DETEC et l'AFF a été dissoute268.

En août 2018, les sous-commissions DFI/DETEC des deux CdG ont procédé à un entretien concernant l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste avec la cheffe du DETEC. Sur cette base, les CdG ont décidé de recommander aux Chambres fédérales l'approbation du rapport de gestion annuel 2017 du Conseil fédéral, en formulant néanmoins diverses remarques et demandes269.

6.1.7

Calcul et remboursement des montants indûment perçus par CarPostal

Lors de la publication de son rapport relatif à CarPostal en février 2018, l'OFT a indiqué qu'il attendait de la Poste le remboursement complet des subventions indûment perçues entre 2007 et 2015, qu'il estimait à 78,3 millions de francs 270. Il a 265 266 267 268 269

270

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Le Conseil fédéral restreint la décharge accordée au conseil d'administration de la Poste, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.6.2018.

Rapport du Conseil fédéral du 8.6.2018 sur la réalisation des objectifs stratégiques de La Poste Suisse SA durant l'exercice 2017.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Les CdG recommandent aux Chambres fédérales l'adoption du rapport de gestion du Conseil fédéral 2017 et demandent des compléments d'information sur CarPostal dans le rapport 2018, communiqué de presse des CdG du 7.9.2018.

Enquête sur les bénéfices de CarPostal Suisse SA en trafic régional subventionné, communiqué de presse de l'OFT du 6.2.2018.

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précisé que le montant à recouvrer pour les années 2016 et suivantes serait défini après clarification définitive du nouveau modèle comptable de CarPostal. La Poste a également fait part à plusieurs reprises de sa volonté de rembourser à la Confédération et aux cantons «chaque franc indûment perçu» avant la fin de l'année 2018271.

Les représentants de l'OFT, des cantons (Conférence des directeurs cantonaux des transports publics [CTP]) et de la Poste se sont accordés en mars 2018 sur une marche à suivre commune en vue du remboursement. Le suivi des travaux et la vérification finale des montants ont été pris en charge par un groupe de travail constitué de représentants de l'OFT et de la CTP272; celui-ci a également «calculé la répartition entre les cantons et les communes et a procédé à un examen critique des travaux opérationnels ad hoc de la Poste»273.

Les calculs des malversations comptables entre 2007 et 2015 se sont basés sur les travaux réalisés par EY sur mandat de la Poste. L'entreprise Pricewaterhouse Coopers274 a été chargée par l'OFT d'élaborer une contre-expertise indépendante; à peu de choses près, les deux rapports sont parvenus aux mêmes conclusions275. Au final, le montant des transferts illicites à rembourser pour cette période a été estimé à environ 90,5 millions de francs276. Des clarifications complémentaires ont en outre montré que des transferts injustifiés avaient eu lieu dans le secteur des trafics commandé et local, à hauteur de 16,6 millions de francs environ277. Un intérêt moratoire supplémentaire de 26,8 millions de francs a également été calculé pour cette période, en vertu de l'art. 30 LSu278.

Au vu du changement de système comptable de CarPostal à partir de 2016, la Poste et l'OFT se sont accordés sur un modèle forfaitaire de calcul des montants excédentaires pour les années 2016­2018279. Celui-ci inclut tous les bénéfices générés par

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CarPostal Suisse SA a perçu des indemnités d'un montant trop élevé, communiqué de presse de la Poste du 6.2.2018; cf. également audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018 et Une étape essentielle pour le nouveau départ: montant du remboursement fixé et fonds prêts pour le versement, communiqué de presse de la Poste du 21.9.2018.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018; La Confédération, les cantons et la Poste conviennent des remboursements dans l'affaire CarPostal, communiqué de presse de l'OFT du 21.9.2018. «Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

Bundesamt für Verkehr. Überprüfung der Umbuchungen der PostAuto Schweiz AG der Jahre 2007­2015, rapport de Pricewaterhouse Coopers du 12.9.2018 (uniquement en allemand).

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018; audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018; PostAuto: Analyse Umbuchungen vor 2007, rapport de la Poste à l'attention de l'OFT du 5.9.2018 (uniquement en allemand), chap. 4.3.

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CarPostal dans les transports publics subventionnés durant cette période280. Le montant à rembourser pour ces trois années a été fixé à 54,3 millions de francs 281.

La somme des subventions indûment perçues par CarPostal entre 2007 et 2018 et devant être remboursée à la Confédération, aux cantons et aux communes a donc été estimée à 188,1 millions de francs au total282.

Le rapport de Kellerhals Carrard avait par ailleurs laissé entendre que des transferts illicites avaient déjà eu lieu avant 2007. Malgré le fait que cette période soit prescrite, la Poste a décidé de rembourser, sur une base volontaire, un montant supplémentaire de 17,2 millions de francs portant sur les années 2004­2007283.

Celui-ci a été calculé sur la base d'une estimation interne réalisée par la Poste (cf.

chap. suivant).

Le 21 septembre 2018, l'OFT, la CTP et CarPostal ont signé une convention-cadre pour le remboursement des montants. Il a été décidé que cette convention entrerait en vigueur pour autant qu'au moins 18 cantons concluent un accord individuel avec la Poste avant le 14 décembre284. Le 18 décembre, l'OFT a annoncé que l'ensemble des cantons concernés avaient signé une convention individuelle avec la Poste et que les remboursements entraient donc en vigueur. L'office a en outre signalé que des clarifications supplémentaires au sein de la Poste avaient permis d'identifier des montants de 2,9 millions de francs supplémentaires devant encore être remboursés aux communes dans les domaines du trafic local et des excursions285. En janvier 2019, la Poste a indiqué à la CdG-E qu'une grande partie des remboursements convenus avaient été effectués entretemps286.

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L'OFT et la Poste ont décidé d'inclure également l'exercice 2018 dans ce remboursement forfaitaire, dans la mesure où un abandon du système de transferts d'écriture en cours d'année présentait des risques d'erreurs de calcul trop élevés (audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018).

«Affaire CarPostal»: calcul du remboursement, fiche info de l'OFT du 21.9.2018.

La Confédération, les cantons et la Poste conviennent des remboursements dans l'affaire CarPostal, communiqué de presse de l'OFT du 21.9.2018; Une étape essentielle pour le nouveau départ: montant du remboursement fixé et fonds prêts pour le versement, communiqué de presse de la Poste du 21.9.2018.

La Confédération, les cantons et la Poste conviennent des remboursements dans l'affaire CarPostal, communiqué de presse de l'OFT du 21.9.2018; Une étape essentielle pour le nouveau départ: montant du remboursement fixé et fonds prêts pour le versement, communiqué de presse de la Poste du 21.9.2018.

La Confédération, les cantons et la Poste conviennent des remboursements dans l'affaire CarPostal, communiqué de presse de l'OFT du 21.9.2018. Le Surveillant des prix a salué ces démarches, qui montrent de son point de vue «le bon fonctionnement des institutions» (cf. audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018).

La convention sur les remboursements dans l'affaire «CarPostal» entre en vigueur, communiqué de presse de l'OFT du 18.12.2018. La convention sur les remboursements entre en vigueur: la Poste peut désormais rembourser toutes les sommes dues, communiqué de presse de la Poste du 18.12.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

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6.1.8

Approfondissements relatifs à la période avant 2007

Tant le rapport de révision de l'OFT que les clarifications de Kellerhals Carrard se sont limités à la période allant de 2007 à 2015, en raison de la prescription des faits ayant eu lieu plus tôt287. Dans son rapport, Kellerhals Carrard a néanmoins laissé entendre que des transferts illicites auraient déjà eu lieu chez CarPostal avant 2007288. Face à la CdG-E, les représentants de Kellerhals Carrard ont précisé que les manipulations comptables remontaient vraisemblablement à la fin des années 1990 déjà, mais qu'il n'avait pas été possible, dans le cadre de l'enquête ­ qui portait sur la période dès 2007, d'identifier les raisons ayant motivé celles-ci289.

Face à la CdG-E, le président du conseil d'administration de la Poste a indiqué début juillet 2018 que l'entreprise tenterait de clarifier les faits avant 2007, tout en faisant part de ses réserves quant au succès de cette démarche 290. Les représentants de Kellerhals Carrard ont précisé qu'il serait difficile d'identifier les personnes à l'origine du système de manipulations comptables sans avoir accès aux témoins291.

L'ancienne cheffe du DETEC, de son côté, a affirmé à la commission que l'éclaircissement des faits avant 2007 n'était pas de sa responsabilité et relevait de la compétence de l'OFT. Elle a indiqué qu'elle n'avait rien contre une analyse approfondie de cette période, mais que celle-ci nécessiterait beaucoup de travail et n'apporterait pas grand-chose de son point de vue, dans la mesure où les personnes concernées n'étaient plus en fonction292.

Par lettre du 4 juillet 2018, l'OFT a prié la Poste de procéder à un examen de la période avant 2007 et de lui remettre un rapport en ce sens, afin de que l'office puisse déterminer dans quelle mesure un remboursement des subventions perçues indûment durant cette période serait souhaitable293.

Le 5 septembre 2018, la Poste a transmis à l'OFT le rapport souhaité; celui-ci a été publié par la suite294. Ce document, rédigé par des spécialistes de la Poste, s'est basé sur des données collectées à l'interne295. Les recherches de l'entreprise ont montré que le système de transactions illicites basé sur la «Période 15» avait été institutionnalisé par une directive de 2008296, mais que des manipulations comptables avaient déjà été effectuées au préalable297. Selon l'analyse de la Poste, c'est surtout à partir 287

288

289 290 291 292 293 294 295 296 297

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 24.4.2018. La question du changement de forme juridique de CarPostal en 2006 et du passage à la norme IFRS en 2003 ont également été évoquées comme obstacles aux clarifications avant 2007.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 642 ss. Le rapport fait notamment mention d'une directive relative aux offres pour les années 2000/2001 et d'une proposition à la direction de CarPostal de 2007, ainsi que de la création de deux cercles de comptabilisation distincts dès 2006. Selon Kellerhals Carrard, l'introduction du standard international IFRS en 2002 pourrait également avoir joué un rôle dans l'intensification des manipulations.

Audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018.

Audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

Lettre de l'OFT au président du conseil d'administration de la Poste du 4.7.2018.

PostAuto: Analyse Umbuchungen vor 2007, rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, publié le 18.12.2018 (ci-après: rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018).

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 1.

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 4.3.

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 4.4.

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de 2004 que des transferts illégaux systématiques ont pu être identifiés298. Les calculs de l'entreprise ont montré que les transferts de bénéfices réalisés de 2004 à 2007 se seraient élevés à 17,2 millions de francs environ299.

Dans son rapport, la Poste a souligné la qualité «très limitée» des données disponibles pour les années avant 2007. Cela s'expliquerait notamment par des modifications dans les systèmes comptables de l'entreprise et des changements organisationnels (création de la société indépendante CarPostal en 2006)300. La Poste a précisé qu'il n'était plus possible de plausibiliser les chiffres récoltés et que ceux-ci ne pouvaient pas être utilisés pour des décomptes précis 301.

La Poste a également mis en évidence le fait qu'aucun remboursement ne pouvait être légalement exigé concernant les subventions allouées à CarPostal avant 2007, dans la mesure où l'ensemble des faits de cette période étaient prescrits302. Dans une volonté de coopération, la Poste a néanmoins proposé de restituer, sur base volontaire, le montant de 17,2 millions de francs correspondant aux transferts réalisés durant la période 2004­2007 (cf. chap. précédent)303.

Par lettre du 13 septembre 2018304, l'OFT a indiqué à la Poste qu'il reconnaissait les difficultés liées à la reconstitution des faits avant 2007. Il a précisé qu'il n'était pas en mesure de confirmer si les éléments présentés par la Poste correspondaient à la réalité, mais qu'il pouvait comprendre ceux-ci, et qu'il estimait que le remboursement calculé par l'entreprise constituait une proposition acceptable. L'office a ajouté qu'il considérait que la période en question était ainsi clarifiée.

Le DETEC a indiqué à la CdG-E que l'objectivité et l'exactitude des analyses de la Poste n'avaient pas été évaluées et qu'il n'y avait pas eu d'autres discussions à ce propos par la suite305. La commission ne se prononce pas sur le contenu des clarifications menées par la Poste, mais rappelle ­ au vu de la qualité limitée des données disponibles et de la procédure pénale en cours ­ que celles-ci doivent être considérées avec la plus grande précaution.

6.1.9

Approbation des comptes 2016 à 2018 de CarPostal selon le droit des subventions, renégociation des offres 2019 de CarPostal, réserve de l'entreprise

En vertu de l'art. 37, al. 1, LTV, l'OFT vérifie les comptes annuels des entreprises de transports bénéficiant de contributions des pouvoirs publics, afin de s'assurer de leur conformité aux dispositions légales sur les subventions (cf. chap. 2.3). Au prin298 299 300 301

302 303 304 305

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 4.6 et 5.3.

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 4.6 et 5.4.

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 3 et 5.4.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018. Face à la CdG-E, le président du conseil d'administration a indiqué que les données d'avant 2004, en particulier, présentaient une stabilité insuffisante.

Rapport de la Poste à l'OFT du 5.9.2018, chap. 2 et 5.4.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018.

Lettre de l'OFT à la Poste du 13.9.2018.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019

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temps 2018, l'OFT a indiqué qu'au vu des clarifications en cours concernant le nouveau système comptable de CarPostal, il n'était pas encore en mesure d'approuver les comptes de l'entreprise pour les années 2016 et 2017; il partait alors du principe qu'il serait en mesure de le faire d'ici l'été.

À la mi-2019, l'OFT a informé la CdG-E qu'il avait finalement renoncé à approuver les comptes de CarPostal pour les exercices 2016, 2017 et 2018 306. Il a précisé que toutes les questions financières relatives à ces trois exercices avaient été soldées dans le cadre de la convention-cadre relative aux remboursements conclue le 21 septembre 2018 entre la Confédération, la CTP et la Poste (cf. chap. 6.1.7).

L'OFT a ajouté qu'il considérait que le traitement des comptes concernés était bouclé et qu'il n'y avait par conséquent pas de nécessité de procéder à une adoption formelle de ceux-ci307. Cette décision a été communiquée à la Poste par lettre du 7 février 2019308. Par la suite, dans le cadre de la refonte du système de surveillance sur le TRV présentée en mai 2019, l'OFT a annoncé sa volonté de ne plus procéder, à l'avenir, à l'adoption des comptes des entreprises subventionnées (cf.

chap. 6.1.14).

La CdG-E s'est également enquise de la renégociation des offres soumises par CarPostal pour l'année 2019, dont certaines avaient été conclues avant la révélation de l'affaire CarPostal. L'OFT lui a indiqué début juin 2019 que l'entreprise avait soumis de nouvelles offres fin avril et que celles-ci étaient en cours de négociation avec les commanditaires (Confédération et cantons)309.

Enfin, la commission s'est renseignée au sujet de l'évolution de la réserve spéciale de CarPostal prévue par l'art. 36 LTV310 durant les années 2017 et 2018. L'OFT l'a informée que cette réserve avait augmenté durant ces deux années, passant de 42,7 millions de francs (clôture de l'exercice 2016) à 45,3 millions de francs (clôture de l'exercice 2018)311. Interrogé sur les causes de cette augmentation, l'office a indiqué qu'il avait exigé, dans son rapport de révision de février 2018, que CarPostal assigne 2,7 millions de francs supplémentaires à sa réserve, en compensation de prélèvements réalisés en 2014 et 2015 suite à des déficits de l'entreprise312. L'OFT considère que ces prélèvements étaient infondés, dans la mesure où,
durant ces deux années, des bénéfices ont en fait été réalisés par CarPostal, et qu'ainsi les déficits déclarés ne correspondaient pas à la réalité.

La CdG-E s'est également demandé pour quelles raisons la réserve spéciale de CarPostal n'avait pas été utilisée pour couvrir une partie des remboursements des 306 307 308 309 310

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 15.4.2019.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Lorsqu'une entreprise du TRV réalise un bénéfice annuel dans un secteur bénéficiant d'indemnités, la LTV prévoit que l'entreprise affecte au moins deux tiers de cet excédent à une réserve spéciale destinée à couvrir les futurs déficits des secteurs indemnisés. La loi prévoit en outre que si la réserve atteint 25% du chiffre d'affaires annuel des secteurs concernés ou 12 millions de francs, le bénéfice est à la libre disposition de l'entreprise (cf. chap. 2.3).

311 Notes de l'OFT à la CdG-E du 3.9.2019 et du 17.9.2019. Pour les chiffres détaillés, cf. annexe 4.

312 Note de l'OFT à la CdG-E du 17.9.2019.

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subventions indûment perçues par l'entreprise (cf. chap. 6.1.7). L'OFT a indiqué à la commission que, de son point de vue, les remboursements devaient provenir des réserves libres de l'entreprise (et non de la réserve spéciale), dans la mesure où la grande partie des bénéfices dissimulés illégalement par CarPostal au cours des dernières années avaient été affectés aux réserves libres de l'entreprise et non pas à la réserve spéciale313.

6.1.10

Démarches de la Poste à partir de juin 2018

La CdG-E s'est informée régulièrement, entre juin 2018 et juin 2019, de l'avancée des démarches de la Poste ayant fait suite à l'affaire CarPostal; plusieurs mesures avaient en effet été annoncées par l'entreprise durant le premier semestre 2018 314.

La commission présente ci-après un bref aperçu des démarches en question.

Annulation de la réorganisation «Impresa»: Suite à la publication du rapport de Kellerhals Carrard, le conseil d'administration de la Poste a ordonné l'annulation de la réorganisation «Impresa» entrée en vigueur en 2016 et a renoncé à toute directive en matière de bénéfice pour CarPostal pour l'exercice 2018315. Le démantèlement d'«Impresa» a pris effet au 1er janvier 2019 sur le plan comptable et fiscal et au 7 juin 2019 sur le plan du droit des contrats et du registre du commerce316.

L'ensemble des anciennes filiales de l'entreprise ont été fusionnées dans une société-mère (CarPostal SA); seules trois sous-sociétés ont été maintenues (PubliBike, CarPostal France et PostAuto Liechtenstein). Les finances de l'entreprise ont en outre été réunies dans un seul cercle comptable, supprimant ainsi les possibilités de réallocation des coûts à l'interne317.

Nouvelle orientation stratégique de CarPostal: Le conseil d'administration de la Poste a décidé de fixer une nouvelle orientation stratégique à CarPostal, davantage centrée sur le coeur de métier (transport régional de voyageurs) et la fourniture d'un «service public de qualité»318. La Poste a indiqué que CarPostal souhaitait contribuer activement au développement des transports publics par route, faire du développement durable une valeur centrale et améliorer la compliance et la transparence319. La nouvelle orientation stratégique inclut également le retrait de certains domaines (activités à l'étranger, bus longues lignes, voyages à forfait) et un réexamen des activités de CarPostal en France et au Liechtenstein, ainsi que des offres de 313 314

315 316 317 318

319

Note de l'OFT à la CdG-E du 17.9.2019.

Cf. notamment: CarPostal Suisse SA a perçu des indemnités d'un montant trop élevé, communiqué de presse de la Poste du 6.2.2018; L'enquête externe et l'expertise confirment un comportement fautif inacceptable. Le Conseil d'administration de la Poste en tire les conséquences, communiqué de presse de la Poste du 11.6.2018.

Une étape essentielle pour le nouveau départ: montant du remboursement fixé et fonds prêts pour le versement, communiqué de presse de la Poste du 21.9.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 9.1.2019; audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018; Nouvelle orientation de CarPostal: CarPostal lance une procédure de consultation, communiqué de presse de la Poste du 10.9.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

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vélos en libre-service (cf. plus bas)320. La Poste a annoncé que la stratégie définitive de CarPostal serait présentée pour approbation au conseil d'administration d'ici fin 2019.

Nouvelle structure au sein de CarPostal: Avant la révélation de l'affaire CarPostal, l'entreprise était organisée par entités régionales. Le rapport de Kellerhals Carrard a néanmoins laissé entrevoir l'implication de responsables de ces entités dans le système de manipulations comptables. La Poste a par conséquent décidé de modifier l'organisation des responsabilités au sein de CarPostal, en renonçant à l'organisation régionale et en passant à une organisation fonctionnelle, centralisée à l'échelle nationale321. Les postes de la nouvelle structure ont été mis au concours dès fin août 2018. Début septembre 2018, la Poste a annoncé que la réorganisation prévue pourrait entraîner la suppression de 40 à 60 emplois; une procédure de consultation et un plan social ont été réalisés322. Les membres de la nouvelle direction de CarPostal ont été nommés entre juin et septembre 2018323; le nouveau directeur, Christian Plüss, est entré en fonction le 1er novembre 2018. Les trois niveaux hiérarchiques les plus élevés ont été pourvus jusqu'à fin décembre 2018. La CdG-E a pris connaissance de l'organigramme détaillé de la nouvelle structure de conduite et a procédé à un échange à ce sujet avec les représentants de la Poste324. La réorganisation de CarPostal s'est achevée en avril 2019.

La Poste a informé la CdG-E que d'anciens responsables des entités régionales de CarPostal avaient été réengagés dans la nouvelle structure; elle a indiqué qu'il incombait à fedpol de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité pénale des personnes préalablement actives au sein des entités régionales de CarPostal, et que des clarifications plus approfondies n'étaient pas prévues du côté de la Poste325. Les représentants de l'entreprise ont toutefois informé la commission qu'une clause avait été incluse dans les contrats de tous les collaborateurs importants engagés pour des fonctions de conduite dans la nouvelle structure, précisant qu'en cas d'inculpation pénale, la résiliation des rapports de travail et la demande de dommages-intérêts était réservée326.

Conseil d'administration de CarPostal: La Poste a informé la CdG-E que CarPostal était par le
passé dirigée par un «conseil d'administration fiduciaire», sans responsabilité propre. Après réexamen du modèle de gestion, il a été décidé qu'à l'avenir, l'entreprise disposerait d'un conseil d'administration actif, constitué de trois membres (directeur et chef des finances de la Poste, responsable Corporate Center 320 321 322 323 324 325 326

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018, Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018, Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018.

Nouvelle orientation de CarPostal: CarPostal lance une procédure de consultation, communiqué de presse de la Poste du 10.9.2018.

Désignation de cinq membres de la direction de CarPostal, communiqué de presse de la Poste du 3.9.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 10.10.2018.

Auditions des représentants de la Poste, séances du 17.10.2018 et du 23.1.2019, lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018. La commission a été informée du fait que, parmi les 10 anciens responsables d'entités régionales, cinq avaient été réengagés dans la nouvelle structure.

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de la Poste), chargé de prendre des décisions de fond, tandis que la direction générale stratégique resterait du ressort du conseil d'administration de la Poste327.

Nouveau directeur et nouveaux membres du conseil d'administration de la Poste: Fin novembre 2018, M. Roberto Cirillo a été nommé nouveau directeur général de la Poste; il est entré en fonction en avril 2019328. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 27 novembre 2018, Mme Bernadette Koch et M. Ronny Kaufmann ont été élus au sein du conseil d'administration, en remplacement de Mme Blank et de M. Vassalli329. La CdG-E s'est informée auprès de la Poste et du DETEC des démarches relatives à la recherche et à la sélection de ces deux membres, ainsi qu'au contrôle de leurs liens d'intérêts respectifs; ces aspects ne sont toutefois pas détaillés ici330.

Mesures au sein du conseil d'administration de la Poste: Le président du conseil d'administration de la Poste a fait part de sa volonté de créer, au sein du conseil, un comité spécialement consacré à CarPostal, chargé du suivi des démarches relatives à CarPostal France, PostAuto Liechtenstein et PubliBike331. Par ailleurs, la Poste a annoncé que l'échange d'informations entre le service de révision interne de l'entreprise et le conseil d'administration serait clarifié et institutionnalisé332. Il a par ailleurs été décidé que le président du conseil d'administration ne serait, dès la clôture de la procédure pénale administrative relative à CarPostal, plus membre du comité «Audit, Risk & Compliance»333.

Mesures dans le domaine du personnel: La Poste a régulièrement informé la CdG-E des démarches en cours concernant le dépôt de plaintes en responsabilité et en dommages-intérêts vis-à-vis des employés licenciés de CarPostal. La Poste a assuré à la commission qu'aucune indemnité de départ n'avait été versée aux collaborateurs congédiés en juin 2018334. Des demandes de renoncement à la prescription ont par ailleurs été transmises à une quinzaine de personnes mises en cause dans le rapport de Kellerhals Carrard335. A l'été 2019, la Poste a informé la CdG-E que cinq anciens collaborateurs avaient contesté leur licenciement durant le délai de résiliation, et que ces cas étaient encore en suspens336. Durant le premier semestre 2019, les représentants de la Poste ont déploré à plusieurs reprises
face à la commission l'interdiction qui leur était imposée d'interroger les anciens employés en raison de la procédure pénale en cours (cf. chap. 6.1.3). Ils ont indiqué qu'il était par conséquent impossible pour l'entreprise de statuer quant aux plaintes en responsabilité et dommagesintérêts337. En avril 2019, le conseil d'administration de la Poste a annoncé qu'il 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

Roberto Cirillo nommé nouveau directeur général de la Poste, communiqué de presse de la Poste du 22.11.2018.

Bernadette Koch et Ronny Kaufmann complètent le Conseil d'administration de la Poste, communiqué de presse de la Poste du 27.11.2018.

Concernant les démarches du DETEC à ce propos, cf. chap. suivant.

Audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018.

Auditions des représentants de la Poste, séances du 17.10.2018 et du 23.1.2019.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 18.12.2018, auditions des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019 et du 15.4.2019.

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prendrait une décision définitive sur l'exercice des prétentions légales lorsqu'il aurait la possibilité de consulter le dossier en lien avec la procédure pénale et d'interroger les personnes concernées338. La Poste a indiqué que les travaux étaient suspendus dans l'intervalle pour une durée indéterminée 339.

Gel des bonus et remboursement des parts de salaires indûment versées: La Poste a communiqué à la CdG-E qu'elle avait gelé les parts variables des salaires (bonus) de l'ancienne directrice de la Poste et de la totalité de l'ancienne direction de CarPostal pour les années 2017 et 2018340 et que celles-ci ne seraient pas libérées tant que les responsabilités n'auraient pas été clarifiées341. L'entreprise a également annoncé qu'elle examinerait la possibilité d'exiger un remboursement de certaines parts de salaire indûment versées342. Les clarifications à ce propos ont également été suspendues dans l'attente d'informations supplémentaires en lien avec la procédure pénale.

Le président du conseil d'administration de la Poste a en outre précisé que l'entreprise comptait examiner la nécessité d'adapter son système de rémunérations variables suite aux expériences faites343.

Démarches de soutien auprès du personnel: Les représentants de la Poste ont souligné à plusieurs reprises, face à la commission, la nécessité de regagner la confiance du personnel suite à l'affaire CarPostal et ont présenté les démarches entreprises afin d'encourager le dialogue avec les collaborateurs344.

Clarifications relatives aux frais de licence et de gestion: Le rapport de Kellerhals Carrard a également mis en évidence des irrégularités liées à la facturation de frais de licence et de gestion au sein des unités du groupe Poste345. L'entreprise a fait part de sa volonté de mettre en place une gestion financière uniforme au sein du groupe346 et de soumettre l'administration des frais de gestion à un examen ex-

338 339 340

341 342 343

344 345 346

Approbation des comptes et reconduction du Conseil d'administration, communiqué de presse de la Poste du 17.4.2019.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

Selon le rapport financier 2018 de la Poste (p. 72), la rémunération des membres de la Direction du groupe Poste se compose d'un salaire de base fixe et d'une part variable liée à la prestation pouvant atteindre 45% du salaire de base annuel (50% pour la directrice générale ou le directeur général). Cette part variable dépend notamment de la création de valeur au sein du groupe (28%), du bénéfice de l'unité concernée (20%), ainsi que de la satisfaction des clients et d'autres critères. Un tiers de la part variable est déposée sur un compte spécial, et payée après trois ans à titre de versement différé. Les deux autres tiers de la part variable sont versés directement à l'ayant droit. Dans le cas du gel des bonus ayant suivi à l'affaire CarPostal, la totalité des parts variables ont été bloquées, et non uniquement le tiers différé (cf. audition des représentants de la Poste, séance du 15.4.2019).

Audition des représentants de la Poste, séance du 17.10.2018. La Poste a indiqué que des déclarations de renonciation à la prescription avaient été conclues à ce propos.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 10.10.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 15.4.2019. La question de savoir dans quelle mesure les manipulations comptables au sein de CarPostal ont eu une influence sur les bonus versés à certains responsables de l'entreprise (et donc si les bonus ont constitué une incitation négative) demeure ouverte pour l'instant.

Auditions des représentants de la Poste, séances du 17.10.2018 et du 15.4.2019.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 677 ss.

Présentation incomplète de la situation financière des sociétés étrangères de CarPostal, communiqué de presse de la Poste du 3.7.2018.

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terne347. La Poste a fait part à la commission, en juin 2019, des résultats de l'analyse qu'elle avait mandatée auprès de Pricewaterhouse Coopers à ce sujet; elle a indiqué qu'elle actualiserait ses concepts aux normes actuelles conformément aux recommandations émises348.

Programme de conformité (compliance): Début février 2018, la Poste a annoncé la mise sur pied d'un programme de conformité (compliance) au sein du groupe349. En juin 2019350, l'entreprise a informé la CdG-E de la mise en oeuvre de diverses mesures en ce sens, incluant la détermination d'un chargé de la compliance pour la législation sur les subventions au niveau du groupe et une documentation centrale de toutes les subventions de la Poste. Elle a en outre annoncé qu'elle procéderait à des formations des collaborateurs sur le thème des subventions et à des contrôles ciblés.

Attribution du mandat de révision externe: A l'issue d'un appel d'offres réalisé conformément à la législation sur les marchés publics, la Poste a indiqué en décembre 2018 qu'elle avait choisi de proposer à l'assemblée générale l'entreprise EY comme nouvelle instance de révision externe351. Ce choix a été confirmé lors de l'assemblée générale d'avril 2019352. Le président du conseil d'administration a précisé que EY procéderait désormais également à des contrôles relatifs au droit des subventions353, comme l'a également recommandé l'ASR par la suite (cf.

chap. 6.1.13). Dans le cadre de ses travaux, la CdG-E a abordé ponctuellement avec les représentants de la Poste les modalités de ce choix354. La sélection de la nouvelle entreprise de révision n'a toutefois pas été approfondie davantage par la CdG-E, dans la mesure où cet aspect dépasse le cadre de l'inspection relative à CarPostal.

CarPostal France: Suite aux révélations liées à CarPostal, la Poste a décidé d'examiner l'option d'une vente de la filiale française de la société; celle-ci a été mise en oeuvre dans le courant de l'année 2019 (à ce propos, cf. chap. 7).

Examen de la situation de PubliBike: La commission s'est également informée des démarches relatives à la société de vélos en libre-service PubliBike, filiale de CarPostal. Cette société ne figure pas dans le rapport de Kellerhals Carrard, et aucune écriture comptable irrégulière n'y a été relevée. Néanmoins, de nombreuses critiques ont été émises, au cours de l'année 2018, au sujet du modèle comptable de Publi-

347 348 349 350 351 352 353 354

Lettres de la Poste à la CdG-E du 10.10.2018 et du 9.1.2019.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

CarPostal Suisse SA a perçu des indemnités d'un montant trop élevé, communiqué de presse de la Poste du 6.2.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 14.6.2019.

La convention sur les remboursements entre en vigueur: la Poste peut désormais rembourser toutes les sommes dues, communiqué de presse de la Poste du 18.12.2018.

Approbation des comptes et reconduction du Conseil d'administration, communiqué de presse de la Poste du 17.4.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019. Dans ce cadre, les représentants de la Poste ont notamment présenté les mesures prises afin d'éviter tout conflit d'intérêt en lien avec Mme Bernadette Koch, nouvelle membre du conseil d'administration et ancienne partenaire de EY.

7053

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Bike et du manque de transparence financière de cette filiale355. Le conseil d'administration de la Poste a annoncé à l'été 2018 qu'il comptait procéder à une analyse approfondie à ce sujet356. Par la suite, la commission a été informée par la Poste de la situation de PubliBike et de l'avancée des réflexions357. Début 2019, le président a indiqué que le conseil d'administration avait décidé de maintenir pour l'instant l'offre de PubliBike, mais qu'il exigeait en contrepartie une nette amélioration de la rentabilité et un résultat équilibré à moyen terme et qu'il attendait de la direction des propositions en ce sens358. Il a toutefois souligné que, de son point de vue, la décision stratégique du lancement de PubliBike prise en 2011 était juste359. Dans la mesure où le cas de PubliBike dépasse le cadre de la présente inspection et que cette filiale relève des activités de la Poste en libre concurrence360, la CdG-E s'abstient d'approfondir cet aspect pour le moment.

6.1.11

Suivi des démarches de la Poste par les autorités fédérales à partir de juin 2018

La CdG-E s'est informée, entre juin 2018 et juin 2019, de la manière dont les autorités fédérales compétentes (Conseil fédéral, DETEC, AFF et OFT) avaient suivi les démarches de la Poste suite à l'affaire CarPostal.

