20.076 Message concernant la loi fédérale sur les loyers et fermages pendant les fermetures d'établissement et les restrictions visant à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Loi COVID-19 sur les loyers commerciaux) du 18 septembre 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur les loyers et fermages pendant les fermetures d'établissement et les restrictions visant à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (loi COVID-19 sur les loyers commerciaux).

Nous vous proposons simultanément de classer les deux interventions parlementaires suivantes: 2020

M

20.3451

Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer (N 4.6.20, Commission de l'économie et des redevances CN)

2020

M

20.3460

Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer (E 8.6.20, Commission de l'économie et des redevances CE)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 septembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-2121

8011

Condensé La loi fédérale urgente sur les loyers et fermages pendant les fermetures d'établissement et les restrictions visant à lutter contre le coronavirus (COVID-19), qui a pour titre court «loi COVID-19 sur les loyers commerciaux», fixe les prestations contractuelles des locataires et des fermiers pour une durée limitée. Elle prévoit aussi une indemnité pour les bailleurs qui se retrouvent en situation de détresse économique du fait de cette même loi.

Contexte Le 4 juin 2020, le Conseil national a adopté par 98 voix contre 84 et 12 abstentions la motion 20.3451 «Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer» déposée par sa Commission de l'économie et des redevances (CER-N).

Le Conseil des États a lui aussi, le 8 juin suivant, donné son aval par 20 voix contre 19 et 4 abstentions à la motion 20.3460, au libellé identique, de sa Commission de l'économie et des redevances (CER-E). Aussi le Conseil fédéral a-t-il mis en oeuvre sans tarder les travaux nécessaires en vue de l'élaboration d'une loi fédérale urgente «COVID-19 sur les loyers commerciaux», qui a été mise en consultation le 1er juillet 2020 avec un délai fixé au 4 août 2020 (délai écourté pour cause d'urgence).

Contenu du projet Le projet prévoit que, pour les installations et établissements publics qui sont ou ont été touchés par les fermetures ou les restrictions, le loyer ou le fermage pour la durée de la fermeture ou de la restriction doit se monter à 40 % du loyer ou du fermage déterminant. Il sera applicable aux fermetures et restrictions ordonnées conformément à l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (ordonnance 2 COVID-19), dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020. L'ordonnance 2 COVID-19 a été abrogée le 22 juin 2020.

Le projet a reçu un accueil contrasté en procédure de consultation, avec des avis défavorables légèrement supérieurs aux positions favorables. Comme l'avant-projet a été jugé trop ambitieux par certains et pas assez par d'autres, il constitue une voie médiane. La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux s'inspire largement du libellé des deux motions transmises par le Parlement.

À l'issue de la consultation, le Conseil fédéral a apporté un certain nombre
d'adaptations au projet, notamment pour dissiper les incertitudes en matière d'application.

Il a par exemple été précisé que le projet est lié aux fermetures d'installations et d'établissements publics et aux restrictions ordonnées par la Confédération pour lutter contre le coronavirus, ce qui le distingue des mesures imposées exclusivement par les cantons. Comparé à l'avant-projet, le projet contient par ailleurs une précision concernant le moment où commencent à courir les délais pour communiquer la déclaration de renonciation à bénéficier de l'application de la loi et pour déposer la demande d'indemnité en cas de détresse économique.

8012

Le projet de loi comprend dix articles: l'art. 1 définit l'objet du texte. L'art. 2 précise son champ d'application au moyen d'une liste non exhaustive. L'art. 3 prévoit que des exclusions du champ d'application sont admises, notamment s'il existe soit un accord exprès sur le bail à loyer ou à ferme, soit une décision judiciaire entrée en force. L'art. 4 détermine le loyer ou le fermage déterminant. L'art. 5 affirme que les locataires d'installations et d'établissements qui ont dû fermer en raison des mesures fédérales de lutte contre le coronavirus doivent s'acquitter, pour la durée de la fermeture, de 40 % du loyer ou du fermage déterminant, cette règle s'appliquant également (art. 6) aux établissements de santé qui ont dû restreindre leur activité, mais pour une durée de deux mois au plus. L'art. 7 indique que les bailleurs qui se retrouveraient en situation de détresse économique en raison de l'application de la loi ont la possibilité de déposer une demande d'indemnité et précise les modalités de ce dépôt. Enfin, les art. 8, 9 et 10 régissent la protection juridique, la répression pénale ainsi que le référendum et l'entrée en vigueur respectivement.

Campant sur ses positions, le Conseil fédéral estime qu'il convient d'éviter d'intervenir dans les relations de droit privé entre locataires et bailleurs. Il a par conséquent décidé de ne pas demander au Parlement d'approuver le projet de loi.

8013

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Table des matières Condensé

8012

1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral 1.3.1 Relation avec le programme de la législature 1.3.2 Relation avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires 1.5 Interventions pas encore traitées par le Parlement

8016 8016 8017

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Projet mis en consultation 2.2 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

8019 8019 8019 8020

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Introduction 3.2 Allemagne 3.3 Autriche 3.4 France 3.5 Italie

8021 8021 8021 8021 8022 8023

4

Présentation du projet 4.1 Dispositif proposé 4.1.1 Champ d'application à raison de la personne 4.1.2 Champ d'application à raison de la matière 4.1.3 Exclusions du champ d'application 4.1.4 Clause d'exemption 4.1.5 Loyer ou fermage déterminant 4.1.6 Adaptation temporaire du loyer ou du fermage déterminant dans la loi 4.1.7 Indemnité en cas de détresse économique due à des pertes de loyer ou de fermage 4.2 Mise en oeuvre 4.2.1 Loyer ou fermage déterminant 4.2.2 Indemnité en cas de détresse économique

8024 8024 8024 8024 8025 8025 8026

5

Commentaire des dispositions

8028

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.1.1 Conséquences financières

8035 8035 8035

8014

8017 8017 8017 8018 8018

8026 8027 8027 8027 8028

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6.2 6.3 6.4 6.5 7

6.1.2 Conséquences sur l'état du personnel Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne Conséquences économiques Conséquences sanitaires et sociales Autres conséquences

8035 8036 8036 8037 8037

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Conformité à la loi sur les subventions 7.6 Protection des données

8038 8038 8039 8039 8040 8040 8041

Loi fédérale sur les loyers et fermages pendant les fermetures d'établissements et les restrictions visant à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Loi COVID-19 sur les loyers commerciaux) (Projet)

8043

8015

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs

Le 4 juin 2020, le Conseil national a adopté la motion 20.3451 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) «Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer». Le Conseil des États a, le 8 juin suivant, donné son aval à la motion 20.3460 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E), au libellé identique.

Le Parlement a ainsi chargé le Conseil fédéral de prendre des mesures pour que les exploitants de restaurants et autres établissements ne paient que 40 % de leur loyer pendant la fermeture ordonnée par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus. Les deux motions demandent également que cette réglementation s'applique aussi pendant une durée maximale de deux mois aux établissements de santé contraints de restreindre considérablement leur activité. Cette réglementation doit s'appliquer aux locataires dont le loyer ou le fermage s'élève à 20 000 francs au plus par mois et par objet; si le loyer ou le fermage se situe entre 15 000 et 20 000 francs, les parties peuvent décider de ne pas l'appliquer. Le Conseil fédéral est également prié de prévoir un montant de 20 millions de francs en faveur des bailleurs qui se retrouveraient en situation de détresse économique suite aux pertes de loyer ou fermage. Si les parties (locataire et bailleur) ont déjà conclu des accords, ceux-ci doivent rester valables et ne pas être annulés par la loi.

Depuis le déclenchement de la crise du coronavirus, le Conseil fédéral a déjà abordé à plusieurs reprises la question des loyers commerciaux. Le 27 mars 2020, il a adopté l'ordonnance COVID-19 bail à loyer et bail à ferme1, qui prolongeait temporairement le délai de 30 à 90 jours en cas de demeure du locataire ou du fermier.

Limitée au 31 mai 2020, cette ordonnance n'est plus en vigueur. Le 8 avril 2020, le Conseil fédéral a décidé de ne pas s'immiscer dans les rapports de droit privé entre locataires et bailleurs et a appelé les parties concernées à dialoguer en vue de solutions constructives et pragmatiques. Il a également chargé le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) de procéder, en collaboration avec le Département fédéral des finances (DFF), à un
suivi de la situation en matière de loyers des locaux commerciaux et de faire rapport au Conseil fédéral à l'automne 2020 au plus tard. Quant au groupe d'action «Droit du bail et crise du coronavirus» mis en place le 24 mars 2020 par le DEFR pour accompagner cette surveillance, il s'appelle désormais «Groupe de travail sur les loyers commerciaux».

1

RS 221.213.4

8016

FF 2020

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

Le Conseil fédéral était tout à fait conscient que les décisions qu'il a prises à la mi-mars 2020 de fermer les établissements et les installations auraient de lourdes conséquences pour les établissements concernés, qui n'ont pas pu réaliser de chiffre d'affaires ou qui n'ont pu réaliser qu'un chiffre d'affaires réduit pendant la période de fermeture ou de restriction d'activité tout en devant continuer de s'acquitter de plusieurs obligations contractuelles, dont le paiement du bail à loyer ou à ferme.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a approuvé toute une série de mesures de soutien.

