20.064 Message concernant la reprise et la mise en oeuvre du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (développement de l'acquis de Schengen) et une modification de la loi sur l'asile du 26 août 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (développement de l'acquis de Schengen) et sur les modifications législatives nécessaires (loi fédérale sur les étrangers et l'intégration), en vous proposant de l'adopter. En outre, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur l'asile.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 août 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-0933

6893

Condensé Le nouveau règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de gardecôtes (règlement [UE] 2019/1986) adopté par l'Union européenne (UE) a pour objectifs de mieux contrôler les frontières extérieures Schengen et d'améliorer les retours des migrants en situation illégale, tout en préservant leurs droits fondamentaux. La réalisation de ces objectifs nécessite de doter l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes de ressources humaines et matérielles suffisantes pour qu'elle puisse remplir plus efficacement ses tâches dans les domaines de l'espace frontalier et du retour. De plus, suite à une recommandation émise lors de la dernière évaluation Schengen, il y a lieu d'inscrire explicitement dans la loi sur l'asile l'obligation pour les requérants faisant l'objet d'une décision de renvoi de quitter l'espace Schengen.

Contexte Suite à la crise migratoire de 2015, l'UE a pris un ensemble important de mesures, dont la création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côte, qui se compose, d'une part, de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après: l'agence, communément appelée Frontex) et, d'autre part, des autorités nationales compétentes en matière de gestion des frontières. Le règlement y relatif a été adopté le 14 septembre 2016.

La protection des frontières extérieures est toujours hautement prioritaire pour les États Schengen. Non seulement la crise migratoire de 2015 et 2016 mais aussi la pandémie de COVID-19 ont montré qu'une action européenne coordonnée était indispensable pour maîtriser efficacement les situations de crise. Dans le domaine du retour également, une assistance mutuelle est une condition essentielle d'une politique migratoire crédible et efficace des États Schengen. Ces dernières années, l'agence a traversé des périodes où les ressources financières et humaines à sa disposition étaient insuffisantes, ce qui a nui à l'efficacité des opérations conjointes et notamment poussé plusieurs États Schengen à réintroduire les contrôles à leurs frontières intérieures. C'est pourquoi l'UE a décidé de renforcer la dotation de l'agence en personnel et en moyens financiers. Les tâches de l'agence consistent notamment à soutenir les États Schengen concernés et à assurer le déroulement régulier et respectueux des procédures d'accueil,
d'enregistrement et d'hébergement des migrants.

Le règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après: le règlement UE) a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 13 novembre 2019 et notifié à la Suisse le 15 novembre 2019 en tant que développement de l'acquis de Schengen.

Contenu du projet Le règlement UE révisé vise à réformer le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et à en renforcer le mandat. Il s'agit en particulier d'améliorer l'efficacité du contrôle aux frontières extérieures et du retour dans leur pays d'origine ou

6894

de provenance des personnes tenues de quitter le territoire, ainsi que de mieux cibler la lutte contre la criminalité transfrontalière. De plus, afin de pouvoir remplir ses tâches d'analyse des risques, de planification ainsi que d'évaluation de la vulnérabilité plus efficacement, l'agence crée et gère un réseau de communication. Ce réseau se fonde en particulier sur l'actuel système EUROSUR, en tant que cadre intégré pour l'échange d'informations et la coopération opérationnelle au sein du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. L'agence est en outre dotée d'un matériel suffisant, ainsi que des capacités en personnel nécessaires sous la forme d'un contingent permanent, dont l'effectif atteindra progressivement 10 000 agents opérationnels à l'horizon 2027. Le contingent comprend les quatre catégories de personnel suivantes: le personnel recruté et formé par l'agence (cat. 1), le personnel détaché par les États Schengen pour une longue durée (deux ans; cat. 2) ou pour une courte durée (jusqu'à quatre mois; cat. 3) ainsi que le personnel mis à la disposition de la réserve de réaction rapide (cat. 4). L'effectif maximal de chacune de ces catégories est fixé dans les annexes du règlement. Réglée aux annexes II à IV du règlement, la contribution des États Schengen aux catégories 2 à 4 est désormais obligatoire. L'effectif que la Suisse devra mettre à disposition pour les opérations de l'agence d'ici à 2027 correspond à 39 postes en équivalents plein temps au maximum.

Par ailleurs, le mandat de l'agence en matière de retour et de coopération avec les États tiers est étendu. Ainsi, dans le domaine du retour, l'agence fournit son assistance aux États Schengen pendant toutes les phases du retour (de la préparation à l'exécution) ainsi que dans le domaine du retour volontaire. Comme sous l'ancien droit, elle peut assister un État Schengen à la demande de ce dernier. Ce qui a changé, c'est qu'elle peut aussi le faire de sa propre initiative, en accord avec l'État concerné. L'agence peut en outre assister les États Schengen également dans l'identification de ressortissants de pays tiers et dans l'obtention de documents de voyage. Elle peut par ailleurs renforcer sa présence dans les pays tiers et des accords sur le statut peuvent également être conclus avec des pays tiers autres que ceux
directement limitrophes de l'espace Schengen. Ces accords règlent notamment les pouvoirs d'exécution dont le personnel de l'agence dispose sur le territoire de l'État tiers concerné. Toutefois, même soutenu par l'agence, chaque État reste responsable de la gestion de ses frontières extérieures, qu'il doit assurer non seulement dans son propre intérêt, mais également dans l'intérêt commun de tous les États Schengen. Cela vaut en matière de retour également: les décisions de renvoi et de détention administrative restent du seul ressort de chaque État.