Le DETEC a indiqué qu'il avait été régulièrement informé par la Poste, dans le cadre des entretiens trimestriels, de l'état de la réorganisation en cours de CarPostal361. Il a toutefois précisé à plusieurs reprises qu'en vertu des principes de gouvernance des entreprises proches de la Confédération, le Conseil fédéral se limitait à piloter la Poste en appliquant les instruments du droit de la société anonyme, que les mesures prises concernant CarPostal ou sa structure relevaient de la responsabilité opérationnelle interne de la Poste et que la Confédération en tant que propriétaire n'avait pas participé à ces travaux362. La cheffe du DETEC a toutefois précisé que le propriétaire attendait du conseil d'administration qu'il «encadre rigoureusement le développement de PubliBike et la possible vente de CarPostal France»363.

Concernant la mise en place de la nouvelle structure au sein de CarPostal, le DETEC a été informé du fait que d'anciens directeurs régionaux avaient été réengagés dans 355

356 357

358 359 360 361 362 363

Le vélo en libre-service a quelques bâtons dans les roues. In: Le Temps, 10.12.2018; Chef von Problemfirma Publibike geht. In: Basler Zeitung, 22.12.2018. Cf. également: CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, chap. 2.2 (en allemand uniquement, résumé en français).

Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018.

Auditions des représentants de la Poste, séances du 17.10.2018 et du 23.1.2019.

La CdG-E part du principe que les départements représentant le propriétaire ont bénéficié d'informations similaires.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 9.1.2019; audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

Audition des représentants de la Poste, séance du 23.1.2019.

A la connaissance de la CdG-E, aucun élément ne permet jusqu'à présent de supposer que PubliBike aurait bénéficié de financements illégaux issus de CarPostal.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018; lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

7054

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l'entreprise et qu'une clause spéciale avait été formulée à ce propos dans leurs contrats de travail. Il a indiqué que, même si la politique du personnel était du ressort de la Poste, le Conseil fédéral attendait de l'entreprise qu'elle «procède avec la diligence requise dans ce domaine»364. Concernant le gel des bonus des anciens responsables de l'entreprise, la cheffe du DETEC a indiqué que, de son point de vue, «le conseil d'administration avait pris ses responsabilités»365.

L'OFT, de son côté, a été régulièrement informé de l'avancement des travaux relatifs à la nouvelle structure de CarPostal. Il a indiqué que celle-ci permettrait «d'améliorer sensiblement la transparence». L'office a indiqué qu'il n'était pas prévu qu'il approuve explicitement la nouvelle structure et les flux financiers, mais qu'il vérifierait dans le cadre de révisions approfondies que les coûts et revenus soient répartis conformément à la loi366.

Le DETEC a été informé en décembre 2018 et en mars 2019 de l'avancée des procédures concernant le choix de la nouvelle entreprise de révision externe de la Poste.

Le département a indiqué qu'il n'avait pas considéré nécessaire de procéder à des clarifications complémentaires à ce propos, étant donné que la Poste avait mené une procédure conforme aux règles de l'OMC. Le Conseil fédéral a accepté, le 22 mars 2019, la proposition de nommer EY comme organe de révision externe lors de l'assemblée générale 2019367.

Concernant la nomination au conseil d'administration des remplaçants de Mme Blank et de M. Vassalli fin 2018, le DETEC a indiqué qu'il avait examiné en détail les candidatures proposées ainsi que leurs liens d'intérêts déclarés et qu'il en avait conclu que les deux candidats remplissaient les conditions nécessaires pour assumer la fonction de membre368. Le département a précisé que l'affaire CarPostal n'avait pas eu d'incidence sur le profil d'exigences des membres du conseil d'administration369.

Dans la mesure où l'une des candidates au conseil d'administration était une ancienne partenaire de EY (alors pressentie pour reprendre la révision externe de la Poste), le DETEC a procédé fin 2018 à certaines vérifications en matière de conflits d'intérêts. Selon les informations transmises à la CdG-E, le président du conseil d'administration de la Poste a confirmé par écrit
au DETEC que l'examen mené par l'entreprise n'avait mis en évidence aucun conflit d'intérêt et que l'indépendance entre l'organe de révision et le conseil d'administration serait garantie par des mesures adéquates (p. ex. récusation)370. Le DETEC a également été informé du fait que la candidate concernée n'entretenait plus aucun rapport avec EY. Au vu des informations fournies, il n'a «pas vu de raison d'ordonner des mesures» 371. Le département a indiqué qu'il ne s'était pas penché sur les éventuelles relations entre 364 365 366 367 368 369

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Audition de la cheffe du DETEC, séance du 15.4.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 29.5.2019.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018. Profil d'exigences du conseil d'administration de la Poste, www.uvek.admin.ch > Le DETEC > Entreprises liées à la Confédération > La Poste Suisse (consulté le 19.7.2019).

370 Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

371 Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

7055

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d'autres collaborateurs de la Poste et EY, dans la mesure où un tel examen relève selon lui de la responsabilité opérationnelle de l'entreprise372.

Dans le contexte des réflexions relatives à la gouvernance des entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 8.2), le DETEC et le DFF ont décidé fin 2018 de préciser les règles concernant les informations transmises par les entreprises aux départements compétents au sujet des séances de leur conseil d'administration. Par lettre du 20 décembre 2018, l'ancienne cheffe du DETEC a informé la Poste, les CFF, Swisscom et Skyguide que les présidentes et présidents des conseils d'administration devraient à l'avenir informer les départements compétents par écrit, avant la séance du conseil d'administration, des thématiques importantes pour le propriétaire figurant à l'ordre du jour (sans transmission des documents de séance) et, après la séance, des discussions et décisions importantes pour le propriétaire (sans transmission du procès-verbal)373.

Le DETEC a également pris connaissance du fait que le conseil d'administration de CarPostal assumerait à l'avenir un rôle plus actif (cf. chap. 6.1.10). Il a toutefois indiqué à la CdG-E qu'il ne comptait pas procéder à un examen plus large des structures de conduite dans les filiales des autres entreprises proches de la Confédération, dans la mesure où cette question relève selon lui de la compétence des entreprises concernées374.

Interrogée par la CdG-E, l'ancienne cheffe du DETEC a affirmé que, du point de vue du Conseil fédéral, la documentation élaborée (en particulier le rapport de l'OFT ainsi que les rapports de Kellerhals Carrard et du groupe d'experts) avait permis d'examiner le fond de l'affaire et que le Conseil fédéral, le DETEC, l'AFF et la Poste avaient ainsi disposé des informations nécessaires afin que les mesures requises sur les plans de l'organisation et du personnel puissent être prises375.

6.1.12

Assemblée générale 2019 de la Poste et rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste en 2018

Lors de l'assemblée générale 2019, qui s'est tenue le 16 avril 2019, le Conseil fédéral a une nouvelle fois décidé de n'accorder au conseil d'administration de la Poste qu'une décharge partielle pour l'exercice 2018, en excluant les faits en lien avec CarPostal376. Face à la commission, la cheffe du DETEC a précisé que le Conseil fédéral se réservait toujours la possibilité de mener des actions en responsabilité en fonction des résultats de l'enquête pénale377. Les comptes 2018 de la Poste ont été approuvés et le conseil d'administration a été réélu dans son intégralité. La

372 373 374 375 376

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Lettre du DETEC à la CdG-E du 17.6.2019.

Lettre du DETEC à la CdG-E du 17.6.2019.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Approbation des comptes et reconduction du Conseil d'administration, communiqué de presse de la Poste du 17.4.2019.

377 Audition de la cheffe du DETEC, séance du 15.4.2019.

7056

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proposition de nommer EY comme nouvelle entreprise de révision externe a été validée378.

Dans son rapport annuel sur la réalisation des objectifs stratégiques de la Poste en 2018, adopté le 22 mars 2019 et adressé aux CdG et aux CdF379, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que la Poste n'avait que partiellement atteint ses objectifs financiers, en raison notamment des remboursements liés à l'affaire CarPostal. Il a estimé que, malgré une bonne marche des affaires, il ne lui était pas possible d'évaluer l'atteinte des objectifs de la Poste dans le domaine du transport de voyageurs, en raison des enquêtes toujours en cours.

6.1.13

Investigations de l'ASR relatives au rôle de l'entreprise de révision externe de la Poste

Le rapport de Kellerhals Carrard a soulevé diverses questions relatives au rôle de l'entreprise de révision externe KPMG380 dans l'affaire CarPostal. Il a notamment mis en lumière le fait que KPMG avait été associée à l'élaboration du projet «Impresa», sans pouvoir néanmoins déterminer dans quelle mesure elle était informée du système de malversations comptables en vigueur à l'époque au sein de CarPostal381.

Face à la CdG-E, l'OFT a fait part de son étonnement quant au fait que KPMG n'avait jamais émis de réserves au sujet de la situation financière de CarPostal382.

Suite à l'affaire CarPostal, la Poste a décidé de procéder à un changement de réviseur externe; KPMG a été remplacée par EY à partir de 2019 (cf. chap. 6.1.10).

Mi-mars 2018, l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR) a lancé un «contrôle ad hoc» concernant les agissements de KPMG en lien avec l'affaire CarPostal383. Dans ce cadre, l'ASR a examiné la manière dont KPMG avait révisé les comptes de la Poste entre 2013 et 2017. Le rapport issu de ce contrôle a été transmis à KPMG en date du 3 décembre 2018; il n'a pas été publié384. Par le biais d'un communiqué de presse385, l'ASR a indiqué que son contrôle avait mis en lumière «plusieurs lacunes, graves pour certaines, concernant notamment les opérations de révision de KPMG en lien avec la comptabilisation des subventions, 378 379 380 381 382 383 384

385

Approbation des comptes et reconduction du Conseil d'administration, communiqué de presse de la Poste du 17.4.2019.

Rapport du Conseil fédéral du 22.3.2019 sur la réalisation des objectifs stratégiques de La Poste Suisse SA durant l'exercice 2018.

KPMG assumait la fonction de réviseur externe de la Poste depuis la création de cette dernière en 1998.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 1116 ss.; audition des représentants de Kellerhals Carrard, séance du 2.7.2019.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 14.11.2018.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Selon l'art. 16, al. 3 de la loi fédérale du 16.12.2005 sur l'agrément et la surveillance des réviseurs (Loi sur la surveillance de la révision, LSR; RS 221.302), les rapports de contrôle de l'ASR sont adressés à l'entreprise de révision concernée; ils ne sont pas publics. Le rapport de contrôle constitue une décision de l'ASR; celui sur CarPostal n'a pas été contesté par KPMG et est entré en force le 21.1.2019 (audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019).

L'ASR clôt le contrôle visant l'audit financier de CarPostal Suisse SA, communiqué de presse de l'ASR du 4.12.2018.

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l'analyse d'éventuelles infractions à la loi [...] et l'évaluation des travaux de la révision interne de la Poste». L'ASR a indiqué que KPMG avait pris d'elle-même de nombreuses mesures organisationnelles et qu'un catalogue de mesures avait été fixé en vue de la révision des comptes de la Poste pour l'exercice 2018. L'autorité a également annoncé avoir ouvert des procédures d'enforcement («procédures d'application de la loi») vis-à-vis de deux personnes, afin de vérifier qu'elles «présentent encore les garanties requises pour une activité de révision irréprochable»386.

Fin février 2019, la CdG-E a procédé à un échange avec les représentants de l'ASR, au sujet des résultats et enseignements de ce contrôle387.

L'ASR est arrivée à la conclusion que les travaux de révision de KPMG relatifs à l'évaluation de possibles violations de la loi au sein de CarPostal étaient insuffisants388. L'autorité a en outre estimé que les travaux de la révision interne de la Poste avaient été évalués de manière partiellement lacunaire par le réviseur externe389. Diverses autres remarques ont été formulées par l'ASR concernant des aspects techniques de la vérification des comptes. Les représentants de l'autorité ont précisé à la CdG-E qu'ils n'avaient relevé aucun indice de corruption ou de travaux de révision intentionnellement insuffisants de la part de KPMG390.

Dans le cadre de son contrôle, l'ASR a constaté certaines irrégularités importantes dans les travaux de révision relatifs à la comptabilisation des subventions de CarPostal391. Face à la commission, les représentants de l'autorité ont souligné que la surveillance dans ce domaine revenait à l'OFT, mais que le réviseur externe était malgré tout tenu d'approfondir les indices d'irrégularités comptables, en particulier lorsque celles-ci étaient susceptibles de mener au versement de subventions indues392. Selon eux, les entreprises de révision ont retenu la leçon de ce cas et accorderont à l'avenir une attention renforcée aux domaines bénéficiant de subventions393.

S'agissant de l'implication de KPMG dans l'élaboration du projet «Impresa», l'ASR estime également que les travaux de révision relatifs à l'évaluation de possibles violations de la loi ont été insuffisants394. La loi n'interdit pas aux entreprises de révision d'assumer des mandats annexes; néanmoins,
selon l'ASR, elles doivent être conscientes des dangers potentiels liés à de tels mandats. Du point de vue de l'autorité, les collaborateurs concernés devraient être incités à adopter une vision plus critique et à faire part immédiatement de tout soupçon relatif à d'éventuelles infractions. L'ASR estime en outre que de tels mandats annexes devraient être approuvés par le conseil d'administration, afin d'éviter tout conflit d'intérêt395.

386 387 388 389 390 391 392 393 394 395

L'ASR clôt le contrôle visant l'audit financier de CarPostal Suisse SA, communiqué de presse de l'ASR du 4.12.2018.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

7058

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Face à la commission, les représentants de l'ASR ont mis en évidence le fait que la Poste n'est pas considérée comme une «société d'intérêt public» au sens de la loi sur la surveillance de la révision (LSR)396, dans la mesure où elle n'est ni une entreprise financière ni une entreprise cotée en bourse. Cela a pour conséquence que la révision risque de ne pas être effectuée par les personnes les plus expérimentées397. L'ASR serait favorable à une adaptation de la loi afin que les entreprises proches de la Confédération soient également considérées comme des sociétés d'intérêt public398.

En plus de KPMG, le rapport de contrôle de l'ASR a été transmis à fedpol (en tant qu'autorité d'enquête pénale) et à l'OFT (en tant qu'autorité de surveillance sur CarPostal dans le domaine du TRV subventionné)399. L'ASR a indiqué à la commission que les éventuelles infractions commises par les employés de KPMG sur le plan du droit pénal administratif seraient approfondies par fedpol400.

L'ASR n'a par contre pas donné suite aux demandes de consultation du rapport qui lui ont été transmises par la Poste et le SG-DETEC durant le premier semestre 2019.

Interrogée par la CdG-E sur les raisons de ce refus, l'ASR a indiqué que les résultats de ses inspections étaient en principe soumis au secret de fonction401 et que, sans base légale correspondante (cf. art. 22 et suivants LSR), ils n'étaient jamais transmis aux conseils d'administration ou aux actionnaires des entreprises révisées, dans la mesure où les travaux de l'ASR visent à servir l'intérêt public et non l'intérêt privé de certaines parties402. L'autorité a encore précisé que, selon une circulaire qu'elle avait émise en 2009, le conseil d'administration de l'entreprise révisée avait certes, conformément à l'article 400, al. 1, et 728b, al. 1, CO, le droit d'être informé par l'entreprise de révision des principaux résultats de l'inspection, mais que cette possibilité était réservée aux «sociétés d'intérêt public» et ne concernait donc pas la Poste (cf. plus haut)403.

6.1.14

Examen et réorganisation de la surveillance de l'OFT sur les entreprises de transport subventionnées

La révélation de l'affaire CarPostal a soulevé diverses questions relatives à surveillance exercée par l'OFT sur les entreprises du TRV subventionné404. Certains ac396 397

398 399 400 401 402 403 404

Cf. art. 2, let. c, LSR.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019. Cette situation concerne également d'autres entreprises proches de la Confédération, comme les CFF ou Skyguide.

Swisscom et PostFinance sont par contre considérées comme des sociétés d'intérêt public.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019.

Courriel de l'ASR à la CdG-E du 10.5.2019.

Art. 34 LSR.

Courriel de l'ASR à la CdG-E du 23.5.2019.

Courriel de l'ASR à la CdG-E du 23.5.2019.

Conformément à la légalisation en vigueur (cf. chap. 2.3), l'OFT est chargé d'assurer la surveillance sur les entreprises de TRV bénéficiant de subventions (120 entreprises environ, totalisant 2 milliards de francs de subventions). A ce titre, il procède à un examen et une approbation des comptes des entreprises concernées au regard du droit des subventions et peut effectuer des contrôles approfondis. Le contrôle de l'OFT intervient en complément de la surveillance exercée par le service de révision externe des entreprises.

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teurs ont notamment déploré le fait que l'office n'ait pas été en mesure de déceler plus tôt les malversations comptables de CarPostal (cf. chap. 5.2); le cumul de différents rôles au sein de l'OFT (commande et surveillance du TRV) ainsi que les ressources limitées de l'office et son potentiel manque d'indépendance face aux entreprises de transport ont également été évoqués405. Ces critiques ont été relancées suite à la révélation, en mars 2019, d'erreurs dans le calcul des taux d'intérêt accordés par l'OFT à la compagnie ferroviaire BLS406.

Dès le printemps 2018, tant l'OFT que l'ancienne cheffe du DETEC ont fait part de leur volonté de tirer les enseignements de l'affaire CarPostal au sujet de la surveillance exercée par l'office407. L'OFT a mis sur pied un groupe de travail interne visant à élaborer des mesures d'amélioration (projet MaPAG, «Massnahmen im Nachgang zum Fall Postauto»). En parallèle, le DETEC a décidé de mandater une entreprise externe afin de réaliser un audit des contrôles effectués par l'OFT sous l'angle du droit des subventions, portant sur l'organisation, les méthodes et les ressources de l'office408. Le mandat correspondant a été attribué en octobre 2018 au cabinet BDO409.

Le rapport final de BDO, daté du 19 décembre 2018410, est arrivé à la conclusion que le processus de contrôle des subventions de l'OFT était dans l'ensemble bien rôdé et efficace, que les rôles et responsabilités étaient réglés en grande partie de manière claire et que la collaboration entre les sections concernées de l'office fonctionnait bien. L'analyse a toutefois mis en évidence plusieurs lacunes411. L'étendue, la profondeur et l'efficacité de l'approbation des comptes des entreprises par l'OFT ont été jugées insuffisantes; BDO a estimé que les contrôles effectués ne permettaient pas à l'office de remplir son mandat légal de surveillance. Par ailleurs, l'examen a révélé un manque d'indépendance de l'OFT et un cumul problématique des rôles au sein de l'office. Enfin, BDO a considéré que les ressources et compétences spécialisées des sections concernées de l'OFT étaient trop faibles. En conclusion de son analyse, BDO a recommandé de concevoir un nouveau processus d'examen des comptes, de renforcer l'indépendance, les ressources et les compé-

405 406

407

408 409 410 411

Cf. notamment rapport Kellerhals Carrard, audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018, audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018.

L'OFT et le BLS se mettent d'accord sur la compensation d'intérêts trop élevés, communiqué de presse de l'OFT du 15.3.2019. Le rapport publié par la Révision OFT à ce propos fait notamment état de lacunes de surveillance «systématiques et graves» au sein de l'office et d'un manque de vision globale. Ce cas spécifique ne sera toutefois pas approfondi dans le cadre du présent rapport.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018; auditions des représentants du DETEC et de l'OFT, séances du 14.11.2018 et du 27.3.2019; DETEC: Subventions perçues par CarPostal Suisse SA, www.uvek.admin.ch > Entreprises liées à la Confédération > La Poste Suisse (consulté le 14.6.2018).

DETEC: Subventions perçues par CarPostal Suisse SA, www.uvek.admin.ch > Entreprises liées à la Confédération > La Poste Suisse (consulté le 14.6.2018).

Lettre de l'ancien secrétaire général du DETEC à la CdG-E du 28.9.2018.

BDO: Audit der subventionsrechtlichen Prüfungen des Bundesamtes für Verkehr (BAV) im regionalen Personenverkehr, rapport du 19.12.2018 (en allemand uniquement).

Rapport BDO du 19.12.2018, pp. 3­4; audition des représentants du DETEC et de l'OFT, séance du 27.3.2019.

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tences de l'OFT, de réorganiser les sections concernées et de standardiser les échanges entre l'office et les organes de révision des entreprises412.

En mars 2019, la CdG-E a abordé les résultats de cet examen ainsi que les mesures décidées sur la base de celui-ci avec les représentants du DETEC et de l'OFT. Ces derniers ont indiqué à la commission qu'ils partageaient les principales conclusions de BDO, mais qu'ils souhaitaient aller plus loin que le modèle recommandé, en procédant à une refonte complète du dispositif de surveillance de l'OFT413. Le modèle élaboré par le DETEC et l'OFT vise à renforcer la responsabilité des entreprises de transport et de leurs organes de révision externes et à améliorer la surveillance de l'office; il inclut en particulier les mesures suivantes 414: ­

Suppression de l'approbation annuelle par l'OFT des comptes des entreprises du TRV selon le droit des subventions (art. 37 LTV), cette démarche étant jugée inadéquate et source de confusions;

­

Mise en place d'un système de controlling élargi des entreprises par l'OFT, basé sur l'analyse d'indicateurs financiers, complété par des contrôles aléatoires approfondis réalisés par la section Révision de l'OFT;

­

Renforcement des ressources au sein des sections compétentes de l'OFT, engagement de collaborateurs spécialisés, réorganisation de la section Trafic voyageurs de l'office afin de garantir une meilleure séparation des tâches;

­

Renforcement du rôle de contrôle des organes de révision externe des entreprises, en collaboration avec l'association faîtière des experts en audit (EXPERTsuisse): détermination des opérations de contrôle incombant obligatoirement au réviseur externe, possibilité pour l'OFT d'attribuer des mandats ciblés supplémentaires au réviseur externe;

­

Responsabilisation des entreprises de transport par le biais d'autodéclarations annuelles concernant le respect du droit des subventions, introduction d'un contrôle ordinaire au sens de l'art. 727 CO pour toutes les entreprises bénéficiant de plus de 10 millions de francs de subventions par an;

­

Etablissement d'une documentation visant à réduire la marge d'interprétation des bases légales par les entreprises (imputation et facturation des coûts, comptabilité analytique, provisions et réserves, responsabilités de surveillance, etc.)415.

Ces mesures ainsi que les ressources supplémentaires attribuées à l'OFT ont été approuvées par le Conseil fédéral début mai 2019 et rendues publiques dans la

412

Rapport BDO du 19.12.2018, pp. 3­4 ainsi que pp. 12­27; audition des représentants du DETEC et de l'OFT, séance du 27.3.2019.

413 Audition des représentants du DETEC et de l'OFT, séance du 27.3.2019. Pour plus de détails concernant la prise de position de l'OFT vis-à-vis des recommandations de BDO, cf. Rapport BDO du 19.12.2018, pp. 28­31; lettre de l'OFT au DETEC du 24.1.2019.

414 Lettre de l'OFT au DETEC du 24.1.2019; audition des représentants du DETEC et de l'OFT, séance du 27.3.2019; Emploi correct des subventions dans les TP: l'OFT renforce la surveillance, communiqué de presse de l'OFT du 6.5.2019.

415 Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 29.5.2019.

7061

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foulée416. Elles ont été saluées par divers acteurs du domaine, tels que l'Union des transports publics (UTP) et la Conférence des directeurs cantonaux des transports publics (CTP)417. L'OFT a indiqué que le nouveau modèle de surveillance serait développé courant 2019 et que sa mise en oeuvre serait achevée en 2020 418. En septembre 2019, l'OFT a annoncé que les premières mesures de la réorganisation avaient été transmises aux parties intéressées pour consultation419.

6.1.15

Démarches du Contrôle fédéral des finances

Le CDF avait prévu, dans le cadre de son programme 2018, de réaliser un audit auprès de la Poste Suisse. Au lendemain de la révélation de l'affaire CarPostal, il a annoncé aux CdG sa volonté de focaliser ses travaux sur cette filiale, en se concentrant sur la gouvernance, les flux financiers ainsi que les activités internationales de CarPostal420. Néanmoins, au vu des contraintes liées à la procédure pénale menée par fedpol (cf. chap. 6.1.3), le CDF a finalement dû limiter son examen aux questions liées à la gestion des risques de la Poste et des sociétés étrangères de CarPostal (CarPostal France et PostAuto Liechtenstein).

La CdG-E a procédé à plusieurs échanges421 avec les représentants du CDF au sujet des travaux en cours et a pris connaissance du rapport d'audit final portant sur la gestion des risques de la Poste, daté du 8 mars 2019 et publié le 22 mai 2019422.

Dans son rapport, le CDF est arrivé à la conclusion que la Confédération en tant que propriétaire n'exerçait qu'une conduite limitée sur la Poste en matière de gestion des risques; de son point de vue, les objectifs stratégiques assignés à l'entreprise dans ce domaine ne sont ni atteints ni audités quant à leur efficacité 423. Le CDF a notamment recommandé au DETEC et à l'AFF de procéder à un examen externe périodique de l'efficacité de la gestion des risques de la Poste, en plus de l'audit formel déjà prévu tous les quatre ans424.

416 417 418 419

420 421 422 423 424

Emploi correct des subventions dans les TP: l'OFT renforce la surveillance, communiqué de presse de l'OFT du 6.5.2019.

L'Office fédéral des transports a tiré les leçons de l'affaire CarPostal. In: L'Agefi, 7.5.2019; lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

Lettre de l'OFT au DETEC du 24.1.2019.

Contrôle des subventions: audition sur les premières mesures de réorientation, communiqué de presse de l'OFT du 12.9.2019. Les organes suivants ont été associés par l'OFT à cette consultation: Union des transports publics (UTP), Association suisse des experts en audit (EXPERTsuisse), Conférence des délégués cantonaux des transports publics (CDCTP), CDF et Conférence suisse des contrôles des finances (lettre de l'OFT du 12.9.2019, non publiée).

Lettre du CDF aux CdG du 7.2.2018.

Auditions des représentants du CDF, séances du 24.4.2018, du 17.10.2018 et du 27.3.2019.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019 (en allemand uniquement, résumé en français).

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 3.1; audition des représentants du CDF, séance du 27.3.2019.

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 3.1.; les départements concernés ont décliné cette proposition, estimant que la responsabilité d'une telle démarche revient au conseil d'administration de la Poste (cf. rapport du CDF du 8.3.2019, p. 15).

7062

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Le CDF a en outre estimé que les comptes-rendus sur les risques adressés par l'entreprise à la Confédération étaient insuffisants sur le plan du contenu, tandis que les rapports internes étaient trop techniques pour leurs destinataires au sein de la Poste425. Il a également déploré le fait que les risques des entreprises relevant de la responsabilité du DETEC n'étaient intégrés que de manière générique dans la gestion des risques de la Confédération. Il a toutefois relevé que des améliorations avaient été réalisées à ce niveau depuis 2018 (élaboration de fiches de risques individuelles pour chaque entreprise)426.

Au sujet de CarPostal France, le CDF a considéré que les activités de cette filiale avaient été évaluées de manière exagérément positive par la Poste durant de nombreuses années427 (pour plus de détails concernant CarPostal France, cf. chap. 7). Il a en outre critiqué que le concept de risques de la Poste ignore certaines sociétés basées à l'étranger et qu'aucun rapport distinct sur les risques n'ait ainsi été réalisé concernant PostAuto Liechtenstein428. Il en a conclu que le suivi des risques relatifs aux filiales des entreprises actives à l'étranger devait être renforcé 429.

Enfin, le CDF a formulé dans son rapport diverses recommandations relatives au système de gestion des risques de la Poste ainsi qu'aux règlements et structures en vigueur dans ce domaine au sein de l'entreprise. Les représentants du CDF ont indiqué que leurs remarques avaient reçu un accueil très positif de la part du conseil d'administration de la Poste, qui s'était déclaré disposé à mettre en oeuvre les recommandations du CDF relatives à la gestion des risques430.

La CdG-E a également pris connaissance d'un rapport du CDF daté du 15 janvier 2019, adressé à l'OFT et portant sur la surveillance de la commande du TRV par la Confédération et les cantons431. Celui-ci est notamment arrivé à la conclusion que les instruments de contrôle existants de l'OFT ne permettaient pas de vérifier l'exactitude des coûts déclarés par les entreprises de transport subventionnées et qu'une auto-déclaration de conformité de la part des entreprises serait nécessaire 432.

Le CDF a également estimé que la collaboration entre la Confédération et les cantons en matière de commande et de contrôle du TRV n'était pas suffisamment documentée
et que les rôles respectifs des deux commanditaires devaient être plus clairement définis433. Par ailleurs, selon le CDF, il n'existe pas de vision globale des risques dans le domaine du TRV434 (pour plus de détails sur cette thématique, cf.

chap. 8.1). Dans sa prise de position relative au rapport, l'OFT a indiqué que la mise en oeuvre des recommandations du CDF serait incluse dans les travaux de l'office faisant suite à l'affaire à CarPostal ainsi que dans la réforme du TRV en cours.

425 426 427 428 429 430 431

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 4.5.

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 3.2.

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 2.

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 2.2.

Rapport du CDF du 8.3.2019, chap. 4.6.

Audition des représentants du CDF, séance du 27.3.2019.

CDF: Surveillance de la commande du trafic régional de voyageurs, rapport du 15.1.2019 (en allemand uniquement, résumé en français).

432 Rapport du CDF du 15.1.2019, chap. 3.1.

433 Rapport du CDF du 15.1.2019, chap. 4.2.

434 Rapport du CDF du 15.1.2019, chap. 4.3.

7063

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Enfin, la CdG-E a pris acte d'un rapport rédigé début 2019 par le CDF portant sur le respect, par la révision interne de la Poste et le CDF, des obligations légales qui leur revenaient dans le cadre de l'affaire CarPostal435. Les conclusions pertinentes de ce rapport sont présentées au chap. 5.1.8.

6.1.16

Travaux du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise de la Confédération

Dans le sillage de l'affaire CarPostal et d'autres incidents relevés au cours des dernières années (cyberattaque contre RUAG, vol de données chez Swisscom, etc.), le Conseil fédéral a décidé en juin 2018 de soumettre le gouvernement d'entreprise de la Confédération à un examen externe (cf. chap. 6.1.6). Le mandat correspondant a été confié à un groupe d'experts issus des universités de Berne, Lausanne et SaintGall et de l'entreprise Interface. Ceux-ci ont été invités à analyser le rôle de la Confédération en tant que propriétaire vis-à-vis de quatre entreprises (Swisscom, la Poste, les CFF et RUAG), au regard de trois aspects principaux: premièrement la conception et l'utilisation des instruments de pilotage dont dispose la Confédération, deuxièmement l'échange d'informations entre le propriétaire et ses entreprises, et troisièmement la répartition des rôles dans le modèle de propriétaire entre les services fédéraux concernés436.

Dans leur rapport final, remis le 26 avril 2019 à l'AFF et publié fin juin 437, les experts ont dressé un bilan globalement positif du gouvernement d'entreprise de la Confédération: de leur point de vue, le pilotage, l'échange d'informations et le modèle de propriétaire sont satisfaisants, et les instruments à disposition suffisent en principe à assumer le rôle de propriétaire438. Les experts ont toutefois identifié un potentiel d'amélioration concernant plusieurs points et ont formulé quatorze recommandations à l'adresse du Conseil fédéral, portant notamment sur la gestion des conflits d'objectifs, les ressources des services propriétaires et la répartition des rôles entre les unités de la Confédération439.

Le 26 juin 2019, à l'issue d'une retraite consacrée à ce sujet, le Conseil fédéral a discuté des recommandations des experts et adopté diverses mesures sur cette base440. Il a annoncé que l'obligation pour les entreprises de rendre des comptes à la Confédération serait renforcée dans le domaine de la conformité (compliance), que 435

436 437

438 439 440

CDF: Bericht an die Finanzdelegation der eidgenössischen Räte betreffend die Erfüllung der gesetzlichen Verpflichtungen durch IR-Post und EFK in der Affäre PostAuto, rapport du 4.2.2019 (en allemand uniquement, non publié).

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018; Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 2.2.

Lienhard, Andreas / Rieder, Stefan / Sonderegger, Roger W. / Ladner, Andreas / Höchner, Claudia / Ritz, Manuel / Roose, Zilla (2019): Évaluation du gouvernement d'entreprise de la Confédération fondée sur l'analyse de quatre entreprises. Rapport à l'intention de l'Administration fédérale des finances. Berne, Lucerne, Saint-Gall, Lausanne (ci-après: Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019).

Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, p. 8.

Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, p. 8 et chap. 5.

Le Conseil fédéral adopte des mesures à la suite du rapport d'experts sur le gouvernement d'entreprise, communiqué de presse du Conseil fédéral du 26.6.2019.

7064

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la transparence de la procédure de nomination des membres du conseil d'administration des entreprises serait améliorée, que l'échange d'informations entre les entreprises et la Confédération dans le cadre des entretiens avec le propriétaire serait systématisé et que le système dual de propriétaire (départements et AFF) serait mieux ancré dans la loi. Il a également fait part de sa volonté d'examiner les possibilités de renforcer les effectifs des départements propriétaires et de l'AFF. Le Conseil fédéral a par contre indiqué qu'il renonçait à établir un classement des objectifs stratégiques des entreprises par ordre de priorité, contrairement aux recommandations correspondantes des experts. Lors de leur publication, le rapport d'experts et les décisions du Conseil fédéral ont fait l'objet de commentaires contrastés dans le public et les médias441.

