20.060 Message concernant la modification de la loi fédérale sur les stupéfiants (Médicaments à base de cannabis) du 24 juin 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2018

M 18.3389

Prescription médicale de cannabis aux malades chroniques. Réduction de la bureaucratie et des coûts de la santé(N 19.9.2018, CSSS-N; E 12.3.2020)

2018

M 18.3148

Culture et exportation de cannabis médical (N 15.6.2018, Markwalder; E 12.3.2020)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 juin 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-0862

5875

Condensé Le présent projet vise essentiellement à lever l'interdiction légale de commercialiser, à des fins médicales, des stupéfiants ayant des effets de type cannabique en vue de simplifier leur utilisation. L'interdiction du cannabis destiné à un usage non médical sera quant à elle maintenue. Une collecte de données limitée dans le temps sera réalisée afin d'acquérir des connaissances quant à l'application médicale des médicaments à base de cannabis.

Contexte Selon l'actuelle loi sur les stupéfiants (LStup), les stupéfiants ayant des effets de type cannabique ne peuvent être ni cultivés, ni importés, ni fabriqués ou mis dans le commerce. Toute application médicale du cannabis dans le cadre du système de contrôle ordinaire du droit des stupéfiants est par conséquent exclue.

En vertu de l'art. 8, al. 5, LStup, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) peut notamment accorder des autorisations exceptionnelles pour la mise dans le commerce de stupéfiants interdits pour autant qu'ils soient utilisés pour la recherche scientifique, le développement de médicaments ou une application médicale limitée, dès lors que cela ne va à l'encontre d'aucune convention internationale.

En revanche, aucune autorisation exceptionnelle de l'OFSP n'est requise pour l'utilisation, dans le cadre de l'application prévue, de stupéfiants autorisés comme médicaments. À ce jour, un seul médicament à base de cannabis a obtenu une autorisation de Swissmedic. Aucun ne figure sur la liste des spécialités de l'OFSP et n'est par conséquent remboursé par l'assurance obligatoire des soins (AOS).

Conformément au droit des produits thérapeutiques et au droit de l'assurancemaladie, un médicament ne peut être autorisé et remboursé que si son efficacité a été démontrée scientifiquement. S'il existe des preuves limitées de l'efficacité du cannabis dans les traitements des maladies chroniques, des nausées liées à la chimiothérapie et des spasmes associés à la sclérose en plaques, les données disponibles sont globalement insuffisantes, comme le montre le rapport du Conseil fédéral en exécution de la motion Kessler (14.4164).

En dépit des obstacles administratifs et financiers, le nombre de demandes d'autorisation exceptionnelle déposées par des médecins pour la prescription des médicaments à base cannabis dispensés d'autorisation ne
cesse de croître. Du point de vue actuel, ce système se révèle très lourd pour tous les acteurs impliqués et ne semble plus approprié sur plusieurs aspects importants.

Le Conseil fédéral souhaite tenir compte de l'évolution de la situation et régler l'incohérence entre le recours croissant au cannabis utilisé à des fins médicales et la classification de cette substance comme stupéfiant interdit. En adoptant le rapport rédigé en exécution de la motion Kessler (14.4164) le 4 juillet 2018, il a chargé le Département fédéral de l'intérieur (DFI) de soumettre un projet de consultation en ce sens.

5876

Contenu du projet La révision législative prévue est destinée à apporter les améliorations qui permettront de mieux exploiter le potentiel thérapeutique et palliatif du cannabis en tant que médicament et de le rendre accessible aux malades tout en limitant au maximum la charge administrative correspondante. Elle reprend les principaux éléments de la décision du Conseil fédéral du 4 juillet 2018 et intègre les demandes des interventions politiques en suspens au sujet de l'utilisation médicale du cannabis (motion Markwalder 18.3148, motion de la Commission de la sécurité social et de la santé publique du Conseil national [CSSS-N] 18.3389).

La réglementation proposée prévoit de lever dans la LStup l'interdiction de commercialiser du cannabis à des fins médicales en vue de simplifier son utilisation.

Ainsi, les médicaments à base de cannabis ne nécessiteront plus d'autorisation exceptionnelle de l'OFSP. Aucune adaptation du droit des produits thérapeutiques n'est nécessaire pour atteindre les buts de la révision.

Une collecte de données relative aux traitements médicaux à base de cannabis devra par ailleurs être réalisée. Dans ce cadre, les médecins traitants seront tenus de transmettre à l'OFSP les données requises. L'objectif est de suivre l'évolution de l'application de médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation et surtout d'acquérir des connaissances quant à leur sécurité. Les données collectées serviront l'évaluation scientifique des mesures proposées dans la présente révision et servirons de cadre de référence aux autorités cantonales et aux médecins prescripteurs.

Conformément à la décision du Conseil fédéral, la question de la prise en charge des médicaments à base de cannabis a été retirée du projet. La possibilité d'un remboursement (partiel) par l'AOS (ou par une autre source de financement) sera examinée séparément par le DFI.

L'utilisation du cannabis à des fins non médicales n'est pas non plus concernée par la présente modification. Cette question est traitée dans un projet séparé que le Conseil fédéral a transmis au Parlement le 27 février 2019 et qui prévoit de créer dans la LStup une base légale limitée dans le temps permettant de mener des essais pilotes scientifiques pour expérimenter de nouvelles formes de réglementation de l'usage du cannabis au sein de la société.

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Table des matières Condensé

5876

1

Contexte 1.1 Réglementation des médicaments à base de cannabis en Suisse 1.1.1 Évolution du droit des stupéfiants 1.1.2 Droit en vigueur 1.2 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2.1 Généralités 1.2.2 Délimitation 1.3 Solutions étudiées et solution retenue 1.4 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.5 Classement d'interventions parlementaires 1.5.1 Motion de la CSSS-N (18.3389) 1.5.2 Motion Markwalder (18.3148)

5880 5880 5880 5881 5885 5885 5886 5887

2

Procédure de consultation 2.1 Projet de consultation 2.2 Synthèse des résultats de la procédure de consultation 2.3 Évaluation des résultats de la consultation

5890 5890 5891 5892

3

Comparaisons avec le droit étranger, notamment européen 3.1 États membres de l'Union Européenne 3.2 Autres États 3.3 Conventions des Nations Unies

5893 5893 5894 5895

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Modifications au niveau du droit des stupéfiants 4.1.2 Droit des produits thérapeutiques 4.1.3 Loi sur l'imposition du tabac 4.2 Mise en oeuvre 4.2.1 Ordonnance sur le contrôle des stupéfiants 4.2.2 Ordonnance sur les tableaux des stupéfiants 4.2.3 Ordonnance du DEFR sur les semences et plants 4.2.4 Droit des stupéfiants et droit des produits thérapeutiques 4.2.5 Recommandations de traitement 4.2.6 Examen du financement des médicaments à base de cannabis 4.2.7 Droit de la circulation routière

5896 5896 5897 5898 5898 5898 5898 5899 5900 5900 5901

Commentaire des dispositions

5903

5

5878

5889 5889 5889 5889

5902 5902

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6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et la Principauté de Liechtenstein 6.2.1 Conséquences pour les cantons 6.2.2 Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences sociales 6.5 Autres conséquences

5909 5909 5910 5910 5910 5911 5912 5912

7

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Délégation de compétences législatives 7.6 Protection des données

5912 5912 5913 5913 5913 5913 5914

Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (Loi sur les stupéfiants, LStup) (Projet)

5915

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Message 1

Contexte

1.1

Réglementation des médicaments à base de cannabis en Suisse

1.1.1

Évolution du droit des stupéfiants

Le cannabis a été classé comme stupéfiant interdit lors de la révision du 1 er août 19751 de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)2. Depuis, les stupéfiants ayant des effets de type cannabique sont soumis à une interdiction totale de commercialisation. Contrairement aux stupéfiants soumis à contrôle, tels que la cocaïne, le fentanyl, la méthadone ou la morphine, qui peuvent être commercialisés de manière limitée à des fins médicales ou scientifiques dans le cadre du système de contrôle prévu par le droit des stupéfiants (cf. art. 4 ss et 9 ss LStup; tableau a de l'annexe 2 de l'ordonnance du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants [OTStup-DFI]3), les stupéfiants interdits sont ainsi considérés, par principe, comme non utilisables à des fins médicales ou scientifiques.

Si la révision de la LStup de 1975 permettait à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) d'accorder des autorisations exceptionnelles pour l'application médicale limitée de stupéfiants interdits, cela ne concernait que l'héroïne (la diacétylmorphine et ses sels) et les hallucinogènes tels que le LSD: l'application médicale limitée des stupéfiants ayant des effets de type cannabique demeurait quant à elle impossible.

Après l'échec de la révision partielle de 20014, la révision partielle (remaniée) de la LStup a finalement été adoptée par le Parlement en mars 20085; elle est entrée en vigueur en 2011. Mais bien qu'il reconnaisse depuis une utilité médicale au cannabis6, le législateur n'a toujours pas levé l'interdiction légale de commercialisation dont celui-ci fait l'objet. En d'autres termes, il ne considère plus le cannabis comme n'étant «pas un médicament» et ne jouant «aucun rôle en médecine»7; il continue toutefois d'en exclure expressément la culture, la fabrication, l'importation et la mise dans le commerce, y compris à des fins médicales, dans le cadre du système d'autorisation et de contrôle prévu à cet effet (cf. art. 4, al. 1, et 8, al. 1, let. d, LStup)8. Cela en raison du caractère jugé insuffisant des recherches scientifiques

1 2 3 4 5 6 7 8

RO 1975 1220; FF 1973 I 1303 RS 812.121 RS 812.121.11 FF 2001 3631 ss FF 2006 8141 Rapport de la CSSS-N du 4.5.2006 relatif à la révision partielle de la LStup, ch. 2.2, p. 8155, ch. 2.3.5, p. 8157 et 8174 s. (FF 2006 8141) Cf. message relatif à la révision de la LStup de 1973, FF 1973 I 1303 1309 s.; révisé dans le rapport de la CSSS-N du 4.5.2006, FF 2006 8141, ch. 3.1.10.2, p. 8174.

Rapport du Conseil fédéral du 4.7.2018 «Traiter les personnes gravement malades avec du cannabis» en réponse à la motion Kessler (14.4164) du 11.12.2014, p. 21 s. (cf. curia vista: www.parlement.ch > 14.4164 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire).

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menées sur l'utilité médicale du cannabis, du risque d'abus lié à cette substance et de son fort attrait pour le marché illicite9.

1.1.2

Droit en vigueur

L'utilisation de médicaments à base de stupéfiants ayant des effets de type cannabique (médicaments à base de cannabis) concerne principalement les champs d'application de trois domaines juridiques et présente donc des recoupements entre le droit des stupéfiants, le droit des produits thérapeutiques et le droit de l'assurancemaladie. Elle concerne aussi à la marge le droit de l'agriculture pour ce qui a trait à la mise en circulation de semences et de plants pour la culture commerciale de cannabis destiné à une utilisation médicale. Enfin, il y a également lieu de tenir compte du droit de la circulation routière, en particulier s'agissant de la capacité à conduire sous l'emprise de médicaments à base de cannabis.

Droit des stupéfiants Selon l'interdiction de commercialisation prévue à l'art. 8, al. 1, let. d, LStup, les stupéfiants ayant des effets de type cannabique, à savoir notamment les plantes de chanvre et parties de plantes de chanvre présentant une teneur totale moyenne en THC de 1,0 % au moins10, ne peuvent être, par principe, ni cultivés, ni importés, ni fabriqués, ni mis dans le commerce. Par conséquent toute utilisation médicale dans le cadre du système d'autorisation et de contrôle ordinaire prévu par le droit des stupéfiants (cf. art. 4 ss LStup) est exclue.

Cependant, en vertu de l'art. 8, al. 5, LStup, l'OFSP peut accorder des autorisations exceptionnelles pour la culture, l'importation, la fabrication ou la mise dans le commerce de substances interdites pour autant qu'elles soient utilisées pour la recherche scientifique, le développement de médicaments ou une application médicale limitée, dès lors que cela ne va à l'encontre d'aucune convention internationale.

Cette disposition permet de déroger au régime légal (c.-à-d. au principe d'interdiction du cannabis posé par l'art. 8, al. 1, let. d, LStup) au cas par cas, de manière à pouvoir éviter tout excès de rigidité et autre situation manifestement inappropriée.

En revanche, elle ne crée aucun droit automatique à l'attribution d'une autorisation exceptionnelle. La décision d'octroi est en effet laissée à la libre appréciation de l'OFSP11.

L'OFSP peut ainsi accorder des autorisations exceptionnelles pour des stupéfiants ayant des effets de type cannabique lorsque ces derniers servent à une application médicale limitée et sont donc utilisés comme médicaments conformément aux conditions énumérées ci- après. Selon l'art. 28, al. 1, let. d, de l'ordonnance du 9 10 11

Cf. rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 4.5.2006, FF 2006 8141.

Cf. annexe 5 de l'OTStup-DFI.