Par sa décision du 8 avril 2020 de ne pas intervenir dans les rapports de droit privé entre locataires et bailleurs et de les appeler à trouver des solutions à l'amiable, il a tenu à respecter les différentes relations liant les parties au contrat de bail. Le Conseil fédéral en a également appelé à la responsabilité personnelle des parties, qui devraient en principe être intéressées par la poursuite de leur bail à loyer ou à ferme.

Or, en adoptant les deux motions, le Parlement a fait le choix d'une autre approche.

La loi fédérale sur les loyers et fermages pendant les fermetures d'établissement et les restrictions visant à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (loi COVID-19 sur les loyers commerciaux), qui doit permettre de remplir le mandat du Parlement, prévoit en effet une intervention dans les rapports entre les parties au contrat de bail.

Mais une telle solution globale, même si elle apparaît souhaitable, soulève différentes questions de délimitation et ne devrait déployer ses effets qu'avec un décalage de plusieurs mois.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

1.3.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'a pas été annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20232.

Il est la conséquence directe de l'adoption par le Parlement des motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»).

1.3.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

Les motions transmises par le Parlement visent à éviter une avalanche de procédures judiciaires et de procédures de faillite des installations et établissements publics concernés. Le Conseil fédéral avait pour sa part misé au contraire sur des négociations entre les parties au contrat de bail afin de favoriser l'émergence de solutions sur mesure. Il s'était en outre réservé le droit de proposer au besoin des mesures

2

FF 2020 1709 (19.078)

8017

FF 2020

supplémentaires sur la base du monitoring qu'il avait confié le 8 avril 2020 au DEFR (en association avec le DFF).

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose de classer les motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»). Ces deux motions chargent le Conseil fédéral de prendre des mesures en faveur des exploitants des installations et établissements publics qui ont dû temporairement fermer au public en raison des mesures fédérales prévues à l'art. 6, al. 2, de l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) [ordonnance 2 COVID-193] dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020, et pour ceux des établissements de santé eux aussi contraints de restreindre leur activité pour les mêmes raisons (art. 10a, al. 2, de l'ordonnance 2 COVID-19 dans la version du 21 mars 2020). Elles demandent également au Conseil fédéral de prévoir une aide d'un montant de 20 millions de francs pour les bailleurs qui se retrouveraient en situation de détresse économique. Les accords conclus antérieurement entre les parties doivent rester valables.

Le projet présenté répond aux deux motions précitées et permet leur classement.

1.5

Interventions pas encore traitées par le Parlement

Depuis l'adoption des deux motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»), deux autres interventions ont été déposées au Parlement sur les conséquences de la crise sanitaire sur les baux à loyer et à ferme, à savoir:

3

­

l'interpellation Flach du 19 juin 2020 (20.3838 «Les solutions amiables et cantonales seront-elles prises en compte dans le cadre des exonérations de loyer?»);

­

la motion Brenzikofer du 6 mai 2020 (20.3386 «Covid-19 et protection contre le congé. Prolonger les délais de paiement du loyer pour les locaux commerciaux»).

L'ordonnance 2 COVID-19, qui a été abrogée dans l'intervalle, figure sur la plateforme de publication de la Confédération sur la page de l'ordonnance 3 COVID-19 actuellement en vigueur (RS 818.101.24) > Révisions > Ordonnance 2 COVID-19. Toutes les versions mentionnées dans le texte du message peuvent être consultées à cet endroit.

8018

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2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Projet mis en consultation

Le 1er juillet 2020, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation concernant le projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. L'avant-projet réglait la fixation du loyer ou du fermage non seulement des établissements et installations qui ont dû fermer au public en raison des mesures fédérales de lutte contre le coronavirus, mais aussi des établissements de santé qui ont dû restreindre leur activité pour les mêmes raisons. La réglementation devait s'appliquer pour autant que le loyer ou le fermage de la chose louée ou affermée ne soit pas supérieur à 20 000 francs par mois, et s'il se situait entre 15 000 et 20 000 francs, une partie au contrat devait pouvoir renoncer à l'application de ces dispositions. La réglementation devait au contraire ne pas s'appliquer si les parties au contrat avaient conclu un accord exprès pendant la fermeture consécutive aux mesures fédérales et si des décisions judiciaires étaient entrées en force. Il était prévu d'indemniser les bailleurs en situation de détresse économique suite aux pertes de loyer ou fermage provoquées par la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. Doutant de la pertinence de cette indemnité, le Conseil fédéral avait proposé d'y renoncer.

La procédure de consultation s'est achevée le 4 août 2020. Elle a été écourtée au vu de l'urgence du dossier. Sur les 178 avis exprimés au total, 25 émanent de cantons, 7 de partis politiques représentés au sein de l'Assemblée fédérale, 1 des associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, 4 des associations faitières de l'économie, 15 d'autres organisations intéressées et plus d'une centaine de personnes et organisations non invitées à se prononcer.

2.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux a reçu un accueil contrasté en procédure de consultation4. Onze cantons (AR, BL, GE, LU, NW, OW, SZ, TG, UR, ZG, ZH), le PLR, l'UDC et la plupart des associations économiques et des associations de propriétaires et d'agents immobiliers ont rejeté le projet, qui, à leurs yeux, portait atteinte aux droits constitutionnels liés à la liberté économique, à la garantie de la propriété et aux relations contractuelles de droit privé. Les opposants estimaient aussi que la loi proposée créerait des inégalités de traitement et des distorsions de concurrence. En revanche, la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux a été bien accueillie par huit cantons (AI, BS, FR, GL, GR, NE, SO, VD), le PS, le PDC, le PEV, les Verts, l'Union des villes suisses, les organisations de locataires et les associations professionnelles et de la restauration, qui pensaient que le projet apporterait clarté et sécurité juridique. Cependant, parmi les avis favorables, nombreux sont ceux qui estimaient que le projet n'était pas assez ambitieux et qui demandaient, entre autres, qu'il couvre également des domaines non évoqués dans les motions. De nombreux participants à la procédure de consultation, en particulier 4

Le dossier mis en consultation, les avis et le rapport sur les résultats de la consultation sont disponibles sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DEFR.

8019

FF 2020

dans les milieux de locataires et de fermiers, ont souligné la nécessité de trouver rapidement une solution.

L'indemnité versée aux bailleurs en situation de détresse économique a suscité la controverse. Si elle a été rejetée par de nombreux participants à la consultation, qui la jugent inutile, d'autres ont non seulement demandé une augmentation de cette indemnité, mais l'ont aussi considérée comme essentielle pour garantir la constitutionnalité et l'équilibre du projet.

2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Comme l'avant-projet a été jugé trop ambitieux par certains, et pas assez par d'autres, on peut y voir une voie médiane. La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux s'inspire du reste largement du libellé des deux motions transmises par le Parlement.

À l'issue de la consultation, le Conseil fédéral a apporté un certain nombre d'adaptations au projet, notamment pour dissiper les incertitudes en matière d'application.

Les art. 1, 3, 5 et 6 du projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux disposent expressément qu'une fermeture ou une restriction de l'activité doit découler d'une mesure de la Confédération pour que les suites juridiques prévues par la loi s'appliquent. Cette précision crée une distinction vis-à-vis des mesures imposées exclusivement par les cantons. Les règles s'appliquent aux fermetures ou aux restrictions ordonnées en vertu de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020, ce qui figure à l'art. 1, al. 1, du projet de loi avec la précision de la période concernée (du 17 mars au 21 juin 2020). Rappelons que l'ordonnance 2 COVID-19 du 13 mars 2020 a été abrogée le 22 juin 2020. La modification effectuée affirme sa non-validité en cas de deuxième vague, question qui s'été posée lors de la procédure de consultation. Le Conseil fédéral a adapté les deux articles en introduisant un délai de validité à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi.

Les délais pour communiquer par écrit la déclaration de renonciation concernant l'application de la loi à l'autre partie au contrat (art. 3, al. 2, du projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux) et pour déposer la demande d'indemnité en cas de détresse économique (art. 7, al. 3, du projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux) courent à partir de la date du jour suivant la publication dans le Recueil officiel (RO). L'art. 3, al. 1, let. b, du projet de loi précise qu'une éventuelle décision judiciaire doit être entrée en force avant la date du jour suivant la publication dans le RO. Enfin, le Conseil fédéral pourra édicter au besoin des dispositions d'exécution.

8020

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3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

3.1

Introduction

Le droit du bail des États membres de l'Union européenne (UE) relève de leur compétence nationale, résulte d'une évolution historique propre à chacun d'eux et peut donc prendre des formes très différentes. La pandémie de COVID-19 a placé les États européens et l'UE face à des défis nouveaux. Les responsables ont opté pour différentes stratégies de lutte ayant notamment des conséquences sur les rapports locatifs. Les réglementations adoptées doivent chacune être mises en regard avec la situation juridique antérieure à la pandémie, ce qui complique l'établissement de comparaisons.