Les CdG ont pris connaissance des conclusions du rapport d'experts et des mesures prises par le Conseil fédéral sur cette base442. Le 31 octobre 2019, elles ont procédé à un échange à ce propos avec le Président de la Confédération et l'un des auteurs du rapport d'experts. Certains éléments et recommandations issus de l'expertise et pertinents pour l'analyse du cas de CarPostal sont mentionnés de manière plus détaillée ci-après, dans le chapitre consacré aux enseignements de portée générale de cette affaire (chap. 8). D'autres éléments ont également été intégrés dans les travaux en cours des CdG relatifs aux CFF 443 et à RUAG444. Les CdG ont en outre décidé qu'elles approfondiraient la thématique générale du gouvernement d'entreprise de la Confédération dans le cadre de leurs travaux à venir. Il convient à ce propos de souligner que le Conseil fédéral prévoit encore de publier un rapport portant sur la stratégie du propriétaire pour les entités de la Confédération devenues autonomes, suite à l'adoption en mars 2019 d'un postulat du Conseiller aux Etats Fabio Abate445.

6.2

Appréciation

Ci-après, la CdG-E présente son appréciation relative à la surveillance exercée par les autorités fédérales compétentes (Conseil fédéral, DETEC et AFF, OFT, ASR et CDF) suite à la révélation de l'affaire CarPostal en février 2018 et aux mesures prises par ces autorités depuis lors. Les conclusions de portée générale tirées de cette période sont présentées au chap. 8. Les renvois aux recommandations correspondantes sont présentés entre parenthèses au fil du texte.

441

442 443

444 445

Kritik an Bericht zu Post und SBB. In: SonntagsZeitung, 7.7.2019; Der Bundesrat macht es sich zu einfach. In: Neue Zürcher Zeitung, 12.7.2019; Postauto-Skandal bleibt ohne Folgen. In: Neue Zürcher Zeitung, 12.7.2019.

Le Conseil fédéral a transmis aux CdG, le 14.8.2019, un rapport prenant position sur les recommandations du rapport d'experts et détaillant les mesures décidées sur cette base.

Surveillance des liens d'intérêts au sein des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération, à l'exemple du cas de la présidente du conseil d'administration des CFF; Appréciation de l'avis du Conseil fédéral. Rapport succinct de la CdG-E du 12.11.2019 (pas encore publié).

Bilan de la gestion de la cyberattaque menée contre RUAG, rapport de la CdG-N du 8.5.2018, chap. 4.2 (FF 2018 4683 4707).

Po. Abate «Stratégie du propriétaire pour les entités de la Confédération devenues autonomes» du 13.12.2018 (18.4274).

7065

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Au vu de la procédure pénale en cours et du périmètre de la haute surveillance parlementaire, la CdG-E ne porte pas d'appréciation, dans le présent chapitre, sur les résultats des examens mandatés par la Poste ainsi que sur les mesures organisationnelles prises par l'entreprise à partir de 2018. La commission relève néanmoins avec satisfaction que la Poste a accordé une priorité particulière au traitement des aspects problématiques soulevés par l'affaire CarPostal, est intervenue et l'a informée de manière transparente à ce sujet. Elle salue les premières mesures prises et invite l'entreprise à continuer à oeuvrer de manière active et transparente en vue d'un règlement des questions ouvertes, à la lumière notamment des résultats à venir de la procédure pénale administrative. Du point de vue de la CdG-E, un changement de culture en profondeur au sein de CarPostal et des instances supérieures de la Poste et la restauration de la confiance en l'entreprise ­ tant au niveau du personnel que du grand public ­ constituent des enjeux centraux.

6.2.1

Considérations générales

Globalement, la CdG-E estime que les autorités fédérales compétentes ont réagi de manière adéquate suite à la révélation de l'affaire CarPostal. Une grande partie des points problématiques soulevés par ce cas ont été traités ou sont en cours de traitement par les organes concernés, les enseignements correspondants ont été tirés et diverses mesures prises afin d'éviter que de telles situations ne se reproduisent à l'avenir. Dans l'ensemble, du point de vue de la commission, les différents organes ont travaillé dans le respect de leurs sphères de compétences respectives, sans redondances majeures et dans un esprit de bonne collaboration.

La CdG-E a néanmoins identifié, dans le cadre de ses travaux, divers éléments qu'elle juge problématiques du point de vue de la haute surveillance; ceux-ci sont détaillés ci-après. Les clarifications menées suite à l'affaire CarPostal ont par ailleurs soulevé plusieurs questions de fond relatives à la gouvernance des entreprises proches de la Confédération; celles-ci sont approfondies au chap. 8.

6.2.2

Démarches en matière de droit pénal administratif

La CdG-E peine à comprendre les raisons ayant mené l'OFT à déposer, le 14 février 2018, une plainte pénale concernant CarPostal auprès du MPC et du Ministère public Berne-Mittelland sans avoir consulté au préalable le DETEC. Quelques jours plus tard, les organes judiciaires concernés ont indiqué qu'ils n'étaient pas compétents pour enquêter dans cette affaire (cf. chap. 6.1.2). La commission estime que, dans un cas d'une telle ampleur, la section juridique du SG-DETEC aurait dû être consultée préalablement. La CdG-E peut certes comprendre que l'OFT souhaitait l'ouverture rapide de poursuites; elle estime toutefois que cet argument ne déliait pas l'office de procéder à certaines clarifications juridiques et parallèlement d'informer le secrétariat général du DETEC, respectivement la cheffe du département. Dans le cas présent, la démarche de l'OFT a retardé l'ouverture de la procédure pénale de près de deux semaines. En conséquence, la commission invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les offices compétents consultent systématiquement les services 7066

FF 2020

juridiques de leur département avant le lancement de procédures pénales administratives liées à des affaires de grande ampleur au sein d'entreprises proches de la Confédération, afin de s'assurer que les démarches juridiques prévues soient adéquates.

Au vu de l'aspect stratégique de tels cas, la commission est en outre d'avis qu'une information préalable du chef de département et, selon la situation, du Conseil fédéral dans son ensemble est nécessaire (cf. chap. 8.2.3.1).

Pour la commission, la décision du Conseil fédéral fin février 2018 de confier la conduite de la procédure pénale administrative à fedpol a constitué un choix adéquat, permettant de garantir l'impartialité de l'enquête. La CdG-E a constaté que fedpol portait une attention particulière, dans le cadre de son travail, aux questions de séparation des pouvoirs, de confidentialité et de respect des procédures.

L'ouverture de la procédure pénale a eu pour conséquence que certains autres organes actifs dans le dossier CarPostal ont vu leurs travaux bloqués ou retardés (DETEC, AFF, Poste, CDF, cf. chap. 6.1.3). La commission estime néanmoins que le principe de priorité de la procédure pénale est primordial. Elle constate en outre avec satisfaction que des solutions de coordination satisfaisantes ont rapidement pu être mises en place entre fedpol et la majeure partie des acteurs concernés. Dans ce contexte, la CdG-E est d'avis que la procédure pénale doit être menée avec la diligence nécessaire, afin que les faits concernés ne tombent pas sous le coup du délai de prescription absolu.

La CdG-E est consciente du fait que la clarification de plusieurs questions liées au dossier CarPostal446 dépendent des résultats de la procédure pénale administrative en cours. Il est en outre possible que certains éléments issus de l'enquête, non déterminants sur le plan pénal, présentent un intérêt du point de vue de la haute surveillance parlementaire, par exemple concernant la gouvernance des entreprises proches de la Confédération. Par conséquent, la CdG-E procédera à un nouveau point de situation une fois les résultats de l'enquête connus et se réserve la possibilité d'approfondir si nécessaire certains aspects complémentaires du dossier.

A l'issue de la procédure pénale administrative, la CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il prenne toutes les
mesures nécessaires en sa qualité de propriétaire et qu'il procède si nécessaire à des approfondissements complémentaires. La commission prie le Conseil fédéral de tirer ensuite un bilan global de l'affaire CarPostal sous la forme d'un rapport. Il sera en particulier invité à indiquer dans celui-ci quels enseignements généraux sont tirés du cas spécifique de CarPostal du point de vue du propriétaire, quelles sont les conséquences financières de cette affaire pour la Confédération, si certains éléments issus de l'enquête pénale seront approfondis, si des actions en responsabilité ont été entreprises, si des adaptations législatives sont nécessaires, si l'évaluation de l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste au cours des dernières années doit être révisée, si les objectifs stratégiques de la Poste doivent être modifiés et si des modifications supplémentaires doivent être apportées au modèle de gouvernance des entreprises proches de la Confédération.

446

Notamment: décision de la Confédération et de la Poste concernant d'éventuelles actions en responsabilité.

7067

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Postulat 2:

Bilan global de l'affaire CarPostal

A l'issue de la procédure pénale administrative menée par fedpol concernant CarPostal, le Conseil fédéral est chargé de procéder à un bilan global de l'affaire CarPostal sous la forme d'un rapport. Il est en particulier invité à indiquer dans celui-ci quels enseignements généraux sont tirés de ce cas spécifique du point de vue du propriétaire, quelles sont les conséquences financières de cette affaire pour la Confédération, si certains éléments issus de l'enquête pénale seront approfondis, si des actions en responsabilité ont été entreprises, si des adaptations législatives sont nécessaires, si l'évaluation de l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste au cours des dernières années doit être révisée, si les objectifs stratégiques de la Poste doivent être modifiés et si des modifications supplémentaires doivent être apportées au modèle de gouvernance des entreprises proches de la Confédération.

6.2.3

Mesures du Conseil fédéral, du DETEC et de l'AFF

Dans l'ensemble, la CdG-E n'a pas identifié de manquements majeurs du point de vue de la haute surveillance concernant le suivi et la gestion de l'affaire CarPostal par le Conseil fédéral, respectivement le DETEC en tant que département propriétaire et l'AFF, à partir de février 2018 (révélation de l'affaire CarPostal). Elle a constaté que ceux-ci avaient suivi de manière continue l'évolution du dossier, et que le sujet avait été abordé régulièrement, notamment lors des entretiens trimestriels avec la direction de la Poste. La commission relève que la Confédération (représentée par le Conseil fédéral, respectivement le DETEC et l'AFF) a fait usage de plusieurs instruments à sa disposition en tant que propriétaire, et que diverses mesures adéquates ont été prises, telles que la mise en place d'une task-force chargée de procéder à des clarifications en vue de l'assemblée générale, le fait de mandater une analyse complémentaire relative à la responsabilité du conseil d'administration entre 2016 et 2018, ainsi que la décision d'accorder une décharge partielle au conseil d'administration et de procéder à un changement de l'organe de révision externe. Par ailleurs, aucun indice laissant entrevoir des problèmes fondamentaux de coordination ou de conflits d'intérêt entre le DETEC et l'AFF d'un côté (en tant que représentants du propriétaire) et l'OFT de l'autre côté (en tant qu'autorité de surveillance sectorielle) n'a été porté à la connaissance de la CdG-E durant la période sous revue, à l'exception de deux points spécifiques447.

Néanmoins, la CdG-E constate que le Conseil fédéral, le DETEC et l'AFF ont dans l'ensemble présenté une position défensive en ce qui concerne l'intervention de la Confédération vis-à-vis de la Poste suite à l'affaire CarPostal et se sont largement reposés sur les travaux de l'entreprise. À plusieurs reprises448, ils ont souligné face à la commission que la responsabilité du traitement de ce cas revenait au conseil 447

Problèmes liés au lancement de la procédure pénale administrative (cf. chap. 6.1.3 et 6.2.2) et responsabilité de la clarification des faits avant 2007 (cf. chap. 6.1.8 et ci-après).

448 Audition des représentants du DETEC et de l'AFF, séances du 24.4.2018, du 2.7.2018 et du 15.4.2019; lettres du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018 et du 13.8.2018.

7068

FF 2020

d'administration de la Poste et que le Conseil fédéral n'exerçait aucune influence sur les activités opérationnelles de la Poste.

La CdG-E comprend certes la volonté du Conseil fédéral d'exercer son influence sur la Poste avec une certaine retenue, dans le respect de l'autonomie des entreprises proches de la Confédération voulue par le législateur et prévue par l'ordre juridique en vigueur. Elle partage par exemple l'avis que le propriétaire n'a pas à intervenir dans les aspects opérationnels du processus de réorganisation en cours au sein de CarPostal, qui est de la responsabilité interne de l'entreprise. Néanmoins, comme elle l'avait déjà indiqué par le passé449, elle estime que le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF devraient utiliser de manière plus active les instruments de conduite stratégique et de surveillance stratégique à leur disposition, en particulier dans des situations de crise comme celle ayant suivi la révélation de l'affaire CarPostal. Dans le cas présent, elle est d'avis que le Conseil fédéral aurait pu mandater des expertises externes indépendantes, accorder une approbation restreinte des comptes 2017, procéder à des clarifications approfondies concernant le choix de la nouvelle entreprise de révision ou fixer certains objectifs généraux relatifs aux mesures à prendre par l'entreprise. Dans ce contexte, la CdG-E invite le Conseil fédéral à établir un inventaire des instruments à disposition de la Confédération lors de situations de crise au sein des entreprises dont elle est propriétaire (cf. recommandation 13, chap. 8.2.2.9).

De manière plus générale, la CdG-E est d'avis que les aspects de l'activité de l'entreprise considérés comme «stratégiques pour le propriétaire» devraient être définis de manière plus précise, et que la conduite stratégique et la surveillance stratégique des entreprises par le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF, devrait être renforcée par l'entremise de plusieurs mesures (cf. à ce sujet chap. 8.2).

Par ailleurs, la CdG-E a identifié dans le déroulement des faits divers autres éléments qui appellent des commentaires du point de vue de la haute surveillance parlementaire; ceux-ci sont détaillés ci-dessous.

Assemblée générale 2018 de la Poste: Le Conseil fédéral a largement basé ses
décisions en vue de l'assemblée générale 2018 de la Poste sur les rapports réalisés par EY et le bureau Kellerhals Carrard. Or, ces documents ont fait l'objet de diverses critiques (cf. chap. 6.1.4). Du point de vue de la CdG-E, il aurait été judicieux que le Conseil fédéral confie à un expert indépendant le soin de procéder à une analyse complémentaire des documents livrés, même si les délais étaient alors particulièrement restreints, dans la mesure où l'assemblée générale de la Poste devait impérativement se tenir avant la fin juin 2018 (en vertu de l'art. 699, al. 2, CO).

Adoption des comptes 2017 de la Poste: Lors de l'assemblée générale 2018 de la Poste, le Conseil fédéral a décidé d'adopter les comptes 2017 de l'entreprise. Il a indiqué qu'il s'était basé pour ce faire sur «l'attestation sans réserves» fournie par l'organe de révision externe de l'entreprise, KPMG (cf. chap. 6.1.6). La CdG-E se 449

Surveillance des liens d'intérêts au sein des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération, à l'exemple du cas de la présidente du conseil d'administration des CFF, rapport de la CdG-E du 28.8.2018, chap. 4.2 (FF 2018 7833 7852).

7069

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demande si cette attestation constituait alors une base suffisante, sachant que la qualité du travail de KPMG était mise en doute et faisait à ce moment-là l'objet d'un examen de l'ASR. Ici également, la commission estime qu'il aurait été judicieux de procéder à une expertise complémentaire indépendante, malgré les délais restreints.

Elle considère toutefois que les autres mesures prises en parallèle (décharge partielle accordée au conseil d'administration, pas d'adoption des comptes 2017 de CarPostal selon le droit des subventions par l'OFT) compensent en partie ce manquement.

Entretiens avec les membres démissionnaires du conseil d'administration: Début juin 2018, l'ancienne cheffe du DETEC et le directeur de l'AFF se sont entretenus avec deux membres du conseil d'administration de la Poste mis en cause dans l'affaire CarPostal (cf. chap. 6.1.5). Ces entretiens n'ont pas fait l'objet d'un procèsverbal; la CdG-E n'a donc pas pu prendre connaissance du contenu détaillé de ceuxci et a dû se baser sur les informations générales fournies par le DETEC dans le cadre de lettres et d'une audition450. La commission estime qu'une telle pratique est regrettable et soulève diverses questions. Comme déjà souligné par le passé 451, les CdG attendent que toutes les discussions et décisions importantes relatives à la conduite stratégique des entreprises proches de la Confédération soient consignées sous forme écrite. La CdG-E demande que toutes les discussions et décisions importantes relatives à la conduite des entreprises proches de la Confédération soient consignées par écrit. (cf. recommandation 9, chap. 8.2.2.6).

Approfondissements relatifs à la période avant 2007: La CdG-E regrette qu'il n'ait pas été possible de déterminer de manière claire l'origine des pratiques comptables illégales au sein de CarPostal (cf. chap. 6.1.8). La commission déplore en particulier que la mauvaise qualité des documents disponibles au sein de la Poste ne permette pas de reconstituer les faits survenus avant 2007. Cela est d'autant plus incompréhensible que la Poste est soumise aux principes de la législation fédérale sur l'archivage452 et est par conséquent tenue d'archiver ses documents de manière à pouvoir vérifier ultérieurement ses activités453. Au vu de ces éléments, la CdG-E prie le Conseil fédéral de s'assurer que
l'ensemble des établissements fédéraux autonomes soumis à la législation sur l'archivage respecte à l'avenir cette dernière de manière scrupuleuse, et que cet aspect soit mentionné de manière adéquate au sein des objectifs stratégiques des entreprises (cf. recommandation 8, chap. 8.2.2.5).

Par ailleurs, la commission regrette que le DETEC et l'AFF aient montré peu d'intérêt à clarifier les faits survenus avant 2007 et ne soient visiblement pas disposées à procéder à de plus amples éclaircissements à ce sujet (cf. chap. 6.1.8). Audelà des questions de prescription et de responsabilités individuelles, la CdG-E estime qu'il est d'intérêt public que la lumière soit tirée autant que possible sur les circonstances expliquant le lancement des pratiques comptables illicites chez CarPostal ainsi que sur les responsabilités y relatives. Elle recommande par conséquent 450

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018; lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018; lettres de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019 et du 29.5.2019.

451 Cf. Bilan de la gestion de la cyberattaque menée contre RUAG, rapport de la CdG-N du 8.5.2018, chap. 4.2 (FF 2018 4683 4707).

452 Loi fédérale du 26.6.1998 sur l'archivage (LAr; RS 152.1); Ordonnance du 8.9.1999 relative à la loi fédérale sur l'archivage (Ordonnance sur l'archivage, OLAr; RS 152.11).

453 Cf. art. 1, al. 1, let. e LAr, art. 7, al. 1 et 5 OLAr ainsi qu'annexe 2 OLAr.

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au Conseil fédéral de mandater, à l'issue de la procédure pénale administrative en cours et sur la base de ses résultats, une enquête approfondie à ce propos.

Recommandation 2:

Clarifications relatives à la période avant 2007

A l'issue de la procédure pénale administrative menée par fedpol concernant CarPostal, le Conseil fédéral est invité à mandater une enquête approfondie portant sur les circonstances expliquant l'introduction des pratiques comptables illicites chez CarPostal avant 2007 et les responsabilités y relatives.

Conseil d'administration de CarPostal: La CdG-E salue la décision de la Poste de confier au conseil d'administration de CarPostal un rôle décisionnel plus actif à l'avenir. Le Conseil fédéral a indiqué à la commission qu'il ne comptait pas procéder à un examen plus large des structures de conduite dans les filiales des autres entreprises proches de la Confédération, dans la mesure où cette question relève selon lui de la compétence des entreprises concernées (cf. chap. 6.1.11). La commission ne partage pas cet avis: elle estime que la question des structures de conduite au sein des filiales des entreprises proches de la Confédération revêt une dimension stratégique, et que le Conseil fédéral devrait examiner si ces structures sont adéquates et si des directives générales devraient être établies à ce sujet (cf. recommandation 11, chap. 8.2.2.8).

Entreprise de révision externe: La CdG-E considère que la décision du Conseil fédéral de procéder à un changement de l'organe de révision externe de la Poste était correcte. Elle relève toutefois que le Conseil fédéral, lors du choix du nouvel organe, s'est contenté de suivre la recommandation de la Poste, sans procéder à des clarifications complémentaires (cf. chap. 6.1.11). Au vu des questions soulevées par le cas CarPostal concernant le rôle de la révision externe, la commission se demande s'il n'aurait pas été adéquat que ce choix fasse l'objet d'un examen plus approfondi de la part des départements compétents454. De manière plus générale, la CdG-E se demande si des règles ne devraient pas être définies en vue d'un changement régulier de réviseur externe (cf. chap. 8.2.4).

Expertise relative à la gouvernance des entreprises: La commission salue la décision du Conseil fédéral de mandater une expertise relative à la gouvernance des entreprises proches de la Confédération. Elle est d'avis que le rapport des experts, même s'il a fait l'objet de diverses critiques, contient plusieurs considérations et recommandations pertinentes. De son point de vue toutefois,
les mesures décidées par le Conseil fédéral sur la base du rapport ne vont pas assez loin et des mesures supplémentaires devraient être examinées (cf. chap. 8.2).

Les entretiens de la commission avec les représentants de l'ASR et du CDF ont encore permis de mettre en lumière d'autres éléments de portée générale problématiques du point de vue de la haute surveillance. Ainsi, la CdG-E estime qu'il est indispensable que les entreprises proches de la Confédération puissent à l'avenir être considérées comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la LSR (cf.

454

P. ex. demande de précisions au sujet des contrôles prévus par la révision externe portant sur les domaines subventionnés de la Poste.

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chap. 6.1.13 et postulat 6, chap. 8.2.4). Elle considère également que la surveillance du Conseil fédéral sur les entreprises dans le domaine de la gestion des risques devrait être renforcée (cf. chap. 6.1.15 et 8.2.2.7). Les remarques à ce propos sont présentées au chap. 8.

6.2.4

Mesures de l'OFT

La commission considère que les démarches entreprises par l'OFT suite à la publication de son rapport sur CarPostal ont été adéquates (p. ex. demande de renonciation à la prescription à la Poste, demande d'une déclaration écrite de conformité aux entreprises du TRV bénéficiaires de subventions). Par contre, comme indiqué plus haut, la commission peine à comprendre les raisons pour lesquelles l'office a déposé une plainte pénale concernant CarPostal sans avoir consulté au préalable le DETEC.

La commission salue le fait qu'une solution ait pu être rapidement trouvée, sous l'égide de l'OFT et de la CTP, concernant le remboursement à la Confédération et aux cantons des subventions indûment perçues par CarPostal. La CdG-E estime également qu'il était adéquat que l'OFT renonce à approuver les comptes de CarPostal selon le droit des subventions pour les années 2016 à 2018.

La CdG-E estime comme l'OFT qu'il était adéquat que le remboursement des subventions indûment perçues par CarPostal soit prélevé sur les réserves libres de l'entreprise, et non sur la réserve spéciale prévue par la LTV (cf. chap. 6.1.9). Un tel choix est justifié, dans la mesure où les bénéfices dissimulés illégalement par CarPostal ont avant tout été assignés aux réserves libres de l'entreprise. La réserve spéciale de CarPostal, quant à elle, est essentiellement constituée de bénéfices déclarés de manière transparente par l'entreprise, conformément à la loi.

Du point de vue de la commission, une réflexion de fond devrait néanmoins être menée concernant les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné. Actuellement, la loi prévoit que si la réserve spéciale atteint 25% du chiffre d'affaires annuel des secteurs concernés ou 12 millions de francs, le bénéfice restant est à la libre disposition de l'entreprise. Pour la CdG-E, la question se pose de savoir si une limite supérieure devrait être fixée en ce qui concerne le bénéfice annuel laissé à libre disposition de l'entreprise (cf. chap. 8.1.3).

Enfin, la CdG-E salue les clarifications menées par le DETEC et l'OFT concernant la surveillance de l'office dans le domaine du TRV ainsi que les mesures prises afin d'améliorer celle-ci (cf. chap. 6.1.14), qui vont dans le bon sens selon elle. Pour la commission, les améliorations apportées
montrent que les structures en vigueur jusqu'ici présentaient certaines lacunes. De son point de vue, il est primordial que le nouveau système de surveillance ­ encore en cours de développement ­ permette de clarifier les responsabilités de surveillance et d'empêcher que des cas similaires se reproduisent. La commission formule, au chap. 8.1, diverses remarques de portée générale relatives à la surveillance sur le TRV ainsi qu'à la répartition des tâches dans ce domaine entre la Confédération et les cantons.

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6.2.5

Autres considérations

Pour terminer, la CdG-E salue les démarches de l'ASR et du CDF ayant fait suite à l'affaire CarPostal. Celles-ci ont permis de clarifier différents aspects importants soulevés par l'affaire, portant sur le rôle des organes de révision externes et la gestion des risques, notamment. La commission part du principe que le suivi des considérations et recommandations émises par l'ASR et le CDF est du ressort de ces autorités. Elle se réserve la possibilité d'approfondir certains de ces aspects une fois que la procédure pénale administrative en cours sera achevée.

7

Résultats de l'examen de la CdG-E: CarPostal France

CarPostal France, née de l'initiative du secteur «Ouest» de CarPostal Suisse, est active depuis 2004 dans le domaine des transports urbains et interurbains en France.

Dès 2007, une section dédiée au marché international a été mise en place au siège de CarPostal à Berne. Depuis 2012, la conduite de tous les appels d'offres et acquisitions ainsi que le soutien aux différentes filiales françaises sont pris en charge par CarPostal France depuis son site principal de Lyon455.

CarPostal France regroupait, fin 2018, 18 filiales et 8 réseaux urbains dans l'Est et le Sud-Est de la France, ainsi que deux réseaux d'agglomération et six réseaux départementaux. En 2018, l'entreprise comptait près de 1200 employés et 800 véhicules.

La même année, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 130,7 millions de francs 456.

Les activités de cette filiale ont fait l'objet, au cours des dernières années, de diverses critiques au sein du Parlement457.

En septembre 2016, suite à une plainte déposée par trois compagnies françaises de transport, le Tribunal de commerce de Lyon a condamné les sociétés «CarPostal Interurbain» et «CarPostal France» à diverses amendes pour un total de 11,5 millions de francs environ458. Le tribunal a considéré que les subventions allouées par la Poste Suisse aux filiales françaises de CarPostal dans le cadre de diverses adjudications constituaient des aides d'Etat, illicites au sens de l'accord de libre-échange entre la Suisse et la Communauté économique européenne datant de 1972 459, et qu'elles impliquaient une situation de concurrence déloyale. CarPostal France a fait recours contre cette décision auprès de la Cour d'appel de Paris460. Suite à ces révélations, la CdG-N s'est penchée sur le sujet entre octobre 2016 et avril 2017; elle a notamment interrogé l'ancienne cheffe du DETEC et les représentants de la Poste 455 456 457

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 13.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 14.

Cf. notamment Motion Barrazzone «Activités de la Poste suisse à l'étranger. Faire respecter les conditions fixées par le Conseil fédéral» du 16.6.2014 (14.3447).

458 Tribunal de commerce de Lyon, jugement no 2014J00357 - 1626700002/1 du 23.9.2016.

Cf. aussi: CarPostal conteste avoir fait du dumping. In: Le Matin Dimanche, 2.10.2016, Millionenbusse gegen Schweizer Posttochter. In: SonntagsZeitung, 2.10.2016.

459 Accord du 22.7.1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (RS 0.632.401).

460 Die Schweizer Postauto AG wehrt sich gegen die 12 Millionen Franken Schadenersatz.

In: SonntagsZeitung, 16.10.2016.

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à ce propos. Au vu de la procédure judiciaire en cours, la commission a décidé qu'elle poursuivrait son examen une fois que la Cour d'appel aurait prononcé sa décision finale.

La révélation de l'affaire CarPostal, début 2018, a jeté un nouvel éclairage sur ce dossier. Même si CarPostal France elle-même n'a vraisemblablement pas été sujette à des pratiques comptables irrégulières (cf. plus bas), la Poste a admis début juillet 2018 que la situation financière de ses filiales étrangères avait été présentée de manière incomplète par le passé. Elle a indiqué que, selon le rapport Kellerhals Carrard, les bénéfices générés de manière illicite au sein de CarPostal Suisse avaient vraisemblablement «servi à renforcer les activités à l'étranger». La Poste est arrivée à la conclusion que les bénéfices excessifs avaient «contribué au renforcement de la solidité financière» de CarPostal France461. Par la suite, la Poste a annoncé sa volonté de se retirer du marché français du transport de voyageurs. Au moment de la publication du présent rapport, les démarches en vue d'une revente étaient en cours.

Au vu des questions soulevées par le cas de CarPostal France en termes de conduite des entreprises proches de la Confédération, la CdG-E a décidé d'inclure cet aspect dans le présent rapport et ainsi de finaliser les travaux initiés par la CdG-N.

Ce cas doit toutefois être clairement distingué de celui de CarPostal Suisse. En effet, CarPostal France ne perçoit pas de subventions de la Confédération et des cantons pour ses activités et n'est donc pas soumise à la surveillance de l'OFT selon le droit des subventions (cf. chap. 2.3), mais uniquement à un contrôle stratégique du conseil d'administration de la Poste et du propriétaire.

Dans le présent chapitre, la CdG-E présente tout d'abord les informations issues des clarifications menées par la CdG-N entre 2016 et 2017. Dans un deuxième temps, elle rend compte des démarches et échanges ayant fait suite à la révélation de l'affaire CarPostal en 2018. Enfin, elle fait part de son appréciation du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

7.1

Informations fournies à la CdG-N entre 2016 et 2017

Fin octobre 2016, suite au jugement du Tribunal de commerce de Lyon (cf. chapitre précédent), la CdG-N a invité l'ancienne cheffe du DETEC à prendre position par écrit sur la situation de CarPostal France, sur la procédure judiciaire en cours et sur la nécessité d'une éventuelle adaptation des objectifs stratégiques assignés à la Poste en matière d'engagements à l'étranger.

En réponse à la commission462, l'ancienne cheffe du DETEC a mis en évidence les avantages liés au développement de la filiale française de CarPostal: elle a notamment indiqué que le développement de l'entreprise en France avait donné à la Poste des possibilités d'expansion, avait contribué à la diversification des activités et lui avait permis de renforcer sa compétitivité sur le marché suisse, dans la mesure où 461

Présentation incomplète de la situation financière des sociétés étrangères de CarPostal, communiqué de presse de la Poste du 3.7.2018.

462 Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-N du 2.11.2016.

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«d'importantes expériences et connaissances ont pu être acquises et qu'une source de revenus supplémentaires a ainsi pu être créée».

Concernant la situation financière de la filiale, l'ancienne cheffe du DETEC a indiqué que celle-ci était dans les chiffres noirs depuis 2012. Elle a également précisé que les pertes occasionnées au cours des premières années par les coûts de développement du marché avaient par la suite été assimilées à un abandon de créances de la Poste463.

L'ancienne cheffe du DETEC a affirmé que, pour le Conseil fédéral, les activités de la Poste sur le territoire français ne dépassaient pas le cadre des objectifs stratégiques assignés à l'entreprise, dans la mesure où la rentabilité était assurée et les risques étaient suffisamment pris en compte, et que le DETEC n'avait pas l'intention d'adapter les prescriptions concernées. Elle a toutefois précisé que le Conseil fédéral attendait de la Poste «un accroissement de la rentabilité des sociétés actives à l'étranger»464.

Concernant le jugement du Tribunal de commerce de Lyon, l'ancienne cheffe du DETEC a relevé que la Poste contestait vigoureusement ces accusations et estimait avoir de bonnes chances d'obtenir gain de cause. La Conseillère fédérale a signalé qu'elle comptait aborder la question de l'activité de CarPostal en France lors de son prochain entretien trimestriel avec la Poste. Au sujet de l'accusation de concurrence déloyale, elle a fait valoir que le Conseil fédéral attendait de la Poste «qu'elle agisse dans l'intérêt d'une concurrence équitable», mais a estimé qu'il n'incombait pas au Conseil fédéral de soumettre le jugement à un examen juridique avant que la Cour d'appel ne se soit prononcée465.

Face aux accusations d'aides d'Etat, l'ancienne cheffe du DETEC a rappelé que «les indemnités perçues par CarPostal pour ses prestations de transport public en Suisse ne peuvent pas être affectées à d'autres prestations», qu'il était «pratiquement exclu que des subventions soient utilisées à d'autres fins» et que «CarPostal France ne pouvait donc en aucun cas bénéficier d'indemnités versées en Suisse»466.

Ce dossier a une nouvelle fois été abordé avec le DETEC et la Poste en avril 2017, lors de la séance annuelle des CdG consacrée à l'atteinte des objectifs stratégiques de l'entreprise. A cette occasion, l'ancienne cheffe
du DETEC a réaffirmé que les accusations d'aides d'Etat étaient «absurdes» et que les chances que la Cour d'appel donne raison à la Poste étaient bonnes. Elle a en outre indiqué que, du point de vue du DETEC, la diversification des activités de l'entreprise était pertinente, que cet engagement était rentable et qu'une vente de CarPostal France serait regrettable 467.

Le responsable financier de la Poste, quant à lui, a affirmé que CarPostal France se développait de façon très satisfaisante et que la procédure judiciaire en suspens

463 464

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-N du 2.11.2016.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-N du 2.11.2016. Cette argumentation correspond largement à celle avancée par le Conseil fédéral en 2014, en réponse à la motion Barrazzone 14.3447.