Thomas Fingerhuth, Stephan Schlegel, Oliver Jucker, Kommentar BetmG, 3e éd., Zurich 2016, art. 8 N 33; Gustav Hug-Beeli, Betäubungsmittelgesetz (BetmG): Kommentar zum Bundesgesetz über die Betäubungsmittel und die psychotropen Stoffe vom 3. Oktober 1951, Bâle 2016, art. 8 N 54

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25 mai 2011 relative à l'addiction aux stupéfiants (OAStup)12, ces autorisations exceptionnelles d'application médicale limitée sont délivrées aux médecins traitants, qui se chargent alors de prescrire les médicaments à base de cannabis concernés aux patients afin que ceux-ci puissent se les faire remettre dans le cadre du droit des produits thérapeutiques. L'octroi d'une autorisation d'application médicale limitée d'un stupéfiant interdit est par ailleurs subordonné à la fourniture d'une déclaration écrite préalable du patient concerné, par laquelle celui-ci consent à ladite application (cf. art. 28, al. 2, let. d, OAStup).

Une autorisation exceptionnelle d'application médicale limitée peut être accordée si les conditions suivantes sont remplies: ­

le patient concerné souffre d'une maladie généralement incurable,

­

la prise du stupéfiant interdit peut atténuer sa souffrance,

­

les options thérapeutiques existantes ont toutes été épuisées ou il n'existe pas d'autre solution de traitement, et

­

la remise du stupéfiant interdit permet au patient de bénéficier notamment d'une plus grande autonomie de vie en évitant, par exemple, le recours à un traitement stationnaire13.

Il n'existe actuellement aucune base légale qui permette d'exporter d'importantes quantités de médicaments à base de cannabis à des fins d'application médicale générale. La volonté du Conseil fédéral et du Parlement, lorsqu'ils ont étendu la possibilité d'accorder des autorisations exceptionnelles au sens de l'art. 8, al. 5, LStup pour le cannabis également, était en effet de faire en sorte que cette substance puisse elle aussi être autorisée en Suisse, mais seulement pour une application médicale limitée au cas par cas 14. Il est ainsi impossible, de par le caractère restrictif de sa formulation, de s'appuyer sur l'art. 8, al. 5, LStup pour autoriser la fabrication et la mise dans le commerce de médicaments à base de cannabis à des fins d'application médicale générale, c'est-à-dire non limitée au cas par cas, notamment dans les pays étrangers où l'application médicale limitée n'est pas prévue.

Droit des produits thérapeutiques La législation sur les produits thérapeutiques impose une obligation générale d'autorisation, faisant que tout médicament prêt à l'emploi doit avoir été autorisé par Swissmedic pour pouvoir être mis sur le marché (art. 9, al. 1, de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques, LPTh)15.

Pour faire autoriser un médicament en Suisse, il faut déposer une demande et apporter dans ce cadre la preuve que le médicament en question est de qualité, sûr et efficace (art. 10, al. 1, LPTh). Et pour pouvoir déposer une demande pour un médicament contenant un nouveau principe actif, il faut compter en moyenne plus de dix 12 13

14 15

RS 812.121.6 Rapport sur la prescription médicale, 13 ss, rapport explicatif concernant l'OCStup/l'OAStup, p. 34 s. dans Fingerhuth/Schlegel/Jucker, N 39 concernant l'art. 8 LStup Rapport de la CSSS-N du 4.5.2006, FF 2006 8141, ch. 3.1.10.2, p. 8174, passage concernant les al. 1, let d, et 5; pas d'avis divergent de la part du Conseil fédéral RS 812.21

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ans de développement préalable. Le Sativex®, utilisé pour traiter la spasticité modérée à sévère chez les patients souffrant de sclérose en plaques, est ainsi à ce jour le seul médicament à base de cannabis que Swissmedic ait autorisé. Aux États-Unis, on trouve aussi sur le marché, en plus du Sativex®, du 9-THC de synthèse (dronabinol) en capsules (Marinol®) et en solution orale (Syndros®).

La législation sur les produits thérapeutiques prévoit aussi que certains médicaments peuvent être mis sur le marché sans avoir été autorisés (cf. art. 9, al. 2, LPTh); il s'agit notamment de médicaments fabriqués selon une formule magistrale, c'est-àdire fabriqués en application d'une ordonnance médicale dans une officine publique ou une pharmacie d'hôpital et destinés à une personne ou à un cercle de personnes déterminé (art. 9, al. 2, let. a, LPTh). L'utilisation de ces médicaments dispensés d'autorisation est néanmoins subordonnée à des conditions restrictives. Elle n'entre pour l'essentiel en ligne de compte que pour assurer l'approvisionnement lorsqu'aucun médicament autorisé n'est disponible. Les médicaments à base de cannabis fabriqués par une pharmacie selon une formule magistrale, en application d'une ordonnance médicale, doivent de surcroît disposer d'une autorisation exceptionnelle de l'OFSP telle qu'exigée par le droit des stupéfiants (art. 8, al. 5, LStup). Ce même type d'autorisation est d'ailleurs aussi nécessaire pour les médicaments autorisés (comme le Sativex®) qui sont remis pour une autre indication que celle autorisée ou utilisés sous une forme galénique non autorisée.

Pour les stupéfiants qui sont utilisés comme produits thérapeutiques, ce sont les dispositions de la loi sur les produits thérapeutiques qui s'appliquent, y compris lorsque ces stupéfiants sont mis dans le commerce sur autorisation exceptionnelle au sens du droit des stupéfiants (art. 2, al. 1, let. b, LPTh). Les dispositions de la LStup ne sont quant à elles applicables que dans les cas où la LPTh ne prévoit aucune réglementation ou en prévoit une moins étendue (art. 1b, 2e phrase, LStup). C'est donc aussi la LPTh qui dicte la norme sanitaire minimale à respecter pour les stupéfiants qui sont utilisés comme médicaments dispensés d'autorisation (cf. art. 1 LPTh).

Droit de l'assurance-maladie Un médicament ne peut être
remboursé par l'assurance obligatoire des soins (AOS) que s'il figure sur la liste des spécialités (LS) (cf. art. 52, al. 1, let. b, de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie [LAMal]16). Et il ne peut figurer sur cette liste que si, d'une part, il a été autorisé par Swissmedic conformément au droit des produits thérapeutiques et que, d'autre part, la preuve de son efficacité, de son adéquation et de son économicité (critères EAE) a été apportée (art. 65, al. 3, de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie [OAMal]17). Actuellement, aucun médicament à base de cannabis ne figure sur la LS. Les médicaments dispensés d'autorisation (entre autres les formules magistrales au sens de l'art. 9, al. 2, let. a, LPTh) ne sont généralement remboursés par l'AOS que lorsque les préparations, principes actifs et excipients utilisés dans leur composition figurent aussi sur la liste des médicaments avec tarif (LMT). Les dispositions relatives à la LS 16 17

RS 832.10 RS 832.102

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s'appliquent par analogie à l'admission dans la LMT (art. 63, al. 2, OAMal). Pour l'heure, aucun composant ou produit issu du cannabis n'a été admis dans celle-ci.

De manière générale, l'efficacité des médicaments à base de cannabis n'est démontrée que de manière limitée. Il existe certaines preuves, en particulier pour ce qui est du traitement des douleurs chroniques, des nausées liées aux chimiothérapies et des spasmes dus à la sclérose en plaques. Les études disponibles sont extrêmement hétérogènes et portent sur des indications, préparations et types d'application variables.

Or il ne suffit pas de disposer de quelques études fondamentales isolées pour satisfaire aux exigences fixées pour le remboursement. L'évaluation de l'efficacité des médicaments doit en effet être fondée, conformément aux exigences liées à l'autorisation prévue par le droit des produits thérapeutiques, sur des études cliniques contrôlées (art. 65a OAMal).

Actuellement, la prise en charge par l'AOS de médicaments à base de cannabis est possible à titre exceptionnel, et dans certains cas particuliers, conformément aux art. 71a ss OAMal. Le contrôle au cas par cas du respect des critères énoncés dans ces dispositions incombe à l'assureur-maladie, qui doit ce faisant consulter le médecin-conseil.

En résumé, on peut dire que les médicaments à base de cannabis ne sont pas remboursés par l'AOS faute de preuves de leur efficacité.

Droit agricole La mise en circulation de semences et de plants à des fins d'utilisation agricole et horticole est régie par la législation sur les variétés et sur les semences (ordonnance du 7 décembre 1998 sur le matériel de multiplication18).

La mise en circulation de semences et de plants de l'espèce cultivée du chanvre (Cannabis sativa L.) en vue d'une exploitation commerciale agricole est soumise à certaines conditions en matière d'identité, de qualité et de santé végétale. Ces conditions font l'objet d'un contrôle officiel, respectivement d'un contrôle soumis à une surveillance officielle, dans le cadre du processus de multiplication.

Les variétés de chanvre sont ainsi soumises à une procédure d'autorisation de mise sur le marché qui vise à déterminer si leur huile et leurs fibres se prêtent à une exploitation industrielle. Les principaux critères contrôlés lors de cet examen correspondent
à des caractéristiques de rendement et de qualité, à la sensibilité aux maladies, à la teneur en THC, qui doit être inférieure à 0,3 %, et au rapport THC/CBD, qui doit pour sa part être inférieur à 1 (annexe 2, chap. D, tableau 4, de l'ordonnance du DEFR du 7 décembre 1998 sur les semences et plants19). L'ordonnance du 12 juin 2013 sur les variétés20 et le catalogue commun des variétés de l'Union européenne contiennent toutes les variétés de chanvre dont des semences et des plants peuvent être produits et mis en circulation en Suisse à des fins d'utilisation agricole ou horticole. Il s'agit exclusivement de variétés dont l'huile et les fibres sont destinées à une exploitation industrielle.

18 19 20

RS 916.151 RS 916.151.1 RS 916.151.6

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La législation sur les variétés et les semences ne prévoit aucune exception à cette règle pour le cannabis destiné à des fins médicales.

Droit de la circulation routière À la différence des dispositions applicables aux autres conducteurs, la présence attestée de THC dans le sang ne suffit pas, à elle seule, à établir sur le plan juridique l'incapacité de conduire des personnes qui prennent des médicaments à base de cannabis sur prescription médicale (art. 2, al. 2ter, de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière21). Lorsque, dans le cas concret, les effets secondaires des médicaments à base de cannabis altèrent la capacité de conduire, des conséquences juridiques sont toutefois possibles, comme pour tous les médicaments, au moment de la constatation des faits par la police. Conformément à la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)22, la capacité (art. 31, al. 2, LCR) et l'aptitude à conduire (art. 14, al. 2, LCR) doivent quoi qu'il en soit être attestées.

1.2

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.2.1

Généralités

Lors de la révision partielle de la LStup de 2008, le législateur est parti du principe que de plus en plus de médicaments prêts à l'emploi à base de cannabis allaient être développés et autorisés en vertu du droit des produits thérapeutiques, et que l'application médicale limitée du cannabis au sens de l'art. 8, al. 5, LStup resterait par conséquent marginale23. Mais cela ne s'est pas vérifié.

Sachant que, à ce jour, un seul médicament à base de cannabis a été autorisé en vertu du droit des produits thérapeutiques, la plupart des traitements médicaux reposant sur des médicaments prêts à l'emploi à base de cannabis ont lieu sur autorisation exceptionnelle de l'OFSP, dans le cadre du système prévu par le droit des stupéfiants. Si ce système est désormais bien établi, il se révèle très lourd pour tous les acteurs impliqués et ne semble plus approprié sur plusieurs aspects importants. Le nombre d'autorisations initiales accordées a atteint un total de 7575 en sept ans (2012 ­ 2018)24 et augmente d'année en année. Cela ne correspond plus au caractère exceptionnel que l'application médicale limitée est censée revêtir selon la LStup.

Sans compter qu'une grande partie des patients qui rempliraient les conditions pour bénéficier d'une autorisation exceptionnelle utilisent en «automédication» du cannabis acheté illégalement25.

21 22 23 24 25

RS 741.11 RS 741.01 Rapport de la CSSS-N relatif à la révision partielle de la LStup; FF 2006 8141 8174 Si on ajoute les autorisations de prolongation de thérapie aux autorisations initiales, on obtient même, pour cette période, un total de 12 155.

Wenger, A. & Schaub, M. (2019). Cannabiskonsum: Rekreative oder medizinische Beweggründe. Befragung von Betroffenen. Schweizer Institut für Sucht- und Gesundheitsforschung, Zurich

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Il y a une certaine contradiction entre, d'une part, la demande croissante de traitements de la part des patients, les expériences cliniques rapportées par les médecins et, d'autre part, l'insuffisance des preuves scientifiques relatives à l'efficacité des médicaments à base de cannabis. Ce manque de preuves pourrait notamment s'expliquer par les efforts de recherche clinique relativement limités de l'industrie pharmaceutique dans le domaine; ils n'ont en effet été intensifiés que récemment.

Le Conseil fédéral souhaite tenir compte de l'évolution de la situation et en finir avec ce paradoxe où le cannabis est de plus en plus utilisé médicalement mais continue d'être considéré comme un stupéfiant interdit. En juillet 2018, il a donc demandé au Département fédéral de l'intérieur (DFI) d'élaborer un projet de consultation en vue d'une révision de la LStup allant dans ce sens et répondant aux objectif suivants: avant toute chose, lever l'interdiction légale de commercialiser des stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales, en tenant compte des obligations découlant du droit international (à savoir en définissant aussi un système de contrôle approprié) et, au vu du manque d'autorisations accordées dans le cadre du droit des produits thérapeutiques, simplifier et élargir l'utilisation des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation.