3.2

Allemagne

Le 27 mars 2020, le parlement allemand a adopté la loi visant à atténuer les conséquences de la pandémie de COVID-19 dans les procédures civiles et pénales et dans le droit régissant l'insolvabilité5. L'art. 5, par. 2, de cette loi contient une restriction touchant à la résiliation des baux à loyer et à ferme. Un contrat de location de bienfonds ou de locaux ne peut être résilié par le bailleur au seul motif que le locataire ne s'est pas acquitté du loyer dû entre le 1er avril et le 30 juin 2020. Le non-paiement du loyer doit être imputable aux effets de la pandémie de COVID-19. L'art. 5, par. 2, al. 1, de la loi ne touche pas les autres droits de résiliation. La restriction de résiliation liée aux conséquences de la pandémie de COVID-19 s'applique jusqu'au 30 juin 2022. Le gouvernement fédéral allemand précise que, très souvent, des accords entre les locataires et les bailleurs ont été conclus sur une base privée 6.

3.3

Autriche

Le par. 1104 du 1er janvier 1917 du code civil autrichien (ABGB)7 contient une disposition relative aux événements extraordinaires. Si une chose louée ne peut être utilisée ou ne peut pas être occupée en raison d'un événement extraordinaire, comme un incendie, une guerre ou encore une épidémie, ou à cause de grandes inondations, d'intempéries ou d'une très mauvaise récolte (Misswachs), le bailleur n'est pas tenu de la remettre en état, et aucun loyer ou fermage n'est à verser. La question de savoir 5

6

7

Gesetz zur Abmilderung der Folgen der Covid-19-Pandemie im Zivil-, Insolvenz- und Strafverfahrensrecht (voir: Bundesgesetzblatt Jahrgang 2020 Teil I Nr. 14, ausgegeben zu Bonn am 27. März 2020, p. 569 à 574) www.bundesregierung.de/breg-de > Themen > Coronavirus in Deutschland > Informationen zu Miete und Verbraucherschutz > Regelungen zu Miete, Pacht und Wohneigentum > Was wird zum Schutz von Mietern und Pächtern neu geregelt?

(site consulté le 10.8.2020).

Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch für die gesammten deutschen Erbländer der Oesterreichischen Monarchie (ABGB). La version actuelle peut être consultée sur la plateforme du système d'information juridique du gouvernement fédéral (RIS): www.ris.bka.gv.at > Bundesrecht > Bundesrecht konsolidiert > ABGB.

8021

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si une partie au contrat de bail à loyer ou à ferme concernée peut invoquer le par. 1104 ABGB dépend du cas d'espèce et du contrat conclu. Le par. 1105 ABGB du 1er janvier 1917 prévoit en outre qu'un locataire qui, malgré un événement extraordinaire, conserve un usage limité de la chose louée, sera exonéré en proportion d'une partie du loyer. Dans le cas d'un bail à ferme, il convient de tenir compte encore d'autres conditions. Un fonds de gestion de crise COVID-19 fondé sur la loi fédérale introduite à cet effet (COVID 19-FondsG)8 a été créé par le Ministère autrichien des finances: aux termes du par. 3, al. 1, ch. 5, les ressources financières peuvent être affectées, entre autres, à des mesures visant à amortir la perte de revenus subie à la suite de la crise sanitaire.

S'agissant des baux d'habitation, l'art. 37, par. 1, de la 4e loi COVID-199 prévoit des restrictions concernant les suites juridiques en cas d'arriérés de loyer. Si un locataire ne s'acquitte pas du loyer dû entre le 1er avril et le 30 juin 2020 ou ne s'en acquitte pas intégralement parce que ses rendements économiques sont fortement péjorés par la pandémie de COVID-19, le bailleur ne peut alléguer les arriérés en question pour résilier le contrat de bail ni en demander la résiliation anticipée en se fondant simplement sur le par. 1118 ABGB. Jusqu'au 31 décembre 2020, le bailleur n'a pas le droit de réclamer les arriérés de loyer devant les tribunaux ni de les couvrir en activant la caution versée par le locataire.

3.4

France

Le 26 mars 2020, le gouvernement français a créé un fonds de solidarité dont les bénéficiaires sont exemptés de pénalités financières s'ils ne s'acquittent pas du loyer des locaux commerciaux ou professionnels qu'ils occupent. Les bailleurs ne sont en outre pas autorisés à invoquer des clauses résolutoires ou d'activation des cautions (art. 4 en relation avec l'art. 1 de l'ordonnance no 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-19)10. Les conditions précises figurent dans le décret no 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-1911. La réglementation est applicable aux loyers dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence 8

9 10

11

La version actuelle peut être consultée sur la plateforme du système d'information juridique du gouvernement fédéral (RIS): www.ris.bka.gv.at > Bundesrecht > Bundesrecht konsolidiert > COVID-19-FondsG. Gesetzesnummer: 20011074, dans la version du 16 mars 2020.

Feuille fédérale (Bundesgesetzblatt) de la République d'Autriche, année 2020, éditée le 4 avril 2020, partie I, 24. Bundesgesetz: 4. Covid-19-Gesetz.

La version actuelle peut être consultée sur la plateforme Légifrance: www.legifrance.gouv.fr/ > https://beta.legifrance.gouv.fr > Ordonnance n o 2020-316.

Version du 27 mars 2020.

La version actuelle peut être consultée sur la plateforme Légifrance: www.legifrance.gouv.fr/ > https://beta.legifrance.gouv.fr > Décret n o 2020-378.

Version du 16 août 2020.

8022

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sanitaire déclaré par l'art. 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19 (1)12 (art. 4 de l'ordonnance no 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de COVID-19). Les entreprises qui peuvent bénéficier de ces dispositions sont pratiquement les mêmes que celles qui sont éligibles au fonds de solidarité. L'une des exigences prévues est que l'entreprise ait fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public entre le 1 er mars et le 31 mars 2020 ou qu'elle ait subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars et le 31 mars 2020 par rapport à mars 2019 (art. 2 du décret no 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de COVID-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation13).

Le gouvernement français a mis sur pied une médiation entre bailleurs et locataires de locaux commerciaux, qui a permis d'établir une charte de bonnes pratiques14. Ce document prévoit notamment la possibilité de reporter les loyers commerciaux et définit les modalités de règlement des sommes reportées. Il aborde également la question de la suppression de l'obligation de verser le loyer 15.

3.5

Italie

L'art. 65 du décret «Cura Italia» (décret-loi du 17 mars 2020, n. 18, Misure di poteziamento del Servizio sanitario nazionale e di sostegno economico per famiglie, lavoratori e imprese connesse all'emergenza epidemiologica da COVID-19.

[20g00034] [GU Serie Generale n. 70 del 17-03-2020]16) prévoyait un crédit d'impôt s'élevant à 60 % du loyer du mois de mars 2020 et concernait les immeubles de la catégorie cadastrale C/1 (commerces et boutiques) ayant une activité commerciale. Cet allègement fiscal visait à limiter les effets négatifs des mesures liées à la pandémie de COVID-19. Ensuiteest entré en vigueur le 19 mai 2020 le décret-loi n. 34 Misure urgenti in materia di salute, sostegno al lavoro e all'economia, nonché di politiche sociali connesse all'emergenza epidemiologica da 12

13

14

15

16

La version actuelle peut être consultée sur la plateforme Légifrance: www.legifrance.gouv.fr/ > https://beta.legifrance.gouv.fr > Loi n o 2020-290. Version du 11 juillet 2020.

La version actuelle peut être consultée sur la plateforme Légifrance: www.legifrance.gouv.fr/ > https://beta.legifrance.gouv.fr > Décret no 2020-371. Version du 16 août 2020.

www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises > Baux commerciaux: une charte de bonnes pratiques pour encadrer les reports et annulations de loyers, 24/06/2020 (site consulté le 11.8.2020).

Charte des bonnes pratiques entre Commerçants et Bailleurs pour faire face à la crise du COVID 19, 3 juin 2020, préambule et ch. 2.3 ss. (www.economie.gouv.fr/mediateur-desentreprises/baux-commerciaux-charte-de-bonnes-pratiques, site consulté le 11.8.2020).

La version peut être consultée sur la plateforme Gazzetta Ufficiale delle Repubblica Italiana: www.gazzettaufficiale.it/: www.gazzettaufficiale.it/eli/id/2020/03/17/ 20G00034/sg.

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COVID-1917, qui règle les modalités du crédit d'impôt (art. 28) et contient, par rapport au décret «Cura Italia», des modifications visant notamment à élargir le cercle des destinataires.

4

Présentation du projet

4.1

Dispositif proposé

4.1.1

Champ d'application à raison de la personne

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux règle la fixation du loyer ou du fermage des installations et établissements publics qui ont dû fermer en vertu de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020, et des établissements de santé qui ont dû restreindre leur activité en vertu de la même ordonnance. Par souci de clarté, la loi précise notamment qui relève du champ d'application à raison de la personne.

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux prévoit d'indemniser les bailleurs qui se retrouvent dans une situation de détresse économique suite aux pertes de loyer ou de fermage induites par les mesures qu'elle impose.

Le dispositif proposé correspond donc au texte des deux motions auxquelles il est donné suite. Le droit du bail, qui est réglé dans le code des obligations (CO)18, contient des règles largement uniformes pour tous les locataires et ne fait des distinctions entre les locataires de locaux commerciaux et ceux d'habitations que sur des points particuliers. La différenciation faite dans les deux motions, au libellé identique, est liée aux différentes manières dont on peut être affecté par les mesures prévues par l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020.