Les tâches sont remplies conformément au principe de la responsabilité partagée entre les États membres et l'agence. Les États se soutiennent mutuellement pour atteindre leur but commun. Ce faisant, ils doivent veiller à préserver les droits fondamentaux et à toujours les respecter.

En résumé, le nouveau règlement doit permettre d'atteindre les objectifs suivants: ­

donner aux États Schengen les moyens de contrôler plus efficacement les frontières extérieures;

6895

­

mieux maîtriser la pression migratoire et les éventuelles futures menaces aux frontières extérieures;

­

accélérer le retour effectif des migrants en situation illégale;

­

assurer un niveau élevé de sécurité intérieure dans l'espace Schengen;

­

respecter le principe de solidarité entre les États Schengen;

­

garantir le respect des droits fondamentaux des migrants.

Vu sa position géographique et en tant que pays associé à la coopération Schengen, la Suisse à un intérêt direct à la mise en oeuvre de ces mesures. Celles-ci devraient contribuer à réduire la migration illégale dans l'espace Schengen et en Suisse, et à améliorer la sécurité de l'espace Schengen. Enfin, le développement de l'agence vise aussi à améliorer la lutte contre la criminalité transfrontalière, ce dont la Suisse profitera également. La réforme de l'agence est un élément important du développement de la politique migratoire de la Suisse. Notre pays s'engage depuis longtemps pour une réforme durable du système de Dublin et un partage équitable des responsabilités en matière de requérants d'asile, soutenant en outre les États Schengen exposés à une forte pression migratoire à leurs frontières extérieures.

L'agence assiste ces États dans la gestion des frontières extérieures, contribuant à y harmoniser les contrôles. Le but est de s'assurer que les contrôles aux frontières extérieures soient aussi uniformes que possible, de qualité élevée et toujours respectueux des droits fondamentaux. Pour les voyageurs, il en résulte un gros avantage, en ceci qu'ils peuvent s'attendre à une procédure identique, peu importe par exemple qu'ils entrent dans l'espace Schengen au Portugal et le quittent par la Lituanie. La sécurité du droit est ainsi renforcée. L'agence facilite en outre la coopération entre les autorités frontalières des divers États Schengen, en leur apportant une assistance technique et en mettant son expertise à leur disposition. La Suisse participera par exemple à l'établissement du tableau de situation européen, ce qui lui permettra d'identifier précocement d'éventuels mouvements secondaires vers ses frontières. Le cas échéant, elle pourra ainsi élaborer en temps utile un plan d'action lui permettant d'y réagir de manière optimale. De plus, en participant à l'agence, la Suisse renforcera sa position en particulier dans le domaine du retour, où elle pourra profiter de l'assistance mutuelle des États Schengen et de la force de négociation de l'agence.

Pour mettre en oeuvre les nouveautés prévues par ce développement de l'acquis de Schengen, il est nécessaire de modifier la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration.

Enfin, indépendamment de ce développement de l'acquis de Schengen et
suite à une recommandation émise par la Commission lors de la dernière évaluation Schengen de la Suisse en 2018, il y a lieu d'inscrire dans la loi sur l'asile que les requérants faisant l'objet d'une décision de renvoi doivent quitter l'espace Schengen et se rendre dans leur pays d'origine.

6896

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Table des matières Condensé

6894

1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Déroulement des négociations 1.3 Procédure de reprise des développements de l'acquis de Schengen 1.4 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

6900 6900 6901 6903

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Remarques générales 2.2 Mesures supplémentaires 2.3 Protection des données 2.3.1 Remarques générales 2.3.2 Transfert de données personnelles 2.4 Droits fondamentaux et mécanisme de traitement des plaintes 2.5 Obligation de rendre compte au Parlement 2.6 Domaine du retour 2.7 Conséquences sur les finances et l'état du personnel 2.8 Pouvoirs d'exécution 2.9 Autres remarques 2.9.1 Responsabilité en cas de dommages 2.9.2 Publication dans le recueil systématique 2.10 Modification de la loi sur l'asile