La révision législative qui est visée est destinée à établir les bases et apporter les améliorations qui permettront d'exploiter le potentiel thérapeutique et palliatif du cannabis en tant que médicament et de le rendre accessible aux malades tout en limitant au maximum la charge administrative correspondante.

1.2.2

Délimitation

L'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins «récréatives», c'est-à-dire non médicales, n'est pas concernée par le projet qui est présenté.

Cette question est traitée dans un projet séparé que le Conseil fédéral a transmis au Parlement le 27 février 2019 suite à plusieurs interventions parlementaires 26 et qui prévoit de créer dans la LStup une base légale limitée dans le temps permettant de mener des essais pilotes scientifiques, limités en termes d'espace, de temps et de contenu, pour expérimenter de nouvelles formes de réglementation de l'usage de cannabis au sein de la société. Les essais pilotes visent à obtenir des données scientifiquement étayées pouvant servir de base décisionnelle dans la perspective d'une éventuelle modification ultérieure de la législation27.

Le projet ne concerne pas non plus directement la prise de cannabis en automédication, c'est-à-dire hors traitement médical, ni la culture de cannabis destiné à l'utilisation personnelle pour des raisons de santé. La prise de cannabis sans le suivi d'un médecin n'est pas considérée comme un usage à des fins médicales et doit demeurer interdite. Néanmoins, en réduisant les obstacles à l'accès aux médicaments à base de cannabis prescrits médicalement, la nouvelle réglementation proposée devrait permettre de supprimer une des causes de l'automédication. À moyen terme, 26

27

Motions Sauter (17.4111), Barrile (17.4112), Rytz (17.4113), Bertschy (17.4114) et Zanetti Roberto (17.4210) «Études sur la remise contrôlée de cannabis. Créer un article relatif aux projets pilotes» Message du Conseil fédéral du 27 février 2019, FF 2019 2529

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FF 2020

la levée de l'interdiction devrait augmenter l'éventail de médicaments à base de cannabis avec divers spectres d'action et, partant, améliorer l'acceptation par les patients des préparations médicamenteuses prescrites. Les principales raisons pour lesquelles les patients recourent à l'automédication sont le coût plus élevé des médicaments à base de cannabis et leur effet jugé moins efficace par rapport aux produits illégaux.

Le remboursement des médicaments à base de cannabis ne fait pas partie du projet lui non plus. Les exigences en vigueur concernant la prise en charge par l'AOS doivent rester valables y compris pour ces médicaments (cf. à ce sujet le ch. 1.1.2).

Le Conseil fédéral a toutefois demandé au DFI d'examiner, dans un projet séparé, la possibilité d'un remboursement au moins partiel, par l'AOS ou par une autre source de financement, des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation (cf.

ch. 4.2.6).

Il convient en outre de faire une distinction entre les médicaments à base de cannabis tels qu'ils sont compris dans le cadre du projet et les préparations présentant une teneur totale en THC inférieure à 1,0 %, y compris celles contenant essentiellement du cannabidiol (CBD). Ces préparations n'étant pas soumises au droit des stupéfiants, ce dernier ne prévoit actuellement aucune interdiction de commercialisation les concernant.

En conséquence, la culture de chanvre CBD à des fins médicales, qui n'est pas soumise à la législation sur les stupéfiants, n'est pas réglée dans le cadre du présent projet. Cette question est traitée de manière indépendante par les services fédéraux compétents en la matière.

1.3

Solutions étudiées et solution retenue

Les travaux préparatoires du présent projet visaient à déterminer si la nouvelle réglementation devait faire l'objet d'un acte spécial en dehors du droit des stupéfiants, du droit des produits thérapeutiques et du droit de l'assurance-maladie afin de répondre aux défis spécifiques liés au cannabis. Si cette voie a été suivie par d'autres pays (p. ex. le Canada et son règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales), le Conseil fédéral ne juge cependant pas opportun de créer un «cas spécial» en médecine, considérant que les exigences définies dans les législations des produits thérapeutiques et de l'assurance-maladie doivent continuer de s'appliquer sans restriction aux médicaments à base de cannabis28. Les travaux ont en outre montré que les adaptations législatives requises pour remplir l'objectif de la nouvelle réglementation seraient minimes et circonscrites à la LStup. Une révision du droit des produits thérapeutiques n'est par conséquent pas nécessaire. Quant aux questions relatives au remboursement, qui relèvent du droit de l'assurance-maladie, elles ont été retirées du projet (cf. ch. 1.2.2).

28

Rapport du Conseil fédéral du 7.7.2018 «Traiter les personnes gravement malades avec du cannabis» en réponse à la motion Kessler (14.4164) du 11.12.2014, p. 21 s.

www.parlement.ch > 14.4164 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire

5887

FF 2020

Il s'est par ailleurs agi de clarifier la manière de lever l'interdiction de commercialisation des stupéfiants ayant des effets de type cannabique en vue de simplifier leur application à des fins médicales. La solution proposée consiste à lever, dans la LStup, l'interdiction de commercialiser du cannabis à des fins médicales et à maintenir cette interdiction en ce qui concerne l'usage non médical. Une réglementation similaire a déjà été introduite pour un autre stupéfiant, l'opium à fumer, qui demeure interdit à des fins non médicales (art. 8, al. 1, let. a, LStup)29.

Une option prévoyant la levée complète de l'interdiction du cannabis (abrogation de l'art. 8, al. 1, let. d, LStup) a également été étudiée. Dans ce cas, le cannabis dans son ensemble, et non uniquement celui destiné à une application médicale, aurait été déplacé, dans l'OTStup-DFI, du tableau d, annexe 5 (stupéfiants interdits) au tableau a, annexe 2 (substances soumises à contrôle qui peuvent être commercialisées de manière limitée). Étant donné que le tableau a OTStup-DFI n'autorise que l'utilisation médicale contrôlée, tout usage non médical demeurerait interdit (cas de la cocaïne). La variante retenue, qui maintient l'interdiction légale explicite du cannabis à des fins non médicales (et prévoit la levée sélective de cette interdiction), a été privilégiée au motif que l'autre solution risquerait d'être perçue, à tort, comme une légalisation du cannabis à usage non médical. De cette manière, le Parlement conserve la compétence de se prononcer sur une éventuelle nouvelle réglementation des substances interdites par la loi. La proposition d'établir une distinction nette entre le cannabis à usage médical et celui à usage non médical a par ailleurs été explicitement approuvée lors de la consultation (cf. ch. 2).

La Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (convention unique)30 prévoit des exigences spécifiques pour la culture de cannabis à des fins médicales, en particulier le contrôle et la documentation des quantités cultivées, récoltées et mises dans le commerce (cf. ch. 3.3). Dans certains pays, l'État met en oeuvre ces prescriptions soit en détenant le monopole de la culture soit en octroyant des licences à un ou plusieurs cultivateurs. Comme ces cas de figure seraient en contradiction avec l'ordre économique libéral de
la Suisse, le présent projet propose de soumettre, par voie d'ordonnance, la culture de cannabis au système d'autorisation et de contrôle bien établi prévu à l'art. 4 LStup.

L'introduction d'un système de déclaration obligatoire (comme en Allemagne) et la création d'un fonds destiné à encourager la recherche clinique contrôlée (comme au Danemark) ont par ailleurs été envisagées en vue d'améliorer les preuves concernant l'application médicale du cannabis. Étant donné que le développement de médicaments ne relève pas des tâches de la Confédération, la proposition de créer un fonds de promotion de la recherche financé par des subventions fédérales a une nouvelle fois été rejetée. L'idée de créer une base légale pour collecter des données sur les traitements avec des médicaments à base de cannabis a également été écartée dans le projet soumis à la consultation, car ce système ne fournirait que des informations très limitées sur l'efficacité du cannabis en tant que médicament. Il est cependant ressorti de la procédure de consultation que les cantons étaient favorables à l'intro29

30

Sur le plan chimique, l'opium à fumer visé par l'interdiction ne diffère pas de l'opium/opium brut soumis à contrôle et commercialisable à des fins médicales (tableau a de l'OTStup-DFI).

RS 0.812.121.0

5888

FF 2020

duction, pour une durée limitée, d'un tel dispositif (cf. ch. 2), impliquant l'obligation pour les médecins de communiquer certaines données, en particulier dans l'optique de suivre d'éventuels développements problématiques. Le projet de révision prévoit par conséquent la mise sur pied d'une collecte de données qui servira de base à l'évaluation de la modification de la loi.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet a été annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202331.

La présente modification de la loi sur les stupéfiants trouve son origine dans la motion Kessler (14.4164) et le rapport qui en découle, adopté le 7 juillet 2018 par le Conseil fédéral ainsi que dans les autres interventions parlementaires portant sur l'application médicale des stupéfiants ayant des effets de type cannabique, à savoir la motion Markwalder (18.3148) et la motion de la Commission de la sécurité social et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) (18.3389).

1.5

Classement d'interventions parlementaires

1.5.1

Motion de la CSSS-N (18.3389)

Le 16 mai 2018, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a déposé la motion «Prescription médicale de cannabis aux malades chroniques. Réduction de la bureaucratie et des coûts de la santé».

Cette motion, qui reprend les termes de l'initiative parlementaire Ammann (17.439), dont elle a par conséquent entraîné le retrait, charge le Conseil fédéral de «modifier les bases légales de sorte à permettre aux médecins de prescrire du cannabis médical aux malades chroniques» et de veiller en outre à «simplifier immédiatement les procédures, en assurant un suivi scientifique, à l'instar de ce qui se fait dans les pays voisins».

Sur recommandation du Conseil fédéral, la motion a été adoptée par le Conseil national et par le Conseil des États.

La nouvelle réglementation proposée répond aux demandes de la motion, laquelle peut donc être classée.

1.5.2

Motion Markwalder (18.3148)

La motion «Culture et exportation de cannabis médical» déposée le 13 mars 2018 par la conseillère nationale Christa Markwalder charge le Conseil fédéral «d'exa31

FF 2020 1709 1826

5889

FF 2020

miner comment autoriser, dans le cadre de la législation en vigueur, des demandes d'exportation de cannabis ou de préparations de cannabis à usage médical», et, «s'il s'avère qu'il n'est pas possible de les autoriser, [...] de présenter au plus tôt au Parlement la modification nécessaire de la loi sur les stupéfiants afin que la culture de cannabis à des fins médicales et l'exportation de cannabis médical ou de préparations de cannabis médicales soient autorisées.» Dans le développement de sa motion, la conseillère nationale invoque les débouchés économiques qu'une telle mesure ouvrirait pour les agriculteurs suisses.

Le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion. Dans son avis, il rappelle néanmoins que la législation sur les stupéfiants en vigueur ne permet pas l'exportation commerciale de cannabis à des fins médicales. Et propose donc au Parlement de profiter des travaux de révision en cours sur la réglementation de l'accès aux médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation pour apporter les modifications nécessaires à la loi, tout en tenant compte des obligations internationales relatives à la culture et à l'exportation de cannabis. La motion a été adoptée par le Conseil national et par le Conseil des États.

La nouvelle réglementation proposée répond aux demandes de la motion, laquelle peut donc être classée.

2

Procédure de consultation

Sur mandat du Conseil fédéral, le DFI a mené la procédure de consultation du 26 juin au 17 octobre 2019.

Sur les 118 parties consultées, 86 ont transmis une prise de position, parmi lesquelles les gouvernements de 25 cantons, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), l'Association des pharmaciens cantonaux (APC), 7 partis politiques (PBD, PDC, PLR, PS, PVL, UDC, UDF, Parti pirate), l'Union des villes suisses (UVS), l'Union suisse des paysans (USP), 49 autres organisations et associations et 2 particuliers.

2.1

Projet de consultation

L'avant-projet mis en consultation traitait des mêmes éléments-clés que le présent projet, en particulier la levée de l'interdiction légale de commercialiser, à des fins médicales, des stupéfiants ayant des effets de type cannabique. Il ne prévoyait toutefois aucune base légale pour la collecte des données relatives aux traitements médicaux avec des médicaments à base de cannabis. Ce dernier point a été ajouté sur la base des résultats de la consultation. Selon une récente jurisprudence, il n'y a par ailleurs plus lieu d'inscrire dans la loi l'exonération fiscale des médicaments à base de cannabis prescrits par des médecins, ainsi que cela avait été envisagé dans l'avant-projet (cf. ch. 4.1.3).

5890

FF 2020

2.2

Synthèse des résultats de la procédure de consultation

De manière générale, les participants à la consultation sont favorables à la modification de la LStup. Aucun d'eux ne rejette le projet dans son ensemble.

4 cantons approuvent le projet sans restriction, 21 font part de leur accord de principe mais formulent des réserves ou demandent des modifications. 1 canton ne s'est pas exprimé. Du côté des partis politiques, PBD, PDC, PLR, PS, PVL et UDF approuvent le projet. L'UDC y est également favorable, à quelques réserves près, tandis que le Parti pirate appelle à un remaniement global. L'UVS donne son assentiment sans restriction.