4.1.2

Champ d'application à raison de la matière

Les règles prévues par la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux s'appliquent au bail à loyer ou à ferme pour autant que le loyer ou le fermage de la chose louée ou affermée ne dépasse pas 20 000 francs par mois. Ce plafonnement répond à la volonté déclarée de protéger les PME. Les auteurs des motions ont estimé que les locataires qui paient un loyer supérieur à 20 000 francs sont dans une position de négociation équilibrée vis-à-vis des bailleurs19.

17

18 19

La version peut être consultée sur la plateforme Gazzetta Ufficiale delle Repubblica Italiana: www.gazzettaufficiale.it/: www.gazzettaufficiale.it/eli/id/2020/05/19/ 20G00052/sg.

RS 220 Bulletin officiel, Conseil des États, session d'été 2020, cinquième séance, 8.6.2020, motion 20.3460 CER-E, BO 2020 E 396.

8024

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4.1.3

Exclusions du champ d'application

Le 8 avril 2020, le Conseil fédéral a exhorté les acteurs concernés à contribuer à des solutions constructives et pragmatiques, en tenant compte de la situation concrète des parties en présence20. En outre, plusieurs cantons ou communes ont créé pour les parties au contrat des incitations qui prévoient la prise en charge d'un certain montant par la collectivité en cas d'accord. Il existe également des collectivités publiques qui louent des locaux commerciaux et ont consenti des concessions financières à leurs locataires. Si les accords exprès évoqués portent sur le montant du loyer ou du fermage pendant la période de fermeture ou de réduction d'activité, la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux n'est pas applicable. Celle-ci ne déploie ainsi ses effets que dans les cas prévus par l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020 et lorsque les locataires ou fermiers, d'une part, et les bailleurs, d'autre part, n'ont pu trouver de solution concertée, ou encore lorsqu'aucune décision judiciaire n'est entrée en force avant le jour suivant la publication dans le RO.

4.1.4

Clause d'exemption

Si le loyer ou le fermage déterminant se situe entre 15 000 et 20 000 francs, chaque partie a la possibilité de renoncer à l'application de la réglementation instituée par la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. Cette volonté se traduit par une déclaration unilatérale communiquée à l'autre partie au contrat. La déclaration de renonciation porte sur l'application de la réglementation sur les loyers et fermages prévue par la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. En clair, dans ce cas, le bailleur n'a droit ni à la réduction du loyer ou du fermage à 40 % ni à la possibilité de présenter une demande d'indemnisation s'il se retrouve dans une situation de détresse économique à la suite de l'application de la loi. Notons que seule une très petite partie des contrats de bail prévoient des loyers ou des fermages mensuels compris entre 15 000 et 20 000 francs.

Pour des raisons liées à l'administration de la preuve, la déclaration de renonciation doit être communiquée par écrit. Le délai prévu à compter du jour suivant la publication de la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux dans le RO fournira une assurance à l'autre partie.

La clause d'exemption donne aux parties la possibilité de conclure leur propre accord ou, au besoin, de recourir aux voies de droit. La possibilité de renoncer à l'application de la réglementation sur les loyers et fermages prévue par la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux limite au strict nécessaire l'intervention dans la relation contractuelle.

20

www.ofl.admin.ch > L'OFL > Communiqués de presse > Communiqué du 8 avril 2020, «Coronavirus: Le Conseil fédéral appelle bailleurs et locataires à trouver des solutions pour les loyers des locaux commerciaux», (page consultée le 11.8.2020).

8025

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4.1.5

Loyer ou fermage déterminant

Par bail à loyer ou à ferme, on entend le loyer ou le fermage net comprenant tous les biens dont l'usage a été cédé avec celui-ci. Il s'agit par exemple de biens mobiliers, de garages, de places de stationnement extérieures ou souterraines ainsi que de jardins (art. 253a, al. 1, CO en relation avec l'art. 1 de l'ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux [OBLF]21), même lorsqu'il existe plusieurs rapports contractuels. Les frais accessoires ne sont pas inclus dans le loyer ou le fermage net.

Si les parties sont convenues dans le contrat de bail à loyer ou à ferme que les frais accessoires sont inclus dans le loyer ou fermage, un montant approprié doit être déduit pour déterminer le loyer ou le fermage applicable. Une telle déduction doit également être effectuée si l'objet loué ou affermé est utilisé à des fins non seulement professionnelles, mais aussi privées (habitation).

Les parts calculées sur le chiffre d'affaires ne sont pas prises en considération dans l'établissement du loyer ou du fermage déterminant. La fermeture ou la restriction d'activité entraînant dans tous les cas une baisse du chiffre d'affaires, le loyer ou le fermage serait réduit de toute manière. Ne tenir compte que du loyer de base permet d'éviter que le chiffre d'affaires ait un double effet sur le loyer ou le fermage.

4.1.6

Adaptation temporaire du loyer ou du fermage déterminant dans la loi

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux règle la fixation du loyer ou du fermage des installations et établissements publics qui ont dû fermer en vertu de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020. Pendant la durée de la fermeture ordonnée par le Conseil fédéral, les établissements concernés s'acquittent de 40 % du loyer ou du fermage déterminant (sans les frais accessoires), ce qui déroge aux dispositions du CO.

Les établissements de santé, qui ont dû restreindre leur activité à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2 COVID-19 dans la version du 21 mars 2020, s'acquittent de 40 % du loyer ou du fermage déterminant (sans les frais accessoires) pendant une durée de deux mois au plus. La règle déroge elle aussi aux dispositions du CO.

La fixation du loyer ou du fermage dû offre une solution permettant d'éviter des procédures longues et coûteuses. L'interprétation consistant à dire que la fermeture ou la restriction d'activité ordonnée par les autorités et, partant, la réduction de l'usage de l'objet loué ou affermé qui en résulte, constituent un défaut au sens des art. 259a ss., est contestée. En droit du bail, l'existence d'un défaut peut notamment contraindre le bailleur à une réduction proportionnelle du loyer ou au versement de dommages-intérêts. Or les bailleurs ne sont pas responsables de la fermeture et de la restriction d'activité liées aux mesures fédérales prises pour lutter contre le coronavirus. Le dispositif proposé est un moyen efficace d'atténuer rapidement les effets de

21

RS 221.213.11

8026

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la pandémie de COVID-19, qui permet de créer rapidement une sécurité juridique pour les personnes concernées et d'éviter le recours aux voies de droit.

4.1.7

Indemnité en cas de détresse économique due à des pertes de loyer ou de fermage

Si, en application de la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux, seulement 40 % du loyer ou du fermage déterminant est exigible pendant une période à préciser, cette mesure permet de soulager financièrement les locataires ou les fermiers.

Pour leur part, les bailleurs subissent une perte de 60 % du loyer ou du fermage déterminant. Une situation de détresse économique de ces bailleurs ou fermiers est par exemple avérée lorsque le loyer est fixé uniquement sur la base des coûts ou lorsque la survie économique est mise en péril. Afin de pallier ces problèmes, la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux prévoit la mise à disposition d'un montant de 20 millions de francs au plus. Le Conseil fédéral doute toutefois de la pertinence de cette indemnisation et propose par conséquent d'y renoncer.

Les bailleurs concernés peuvent déposer une demande d'indemnisation dûment motivée auprès de l'Office fédéral du logement (OFL). La situation de détresse économique doit être une conséquence de la perte subie en raison de la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. Les parties au contrat de bail à loyer ou à ferme concerné sont tenues de fournir les documents et renseignements nécessaires. Il est ainsi possible de garantir que les parties en difficulté obtiennent une aide. Le montant de l'indemnité est fixé au cas par cas et ne doit pas excéder celui de la perte financière subie. L'appréciation des demandes est effectuée conformément aux dispositions générales de la procédure fédérale.

Pour le cas où le volume des demandes dépasserait les ressources disponibles, la loi prévoit deux mécanismes: primo, l'OFL peut assortir la reconnaissance d'une situation de détresse économique d'exigences supplémentaires et, secundo, il peut plafonner le montant des indemnités.

Comme il peut se passer un certain temps avant de pouvoir établir que le bailleur est effectivement en situation de détresse économique, le projet prévoit un délai de six mois à compter du jour suivant la publication dans le RO pour le dépôt d'une demande d'indemnisation.

Les aides financières font généralement craindre des abus, et c'est également le cas pour les mesures de soutien prises dans le contexte de la pandémie de coronavirus.

C'est pourquoi la loi contient une disposition pénale prévoyant une amende de 10 000 francs au plus pour les contrevenants.

4.2

Mise en oeuvre

4.2.1

Loyer ou fermage déterminant

Le projet porte sur la fixation du loyer ou du fermage des installations et établissements qui ont dû fermer temporairement ou restreindre leur activité en vertu de 8027

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l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020, et donc sur la contrepartie demandée au titre de la mise à disposition de locaux. Non seulement les baux à loyer et à ferme en tant qu'expression de l'autonomie privée revêtent, dans la pratique, des formes diverses, mais l'état du paiement des créances contractuelles peut varier considérablement. En effet, si certains locataires et fermiers ont réglé intégralement leur dû, d'autres accusent des arriérés. En outre, certaines parties à un contrat temporisent délibérément. C'est pourquoi la mise en oeuvre pratique du projet en matière de baux à loyer ou à ferme incombera aux parties au contrat, de manière à tenir compte de la diversité des situations. Enfin, les parties concernées ont la possibilité d'imaginer toute solution adaptée à leur cas particulier.

