20.087 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et Chypre du 11 novembre 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et Chypre, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 novembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Étant donné que la lutte contre l'évasion fiscale injustifiée des sociétés multinationales est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé en 2013, en collaboration avec le G20, un projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS).

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (convention BEPS, aussi appelée instrument multilatéral). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action de l'OCDE concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Les discussions que les représentants de la Suisse et de Chypre ont eues au sujet des conséquences concrètes de la convention BEPS sur la CDI entre les deux pays (CDI-CY) ont révélé qu'ils ne sont pas en mesure de s'accorder sur la teneur exacte des modifications que la convention BEPS apporterait à la CDICY. C'est pourquoi il a été décidé que la prise en compte dans la CDI-CY des mesures du projet BEPS relatives aux conventions fiscales ne se ferait pas par l'intermédiaire de la convention BEPS, mais par celui d'un protocole de modification bilatéral.

Ce protocole de modification a été signé le 20 juillet 2020. Les cantons et les milieux intéressés ont accueilli favorablement la conclusion du protocole de modification.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Suisse et Chypre sont liées par une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (CDI-CY)1, signée le 25 juillet 2014. Elle n'a jamais été révisée depuis.

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices2 (convention BEPS, aussi appelée instrument multilatéral). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ci-après «plan d'action BEPS»).

En vue de signer la convention BEPS, la Suisse et Chypre ont discuté de la mise en oeuvre bilatérale de cette dernière. Chypre n'était pas en mesure de s'accorder avec la Suisse sur la teneur exacte des modifications que la convention BEPS apporterait à la CDI-CY. Étant donné qu'il s'agit pour la Suisse d'une condition nécessaire à l'application de la convention BEPS, les deux États contractants ont décidé d'adapter la CDI-CY aux résultats du plan d'action BEPS non pas au moyen de la convention BEPS, mais au moyen d'un protocole modifiant la CDI CY.

Les négociations concernant ce protocole (protocole modifiant la CDI-CY) ont pu être conclues en février 2019. Les cantons et les milieux intéressés ont été consultés en octobre 2019 sur sa conclusion et l'ont accueillie favorablement. Le protocole modifiant la CDI-CY a pu être signé le 20 juillet 2020.

1.2

Appréciation

Le protocole modifiant la CDI-CY contient quasi exclusivement des dispositions qui auraient été reprises si la Suisse et Chypre avaient décidé que la CDI était couverte par la convention BEPS. Il existe donc un rapport au niveau du contenu entre le protocole et la convention BEPS, mais pas de lien direct.

Dans sa version modifiée par le protocole modifiant la CDI-CY, cette dernière sera conforme aux standards minimaux fixés en matière de conventions fiscales dans le cadre du plan d'action BEPS. En sa qualité de pays membre de l'OCDE, la Suisse s'est engagée à inscrire dans ses CDI toutes les dispositions qui constituent un

1 2

RS 0.672.925.81 RS 0.671.1

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standard minimal. La conclusion du protocole modifiant la CDICY marque une nouvelle étape vers ce but.

2

Commentaires des dispositions du protocole

Art. I du protocole de modification relatif au préambule de la CDI-CY L'art. I complète le préambule de la CDI-CY par deux nouvelles dispositions. Ces deux dispositions ont été élaborées dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS et sont inscrites à l'art. 6 de la convention BEPS.

La première disposition additionnelle (art. 6, par. 3, convention BEPS) ajoute un autre motif pour lequel la CDI-CY a été conclue, à savoir promouvoir les relations économiques entre les États contractants et améliorer leur coopération en matière fiscale.

La seconde disposition nouvelle (art. 6, par. 1, convention BEPS) établit clairement que la Suisse et Chypre n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI, de créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscales. En d'autres termes, la CDI-CY vise également à éliminer la double nonimposition. Cette règle n'a pas une portée générale mais s'applique uniquement si la double non-imposition résulte de la fraude ou de l'évasion fiscales. De cette manière, il est tenu compte du fait qu'il existe des situations de double non-imposition voulues, par exemple des dividendes distribués à des sociétés du même groupe. En pareil cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

La première disposition ne constitue pas un standard minimal du plan d'action BEPS. En revanche, il est nécessaire d'inscrire la seconde dans le protocole modifiant la CDI-CY pour respecter le standard minimal fixé par l'action 6 du plan d'action BEPS.