Un grand nombre de participants préconisent de distinguer le cannabis utilisé à des fins médicales de celui à usage non médical et par conséquent de maintenir l'interdiction de commercialiser du cannabis à des fins non médicales. Quelques-uns demandent au contraire de lever totalement l'interdiction du cannabis, indépendamment du but, ou tout au moins d'autoriser la culture personnelle à des fins médicales.

La majorité des cantons, la CDS, l'UVS et quelques organisations des domaines scientifique et sanitaire appellent à instaurer, durant les premières années suivant la mise en oeuvre de la révision, une collecte de données relatives au mode et au volume de l'utilisation des médicaments à base de cannabis. Cette collecte reposera sur une déclaration obligatoire.

Un grand nombre de cantons, la CDS, l'APC, l'UDC et quelques organisations du domaine de la santé voient d'un oeil critique l'utilisation médicale du cannabis sous forme de produits à fumer, attirant l'attention sur les dommages occasionnés par le fait même de fumer et les difficultés de dosage liées à ce mode d'administration.

D'autres organisations du secteur sanitaire approuvent en revanche le fait que la liberté thérapeutique des médecins ne soit pas restreinte en ce qui concerne les formes galéniques.

La majorité des autres commentaires formulés n'ont pas trait au projet lui-même mais à des questions de mise en oeuvre qui y sont liées. Pour la plupart des cantons, la CDS, l'UVS et quelques représentants de la recherche et de la santé publique, il est capital d'élaborer des recommandations de traitement avant l'entrée en vigueur de la modification législative. Comme le projet ne prévoit aucune restriction contraignante en matière d'indications ou de dosage,
ils soulignent que ces recommandations constitueront un cadre de référence pour la prescription médicale de traitements à base de cannabis.

La majeure partie des cantons et la CDS rappellent en outre que la prescription de médicaments à base de cannabis pour des personnes dépendantes à des stupéfiants (substitution) est soumise à autorisation cantonale en vertu de l'art. 3e LStup, comme pour les autres substances psychotropes. Selon eux, il importe donc que les recommandations mentionnées contiennent des critères permettant de distinguer les traitements de la dépendance avec prescription de cannabis, qui nécessitent une autorisation du canton, des autres traitements médicaux à base de cannabis.

Divers cantons, la CDS ainsi que quelques organisations du domaine de la santé relèvent que l'application médicale des médicaments à base de cannabis risque, 5891

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selon les circonstances, de ne pas correspondre aux besoins tant que le financement de la prise en charge n'est pas assuré. La majorité des cantons et quelques partis politiques et organisations du domaine de la santé sont par conséquent expressément favorables à ce que la question du remboursement fasse l'objet d'un examen séparé (cf. ch. 4.2.6).

De plus, la moitié des cantons et la CDS estiment important que les préparations à base de cannabis à des fins médicales remises par les pharmacies soient strictement étiquetées selon les prescriptions de la Pharmacopée afin de faciliter le travail de la police pour ce qui est de distinguer les médicaments à base de cannabis légal, des préparations illégales.

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation propose une synthèse détaillée des prises de position32.

2.3

Évaluation des résultats de la consultation

Il ressort de la procédure de consultation que les cantons, les partis politiques et les autres parties prenantes approuvent le principe de simplifier l'utilisation des médicaments à base de cannabis et sont largement favorables à la levée de l'interdiction du cannabis à usage médical.

Certaines réserves sont à noter en ce qui concerne le risque d'abus dans l'usage du cannabis à des fins médicales. Une partie des cantons et des autres participants à la consultation refusent ainsi catégoriquement que les formes galéniques de cannabis à fumer soient qualifiées de médicaments. Cependant, l'exclusion des fleurs de cannabis utilisées à des fins médicales contreviendrait au droit des produits thérapeutiques, qui ne restreint pas la liberté thérapeutique des médecins dans le cadre de l'utilisation de médicaments dispensés d'autorisation (cf. ch. 4.2.4). Le Conseil fédéral refuse d'introduire une telle disposition, ne jugeant pas opportun de créer un «cas spécial» pour le cannabis dans le droit des produits thérapeutiques.

En matière de lutte contre les abus également, certaines parties consultées ont requis des prescriptions d'étiquetage spécifiques pour les médicaments à base de cannabis ou demandé la mise en place de documents d'identité pour les patients. Le Conseil fédéral estime toutefois que les dispositions relatives à l'étiquetage des médicaments prévues dans le droit des produits thérapeutiques (cf. art. 8 LPTh; art. 39 de l'ordonnance du 21 septembre 2018 sur les médicaments (OMéd)33) sont suffisantes, rappelant qu'il n'existe pas d'autre obligation ou nécessité d'étiquetage pour les autres stupéfiants soumis à contrôle et commercialisables de manière limitée.

Afin de répondre aux craintes concernant de potentiels abus dans l'usage du cannabis à des fins médicales, une collecte des données telle que demandée par les cantons a été introduite à l'art. 8d P-LStup (cf. ch. 5), créant ainsi une base pour l'évaluation de la modification de loi. Les données recueillies permettront d'identifier d'éventuelles conséquences indésirables, notamment s'agissant des formes galéniques, et 32 33

Le rapport est disponible sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées> 2018 > DFI RS 812.212.21

5892

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serviront de cadre de référence aux autorités cantonales chargées de la surveillance des médicaments dispensés d'autorisation pour prendre les mesures adéquates le cas échéant.

3

Comparaisons avec le droit étranger, notamment européen

3.1

États membres de l'Union Européenne

L'utilisation du cannabis à des fins médicales n'est pas réglementée de manière uniforme au sein de l'Union européenne (UE). Elle est possible dans la majorité des États membres, mais les cadres réglementaires ainsi que les produits autorisés varient d'un pays à l'autre. L'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie et la République tchèque possèdent des systèmes d'accès élargi aux médicaments à base de cannabis.

Aux Pays-Bas, les médecins ont le droit de prescrire des fleurs de cannabis (fleurs entières ou granulés) et de l'huile de cannabis depuis 2003. Le Ministère de la santé, des affaires sociales et des sports reconnaît les effets positifs potentiels du cannabis pour plusieurs indications différentes. Ce dernier ne peut néanmoins être prescrit que lorsque les traitements standard et les médicaments autorisés n'ont pas permis d'obtenir le résultat souhaité, ou qu'ils ont entraîné des effets secondaires trop importants. L'exécution de la loi néerlandaise sur les opiacés est du ressort de l'Office of Medical Cannabis (OMC), qui fait partie du ministère précité et tient lieu d'agence nationale de contrôle du cannabis au sens de la convention unique. L'OMC est responsable de la culture, de la qualité, ainsi que du contrôle des importations et des exportations. Le cannabis utilisé aux Pays-Bas est produit par une entreprise privée, qui fournit du reste aussi d'autres États membres de l'UE, et délivré aux patients en pharmacie, sur prescription médicale. Le Conseil néerlandais des assureurs-maladie a décidé en 2003 que le cannabis ne serait pas pris en charge dans le cadre du régime de l'assurance de base, faute d'évidences scientifiques suffisantes.

Les caisses-maladie peuvent toutefois rembourser les médicaments à base de cannabis sur une base volontaire.

En Allemagne, une nouvelle réglementation, entrée en vigueur en 2017 suite à une décision de justice, permet désormais aux personnes qui sont gravement malades, à savoir qui souffrent de fortes douleurs chroniques, de spasticité ou d'autres maladies invalidantes ne pouvant être traitées de façon satisfaisante avec des médicaments traditionnels, de bénéficier de médicaments à base de cannabis de premier choix, remboursés par l'assurance-maladie. Ces médicaments, à savoir des fleurs de cannabis séchées et des extraits de cannabis de qualité contrôlée,
sont délivrés aux patients concernés en pharmacie, sur prescription médicale. Afin de garantir l'approvisionnement, le pays autorise la culture de cannabis à des fins médicales sur son territoire, et a spécialement créé, au sein de son Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, une agence nationale de contrôle du cannabis qui possède indirectement la totalité des récoltes. Les modalités en la matière sont réglées dans des contrats de droit civil passés individuellement avec les cultivateurs. Ces derniers ont la possession physique (immédiate) de leur production et la responsabilité de la livraison. Mais, dans l'intervalle, c'est l'agence précitée qui assure la vente.

5893

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L'Italie n'autorise qu'un nombre limité de médicaments à base de cannabis et soutient la production de préparations de cannabis standardisées. Tous les médecins du pays peuvent prescrire du cannabis à des fins médicales, lequel peut ensuite être préparé individuellement pour chaque patient dans toutes les pharmacies. Auparavant acheté aux Pays-Bas, le cannabis distribué en Italie est depuis 2016 produit sur le territoire national, sous la surveillance du Ministère de la santé.

En République tchèque, le cannabis peut être utilisé médicalement pour certaines indications seulement. Il doit être prescrit par des médecins spécialement formés (une soixantaine à ce jour, p. ex., des oncologues et des psychiatres), et sa remise n'est autorisée que dans un nombre limité de pharmacies (une quarantaine à ce jour).

Depuis 2018, chaque patient peut se voir prescrire au maximum 180 grammes de cannabis par mois. Au départ, le cannabis utilisé en République tchèque était importé des Pays-Bas. Aujourd'hui, il se compose de variétés définies, qui sont cultivées sur le territoire national, dans le cadre d'un monopole, avant d'être mises à la disposition de l'État et distribuées par lui. Les coûts sont supportés par les patients euxmêmes; ils ne sont remboursés ni par le système national de santé ni par les assurances sociales.

3.2

Autres États

Au Canada, le règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales (RACFM) autorise l'utilisation médicale des fleurs de cannabis (fraîches et séchées) ainsi que des produits qui en sont dérivés. La décision de recourir à ce type de traitement appartient au médecin traitant ou au personnel soignant indépendant enregistré (nurse practitioner). Aucune prise en charge générale des médicaments à base de cannabis n'est prévue, mais les caisses-maladie peuvent les rembourser sur une base volontaire. L'exécution du RACFM est encadrée par Santé Canada (le ministère canadien de la santé) et par l'agence nationale de contrôle du cannabis. Santé Canada s'occupe de délivrer les licences et de superviser l'industrie commerciale (dispositions de sécurité, contrôle de la mise en oeuvre, inspections), mais aussi d'inscrire les personnes autorisées à produire des quantités limitées de cannabis pour leurs propres besoins médicaux ou à charger des tiers de le faire pour elles. Une liste répertoriant tous les producteurs et vendeurs autorisés de médicaments contenant du cannabis (y c. de fleurs de cannabis) est publiée sur Internet. Les médecins déterminent le nombre de grammes auquel les patients ont droit, mais ces derniers choisissent sous quelle forme (teinture, etc.) et de quelle façon (teneur en THC par rapport au CBD, etc.) ils souhaitent prendre les produits. L'achat a lieu directement auprès des producteurs et non en pharmacie.

L'Australie, où l'accès limité au cannabis à des fins d'application médicale (essais cliniques, autorisations exceptionnelles au cas par cas) était déjà possible depuis 1989, a adopté en 2016 une modification législative légalisant la culture, la production et la fabrication de cannabis à ces mêmes fins et habilitant les médecins agréés à prescrire des préparations de cannabis non autorisées par le droit des produits thérapeutiques (y c. des fleurs). La mise en oeuvre de cette modification législative est placée sous la compétence de l'Office of Drugs Control (ODC) du département 5894

FF 2020

australien de la santé, qui tient lieu en même temps d'agence nationale de contrôle du cannabis au sens de la convention unique. Les autorités au niveau des États et des territoires déterminent, en concertation avec la Therapeutic Goods Administration, les groupes de patients pouvant bénéficier d'un accès et les produits pouvant être fabriqués. Pour l'instant, les médicaments à base de cannabis sont importés du Canada et d'Europe, mais des préparations issues de cultures australiennes devraient aussi bientôt être disponibles. En termes de qualité, le cannabis destiné à une application médicale doit satisfaire aux exigences fixées dans le Theurapeutic Goods Order. En termes de financement, il ne fait l'objet d'aucune prise en charge générale: il faudrait pour cela qu'il figure dans le Pharmaceutical Benefits Scheme, ce qui n'est pas le cas.

En Israël, le cannabis peut être utilisé médicalement depuis 2014 déjà, mais uniquement pour un nombre limité d'indications et chez les patients dont un médecin confirme qu'ils n'ont pas répondu aux traitements reconnus. Dans certains cas exceptionnels, les médecins peuvent, moyennant le respect de certaines conditions supplémentaires (p. ex., description détaillée de la maladie), demander des autorisations pour d'autres indications. L'Israeli Medical Cannabis Agency (IMCA), rattachée au ministère de la santé, remplit le rôle d'agence nationale de contrôle du cannabis au sens de la convention unique et assure la surveillance de l'utilisation médicale du cannabis. Elle se charge en outre de l'autorisation des producteurs.

Depuis 2016, les cultivateurs livrent directement les pharmacies agréées. Le cannabis est utilisé sous forme d'huile ou de fleurs séchées à fumer ou à vaporiser. Les patients doivent payer eux-mêmes leurs traitements médicaux.