En cas de désaccord, les intéressés peuvent engager les procédures prévues par le code de procédure civile (CPC)22. En principe, une conciliation doit d'abord être tentée auprès d'une autorité de conciliation en matière de baux à loyer. Certaines dérogations sont prévues par le CPC (art. 198 Exceptions; art. 199 Renonciation à la procédure de conciliation). Les parties au contrat peuvent aussi faire une demande de médiation en lieu et place de la conciliation. Quelle que soit l'issue de la procédure de conciliation ou de la médiation, la possibilité de recourir aux tribunaux demeure.

4.2.2

Indemnité en cas de détresse économique

Les conditions à remplir pour demander une indemnité pour détresse économique sont exposées au ch. 4.1.7. La procédure et, plus spécifiquement, le recours contre une décision de l'OFL, seront régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)23.

5

Commentaire des dispositions

Art. 1

Objet

Les motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture.

Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»), se réfèrent à la fermeture des établissements publics fondée sur l'art. 6, al. 2, de l'ordonnance 2 COVID-19 et à la restriction de l'activité des établissements de santé en application de l'art. 10a, al. 2, de l'ordonnance dans les versions du 19 et 21 mars 2020. Ces mesures de fermeture et de restriction d'activité sont fondées sur les décisions prises par le Conseil fédéral le 16 mars 2020 et doivent être distinguées des restrictions mises en place par les cantons. Selon l'al. 1, la loi règle la fixation du loyer ou du fermage des locaux des installations et établissements concernés. La loi s'applique à l'ensemble des fermetures et restrictions imposées par l'ordonnance.

22 23

RS 272 RS 172.021

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L'indication du délai établit clairement que le projet s'applique aux fermetures et aux restrictions de l'activité ordonnées sur la base de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020. Pour ce qui est de la période de temps concernée, les deux motions se réfèrent expressément aux fermetures et aux restrictions d'activité mises en place au printemps 2020. L'avant-projet tout comme le projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux concrétisent ce mandat. La thématique d'une deuxième vague a été évoquée dans le cadre de la procédure de consultation. Le 12 août 2020, le Conseil fédéral a adopté un message concernant la loi fédérale sur les bases légales relatives aux ordonnances du Conseil fédéral pour gérer l'épidémie de COVID-19 (loi COVID-19)24. L'entrée en vigueur de cette loi urgente fournirait les bases légales nécessaires au maintien des mesures nécessaires pour gérer l'épidémie de COVID 19. La loi COVID-19 ne contient toutefois aucune disposition qui se réfère explicitement au droit du bail.

L'expression «loyer ou fermage» n'est pas autrement précisée, ce qui implique que la loi vaut également pour la sous-location selon l'art. 262 CO et pour le sousaffermage au sens de l'art. 291 CO.

Les motions 20.3451 et 20.3460 demandent par ailleurs au Conseil fédéral de créer un fonds doté de 20 millions de francs en faveur de bailleurs d'objets loués ou affermés qui se retrouvent en situation de détresse économique. Cette revendication est matérialisée à l'al. 2; il est toutefois précisé que seuls sont concernés les cas de rigueur impliquant une situation de détresse économique due aux pertes de loyer ou de fermage induites par la loi.

Art. 2

Champ d'application

L'énumération figurant à l'art. 2 n'est pas exhaustive. Les let. a à e mentionnent une partie des installations et établissements cités à l'art. 6, al. 2, de l'ordonnance 2 COVID-19 (notamment dans la version du 19 mars 2020). La let. f se rapporte aux établissements de santé visés à l'art. 10a, al. 2, de l'ordonnance COVID 19 dans sa teneur du 21 mars 2020. Il convient de déterminer au cas par cas si un établissement a dû fermer ou restreindre son activité en application de l'ordonnance. Il en va de même pour les établissements qui ont pu rester ouverts en vertu de la dérogation prévue à l'art. 6, al. 3, de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020. Ainsi, la let. a cite l'exemple des magasins d'alimentation et autres commerces vendant des biens de consommation courante. Si un commerce de ce type a pu rester ouvert, il est exclu du champ d'application de la loi, même s'il n'a pas eu le droit de vendre une partie des articles de son assortiment (ceux qui n'entrent pas dans la catégorie des biens de consommation courante). Le critère déterminant de l'application de la loi est la situation résultant de l'obligation de fermer ou de restreindre l'activité, et non l'impact sur le chiffre d'affaires.

La loi s'applique également lorsque la chose louée ou affermée sert aussi d'autres buts que la vente. Les garages et les magasins de cycles, par exemple, disposent généralement à la fois d'un local de vente visé par la fermeture des établissements et 24

Coronavirus: le Conseil fédéral adopte le message relatif à la loi COVID-19, www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqué du Conseil fédéral > 12.08.2020 (page consultée le 13.8.2020).

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d'un atelier de réparation qui a pu rester ouvert en vertu de l'art. 6, al. 3, let. i, de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020 (ateliers de réparation de moyens de transport). Le fait que ces établissements aient pu, contrairement à ceux qui ont dû fermer entièrement, générer un revenu, même réduit, ne fait pas obstacle à l'application de la loi, car celle-ci prévoit une solution universelle, qui ne saurait se fonder sur l'évolution effective du chiffre d'affaires de chacun des établissements concernés.

Plusieurs voix se sont exprimées lors de la procédure de consultation pour demander que les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les opticiens et les centres de fitness et de remise en forme entrent dans le champ d'application de la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux. En règle générale, il s'agit, concernant les acteurs mentionnés, d'établissements de santé au sens de l'art. 10a, al. 2, de l'ordonnance 2 COVID-19 dans sa version du 21 mars 2020, auxquels est applicable la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux conformément au libellé des deux motions 20.3451 et 20.3460. En outre, l'énumération à l'art. 2, al. 1, du projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux n'est pas exhaustive.

La loi n'est pas applicable lorsque le loyer ou le fermage dépasse 20 000 francs.

L'utilisation du terme «locaux commerciaux» souligne que ce seuil se rapporte au montant mensuel du loyer ou du fermage et non au volume du contrat. Si un même bail porte sur plusieurs biens loués ou affermés clairement distincts, la loi s'applique à chacun des objets dont le loyer ou le fermage est inférieur ou égal à 20 000 francs, même si le cumul des loyers ou des fermages mensuels dépasse ce montant.

Art. 3

Exclusions du champ d'application

Les motions 20.3451 et 20.3460 exigent que les éventuels accords déjà conclus entre les parties restent valables. En outre, la conclusion d'accords futurs reste possible.

C'est pourquoi il est prévu que la loi ne s'applique pas si les parties ont conclu un accord exprès sur le montant du loyer ou du fermage pendant la durée de la fermeture ou restriction d'activité en vertu de l'ordonnance 2 COVID-19 dans les versions du 17, 19 et 21 mars 2020. Cela signifie, à l'inverse, que tout autre arrangement, par exemple en matière de délai de paiement ou d'échelonnement des paiements, ne constitue pas un accord au sens de l'al. 1, let. a, et n'exclut donc pas l'application de la loi. Il en va de même lorsque le preneur de bail a continué de régler son loyer ou fermage.

Certains cantons ont mis en place des mécanismes incitatifs, qui prévoient un soutien public dans le cas où les parties trouvent une solution amiable. De telles conventions sont assimilées à un accord au sens de la disposition et excluent dès lors l'application de la loi. Les solutions des cantons portent parfois sur une plus longue durée que celle de la fermeture. Par conséquent, il est possible que la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux et une convention soient applicables l'une après l'autre, sans chevauchement.

Il se peut qu'un accord ne porte que sur une partie de la période de fermeture ou de restriction d'activité. Si le bailleur et le locataire ou fermier sont convenus d'une exonération du loyer pendant un mois, il convient de déterminer, sur la base des circonstances concrètes, si l'ensemble de la période de fermeture ou de restriction 8030

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d'activité ou si seulement le mois en question est couvert. Dans la seconde hypothèse, la loi serait applicable au reste de la période concernée.

Dès lors que le montant du loyer ou du fermage fait l'objet d'une décision judiciaire entrée en force avant le jour suivant la publication de la loi dans le RO, cette décision a le même effet qu'un accord contraignant. La loi s'applique rétroactivement aux procédures judiciaires en cours qui entrent dans son champ d'application matériel (cf. art. 10, al. 2).

Le texte des motions 20.3451 et 20.3460 spécifie que, lorsque le loyer ou le fermage se situe entre 15 000 et 20 000 francs, les deux parties peuvent convenir de ne pas appliquer la réglementation prévue. Le recours à cette clause d'exemption passe par une déclaration de renonciation à l'application de la loi. Il exclut dans le même temps toute indemnité en cas de détresse économique conformément à l'art. 7. Si, après qu'une des parties a déclaré renoncer à l'application de la loi, le bailleur subit des pertes de loyer ou fermage (p. ex. en raison d'une décision judiciaire), il ne peut demander une indemnisation. Seule une très petite partie des contrats de bail prévoient des loyers ou des fermages mensuels compris entre 15 000 et 20 000 francs.