465 Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-N du 2.11.2016.

466 Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-N du 2.11.2016.

467 Audition de l'ancienne cheffe du DETEC du 24.4.2017.

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semblait bien engagée468. La CdG-N a décidé qu'elle se repencherait sur cette thématique une fois que la Cour d'appel de Paris aurait prononcé son jugement final.

Les informations à disposition de la CdG-E confirment que, suite au jugement lyonnais de 2016, le dossier CarPostal France a été abordé à plusieurs reprises par l'ancienne cheffe du DETEC lors de ses entretiens trimestriels avec les représentants de la Poste. Une documentation complète au sujet des activités en France a notamment été remise au département par la Poste469. A la connaissance de la commission, aucune intervention stratégique de la Confédération en tant que propriétaire n'a eu lieu quant aux activités de CarPostal France.

7.2

Démarches suite aux révélations liées à CarPostal Suisse SA

Le rapport de révision publié en février 2018 par l'OFT, qui a révélé au public l'affaire CarPostal, ne faisait pas mention de la filiale française de l'entreprise. Des soupçons de subventionnements croisés sont toutefois rapidement apparus dans les médias, au vu notamment de la procédure judiciaire toujours ouverte en France. Au lendemain de la révélation de l'affaire, le CDF a annoncé aux CdG sa volonté de réaliser un audit portant notamment sur «les risques auxquels l'activité internationale de CarPostal expose la Confédération»470. Dans la foulée, plusieurs interventions parlementaires ont été déposées au sujet de CarPostal France471. Au vu des questions soulevées par ce cas en termes de gouvernance, la CdG-E a décidé d'intégrer cet aspect dans ses travaux, en étroite collaboration avec sa commission soeur du Conseil national.

En avril 2018, le président du conseil d'administration de la Poste a annoncé aux CdG que les acquisitions de CarPostal France avaient été suspendues472. Le représentant des finances de l'entreprise a néanmoins réaffirmé que CarPostal France présentait des résultats positifs depuis 2012473. Face au Parlement, l'ancienne cheffe du DETEC a maintenu que «les activités de la Poste en France étaient conformes au cadre fixé par les objectifs stratégiques», tout en précisant que les investigations concernant les irrégularités comptables chez CarPostal étaient toujours en cours474.

Le rapport d'enquête de Kellerhals Carrard, établi sur mandat de la Poste et publié fin mai 2018, n'a pas mis en évidence d'irrégularités comptables au sein de CarPostal France. Il a toutefois révélé que d'importantes sommes avaient été investies par 468 469 470 471

472 473 474

Audition des représentants de la Poste du 24.4.2017.

Cf. lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018, audition des représentants du CDF du 27.3.2019.

Lettre du CDF aux CdG du 7.2.2018. Cf. également à ce sujet chap. 6.1.15.

Cf. Notamment Ip. Feller «Les objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral sont-ils respectés en général et dans le cas particulier de CarPostal?» (18.3894) du 27.9.2018 et Questions Barrazzone 18.5068, 18.5069, 18.5070, 18.5071 et 18.5072 du 28.2.2018.

Audition des représentants de la Poste du 23.4.2018.

Audition des représentants de la Poste du 23.4.2018.

Séance du Conseil national, 5.3.2018, réponse aux questions Barrazzone 18.5068, 18.5069, 18.5070, 18.5071 et 18.5072 (BO 2018 N 155)

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la centrale de CarPostal en Suisse entre 2006 et 2011 afin de soutenir les activités de ses filiales en France et au Liechtenstein, dont les montants correspondaient environ aux gains illicites réalisés en Suisse durant la même période par CarPostal Suisse475.

Par ailleurs, selon le rapport, CarPostal aurait renoncé en 2012 à des créances de l'ordre de 30 millions de francs envers sa filiale française par le biais d'une correction de valeur, et aurait par la suite continué à assumer les charges financières de CarPostal France à hauteur de plusieurs millions de francs476.

Dans son rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste en 2017, publié début juin 2018, le Conseil fédéral n'a pas émis de réserve particulière concernant la situation de CarPostal France. Il y a affirmé qu'il fallait «continuer d'augmenter [la] rentabilité [des coopérations et participations de l'entreprise], notamment concernant les activités déployées à l'étranger»477.

Fin juin 2018, quelques jours avant l'audience prévue devant la Cour d'appel de Paris, les médias ont révélé que le litige opposant CarPostal France et ses concurrents français s'était soldé par un accord à l'amiable, la Poste ayant accepté de verser aux plaignants un montant de 6,2 millions d'euros (environ 7,1 millions de francs)478.

Après avoir procédé à des clarifications complémentaires à l'interne, la Poste a admis début juillet 2018479 que la situation financière des filiales étrangères de CarPostal avait été présentée de manière incomplète par le passé et que l'entreprise avait renoncé durant des années à imputer certains coûts à ses filiales. Elle a indiqué que, selon le rapport Kellerhals Carrard, les bénéfices générés de manière illicite au sein de CarPostal Suisse avaient vraisemblablement «servi à renforcer les activités à l'étranger». La Poste est arrivée à la conclusion que les bénéfices excessifs avaient «contribué au renforcement de la solidité financière» de CarPostal France. La Poste a par ailleurs reconnu que, si les charges avaient été imputées de manière plus fidèle, CarPostal France n'aurait pas présenté un résultat positif dès 2012, mais à une échéance ultérieure.

La CdG-E a abordé la situation de CarPostal France avec les représentants de la Poste à plusieurs reprises entre juillet et octobre 2018480. Début juillet 2018,
le président du conseil d'administration a annoncé à la commission que la Poste avait décidé de se retirer du marché français du transport de voyageurs 481. Interrogé sur les raisons de l'accord à l'amiable conclu entre CarPostal France et ses concurrents, il a indiqué que celui-ci avait été décidé afin pouvoir faire table rase des procédures en cours, préserver la valeur de l'entreprise et ne pas compromettre les démarches 475 476 477 478

479 480 481

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 698 et suiv.

Rapport Kellerhals Carrard, consid. 714 et suiv.

Rapport du Conseil fédéral sur la réalisation des objectifs stratégiques de La Poste Suisse SA durant l'exercice 2017, 8.6.2018.

CarPostal verse 7,1 mios à des transporteurs français. In: 24 Heures, 27.6.2018. CarPostal règle son litige en France. In: Le Temps, 27.6.2018. Postauto kommt in Frankreich mit Blechschaden davon. In: Blick, 27.6.2018.

Présentation incomplète de la situation financière des sociétés étrangères de CarPostal, communiqué de presse de la Poste du 3.7.2018.

Auditions des représentants de la Poste du 2.7.2018 et du 17.10.2018, lettres de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018 et du 10.10.2018.

Audition des représentants de la Poste du 2.7.2018.

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relatives à la vente de la société482. Il a également admis que les révélations liées à l'affaire CarPostal Suisse auraient eu une influence sur les chances de succès face à la Cour d'appel de Paris483.

Face à la commission, la Poste a précisé que la décision stratégique de CarPostal de renoncer à facturer certains frais à ses filiales n'était en soi pas irrégulière, mais qu'elle devait «être considérée d'un oeil critique» au vu des récentes révélations484.

L'entreprise n'a toutefois pas été en mesure d'indiquer à la CdG-E si les décisions stratégiques liées à CarPostal France auraient été différentes dans le cas où les coûts de cette filiale avaient été présentés plus fidèlement. Selon elle, «il n'est pas possible d'évaluer, avec la perspective actuelle, quels critères ont été déterminants dans la décision prise à l'époque», et «si [les coûts réels de la filiale] auraient pu être estimés préalablement à la décision»485. La Poste a souligné qu'un investissement dans un nouveau secteur de marché s'accompagne toujours «d'une estimation [...] empreinte d'un certain nombre d'incertitudes»486.

Face à la commission, l'ancienne cheffe du DETEC a fait part de sa déception concernant le manque de transparence financière de CarPostal France. Elle a indiqué que, de son point de vue, il n'était pas correct qu'une entreprise proche de la Confédération renonce à facturer certains coûts à ses filiales, même si une telle pratique n'est pas illégale487. Elle a affirmé que la Confédération devait «pouvoir s'appuyer sur le fait que les informations et [...] les chiffres fournis par les entreprises sont corrects»488. Or, selon elle, la présentation de la situation financière des sociétés étrangères de CarPostal a été «délibérément incomplète»489.

Malgré cela, l'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à la CdG-E que son département ne considérait pas l'engagement de CarPostal à l'étranger comme une erreur, sachant que, conformément aux objectifs stratégiques, «la Poste est autorisée à contracter des engagements à l'étranger, dans le respect des exigences en la matière»490. Elle a également souligné qu'aucune manipulation comptable n'avait été décelée au sein de la filiale française491 et que la liquidité totale du groupe avait toujours été suffisamment élevée pour que les activités à l'étranger soient financées, même
sans les indemnités perçues en trop492. Néanmoins, elle a affirmé que, de son point de vue, il était nécessaire que la Poste se retire du marché français, au vu des dégâts d'image causés493, et a précisé que la marche à suivre concernant l'engagement de CarPostal à l'étranger serait à l'ordre du jour des prochains entretiens entre la Poste et le propriétaire494.

482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494

Audition des représentants de la Poste du 17.10.2018.

Audition des représentants de la Poste du 17.10.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 13.8.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 10.10.2018.

Lettre de la Poste à la CdG-E du 10.10.2018.

Auditions de l'ancienne cheffe du DETEC du 2.7.2018 et du 24.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC du 24.8.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC du 2.7.2018.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 13.8.2018.

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Au cours des mois suivants, la CdG-E a continué à suivre de manière régulière les travaux concernant la vente de CarPostal France495. Les représentants de la Poste l'ont notamment informée des démarches visant à préserver la valeur de l'entreprise en vue de sa vente et des étapes du processus de rachat. Fin mai 2019, la Poste a annoncé qu'un contrat d'exclusivité en vue de la vente avait été signé avec l'entreprise française Keolis496. Fin septembre, elle a communiqué que l'Autorité de la concurrence française avait donné son feu vert à cette vente et que Keolis reprendrait l'ensemble des sociétés de CarPostal France, personnel d'exploitation et véhicules inclus. Le montant de la transaction n'a pas été révélé; la Poste néanmoins indiqué qu'au moment de son rachat, la valeur de l'entreprise s'élevait à environ 62 millions de francs, et que la Poste enregistrait, suite à cette vente, une perte estimée à environ 19 millions de francs497. Selon une estimation publiée par les médias début octobre 2019, les activités de CarPostal France depuis 2004 auraient engendré pour la Poste des coûts totaux de plus 65 millions de francs.498 En mars 2019499, la commission a pris connaissance des résultats de l'audit du CDF portant entre autres sur CarPostal France500. Le CDF est arrivé à la conclusion que la Poste avait, durant de nombreuses années, évalué les risques de la filiale française de manière trop positive: jusqu'à fin 2017, celle-ci a été considérée comme une «chance», malgré ses faibles bénéfices501. L'audit a révélé que les rapports sur les risques de CarPostal France n'avaient que peu varié au cours des dernières années, présentant des risques génériques et des mesures sans échéances ni coûts. Les responsables de la filiale n'étaient pas impliqués dans l'élaboration de ces rapports, rédigés en Suisse et disponibles uniquement en allemand 502. Le CDF considère que la Poste n'a, dans le cas de CarPostal France, pas rempli ses objectifs stratégiques no 2.5 (les activités à l'étranger sont autorisées à condition que les risques restent supportables et qu'une rentabilité durable soit garantie) et n o 5 (les coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques)503. De manière plus générale, le CDF estime qu'une attention insuffisante a été portée par la Poste
à ses activités à l'étranger504. Il est par ailleurs d'avis que les risques liés à la revente de CarPostal France n'ont pas été correctement évalués 505.

Le CDF relève dans son audit que la Confédération a, en tant que propriétaire, accès à de nombreux documents relatifs à la Poste, notamment les rapports sur les risques de l'entreprise, mais que cette documentation est complexe 506 et pas toujours com495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506

Auditions de la Poste du 17.10.2018 et du 23.1.2019, lettres de la Poste du 10.10.2018 et du 9.1.2019.

La Poste envisage de vendre CarPostal France à Keolis SA, communiqué de presse de la Poste du 27.5.2019.

La Poste conclut la vente de CarPostal France à Keolis SA, communiqué de presse de la Poste du 30.9.2019.

Voici la facture de CarPostal France. In: Le Matin Dimanche, 6.10.2019.

Audition des représentants du CDF du 27.3.2019.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 14.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 14.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 16.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 31.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 16.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, pp. 29­30.

7079

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plète507. Ainsi, les risques liés aux filiales étrangères ne sont pas mentionnés dans les rapports concernant l'atteinte des objectifs stratégiques de l'entreprise, remis chaque année au DETEC et à l'AFF 508. Aux yeux du CDF, la Confédération aurait dû exiger de la Poste des informations complémentaires concernant CarPostal France509; cela se justifie d'autant plus que, selon les objectifs stratégiques, une attention particulière doit être portée à la question des risques au sein des filiales étrangères510. Face à la CdG-E, le CDF a néanmoins indiqué que, de son point de vue, la responsabilité primaire de l'information lacunaire relative à CarPostal France revenait clairement à la Poste, et non au propriétaire511.

Dans leur prise de position en réponse à l'audit, le DETEC et l'AFF ont indiqué qu'ils pouvaient comprendre l'appréciation du CDF au sujet de CarPostal France512.

Il convient encore de préciser que le CDF n'a pas examiné en détail les flux financiers entre CarPostal et sa filiale française ainsi que les éventuelles infractions pénales liées à celle-ci, en raison en particulier de la procédure pénale administrative en cours513.

7.3

Appréciation

Ci-après, la CdG-E présente son appréciation relative au cas spécifique de CarPostal France. Les conclusions de portée générale tirées de cet exemple et portant sur toutes les entreprises proches de la Confédération sont présentées au chap. 8. Les renvois aux recommandations correspondantes sont présentés entre parenthèses au fil du texte.

Les investigations réalisées au cours des derniers mois ont montré que la situation financière de CarPostal France avait été présentée de manière tronquée durant de nombreuses années. En conséquence, la surveillance exercée sur les activités de cette filiale par la Confédération en tant que propriétaire et la haute surveillance du Parlement ont reposé sur des données incomplètes et exagérément optimistes. La CdG-E déplore cette situation au plus haut point. Au vu des informations qui lui ont été transmises, elle partage l'appréciation du DETEC selon laquelle le retrait de CarPostal du marché français constitue une décision appropriée et nécessaire.

Même si le fait de renoncer à présenter certains frais liés à une filiale n'est en soi pas illégal, la commission estime qu'une telle pratique ne peut pas être tolérée au sein des entreprises appartenant à la Confédération, par souci de transparence vis-à-vis du propriétaire et de la population. Dans l'exercice de leur conduite stratégique, le Conseil fédéral, les départements propriétaires, l'AFF et le Parlement doivent pou507 508 509 510 511 512 513

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 21.

Audition des représentants du CDF, 27.3.2019.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 21.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 21.

Audition des représentants du CDF, 27.3.2019.

Audition des représentants du CDF, 27.3.2019.

CDF: Audit de la gestion des risques, La Poste Suisse, rapport du 8.3.2019, p. 10.

A ce sujet, les représentants du CDF ont précisé à la CdG-E (audition du 17.10.2018) qu'ils étaient tenus de faire part à fedpol de tous les indices relevés dans le cadre de leurs travaux qui pourraient concerner des faits pénalement répréhensibles.

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voir se baser sur une vision complète et réaliste de la situation des entreprises, en termes notamment de finances et de risques. La CdG-E estime que le Conseil fédéral doit prendre les mesures nécessaires afin que la situation financière des filiales des entreprises proches de la Confédération soit, à l'avenir, présentée de manière fidèle à la réalité (cf. recommandation 12, chap. 8.2.2.8).

Du point de vue de la CdG-E, la responsabilité du manque de transparence concernant la situation de CarPostal France revient avant tout au conseil d'administration de la Poste, en sa qualité d'organe directorial de l'entreprise (cf. chap. 2.2). Pendant de nombreuses années, celui-ci n'a pas accordé une attention suffisante à la filiale française et a évalué les risques de cette dernière de manière exagérément positive.

La commission considère que la Poste n'a, en ce sens, pas rempli les objectifs stratégiques qui lui étaient assignés en la matière. Elle n'a ainsi pas de divergences avec l'appréciation du CDF, qui était arrivé à la même conclusion.

Le DETEC et l'AFF, en tant que représentants du propriétaire, ont abordé l'engagement de CarPostal en France de manière régulière avec les représentants de la Poste, en particulier suite à la publication du jugement de Lyon en 2016. La CdG-E juge cette démarche adéquate. Elle constate toutefois que le DETEC et l'AFF se sont largement reposés sur les informations et arguments fournis par la Poste, sans évaluer en profondeur la situation de CarPostal France. Du point de vue de la commission, certains éléments auraient dû inciter le propriétaire à demander des informations complémentaires à l'entreprise; on peut citer à titre d'exemple le fait que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques transmis par la Poste ne mentionnait pas les risques liés aux filiales étrangères, ou encore que l'évaluation des risques de CarPostal France par la Poste est demeurée inchangée durant des années514.

De manière générale, la CdG-E estime que le Conseil fédéral, le DETEC et l'AFF auraient dû se montrer davantage critiques au sujet des activités de CarPostal à l'étranger, en particulier après les révélations de début 2018 concernant CarPostal Suisse. La commission peine par exemple à s'expliquer pourquoi, dans son rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste
publié en juin 2018, le Conseil fédéral n'a pas formulé de remarque particulière concernant les activités de la filiale française.

La CdG-E est d'avis que les filiales étrangères des entreprises proches de la Confédération, au vu de leur grande exposition politique et des risques spécifiques auxquels elles sont exposées, devraient bénéficier d'objectifs clairs et d'un suivi renforcé de la part du propriétaire. Par ailleurs, il est central pour la commission que le rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente de la situation des filiales des entreprises qui revêtent une importance stratégique pour la Confédération en tant que propriétaire (cf. chap. 8.2.2.8).

514

Concernant l'évaluation des risques de CarPostal France, la CdG-E observe que les problèmes mis à jour au sein de la Poste sont similaires à ceux qu'elle avait identifiés au sein du DEFR dans son récent rapport sur la crise des cautionnements de la flotte suisse de haute mer (cf. à ce sujet: Cautionnement de navires de haute mer, rapport des CdG du 26.6.2018, chap. 4.1.1., FF 2018 6235 6280).

7081

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Sur le fond, la CdG-E ne met pas en cause la possibilité pour les entreprises proches de la Confédération de se développer à l'étranger, afin de générer de nouvelles sources de revenus et de renforcer leurs activités en Suisse. De tels engagements sont d'ailleurs prévus depuis plusieurs années par les objectifs stratégiques, régulièrement examinés par le Parlement. La commission reconnaît également que de tels développements comportent inévitablement une part d'incertitudes et que des investissements de départ sont nécessaires. Néanmoins, il n'est de son point de vue pas acceptable que, près de dix ans après son lancement, une filiale telle que CarPostal France n'ait pas atteint son seuil de rentabilité et ait porté atteinte à l'image de la Poste.

Une question centrale, en ce qui concerne la surveillance exercée par le propriétaire, est de savoir si le Conseil fédéral et le Parlement auraient soutenu la stratégie d'expansion de CarPostal en France ces dernières années, si la situation financière de la filiale avait été présentée sous son vrai jour. La CdG-E n'est pas en mesure de trancher cette question, mais elle ne peut pas exclure que le dossier aurait été évalué de manière différente, notamment par le Parlement. L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué qu'elle ne considérait rétrospectivement pas l'engagement de CarPostal en France comme une erreur, sachant que, selon ses objectifs stratégiques, la Poste était autorisée à contracter des engagements à l'étranger. La commission estime que cet argument doit être clairement nuancé dans la mesure où, durant plusieurs années, ces mêmes objectifs stratégiques n'ont pas été respectés par la Poste. Par ailleurs, la CdG-E déplore fortement que la Poste n'ait pas été en mesure de lui rendre compte des critères ayant été déterminants dans la décision du développement de CarPostal en France.

La CdG-E ne se prononce pas sur les accusations de concurrence déloyale portées contre CarPostal France et sur le choix de la Poste de conclure un accord à l'amiable avant le jugement de la Cour d'appel de Paris. Elle relève toutefois que, en raison de cet accord à l'amiable, la question juridique de fond de la légalité des soutiens financiers accordés par la Poste à sa filiale française n'a pas été tranchée. La CdG-E estime que cet élément est fondamental et devrait être clarifié au plus vite par le Conseil fédéral, afin d'éviter que d'autres cas similaires ne se reproduisent à l'avenir.

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Postulat 3:

Clarifications concernant les aides financières accordées aux filiales étrangères des entreprises proches de la Confédération

Le Conseil fédéral est chargé de clarifier si les aides financières accordées par la Poste Suisse à CarPostal France, notamment sous la forme d'abandons de créances, sont conformes à l'accord de libre-échange de 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne. Si nécessaire, il proposera des mesures visant à assurer que cette conformité soit respectée à l'avenir par l'ensemble des entreprises proches de la Confédération.

La CdG-E prend note avec satisfaction du fait que, contrairement à CarPostal Suisse, aucune irrégularité comptable n'a été décelée au sein de CarPostal France au moment de la publication du présent rapport. Elle constate toutefois que les flux financiers entre CarPostal et sa filiale française n'ont pas pu être examinés en détail pour l'instant, en raison de la primauté de la procédure pénale administrative. La commission prie le Conseil fédéral de s'assurer, en temps opportun, que cet aspect soit approfondi, que les responsabilités liées à l'intransparence financière de CarPostal France soient établies et que toutes les mesures nécessaires soient prises.

Recommandation 3:

Flux financiers entre CarPostal Suisse et CarPostal France

Une fois que la procédure pénale administrative menée par fedpol au sujet de CarPostal sera close, le Conseil fédéral est invité à s'assurer que la question des flux financiers entre CarPostal Suisse et sa filiale française soit approfondie, que les responsabilités liées à cet aspect soient établies et que toutes les mesures nécessaires soient prises.

8

Enseignements de l'affaire CarPostal (état à fin septembre 2019)

L'affaire CarPostal et les clarifications ayant suivi celle-ci ont mis en évidence plusieurs questions de fond pertinentes du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Dans le présent chapitre, la CdG-E fait part de ses conclusions à ce propos, en se basant sur les informations qu'elle a collectées dans le cadre de ses démarches, ainsi que sur les résultats des travaux menés par d'autres acteurs (cf.

chap. 6).

Dans un premier temps, la commission présente ses considérations relatives à la surveillance sur le TRV subventionné (chap. 8.1). Elle aborde ensuite les aspects en lien avec la gouvernance des entreprises proches de la Confédération (chap. 8.2).

7083

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8.1

Questions de fond relatives à la surveillance sur le TRV subventionné

L'affaire CarPostal, mais également d'autres dossiers tels que celui des taux d'intérêts trop élevés accordés à BLS515, ont soulevé ces derniers temps de nombreuses questions relatives à l'adéquation de la surveillance de l'OFT sur le TRV subventionné, ainsi qu'à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans ce domaine. Le cas de CarPostal a en outre montré que les possibilités limitées pour les entreprises du TRV de réaliser des bénéfices dans les domaines subventionnés constitue un enjeu politique central. Ces trois points sont approfondis ci-après.

8.1.1

Rôle de surveillance de l'OFT

Sur la base de réflexions internes et d'un audit réalisé par le cabinet BDO, le DETEC et l'OFT ont présenté au printemps 2019 une série de mesures visant à améliorer la surveillance sur les entreprises du TRV subventionné (cf. chap. 6.1.14).

Ces mesures incluent notamment l'abandon de l'approbation des comptes des entreprises par l'OFT, la mise en place d'un système de controlling financier, une augmentation des ressources de l'office, le renforcement du rôle des organes de révision externe ainsi qu'une plus grande responsabilisation des entreprises quant au respect du droit des subventions. Le nouveau système devrait être introduit d'ici 2020.

De manière générale, la CdG-E estime que les mesures prises afin d'améliorer la surveillance sur le TRV étaient nécessaires et vont dans le bon sens. De son point de vue, il est primordial que le nouveau système permette de clarifier les responsabilités de surveillance et d'empêcher que des cas similaires à CarPostal passent «sous le radar» des autorités compétentes.

La CdG-E rappelle que l'OFT possède, dans le domaine du respect des subventions, un rôle de surveillance subsidiaire. Le nouveau système, en soulignant davantage la responsabilité primaire des entreprises et de leurs organes de révision externe, apporte en ce sens une précision importante. Pour la commission, il ne serait pas réaliste d'attendre de l'office qu'il procède chaque année à un contrôle exhaustif des finances de toutes les entreprises bénéficiant de subventions (plus de 120 au total); la commission estime adéquat que l'OFT continue à réaliser des approfondissements par sondages, selon une approche orientée sur les risques. Dans ce contexte, le fait que l'OFT renonce à une approbation systématique des comptes des entreprises fait sens selon elle: cette démarche attribuait à l'office une responsabilité disproportionnée et portait à confusion vis-à-vis des autres acteurs du domaine.

Pour la commission, il est néanmoins indispensable que l'OFT puisse bénéficier des ressources nécessaires à l'accomplissement de sa tâche. Le renforcement adopté en ce sens par le Conseil fédéral est adéquat à ses yeux: il se justifie notamment au regard du montant élevé des subventions accordées aux entreprises par la Confédéra515

L'OFT et le BLS se mettent d'accord sur la compensation d'intérêts trop élevés, communiqué de presse de l'OFT du 15.3.2019.

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tion et les cantons dans le domaine du TRV (environ 2 milliards de francs par année).

Malgré les révélations de l'affaire CarPostal, le lien de confiance entre les commanditaires (Confédération et cantons) et les entreprises bénéficiaires de subventions demeure un fondement du système de surveillance du TRV. Du point de vue de la CdG-E, il est indispensable que l'on puisse partir du principe que les entreprises de transport respectent les prescriptions légales et font preuve de la transparence souhaitée. Toutefois, pour la commission, cela ne doit pas empêcher l'OFT de porter un regard critique vis-à-vis des entreprises subventionnées et d'intervenir lorsque cela est nécessaire. Les clarifications de la CdG-E ont en effet montré que l'office s'était, à certains moments, montré peu curieux vis-à-vis de CarPostal (cf. chap. 5.2.1). De manière générale, la CdG-E considère que l'indépendance et l'esprit critique des autorités de contrôle constituent un pendant indispensable à la confiance accordée aux entreprises. La commission souhaite qu'une attention particulière soit portée à ces aspects dans l'élaboration du nouveau système de surveillance (cf. ci-après). Elle a d'ailleurs pu constater dans le cadre de ses travaux que l'affaire CarPostal avait permis une prise de conscience des acteurs du domaine du TRV à ce sujet.

Dans le cadre du développement du nouveau système de surveillance sur le TRV, la CdG-E invite le Conseil fédéral et le DETEC à porter une attention particulière aux éléments suivants: Compétences des collaborateurs de l'OFT: l'audit de BDO a mis en évidence la nécessité d'un renforcement des compétences spécialisées des collaborateurs de l'OFT chargés de la surveillance des entreprises subventionnées516. La CdG-E attend que cet aspect soit particulièrement pris en compte lors du recrutement de nouveaux collaborateurs, et que les employés actuels puissent bénéficier de formations complémentaires spécifiques lorsque cela s'avère nécessaire.

Indépendance des collaborateurs vis-à-vis des entreprises: BDO, mais également d'autres acteurs du dossier, ont mis en évidence le risque d'une trop grande proximité entre les collaborateurs de l'OFT chargés de la surveillance et les entreprises de transport517. BDO a recommandé à ce propos l'instauration d'un tournus au sein des collaborateurs
chargés de la surveillance. A la connaissance de la CdG-E, cette mesure n'a toutefois pas été retenue.

La commission invite le Conseil fédéral et le DETEC à prendre les mesures nécessaires afin de garantir l'indépendance des collaborateurs de l'OFT: elle est néanmoins consciente de la difficulté de trouver un équilibre adéquat entre, d'un côté, la préservation de l'indépendance et, de l'autre, le maintien d'un haut niveau d'expérience et de compétences sur une durée prolongée.

Séparation des rôles au sein de l'office: dans son rapport, BDO a souligné l'importance de procéder à une meilleure séparation, au sein de l'OFT, entre les rôles de commande et de surveillance du TRV subventionné518. Or, dans la nouvelle struc516 517

Rapport BDO, recommandations 1.8 et 3.3.

Rapport BDO, recommandation 1.6; cf. également audition du Surveillant des prix, séance du 14.11.2018, et rapport Kellerhals Carrard.

518 Rapport BDO, recommandation 1.1, cf. également rapport Kellerhals Carrard et lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018.

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ture de surveillance, les tâches de commande et de controlling du TRV continuent d'être regroupées au sein d'une même section. Interrogé par la CdG-E à ce sujet, l'OFT a indiqué qu'une séparation stricte des rôles n'était plus nécessaire selon lui, au vu des autres mesures prises, et qu'elle ne ferait pas sens en termes d'utilisation efficiente des compétences disponibles519. L'office a néanmoins précisé qu'une distinction serait effectuée dans certains domaines à des fins de surveillance qualité et que des contrôles compensatoires seraient réalisés 520. La CdG-E invite le Conseil fédéral et le DETEC à examiner si une séparation structurelle plus claire ne serait pas malgré tout souhaitable au sein de l'office, et à s'assurer que des mesures adéquates seront prises afin que la distinction des rôles de l'OFT soit garantie dans la pratique (cf. recommandation 4.2 ci-après).

Examen des activités annexes des entreprises: Dans son audit, BDO a recommandé que la surveillance de l'OFT ne soit pas focalisée uniquement sur les activités subventionnées des entreprises de transport, mais que des contrôles plus larges portant sur les activités annexes soient effectués, afin de pouvoir identifier d'éventuelles subventions croisées521. L'OFT a indiqué que cette problématique serait traitée dans le cadre des contrôles réalisés par sa section Révision522. La CdG-E estime qu'il est indispensable que de tels contrôles élargis puissent être réalisés, lorsque cela s'avère nécessaire selon l'appréciation de l'office, et que l'OFT bénéficie à cet effet d'un accès adéquat à l'information.

Vérification des chiffres livrés par les entreprises: Tant BDO que le CDF ont déploré le fait que l'OFT n'ait pas été en mesure, par le passé, de vérifier la plausibilité des chiffres livrés par les entreprises de transport523. L'OFT a indiqué que cet aspect serait également traité à l'avenir par sa section Révision 524. La CdG-E souligne l'importance de mettre en place les instruments permettant une vérification ponctuelle approfondie des données financières livrées par les entreprises.

Méthodologie transparente de définition des risques: Les contrôles approfondis de l'OFT étant basés sur une approche orientée sur les risques, il est nécessaire aux yeux de la CdG-E que l'office définisse de manière claire et transparente comment
les risques relatifs aux entreprises de transport sont définis, identifiés et priorisés, et qu'une planification claire des contrôles soit réalisée sur cette base. La commission rejoint en ce sens les recommandations formulées par BDO525.

Documentation relative à l'interprétation des bases légales: La CdG-E salue la décision de l'OFT d'établir une documentation visant à réduire la marge d'interprétation des bases légales par les entreprises dans le domaine du TRV. Pour la commission, il est important que le Conseil fédéral et le DETEC s'assurent que cette documentation correspondra à la volonté du législateur et à la pratique en 519 520 521 522 523

524 525

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Note de l'OFT à la CdG-E du 3.6.2019.

Rapport BDO, recommandation 2.1.1. Cette possibilité est d'ailleurs déjà prévue par l'art. 37, al. 4. LTV.

Lettre de l'OFT au DETEC du 24.1.2019.

Rapport BDO, recommandation 2.1.2; CDF: Surveillance de la commande du trafic régional de voyageurs, rapport du 15.1.2019 (en allemand uniquement, résumé en français).

Lettre de l'OFT au DETEC du 24.1.2019.

Rapport BDO, recommandations 2.2, 2.2.1, 2.2.2 et 2.3.

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vigueur et que les autorités cantonales compétentes et les représentants de la branche seront associés à son élaboration526.

Responsabilité des organes de révision externe: La commission salue également la volonté de l'OFT de clarifier, en collaboration avec l'association EXPERTsuisse, la possibilité de confier aux organes de révision externe des entreprises des tâches de surveillance supplémentaires. Elle est toutefois d'avis qu'une certaine prudence est de mise à ce propos, au regard des manquements constatés chez KPMG dans le cas de CarPostal et de l'expérience limitée des entreprises de révision dans le domaine des subventions jusqu'à présent. Elle considère que les résultats des discussions avec EXPERTsuisse seront déterminants à ce sujet. Par la suite, la CdG-E demande que la répartition des tâches de surveillance entre l'OFT et les réviseurs externes soit clarifiée et consignée dans un document accessible au public.