3.3

Conventions des Nations Unies

L'actuel système international de contrôle des stupéfiants repose sur la convention unique des Nations Unies entrée en vigueur pour la Suisse en 1970. Selon cette convention, les États parties peuvent prévoir une interdiction de commercialiser le cannabis ­ et des autres substances figurant sur la même liste ­ mais n'y sont pas obligés. Elle ne s'oppose en outre pas, sur le principe, et pour autant que les États parties concernés prennent les mesures législatives et administratives nécessaires en matière notamment de contrôle, à ce que le cannabis soit utilisé à des fins médicales et scientifiques (art. 4 de la convention unique). Il est d'ailleurs inscrit dans son préambule «que l'usage médical des stupéfiants demeure indispensable pour soulager la douleur et que les mesures voulues doivent être prises pour assurer que des stupéfiants soient disponibles à cette fin». La convention unique est principalement axée sur le contrôle des flux légaux de substances soumises à contrôle et sur la prévention du détournement de ces substances vers le marché illicite. Avec la Convention du 21 février 1971 sur les substances psychotropes34, le protocole additionnel de 197235 et la Convention des Nations Unies du 20 décembre 1988 contre le

34 35

RS 0.812.121.02 Convention unique de 1961 sur les stupéfiants telle que modifiée par le Protocole du 25 mars 1972 portant amendement de ladite Convention; RS 0.812.121

5895

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trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes36, qui ont tous trois également été ratifiés par la Suisse, elle fixe les règles internationales qui encadrent l'utilisation des stupéfiants et établit un système global d'information, en vertu duquel les États membres doivent déclarer à l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) l'ensemble de ce qu'ils produisent, importent, exportent, stockent et consomment.

La convention unique impose aux États qui cultivent du cannabis de connaître les quantités qui sont récoltées sur leur territoire, puis introduites dans le circuit commercial légal. Pour remplir cette obligation, chaque pays qui autorise l'application médicale du cannabis doit désigner une agence nationale de contrôle du cannabis (cannabis agency) pour surveiller la culture (art. 28, par. 1, de la convention unique).

Seules les personnes titulaires d'une licence délivrée par cet organisme d'État sont autorisées à se livrer à la culture. Les fonctions administratives prévues par la convention unique doivent être exercées par un seul organisme d'État si la constitution du pays concerné le permet (art. 23, par. 2 et 3, de la convention unique).

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Le projet reprend les principaux éléments du rapport adopté le 7 juillet 2018 par le Conseil fédéral en exécution de la motion Kessler (14.4164). Il intègre également les demandes des interventions parlementaires en suspens au sujet de l'utilisation médicale du cannabis (motion Markwalder 18.3148, motion de la CSSS-N 18.3389).

Pour simplifier l'utilisation des médicaments à base de cannabis, la réglementation proposée prévoit de lever l'interdiction de commercialiser du cannabis à des fins médicales fixée dans la LStup. Cette mesure permet de faire passer les stupéfiants ayant des effets de type cannabique mais destinés à des fins médicales de la catégorie des stupéfiants interdits à la catégorie des stupéfiants soumis à contrôle pouvant être commercialisés de manière limitée. Elle ne supprime par contre en rien l'interdiction du cannabis destiné à des fins non médicales. Et permet donc de rester en conformité avec les obligations internationales.

Les médicaments à base de cannabis se voient ainsi soumis aux mêmes mesures de contrôle de la part de Swissmedic que les autres stupéfiants employés médicalement (morphine, méthadone, cocaïne, etc.). Leur utilisation ne nécessite plus d'autorisation exceptionnelle. Les traitements concernés relèvent par conséquent désormais entièrement de la responsabilité des médecins (tenus au devoir de diligence médicale)37.

36 37

RS 0.812.121.03 Cf. art. 26 LPTh.

5896

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4.1.1

Modifications au niveau du droit des stupéfiants

Le présent projet de révision de la LStup prévoit de lever l'interdiction légale de commercialiser les stupéfiants ayant des effets de type cannabique mais destinés à des fins médicales, c'est-à-dire notamment de faire en sorte que ces stupéfiants ne nécessitent plus d'autorisation exceptionnelle, ni donc d'examen au cas par cas, de la part de l'OFSP.

La suppression de l'interdiction de commercialiser implique une adaptation du système de contrôle prévu par le droit des stupéfiants, en particulier pour ce qui concerne la culture des stupéfiants ayant des effets de type cannabique destinés à des fins médicales. L'adaptation doit se faire au niveau de l'ordonnance, et de telle manière que les exigences de la convention unique continuent d'être respectées.

Cela signifie notamment que les stupéfiants ayant des effets de type cannabique destinés à des fins médicales doivent être rendus commercialisables, et en conséquence, être soumis aux mêmes contrôles que les substances figurant dans le tableau a de l'annexe 2 de l'OTStup-DFI.

Le contrôle de la légalité de l'utilisation des médicaments dispensés d'autorisation doit continuer de relever de la responsabilité des cantons. La culture, la fabrication et la préparation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique en vue d'une application médicale, et leur commerce à cet effet, doivent quant à eux être autorisés par Swissmedic, conformément à l'art. 4 LStup, puis contrôlés conjointement par les cantons et Swissmedic. L'adaptation du système de contrôle ne doit pas alourdir la charge des destinataires du droit.

L'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales doit être clairement distinguée, sur le plan juridique, de l'utilisation à des fins non médicales. L'utilisation de cannabis dans le cadre, par exemple, de travaux de recherche scientifique (non médicale) ou de mesures de lutte contre les abus doit ainsi demeurer possible uniquement sur autorisation exceptionnelle de l'OFSP au sens de l'art. 8, al. 5 et 8, LStup.

La levée de l'interdiction de commercialiser des stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales entraînera la fin de l'applicabilité des dispositions relatives aux autorisations exceptionnelles prévues par le droit des stupéfiants, y compris à l'examen au cas par cas lié à
ces autorisations, pour l'application médicale limitée. L'exportation commerciale de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales deviendra donc elle aussi possible, sous réserve de respecter les règles internationales applicables en la matière.

En vertu des avis exprimés par les cantons lors de la consultation (cf. ch. 2), l'OFSP, ou un tiers mandaté à cet effet, devra procéder à une collecte nationale des données relatives aux traitements médicamenteux à base de cannabis. Il s'agira d'un dispositif temporaire, limité aux premières années suivant l'entrée en vigueur de la révision.

Les médecins prescripteurs seront ainsi tenus de collecter certaines données par voie électronique. Cette mesure permettra d'assurer le suivi scientifique de l'accès simplifié à l'application médicale du cannabis, comme le demande également la motion de la CSSS-N 18.3389 que le Conseil fédéral a recommandé d'adopter. Les données recueillies feront l'objet d'une analyse statistique et serviront l' évaluation scientifique de la modification de la loi telle que prévue à l'art. 29a LStup. Il apparaît 5897

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judicieux d'observer l'évolution des prescriptions, notamment parce que la révision législative n'entraîne aucune limitation des indications ou des formes d'application s'agissant des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation, car cela contreviendrait au droit des produits thérapeutiques (cf. ch. 4.2.4). Les connaissances engrangées pourront servir de cadre de référence aux autorités cantonales chargées de l'exécution de la loi et aux médecins traitants, tout en fournissant une base pour des recherches ultérieures.

4.1.2

Droit des produits thérapeutiques

Les objectifs de la révision législative proposée peuvent être atteints sans modifier le droit des produits thérapeutiques (cf. ch. 1.1.2 et 4.2.3).

4.1.3

Loi sur l'imposition du tabac

Conformément aux arrêts du Tribunal fédéral 2C_348/2019 et 2C_350/2019 du 29 janvier 2020, les fleurs de cannabis ne constituent pas de succédanés du tabac et, partant, ne sont pas soumises à l'impôt prévu dans la loi fédérale du 21 mars 1969 sur l'imposition du tabac (LTab)38. La proposition d'exonération fiscale des médicaments à base de cannabis prescrits par des médecins faite dans l'avant-projet n'a par conséquent plus lieu d'être. Cette exception avait été envisagée notamment parce que la charge liée à la perception de l'impôt aurait été disproportionnée par rapport aux recettes fiscales escomptées.

4.2

Mise en oeuvre

4.2.1

Ordonnance sur le contrôle des stupéfiants

La levée de l'interdiction inscrite dans la LStup implique de déplacer le cannabis destiné à des fins médicales du tableau d de l'annexe 5 (stupéfiants interdits) vers le tableau a de l'annexe 2 (substances soumises à toutes les mesures de contrôle) de l'OTStup-DFI, et donc de soumettre son utilisation aux mesures de contrôle ordinaires déjà applicables aux autres stupéfiants employés médicalement. Ces mesures de contrôle sont réglées dans l'ordonnance du 25 mai 2011 sur le contrôle des stupéfiants (OCStup)39 et concernent notamment l'octroi des autorisations (exigences relatives aux demandes et aux requérants), la réglementation du commerce international, les obligations de notification et de documentation, les exigences de conservation, et les règles d'acquisition et de remise.

La convention unique prévoit des mesures de contrôle particulières pour la culture du cannabis. Compte tenu de cela, et du fait qu'aucune des plantes ni aucun des champignons figurant dans le tableau a n'a encore fait l'objet d'une demande de 38 39

RS 641.31 RS 812.121.1

5898

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culture en Suisse, la soumission du cannabis destiné à des fins médicales aux mesures de contrôle ordinaires doit se doubler de la définition de règles de contrôle spécifiques à la culture. Le régime de l'autorisation prévu pour cette dernière est basé sur les exigences de la convention unique40, tout comme les conditions précises à remplir pour se voir délivrer une autorisation, les modalités exactes à respecter pour déposer une demande, les exigences imposées à la personne responsable, la portée de l'autorisation, ainsi que les obligations de notification et de documentation à observer pour ce qui concerne spécifiquement la culture. Il repose sur une procédure en deux étapes (autorisation de base puis autorisation de culture individuelle) qui, associée aux règles de contrôle spécifiques évoquées, permettra de respecter les exigences strictes de la convention unique. Les inspections nécessaires resteront sous la responsabilité des cantons.

La réglementation en vigueur (cf. art. 72, al. 2, OCStup) dispose que, dans le domaine du contrôle des stupéfiants, l'OFSP assume la fonction d'agence nationale de contrôle du cannabis selon l'art. 28 de la convention unique. Il est ainsi prévu que les tâches incombant à cette agence soient réparties entre Swissmedic, pour la partie concernant l'usage du cannabis à des fins médicales, et l'OFSP, pour la partie concernant le cannabis utilisé à des fins de recherche scientifique non médicale.

4.2.2

Ordonnance sur les tableaux des stupéfiants

Le DFI établit dans l'OTStup-DFI la liste des différents stupéfiants, substances psychotropes, précurseurs et adjuvants chimiques, en les répartissant entre plusieurs tableaux en fonction des mesures de contrôle qu'ils requièrent.

Selon l'art. 8, al. 1, let. d, LStup en vigueur, les stupéfiants ayant des effets de type cannabique sont considérés comme des stupéfiants interdits. Dans l'OTStup-DFI, le cannabis présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins est donc classé dans le tableau d (annexe 5 de l'OTStup-DFI), c'est-à-dire parmi les substances soumises aux mesures de contrôle les plus sévères41.

Compte tenu de la levée de l'interdiction de commercialisation inscrite dans la LStup le concernant, le cannabis destiné à des fins médicales peut être déplacé dans le tableau a (annexe 2 de l'OTStup-DFI). C'est donc ce qu'il est prévu de faire, aussi bien d'ailleurs pour le cannabis lui-même que pour l'ensemble des préparations à base de cannabis destinées à des fins médicales. L'étendue du contrôle exercé sur ces différents produits correspondra alors à celle du contrôle exercé sur les autres stupéfiants utilisés médicalement (fentanyl, etc.). Le cannabis destiné à des fins non médicales restera quant à lui classé dans le tableau d, c'est-à-dire parmi les substances interdites.

Qu'il soit utilisé à des fins médicales ou non médicales, le cannabis continuera de n'être soumis aux dispositions du droit des stupéfiants qu'à partir d'une teneur totale en THC de 1,0 % au moins.

40 41

Art. 23 et 28 de la convention unique Cf. art. 3, al. 2, let. d, OCStup.

5899

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4.2.3

Ordonnance du DEFR sur les semences et plants

Le cannabis visé par la législation sur les stupéfiants doit pouvoir être cultivé à des fins médicales dans l'agriculture et en horticulture productrice. Cela suppose toutefois que les agriculteurs et les personnes qui travaillent dans l'horticulture productrice puissent se voir remettre les semences et les plants nécessaires. L'ordonnance du DEFR doit être modifiée de sorte qu'il soit dorénavant possible de remettre à des agriculteurs des semences et des plants de cannabis destinés à des fins médicales si la culture a été autorisée par Swissmedic. Il n'est pas nécessaire que les plants en question figurent dans le catalogue des variétés de l'Office fédéral de l'agriculture ni que les autres exigences de la législation sur les variétés et les semences soient satisfaites. En l'espèce, seules les prescriptions du droit des stupéfiants et du droit des produits thérapeutiques sont déterminantes pour la production de cannabis utilisé à des fins médicales.