Art. II et III du protocole de modification relatif aux art. 7 et 9 de la CDI-CY (Bénéfices des entreprises; Entreprises associées) Ces deux articles complètent les art. 7 (Bénéfices des entreprises) et 9 (Entreprises associées) de la CDI-CY par des dispositions supplémentaires qui prévoient un délai pour rectifier les bénéfices des établissements stables (art. II) et des entreprises associées (art. III, par. 2). Dorénavant, les autorités fiscales de la Suisse et de Chypre ne pourront rectifier les bénéfices que pendant une période de six ans suivant la fin de la période fiscale concernée. Si un moyen de recours est introduit contre une rectification des bénéfices et que cela entraîne des retards, cela n'affectera pas le délai lui-même. En cas de fraude,
négligence grave ou manquement délibéré, les autorités fiscales pourront procéder à la rectification des bénéfices, même après l'expiration de ce délai. Dans ce cas, ce sont les délais prévus par le droit interne qui s'appliqueront.

Ces dispositions ne sont pas inscrites dans la convention BEPS. Elles sont cependant inscrites dans la CDI CY en raison de l'élément 3.3 du standard minimal relatif à l'action 14 du plan d'action BEPS, qui invite les États contractants à inscrire dans 9094

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leurs CDI la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE. Cette disposition prévoit que les accords amiables sont appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants. Si un État n'est pas disposé à inscrire cette disposition dans ses CDI, il doit, pour respecter le standard minimal, être prêt à adopter, dans le cadre de négociations relatives aux CDI, d'autres dispositions limitant le délai de rectification des bénéfices des entreprises associées et établissements stables.

En principe, la Suisse n'inscrit pas la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE dans ses CDI. Par conséquent, la délégation suisse chargée des négociations en vue du protocole modifiant la CDI CY a proposé à la délégation chypriote d'inscrire dans la CDI CY des dispositions limitant à cinq ans la possibilité de rectifier les bénéfices des entreprises associées et des établissements stables. La délégation chypriote a consenti à la limitation mais a demandé un délai de six ans, ce qui a été accepté.

De l'autre côté, avec l'art. III par. 1 du protocole modifiant la CDI CY, celle-ci est complétée par une disposition relative à l'obligation de procéder à des ajustements corrélatifs en cas d'ajustement des bénéfices. Le libellé de cette disposition est conforme à celui des dispositions pertinentes du modèle de convention de l'OCDE (art. 9, par. 2) et de la convention BEPS (art. 17, par. 1).

Cette disposition n'a en principe aucune conséquence pratique sur la Suisse: comme précédemment, celle-ci n'est pas tenue de procéder à des ajustements corrélatifs automatiques en cas d'ajustement des bénéfices par une autorité fiscale étrangère.

Elle ne doit procéder à des ajustements corrélatifs que si ceux-ci correspondent à une solution trouvée dans le cadre d'une procédure amiable entre les autorités compétentes de Chypre et de la Suisse.

La modification de cette disposition correspond à la recommandation de bonne pratique de l'action 14 du projet BEPS et à la politique actuellement suivie par la Suisse pour les conventions dans ce domaine.

Art. IV du protocole de modification relatif à l'art. 26 de la CDI-CY (Procédure amiable) Cet article prévoit la modification de l'art. 26, par. 1, CDI CY. Cette disposition régit les demandes de procédure
amiable. Elle porte en particulier sur la question de savoir auprès de quelle autorité compétente une demande de procédure amiable doit être introduite.

Selon la disposition en vigueur, si une personne estime que les mesures prises par un État contractant ou par les deux États contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme à la CDI CY, c'est à l'État contractant dont elle est un résident qu'elle doit adresser une demande de procédure amiable, le cas échéant.

L'art. 26, par. 1, CDI-CY est modifié de sorte qu'une personne ne soit plus limitée dans le choix de l'autorité compétente à laquelle adresser sa demande d'ouverture d'une procédure amiable. Dorénavant, elle pourra soumettre son cas aux autorités compétentes de chacun des deux États contractants, selon son choix.

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Cette modification se fonde sur l'élément 3.1 du standard minimal relatif à l'action 14 du plan d'action BEPS, selon lequel chacune des deux autorités compétentes est informée de la demande d'ouverture d'une procédure amiable et peut rendre un avis sur le bien-fondé de la demande.

La modification apportée par le protocole modifiant la CDI-CY rend l'art. 26, par. 1, CDI-CY conforme sur le fond aux dispositions correspondantes de la convention BEPS (art. 16, par. 1, 1e phrase) et du modèle de convention de l'OCDE (art. 25, par. 1, 1e phrase).