Mise en place d'un monitorage des signalements: Le cas de CarPostal a montré que les signalements transmis par d'autres autorités actives dans le domaine du TRV, tels que le Surveillant des prix ou les autorités cantonales, pouvaient jouer un rôle central (cf. chap. 5.2.1). Pour la commission, l'office devrait accorder, à l'avenir, un poids plus important à de tels signalements; elle invite le Conseil fédéral à s'assurer que l'OFT développe, en parallèle du controlling des entreprises de transport, un système de monitorage permettant d'assurer un suivi des signalements qui lui sont transmis par d'autres organes dans le domaine du TRV (cf. recommandation 4.3 ciaprès).

Interfaces avec les cantons: Du point de vue de la commission, il est particulièrement important que les interfaces entre l'OFT et les autorités cantonales compétentes soient identifiées et réglées dans le cadre du nouveau système de surveillance, de concert avec les cantons (cf. recommandation 4.4 ci-après et chap. 8.1.2).

De manière générale, la CdG-E juge particulièrement important que l'ensemble des acteurs concernés (cantons, entreprises, organes de révision, etc.) soient correctement associés à l'élaboration du nouveau système de surveillance sur le TRV.

526

Face à la CdG-E, la CTP a souligné le fait que les décisions concernant l'interprétation des prescriptions n'étaient pas «de nature purement juridique» mais également «politique». Elle a appelé de ses voeux «un processus de partenariat entre la Confédération et les cantons» à ce sujet et une prise en compte des lignes directrices politiques élaborées par la Confédération et les cantons pour la promotion des transports publics (lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019).

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Recommandation 4:

Nouveau système de surveillance sur le TRV subventionné

4.1 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'une attention particulière soit accordée, dans le cadre du développement du nouveau système de surveillance sur le TRV subventionné, aux aspects suivants: compétences des collaborateurs de l'OFT, indépendance des collaborateurs de l'office vis-à-vis des entreprises, examen des activités annexes des entreprises, vérification des chiffres livrés par les entreprises, méthodologie transparente de définition des risques, documentation relative à l'interprétation des bases légales, responsabilité des organes de révision externe.

4.2 Le Conseil fédéral est invité à examiner si une séparation structurelle plus claire serait souhaitable, au sein de l'OFT, entre les rôles de commande et de surveillance du TRV subventionné.

4.3 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'OFT développe un système de monitorage des signalements qui lui sont transmis par d'autres organes dans le domaine du TRV.

4.4 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les interfaces entre l'OFT et les autorités cantonales compétentes soient identifiées et réglées dans le cadre du nouveau système de surveillance.

La commission continuera à s'informer, dans le cadre de ses travaux futurs, de l'avancée de la mise en oeuvre du nouveau système de surveillance sur le TRV.

8.1.2

Répartition des compétences de surveillance entre Confédération et cantons

La question de fond de la répartition des compétences de surveillance entre l'OFT et les autorités cantonales dans le domaine du TRV subventionné est apparue à plusieurs reprises dans le cadre des travaux de la CdG-E sur CarPostal. Face à la commission, l'ancienne cheffe du DETEC a laissé entendre que les cantons s'étaient trop longtemps reposés, dans ce domaine, sur les contrôles effectués par l'OFT 527. A l'inverse, certains acteurs ont critiqué le manque de réaction de l'office suite aux signalements de certains cantons concernant CarPostal (cf. chap. 5.2.1).

Selon la législation sur le transport de voyageurs, la commande et l'indemnisation du TRV sont assurées conjointement par la Confédération et les offices cantonaux des

527

Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 23.4.2018.

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transports publics528. La responsabilité de surveillance, de son côté, revient uniquement à l'OFT529. Toutefois, les services cantonaux de contrôle des finances sont également habilités, sur la base des législations cantonales, à effectuer des contrôles dans les entreprises subventionnées. Ils agissent indépendamment des offices cantonaux des transports publics530. Enfin, le CDF possède un rôle de surveillance sur les bénéficiaires d'indemnités et d'aides financières de la Confédération (art. 8, al. 1, LCF).

Depuis 2013, le DETEC et les cantons travaillent à l'élaboration d'un projet visant à réformer le système de commande et d'indemnisation du TRV, dans le but de simplifier celui-ci et de régler avec plus de clarté les compétences et les responsabilités.

En avril 2019, le Conseil fédéral a lancé une procédure de consultation portant sur deux variantes de réforme du TRV531. Néanmoins, ce projet de révision se limite au processus de commande et ne propose pas de modification fondamentale concernant la répartition des compétences en matière de surveillance des entreprises532.

La CdG-E a approfondi la question de savoir si la répartition actuelle des tâches de surveillance sur le TRV était adéquate; elle s'est entretenue à ce propos avec différents acteurs du dossier CarPostal (DETEC, OFT, CDF) et a invité la CTP à lui transmettre une prise de position écrite à ce sujet533. Les clarifications de la commission ont montré que la répartition des tâches de surveillance était certes réglée de manière générale, mais que certaines différences d'interprétation subsistaient et que la coordination entre la Confédération et les cantons devait encore être améliorée.

528

529 530 531

532

533

Cf. en particulier art. 28, al. 1, LTV et art. 6 et 12 OITRV. Les cantons dirigent la procédure de commande, notamment en ce qui concerne la définition de l'offre de transport, l'examen des offres des entreprises et les négociations avec ces dernières ainsi que la définition et la vérification de la qualité des prestations (art. 12, al. 3, OITRV). L'OFT, de son côté, soutient notamment les cantons lors de l'examen des offres, veille à l'échange d'informations entre les cantons et à la coordination générale des transports publics (art. 12, al. 4 et 5, OITRV). Les modalités de la répartition des indemnisations entre Confédération et cantons sont spécifiées aux art. 28 ss. LTV ainsi qu'aux art. 29a ss. OITRV.

Cf. art. 52 ss. LTV. Les modalités de la surveillance exercée par l'office sur le TRV subventionné sont précisées aux art. 37 et 38 LTV (à ce propos, cf. également chap. 2.3).

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

Deux variantes pour simplifier le transport régional de voyageurs, communiqué de presse du Conseil fédéral du 17.4.2019. Cette consultation s'est achevée le 15 août 2019. La variante «Optimisation» prévoit que la Confédération et les cantons continuent à commander et à financer conjointement les offres de bus et de train. La variante «Séparation partielle», privilégiée par le Conseil fédéral, propose quant à elle que l'offre de bus soit commandée par les seuls cantons à l'avenir.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018. Néanmoins, en cas d'adoption de la variante «Séparation partielle», l'OFT serait habilité à procéder à des audits de subventions uniquement concernant les entreprises ferroviaires et les entreprises d'installations à câbles. Les entreprises de bus ne seraient plus contrôlées par l'OFT puisque la somme forfaitaire serait versée aux cantons. Les contrôles appropriés devraient alors être effectués par les offices cantonaux compétents (cf. Réforme du transport régional de voyageurs, rapport explicatif du DETEC du 17.4.2019, chap. 1.2.3, p. 15).

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019. Il convient de préciser que la CTP, en tant que conférence intercantonale, a pour tâche principale d'assurer la bonne coordination des travaux des cantons, la défense des intérêts de ces derniers ainsi que la collaboration avec la Confédération, mais ne dispose pas de compétences souveraines déléguées par les cantons. Ainsi, elle n'a pas de droits ni de devoirs dans le domaine des TRV subventionnés.

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En parallèle de la surveillance principale exercée par l'OFT en vertu de la LTV, une grande partie des services cantonaux de contrôle des finances réalisent périodiquement des audits dans le secteur des transports publics, conformément aux législations cantonales. Un groupe de travail composé notamment de représentants du CDF, de divers services cantonaux de contrôle des finances et de la section Révision de l'OFT se réunit une fois par année pour coordonner ces opérations534. Certains audits sont menés en commun535. Les offices cantonaux des transports publics ne participent pas à cette coordination; la CTP juge que cette répartition des rôles est «adéquate»536.

Face à la CdG-E, le DETEC a insisté sur «la compétence et l'obligation» de contrôle incombant aux services cantonaux de contrôle des finances en matière de TRV; il a déploré le fait que certains cantons avaient par le passé nié leur responsabilité dans ce domaine537. L'OFT a souligné l'importance d'une meilleure sensibilisation des cantons; il a indiqué que des cours de formation relatifs aux vérifications selon le droit des subventions, organisés en collaboration avec le CDF, ont été réalisés en 2019 à l'attention des services cantonaux de contrôle des finances538.

Dans le cadre d'un audit réalisé en collaboration avec les services de contrôle des finances de quatre cantons et publié début 2019539, le CDF est arrivé à la conclusion que les rôles et tâches respectifs de la Confédération et des cantons dans le domaine du TRV ­ entre autres concernant les contrôles effectués ­ n'étaient pas définis de manière assez claire, que les attentes à ce sujet divergeaient et que la collaboration n'était pas suffisamment documentée. Le CDF a par ailleurs constaté que les pratiques et processus de contrôle du TRV variaient largement d'un canton à l'autre 540.

Dans sa prise de position relative au rapport, l'OFT a indiqué que la mise en oeuvre des recommandations du CDF serait incluse dans les travaux de l'office faisant suite à l'affaire à CarPostal ainsi que dans la réforme du TRV en cours.

Du côté des cantons, la CTP considère que les mesures prises par l'OFT pour améliorer la surveillance sur le TRV (cf. chap. 6.1.14 et 7.1.1) permettront «en grande partie de clarifier les questions en suspens». Elle estime toutefois que, dans le cadre de ce
nouveau système, les interfaces avec les cantons doivent encore être définies plus précisément541. Pour la CTP, il s'agira de vérifier, à la suite de la mise en oeuvre 534

535 536 537 538 539 540 541

Lettres de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019 et du 29.5.2019. Selon les informations du DETEC, Les objectifs et les modalités de ces réunions sont définis dans un concept du CDF. Ce dernier coordonne et consigne ces réunions dans des procèsverbaux. Les participants présentent les résultats clés des contrôles effectués et fournissent des informations sur les contrôles planifiés. Cette réunion annuelle a pour but d'éviter les doublons et d'améliorer la coordination et les échanges entre le CDF et les services cantonaux de contrôle des finances.

Audition des représentants de l'OFT, séance du 27.3.2019.

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018; lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019.

Lettre de la cheffe du DETEC à la CdG-E du 12.3.2019; audition des représentants de l'OFT, séance du 27.3.2019.

CDF: Surveillance de la commande du trafic régional de voyageurs, rapport du 15.1.2019 (en allemand uniquement, résumé en français).

Audition des représentants du CDF, séance du 27.3.2019.

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

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des mesures de l'OFT, «si les cantons assumeront de manière opportune des tâches complémentaires à celles de l'OFT et, si oui, lesquelles»; la forme d'une éventuelle surveillance cantonale dépendra toutefois aussi de l'issue de la réforme du TRV en cours542. Toutefois, selon la CTP, il n'est «pas manifeste qu'une extension des activités de surveillance cantonales apporterait un bénéfice supplémentaire»; pour elle, une répartition de la responsabilité des contrôles entre plusieurs organes pourrait mener à un affaiblissement de la surveillance et aurait plutôt tendance à aggraver le problème543.

La CdG-E considère qu'il est adéquat que la responsabilité principale de surveillance sur le TRV subventionné incombe à l'OFT, au vu de l'expérience de cet organe et des mesures actuelles visant à améliorer son action. Par ailleurs, le fait qu'une unité centrale dispose d'une vue d'ensemble fait particulièrement sens vis-àvis d'entreprises telles que CarPostal, actives dans de nombreuses régions du pays.

La commission est néanmoins d'avis que les cantons ont également un rôle central à jouer dans le système de surveillance, sachant que ceux-ci sont impliqués dans la commande et l'indemnisation du TRV. Elle appelle de ses voeux une implication coordonnée de l'ensemble des services cantonaux de contrôle des finances et salue les efforts de l'OFT et du CDF pour une plus grande sensibilisation de ces derniers.

A court terme, il est important aux yeux de la CdG-E que les interfaces entre l'OFT et les autorités cantonales ­ offices cantonaux des transports publics et services de contrôle des finances ­ soient identifiées et réglées dans le cadre du nouveau système de surveillance, en collaboration avec les cantons (cf. recommandation 4, chap. précédent). Selon elle, l'échange d'informations relatives aux entreprises subventionnées doit également être amélioré; à ce titre, la commission recommande l'instauration d'un monitorage des signalements issus des autorités cantonales, celles-ci pouvant disposer d'informations décisives pour le contrôle de l'OFT (cf.

recommandations 4.3 et 4.4).

L'articulation des tâches de surveillance entre Confédération et cantons à plus long terme dépendra largement de l'issue de la réforme du TRV en cours, dont le calendrier n'est pas connu pour l'instant. La CdG-E attend du Conseil
fédéral qu'il examine, à l'issue de cette réforme, dans quelle mesure la répartition des compétences de surveillance doit être adaptée, et s'il est souhaitable que des tâches de surveillance supplémentaires soient attribuées aux offices cantonaux des transports et/ou aux services cantonaux de contrôle des finances. Il est invité à associer les cantons à cette démarche. Sur cette base, le Conseil fédéral est ensuite invité à documenter de manière adéquate la répartition des tâches de surveillance et les processus correspondants.

542 543

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

Lettre de la CTP à la CdG-E du 21.6.2019.

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Postulat 4:

Répartition des compétences de surveillance sur le TRV

A l'issue de la réforme du TRV en cours, le Conseil fédéral est chargé d'examiner dans quelle mesure la répartition des compétences de surveillance entre Confédération et cantons dans le domaine du TRV doit être adaptée, et s'il serait judicieux que des tâches de surveillance supplémentaires soient attribuées aux offices cantonaux des transports et/ou aux services cantonaux de contrôle des finances. Le Conseil fédéral est invité à associer les cantons à cette démarche.

Les résultats de cet examen seront présentés dans un rapport.

Sur la base des résultats de cet examen, le Conseil fédéral est chargé de documenter de manière adéquate la répartition des tâches de surveillance dans le domaine du TRV et les processus correspondants.

8.1.3

Réalisation de bénéfices dans les domaines subventionnés

De manière générale, la loi prévoit des possibilités limitées pour les entreprises du TRV de réaliser des bénéfices dans les domaines subventionnés. En vertu de l'art. 28, al. 1, LTV, celles-ci se voient indemniser les coûts non couverts selon les comptes planifiés. Étant donné que la Confédération et les cantons ne reconnaissent en général que les coûts réels comme donnant droit à une compensation, les entreprises du TRV ne sont en conséquence pas autorisées à planifier de bénéfices 544.

Conformément à l'art. 36, al. 2, LTV, en vigueur depuis 2010, les entreprises peuvent disposer librement d'un montant correspondant au maximum à un tiers de l'excédent et affecter au moins deux tiers à une réserve spéciale destinée à couvrir les futurs déficits des secteurs indemnisés. Si cette réserve atteint 25% du chiffre d'affaires annuel des secteurs concernés ou 12 millions de francs, le bénéfice est à la libre disposition de l'entreprise545.

L'affaire CarPostal a soulevé diverses questions concernant l'adéquation du système actuel. En effet, malgré la possibilité légale d'assigner ses bénéfices à une réserve spéciale, l'entreprise a dissimulé ceux-ci de manière massive. Entre 2007 et 2017 (et surtout dès 2010, cf. annexe 4), CarPostal s'est contentée de déclarer à l'OFT des bénéfices de l'ordre de quelques centaines de milliers de francs par année; en parallèle, plusieurs millions de francs d'excédents ont été camouflés par le biais de manipulations comptables546.

L'ancienne cheffe du DETEC a indiqué à plusieurs reprises que le système actuel était complexe, qu'il soulevait des questions financières et qu'une révision de celuici était nécessaire de son point de vue547. Cet aspect n'a toutefois pas été traité dans 544

Selon l'art. 15 OITRV, une rémunération du capital propre serait en principe possible, mais dans la pratique, cette disposition potestative n'est pas appliquée.

545 Pour plus de détails, cf. chap. 2.3. Entre 2007 et 2018, la réserve spéciale de CarPostal était toujours supérieure à 12 millions de francs (cf. annexe 4).

546 La liste des montants concernés est présentée à l'annexe 4.

547 Cf. notamment audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 2.7.2018.

7092

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le projet de réforme du TRV présenté en avril 2019 par le Conseil fédéral (cf.

chap. précédent).

L'affaire CarPostal a mis en évidence un conflit d'objectifs fondamental entre, d'un côté, l'interdiction faite à l'entreprise de réaliser des bénéfices et, de l'autre, l'impératif pour celle-ci de présenter une valeur croissante, consigné dans les objectifs stratégiques (cf. recommandation 1, chap. 6.2.2). Au-delà de CarPostal, cette contradiction s'applique à l'ensemble des entreprises de transport subventionnées; même si toutes ne sont pas formellement soumises à des objectifs stratégiques de la Confédération visant à augmenter la valeur de l'entreprise, elles sont confrontées à des besoins réguliers d'investissement.

Du point de vue de la commission, il est fondamental que l'argent alloué par la Confédération et les cantons en faveur du TRV soit utilisé à bon escient et de manière transparente. Néanmoins, il est également important à ses yeux que les entreprises de transport subventionnées puissent bénéficier, sous certaines conditions, d'une marge de manoeuvre financière leur permettant d'investir dans leur développement futur et de rester compétitives. Selon toute évidence, le principe de réserve spéciale actuellement prévu par la loi n'a pas dissuadé CarPostal de dissimuler une grande partie de ses bénéfices.

La CdG-E renonce à se prononcer plus en détail sur cette question, dans la mesure où celle-ci dépasse le cadre de cette inspection. Néanmoins, elle estime qu'un débat politique de fond devrait être mené à ce sujet. En conséquence, elle invite le Conseil fédéral à examiner s'il serait opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné ­ en particulier l'art. 36, al. 2, LTV ­ et sur la comptabilité des entreprises subventionnées, et à présenter au Parlement les pistes d'amélioration qu'il estime envisageables à ce propos. Pour elle, la question se pose notamment de savoir si une limite supérieure devrait être fixée en ce qui concerne le bénéfice annuel laissé à libre disposition de l'entreprise, une fois que le seul maximal prévu pour la réserve spéciale est atteint (cf. chap. 6.2.4).

De manière plus générale, la commission prie le Conseil fédéral d'examiner si l'interdiction générale de réaliser des bénéfices dans les
domaines subventionnés ne devrait pas être précisée de manière explicite au niveau de la loi (LTV ou LSu) et dans les objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération concernées.

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Postulat 5:

Bénéfices dans le secteur du TRV subventionné

5.1. Le Conseil fédéral est chargé d'examiner s'il serait opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné et sur la comptabilité des entreprises subventionnées, et de présenter au Parlement les pistes d'amélioration qu'il estime envisageables à ce propos.

5.2 Dans ce cadre, le Conseil fédéral est notamment chargé d'examiner si une limite supérieure devrait être fixée en ce qui concerne le bénéfice annuel laissé à libre disposition de l'entreprise, une fois que le seuil maximal prévu pour la réserve spéciale selon l'art. 36, al. 2, LTV est atteint.

5.3. De manière plus générale, le Conseil fédéral est chargé d'examiner si l'interdiction générale de réaliser des bénéfices dans les secteurs subventionnés ne devrait pas être précisée de manière explicite au niveau de la loi (LTV ou LSu) et dans les objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération concernées.

8.2

Questions de fond relatives au gouvernement d'entreprise de la Confédération

Par le passé, les CdG se sont penchées à plusieurs reprises sur l'adéquation du gouvernement d'entreprise de la Confédération. Dans un rapport publié en 2012548, la CdG-N était arrivée à la conclusion que le modèle de gestion stratégique appliqué par la Confédération était à même de permettre le pilotage des entreprises en temps normal, mais qu'il montrait ses limites dans les situations inhabituelles. Les CdG ont également formulé diverses remarques relatives au gouvernement d'entreprise dans leurs rapports concernant les CFF549 et RUAG550, notamment.

L'affaire CarPostal et les clarifications ayant suivi ont soulevé de nouvelles questions à ce sujet. En juin 2018, le Conseil fédéral a décidé de soumettre le gouvernement d'entreprise de la Confédération à un examen externe. Sur la base des recommandations des experts, il a adopté fin juin 2019 diverses mesures (cf. chap. 6.1.16).

Ci-après, la CdG-E présente son appréciation quant aux enseignements généraux de l'affaire CarPostal en matière de gouvernement d'entreprise de la Confédération.

Elle se base, pour ce faire, sur les informations collectées dans le cadre de ses travaux, ainsi que sur les conclusions de l'expertise mandatée par le Conseil fédéral. La commission se réserve la possibilité de compléter son appréciation une fois qu'elle aura pris connaissance des conclusions de la procédure pénale administrative. Par

548

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012 (FF 2012 7905). Cf. également chap. 2.1.

549 Surveillance des liens d'intérêts au sein des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération, à l'exemple du cas de la présidente du conseil d'administration des CFF, rapport de la CdG-E du 28.8.2018 (FF 2018 7833).

550 Bilan de la gestion de la cyberattaque menée contre RUAG, rapport de la CdG-N du 8.5.2018 (FF 2018 4683).

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ailleurs, les CdG continueront d'examiner différents aspects du gouvernement d'entreprise de la Confédération dans le cadre de leurs travaux à venir.

De manière générale, la CdG-E considère que le modèle de gestion stratégique des entreprises proches de la Confédération demeure adapté sur le fond, mais présente plusieurs limites. Elle salue le fait que le Conseil fédéral ait décidé de procéder à un examen du gouvernement d'entreprise. Néanmoins, de son point de vue, les mesures décidées sur la base des recommandations des experts ne vont pas assez loin et des améliorations supplémentaires doivent être examinées.

8.2.1

Responsabilité de surveillance sur les entreprises

Selon les principes du gouvernement d'entreprise de la Confédération, la surveillance sur les entreprises est organisée en «cascade» (cf. chap. 2.1): la responsabilité première revient aux organes de contrôle de l'entreprise (direction, conseil d'administration, révision interne et externe). Le niveau de surveillance suivant est assuré par Confédération, sous l'égide du Conseil fédéral (départements propriétaires, AFF, autorités de surveillance sectorielle). Les entreprises sont également soumises à la surveillance du CDF. L'Assemblée fédérale, enfin, exerce sa haute surveillance de manière subsidiaire, en s'assurant que le contrôle exercé par le Conseil fédéral est adéquat.

En ce sens, la responsabilité première du non-signalement, durant plusieurs années, des pratiques comptables illicites chez CarPostal revient clairement aux instances dirigeantes de la Poste et aux organes de contrôle interne et externe de l'entreprise.

Les premières clarifications menées suite à l'affaire (ASR, CDF, rapport Kellerhals Carrard) ont révélé certains manquements de la part de ces organes551.

Au niveau des autorités fédérales, il faut distinguer différents types de surveillance sur les entreprises. La Confédération constitue l'actionnaire majoritaire (ou unique) de l'entreprise; à ce titre, le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires (ici le DETEC) et l'AFF exercent une surveillance portant sur l'ensemble des activités, basée sur les objectifs stratégiques. Les autorités de surveillance sectorielle (ici l'OFT) portent quant à elles leur attention sur certains aspects spécifiques de l'entreprise. Or, l'affaire CarPostal a montré que les objectifs des différentes unités de la Confédération pouvaient entrer en conflit et que leurs activités de surveillance n'étaient pas suffisamment coordonnées (cf. chap. 5.2). Pour la CdG-E, une meilleure collaboration est nécessaire entre celles-ci; le Conseil fédéral et la direction du DETEC, de leur côté, devraient davantage faire usage de la vue d'ensemble dont ils disposent et adapter les objectifs stratégiques lorsque ceux-ci entrent en contradiction avec la législation en vigueur (cf. ci-après, chap. 8.2.3).

Du point de vue de la commission, il n'y a pas de raison de remettre en cause la «cascade» actuelle de surveillance sur le fond; il est adéquat
que la responsabilité primaire de contrôle continue à incomber aux entreprises elles-mêmes et que les autres organes exercent une surveillance subsidiaire. La CdG-E salue les mesures 551

Une appréciation définitive à ce sujet ne sera toutefois possible qu'à l'issue de la procédure pénale administrative en cours.

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prises ou en cours afin de préciser encore les responsabilités des différents acteurs (p. ex. tâches des organes de révision externe dans le domaine du TRV subventionné, cf. chap. 6.1.14).

Dans le cas de CarPostal, la structure de surveillance a fonctionné in fine, puisque les pratiques comptables illicites ont finalement été mises au jour par l'OFT. La CdG-E déplore toutefois que ces révélations ne soient survenues qu'après plusieurs années et que ni les organes de l'entreprise ­ auxquels revient la responsabilité principale de surveillance ­ ni le propriétaire n'aient été en mesure de détecter la présence d'un problème (cf. chap. 5.2). Au vu de ce cas, elle estime que la surveillance doit être renforcée selon la logique de la «cascade» et qu'il faut ainsi consolider les premières lignes de surveillance sur les entreprises. La commission attend du Conseil fédéral qu'il s'assure à l'avenir que toutes les entreprises proches de la Confédération disposent de systèmes de surveillance interne adéquats (cf. chap. 8.2.2.7). Par ailleurs, elle souhaite que la conduite stratégique et la surveillance exercée par le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF à titre d'actionnaire majoritaire ou unique soient clarifiées et renforcées par plusieurs mesures (cf. chap. 8.2.2).

Pour la commission, le principe de confiance doit continuer à constituer le fondement du système de surveillance552. L'administration fédérale et le Parlement doivent pouvoir partir du principe que la surveillance est assurée de manière adéquate au sein des entreprises proches de la Confédération. Cette confiance ne doit toutefois pas empêcher les instances de surveillance, à tous les échelons, de porter un regard critique sur l'activité des entreprises et d'intervenir en cas de problèmes, dans le respect de leurs compétences légales.

8.2.2

Rôle du Conseil fédéral, des départements propriétaires et de l'AFF

8.2.2.1

Degré d'implication du propriétaire

L'affaire CarPostal, comme d'autres dossiers ces dernières années 553, soulève la question du degré d'implication du Conseil fédéral, respectivement des départements propriétaires (ici le DETEC) et de l'AFF dans la conduite et la surveillance des entreprises proches de la Confédération. Dans le cas de CarPostal, ceux-ci ont présenté une position défensive: à plusieurs reprises554, ils ont indiqué à la commission qu'ils n'exerçaient aucune influence sur les activités opérationnelles de la Poste et que leur pilotage se limitait aux éléments stratégiques (cf. chap. 6.2.3). Ils ont souligné leur volonté de respecter l'autonomie entrepreneuriale de la Poste, selon les principes du gouvernement d'entreprise. La cheffe du DETEC a fait valoir qu'une

552

Cette vision est partagée par les experts mandatés par le Conseil fédéral: cf. Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.2.2 et 4.2.3.

553 P. ex.: mise en service des trains duplex de Bombardier.

554 Audition des représentants du DETEC et de l'AFF, séances du 24.4.2018, du 2.7.2018 et du 15.4.2019; lettres de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 15.3.2018 et du 13.8.2018.

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intervention du propriétaire dans les affaires opérationnelles de l'entreprise poserait des problèmes en terme de délimitation des responsabilités555.

La CdG-E comprend certes la volonté du Conseil fédéral d'exercer son influence sur la Poste avec une certaine retenue. Elle partage sur le fond l'opinion que l'intervention du propriétaire doit se limiter aux aspects stratégiques et qu'une intrusion du Conseil fédéral dans les activités opérationnelles de l'entreprise poserait problème à plusieurs égards. Néanmoins, comme elle l'avait déjà laissé entendre par le passé 556, la commission estime que la Confédération devrait exercer de manière plus active le rôle de conduite stratégique et de surveillance stratégique qui lui revient en tant que propriétaire, dans les limites prévues par le droit de la société anonyme et la législation spécifique. Pour ce faire, la CdG-E est d'avis que le Conseil fédéral devrait notamment définir plus clairement quels éléments sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire» (cf. chap. 8.2.2.2), renforcer les structures organisationnelles existantes (cf. chap. 8.2.2.3), disposer d'un concept permettant d'identifier et régler les conflits d'objectifs (cf. chap. 8.2.2.4), améliorer son suivi de l'activité des entreprises sous différents aspects (cf. chap. 8.2.2.5 à 8.2.2.8) et définir quelles sont les mesures à sa disposition lors de situations de crise (cf. chap. 8.2.2.9).

8.2.2.2

Définition des éléments considérés comme stratégiques pour le propriétaire

Lorsqu'il est question des entreprises proches de la Confédération, le Conseil fédéral fait régulièrement la distinction entre le «domaine stratégique» et le «domaine opérationnel», en soulignant qu'il n'intervient pas dans ce dernier. Les travaux relatifs à l'affaire CarPostal ont toutefois montré que ces deux sphères ne sont pas définies de manière claire et que la limite entre celles-ci est sujette à différentes interprétations557. On peut ainsi se demander si certains dossiers, lorsqu'ils prennent une résonance politique importante ou qu'ils ont une ampleur financière particulière, ne devraient pas être considérés comme des objets «stratégiques» justifiant un suivi plus poussé du propriétaire. Pour la commission, davantage de précision à ce propos permettrait de renforcer la cohérence du gouvernement d'entreprise de la Confédération.

La CdG-E est consciente qu'il ne serait pas réaliste d'établir une définition rigide du «domaine stratégique» et du «domaine opérationnel» et qu'une certaine marge d'appréciation est indispensable. Elle estime toutefois que le Conseil fédéral devrait élaborer, sur la base des expériences faites et de la littérature spécialisée, une des critères 555 556

Audition des représentants du DETEC, séance du 15.4.2019.

Surveillance des liens d'intérêts au sein des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération, à l'exemple du cas de la présidente du conseil d'administration des CFF, rapport de la CdG-E du 28.8.2018, chap. 4.2 (FF 2018 7833 7852).

557 Par exemple: la réorganisation de CarPostal courant 2019 ou la question des bonus alloués aux dirigeants de la Poste constituent-ils des éléments de portée stratégique?

La cheffe du DETEC a indiqué à la commission que cette délimitation demeurait un défi pour elle également (audition des représentants du DETEC, séance du 15.4.2019).

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clairs et une catégorisation pour déterminer quels éléments de l'activité de l'entreprise sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire» et sont donc soumis à un suivi plus étroit par le Conseil fédéral, les départements propriétaires et l'AFF (par exemple: dossiers à grande résonance politique, événements ayant une influence sur l'atteinte des objectifs stratégiques, investissements de grande ampleur558, activité dans les domaines subventionnés, fonctionnement du conseil d'administration, réorganisations au sein de l'entreprise559, etc.). De l'avis de la commission, les éléments considérés comme «stratégiques pour le propriétaire» devraient ensuite systématiquement figurer à l'ordre du jour des entretiens trimestriels avec les entreprises560.

Recommandation 5:

Eléments de l'activité des entreprises considérés comme stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire

Le Conseil fédéral est invité à élaborer des critères et une catégorisation afin de déterminer quels éléments de l'activité des entreprises proches de la Confédération sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire». Ces éléments seront soumis à un suivi plus étroit par le Conseil fédéral, les départements propriétaires et l'AFF; ils figureront notamment systématiquement à l'ordre du jour des entretiens trimestriels avec les entreprises.

8.2.2.3

Structure organisationnelle au niveau de la Confédération

La conduite et la surveillance des entreprises proches de la Confédération est organisée depuis la fin des années 1990 selon un modèle dual. La préparation et la coordination des affaires relevant de la politique de propriétaire incombe principalement aux départements spécialisés (ici le DETEC), soutenus dans leur tâche par l'AFF, qui gère également les questions transversales relatives au gouvernement d'entreprise (cf. chap. 2.1).

Les experts mandatés par le Conseil fédéral sont arrivés à la conclusion que ce système a, dans l'ensemble, fait ses preuves, mais que diverses améliorations devaient y être apportées561. Ils ont notamment souligné que l'exercice du rôle de propriétaire était réparti de manière inégale entre les départements propriétaires

558

La CdG-E est d'avis que des critères devraient être fixés afin de définir quels investissements de l'entreprise sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire».

559 La CdG-E se demande par exemple dans quelle mesure une réorganisation telle que «Impresa» (cf. chap. 5.1.) constituait un élément stratégique pour le propriétaire.

560 Ce point est également souligné par les experts, qui estiment que le propriétaire devrait «fixer davantage ses propres sujets et les mettre à l'ordre du jour des entretiens» (Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.2.2).

561 Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.3.

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d'une part et le DFF (AFF) d'autre part562. Il ressort en outre du rapport d'experts que la répartition des rôles entre les différents organes dans le modèle de propriétaire (départements, secrétariats généraux et offices) n'est pas clairement définie563. En ce sens, les experts ont recommandé au Conseil fédéral d'ancrer sur le plan juridique, dans le modèle de propriétaire564, la répartition des rôles entre les différents acteurs, et de procéder à une amélioration du modèle dual, notamment en attribuant au DFF le rôle de propriétaire des entreprises au sens strict, et en attribuant aux directions des départements le rôle de propriétaire stratégique565.

Le Conseil fédéral s'est déclaré disposé à mieux ancrer dans la loi la répartition des tâches. De son point de vue toutefois, modifier la répartition des rôles au niveau de la responsabilité ne s'impose pas; il convient dès lors, selon lui, de s'en tenir à la répartition actuelle. Le Conseil fédéral souligne qu'il est néanmoins nécessaire d'optimiser ce modèle au niveau de la réalisation des différentes tâches des services propriétaires566.