Il convient aussi de faire en sorte qu'il devienne possible de remettre à des agriculteurs des semences et des plants de cannabis destinés à des fins non médicales mais dont la culture a été autorisée par l'OFSP conformément à l'art. 8, al. 5, LStup.

4.2.4

Droit des stupéfiants et droit des produits thérapeutiques

Comme cela est expliqué dans le rapport adopté le 4 juillet 2018 par le Conseil fédéral en exécution de la motion Kessler (14.4164), l'accès aux médicaments à base de cannabis se fait essentiellement par le biais de médicaments dispensés d'autorisation en vertu de l'art. 9, al. 2, let. a, LPTh (cf. aussi ch. 1.1.2). Le principe de l'obligation générale d'autorisation n'est donc pas remis en cause.

Afin d'élargir l'accès, une monographie a été intégrée dans la Pharmacopée au sujet des fleurs de cannabis (Cannabis flos) utilisées comme matière première dans les préparations. Cette mesure garantit que les médecins puissent prescrire des médicaments à base de cannabis fabriqués selon une formule magistrale et que les exigences de qualité relatives aux médicaments soient suffisantes. Aucune adaptation ni aucune modification du droit des produits thérapeutiques en vigueur n'est par conséquent nécessaire.

Le projet n'affecte pas non plus les prescriptions du droit des produits thérapeutiques en matière d'étiquetage des médicaments (cf. art. 8 LPTh; art. 39 OMéd). Une obligation d'étiquetage spécifique aux médicaments à base de cannabis telle qu'elle a été proposée par certains cantons lors de la consultation (cf. ch. 2) n'est pas nécessaire, puisqu'elle n'est pas non plus prévue dans le cas d'autres stupéfiants soumis à contrôle et commercialisables de manière limitée (cf. ch. 2.3).

De la même manière, il n'y a pas lieu d'édicter des prescriptions spécifiques en matière de qualité pour la culture et l'importation de cannabis comme matière première en vue de la fabrication de médicaments, comme cela a parfois été demandé lors de la consultation. Étant donné que les médicaments doivent être fabriqués conformément aux règles reconnues des Bonnes pratiques de fabrication 5900

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(art. 7 LPTh), il n'est pas nécessaire de créer une disposition supplémentaire pour régler la qualité de la matière première.

Il n'est pas prévu d'édicter de restrictions concernant les indications. Cela irait en effet à l'encontre de l'esprit du dispositif de la prescription de médicaments dispensés d'autorisation fabriqués selon une formule magistrale, qui est justement aussi là, par exemple, pour permettre d'utiliser des médicaments à titre expérimental chez des patients pour lesquels toutes les possibilités de traitement ont par ailleurs été épuisées. Toute limitation à ce niveau viendrait entamer la liberté thérapeutique des médecins.

Pour ces mêmes raisons, il n'est pas non plus prévu d'édicter de restrictions concernant les formes galéniques et préparations possibles. Le cannabis, qui devra être prescrit sous forme de médicament prêt à l'emploi, devra de toute façon, en vertu du droit des produits thérapeutiques, présenter une teneur connue en principe actif et un profil chimique donné permettant aux médecins de définir le processus de dosage de manière ciblée, comme avec tout autre traitement.

Il faut souligner que les médecins sont tenus au devoir de diligence que leur impose l'art. 11 LStup, et dont le respect est surveillé par les autorités cantonales d'exécution (médecins cantonaux), y compris lors de la prescription de médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation. La législation actuelle autorise par ailleurs les cantons à restreindre, si nécessaire et dans la limite de leurs attributions d'exécution, l'utilisation des médicaments dispensés d'autorisation.

À noter que les dispositions concernant la prescription de stupéfiants pour le traitement des personnes dépendantes (cf. art. 3e LStup et art. 8 s. OAStup), point qui avait été soulevé lors de la consultation, sont réservées. Cela signifie que la prescription, la remise et l'administration de cannabis destiné au traitement des personnes dépendantes continueront d'être soumises à l'autorisation du canton.

4.2.5

Recommandations de traitement

Pendant la procédure de consultation, différents cantons, la CDS et le corps médical ont enjoint à élaborer des recommandations de traitement en ce qui concerne les indications, les formes d'administration et le dosage des médicaments à base de cannabis, sans toutefois restreindre de manière contraignante la liberté thérapeutique des médecins. La question de savoir si l'inhalation de fleurs de cannabis (à fumer ou à vaporiser) se prête à un usage médical, également soulevée lors de la consultation, pourra en outre être examinée dans ce cadre.

Eu égard à leurs compétences dans le domaine des médicaments dispensés d'autorisation, il incombe en premier lieu aux cantons, aux conférences intercantonales ou aux sociétés de discipline médicale d'élaborer des recommandations de traitement. La Confédération ne peut intervenir qu'à titre subsidiaire; si nécessaire, l'OFSP peut par exemple soutenir le processus d'élaboration par des activités de coordination et des travaux fondamentaux. Les résultats de la collecte de données de l'OFSP pourront être intégrés dans une version ultérieure des recommandations (cf. ch. 4.1.1).

5901

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4.2.6

Examen du financement des médicaments à base de cannabis

Pour générer davantage de données fiables sur le potentiel thérapeutique des médicaments à base de cannabis, il est nécessaire de mobiliser des efforts de recherche systématiques. Le développement de médicaments à proprement parler (c.-à-d. la recherche et le développement industriels) ne fait toutefois pas partie des tâches de la Confédération. Le Conseil fédéral a déjà exprimé ce point de vue dans son avis concernant la motion Kessler (14.4164), transmise par la suite par le Parlement, qui demandait un projet pilote encadré scientifiquement par la Confédération dans ce domaine. La recherche sur l'efficacité des médicaments incombe donc prioritairement à l'industrie pharmaceutique, qui serait aussi bénéficiaire d'une nouvelle autorisation ou d'un remboursement par l'AOS des produits thérapeutiques considérés. Bien qu'il ne s'agisse pas de son but premier, la collecte de données proposée aux ch. 4.1.1 et 5 (commentaire de l'art. 8b) à titre de suivi pourra fournir des données pour des études cliniques ultérieures et donc contribuer, dans une certaine mesure, à la recherche sur l'efficacité des médicaments à base de cannabis. Les informations collectées renseigneront sur les indications pour lesquelles ces médicaments recèlent un potentiel prometteur.

L'OFSP a par ailleurs chargé une institution externe indépendante de réaliser une évaluation des technologies de la santé afin de clarifier les preuves scientifiques concernant l'efficacité et l'économicité. L'institution mandatée devra lui remettre un rapport ad hoc. L'évaluation servira de base au mandat d'examen mentionné au ch. 1.2.2 visant le financement de médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation.

4.2.7

Droit de la circulation routière

Lors de la procédure de consultation, certains représentants de patients ont remis en cause l'actuelle législation sur la circulation routière, arguant que, en cas de test positif au THC lié à la prise de médicaments à base de cannabis sur prescription médicale, l'incapacité à conduire était souvent déjà réputée attestée, entraînant des retraits de permis. Il a été demandé à plusieurs reprises de relever la valeur limite en THC au motif que la tolérance zéro n'était pas appropriée pour les patients.

La valeur limite fixée à 1,5 g/ng de THC par litre de sang (seuil de détection) et, partant, la règle de la tolérance zéro ne sont cependant pas applicables aux patients qui ont pris un médicament à base de cannabis sur prescription médicale (cf. art. 2, al. 2ter, de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière42). Seule la constatation de leur capacité de conduire est déterminante (cf. aussi ch. 1.1.2). Dans de tels cas, le prélèvement d'échantillons est en outre autorisé uniquement si des indications concrètes laissent supposer que la capacité de conduire est altérée. Il n'y a donc pas lieu de modifier le droit de la circulation routière.

Il serait en revanche judicieux que les autorités cantonales chargées de l'exécution, 42

RS 741.11

5902

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les médecins prescripteurs et les patients concernés soient mieux informés de la législation en vigueur.

5 Art. 3f

Commentaire des dispositions Traitement des données

Cette disposition est abrogée et reprise telle quelle à l'art. 18e LStup (cf. commentaire de l'art. 18e LStup et à la modification du titre des sections).

Art. 8, al. 1, let. d, et 5 à 7 Al. 1, let. d: l'introduction de la précision «à moins qu'ils ne soient utilisés à des fins médicales» permet de lever l'interdiction légale de commercialiser des stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales. La notion d'utilisation «à des fins médicales» recouvre ici non seulement l'application médicale à proprement parler mais aussi la culture en vue de la fabrication de médicaments à base de cannabis, cette fabrication elle-même, et la recherche médicale. Celle-ci comprend la recherche préclinique (p. ex., recherche de principes actifs, expériences sur les animaux, évaluations toxicologiques) et la recherche clinique axée sur le développement de médicaments. Les études cliniques sur les conséquences pour la santé de la consommation de cannabis à des fins non médicales sont en revanche exclues. À noter que les demandes portant sur ce dernier type d'études peuvent toujours être examinées par l'OFSP dans le cadre de l'art. 8, al. 5, LStup (cf. commentaire de l'art. 8, al. 5).

Avec cette adaptation, l'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales ne sera plus soumise au système d'autorisation exceptionnelle prévu à l'art. 8, al. 5, LStup. On disposera alors de la base légale nécessaire pour déplacer le cannabis destiné à des fins médicales dans le tableau a de l'annexe 2 de l'OTStup-DFI, et le soumettre aux autorisations et mesures de contrôle correspondantes de Swissmedic (cf. à ce sujet le ch. 3.2.2). Les médicaments à base de cannabis seront ainsi plus facilement accessibles pour les patients, puisqu'ils pourront désormais être prescrits par les médecins sans qu'il soit besoin de leur délivrer d'autorisations exceptionnelles au cas par cas.

Si cette modification est adoptée, la fabrication et la préparation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales, et leur commerce à cet effet, seront dorénavant contrôlés dans le cadre du système d'autorisation que Swissmedic applique déjà, en vertu des art. 4 et 5 LStup, à d'autres stupéfiants non soumis à l'interdiction de commercialisation. Les mesures de contrôle concernées sont
réglées dans les dispositions d'exécution (OCStup); celles nécessaires pour la culture doivent en revanche être complétées dans l'OCStup.

L'importation et l'exportation de cannabis à des fins médicales resteront soumises à une autorisation de Swissmedic au sens de l'art. 5 LStup. En revanche, l'autorisation exceptionnelle de l'OFSP exigée jusqu'ici dans ce cas est supprimée.

5903

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L'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique en dehors de fins médicales demeure interdite (cf. commentaire de l'art. 8, al. 5).

Al. 5: afin que l'OFSP conserve la possibilité d'approuver exceptionnellement des demandes d'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins de recherche scientifique (non médicale), l'al. 5 comprend désormais deux lettres: La let. a reprend la règle en vigueur pour les autorisations exceptionnelles portant sur l'utilisation, à des fins médicales ou non médicales, des stupéfiants interdits visés à l'art. 8, al. 1, let. a à c (opium à fumer, héroïne, LSD et autres hallucinogènes) et des autres stupéfiants interdits visés à l'al. 3. Elle dispose que l'OFSP est habilité à autoriser exceptionnellement la culture, l'importation, la fabrication et la mise dans le commerce de ces stupéfiants interdits, dès que ces derniers sont utilisés pour la recherche scientifique, le développement de médicaments ou une application médicale limitée et que, par ailleurs, aucune convention internationale ne s'y oppose. Et ne change par conséquent en rien les conditions applicables aux autorisations exceptionnelles relatives aux stupéfiants interdits autres que ceux ayant des effets de type cannabique.

La let. b contient la règle qui doit s'appliquer à l'utilisation des stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins non médicales. Celle-ci doit, par principe, rester prohibée. Pour autant, et même si la suppression de l'interdiction de commercialiser ces stupéfiants à des fins médicales entraîne celle de l'obligation d'autorisation exceptionnelle pour l'«application médicale limitée» et pour le «développement de médicaments», l'OFSP doit conserver la possibilité d'accorder ce type d'autorisation pour la culture, l'importation, la fabrication et la mise dans le commerce de stupéfiants ayant des effets de type cannabique utilisés pour la recherche scientifique (non médicale), dès lors qu'aucune convention internationale ne s'y oppose. Étant précisé que cette recherche scientifique hors champ médical recouvre tout ce qui relève, d'une part, de la recherche fondamentale non dédiée (p. ex., sur les principes actifs du cannabis [cannabinoïdes]), à savoir de la recherche sur la substance elle-même, et, d'autre part, de la recherche orientée
vers les applications43 non médicales du cannabis.

Al. 6 et 7: comme évoqué dans le commentaire de l'art. 8, al. 1, let. d, et 5 LStup, la levée de l'interdiction de commercialisation aura pour conséquence que l'utilisation de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales ne sera plus soumise au système d'autorisation exceptionnelle. Cela implique une adaptation formelle des al. 6 et 7 de l'art. 8.