Dans un souci de sécurité juridique, la déclaration de renonciation doit être communiquée dans un délai de 60 jours à compter du jour suivant la publication de la loi dans le RO.

Art. 4

Loyer ou fermage déterminant

Il est spécifié que c'est le montant total du loyer ou du fermage qu'il faut considérer, ce qui comprend tous les biens dont l'usage a été cédé avec les locaux. Selon l'art. 1 OBLF, il s'agit par exemple de biens mobiliers, de garages, de places de stationnement extérieures ou souterraines ainsi que de jardins, même lorsqu'il existe plusieurs contrats. Cela étant, seul le loyer ou le fermage net, à savoir le montant sans les frais accessoires, est déterminant pour le calcul. Le montant des frais accessoires se fonde sur le dernier décompte. Si l'objet loué ou affermé est neuf ou entièrement rénové et qu'aucun décompte n'a encore été établi, les frais accessoires peuvent être déterminés en fonction soit de l'acompte convenu, soit de l'estimation d'un expert. Dans le cas où les charges font l'objet d'un forfait convenu entre le bailleur et le locataire ou fermier, c'est ce montant forfaitaire qui est déterminant.

Les frais accessoires ne sont pas toujours comptabilisés séparément. Ils peuvent en effet être inclus dans le loyer ou le fermage en vertu du bail. Dans ce cas, il convient de soustraire les charges du montant brut, en appliquant une déduction appropriée.

Un grand nombre de baux ne portent pas uniquement sur des surfaces commerciales, mais comprennent également des locaux d'habitation. Ainsi, certains établissements de restauration incluent le logement destiné au gérant. Il y a alors lieu de retrancher la part inhérente au logement, en appliquant une déduction appropriée. Si le résultat obtenu est inférieur ou égal à 20 000 francs, la loi s'applique conformément à l'al. 2.

Dans un bail commercial, il est usuel de prévoir une clause selon laquelle tout ou partie du loyer ou du fermage est proportionnel au chiffre d'affaires réalisé. Dans ce cas de figure, la part liée au chiffre d'affaires n'entre pas dans le calcul du montant du loyer ou du fermage déterminant. La règle des 40 % ne vaut que pour un montant 8031

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de base, dû en toutes circonstances. Selon les clauses du bail, la baisse du chiffre d'affaires résultant de la fermeture se répercute sur le montant du loyer ou du fermage avec un temps de retard plus ou moins important. Par conséquent, des difficultés de trésorerie demeurent possibles lorsque le loyer ou le fermage est lié au chiffre d'affaires. Elles peuvent cependant être surmontées au moyen d'un crédit bancaire accordé au titre du programme d'octroi de cautionnements visant à atténuer les conséquences du coronavirus (COVID-19) prévu par l'ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID-1925. Il est prévu que cette ordonnance soit reprise dans la loi fédérale sur les crédits garantis par un cautionnement solidaire à la suite du coronavirus (loi sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19). La procédure de consultation relative à ce projet s'est achevée le 21 juillet 2020.

La mention du chiffre d'affaires signifie a contrario que le loyer ou le fermage net est déterminant dans son intégralité lorsqu'il est fondé sur n'importe quel autre critère de fixation, y compris en cas d'indexation ou d'échelonnement du loyer.

Art. 5

Loyer ou fermage dû

L'art. 5 met en oeuvre la principale revendication des motions 20.3451 et 20.3460, à savoir que les locataires ou fermiers d'installations et d'établissements publics ne doivent que 40 % du loyer ou du fermage déterminant. La règle déroge aux dispositions du CO, et sa validité est expressément limitée à la durée de la fermeture ordonnée. Si l'établissement n'a pas rouvert immédiatement après la levée des mesures fédérales, par exemple pour des raisons économiques, la règle des 40 % ne s'applique pas à cette phase.

Le montant du loyer ou du fermage déterminant pour l'application de la règle des 40 % est calculé sur la base des critères d'applicabilité de la loi fixés à l'art. 4. Il correspond au loyer ou fermage net des locaux commerciaux loués ou affermés comprenant tous les biens dont l'usage a été cédé avec ceux-ci, mais non les frais accessoires.

Art. 6

Établissements de santé

La règle des 40 % fixée à l'art. 5 bénéficie aussi aux établissements de santé qui ont dû réduire leur activité conformément à l'art. 10a, al. 2, de l'ordonnance 2 COVID-19 dans la version du 21 mars 2020, mais là aussi uniquement pour la durée de la restriction ordonnée. Par ailleurs, son application est limitée à deux mois au plus, comme le demandent les motions 20.3451 et 20.3460.

Art. 7

Indemnité en cas de détresse économique

Comme il a été expliqué au ch. 4.1.7, le Conseil fédéral propose de ne pas prévoir d'indemnisation en cas de détresse économique.

Conformément à ce que demandent les motions 20.3451 et 20.3460, la loi prévoit une enveloppe financière de 20 millions de francs en faveur des bailleurs. La formulation choisie permet de garantir que les dépenses ne dépasseront pas les moyens 25

RS 951.261

8032

FF 2020

alloués. Dès que ces moyens seront épuisés, le versement des indemnités prendra fin.

L'indemnisation est subordonnée à la reconnaissance d'une situation de détresse économique du bailleur résultant des pertes de loyer ou fermage induites par la règle des 40 %.

Pour établir s'il y a véritablement détresse économique, il faut tenir compte des circonstances du cas d'espèce. Un cas de rigueur peut par exemple être induit par des pertes financières provoquant une grave détérioration de la situation économique du bailleur, entraînant une procédure de faillite possible ou effective ou perçues comme particulièrement injustes.

Il s'agit aussi de reconnaître la situation de détresse économique dans le cas où le loyer est fixé uniquement sur la base des coûts. Contrairement aux dispositions générales du CO concernant les loyers fondés sur les coûts, un loyer fixé uniquement sur la base des coûts signifie que le bailleur se contente de couvrir ses frais effectifs et de dégager un rendement minimal. Dans le droit des obligations, le choix d'un loyer calculé durablement sur la base des coûts exclut le recours aux critères des loyers usuels dans le quartier et de la compensation du renchérissement (art. 13, al. 3, OBLF). Le critère des coûts est aussi retenu dans le cadre de la loi sur le logement du 21 mars 200326 et divers actes cantonaux régissant l'encouragement du logement; il est régulièrement appliqué par les maîtres d'ouvrage d'utilité publique pour calculer le loyer de locaux commerciaux. Lorsque le loyer est fondé uniquement sur les coûts, sa réduction se traduit automatiquement par une couverture insuffisante des coûts et entraîne logiquement une situation de détresse économique.

Comme il peut s'écouler un certain temps avant qu'un bailleur ne se retrouve dans une situation de détresse économique, les bailleurs ont six mois à compter du jour suivant la publication de la loi dans le RO pour déposer une demande d'indemnisation. Dans le cas où il n'est pas encore possible de déterminer, à cette échéance, si le bailleur subira une perte de loyer ou fermage ni s'il en résultera une situation de détresse, une demande peut être déposée et suspendue provisoirement.

La demande d'indemnisation doit être accompagnée de différents documents, à savoir: le contrat de bail, la correspondance en lien avec la
réduction à 40 % du loyer ou fermage, et d'autres pièces attestant de la situation de détresse économique.

L'examen de la demande peut nécessiter la vérification de certaines informations.

C'est pourquoi, tout comme le bailleur, le locataire ou fermier est tenu de fournir les renseignements et les documents qui lui sont demandés. L'obligation de collaborer peut également être fondée sur l'art. 13 PA.

Le montant de l'indemnité est limité. Il ne doit pas dépasser les pertes de loyer ou fermage subies par le bailleur. Ce plafond vise à éviter que les recettes totales du bailleur puissent être supérieures au revenu ordinaire qu'il tire de l'objet loué ou affermé.

Étant donné que l'enveloppe financière est limitée, il se pourrait que le volume des demandes d'indemnisation excède les ressources disponibles. Aussi l'OFL peut-il assortir d'exigences supplémentaires la reconnaissance de la situation de détresse 26

RS 842

8033

FF 2020

économique, afin d'éviter que les bailleurs qui ont le plus besoin de l'indemnité ne puissent pas en bénéficier.

Par ailleurs, l'OFL peut également abaisser le montant des indemnités, afin qu'un plus grand nombre de bailleurs puissent bénéficier d'une indemnisation. Il appartient à l'OFL de décider, le cas échéant, laquelle de ces deux mesures est préférable. Une combinaison des deux est également envisageable.

Art. 8

Voies de recours

Les dispositions générales de la procédure fédérale s'appliquent.

Art. 9

Disposition pénale et dénonciation de contraventions

Il y a lieu de prévoir expressément que la fourniture intentionnelle de fausses indications pour obtenir une indemnisation est punissable. C'est d'autant plus important qu'il n'est pas certain que les éléments constitutifs classiques de l'escroquerie et du faux dans les titres soient réunis dans tous les cas. S'agissant de l'escroquerie, visée à l'art. 146 du code pénal (CP)27, il s'agirait notamment de déterminer si une simple indication inexacte du requérant pourrait être qualifiée d'astucieuse compte tenu du fait qu'il ne sera pas toujours possible de vérifier les indications fournies, par manque de ressources au sein de l'administration. De même, l'existence d'un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP semble difficile à établir, car les indications du requérant ne sauraient généralement être vues comme des titres. Cela étant, si les autorités de poursuite pénale et les tribunaux devaient considérer qu'une infraction pénale grave a été commise dans un cas d'espèce, les éléments constitutifs figurant dans le CP primeraient la norme pénale prévue par la loi.