Au vu des résultats de ses travaux concernant CarPostal, et en accord avec les conclusions des experts, la CdG-E estime que des clarifications sont nécessaires quant aux rôles et responsabilités des organes qui représentent la Confédération en tant que propriétaire face aux entreprises. Ainsi, alors que la gestion des affaires liées au gouvernement d'entreprise est officiellement du ressort du SG-DETEC et de l'AFF, la commission constate que, dans les faits, la conduite et surveillance politique vis-àvis de la Poste est avant tout assumée par la cheffe du DETEC, qui participe à l'ensemble des entretiens trimestriels avec l'entreprise.

Du point de vue de la commission, il est essentiel qu'une réflexion de fond soit menée quant aux responsabilités, compétences et rôles respectifs des chefs de départements, des secrétariats généraux et de l'AFF en matière de gouvernement d'entreprise. La commission salue les mesures annoncées par le Conseil fédéral; elle estime néanmoins qu'il devrait aller plus loin et consigner les principes fondamentaux de la répartition des rôles dans un document de référence accessible au public.

Les travaux en cours relatifs au Postulat Abate567 pourraient constituer une opportunité à cet
effet. La commission continuera à suivre les évolutions à ce propos dans ses travaux futurs.

La CdG-E s'est également penchée sur les ressources allouées par l'administration fédérale à la conduite et à la surveillance de la Poste. Elle a été informée que l'AFF consacrait environ 0,5 équivalent temps plein (ETP) et le SG-DETEC environ 0,6 ETP par année à cette entreprise568. Pour la totalité des entreprises proches de la Confédération, les ressources s'élèvent à 2,65 ETP à l'AFF, à 2,4 ETP au SG562 563 564 565 566 567 568

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.4.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.1.3.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recommandation 1.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.3, recommandations 10 et 11.

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 4, 11 et 12.

Po. Abate «Stratégie du propriétaire pour les entités de la Confédération devenues autonomes» du 13.12.2018 (18.4274).

Lettre du DETEC à la CdG-E du 17.6.2019.

7099

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DETEC et à 1,0 ETP au SG-DDPS569. Au vu de l'importance politique et systémique des entreprises en question pour la Confédération, la commission estime que ces ressources sont insuffisantes et doivent impérativement être renforcées 570. Il est également essentiel à ses yeux que les collaboratrices et collaborateurs concernés disposent des compétences techniques nécessaires à leur fonction571. De telles mesures sont indispensables pour garantir un suivi conséquent des entreprises. La CdG-E salue la décision du Conseil fédéral d'examiner un renforcement des effectifs et des compétences des services concernés572; elle s'informera, au cours des prochains mois, des décisions concrètes prises sur cette base.

Enfin, la CdG-E considère que des mesures organisationnelles doivent également être prises afin de renforcer le rôle du Conseil fédéral en tant qu'organe central chargé d'assumer les fonctions de surveillance et de conduite revenant à la Confédération en tant que propriétaire des entreprises573. La commission rappelle en effet qu'il est le seul à disposer d'une vue politique d'ensemble sur les activités des entreprises, incluant également les secteurs non-subventionnés (par exemple CarPostal France, cf. chap. 7). C'est également au Conseil fédéral que revient la responsabilité d'identifier et de résoudre les conflits d'objectifs auxquels sont soumis les entreprises (cf. chap. 8.2.2.4 et 8.2.3). Or, pour la commission, le Conseil fédéral n'a pas pris en charge ces aspects de manière suffisamment active dans le cadre de l'affaire CarPostal.

En vertu de l'art. 23 LOGA, le Conseil fédéral peut, pour certaines affaires, constituer des délégations, chargées de préparer les délibérations et les décisions du Conseil fédéral ou traiter, au nom du collège gouvernemental, avec d'autres autorités ou avec des particuliers574. Actuellement, le Conseil fédéral dispose de sept délégations permanentes consacrées à diverses thématiques, regroupant trois cheffes ou chefs de départements chacune575.

569 570

571 572

573 574

575

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.2.

Elle partage en ce sens l'avis des experts mandatés par le Conseil fédéral. Cf. Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.2, 5.1.3 et 5.2.3, recomm. 10.

Cf. Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.2.

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 13. Un rapport à ce sujet sera soumis au Conseil fédéral d'ici fin 2019.

Cf. également Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, recomm. 10.

Le Conseil fédéral a institué des délégations, communiqué de presse du Conseil fédéral du 23.3.2016. Les compétences des délégations du Conseil fédéral ont été précisées dans la LOGA dans le cadre du projet de réforme du gouvernement adopté par les Chambres fédérales le 28.9.2012. Cette mesure faisait suite notamment à la Mo. 10.3632 de la CdG-E, déposée dans le cadre du rapport intitulé «Les autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission de données clients d'UBS aux Etats-Unis» (rapport de la CdG-E du 30.5.2010, FF 2011 2903 3215).

Les activités de certaines délégations sont liées à des interventions passées des CdG: ainsi, depuis la publication du rapport des CdG portant sur la démission du président de la Banque nationale suisse (BNS), la délégation «Questions financières» du Conseil fédéral procède à des entretiens réguliers avec la BNS (cf. Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance, rapport des CdG du 15.3.2013, FF 2013 5047).

7100

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Une fois par année, le Conseil fédéral examine la nécessité d'instaurer une délégation de surveillance; il s'entretient à ce sujet notamment avec le directeur du CDF.

Selon les informations à disposition de la CdG-E, le Conseil fédéral a examiné, en 2018 et 2019, sur recommandation écrite du directeur du CDF, l'opportunité d'instaurer une délégation consacrée aux entreprises proches de la Confédération. Il est néanmoins arrivé à la conclusion qu'une telle mesure n'était pas nécessaire 576.

Interrogé par la CdG-E sur les raisons de ce choix, le Chancelier de la Confédération a indiqué à la commission que ce le Conseil fédéral n'instituait en principe une délégation de surveillance que lorsqu'il ne lui était pas possible de répondre aux questions posées et qu'aucune autre délégation du Conseil fédéral ne les traitait.

Dans la mesure où les questions relatives au rôle de propriétaire des entreprises proches de la Confédération étaient déjà traitées par la délégation «Energie, environnement et infrastructure» du Conseil fédéral, celui-ci a renoncé à instituer une délégation de surveillance à ce propos577.

La CdG-E est malgré tout d'avis que le Conseil fédéral doit constituer une délégation permanente consacrée au pilotage stratégique et à la surveillance des entreprises proches de la Confédération, chargée de préparer ses délibérations et décisions concernant ces entreprises. Au-delà du symbole fort, la commission estime qu'une telle délégation constitue une plateforme adéquate afin de renforcer le rôle de conduite et de surveillance incombant au Conseil fédéral en tant que collège et de lui permettre d'agir rapidement et de manière coordonnée en cas de problèmes. Cette délégation pourrait notamment procéder, une ou plusieurs fois par année, à un entretien avec les dirigeants des entreprises portant sur des thématiques stratégiques de portée générale et sur l'atteinte des objectifs fixés578.

Motion 1:

Délégation du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération

En vertu de l'art. 23 LOGA, le Conseil fédéral est chargé de constituer une délégation permanente consacrée au pilotage stratégique et à la surveillance des entreprises proches de la Confédération. Cette délégation sera chargée de renforcer la coordination interdépartementale dans ce domaine, de préparer les délibérations et décisions du Conseil fédéral relatives à ces entreprises et de mener, de manière régulière, des entretiens avec les représentants des entreprises.

8.2.2.4

Objectifs stratégiques assignés aux entreprises

Les objectifs stratégiques constituent un instrument central de la conduite des entreprises proches de la Confédération. Pour la CdG-E, l'adéquation de cet outil n'est pas remise en cause sur le fond par l'affaire CarPostal.

576 577 578

Audition des représentants du CDF, séance du 27.3.2019.

Lettre du Chancelier de la Confédération à la CdG-E du 28.10.2019.

Cf. à ce propos Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.2.2, p. 62.

7101

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Cette affaire a néanmoins mis en évidence le fait que les entreprises proches de la Confédération pouvaient être confrontées à des conflits d'objectifs et que des clarifications étaient nécessaires à ce propos579. Cet aspect avait d'ailleurs déjà été soulevé par la CdG-N dans son inspection de 2012580. Les experts mandatés par le Conseil fédéral ont souligné des problèmes de «cohérence interne» (contradictions au sein des objectifs stratégiques) et de «cohérence externe» (contradictions entre les objectifs stratégiques et les directives d'autres services) 581. Pour faire face à de tels conflits, ils ont notamment recommandé au Conseil fédéral de classer les objectifs stratégiques par ordre de priorité582. Celui-ci a indiqué qu'une telle mesure n'était guère réaliste et peu judicieuse à ses yeux et qu'elle risquait de conduire à des prescriptions trop rigides, entraînant une confusion dans les responsabilités entre propriétaire et conseil d'administration. De son point de vue, la résolution des conflits d'objectifs doit continuer de se faire dans le cadre des entretiens avec le propriétaire583.

La CdG-E estime également qu'il ne serait pas réaliste de procéder à un classement des objectifs stratégiques de manière générale et abstraite. Elle est par ailleurs consciente que certaines contradictions peuvent trouver leur origine dans la participation de différents acteurs ­ et notamment du Parlement ­ lors de l'élaboration des objectifs stratégiques. Néanmoins, il est indispensable à ses yeux que les conflits d'objectifs soient clairement identifiés et traités explicitement. Pour elle, le traitement des conflits d'objectifs incombe aux départements propriétaires ou, si nécessaire, au Conseil fédéral, qui détient en sa qualité d'autorité collégiale la responsabilité des objectifs stratégiques584. Il est en particulier de leur responsabilité de trouver des solutions avec les entreprises lorsque des objectifs stratégiques entrent en contradiction avec certaines prescriptions légales et, si nécessaire, de procéder à une précision ou une adaptation des objectifs concernés.

Dans le cas de CarPostal, la CdG-E a constaté que la cheffe de département concernée n'avait pas signalé au Conseil fédéral le conflit d'objectifs auquel était confrontée l'entreprise, raison pour laquelle le Conseil fédéral n'a pas
bénéficié d'une vision globale de la situation et n'a donc pas pu jouer son rôle de conduite et de surveillance. En conséquence, les rapports annuels du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste adressés au Parlement n'ont pas fait mention de

579

580 581 582 583 584

Cf. notamment audition des représentants du CDF, séance du 24.4.2018; audition des représentants de la Poste, séance du 2.7.2018; audition des représentants du DETEC, séance du 27.3.2019; rapport Kellerhals Carrard.

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012, chap. 2.1 (FF 2012 7905 7909).

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.1.2.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recomm. 2.

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 5.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.3.2.

La nouvelle délégation permanente du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération (cf. chap. précédent) constituerait à ce titre un organe adapté.

7102

FF 2020

cette problématique, raison pour laquelle les organes de haute surveillance n'ont aussi pas été en mesure d'assumer leur rôle585.

Du point de vue de la CdG-E, la future délégation permanente du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération (cf. chap. précédent) constituera une plateforme adéquate pour soutenir l'exécutif dans sa fonction d'identification et de résolution des conflits d'objectifs.

Recommandation 6:

Identification et traitement des conflits d'objectifs

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les conflits d'objectifs (internes et externes) auxquels sont confrontées les entreprises proches de la Confédération soient identifiés et traités de manière adéquate. Cet aspect sera pris en charge par la nouvelle délégation permanente du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération. Une attention particulière sera en outre portée à ces aspects dans le cadre des entretiens périodiques avec les entreprises ainsi que lors du renouvellement des objectifs stratégiques.

Le conflit d'objectifs central auquel a été confronté CarPostal provient d'une contradiction entre les objectifs stratégiques assignés à la Poste et les préceptes de l'OFT (problème de «cohérence externe», cf. chap. 5.2). Pour éviter que de tels cas ne se reproduisent, la CdG-E estime que les autorités de surveillance sectorielles devraient être systématiquement consultées par les départements propriétaires lors de l'élaboration ou du renouvellement des objectifs stratégiques, afin qu'elles puissent signaler au Conseil fédéral d'éventuels conflits d'objectifs. Le cas échéant, des adaptations seront apportées afin d'éviter toute confusion586.

Recommandation 7:

Consultation des autorités de surveillance sectorielle au sujet des objectifs stratégiques

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que, lors de l'élaboration ou du renouvellement des objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération, les autorités de surveillance sectorielle concernées soient systématiquement consultées, afin qu'elles puissent lui signaler d'éventuels conflits d'objectifs. Le cas échéant, des adaptations seront apportées aux objectifs stratégiques afin d'éviter toute confusion.

De manière plus générale, il est essentiel aux yeux de la CdG-E qu'un échange d'informations continu soit assuré entre les départements propriétaires et les autorités de surveillance sectorielle, afin de garantir une conduite et une surveillance cohérentes vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 8.2.3).

585

La CdG-E souligne néanmoins que la responsabilité primaire du traitement de ce cas revenait au Conseil fédéral et aux départements compétents; les organes de haute surveillance parlementaire, de leur côté, exercent une surveillance subsidiaire sur les entreprises, plus restreinte que le Conseil fédéral et les départements compétents.

586 Concernant la Poste, cf. recommandation 1, chap. 5.2.2.

7103

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Enfin, la CdG-E estime que les objectifs stratégiques des entreprises devraient être complétés en ce qui concerne différents points, tels que le respect de la législation sur l'archivage, les filiales, les instruments de gestion ou la transparence vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle (cf. chap. suivants).

8.2.2.5

Information du propriétaire par les entreprises

Le DETEC et l'AFF ont indiqué à la CdG-E qu'ils n'avaient pas été confrontés, dans le cadre de leur mandat de propriétaire, à des problèmes d'accès aux informations issues de la Poste, et qu'ils ne voyaient par conséquent pas de nécessité de prendre des mesures à ce sujet587. A l'opposé, le CDF a estimé, dans son rapport portant sur la Poste, que les informations remises à la Confédération concernant les risques au sein de la Poste et la situation des filiales étrangères de l'entreprise telles que CarPostal France étaient insuffisantes (cf. chap. 6.1.15 et 7.2). De leur côté, les experts mandatés par le Conseil fédéral ont recommandé de préciser les éléments contenus dans les rapports transmis par les entreprises à la Confédération; ils sont également d'avis que certaines informations supplémentaires devraient être demandées aux entreprises588. En 2012 déjà, la CdG-N avait souligné la nécessité de garantir un meilleur accès aux données issues des entreprises589.

Face aux CdG, le Conseil fédéral a fait part de sa volonté d'étendre «l'obligation des entreprises de rendre des comptes»590. Il n'a toutefois pas indiqué sur quels points les rapports livrés par les entreprises à la Confédération seront concrètement enrichis à l'avenir. La CdG-E est d'avis qu'une réflexion de fond est nécessaire quant aux informations fournies par les entreprises à la Confédération et au traitement de ces dernières, et estime que la future délégation permanente du Conseil fédéral relative aux entreprises proches de la Confédération jouera un rôle important à ce sujet. Elle s'abstient d'émettre une recommandation générale à ce sujet pour l'instant, mais approfondira cette thématique dans le cadre de ses travaux à venir. Dans l'immédiat, la commission est toutefois d'avis que davantage d'informations devraient être exigées des entreprises en ce qui concerne les résultats des instruments de surveillance interne et la situation des principales filiales des entreprises (cf. chap. 8.2.2.7 et 8.2.2.8).

Comme les experts, la commission estime qu'une certaine asymétrie de l'information entre l'entreprise et le propriétaire est inévitable591. De son point de vue, il est d'autant plus important que l'entreprise transmette régulièrement au propriétaire ­ sur la base notamment de ses instruments internes de surveillance tels que le système de gestion des risques ­ des informations permettant à ce dernier d'assumer pleinement son rôle.

587 588 589

Lettre de l'ancienne cheffe du DETEC à la CdG-E du 19.12.2018.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recomm. 5.

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012, chap. 2.2 (FF 2012 7905 7910).

590 Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 8.

591 Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.2.3.

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Le DETEC et le DFF ont par ailleurs informé la CdG-E de leur décision de renoncer, dès fin 2018, à prendre connaissance des procès-verbaux intégraux des séances des conseils d'administration des entreprises proches de la Confédération; désormais, les entreprises transmettent aux départements propriétaires, à l'issue de la séance, un rapport succinct présentant les thèmes particulièrement importants pour ces derniers et les informant des principales décisions592. La commission estime ­ tout comme les experts mandatés par le Conseil fédéral593 ­ que cette mesure est adéquate: de son point de vue, les informations livrées à la Confédération doivent être présentées sous une forme synthétique et l'accent doit être mis sur les aspects pertinents pour le propriétaire. Pour ce faire, il est toutefois indispensable que les «éléments considérés comme stratégiques pour le propriétaire» soient clairement définis au préalable (cf. recommandation 5, chap. 8.2.2.2). Les départements propriétaires et l'AFF ne doivent par ailleurs pas hésiter à faire usage de leur droit d'information pour demander des informations complémentaires à l'entreprise sur certains points abordés, lorsqu'elles jugent cela nécessaire.

Enfin, dans le cadre de ses travaux concernant CarPostal, la CdG-E a constaté qu'il avait été impossible pour le propriétaire de reconstituer avec précision les faits remontant à avant 2007, en raison de la mauvaise qualité des informations disponibles au sein de la Poste. Cette dernière est pourtant soumise à la législation fédérale sur l'archivage (cf. chap. 6.2.3). Une telle situation n'est pas admissible du point de vue de la CdG-E. Elle prie le Conseil fédéral de s'assurer que l'ensemble des établissements fédéraux autonomes soumis à la législation sur l'archivage respectent à l'avenir celle-ci de manière scrupuleuse, et que cet aspect soit mentionné de manière adéquate au sein des objectifs stratégiques des entreprises, par exemple en prévoyant que chaque entreprise dispose d'un concept d'archivage conforme à la législation.

Recommandation 8:

Respect par les entreprises de la législation sur l'archivage

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des établissements fédéraux autonomes soumis à la législation sur l'archivage respectent à l'avenir celle-ci de manière scrupuleuse, et que cet aspect soit mentionné de manière adéquate au sein des objectifs stratégiques des entreprises.

8.2.2.6

Entretiens entre le propriétaire et l'entreprise

Les entretiens trimestriels entre les départements propriétaires, l'AFF et les représentants des entreprises constituent un instrument central du gouvernement d'entreprise de la Confédération. La CdG-E partage l'avis des experts selon lequel les processus et le contenu de ces entretiens devraient être plus clairement définis et

592

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 10.

593 Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.2, recomm. 8.

7105

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systématisés594. Elle soutient également la proposition d'ancrer ces entretiens dans la loi595 et de procéder de manière systématique à des entretiens préparatoires ­ une telle mesure est en cours d'introduction à la Poste596. Le Conseil fédéral a indiqué aux CdG qu'il partageait largement les conclusions et propositions des experts, et que les mesures détaillées seraient à régler par les départements compétents, en collaboration avec l'AFF597. La CdG-E salue cette démarche; à ses yeux, il est important que l'AFF ­ et ainsi aussi le DFF ­ s'assure de la mise en place d'une pratique harmonisée pour l'ensemble des entreprises proches de la Confédération.

Elle s'informera ultérieurement de l'état d'avancement de ces mesures.

En ce qui concerne les échanges informels entre le propriétaire et les entreprises, les experts mandatés par le Conseil fédéral indiquent que ceux-ci permettent certes une coordination rapide et efficace, mais qu'ils peuvent «conduire à un manque de transparence des décisions [...] et contourner ainsi le pilotage formel»598. Ils recommandent de faire preuve de prudence lors de tels échanges et soulignent que ceux-ci doivent être traçables et contrôlables599. Face aux CdG, le Conseil fédéral a indiqué que ces contacts informels étaient inévitables, mais qu'ils ne devaient pas «empêcher, dévaloriser ou contourner» les structures ordinaires. Il estime qu'aucune mesure n'est requise à ce sujet600.

La CdG-E ne partage pas cette opinion. Dans le cadre de ses travaux, elle a constaté que l'ancienne cheffe du DETEC et le directeur de l'AFF s'étaient entretenus avec deux membres du conseil d'administration de la Poste mis en cause dans l'affaire CarPostal. Ces entretiens informels étaient déterminants pour les décisions du propriétaire en vue de l'assemblée générale de la Poste. Or, ils n'ont pas fait l'objet d'un procès-verbal (cf. chap. 6.1.5). La CdG-E n'a donc pas pu prendre connaissance du contenu détaillé de ceux-ci. La commission estime qu'une telle pratique est regrettable et soulève diverses questions. Comme déjà souligné par le passé 601, les CdG demandent que toutes les discussions et décisions importantes relatives à la conduite des entreprises proches de la Confédération soient consignées par écrit.

Une telle mesure est indispensable afin d'assurer que les structures de
pilotage habituelles remplissent leur fonction et de garantir une transparence adéquate aussi bien vis-à-vis du Conseil fédéral que de la haute surveillance parlementaire.

La commission considère que, dans le cas d'espèce, l'échange mené par l'ancienne cheffe du DETEC et le directeur de l'AFF avec les membres du conseil d'administration de la Poste recelait des informations décisives en vue des décisions du Conseil fédéral pour l'assemblée générale de l'entreprise.

594 595 596 597 598 599 600 601

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.2, recomm. 7.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recomm. 1.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.2, recomm. 7.

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 10.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.1.2.

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.2, recomm. 9.

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 11.

Cf. Bilan de la gestion de la cyberattaque menée contre RUAG, rapport de la CdG-N du 8.5.2018, chap. 4.2 (FF 2018 4683 4707).

7106

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La CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il s'assure que la future délégation consacrée aux entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 8.2.2.3) soit informée régulièrement par ses membres des aspects essentiels issus des échanges informels réalisés avec les entreprises, et que cette délégation détermine si ces informations doivent être officialisées dans le cadre des entretiens trimestriels «formels», et/ou si une information doit être transmise au Conseil fédéral.

Recommandation 9:

Entretiens entre le propriétaire et les entreprises

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que la future délégation consacrée aux entreprises proches de la Confédération soit informée régulièrement par ses membres des aspects essentiels issus des échanges informels réalisés avec les entreprises, et que cette délégation détermine si ces informations doivent être officialisées dans le cadre des entretiens trimestriels «formels», et/ou si une information doit être transmise au Conseil fédéral.

8.2.2.7

Instruments internes de surveillance des entreprises

L'affaire CarPostal a soulevé diverses questions concernant l'adéquation des instruments internes de surveillance des entreprises proches de la Confédération (en particulier système de gestion des risques, système de contrôle interne, système de gestion de la conformité [compliance]). Les clarifications réalisées suite à l'affaire CarPostal ont notamment montré que les agissements illégaux au sein de CarPostal ont pu perdurer durant de nombreuses années sans être décelés par les instances de surveillance internes de l'entreprise et signalés au propriétaire (cf. chap. 5.2), que le système de gestion de la conformité de la Poste devait être amélioré (cf.

chap. 6.1.10) et que les risques relatifs à CarPostal France avaient été sous-estimés durant des années (cf. chap. 7). Selon les experts mandatés par le Conseil fédéral, des informations supplémentaires sur l'organisation et les résultats de ces instruments devraient être demandées aux entreprises602.

De manière générale, la CdG-E estime que les principaux instruments internes de surveillance devraient faire explicitement l'objet des objectifs stratégiques assignés aux entreprises proches de la Confédération. Par ailleurs, de son point de vue, il est important que la surveillance stratégique exercée par le Conseil fédéral tienne compte de l'existence de tels instruments, ainsi que des résultats issus de ceux-ci.

En matière de système de gestion des risques, les objectifs stratégiques de la Poste précisent que l'entreprise doit disposer d'un système conforme à la norme ISO 31000603 et informer le propriétaire des principaux risques auxquels elle est

602 603

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recomm. 5.

La norme ISO 31000 Management du risque ­ Lignes directrices fournit des principes, un cadre et des lignes directrices pour gérer toute forme de risque au sein d'une entreprise. Source: https://www.iso.org/fr/iso-31000-risk-management.html (consulté le 27.8.2019)

7107

FF 2020

confrontée604. Des principes semblables sont contenus dans les objectifs stratégiques des CFF et de Skyguide, tandis que ceux de Swisscom ne mentionnent pas l'obligation d'informer le propriétaire. Les objectifs de RUAG demeurent quant à eux plus généraux605. Le Conseil fédéral est d'avis qu'aucune autre mesure n'est requise à ce niveau606. Le CDF, de son côté, est arrivé à la conclusion que les comptes-rendus sur les risques remis par la Poste étaient insuffisants sur le plan du contenu, notamment concernant les filiales étrangères, et que la Confédération n'exerçait qu'une conduite limitée à ce sujet (cf. chap. 6.1.15).

Malgré l'asymétrie d'information inévitable à laquelle est confrontée la Confédération en tant que propriétaire, il est indispensable qu'elle soit informée de manière adéquate des principaux risques identifiés au sein des entreprises et pertinents pour le propriétaire, et qu'elle intervienne auprès de l'entreprise si la qualité des informations fournies n'est pas suffisante. La commission invite le Conseil fédéral à s'assurer que les objectifs stratégiques de toutes les entreprises incluent une disposition relative à l'information du propriétaire quant aux principaux risques et que la situation au niveau des risques soit thématisée systématiquement lors des entretiens trimestriels. Elle attend en outre du Conseil fédéral qu'il effectue, à l'issue de la période stratégique actuelle, un bilan concernant les objectifs stratégiques relatifs aux risques et leurs indicateurs de contrôle, afin de déterminer si ceux-ci doivent être adaptés ou complétés.

Par ailleurs, la commission estime que le Conseil fédéral devrait définir dans quels cas des risques individuels signalés par les entreprises devraient être mentionnés dans le système de gestion des risques de la Confédération. Elle salue les améliorations déjà entreprises à ce niveau (fiches de risques individuelles pour chaque entreprise depuis 2018, cf. chap. 6.1.15). Les CdG continueront à traiter de cette question dans le cadre de leur groupe de travail «Reporting sur les risques».

Concernant le système de contrôle interne, le Conseil fédéral souligne que son existence et son contrôle par l'organe de révision sont déjà réglés dans le droit des obligations (art. 728a et 728b CO). De son point de vue, si des lacunes systématiques
sont relevées, «la gestion des risques doit en tenir compte et le propriétaire doit en être informé». Il estime qu'aucune mesure supplémentaire n'est requise607.

La CdG-E est néanmoins d'avis qu'il serait adéquat que cet outil soit également mentionné dans les objectifs stratégiques ­ afin de souligner son importance ­ et que ceux-ci mentionnent aussi l'obligation d'informer le propriétaire.

Enfin, le Conseil fédéral reconnaît la nécessité d'inclure, dans les objectifs stratégiques, une disposition supplémentaire relative à l'existence d'un système de gestion de la conformité (Compliance Management System, CMS) conforme aux normes en 604

La référence à la norme ISO 31000 a été introduite en 2017 dans les objectifs stratégiques.

605 Selon ses objectifs stratégiques, RUAG doit mener «une gestion des risques adaptée à chaque niveau» (Objectifs stratégiques du Conseil fédéral assignés à RUAG Holding SA pour la période 2016 à 2019, objectif 1.1).

606 Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 8.

607 Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 8.

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vigueur. Les unités compétentes ont été chargées de compléter les objectifs stratégiques des entreprises en ce sens, lors de leur prochaine mise à jour608. La CdG-E salue cette décision. Elle estime toutefois, ici également, que l'obligation d'informer le propriétaire lorsque des problèmes majeurs sont identifiés devrait être mentionnée dans les objectifs.

De manière générale, la CdG-E invite le Conseil fédéral à définir clairement quelles informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises doivent être transmis au propriétaire, sous quelle forme et avec quel degré de détail, et à ancrer ensuite cet aspect dans les objectifs stratégiques. Le Conseil fédéral est également invité à s'assurer que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente des principales informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises, notamment en ce qui concerne la situation financière des entreprises.

Recommandation 10:

Instruments internes de surveillance des entreprises

10.1 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les objectifs stratégiques de toutes les entreprises proches de la Confédération mentionnent l'existence des instruments de surveillance suivants: système de gestion des risques, système de contrôle interne, système de gestion de la conformité. Pour chacun de ces instruments, le Conseil fédéral est invité à inclure dans les objectifs stratégiques une disposition relative à l'information du propriétaire et à définir des indicateurs de contrôle.

10.2 Le Conseil fédéral est en outre invité à définir clairement quelles informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises doivent être transmis au propriétaire, sous quelle forme et avec quel degré de détail, et à ancrer ensuite cet aspect dans les objectifs stratégiques.

10.3 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente des principales informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises, notamment en ce qui concerne la situation financière des entreprises.

10.4 Le Conseil fédéral est enfin invité à procéder, à l'issue de la période stratégique actuelle, à un bilan concernant les objectifs stratégiques relatifs aux risques et leurs indicateurs de contrôle, afin de déterminer si ceux-ci doivent être adaptés ou complétés.

608

Evaluation du rapport d'experts, rapport du Conseil fédéral du 14.8.2019 en réponse à la lettre des CdG du 4.7.2019, p. 8.

7109

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8.2.2.8

Surveillance sur les filiales des entreprises

L'affaire CarPostal a également soulevé des questions de fond relatives à la surveillance exercée sur les filiales des entreprises proches de la Confédération. Les clarifications menées au cours des derniers mois ont notamment montré que la Confédération en tant que propriétaire n'avait pas accordé une attention suffisante à la situation de CarPostal France et aurait dû exiger des informations complémentaires à ce sujet (cf. chap. 7.2).

Fondamentalement, les entreprises proches de la Confédération sont libres de définir la manière dont elles s'organisent609. Plusieurs d'entre elles, comme la Poste, sont structurées en holding (système de sous-sociétés)610. Les experts mandatés par le Conseil fédéral ont constaté qu'il n'existait pas de bases conceptuelles spécifiques précisant les modalités du pilotage de la Confédération dans le cas de structures de holding, mais que cela ne semblait pas influencer négativement l'échange d'informations611. Face aux CdG, l'ancienne cheffe du DETEC a indiqué que le conseil d'administration de la société-mère (en l'occurrence, la Poste) constituait l'interlocuteur principal de la Confédération, mais que des représentants des filiales pouvaient également être invités par le propriétaire en cas de questions spécifiques concernant ces dernières612.

Fondamentalement, la CdG-E ne voit pas d'inconvénient à ce que les entreprises soient structurées en holding, lorsque cette structure se justifie sur le plan entrepreneurial. Le Conseil fédéral a indiqué à la commission qu'il ne comptait pas procéder à un examen plus large des structures de conduite dans les filiales des autres entreprises proches de la Confédération, dans la mesure où cette question relève selon lui de la compétence des entreprises concernées (cf. chap. 6.1.11). La commission ne partage pas cet avis: elle estime que la question des structures de conduite au sein des filiales des entreprises proches de la Confédération revêt une dimension stratégique. En conséquence, elle invite le Conseil fédéral à examiner si les structures de conduite au sein des filiales des entreprises proches de la Confédération sont adéquates et si des directives générales devraient être établies à ce sujet.

Recommandation 11:

Structures de conduite des filiales des entreprises

Le Conseil fédéral est invité à examiner si les structures de conduite au sein des filiales des entreprises proches de la Confédération sont adéquates et si des directives générales devraient être établies à ce sujet.

609 610

Lettre du DETEC à la CdG-E du 17.6.2019.

Pour la Poste, la structure de holding est organisée comme suit: trois sociétés affiliées exécutent les activités opérationnelles sous l'égide de La Poste Suisse SA (Poste CH SA, PostFinance SA et CarPostal Suisse SA). D'autres «sociétés du groupe» actives en Suisse et à l'étranger sont rattachées à la Poste. Les sociétés du groupe sont des entreprises juridiquement autonomes, placées sous le contrôle direct ou indirect de la Poste.

Au 30.6.2019, la Poste comptait 43 sociétés affiliées et sociétés du groupe (source: «Sociétés du groupe», www.poste.ch, Notre profil > Portrait, consulté le 11.11.2019).

611 Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.1.3 et 5.1.1 612 Audition de l'ancienne cheffe du DETEC, séance du 24.4.2018

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La CdG-E est d'avis que la structure d'une entreprise ne devrait avoir aucune influence sur la conduite et la surveillance stratégiques exercées par le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF; en d'autres termes, ceux-ci doivent être informés de manière transparente quant à la situation de l'entreprise dans sa totalité, y compris en ce qui concerne les filiales. C'est au conseil d'administration de l'entreprise que revient la responsabilité principale de fournir au propriétaire une vue d'ensemble adéquate à ce propos. Toutefois, ce dernier est aussi tenu d'exiger des informations complémentaires lorsque cela est nécessaire. Dans le cas de CarPostal France, la CdG-E a ainsi constaté que le Conseil fédéral, respectivement le DETEC et l'AFF s'étaient largement reposés sur les informations fournies par la Poste, alors que ces dernières étaient lacunaires (cf. chap. 7.3).

La commission est convaincue que l'amélioration des systèmes de contrôle interne des entreprises (cf. chap. précédent) contribuera à une meilleure information de l'entreprise et du propriétaire quant à la situation des filiales. De son point de vue, les organes de révision externe des entreprises ont également un rôle important à jouer dans ce domaine, tout comme le CDF en sa fonction en sa qualité d'organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière.