Art. 8b

Collecte des données relatives aux traitements médicaux qui utilisent des stupéfiants ayant des effets de type cannabique

En vue d'accompagner les futures prescriptions de traitements avec des stupéfiants ayant des effets de type cannabique (médicaments à base de cannabis), qui ne nécessiteront plus d'autorisation exceptionnelle, l'OFSP procédera, conformément à 43

Cf. définitions des termes «recherche fondamentale» et «recherche orientée vers les applications» à l'art. 2, let. a, de la loi fédérale du 14 décembre 2012 sur l'encouragement de la recherche et de l'innovation; RS 420.1.

5904

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l'al. 1, à une collecte des données dès l'entrée en vigueur de la présente révision. Il pourra mandater des institutions publiques ou privées adéquates pour collecter et évaluer les données. Les dispositions relatives à la protection des données et les normes scientifiques et techniques en vigueur devront être respectées. La sécurité des médicaments à base de cannabis autorisés par Swissmedic ayant été suffisamment démontrée, la collecte de données sera limitée aux traitements avec médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation au sens de l'art. 9, al. 2, LPTh (let. a). Les données concernant les traitements avec médicaments à base de cannabis autorisés par Swissmedic seront saisies uniquement si les médicaments ne sont pas prescrits selon l'indication prévue ou s'ils ne sont pas administrés sous la forme admise à cet effet utilisation hors étiquette) (let. b).

Conformément à l'al. 2, les données collectées serviront à l'évaluation scientifique des mesures de la présente révision, prévue à l'art. 29a LStup (let. a). Les données relatives aux traitements avec médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation feront en outre l'objet d'analyses statistiques continues (let. b). Conformément à l'al. 3, ces analyses permettront notamment aux autorités cantonales chargées de l'exécution de la loi de suivre l'évolution générale des prescriptions dans leur canton (préparations prescrites, indications, etc.) et d'identifier d'éventuels développements indésirables. Les médecins pourront également en tirer des informations pertinentes pour leur pratique de prescription. Compte tenu des connaissances limitées en ce qui concerne l'utilisation adéquate des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation, les données recueillies permettront éventuellement de tirer certaines conclusions pour l'application médicale.

Modification du titre des sections Les dispositions de la LStup relatives à la protection des données sont désormais regroupées dans le chap. 3a Protection et traitement des données. Les titres des sections sont adaptés en conséquence.

Art. 18e

En lien avec le traitement des personnes dépendantes

Le libellé de l'art. 3f relatif au traitement des données dans le cadre du traitement de personnes dépendantes est repris tel quel.

Art. 18f

En lien avec les autorisations visées aux art. 4, 5 et 8

L'art. 18f permet d'ajuster la base légale du traitement de ces données aux dispositions actuelles du droit de la protection des données.

Al. 1: en lien avec l'octroi d'autorisations et d'autorisations exceptionnelles pour l'utilisation de stupéfiants contrôlés et interdits selon les art. 4, 5 et 8, al. 5 à 8, LStup et afin de vérifier le respect des obligations y relatives, il est inévitable que Swissmedic et l'OFSP traitent également des données sensibles. L'aptitude des demandeurs doit aussi être évaluée lors de l'octroi des autorisations. S'il s'agit d'une personne morale, la désignation d'une personne physique responsable est une condition préalable à l'octroi d'une autorisation. Cette personne est responsable du respect des dispositions régissant le droit des stupéfiants. Elle doit satisfaire des exigences professionnelles, être en mesure d'exercer son activité de manière indépendante et 5905

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est, de ce fait, également soumise à un contrôle d'aptitudes. Un extrait du casier judiciaire ou du registre des poursuites peut être requis du demandeur ou de la personne responsable. Afin de vérifier que la formation exigée a été achevée, des documents comme un curriculum vitae et des diplômes doivent être présentés à l'autorité compétente. Pour s'assurer du respect des obligations liées à l'autorisation, des données concernant les notifications visées aux art. 19, 58 et 60 OCStup (autorisation selon l'art. 4 LStup), aux art. 30 et 34 OCStup (autorisation d'importation et d'exportation selon l'art. 5 LStup) et à l'art. 72 OCStup (autorisations exceptionnelles au sens de l'art. 8, al, 5, LStup) font l'objet d'un traitement.

Dans le cadre des autorisations exceptionnelles visées à l'art. 8, al. 5, LStup, désormais inutiles pour le cannabis utilisé à des fins médicales, les données pertinentes sur les antécédents médicaux, les diagnostics et les symptômes, les indications ainsi que sur la médication et le dosage doivent être recueillies pour évaluer les demandes en lien avec l'application médicale limitée. Lors de demandes portant sur le renouvellement d'une autorisation, des informations sur les effets primaires et secondaires du traitement en cours, sur les interactions avec la co-médication et des changements dans la co-médication ainsi que sur la durée du traitement sont également nécessaires. Enfin, pour assurer un suivi sans faille de la remise exceptionnelle de stupéfiants, les interruptions de traitement par le titulaire de l'autorisation doivent être déclarées et justifiées.

Al. 2: le Conseil fédéral règle les données à traiter et les délais de conservation par voie d'ordonnance.

Art. 18g

En lien avec les médicaments à base de cannabis

L'OFSP gère un système d'information pour traiter les données visées à l'art. 8b LStup. Les médecins qui dispensent des traitements médicamenteux à base de cannabis seront tenus d'enregistrer (déclaration obligatoire) les informations nécessaires pour atteindre les buts de la collecte (cf. al. 1 et 2). Il s'agira principalement de données médicales déterminantes concernant le traitement (cf. aussi al. 3).

Dans l'optique d'alléger autant que possible la charge de travail des médecins, l'enregistrement des données s'effectuera en ligne au moyen d'un système mis à disposition par l'OFSP. Les données des patients seront pseudonymisées afin de garantir leur protection (attribution d'un code à la place du nom). Seuls les médecins disposeront de la clé de déchiffrement de sorte que ni l'OFSP ni des tiers ne seront en mesure d'identifier les patients. Le système de code permettra en outre d'évaluer l'évolution des traitements dans le temps.

Conformément à l'al. 3, le Conseil fédéral fixe par voie d'ordonnance les modalités de la collecte, à savoir la nature des données à enregistrer par les médecins (let. a), la fréquence et la date de la collecte (let. b), les droits d'accès des médecins prescripteurs visés à l'al. 3 (let. c), les aspects techniques et organisationnels du système prévu (let. d), les délais de conservation et de suppression des données (let. e) et la publication des analyses statistiques (let. f).

Let. a: seules seront recueillies aux fins de la collecte les données permettant d'acquérir des connaissances de manière optimale. Il s'agira notamment des informations suivantes: code et données sociodémographiques du patient (année de nais5906

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sance, sexe et canton de résidence), informations concernant le médecin prescripteur (nom, adresse et spécialité FMH), indication (y c. diagnostics principal et secondaire selon la CIM-10 et symptômes), médicaments prescrits (préparation, dosage, modification du dosage), effets (en particulier éventuels effets secondaires et évolution des symptômes liés au traitement) et, le cas échéant, interruption du traitement (date et motif).

Let. b: la collecte des données vise à suivre l'évolution de manière simple: un premier enregistrement sera effectué au moment de la prescription initiale (données de base), puis un second après un an et enfin un dernier après deux ans ou en cas d'interruption prématurée du traitement.

Let. c et d: le système de collecte des données devra être conçu de façon à réduire au maximum la charge de travail pour toutes les parties prenantes, en particulier les médecins. L'enregistrement s'effectuera par voie électronique, de la manière la plus simple possible (cf. aussi al. 2).

Les art. 8b et 18g ont effet pendant sept ans (cf. ch. II, al. 3). L'art. 18g, al. 4, prévoit que le Conseil fédéral peut décider qu'aucune donnée ne doit plus être collectée si, avant l'échéance de la durée de validité des art. 8b et 18g, aucune donnée supplémentaire n'est requise pour l'évaluation scientifique visée à l'art. 8b, al. 2. Il faut partir du principe que la collecte des données devra s'étendre sur au moins cinq ans avant qu'une base de données assez grande pour garantir une évaluation scientifique soit disponible. En effet, pendant la phase d'introduction des trois premières années, le nombre de prescriptions devrait rester relativement faible, tandis qu'une période d'observation de deux ans est nécessaire pour apprécier l'évolution individuelle des patients. En Allemagne également, une collecte de données similaire visant à accompagner les traitements médicaux avec médicaments à base de cannabis est conduite pendant cinq ans, mais elle ne permet pas de retracer cette évolution.

Art. 20, al. 1, let. c Les précurseurs et les adjuvants chimiques peuvent aussi servir à fabriquer des drogues de synthèse. Leur détournement vers des lieux de destination non autorisés, ainsi que l'utilisation de faux bulletins de livraison les concernant, sont déjà punissables aujourd'hui. Lorsqu'il est soumis
à autorisation, leur commerce doit également, en l'absence de l'autorisation requise, devenir punissable, au même titre que l'est celui des matières premières et produits ayant un effet similaire à celui des stupéfiants. La pratique actuelle en matière d'autorisations n'est pas modifiée étant donné que le Conseil fédéral a déjà institué un régime d'autorisation pour le commerce de précurseurs conformément à l'art. 3 LStup. Cette adaptation vise avant toute chose à créer une base légale permettant de sanctionner le commerce non autorisé.

Cette adaptation est nécessaire pour réagir aux activités récemment constatées en Suisse dans ce domaine (utilisation et commerce de précurseurs et d'adjuvants chimiques pour la fabrication de drogues de synthèse) et remédier à l'absence de base légale appropriée, qui a jusqu'ici empêché de poursuivre pénalement ce type d'actes.

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Art. 29, al. 4 Le 14 décembre 2018, le Conseil fédéral a dissout la Commission fédérale pour les problèmes liés à l'alcool, la Commission fédérale pour la prévention du tabagisme et la Commission fédérale pour les questions liées à l'addiction (cf. art. 29, al. 4, LStup et art. 34 ss OAStup) avec effet au 1er janvier 2020, et les a supprimées de la liste dressée à l'annexe 2 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)44. Sur la base des art. 57a ss de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)45 et des art. 8a ss OLOGA, il a été procédé, pour remplacer ces trois commissions, à la création de la Commission fédérale pour les questions liées à l'addiction et pour la prévention des maladies non transmissibles. Cette nouvelle commission, qui a été ajoutée à la liste de l'annexe 2 de l'OLOGA, est aussi chargée, à titre purement consultatif, des questions en rapport avec l'addiction aux stupéfiants.

L'art. 29, al. 4, LStup n'a par conséquent plus lieu d'être et doit être abrogé.

Art. 29a, al. 1 En raison de la reprise du libellé de l'art. 3f à l'art. 18e LStup et des nouveaux art. 18f et 18g LStup, les renvois de l'art. 29a ont été adaptés sur le plan formel.

Art. 30b

Dispositions transitoires

L'al. 1 dispose que le Conseil fédéral devra déterminer jusqu'à quel moment les autorisations exceptionnelles qui auront été délivrées par l'OFSP en vertu de l'ancien droit, pour la culture, l'importation, la fabrication et la mise dans le commerce de stupéfiants ayant des effets de type cannabique à des fins médicales, resteront valables après l'entrée en vigueur de la modification de la loi. L'al. 2 précise que, pendant cette période de transition, les détenteurs d'une autorisation exceptionnelle de l'OFSP n'auront pas besoin d'autorisation de Swissmedic au sens de l'art. 4 LStup. Cette disposition vise à garantir la continuité de l'approvisionnement des patients en médicaments à base de cannabis.

Ch. II Attendu que le système de collecte de données assurera la transition entre l'interdiction de commercialisation et de prescription des stupéfiants ayant des effets de type cannabique et la levée de cette interdiction pour l'utilisation du cannabis à des fins médicales, le soutien de la Confédération ne sera nécessaire que durant les premières années. Aussi la durée de validité des art. 8b et 18g LStup est-elle limitée à sept ans (al. 3). Le Conseil fédéral peut décider qu'aucune donnée ne doit plus être collectée si une base de données suffisante est disponible pour effectuer une évaluation scientifique de la présente modification de la loi (cf. à ce sujet l'art. 18g, al. 4, à ce propos).

44 45

RS 172.010.1 RS 172.010

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6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Si les autorisations exceptionnelles portant sur l'utilisation médicale de cannabis sont supprimées à l'art. 8, al. 5, LStup, l'OFSP n'aura plus à supporter la charge liée à leur exécution. Cela concerne le traitement des demandes d'application médicale limitée émanant des médecins, des demandes de culture et de fabrication de médicaments à base de cannabis émanant de l'industrie, et des demandes pour la recherche médicale. Selon une estimation interne de l'OFSP, les frais d'exécution courants seront réduits de quelque 280 000 francs par an. À noter que la forte hausse du nombre de demandes enregistrée au cours des dernières années ne s'est pas accompagnée d'une augmentation des ressources, comme le montre une évaluation externe de certaines tâches de mise en oeuvre de l'OFSP dans le cadre de la LStup, publiée en 201846. Par ailleurs, la charge liée à l'exécution des autorisations exceptionnelles portant sur les autres stupéfiants interdits visés à l'art. 8, al. 1 et 3, LStup demeure quant à elle inchangée.