Pour fixer la peine, il convient de prendre en considération la durée limitée de l'indemnisation et le plafonnement de l'indemnité mensuelle à 12 000 francs (60 % du montant maximal du loyer ou du fermage déterminant, soit 20 000 francs). Il s'ensuit que le montant sur lequel peut porter l'infraction est relativement faible. Il est toutefois envisageable que le même bailleur obtienne pour plusieurs objets une indemnité fondée sur de fausses indications. Dans un tel cas de figure, une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 francs semble être une peine appropriée. Ce montant correspond par ailleurs au plafond de l'amende ordinaire, fixé à l'art. 106, al. 1, CP.

L'al. 2 fonde la légalité des dénonciations pénales adressées par les personnes concernées et permet d'éviter que ces personnes soient dissuadées d'agir par crainte des conséquences juridiques possibles.

Art. 10

Référendum et entrée en vigueur

Le projet consiste en une loi fédérale devant être déclarée urgente qui repose sur une disposition constitutionnelle et dont la durée de validité dépassera un an. La loi est donc sujette au référendum (art. 141, al. 1, let. b, Cst.28). Les lois fédérales urgentes entrent généralement en vigueur le jour suivant leur adoption. En l'occurrence, il est 27 28

RS 311.0 RS 101

8034

FF 2020

prévu une publication urgente au sens de l'art. 7, al. 3, de la loi du 18 juin 2004 sur les publications officielles (LPubl)29.

Comme la loi règle la fixation du loyer ou du fermage des établissements qui ont dû fermer ou réduire leur activité à compter du 17 mars 2020, elle est appliquée rétroactivement à partir de cette date. Du fait de la situation juridique incertaine en lien avec les loyers et fermages des établissements concernés, cette application rétroactive est légitime, y compris en ce qui concerne la durée prévue, d'environ neuf mois.

La règle des 40 % est certes une disposition simplificatrice qui ne peut rendre entièrement justice à la diversité des cas concernés, mais comme elle induit une répartition relativement équilibrée des sacrifices à consentir et que ses effets sont limités dans le temps, son caractère rétroactif n'entraîne pas d'inégalités de traitement choquantes. Enfin, cette rétroactivité est justifiée par des intérêts publics prépondérants.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

6.1.1

Conséquences financières

Le dispositif proposé prévoit que la Confédération mette à disposition une contribution de 20 millions de francs au plus afin de soutenir financièrement les bailleurs qui se retrouvent en situation de détresse économique en raison de l'application de la loi.

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux satisfait ainsi aux motions 20.3451 et 20.3460, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»). Pour financer les indemnisations attendues, il convient d'inscrire 20 millions de francs au budget 2021 et au plan intégré des tâches et des finances (PITF) 2022.

6.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

La gestion des indemnisations exige la mise en place de structures et de procédures adaptées. L'examen des demandes sur les plans formel et matériel, leur évaluation et le versement des indemnisations nécessitent des ressources supplémentaires en personnel au sein de l'OFL. Selon les estimations, quelque 80 000 contrats de bail devraient tomber dans le champ d'application de la loi. Dans de nombreux cas, des bailleurs seront vraisemblablement partie à plusieurs baux à loyer ou à ferme.

Toutefois, la réglementation des cas de rigueur concernera sans doute principalement des petits bailleurs et le nombre des demandes déposées devrait se situer entre 4000 et 5000. Le nombre d'aides financières à verser devrait être encore plus faible.

Sur la base de ces hypothèses, la mise en oeuvre de la loi devrait engendrer un besoin supplémentaire temporaire de personnel (de début 2021 à fin 2022) d'environ 29

RS 170.512

8035

FF 2020

360 000 francs par an pour deux équivalents temps plein (rétribution du personnel, cotisations de l'employeur incluses).

Le financement sera absorbé en interne. Cela signifie toutefois que la réduction des charges de fonctionnement de l'OFL décidée dans le cadre des réformes structurelles (arrêté du Conseil fédéral du 1er juin 2018) devra être réalisée dans les délais impartis et dans le respect des objectifs financiers principalement dans les budgets 2023 et 2024. Si la réforme structurelle de l'OFL devait être ajustée en raison de cette nouvelle tâche, peut-être l'arrêté du 1er juin 2018 devra-t-il lui aussi être adapté sur certains points.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

Le dispositif proposé s'applique à des baux à loyer ou à ferme dans toute la Suisse.

Il concerne en particulier les régions qui accueillent un grand nombre d'établissements publics et d'établissements de santé, soit les zones urbaines.

Certains cantons et communes exerçant la fonction de bailleur ont déjà conclu des accords avec leurs locataires. Par ailleurs, plusieurs cantons ont élaboré des modèles de soutien concernant les loyers de locaux commerciaux fondés pour la plupart sur un modèle incitatif. L'application d'un tel modèle présuppose généralement une entente entre les parties au contrat, d'où la réglementation d'exception édictée à l'art. 3, al. 1, du projet.

6.3

Conséquences économiques

Les deux motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E visent à empêcher que les installations et établissements publics touchés par les fermetures et les restrictions d'activité ne fassent faillite. La référence à l'art. 100 Cst. manifeste que le projet de loi vise notamment des objectifs conjoncturels et économiques. D'un autre côté, le dispositif proposé oblige les bailleurs à renoncer à percevoir loyers ou fermages.

Étant donné que les données concernant les loyers commerciaux sont rudimentaires, voire inexistantes, les conséquences financières du dispositif doivent être estimées à l'aide d'hypothèses. Selon les estimations réalisées début mai 2020 par l'entreprise de conseil Wüest Partner, quelque 80 000 baux conclus dans les secteurs de la vente, de l'hôtellerie-restauration et de l'artisanat sont concernés par les fermetures ordonnées (soit 40 % des baux à loyer ou à ferme commerciaux). Sur ces quelque 80 000 baux à loyer ou à ferme, 94 % entrent avec certitude dans le champ d'application du dispositif proposé, leurs loyers ou fermages étant inférieurs à 15 000 francs. Ces 94 % ne représentent toutefois que 43 % du volume total des baux à loyer ou à ferme.

En partant du principe que la réglementation proposée s'appliquera pendant deux mois, les bailleurs subiront des pertes puisqu'ils encaisseront en tout quelque 212 millions de francs de loyers et fermages en moins. Pour calculer ce montant, des 8036

FF 2020

hypothèses ont été émises concernant la part des baux à loyer ou à ferme dont l'une de parties optera pour une exemption, et ont été retranchés les fonds prévus pour les situations de détresse économique et les réductions estimées de loyer ou fermage décidées sur une base volontaire. Les 212 millions de francs estimés représentent environ 1,6 % des recettes annuelles issues des loyers commerciaux. Ces données se basent sur des estimations et calculs effectués début mai. Le monitoring décidé par le Conseil fédéral devrait fournir des données plus fiables. Il sera fait rapport à ce sujet en octobre 2000.

6.4

Conséquences sanitaires et sociales

Il est peu probable que le projet aura des conséquences sociales importantes.

L'impact du coronavirus sur la société, mais aussi des mesures qui ont été prises pour le combattre, est important. Les effets sont durables et la fin n'est pas en vue.

La loi COVID-19 sur les loyers commerciaux vaut pour les parties à un contrat de bail ou de fermage à caractère commercial. Elle peut, pour une partie des personnes concernées, les aider à faire face aux conséquences déjà perceptibles de la pandémie de COVID-19.

Une partie des participants à la consultation craignent que l'entrée en vigueur de la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux n'entraîne une augmentation des litiges juridiques, qui contribuerait à engorger les autorités de conciliation en matière de baux à loyer et les tribunaux. Toutefois, les deux motions 20.3451 et 20.3460, de même que la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux établie en réponse, visent à permettre une solution lorsque les parties à un contrat de bail n'ont pas réussi à trouver une solution à l'amiable30. Sans réglementation légale des loyers ou des fermages dus pendant les deux mois de fermeture ou de restriction d'activité, nombre de ces acteurs choisiraient en effet de saisir les tribunaux. Le projet contribuera de la sorte aussi à prévenir une multiplication des litiges judiciaires, mais cela dépendra pour une bonne part de l'application concrète de la loi. En outre, les loyers et les fermages ne sont qu'un élément parmi plusieurs déterminant la situation financière des parties, et d'autres mesures ont été prises par ailleurs en vue d'atténuer les effets des conséquences de la lutte contre le coronavirus. L'impact conjugué de ces différents facteurs influera dans le cas concret sur les choix des parties contractantes.

6.5

Autres conséquences

Le projet ne devrait entraîner de conséquences directes ni pour l'environnement ni pour d'autres domaines. Aussi les domaines concernés n'ont-ils pas été examinés.

30

Bulletin officiel du Conseil national, session d'été 2020, quatrième séance, 04.06.2020, 20.3451 CER-N, BO 2020 N 663.