Pour la CdG-E, il est essentiel ­ dans le prolongement de la recommandation 5 (cf.

chap. 8.2.2.2) ­ que le Conseil fédéral définisse quelles filiales des entreprises proches de la Confédération revêtent une importance stratégique pour le propriétaire et qu'il soumette celles-ci à un suivi renforcé. Les filiales et coopérations étrangères des entreprises proches de la Confédération constituent à ce titre un cas particulier.

L'exemple de CarPostal France a en effet montré que celles-ci étaient soumises à une exposition politique élevée et à des risques spécifiques613. Sur le fond, la CdG-E ne met pas en cause la possibilité pour les entreprises proches de la Confédération de se développer à l'étranger, mais elle estime que ces développements devraient être encadrés de manière plus étroite par le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF. Il est de la responsabilité des départements concernés de définir
les modalités concrètes de ce suivi, et notamment quels éléments de l'activité des filiales doivent être thématisés dans le cadre des entretiens trimestriels.

Par ailleurs, il est central pour la commission que le rapport du Conseil fédéral sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente de la situation des filiales des entreprises qui revêtent une importance stratégique pour la Confédération en tant que propriétaire.

Les investigations réalisées au cours des derniers mois ont montré que la situation financière de CarPostal France avait été présentée de manière tronquée par la Poste durant de nombreuses années (cf. chap. 7). La CdG-E estime qu'il n'est pas tolérable que des entreprises proches de la Confédération renoncent à présenter certains frais liés à une filiale au propriétaire. Dans l'exercice de leur surveillance stratégique, le Conseil fédéral et le Parlement doivent pouvoir se baser sur une vision complète et réaliste de la situation des entreprises, en termes notamment de finances. La CdG-E estime que le Conseil fédéral doit prendre les mesures nécessaires afin que la situa613

Les objectifs stratégiques de la Poste soulignent d'ailleurs que les coopérations et prises de participation doivent «tenir suffisamment compte des risques» (objectif n o 5).

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tion financière des filiales des entreprises proches de la Confédération soit, à l'avenir, présentée de manière fidèle à la réalité, tant au propriétaire qu'aux autorités de surveillance et de haute surveillance parlementaire.

La commission est d'avis que la future délégation permanente du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 8.2.2.3) constituerait l'organe adéquat pour tenir compte des éléments évoqués ci-dessus.

Recommandation 12:

Filiales les plus importantes des entreprises

12.1 Le Conseil fédéral est invité à définir quelles filiales des entreprises proches de la Confédération revêtent une importance stratégique pour le propriétaire et à soumettre celles-ci à un suivi renforcé de la part des départements compétents. Dans ce cadre, une attention particulière sera portée aux filiales et coopérations étrangères des entreprises.

12.2 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente de la situation des filiales des entreprises qui revêtent une importance stratégique pour la Confédération en tant que propriétaire.

12.3 Le Conseil fédéral est invité à vérifier quelles mesures permettraient de garantir une meilleure transparence concernant la situation financière des filiales des entreprises proches de la Confédération et de faire part des résultats de son examen.

8.2.2.9

Mesures en cas de crise

Face à la CdG-E, le CDF a relevé que le gouvernement d'entreprise de la Confédération est un «système pour le beau temps», mais qu'il montrait des limites en cas de crise. Il repose d'une manière générale sur le principe de l'auto-déclaration des entreprises614; c'est également à cette conclusion qu'était parvenue la CdG-N en 2012615. Le droit des sociétés offre au propriétaire diverses possibilités d'intervention face à l'entreprise en cas de situation problématique (cf. chap. 2.1). Or, la CdG-E est d'avis que, dans le cas de CarPostal, le Conseil fédéral n'a fait qu'un usage restreint de ces possibilités (cf. chap. 6.2.3). De fait, elle a constaté que le Conseil fédéral, les départements propriétaires et l'AFF ne semblaient pas disposer de scénarios clairs permettant de guider l'action de la Confédération dans de telles situations.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à établir, sur la base de la législation en vigueur (droit des sociétés, lois spéciales relatives aux entreprises, etc.), un inventaire des instruments à disposition de la Confédération lors de situations de crise au sein des entreprises dont elle est propriétaire. Cet inventaire, basé sur les scénarios de crise les plus probables, doit permettre de définir les processus applicables et les respon614 615

Cf. par exemple audition des représentants du CDF, séance du 24.4.2018.

Pratique de la Confédération en matière de gestion de la Poste, des CFF et de Swisscom, rapport de la CdG-N du 8.5.2012 (FF 2012 7905). Cf. également chap. 2.1.

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sabilités des différents acteurs dans de telles situations. La commission invite le Conseil fédéral à confier l'élaboration de cet inventaire à la future délégation permanente du Conseil fédéral chargée des entreprises proches de la Confédération (cf.

chap. 8.2.2.3).

Le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF, sont priés de se référer à cet inventaire lors de situations de crise futures. Une telle démarche permettrait, selon la commission, d'agir à temps et de manière adéquate lors de situations de crise, mais également de clarifier les échanges entre le Conseil fédéral et le Parlement quant aux décisions prises et d'offrir davantage de transparence vis-à-vis du public.

Recommandation 13:

Mesures à disposition de la Confédération en cas de crise au sein des entreprises

Le Conseil fédéral est invité à établir, sur la base de la législation en vigueur, un inventaire des instruments à disposition de la Confédération lors de situations de crise au sein des entreprises dont elle est propriétaire, définissant également les processus et responsabilités dans de telles situations. Il est invité à se référer à cet inventaire lors de situations de crise futures. L'élaboration de cet inventaire sera confiée à la délégation permanente du Conseil fédéral chargée des entreprises proches de la Confédération.

8.2.3

Activités des autorités de surveillance sectorielle

8.2.3.1

Coordination entre le propriétaire et les autorités de surveillance sectorielle

La problématique du cumul des rôles, au sein du DETEC, entre une unité exerçant le rôle de propriétaire face à la Poste (SG-DETEC et cheffe de département) et une unité exerçant la surveillance sur CarPostal en tant qu'entreprise du TRV subventionné (OFT) a été soulevée suite à l'affaire CarPostal. Des doutes ont été émis quant à la pertinence de la structure actuelle, dans laquelle l'autorité de surveillance sectorielle sur CarPostal est soumise hiérarchiquement au département représentant le propriétaire de la Poste616.

Dans le cadre de ses clarifications concernant la période 2007­2017, la CdG-E n'a toutefois pas eu connaissance de situations fondamentalement problématiques liées à cette structure (conflits d'intérêts majeurs ou prises d'influence de la part du département sur l'office) (cf. chap. 5.2.2). La CdG-E se réserve néanmoins la possibilité d'examiner de plus près l'adéquation de cette structure une fois que les résultats de la procédure pénale administrative seront connus.

La CdG-E est consciente de l'importance d'une distinction claire entre les rôles de propriétaire des entreprises et de surveillance sectorielle sur ces dernières. Elle estime toutefois que le flux d'informations entre l'OFT et le département n'a pas été 616

Audition des représentants de fedpol, séances du 24.4.2018 et du 17.10.2018.

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suffisant dans le cas de CarPostal, ce qui a empêché une collaboration adéquate entre les autorités responsables et a au final affaibli la surveillance sur la Poste (cf.

chap. 5.2.2). De son point de vue, les rôles de propriétaire et de surveillance sectorielle sont complémentaires et un échange d'informations régulier entre les unités concernées est indispensable pour garantir une conduite et une surveillance adéquate sur l'entreprise. Lorsque les autorités de surveillance sectorielles sont confrontées à des situations problématiques dans les entreprises, elles devraient en avertir de manière systématique les départements propriétaires dans les plus brefs délais (cf.

chap. 5.2.2). A l'inverse, les départements propriétaires devrait consulter les autorités de surveillance sectorielle lors de l'établissement ou le renouvellement des objectifs stratégiques, afin de s'assurer qu'aucun conflit d'objectif majeur n'est à relever (cf. chap. 8.2.2.4). Au niveau du DETEC, il revient à la cheffe de département d'assumer simultanément la responsabilité de défense des intérêts du propriétaire de la Poste et la surveillance sur la gestion des affaires de l'OFT et de s'assurer de la bonne coordination de ces deux rôles.

Dans leur rapport, les experts mandatés par le Conseil fédéral ont également souligné qu'une amélioration était nécessaire concernant la manière dont les flux d'information entre le propriétaire et les offices spécialisés sont documentés617.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les échanges entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les autorités de surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération, de l'autre, soient renforcés et clairement documentés. Elle estime notamment que les autorités de surveillance sectorielles devraient être systématiquement consultées avant les entretiens périodiques avec les entreprises, voire invitées à participer à ceux-ci lorsque certains sujets les concernent. Pour la commission, une telle démarche n'entre pas en contradiction avec le principe de séparation des rôles, tant que celle-ci se limite à un échange d'informations et à une coordination des activités et que l'ensemble des acteurs sont conscients de leurs compétences et responsabilités respectives.

Par ailleurs, la CdG-E souhaite que le
Conseil fédéral inclue, en annexe de son rapport annuel sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises adressé au Parlement, un chapitre présentant les principales informations qui lui ont été communiquées par les autorités de surveillance sectorielle, pertinentes pour l'atteinte des objectifs. Elle estime que de telles informations sont d'une grande pertinence pour le Parlement.

617

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 4.4.

7114

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Recommandation 14:

Coordination entre le propriétaire et les autorités de surveillance sectorielle

14.1. Le Conseil fédéral est invité à faire en sorte que les échanges entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les autorités de surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération, de l'autre, soient renforcés et clairement documentés.

14.2 Le Conseil fédéral est invité à inclure, en annexe de son rapport annuel sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises adressé au Parlement, un chapitre présentant les principales informations pertinentes pour l'atteinte des objectifs qui lui ont été communiquées par les autorités de surveillance sectorielles.

Dans le même sens, l'affaire CarPostal a montré qu'une meilleure coordination était nécessaire entre les autorités de surveillance et les départements compétents lors du lancement de procédures pénales liées à des affaires de grande ampleur au sein d'entreprises proches de la Confédération (cf. chap. 6.2.2). La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les services juridiques des départements concernés soient systématiquement consultés avant le lancement de procédures pénales administratives de ce type, afin de s'assurer que les démarches juridiques prévues soient adéquates. Au vu de l'aspect stratégique de telles affaires, la commission est en outre d'avis qu'une information préalable du chef de département et, selon la situation, du Conseil fédéral dans son ensemble est nécessaire. La CdG-E part du principe que le Conseil fédéral veillera à l'avenir à la bonne mise en oeuvre de ce principe, raison pour laquelle renonce à établir une recommandation à ce propos.

8.2.3.2

Transparence des entreprises vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle

Dans le cadre de l'affaire CarPostal, la CdG-E a été informée du fait que l'OFT et le Surveillant des prix avaient été confrontés, dans le cadre de leurs activités de surveillance, à d'importants problèmes d'accès aux informations auprès de la Poste.

Durant plusieurs années, l'entreprise a refusé de leur accorder un accès aux données issues de ses filiales, n'a fourni que des réponses minimales et a tenté activement d'empêcher ces autorités de procéder aux contrôles prévus par la loi (cf.

chap. 5.2.1).

Du point de vue de la commission, un tel comportement est inadmissible et nuit aux intérêts du propriétaire. Pour elle, il est indispensable que les autorités concernées aient accès en tout temps à l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice de leur mandat légal. En cas de litige concernant l'accès aux informations, les départements propriétaires et le Conseil fédéral doivent être informés au plus vite et intervenir en conséquence auprès de l'entreprise. Cet aspect doit être thématisé entre les autorités de surveillance sectorielle et le département compétent avant chaque entretien trimestriel avec l'entreprise. Le Conseil fédéral est en outre invité à examiner si la transparence vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle devrait être explicitement mentionnée dans les objectifs stratégiques des entreprises.

7115

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Recommandation 15:

Transparence des entreprises vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle

Le Conseil fédéral est invité à prendre des mesures afin que les autorités de surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération aient en tout temps accès à l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice de leur mandat légal. Le Conseil fédéral est en outre invité à examiner si la transparence visà-vis des autorités de surveillance sectorielle devrait être explicitement mentionnée dans les objectifs stratégiques des entreprises.

8.2.4

Organes de révision externes des entreprises

L'affaire CarPostal a soulevé diverses questions de fond relatives au rôle des organes de révision externe des entreprises proches de la Confédération. La CdG-E ne se prononce que de manière limitée à ce sujet, dans la mesure où la clarification de ce volet du dossier est prise en charge par l'ASR.

Face à la commission, les représentants de l'ASR ont mis en évidence le fait que certaines entreprises proches de la Confédération (la Poste, mais aussi les CFF et Skyguide) n'étaient pas considérées comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de l'art 2, let. c, de la loi sur la surveillance de la révision (LSR), dans la mesure où elles ne sont ni des entreprises financières ni des entreprises cotées en bourse618.

Cela aurait pour conséquence, selon l'ASR, que la révision risque de ne pas être effectuée par les personnes les plus expérimentées (cf. chap. 6.1.13). Pour la commission, une telle situation est particulièrement problématique. Au vu de la grande importance de ces entreprises pour la Confédération, tant sur le plan financier que de leur contribution au service public, la CdG-E considère qu'il est indispensable qu'elles puissent bénéficier de la plus haute attention de la part des organes de révision externes. En conséquence, elle invite le Conseil fédéral à examiner l'opportunité d'une adaptation légale, afin que toutes les entreprises proches de la Confédération soient considérées comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la LSR ou du moins traitées comme telles.

618

Audition des représentants de l'ASR, séance du 20.2.2019. Pour plus de détails concernant l'art. 2, let. c. LSR, cf. Message du Conseil fédéral du 28.8.2013 concernant la concentration de la surveillance des entreprises de révision et des sociétés d'audit (FF 2013 6147 6163).

7116

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Postulat 6:

Reconnaître les entreprises proches de la Confédération comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la LSR

Le Conseil fédéral est chargé d'examiner l'opportunité d'une adaptation de l'art. 2, let. c, de la Loi sur la surveillance de la révision (LSR), afin que toutes les entreprises proches de la Confédération soient désormais considérées comme des «sociétés d'intérêt public» ou du moins traitées comme telles.

Comme précisé plus haut (cf. chap. 8.1.1), l'OFT clarifie actuellement la possibilité de confier aux organes de révision externe des entreprises des tâches de surveillance supplémentaires dans les domaines du TRV subventionné. Une telle démarche va dans le sens de l'expertise mandatée par le Conseil fédéral, qui recommandait d'examiner si le mandat de révision externe ne devrait pas être élargi au domaine des subventions619. Au-delà du domaine du TRV, la question se pose pour la CdG-E de savoir si une telle extension serait souhaitable également dans d'autres domaines subventionnés d'entreprises proches de la Confédération. Elle part du principe que l'examen de cette question est du ressort des autorités de surveillance sectorielle concernées.

Enfin, le cas CarPostal a soulevé des questions quant à la nécessité de procéder de manière régulière à un changement de l'organe de révision externe (dans le cas de la Poste, KPMG a assumé cette fonction durant une vingtaine d'années). La commission est d'avis qu'un changement régulier est souhaitable, afin d'éviter le risque d'une trop grande proximité entre l'entreprise et son organe de révision externe, et prie le Conseil fédéral d'approfondir cette thématique en temps voulu. Elle estime qu'il est de sa responsabilité de déterminer à quelle fréquence de tels changements doivent être opérés, et s'il est nécessaire d'ancrer ce principe dans la loi.

8.2.5

Rôle du Contrôle fédéral des finances

Les informations portées à la connaissance de la CdG-E montrent que le CDF a, en tout cas jusqu'en 2014, exercé une surveillance limitée sur la Poste, en ne remplissant que partiellement le mandat qui lui revenait au sens de la LCF (cf. chap. 5.2.3).

La commission déplore vivement cette situation. Elle salue néanmoins le fait que CDF ait revu sa stratégie de contrôle vis-à-vis de la Poste à partir de 2014. Par ailleurs, les démarches du CDF ayant fait suite à l'affaire CarPostal ont permis de clarifier différents aspects importants soulevés par l'affaire, portant notamment sur la gestion des risques de la Poste et le cas de CarPostal France (cf. chap. 6.2.5 et 7).

La commission attend du CDF qu'il applique à l'avenir une pratique régulière et homogène en ce qui concerne le contrôle des entreprises proches de la Confédération, et qu'il remplisse entièrement le mandat qui lui est confié par la loi. Elle suivra, au cours des années à venir, l'évolution des activités du CDF dans ce domaine.

619

Rapport d'experts, Evaluation du gouvernement d'entreprise 2019, chap. 5.2.1, recomm. 4.

7117

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8.2.6

Rôle de la haute surveillance parlementaire

La CdG-E a également examiné si l'affaire CarPostal avait mis en évidence une nécessité d'agir concernant l'organisation de la haute surveillance parlementaire sur les entreprises proches de la Confédération. Elle est toutefois arrivée à la conclusion que des modifications n'étaient pas nécessaires à ce niveau actuellement. Suite à la révélation de l'affaire CarPostal, la CdG-E a été en mesure, dans le cadre des ressources dont elle dispose, de lancer rapidement des clarifications concernant ladite affaire, d'examiner celle-ci de manière élargie et d'en tirer plusieurs conclusions du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Les instruments à disposition de la commission (droits à l'information étendus, audition de personnes-clé, degré élevé de confidentialité) lui ont permis de bénéficier de l'ensemble des informations dont elle avait besoin pour procéder à son appréciation. La commission tire également un bilan positif de la coordination avec les différents acteurs du dossier (unités administratives concernées, CDF, Poste, etc.) et les autres organes parlementaires compétents (CdF, DélFin et CTT). Celle-ci a permis d'éviter toute redondance majeure entre les travaux de la commission et celle des autres acteurs impliqués. Au vu de ces éléments, la commission considère que la structure actuelle de haute surveillance parlementaire sur les entreprises est adéquate.

La commission est certes d'avis que la surveillance sur les entreprises proches de la Confédération doit être renforcée. Elle estime toutefois que, dans le respect de la «cascade» de surveillance en vigueur (cf. chap. 2.2 et 8.2.1), c'est avant tout au niveau des premières lignes de surveillance sur les entreprises qu'un tel renforcement doit avoir lieu, en d'autres termes au niveau des organes de surveillance internes de l'entreprise et de leur révision externe, au niveau du Conseil fédéral, des départements propriétaires et de l'AFF, ainsi qu'au niveau des autorités de surveillance sectorielle. La commission attend de ces organes qu'ils assument davantage les responsabilités de surveillance et de conduite qui leur sont assignées par la loi.

Les recommandations et interventions parlementaires formulées dans le présent rapport visent précisément à contribuer à ce renforcement.

La haute surveillance parlementaire, quant à elle,
est exercée de manière subsidiaire à la surveillance exercée par le Conseil fédéral, respectivement les départements propriétaires et l'AFF; son rôle consiste à s'assurer que les intérêts de la Confédération en tant que propriétaire sont défendus correctement. Il ne revient par contre pas aux CdG de se substituer à ces derniers dans leur fonction de conduite et de surveillance. La défense des intérêts du propriétaire vis-à-vis de l'entreprise est avant tout une tâche de l'exécutif, qui, en vertu de la loi, dispose des compétences nécessaires à cet effet. C'est également à l'exécutif d'assurer sa responsabilité concernant le bon fonctionnement des entreprises et l'atteinte de leurs objectifs stratégiques vis-à-vis du Parlement. Dans le cas de CarPostal, il aurait été impossible pour les CdG de déceler les pratiques comptables illégales au sein de l'entreprise à la place de l'OFT; dans le même sens, il n'était pas de sa responsabilité de se pencher sur le conflit d'objectifs auquel était soumise l'entreprise, mais de celle du DETEC et du Conseil fédéral.

7118

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La commission tient néanmoins à souligner que, de son point de vue, les différentes mesures proposées dans le présent rapport permettront également, de manière indirecte, de renforcer l'effectivité de la haute surveillance parlementaire sur les entreprises, sous sa forme actuelle. En effet, ces mesures permettront que les informations transmises par le Conseil fédéral au Parlement portant sur l'activité des entreprises, l'atteinte de leurs objectifs stratégiques et l'état de leurs risques soient plus précises et plus fiables.

9

Conclusions et suite de la procédure

Dans le cadre du présent rapport, la CdG-E a examiné si la surveillance et la conduite exercées par le Conseil fédéral, les départements compétents et les unités administratives compétentes sur la Poste avaient été adéquates dans le cadre de l'affaire CarPostal. Elle a en outre cherché à déterminer quels enseignements de portée générale pouvaient être tirés de ce cas en ce qui concerne la conduite et la surveillance, par le Conseil fédéral, les départements compétents et l'administration fédérale, de la Poste et des autres entreprises proches de la Confédération.

La commission rappelle que la responsabilité primaire de conduite et de surveillance vis-à-vis de CarPostal revient aux instances dirigeantes de la Poste. De son point de vue, il est incompréhensible que les agissements illégaux de CarPostal aient pu survenir et perdurer durant de nombreuses années sans être décelés par les organes de surveillance interne ou la révision externe de l'entreprise et signalés à la Confédération. Au vu de la procédure pénale administrative en cours et dans le respect de son champ de compétences, la commission ne porte pas d'appréciation sur les responsabilités individuelles relatives à l'affaire CarPostal ou sur les démarches effectuées par l'entreprise à partir de 2018. Elle salue néanmoins les premières mesures prises et invite la Poste à continuer à oeuvrer de manière active et transparente en vue d'un règlement des questions ouvertes, afin qu'un tel cas ne se reproduise jamais à l'avenir.

Surveillance et conduite exercées sur CarPostal et la Poste par le Conseil fédéral, le DETEC et les autres unités et organes compétents En ce qui concerne la surveillance exercée par le Conseil fédéral, le DETEC et les autres unités et organes compétents durant la période avant la révélation de l'affaire CarPostal (2007­2017), la CdG-E constate que ces acteurs ont exercé une surveillance lacunaire sur CarPostal durant cette période et ont présenté, vis-à-vis de l'entreprise, des positions parfois contradictoires. Le fait que les pratiques comptables illégales au sein de l'entreprise n'aient pas été mis à jour plus tôt s'explique, selon l'analyse de la commission, par la conjugaison de plusieurs faiblesses: l'OFT, qui disposait de ressources limitées, s'est montré peu critique concernant les finances de CarPostal ­ malgré
les signalements de différentes autorités ­ et a présenté des positions parfois ambiguës face à l'entreprise; le DETEC a renoncé à adapter les objectifs stratégiques de la Poste malgré les contradictions constatées au sein de ceux-ci; les échanges d'informations et la coordination entre l'OFT et le DETEC au sujet de CarPostal ont été insuffisants; le CDF, de son côté, n'a exercé sa surveillance sur la Poste que de manière limitée; enfin, durant plusieurs années, la Poste a 7119

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refusé d'accorder aux autorités de surveillance de la Confédération un accès aux données issues de ses filiales. Il ressort par ailleurs des travaux de la CdG-E que le DETEC et l'AFF étaient informés depuis 2011 au moins du conflit d'objectifs auquel était confronté CarPostal en ce qui concerne la réalisation de bénéfices. Ils n'ont toutefois pas agi à l'époque, ce que la commission ne comprend pas et critique vivement. Certains médias ont par ailleurs affirmé que le DETEC avait été informé, en septembre 2011, des pratiques comptables illégales au sein de CarPostal. En l'état actuel des choses, les informations à disposition de la commission ne permettent pas de confirmer ce constat. La CdG-E continuera néanmoins d'examiner ce point. Elle se réserve la possibilité d'adapter son appréciation ultérieurement, dans le cas où de nouveaux éléments déterminants seraient portés à sa connaissance, notamment après l'issue de la procédure pénale en cours. Au-delà des éléments mentionnés ci-dessus, la commission n'a toutefois pas identifié de manquements graves ou d'agissements contraires à la loi. Elle a constaté que tant l'OFT que le DETEC avaient, à plusieurs reprises, précisé à la Poste et à CarPostal le fait qu'un rendement proche de zéro s'appliquait dans le domaine du TRV subventionné. Elle souligne également que l'OFT a rempli ­ bien que tardivement ­ son rôle légal, puisque c'est lui qui, à partir de 2015, a procédé aux vérifications approfondies ayant permis de révéler les pratiques comptables illégales de CarPostal. Aucun indice ne laisse par ailleurs penser que l'office aurait volontairement fermé les yeux sur les pratiques frauduleuses de l'entreprise.

La commission considère en outre que le Conseil fédéral, le DETEC et les autres unités et organes compétents ont réagi de manière globalement adéquate suite à la révélation de l'affaire CarPostal (2018­2019). Une grande partie des points problématiques soulevés par ce cas ont été traités par les organes concernés, les enseignements correspondants ont été tirés et diverses mesures prises. La CdG-E a néanmoins identifié, dans le cadre de ses travaux, certains éléments soulevant des remarques du point de vue de la haute surveillance. Ceux-ci concernent notamment le dépôt d'une plainte pénale par l'OFT en février 2018, les démarches du DETEC et de
l'AFF en vue de l'assemblée générale 2018 et de l'adoption des comptes 2017 de la Poste, les entretiens réalisés par le DETEC et l'AFF avec certains membres du conseil d'administration de la Poste ou les approfondissements relatifs à la période avant 2007. En outre, la CdG-E estime que le Conseil fédéral, le DETEC et l'AFF ont dans l'ensemble présenté une position défensive en ce qui concerne l'intervention de la Confédération vis-à-vis de la Poste suite à l'affaire CarPostal et s'étaient largement reposés sur les travaux de l'entreprise. Elle estime que ces autorités devraient utiliser de manière plus active les instruments de conduite stratégique et de surveillance stratégique à leur disposition, en particulier dans des situations de crise comme celle-ci.

La CdG-E a également examiné le cas particulier de CarPostal France. Cette filiale ne relève pas du TRV subventionné; néanmoins, les investigations réalisées suite à l'affaire CarPostal ont montré que la situation financière de cette société avait été présentée de manière excessivement positive à la Confédération et au Parlement durant de nombreuses années. La CdG-E déplore au plus haut point cette situation et estime que le retrait de CarPostal du marché français constitue une décision appropriée et nécessaire. Les clarifications de la commission ont montré que le DETEC et l'AFF avaient abordé l'engagement de CarPostal en France de manière régulière, 7120

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mais qu'ils s'étaient largement reposés sur les informations fournies à cet effet par la Poste. La commission estime qu'ils auraient dû se montrer plus critiques. La CdG-E n'est pas en mesure de déterminer si le Conseil fédéral et le Parlement auraient soutenu la stratégie d'expansion de CarPostal en France ces dernières années, si la situation financière de la filiale avait été présentée sous son vrai jour; elle ne peut toutefois pas exclure que le dossier aurait été évalué de manière différente. Par ailleurs, la commission déplore fortement que la Poste n'ait pas été en mesure de lui rendre compte des critères ayant été déterminants, à l'époque, dans la décision du développement de CarPostal en France. Enfin, pour la CdG-E, il est primordial de clarifier sur le fond si les aides financières accordées par la Poste Suisse à CarPostal France sont conformes à l'accord de libre-échange entre la Suisse et la Communauté économique européenne, afin d'en tirer des leçons pour l'ensemble des entreprises proches de la Confédération.

La CdG-E estime que diverses clarifications devront encore être menées par le Conseil fédéral une fois que l'enquête pénale administrative relative à CarPostal sera achevée, concernant notamment la surveillance exercée par l'OFT sur CarPostal entre 2007 et 2015, les irrégularités comptables survenues chez CarPostal avant 2007, ainsi que les flux financiers entre CarPostal Suisse et CarPostal France. Elle attend également du Conseil fédéral qu'il procède à un bilan global de l'affaire CarPostal sous la forme d'un rapport, et qu'il se penche sur la manière dont la surveillance sur CarPostal a été exercée par le DETEC et l'AFF au cours des années passées.

Enseignements de portée générale tirés de l'affaire CarPostal La CdG-E salue les clarifications menées par le DETEC et l'OFT suite à l'affaire CarPostal en ce qui concerne la surveillance sur les entreprises du TRV subventionné, ainsi que les mesures prises afin d'améliorer les activités de surveillance de l'OFT dans ce domaine. De son point de vue, il est primordial que le nouveau système de surveillance permette de clarifier les responsabilités des différents organes et d'empêcher que des cas similaires passent «sous le radar» des autorités. La commission formule diverses remarques relatives à la mise en oeuvre de ce nouveau
système et suivra étroitement son introduction. De son point de vue, le lien de confiance entre les commanditaires et les entreprises subventionnées doit demeurer un fondement de la surveillance du TRV; l'indépendance et l'esprit critique des autorités de contrôle constituent néanmoins, selon elle, un pendant indispensable à cette confiance.

La CdG-E considère par ailleurs qu'il est adéquat que la responsabilité principale de surveillance sur le TRV subventionné continue à incomber à l'OFT; elle est néanmoins d'avis que les cantons ont également un rôle central à jouer dans ce domaine.

Elle estime que les interfaces entre l'OFT et les autorités cantonales doivent être clarifiées et invite le Conseil fédéral à procéder, en temps voulu, à un examen approfondi de la répartition des compétences en la matière.

La CdG-E est également d'avis que le Conseil fédéral devrait examiner s'il serait opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné, dans la mesure où ces dernières ont montré leurs limites dans le cas de l'affaire CarPostal. Enfin, elle invite le Conseil fédéral à 7121

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s'assurer que les entreprises proches de la Confédération respectent à l'avenir une totale transparence vis-à-vis des autorités de surveillances sectorielles telles que l'OFT.

La CdG-E a également examiné les enseignements pouvant être tirés de l'affaire CarPostal en ce qui concerne la gouvernance des entreprises proches de la Confédération. Elle a pris connaissance des conclusions d'un rapport d'experts à ce sujet et des mesures prises fin juin 2019 par le Conseil fédéral sur cette base. La commission salue ces démarches, mais estime que les mesures décidées par le Conseil fédéral ne vont pas assez loin et que des améliorations supplémentaires doivent être examinées.

De manière générale, la CdG-E considère que le modèle de gestion stratégique des entreprises proches de la Confédération demeure adapté sur le fond. Elle estime néanmoins qu'un renforcement de la surveillance sur les entreprises est nécessaire dans le cadre existant, en particulier au niveau des premières lignes de surveillance (organes internes à l'entreprise, révision externe, Conseil fédéral, départements propriétaires et AFF).

La commission est d'avis que les autorités représentant la Confédération en tant que propriétaire (Conseil fédéral, départements propriétaires et AFF) devraient exercer de manière plus active le rôle de conduite stratégique et de surveillance stratégique qui leur revient, dans les limites prévues par la loi. La CdG-E formule, dans le présent rapport, plusieurs recommandations et interventions parlementaires en ce sens. Elle estime que le Conseil fédéral devrait notamment définir plus clairement quels éléments de l'activité des entreprises sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire», qu'il devrait disposer d'un concept permettant d'identifier et de régler les conflits d'objectifs et qu'il devrait exiger davantage d'informations de la part des entreprises. La commission invite également le Conseil fédéral à renforcer les préceptes relatifs aux instruments internes de surveillance des entreprises (gestion des risques, système de contrôle interne, gestion de la conformité) et à établir un inventaire des mesures à disposition de la Confédération lors de situations de crise au sein des entreprises. Au vu du cas de CarPostal France, la commission considère en outre que
les filiales les plus importantes des entreprises proches de la Confédération ­ notamment celles actives à l'étranger ­ devraient être soumises à un suivi plus étroit, et que leur situation financière doit être présentée de manière fidèle à la réalité. La commission formule également des recommandations relatives au respect par les entreprises de la législation sur l'archivage et aux entretiens informels réalisés entre la Confédération et les entreprises.

La CdG-E estime que des mesures organisationnelles doivent également être prises au sein des autorités représentant la Confédération en tant que propriétaire: elle souhaite qu'une réflexion de fond soit menée quant aux responsabilités, compétences et rôles respectifs des départements, secrétariats généraux et offices concernés et estime que les ressources consacrées jusqu'à présent à la conduite et à la surveillance des entreprises sont insuffisantes. Enfin, elle est d'avis que le rôle du Conseil fédéral en tant qu'organe central chargé d'assumer les fonctions de surveillance et de conduite revenant à la Confédération en tant que propriétaire des entreprises doit être renforcé. A ce titre, la CdG-E charge le Conseil fédéral de constituer une délégation permanente consacrée au pilotage stratégique et à la surveillance des entre7122

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prises proches de la Confédération, qui sera chargée de préparer ses délibérations et décisions dans ce domaine.

Par ailleurs, la CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les échanges et la coordination entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les offices chargés de la surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération (tels que l'OFT), de l'autre, soient renforcés. La commission souhaite notamment que le Conseil fédéral consulte à l'avenir les autorités de surveillance sectorielle lors de l'élaboration et du renouvellement des objectifs stratégiques des entreprises. La bonne coordination, au sein d'un même département, d'autorités chargées de différents «rôles» face aux entreprises revient à la cheffe ou au chef du département concerné.

En ce qui concerne le rôle des organes de révision externes des entreprises, la CdGE a été informée du fait que certaines entreprises proches de la Confédération, dont la Poste, n'étaient pas considérées comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la loi sur la surveillance de la révision et que cela aurait pour conséquence que la révision risque de ne pas être effectuée par les personnes les plus expérimentées.