De nouveaux coûts d'exécution résulteront de la mise en place de la collecte de données dans le domaine de l'utilisation médicale du cannabis et de l'évaluation des mesures liées à la présente révision. Les coûts annuels liés à l'encadrement professionnel de cette collecte et à la mise en oeuvre technique du système prévu seront compensés par les économies résultant de la suppression des autorisations exceptionnelles. Des coûts non récurrents à hauteur de 350 000 francs sont en outre escomptés pour le développement du système de collecte des données. Ces coûts pourront être financés dans le cadre du budget global actuel de l'OFSP.

Les tâches de contrôle découlant du droit des stupéfiants concernant le cannabis destiné à des fins médicales ne seront plus assumées par l'OFSP mais par Swissmedic. L'octroi, puis la surveillance, des autorisations de culture portant sur le cannabis en question devraient ­ en partant de l'hypothèse que la simplification de l'utilisation des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation, et en particulier l'introduction de la possibilité d'exporter, entraînera une multiplication par cinq environ du nombre d'entreprises titulaires d'une autorisation ­ entraîner pour l'institut un surcoût annuel d'environ 250 000 francs, qu'il est prévu de financer par des
émoluments. Le contrôle de la fabrication et de la mise sur le marché des médicaments à base de cannabis ne devrait par contre pas générer de surcoût important, dans la mesure où il existe déjà en la matière un système bien établi pour d'autres médicaments contenant des stupéfiants.

On peut en substance considérer que la modification de la loi pourra être mise en oeuvre avec les ressources actuellement à disposition et sera, globalement, une opération financièrement neutre pour la Confédération. Les coûts de mise en oeuvre ponctuels et récurrents ne pourront cependant être estimées de manière plus précise que dans le cadre de l'élaboration du droit d'exécution.

46

Mavrot, C., Hadorn, S., Sprecher, F. & Sager, F. (2018). Evaluation spezifischer Vollzugsaufgaben des BAG im Rahmen des Betäubungsmittelgesetzes (BetmG).

Bericht im Auftrag des Bundesamtes für Gesundheit (BAG). Bern: Kompetenzzentrum für Public Management und Institut für öffentliches Recht der Universität Bern

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6.2

Conséquences pour les cantons et la Principauté de Liechtenstein

6.2.1

Conséquences pour les cantons

Les autorités cantonales (pharmaciens cantonaux et médecins cantonaux) continueront de devoir surveiller et contrôler si les médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation sont utilisés (fabriqués et remis) conformément à la loi et aux autorisations délivrées et si le devoir de diligence est respecté. Sachant que ces médicaments seront à la fois plus facilement utilisables et mieux connus du corps médical, les autorités devraient faire face, les premières années, à une légère augmentation de la charge de travail liée à ces tâches.

Selon la façon dont la culture de cannabis à des fins médicales se développera, les cantons pourraient aussi avoir davantage de contrôles à effectuer sur les activités exercées dans ce domaine. Compte tenu de la rigueur de la surveillance dont cellesci feront l'objet de la part de Swissmedic, dans le cadre du système de contrôle et d'autorisation prévu par le droit des stupéfiants, les contrôles de police devraient néanmoins surtout viser des cas suspects concrets. Le surcroît de travail devrait par conséquent se révéler relativement faible. À noter que la distinction légale entre le cannabis à usage médical et celui à usage non médical ne modifiera pas le volume de travail des autorités cantonales chargées de l'exécution de la loi puisque la culture, l'importation, la fabrication et la commercialisation demeureront soumises à autorisation, soit de la part de Swissmedic (utilisation à des fins médicales), soit de l'OFSP (autorisation exceptionnelle à des fins non médicales).

La simplification de l'accès aux médicaments à base de cannabis pourrait, d'un autre côté, conduire à une baisse de la consommation illégale de cannabis pour raisons médicales. Si on se base sur les chiffres observés à l'étranger, on se rend compte que cette pratique pourrait actuellement concerner entre 65 000 et 111 000 personnes en Suisse47. Les coûts de répression au niveau des autorités d'exécution des peines pourraient donc diminuer. S'agissant du marché illicite, l'adaptation législative prévue ne devrait en revanche avoir qu'un effet limité.

Dans l'ensemble, le surcroît de dépenses que les cantons devront consentir pour l'exécution de la révision proposée devrait être assez faible.

6.2.2

Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein

Selon le traité douanier du 29 mars 1923 entre la Suisse et la Principauté de Liechtenstein48, la législation suisse sur les stupéfiants est aussi applicable dans la Principauté lorsqu'il est question d'importer, d'exporter ou de passer en transit des substances psychotropes, ou encore d'utiliser de telles substances comme produits 47

48

Rapport du Conseil fédéral du 7.7.2018 «Traiter les personnes gravement malades avec du cannabis» en réponse à la motion Kessler (14.4164) du 11.12.2014, p. 33 > www.parlement.ch > 14.4164 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire RS 0.631.112.514

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thérapeutiques. La révision proposée s'appliquera donc aussi bien au Liechtenstein qu'en Suisse.

6.3

Conséquences économiques

Les effets économiques attendus étant peu importants, il n'a pas été effectué d'analyse d'impact de la réglementation. Les coûts et les bénéfices liés à la modification législative prévue ne peuvent par conséquent pas être chiffrés.

Néanmoins, la modification constituera sans doute une opportunité de développement pour les fabricants de niche spécialisés dans les produits phytopharmaceutiques. La simplification juridique de l'accès aux médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation devrait en effet conduire à une nouvelle augmentation importante des prescriptions, en tout cas de manière temporaire, tant que le marché ne sera pas saturé. Les nouveaux débouchés en matière d'exportation de cannabis destiné à des fins médicales devraient eux aussi être un facteur de croissance. Car si d'autres pays se sont dotés plus tôt d'un cadre juridique propice au développement d'une industrie du cannabis utilisé à des fins médicales, et si la concurrence internationale est par conséquent rude, la Suisse possède une longueur d'avance certaine en matière de fabrication de préparations de cannabis standardisées et a donc un réel potentiel d'exportation dans ce domaine.

Les pharmacies publiques pourront elles aussi développer leur offre en fabricant des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation selon des formules magistrales. Il faut toutefois s'attendre à ce que ce marché soit capté par quelques grandes entreprises disposant des autorisations nécessaires pour fabriquer à façon (cf. art. 9, al. 2bis, LPTh), et des capacités techniques nécessaires.

La culture de la matière première elle-même recèle également un potentiel économique non négligeable. En effet, si le cannabis destiné à des fins médicales est traditionnellement cultivé dans des conditions contrôlées, sous lumière artificielle, il est aussi parfaitement possible, techniquement, de le faire pousser en serre, voire en plein champ. On peut dès lors tout à fait imaginer que les agriculteurs et les personnes qui travaillent dans l'horticulture productrice prennent part, moyennant certaines conditions, à la production de cette matière première nécessaire à la fabrication des médicaments à base de cannabis. Même si, il faut le dire, l'addition des exigences de contrôle et de sécurité prévues par la législation sur les stupéfiants et des
exigences de qualité élevées posées à la culture de plantes médicinales risque d'avoir des répercussions sur les coûts de production en plein champ.

Dans le cadre de la collecte de données prévue, les médecins prescripteurs de médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation seront désormais tenus de collecter des données relatives aux traitements entrepris. Cette obligation permettra d'évaluer la présente révision et sera donc limitée à la phase d'introduction de la nouvelle réglementation. Parallèlement, la révision entraînera la suppression des demandes d'autorisation exceptionnelle. Dès lors, puisque le volume de données à enregistrer sera plus faible qu'actuellement et que la transmission s'effectuera de manière électronique via un système mis à disposition par l'OFSP, les médecins

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bénéficieront d'une réduction de leur charge administrative dès les premières années suivant l'entrée en vigueur de la révision.

6.4

Conséquences sociales

L'adaptation législative proposée ne devrait pas avoir d'impact profond sur la société. Même destiné à des fins médicales, le cannabis restera un stupéfiant soumis à contrôle, dont l'application thérapeutique sera subordonnée à des conditions strictes et devra être documentée avec précision.

L'utilisation médicale de ce stupéfiant sera néanmoins quelque peu «normalisée».

Une fois l'interdiction légale de commercialisation levée, la décision de fond quant à l'opportunité de recourir à un médicament à base de cannabis sera en effet prise entre le médecin et le patient. L'État se tiendra désormais à l'écart de cette réflexion, ce qui évitera de retarder inutilement le début du traitement. La mission des autorités étatiques consistera dorénavant, pour les médicaments à base de cannabis comme pour la morphine, la cocaïne et les autres stupéfiants commercialisables à des fins médicales, à contrôler le respect du devoir de diligence et à intervenir en cas de violation. Pour les patients concernés et leurs médecins, cela facilitera grandement l'application thérapeutique des médicaments en question et supprimera un obstacle à l'accès au traitement.

L'expérience qui sera acquise au fur et à mesure de la pratique clinique devrait permettre de normaliser toujours davantage l'utilisation du cannabis comme produit thérapeutique. Certaines attentes se révéleront excessives, mais de nouvelles formes d'application, encore mal connues, devraient se faire jour. Toutefois, pour tirer pleinement parti du potentiel médical offert par ces produits thérapeutiques, l'industrie pharmaceutique devra redoubler d'efforts sur le front de la recherche ce qui, au final, permettra de déboucher sur de nouvelles autorisations de mise sur le marché de préparations validées cliniquement et selon les exigences du droit des produits thérapeutiques.

6.5

Autres conséquences

La modification législative proposée ne devrait susciter aucune réaction négative de la part des pays voisins ou des Nations Unies (cf. ch. 6.2).

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Les bases constitutionnelles de la LStup, et donc des modifications qui y sont apportées, figurent aux art. 118 (protection de la santé) et 123 de la Constitution (Cst.)49.

49

RS 101

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Les adaptations qui sont proposées ici s'appuient plus précisément sur l'art. 118, al. 2, Cst., qui, en établissant qu'elle légifère entre autres sur l'utilisation des stupéfiants, confère à la Confédération une compétence explicite et totale concernant ces produits, et l'habilite ainsi à réglementer à la fois leur fabrication, leur préparation, leur commerce (y c. leur importation, leur exportation, leur détention, leur remise et leur acquisition) et leur utilisation. Outre cette disposition, qui consacre la compétence de principe de la Confédération en matière de stupéfiants et de toxicomanie, la LStup s'appuie également sur l'art. 123, al. 1, Cst., qui consacre pour sa part la compétence législative de la Confédération en matière de droit pénal et sur lequel cette dernière s'est appuyée pour édicter les art. 19 ss LStup.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

En raison de son association à Schengen, la Suisse doit reprendre dans sa législation une partie du droit de l'Union européenne concernant les stupéfiants. L'acquis de Schengen n'insiste toutefois guère sur l'harmonisation des politiques nationales en matière de drogues, dans la mesure où leur conception est l'affaire des États membres. En dehors des conventions des Nations Unies déjà citées (notamment de la convention unique), il n'existe en outre, d'un point de vue matériel, que des prescriptions portant sur des points très précis. En tout état de cause, les modifications et compléments proposés ici sont tous compatibles avec les engagements pris par la Suisse et avec ses obligations internationales.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le présent projet contient notamment des dispositions importantes sur l'utilisation des stupéfiants. Les dispositions techniques ou détaillées seront arrêtées au niveau du droit d'exécution.

7.4

Frein aux dépenses

Le présent projet ne crée pas de nouvelles dispositions de subventionnement, ni de nouveaux crédits d'engagement ou d'enveloppes financières.

7.5

Délégation de compétences législatives

Le présent projet contient aux art. 18f, al. 2, et 18g, al. 3 et 4, LStup des dispositions qui délèguent au Conseil fédéral la compétence de déterminer les données personnelles requises et de fixer les modalités de leur traitement (en particulier les délais de conservation). L'art. 30b, al. 1, LStup dispose que le Conseil fédéral devra détermi5913

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ner la durée de validité des autorisations exceptionnelles qui auront été délivrées par l'OFSP en vertu de l'ancien droit. Ces normes de délégation lui donnent ainsi la possibilité d'édicter par voie d'ordonnance les dispositions d'exécution précises nécessaires à la révision de la loi. Elles sont suffisamment concrètes.

7.6

Protection des données

Le présent projet tient compte de la législation actuelle en matière de protection des données: l'art. 18f LStup crée une base pour le traitement des données en lien avec les octrois d'autorisations visés aux art. 4, 5 et 8, LStup.

Les dispositions relatives à la protection des données entrent également en ligne de compte dans le cadre de la collecte des données relatives aux traitements avec des médicaments à base de cannabis dispensés d'autorisation (art. 8b en corrélation avec l'art. 18g LStup). L'art. 18g, al. 2, LStup dispose que, pour protéger les patients, les données collectées en vertu de l'art. 8b LStup seront pseudonymisées afin que les autorités ne soient pas en mesure d'identifier les patients; l'al. 3 LStup précise que le Conseil fédéral règlera dans l'OCStup les modalités de la collecte, notamment la nature des données à enregistrer ainsi que les aspects techniques et organisationnels.

Le libellé de l'article ne contient volontairement aucun rappel des principes généraux en matière de traitement des données. En effet, ces dispositions sont précisées dans la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données50 (et les lois cantonales qui en découlent, et n'ont pas à être redéfinies.

50

RS 235.1

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