Enfin, en ce qui concerne l'art. 26 de la CDI-CY, il est important de relever que lors des discussions sur la conclusion du protocole modifiant la CDI-CY, Chypre a informé la Suisse que la disposition prévue au par. 5 du protocole à la CDI-CY est devenue applicable à partir du 14 février 2017, date à laquelle est entrée en vigueur une convention contre les doubles impositions dans laquelle Chypre a convenu avec Jersey une clause d'arbitrage.

Art. V du protocole de modification relatif au nouvel art. 28a de la CDI-CY (Droit aux avantages) Cet article introduit une clause anti-abus se référant aux buts principaux d'un montage ou d'une transaction. Selon cette clause, un avantage en vertu de la CDI-CY n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était un des buts principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDI CY.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond dans les grandes lignes aux clauses que la Suisse a conclues pour lutter contre les abus dans un grand nombre de CDI ces dernières années. Elle se différencie de celles que la Suisse a adoptées dans d'autres conventions par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances. Au contraire, elle s'applique à toutes les dispositions de la convention. Ainsi, pour tout avantage en vertu de la convention les abus sont réservés.

La teneur de cette disposition diffère en outre sur un autre point de celle des clauses anti-abus récemment adoptées par la Suisse dans ses CDI. Elle ne se limite pas aux états de fait dans lesquels le but principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages
de la convention; elle englobe également les états de fait dans lesquels l'obtention de ces avantages n'en est qu'un des buts principaux. Cependant, cette différence de terminologie ne devrait pas aboutir à un résultat différent, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS. Elle est inscrite au modèle de convention de la OCDE (art. 29, par. 9) et à la convention BEPS (art. 7, par. 1). Pour respecter le standard minimal fixé dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS, il suffit d'inscrire la clause anti-abus dans la CDI. Aucune autre disposition anti-abus n'est requise. La clause anti-abus actuellement prévue au par. 1 du protocole à la CDI-CY est donc supprimée.

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Art. VI du protocole de modification (Entrée en vigueur) Les dispositions du protocole modifiant la CDI-CY s'appliquent en principe à compter du 1er janvier de l'année suivant son entrée en vigueur. Une particularité s'applique aux dispositions modifiées ou nouvellement introduites par les art. II, III et IV sur la limitation dans le temps de l'ajustement des bénéfices des établissements stables et entreprises associées ainsi qu'en matière de procédure amiable. Ces dispositions s'appliqueront dès la date de l'entrée en vigueur du protocole modifiant la CDI-CY et sans égard à la période fiscale à laquelle se rapporte l'état de fait.

3

Conséquences financières

Le protocole modifiant la CDI-CY ne prévoit pas de modification des critères d'attribution du droit d'imposition entre la Suisse et Chypre. Il contient principalement des dispositions visant à empêcher l'utilisation abusive de la CDI-CY. Le protocole modifiant la CDI-CY ne devrait donc pas avoir d'effet notable sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. La CDI-CY modifiée peut être mise en oeuvre avec les ressources humaines actuellement disponibles.

4

Aspects juridiques

Le protocole modifiant la CDI-CY se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)3, qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à signer et à ratifier les traités.

En vertu de lart. 166, al. 2, Cst., lAssemblée fédérale est compétente pour approuver les traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration4).

Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que le protocole modifiant la CDI-CY. Le Parlement est ainsi compétent pour approuver ce dernier.

L'art. 141, al. 1, let. d, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum, entre autres, s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

Le protocole modifiant la CDI-CY contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et aux personnes privées (physiques et morales). Il contient donc des dispositions importantes fixant 3 4 5

RS 101 RS 172.010 RS 171.10

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des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

L'arrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la CDI-CY est ainsi sujet au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5

Procédure de consultation

Le protocole modifiant la CDI-CY est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)6, il aurait donc dû être soumis à une consultation.

Une procédure d'orientation a été organisée en octobre 2019. Dans ce cadre, le protocole modifiant la CDI-CY avec une note explicative a été adressée aux cantons et aux milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions pour prise de position. Le protocole modifiant la CDI-CY a été bien accueilli et n'a pas rencontré d'opposition. Les positions des milieux intéressés étant ainsi connues et documentées, il a été possible, en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, de renoncer à organiser une procédure de consultation.

6

RS 172.061

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