Pour la commission, une telle situation est particulièrement problématique; elle invite le Conseil fédéral à procéder à une adaptation de la législation concernée. Elle est par ailleurs d'avis qu'un changement régulier de l'organe de révision externe est souhaitable pour les entreprises proches de la Confédération.

En ce qui concerne le rôle de surveillance du CDF, la commission déplore vivement le fait que ce dernier ait, durant plusieurs années, exercé une surveillance limitée sur la Poste. Elle salue néanmoins le fait que le CDF ait revu sa stratégie de contrôle en la matière à partir de 2014; elle attend de celui-ci qu'il applique à l'avenir une pratique régulière et homogène vis-à-vis des entreprises proches de la Confédération.

Enfin, la CdG-E est arrivée à la conclusion que l'affaire CarPostal n'impliquait pas de nécessité d'agir concernant le rôle de la haute surveillance parlementaire. Elle estime qu'elle a pleinement été en mesure d'effectuer son mandat de haute surveillance et juge positivement la collaboration avec les autres acteurs du dossier. La commission est certes d'avis que
la surveillance sur les entreprises proches de la Confédération doit être renforcée. Elle estime toutefois que, dans le respect du système de surveillance en vigueur, c'est avant tout au niveau des premières lignes de surveillance qu'un tel renforcement doit avoir lieu. Elle considère toutefois que les différentes mesures proposées dans le présent rapport permettront également, de manière indirecte, de renforcer l'effectivité de la haute surveillance parlementaire sur les entreprises, sous sa forme actuelle.

7123

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Suite de la procédure Sur la base de ces constatations, la CdG-E a formulé quinze recommandations, six postulats et une motion à l'intention du Conseil fédéral. La commission invite le Conseil fédéral à prendre position sur les constatations et recommandations cidessus d'ici au 26 février 2020 et à lui indiquer par quelles mesures et dans quel délai il entend mettre en oeuvre ses recommandations.

12 novembre 2019

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: La présidente, Anne Seydoux-Christe La secrétaire, Beatrice Meli Andres Le président de la sous-commission DFI/DETEC, Claude Hêche Le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC, Nicolas Gschwind

7124

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Liste des abréviations AFF

Administration fédérale des finances

ASR

Autorité fédérale de surveillance en matière de révision

BO

Bulletin officiel

CDF

Contrôle fédéral des finances

CdF

Commissions des finances des Chambres fédérales

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CFF

Chemins de fer fédéraux suisses

CO

Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) (RO 220)

COMCO

Commission de la concurrence

CTP

Conférence des directeurs cantonaux des transports publics

CTT

Commissions des transports et des télécommunications des Chambres fédérales

DEFR

Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche

DélFin

Délégation des finances

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

DPA

Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (RS 313.0)

ETP

Équivalent temps plein

EY

Ernst&Young

fedpol

Office fédéral de la police

FF

Feuille fédérale

FINMA

Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers

IFRS

International Financial Reporting Standards

IFSN

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire

Ip.

Interpellation

IR-Post

Révision interne de la poste

7125

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ISO

Organisation internationale de normalisation

LAr

Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage (RS 152.1)

LCdF

Loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (RS 742.101)

LCF

Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (RS 614.0)

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

LOP

Loi fédérale du 17 décembre 2010 sur l'organisation de La Poste Suisse (Loi sur l'organisation de la Poste; RS 783.1)

LOP 1997

Loi fédérale du 30 avril 1997 sur l'organisation de l'entreprise fédérale de la poste (Loi sur l'organisation de la Poste; RS 783.1)

LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement; RS 171.10)

LSR

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur l'agrément et la surveillance des réviseurs (Loi sur la surveillance de la révision; RS 221.302)

LSu

Loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (Loi sur les subventions; RS 616.1)

LTV

Loi du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs (LTV; RS 745.1)

MPC

Ministère public de la Confédération

NZZ

Neue Zürcher Zeitung

OCEC

Ordonnance du DETEC du 18 janvier 2011 sur la comptabilité des entreprises concessionnaires (RS 742.221)

OFCOM

Office fédéral de la communication

OFT

Office fédéral des transports

OIPAF

Ordonnance du 18 décembre 1995 sur les indemnités, les prêts et les aides financières selon la loi sur les chemins de fer (Ordonnance sur les indemnités; RS 742.101.1)

OITRV

Ordonnance du 11 novembre 2009 sur l'indemnisation du trafic régional de voyageurs (RS 745.16)

OLAr

Ordonnance du 8 septembre 1999 relative à la loi fédérale sur l'archivage (Ordonnance sur l'archivage; RS 152.11)

OLOGA

Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1)

7126

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ORCO

Ordonnance du DETEC du 18 décembre 1995 concernant la comptabilité des entreprises concessionnaires (RS 742.221).

Org DETEC

Ordonnance du 6 décembre 1999 sur l'organisation du DETEC (RS 172.217.1)

Org DFF

Ordonnance du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances (RS 172.215.1)

OTV

Ordonnance du 4 novembre 2009 sur le transport de voyageurs (RS 745.11)

Po.

Postulat

PostCom

Commission fédérale de la poste

RO

Recueil officiel du droit fédéral

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SG-DETEC

Secrétariat général du DETEC

TRV

Traffic régional de voyageurs

UTP

Union des transports publics

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Annexe 1

Liste des personnes auditionnées Baur, Thomas Bühler, René Christ, Brigitte Della Valle, Nicoletta Füglistaler, Peter Gaillard, Serge Glanzmann, Alex Huissoud, Michel Jäger, Christoph Leuthard, Doris Manferdini, Alessandro Mayer, Michael Meierhans, Stefan Meyrat, Pierre-André Niederhauser, Beat Nösberger, Thomas Nussbaumer, Katrin Ramsauer, Matthias Ruoff, Susanne Sanwald, Reto Scheidegger, Robert Schneider, Frank Schwaller, Urs Sommaruga, Simonetta Stirnimann, Pascal

Responsable RéseauPostal et responsable par intérim CarPostal (2018), la Poste Directeur adjoint de fedpol Directrice suppléante du CDF Directrice de fedpol Directeur de l'OFT Directeur de l'AFF Responsable des finances, la Poste* Directeur du CDF Partenaire de Kellerhals Carrard Conseillère fédérale, cheffe du DETEC (2010­2018) Responsable de mandat, CDF Responsable de mandat, CDF Surveillant des prix Directeur adjoint de l'OFT, chef de la taskforce CarPostal Suppléant du Surveillant des prix, chef de bureau Consultant de Kellerhals Carrard Cheffe du bureau de coordination de l'enquête CarPostal, la Poste Secrétaire général du DETEC (depuis 2019) Directrice de la Poste de 2012 à 2018* Directeur adjoint de l'ASR, chef de la division du droit et des affaires internationales Responsable de mandat, CDF Directeur de l'ASR Président du Conseil d'administration de la Poste Conseillère fédérale, cheffe du DETEC (depuis 2019)* Chef de la section Révision, OFT

* Ces personnes ont été auditionnées en-dehors des séances régulières de la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E (séances d'avril 2018 et 2019 relatives à l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste, séances plénières des CdG).

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Annexe 2

Structures de surveillance sur les entreprises proches de la Confédération

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Annexe 3

Objectifs stratégiques assignés à la Poste Suisse SA (extraits pertinents pour CarPostal) Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral de 2006 à 2009 (extraits) Point 1, Orientation stratégique: [...] Dans le secteur des transports publics des voyageurs, la Poste fournit les prestations prévues par la législation sur les transports publics.

Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle: 1.1 assure un service universel par la fourniture de prestations de bonne qualité, dans tout le pays selon les mêmes principes et à des prix équitables.

1.2 soit en mesure de faire face à la concurrence en tant qu'entreprise innovatrice, orientée sur la clientèle et autonome sur le plan financier. Elle réduit progressivement sa dépendance à l'égard du monopole en développant de nouveaux produits et marchés.

1.3 exploite les potentiels d'amélioration de son efficacité.

1.4 développe son activité principale dans les secteurs suivants: mail, logistique, services financiers et transport de voyageurs, vise une croissance rentable et garantisse un haut niveau qualitatif des prestations.

­ En Suisse, la Poste doit développer sa position de leader comme prestataire de services logistiques (notamment lettres, colis, marchandises), de services de paiement et de transports publics.

­ A l'étranger, elle peut saisir les possibilités d'expansion sur des marchés de niche en dehors du service universel.

Par ailleurs, elle doit: [...]

­ créer de nouvelles sources d'expansion dans le trafic des voyageurs en tant que fournisseur de système, dans la gestion des réseaux de transport, dans le trafic touristique et les réseaux urbains, ­ développer de manière ciblée de nouvelles offres et de nouveaux modèles commerciaux pour générer de la croissance, garantir durablement sa rentabilité et explorer de nouvelles possibilités en vue de financer le service universel. [...]

1.8 dispose d'un système adéquat de gestion des risques.

Point 2, Objectifs financiers: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle: 2.1 présente, dans le domaine du service universel et dans celui des services libres, un résultat d'exploitation convenable et parvienne à accroître la valeur intrinsèque de l'entreprise. Ses performances seront comparées à celles d'autres entreprises suisses et étrangères.

2.2 finance, en principe, ses investissements au moyen du cash flow.

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2.3 utilise les bénéfices réalisés pour assurer en priorité l'augmentation progressive des fonds propres jugés nécessaires ainsi que l'assainissement de la caisse de pensions et, en second lieu, l'affectation d'une part convenable de ces bénéfices au capital de dotation mis à disposition par la Confédération.

Point 4, Coopérations et prises de participation: Dans le cadre de son mandat de prestations et compte tenu de ses possibilités financières et de ses ressources en personnel, la Poste peut conclure des accords de coopération en Suisse et à l'étranger (participations, alliances, création de sociétés ou autres formes de collaboration), pour autant que ces derniers renforcent son activité principale en Suisse ou obéissent à une autre forme de stratégie industrielle et qu'ils contribuent à réaliser les objectifs stratégiques et à garantir ou à augmenter à long terme la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, ces participations et coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques.

Point 5, Information du Conseil fédéral: Parallèlement au rapport de gestion, le conseil d'administration de la Poste informe chaque année le Conseil fédéral de la réalisation des objectifs. [...]

Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral de 2010 à 2013 (extraits) Point 1, Orientation stratégique: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle: 1.1 assure un service universel par la fourniture de prestations de bonne qualité, dans tout le pays selon les mêmes principes et à des prix équitables.

1.2 soit en mesure de faire face à la concurrence en tant qu'entreprise innovatrice, orientée sur la clientèle et autonome sur le plan financier. [...]

1.4 développe de nouvelles offres, prestations et solutions, conclue des accords de coopération, génère une croissance rentable, garantisse sa rentabilité et exploite les potentiels d'amélioration de son efficacité dans les limites fixées par la Constitution et dans le cadre du mandat légal; les offres de prestations existantes qui dépassent le cadre constitutionnel (notamment la vente par correspondance) ne doivent pas être développées.

1.5 développe son activité principale sur les marchés de la communication (notamment lettres, dialogue marketing et solutions documents), de la logistique, des services financiers et du transport de voyageurs, et garantisse un haut niveau qualitatif des prestations.

­ En Suisse, la Poste doit développer sa position de leader.

­ A l'étranger, elle peut saisir les possibilités d'expansion en s'abstenant de contracter des obligations de service universel.

Par ailleurs, elle doit: [...]

­ dans le trafic voyageurs, développer sa position de leader sur le marché des transports publics (bus), créer de nouvelles sources d'expansion en tant que fournisseur de système, dans la gestion des réseaux de trans7131

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port, dans le trafic d'agglomération et dans le trafic régional; elle peut développer son activité à l'étranger à condition de garantir une rentabilité durable. [...]

1.9 dispose d'un système adéquat de gestion des risques.

Point 2, Objectifs financiers: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle: 2.1 garantisse de manière durable, voire accroisse la valeur intrinsèque de l'entreprise - compte tenu des coûts des fonds propres et des capitaux extérieurs conformes au marché et aux risques et présente un résultat conforme à la branche. Ses performances seront comparées à celles d'autres entreprises suisses et étrangères.

2.2 finance, en principe, ses investissements au moyen du cash flow.

2.3 utilise les bénéfices réalisés pour assurer l'augmentation progressive des fonds propres jugés nécessaires, le financement de la caisse de pensions et le versement d'une part des bénéfices à la Confédération. En contrepartie des éventuelles contributions à la caisse de pensions, l'employeur La Poste préconise une contribution importante des assurés au financement de la caisse de pensions. [...]

Point 4, Coopérations et prises de participation: Dans le cadre de son mandat de prestations et compte tenu de ses possibilités financières et de ses ressources en personnel, la Poste peut conclure des accords de coopération en Suisse et à l'étranger (participations, alliances, création de sociétés ou autres formes de collaboration), pour autant que ces derniers renforcent son activité principale en Suisse ou obéissent à une autre forme de stratégie industrielle et qu'ils contribuent à réaliser les objectifs stratégiques et à garantir ou à augmenter de manière durable la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, ces participations et coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques.

Point 5, Information du Conseil fédéral: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle rencontre une fois par trimestre les représentants de la Confédération pour un échange d'informations. Parallèlement au rapport de gestion, le conseil d'administration de la Poste informe chaque année le Conseil fédéral de la réalisation des objectifs. [...]

Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral de 2013 à 2016 (extraits) Point 2, Orientation stratégique: Le Conseil fédéral attend de la Poste [...]

2.2 qu'elle offre, dans les secteurs relevant de son activité principale (communication et logistique, services financiers et trafic voyageurs) des produits et des prestations de qualité, commercialisables et innovants, tout en générant une croissance rentable et en renforçant la rentabilité de l'entreprise grâce à des améliorations de son efficacité; [...]

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2.5 que, dans le secteur d'activité «trafic voyageurs»: ­ elle consolide sa position de leader sur le marché des transports publics (bus) en Suisse; elle peut poursuive ses activités à l'étranger à condition que les risques restent supportables et qu'une rentabilité durable soit garantie, ­ elle développe sa position en Suisse et à l'étranger en proposant de nouveaux concepts de services système et de mobilité; [...]

2.9 qu'elle dispose d'un système adéquat de gestion des risques.

Point 3, Objectifs financiers: Le Conseil fédéral attend de la Poste 3.1 qu'elle soit créatrice de valeur, tout en garantissant et en augmentant durablement la valeur de l'entreprise, et qu'elle réalise un rendement conforme à la branche dans tous ses secteurs d'activité; ses performances seront comparées à celles d'entreprises suisses et étrangères comparables; 3.2 qu'elle utilise les bénéfices réalisés pour augmenter les fonds propres de PostFinance SA conformément aux exigences du droit bancaire et pour en verser une partie à la Confédération; la politique en matière de dividendes doit respecter le principe de continuité; [...]

Point 5, Coopérations et prises de participation: Compte tenu de ses possibilités financières et de ses ressources en personnel, la Poste peut conclure des accords de coopération en Suisse et à l'étranger (participations, alliances, création de sociétés ou autres formes de collaboration) pour autant que ces accords renforcent son activité principale en Suisse ou obéissent à une autre forme de stratégie industrielle et qu'ils contribuent à réaliser les objectifs stratégiques et à garantir ou à augmenter de manière durable la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, ces prises de participation et coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques. Aucune participation ne peut être prise à l'étranger dans des sociétés ayant un mandat de service universel. [...]

Point 7, Information: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle mène une fois par trimestre un échange d'informations avec des représentants de la Confédération.

Parallèlement au rapport de gestion, le conseil d'administration de la Poste informe chaque année le Conseil fédéral de la réalisation des objectifs.

Objectifs stratégiques assignés à la Poste par le Conseil fédéral pour les années 2017 à 2020 (extraits) Point 2, Orientation stratégique: Le Conseil fédéral a les attentes suivantes: [...]

2.2 La Poste offre, dans les secteurs relevant de son activité principale (communication et logistique, services financiers et trafic voyageurs) des produits et des prestations de qualité, commercialisables et innovants, aussi bien sous forme physique qu'électronique, tout en générant une croissance rentable et en renforçant la rentabilité de l'entreprise grâce à des améliorations de son efficacité. [...]

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2.5 La Poste fournit dans le secteur d'activité «trafic voyageurs» les prestations suivantes: ­ Elle consolide sa position de leader du marché et assume des tâches de gestion de systèmes dans le domaine des transports publics (bus) en Suisse; elle peut poursuive ses activités à l'étranger à condition que les risques restent supportables et qu'une rentabilité durable soit garantie.

­ Elle développe sa position en Suisse et à l'étranger en proposant de nouveaux services système et de nouvelles offres globales de mobilité.

[...]

2.7 La Poste dispose d'un système de gestion des risques à l'échelle de l'entreprise qui se base sur la norme ISO 31000. Elle informe le propriétaire des principaux risques d'entreprise.

Point 3, Objectifs financiers: Le Conseil fédéral a les attentes suivantes: 3.1 La Poste est créatrice de valeur, tout en garantissant et en augmentant durablement la valeur de l'entreprise, et réalise un rendement conforme à la branche dans tous ses secteurs d'activité.

3.2 La Poste mène une politique en matière de dividendes qui respecte le principe de continuité. Ce faisant, elle tient compte des exigences d'une activité durable en matière d'investissements et d'une part des fonds propres conforme aux risques et usuelle dans la branche, plus particulièrement concernant PostFinance SA. [...]

Point 5, Coopérations et prises de participation: Compte tenu de ses possibilités financières et de ses ressources en personnel, la Poste peut conclure des accords de coopération en Suisse et à l'étranger (participations, alliances, création de sociétés ou autres formes de collaboration) pour autant que ces accords renforcent son activité principale en Suisse ou obéissent à une autre forme de stratégie industrielle et qu'ils contribuent à réaliser les objectifs stratégiques et à garantir de manière durable la valeur de l'entreprise. Par ailleurs, ces coopérations doivent être gérées de manière professionnelle et tenir suffisamment compte des risques. Aucune participation ne peut être prise à l'étranger dans des sociétés ayant un mandat de service universel. [...]

Point 7, Information: Le Conseil fédéral attend de la Poste qu'elle mène une fois par trimestre un échange d'informations avec des représentants de la Confédération. Au terme de chaque exercice, le conseil d'administration de la Poste établit un rapport à l'intention du Conseil fédéral sur la réalisation des objectifs stratégiques.

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Annexe 4

Bénéfices de CarPostal et évolution de la réserve spéciale de l'entreprise entre 2007 et 2017 Bases légales Jusqu'à fin 2009, art. 64, al. 2, LCdF: «L'entreprise dispose d'un excédent de produits lorsque les produits et les prestations financières fournies par la Confédération et les cantons dépassent ses dépenses globales. Dans la mesure où cet excédent provient de secteurs donnant droit à l'indemnité, elle le met en réserve pour couvrir les futurs déficits.» A partir de 2010, art. 36, al. 2, LTV: «Lorsque les recettes et les prestations financières fournies par la Confédération et les cantons dépassent les dépenses globales d'un secteur de transport bénéficiant d'indemnités, l'entreprise affecte au moins deux tiers de cet excédent à une réserve spéciale destinée à couvrir les futurs déficits des secteurs indemnisés. Si cette réserve spéciale atteint 25 % du chiffre d'affaires annuel des secteurs bénéficiant d'indemnités ou si elle atteint 12 millions de francs, le bénéfice est à la libre disposition de l'entreprise.»

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Bénéfices et évolution de la réserve spéciale de CarPostal (en francs)

(Source: OFT) * Informations de l'OFT, 16.9.2019: «La recommandation 3 du rapport de révision de l'OFT [sur CarPostal], demandait une augmentation des réserves de 2,7 millions de francs, dans la mesure où la réserve avait été réduite en 2014 et 2015 en raison d'un prétendu déficit. Une présentation correcte du résultat, en l'absence de transferts comptables, aurait débouché sur un bénéfice, et une réduction de la réserve n'aurait pas été nécessaire, respectivement pas possible.»

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Annexe 5

Recommandations et interventions parlementaires de la CdG-E Motion 1:

Délégation du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération (chap. 8.2.2.3)

En vertu de l'art. 23 LOGA, le Conseil fédéral est chargé de constituer une délégation permanente consacrée au pilotage stratégique et à la surveillance des entreprises proches de la Confédération. Cette délégation sera chargée de renforcer la coordination interdépartementale dans ce domaine, de préparer les délibérations et décisions du Conseil fédéral relatives à ces entreprises et de mener, de manière régulière, des entretiens avec les représentants des entreprises.

Postulat 1:

Enquête externe relative à la surveillance exercée par l'OFT sur CarPostal entre 2007 et 2015 (chap. 5.2.1)

Une fois la procédure pénale administrative relative à l'affaire CarPostal close, le Conseil fédéral est chargé de mandater une enquête externe afin de retracer la manière dont la surveillance sur la comptabilité de CarPostal a été exercée par l'OFT au cours des années 2007 à 2015 et de déterminer si des manquements sont à attribuer au personnel de l'office. Il présentera les résultats de cette enquête dans un rapport et déterminera, sur cette base, la nécessité de prendre des éventuelles sanctions ou mesures.

Postulat 2:

Bilan global de l'affaire CarPostal (chap. 6.2.2)

A l'issue de la procédure pénale administrative menée par fedpol concernant CarPostal, le Conseil fédéral est chargé de procéder à un bilan global de l'affaire CarPostal sous la forme d'un rapport. Il est en particulier invité à indiquer dans celui-ci quels enseignements généraux sont tirés de ce cas spécifique du point de vue du propriétaire, quelles sont les conséquences financières de cette affaire pour la Confédération, si certains éléments issus de l'enquête pénale seront approfondis, si des actions en responsabilité ont été entreprises, si des adaptations législatives sont nécessaires, si l'évaluation de l'atteinte des objectifs stratégiques de la Poste au cours des dernières années doit être révisée, si les objectifs stratégiques de la Poste doivent être modifiés et si des modifications supplémentaires doivent être apportées au modèle de gouvernance des entreprises proches de la Confédération.

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Postulat 3:

Clarifications concernant les aides financières accordées aux filiales étrangères des entreprises proches de la Confédération (chap. 7.3)

Le Conseil fédéral est chargé de clarifier si les aides financières accordées par la Poste Suisse à CarPostal France, notamment sous la forme d'abandons de créances, sont conformes à l'accord de libre-échange de 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne. Si nécessaire, il proposera des mesures visant à assurer que cette conformité soit respectée à l'avenir par l'ensemble des entreprises proches de la Confédération.

Postulat 4:

Répartition des compétences de surveillance sur le TRV (chap. 8.1.2)

A l'issue de la réforme du TRV en cours, le Conseil fédéral est chargé d'examiner dans quelle mesure la répartition des compétences de surveillance entre Confédération et cantons dans le domaine du TRV doit être adaptée, et s'il serait judicieux que des tâches de surveillance supplémentaires soient attribuées aux offices cantonaux des transports et/ou aux services cantonaux de contrôle des finances. Le Conseil fédéral est invité à associer les cantons à cette démarche.

Les résultats de cet examen seront présentés dans un rapport.

Sur la base des résultats de cet examen, le Conseil fédéral est chargé de documenter de manière adéquate la répartition des tâches de surveillance dans le domaine du TRV et les processus correspondants.

Postulat 5:

Bénéfices dans le secteur du TRV subventionné (chap. 8.1.3)

5.1 Le Conseil fédéral est chargé d'examiner s'il serait opportun de réviser les dispositions légales portant sur l'utilisation de bénéfices dans le secteur du TRV subventionné et sur la comptabilité des entreprises subventionnées, et de présenter au Parlement les pistes d'amélioration qu'il estime envisageables à ce propos.

5.2 Dans ce cadre, le Conseil fédéral est notamment chargé d'examiner si une limite supérieure devrait être fixée en ce qui concerne le bénéfice annuel laissé à libre disposition de l'entreprise, une fois que le seuil maximal prévu pour la réserve spéciale selon l'art. 36, al. 2, LTV est atteint.

5.3 De manière plus générale, le Conseil fédéral est chargé d'examiner si l'interdiction générale de réaliser des bénéfices dans les secteurs subventionnés ne devrait pas être précisée de manière explicite au niveau de la loi (LTV ou LSu) et dans les objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération concernées.

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Postulat 6:

Reconnaître les entreprises proches de la Confédération comme des «sociétés d'intérêt public» au sens de la LSR (chap. 8.2.4)

Le Conseil fédéral est chargé d'examiner l'opportunité d'une adaptation de l'art. 2, let. c, de la Loi sur la surveillance de la révision (LSR), afin que toutes les entreprises proches de la Confédération soient désormais considérées comme des «sociétés d'intérêt public» ou du moins traitées comme telles.

Recommandation 1:

Adaptation des objectifs stratégiques de la Poste concernant CarPostal (chap. 5.2.2)

Le Conseil fédéral est invité à adapter dès que possible les objectifs stratégiques de la Poste concernant CarPostal. Dans ce cadre, il est invité en particulier à examiner les options suivantes: délier CarPostal de l'obligation d'augmenter la valeur de l'entreprise ou de réaliser un rendement conforme à la branche, ou ancrer explicitement dans les objectifs stratégiques le fait qu'un rendement proche de zéro est attendu dans le domaine subventionné.

Recommandation 2:

Clarifications relatives à la période avant 2007 (chap. 6.2.3)

A l'issue de la procédure pénale administrative menée par fedpol concernant CarPostal, le Conseil fédéral est invité à mandater une enquête approfondie portant sur les circonstances expliquant l'introduction des pratiques comptables illicites chez CarPostal avant 2007 et les responsabilités y relatives.

Recommandation 3:

Flux financiers entre CarPostal Suisse et CarPostal France (chap. 7.3)

Une fois que la procédure pénale administrative menée par fedpol au sujet de CarPostal sera close, le Conseil fédéral est invité à s'assurer que la question des flux financiers entre CarPostal Suisse et sa filiale française soit approfondie, que les responsabilités liées à cet aspect soient établies et que toutes les mesures nécessaires soient prises.

Recommandation 4:

Nouveau système de surveillance sur le TRV subventionné (chap. 8.1.1)

4.1 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer qu'une attention particulière soit accordée, dans le cadre du développement du nouveau système de surveillance sur le TRV subventionné, aux aspects suivants: compétences des collaborateurs de l'OFT, indépendance des collaborateurs de l'office vis-à-vis des entreprises, examen des activités annexes des entreprises, vérification des chiffres livrés par les entreprises, méthodologie transparente de définition des risques, documenta-

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tion relative à l'interprétation des bases légales, responsabilité des organes de révision externe.

4.2 Le Conseil fédéral est invité à examiner si une séparation structurelle plus claire serait souhaitable, au sein de l'OFT, entre les rôles de commande et de surveillance du TRV subventionné.

4.3 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'OFT développe un système de monitorage des signalements qui lui sont transmis par d'autres organes dans le domaine du TRV.

4.4 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les interfaces entre l'OFT et les autorités cantonales compétentes soient identifiées et réglées dans le cadre du nouveau système de surveillance.

Recommandation 5:

Eléments de l'activité des entreprises considérés comme stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire (chap. 8.2.2.2)

Le Conseil fédéral est invité à élaborer des critères et une catégorisation afin de déterminer quels éléments de l'activité des entreprises proches de la Confédération sont considérés comme «stratégiques pour la Confédération en tant que propriétaire». Ces éléments seront soumis à un suivi plus étroit par le Conseil fédéral, les départements propriétaires et l'AFF; ils figureront notamment systématiquement à l'ordre du jour des entretiens trimestriels avec les entreprises.

Recommandation 6:

Identification et traitement des conflits d'objectifs (chap. 8.2.2.4)

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les conflits d'objectifs (internes et externes) auxquels sont confrontées les entreprises proches de la Confédération soient identifiés et traités de manière adéquate. Cet aspect sera pris en charge par la nouvelle délégation permanente du Conseil fédéral consacrée aux entreprises proches de la Confédération. Une attention particulière sera en outre portée à ces aspects dans le cadre des entretiens périodiques avec les entreprises ainsi que lors du renouvellement des objectifs stratégiques.

Recommandation 7:

Consultation des autorités de surveillance sectorielle au sujet des objectifs stratégiques (chap. 8.2.2.4)

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que, lors de l'élaboration ou du renouvellement des objectifs stratégiques des entreprises proches de la Confédération, les autorités de surveillance sectorielle concernées soient systématiquement consultées, afin qu'elles puissent lui signaler d'éventuels conflits d'objectifs. Le cas échéant, des adaptations seront apportées aux objectifs stratégiques afin d'éviter toute confusion.

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Recommandation 8:

Respect par les entreprises de la législation sur l'archivage (chap. 8.2.2.5)

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que l'ensemble des établissements fédéraux autonomes soumis à la législation sur l'archivage respectent à l'avenir celle-ci de manière scrupuleuse, et que cet aspect soit mentionné de manière adéquate au sein des objectifs stratégiques des entreprises.

Recommandation 9:

Entretiens entre le propriétaire et les entreprises (chap. 8.2.2.6)

Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que la future délégation consacrée aux entreprises proches de la Confédération soit informée régulièrement par ses membres des aspects essentiels issus des échanges informels réalisés avec les entreprises, et que cette délégation détermine si ces informations doivent être officialisées dans le cadre des entretiens trimestriels «formels», et/ou si une information doit être transmise au Conseil fédéral.

Recommandation 10:

Instruments internes de surveillance des entreprises (chap. 8.2.2.7)

10.1 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que les objectifs stratégiques de toutes les entreprises proches de la Confédération mentionnent l'existence des instruments de surveillance suivants: système de gestion des risques, système de contrôle interne, système de gestion de la conformité. Pour chacun de ces instruments, le Conseil fédéral est invité à inclure dans les objectifs stratégiques une disposition relative à l'information du propriétaire et à définir des indicateurs de contrôle.

10.2 Le Conseil fédéral est en outre invité à définir clairement quelles informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises doivent être transmis au propriétaire, sous quelle forme et avec quel degré de détail, et à ancrer ensuite cet aspect dans les objectifs stratégiques.

10.3 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente des principales informations issues des instruments internes de surveillance des entreprises, notamment en ce qui concerne la situation financière des entreprises.

10.4 Le Conseil fédéral est enfin invité à procéder, à l'issue de la période stratégique actuelle, à un bilan concernant les objectifs stratégiques relatifs aux risques et leurs indicateurs de contrôle, afin de déterminer si ceux-ci doivent être adaptés ou complétés.

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Recommandation 11:

Structures de conduite des filiales des entreprises (chap. 8.2.2.8)

Le Conseil fédéral est invité à examiner si les structures de conduite au sein des filiales des entreprises proches de la Confédération sont adéquates et si des directives générales devraient être établies à ce sujet.

Recommandation 12:

Filiales les plus importantes des entreprises (chap. 8.2.2.8)

12.1 Le Conseil fédéral est invité à définir quelles filiales des entreprises proches de la Confédération revêtent une importance stratégique pour le propriétaire et à soumettre celles-ci à un suivi renforcé de la part des départements compétents. Dans ce cadre, une attention particulière sera portée aux filiales et coopérations étrangères des entreprises.

12.2 Le Conseil fédéral est invité à s'assurer que le rapport sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises, remis annuellement au Parlement, fasse état de manière transparente de la situation des filiales des entreprises qui revêtent une importance stratégique pour la Confédération en tant que propriétaire.

12.3 Le Conseil fédéral est invité à vérifier quelles mesures permettraient de garantir une meilleure transparence concernant la situation financière des filiales des entreprises proches de la Confédération et de faire part des résultats de son examen.

Recommandation 13:

Mesures à disposition de la Confédération en cas de crise au sein des entreprises (chap. 8.2.2.9)

Le Conseil fédéral est invité à établir, sur la base de la législation en vigueur, un inventaire des instruments à disposition de la Confédération lors de situations de crise au sein des entreprises dont elle est propriétaire, définissant également les processus et responsabilités dans de telles situations. Il est invité à se référer à cet inventaire lors de situations de crise futures. L'élaboration de cet inventaire sera confiée à la délégation permanente du Conseil fédéral chargée des entreprises proches de la Confédération.

Recommandation 14:

Coordination entre le propriétaire et les autorités de surveillance sectorielle (chap. 8.2.3.1)

14.1 Le Conseil fédéral est invité à faire en sorte que les échanges entre les départements propriétaires et l'AFF, d'un côté, et les autorités de surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération, de l'autre, soient renforcés et clairement documentés.

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14.2 Le Conseil fédéral est invité à inclure, en annexe de son rapport annuel sur l'atteinte des objectifs stratégiques des entreprises adressé au Parlement, un chapitre présentant les principales informations pertinentes pour l'atteinte des objectifs qui lui ont été communiquées par les autorités de surveillance sectorielles.

Recommandation 15:

Transparence des entreprises vis-à-vis des autorités de surveillance sectorielle (chap. 8.2.3.2)

Le Conseil fédéral est invité à prendre des mesures afin que les autorités de surveillance sectorielle sur les entreprises proches de la Confédération aient en tout temps accès à l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice de leur mandat légal. Le Conseil fédéral est en outre invité à examiner si la transparence visà-vis des autorités de surveillance sectorielle devrait être explicitement mentionnée dans les objectifs stratégiques des entreprises.

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