8037

FF 2020

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Il est difficile de déterminer la compétence constitutionnelle sur laquelle fonder les mesures demandées par les motions 20.3451 CER-N et 20.3460 CER-E, au libellé identique («Loyers commerciaux des restaurants et autres établissements concernés par la fermeture. Pour que les locataires ne doivent que 40 pour cent de leur loyer»).

Il est évident que le projet ne peut pas s'appuyer sur la compétence dont dispose le Conseil fédéral en cas d'urgence en vertu de l'art. 185, al. 3, Cst., mais les articles constitutionnels sur le bail à loyer (art. 109 Cst.) et le droit civil (art. 122 Cst.) ne peuvent pas s'appliquer eux non plus, puisqu'il ne s'agit pas de lutter contre des abus en matière de droit du bail. Enfin, en l'absence de compétences spécifiques, il n'est pas non plus possible d'invoquer la compétence générale en matière de droit civil. S'ajoute à cela que comme un volet du projet porte sur des indemnisations en raison de situations de détresse économique, il comporte également des aspects de droit administratif.

L'article constitutionnel le plus susceptible de fonder les mesures demandées est l'art. 100 Cst. concernant la politique conjoncturelle. En vertu de l'art. 100, al. 1, Cst., la Confédération prend des mesures afin d'assurer une évolution régulière de la conjoncture et, en particulier, de prévenir et de combattre le chômage et le renchérissement. Cette compétence, formulée de manière très générale, doit permettre à la politique conjoncturelle d'influer sur l'évolution économique. Dans le cas d'espèce, une telle influence n'est pas à exclure, même si les mesures conjoncturelles visent en général un effet préventif, alors que les mesures proposées ici sont à caractère rétroactif.

Les mesures qui se basent sur l'art. 100 Cst. doivent respecter un certain nombre de conditions, comme la liberté économique (art. 27 et 95 Cst.) et, notamment, le principe de neutralité concurrentielle et le principe de l'égalité de traitement des concurrents. Or, il ne faut pas perdre de vue qu'il prévu d'appliquer les mesures proposées par les motions 20.3451 et 20.3460 indépendamment de la situation économique des parties concernées. Cela peut avoir pour conséquence que des locataires de locaux commerciaux qui n'ont pas ou pratiquement pas subi de pertes bénéficieront eux aussi d'une réduction de loyer. De
plus, alors que des locataires de locaux commerciaux recevront une aide, les exploitants propriétaires de leurs locaux commerciaux ne pourront profiter d'aucune aide pour les coûts du capital correspondants, ce qui pourrait engendrer une distorsion de la concurrence. Il faut toutefois prendre en considération l'ampleur limitée des mesures concernées, ne serait-ce que parce qu'elles seront temporaires et devraient s'appliquer plutôt aux loyers du segment inférieur. Enfin, la réponse conjoncturelle à une crise exige de venir rapidement en aide à un grand nombre d'acteurs, ce qui empêche de pouvoir véritablement différencier entre les situations individuelles. Aussi l'art. 100 Cst. peut-il raisonnablement être invoqué pour justifier les mesures demandées.

Il faut ensuite se demander si la réduction de loyer de 60 % demandée par les motions 20.3451 et 20.3460 constitue une atteinte à la garantie de la propriété et si elle pourrait éventuellement être considérée comme une forme d'expropriation matérielle. Tant que l'obligation de verser un loyer en vertu du contrat est maintenue en 8038

FF 2020

entier ou en partie, malgré les fermetures ou restrictions d'activité, la réduction de loyer prévue par le projet de loi constitue une atteinte aux prétentions contractuelles des bailleurs et, partant, à la garantie de la propriété.

Pour justifier une telle ingérence, certaines conditions doivent être réunies: premièrement, l'ingérence doit se fonder sur une base légale; le présent projet de loi permet de satisfaire à cette condition. Deuxièmement, elle doit être justifiée par un intérêt public. Un tel intérêt public pourrait exister si les mesures en question peuvent contribuer à éviter une vague de faillites d'établissements dans les domaines de la restauration et du commerce de détail, les loyers dans ces domaines représentant en général une part importante des charges. Troisièmement, l'ingérence doit être proportionnée, c'est-à-dire être supportable pour les bailleurs. Or, dans le cas d'une fermeture de deux mois, la perte essuyée par les bailleurs devrait être de l'ordre de 10 % du loyer annuel et, au demeurant, une contribution est prévue pour venir en aide aux bailleurs qui ne pourraient pas supporter une telle perte. Au vu de ce qui précède, on peut raisonnablement admettre que les conditions constitutionnelles sont réunies pour justifier l'atteinte portée par le projet de loi au droit fondamental des bailleurs de faire valoir leurs prétentions contractuelles. De nombreux avis formulés dans le cadre de la procédure de consultation expriment la crainte que, sans une adoption rapide de la loi, de nombreuses entreprises risquent de devoir mettre définitivement la clé sous la porte.

Enfin, il est très peu probable qu'une atteinte aux prétentions contractuelles des bailleurs puisse être vue comme une expropriation matérielle. D'une part, la limitation des prétentions des bailleurs n'est pas particulièrement grave et, d'autre part, les conditions qui laisseraient supposer un sacrifice «extraordinaire», soit une limitation intolérable ne ciblant qu'un nombre restreint d'acteurs, ne sont pas réunies. La compétence d'exiger un loyer ou un fermage n'est pas retirée au bailleur, elle est simplement réduite pour une période limitée. On peut en conclure qu'il n'y a pas ici expropriation matérielle31.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les dispositions proposées par le projet de loi COVID-19 sur les loyers commerciaux sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

7.3

Forme de l'acte à adopter

La fixation, par la loi, du loyer ou du fermage des établissements publics qui ont dû fermer temporairement et des établissements de santé qui ont dû restreindre leur activité constitue une ingérence dans les relations contractuelles. Les droits et obligations des parties à un contrat sont réglés dans le CO. La réduction temporaire de la 31

Concernant l'expropriation matérielle, cf. p. ex. dans la jurisprudence du Tribunal fédéral: ATF 5C_275/2018, arrêt du 15 octobre 2019, C. 2.1.

8039

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contre-prestation d'une partie peut créer une situation de détresse économique chez l'autre partie. Un soutien public est prévu pour un tel cas.

Le dispositif proposé contient donc des dispositions importantes qui fixent des règles de droit et doit par conséquent être édicté sous la forme d'une loi fédérale (art. 164, al. 1, Cst.). Étant donné que les effets des fermetures et des restrictions d'activité perdurent et que bon nombre d'acteurs n'ont pas encore trouvé de solution, son entrée en vigueur ne souffre aucun retard. Par conséquent, la loi COVID-19 sur les loyers commerciaux doit être déclarée urgente, et limitée dans le temps conformément à l'art. 165 Cst. Rappelons au passage que le processus législatif a été enclenché par deux motions de commission au libellé identique. Par ailleurs, la loi doit être déclarée urgente par la majorité des membres et du Conseil des États et du Conseil national par un vote spécifique, distinct des débats parlementaires relatifs au message. Une procédure extraordinaire sera proposée en amont afin que les deux chambres puissent procéder en urgence à l'examen du message durant la même session, soit durant la session d'hiver 2020.

7.4

Frein aux dépenses

L'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit dans un souci de limitation des dépenses que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs. Le présent projet de loi prévoit des indemnisations en cas de détresse économique au moyen d'une contribution unique de 20 millions de francs. Aucune indemnité ne sera versée au-delà de ce montant: en conséquence, le présent projet de loi n'est pas à soumettre au frein aux dépenses.

7.5

Conformité à la loi sur les subventions

La loi sur les loyers commerciaux COVID-19 concerne les fermetures et restrictions d'activité liées aux mesures de lutte contre le coronavirus et fixe les loyers et fermages des locaux commerciaux concernés de façon uniforme à 40 % pour toute la période en question. Cette solution globale applicable à l'ensemble des relations contractuelles entrant dans le champ d'application de la loi tient compte du fait que certains bailleurs pourraient se retrouver dans une situation de détresse économique.

Ces derniers devraient recevoir des indemnités, pour lesquelles les projet de loi prévoit un soutien unique de 20 millions de francs. Les demandes d'indemnisation adressées à l'OFL devront être justifiées et accompagnées des documents pertinents.

La loi prévoit que les demandes pourront être déposées pendant six mois à partir de l'entrée en vigueur de la loi. Enfin, le projet de loi prévoit une disposition pénale pour les cas où des indemnités auraient été touchées indûment au moyen de fausses indications. En conséquence, le projet de loi présenté ici est conforme aux principes de la loi sur les subventions32.

32

RS 616.1

8040

FF 2020

7.6

Protection des données

Le traitement des demandes d'indemnisation permettra à l'OFL d'avoir accès à de nombreuses données relatives aux relations contractuelles et à la situation économique de personnes physiques et morales. Ces données doivent être protégées conformément à la législation sur la protection des données. Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer à nouveau les principes généraux relatifs au traitement de la protection des données. Ceux-ci sont d'ores et déjà applicables en vertu de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données33, de l'ordonnance du 14 juin 1993 relative à la loi fédérale sur la protection des données34 et des lois cantonales sur la protection des données, et il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

33 34

RS 235.1 RS 235.11

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