6905 6905 6907 6910 6910 6912 6912 6913 6914 6916 6918 6919 6919 6920 6920

3

Présentation du règlement UE

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4

Contenu du règlement UE et commentaire de ses dispositions 4.1 Gestion européenne intégrée des frontières 4.2 Catégories de personnel de l'agence 4.2.1 Vue d'ensemble 4.2.2 Personnel statutaire (cat. 1; art. 55) 4.2.3 Personnel détaché par les États Schengen pour une longue durée (cat. 2; art. 56) 4.2.4 Personnel déployé par les États Schengen pour une courte durée (cat. 3; art. 57) 4.2.5 Réserve de réaction rapide (cat. 4; art. 58) 4.3 Autres dispositions relatives au personnel 4.3.1 Pouvoirs d'exécution (art. 82) 4.3.2 Point de contact national et centre national de coordination (art. 13 et 21) 4.3.3 Antennes (art. 60) 4.3.4 Formation (art. 62)

6923 6923 6925 6925 6926

6905

6927 6927 6928 6929 6929 6930 6931 6931 6897

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4.3.5

4.4

4.5

4.6 4.7

4.8

4.9

Acquisition ou location par crédit-bail d'équipement technique (art. 63) 4.3.6 Soutien financier à la mise en place du contingent permanent (art. 61) Intervention de personnel suisse et étranger dans le domaine de la protection des frontières 4.4.1 Intervention de personnel suisse à l'étranger 4.4.2 Intervention de personnel étranger en Suisse Intervention de personnel suisse et étranger dans le domaine du retour 4.5.1 Tâches de l'agence dans le domaine du retour 4.5.2 Intervention de personnel suisse à l'étranger dans le domaine du retour 4.5.3 Intervention de personnel étranger en Suisse dans le domaine du retour Coopération avec des États tiers dans le domaine de la gestion des frontières Systèmes utiles pour les activités de l'agence: EUROSUR, ETIAS et FADO 4.7.1 EUROSUR 4.7.2 Système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) 4.7.3 FADO (art. 79) Protection des données 4.8.1 Remarques générales 4.8.2 Plateforme de gestion des retours Droits fondamentaux

6931 6932 6932 6932 6932 6934 6934 6935 6936 6937 6938 6938 6939 6940 6940 6940 6943 6943

5

Présentation de l'acte de mise en oeuvre 5.1 Nouvelle réglementation proposée 5.2 Mise en oeuvre

6947 6947 6949

6

Commentaires des dispositions de l'acte de mise en oeuvre (LEI)

6949

7

Conséquences sur les finances et l'état du personnel 7.1 Contexte 7.2 Conséquences financières 7.2.1 Contribution d'État membre de la Suisse 7.2.2 Indemnisation des cantons dans le domaine du retour 7.2.3 Réalisation et exploitation du système eRetour 7.2.4 Contributions de l'UE en faveur de la Suisse 7.3 Conséquences sur l'état du personnel 7.3.1 Contributions en personnel de la Suisse 7.3.2 Conséquences sur l'état du personnel de la Confédération dans le domaine de la protection des frontières

6952 6952 6953 6953 6955 6957 6957 6959 6959

6898

6961

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7.3.3

7.4

7.5 7.6

Conséquences sur l'état du personnel de la Confédération dans le domaine du retour 7.3.4 Contributions de la Suisse dans le domaine du cycle stratégique d'orientation politique et de la planification Conséquences sur les finances et l'état du personnel des cantons 7.4.1 Conséquences financières 7.4.2 Conséquences sur l'état du personnel Questions ouvertes Conclusions relatives aux conséquences sur les finances et sur l'état du personnel

6962 6963 6964 6964 6964 6966 6967

8

Aspects juridiques 8.1 Constitutionnalité 8.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 8.3 Forme de l'acte à adopter 8.3.1 Forme de l'arrêté d'approbation 8.3.2 Forme de l'acte de mise en oeuvre

6969 6969 6969 6970 6970 6970

9

Modification de la loi sur l'asile 9.1 Contexte 9.1.1 Nécessité d'agir et objectif 9.1.2 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 9.2 Commentaire de la modification de l'art. 45 LAsi 9.3 Conséquences 9.4 Aspects juridiques

6971 6971 6971 6971 6971 6972 6972

Loi sur l'asile (LAsi) (Projet)

6973

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) nº 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (Développement de l'acquis de Schengen) (Projet)

6975

Echange de notes du 13 décembre 2019 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) n° 1052/2013 et (UE) 2016/1624

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6899

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

L'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'espace Schengen a été créée par le règlement (CE) 2007/20041 du Conseil. Le but était que les États membres de l'Union européenne (UE) et les États associés à la coopération Schengen exposés à une forte pression migratoire disposent des spécialistes nationaux nécessaires pour y faire face. Depuis son entrée en fonction le 1er mai 2005, l'agence aide les États Schengen à protéger les frontières extérieures au moyen d'opérations conjointes et d'interventions rapides aux frontières, d'analyses des risques et d'échanges d'informations, ainsi qu'en établissant des relations avec les pays tiers. Son assistance s'étend également au domaine du retour. L'agence a ensuite été rebaptisée agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après: l'agence), communément appelée Frontex. Ses tâches reposent sur une stratégie de gestion technique et opérationnelle des frontières s'inscrivant dans le cadre du cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel pour la mise en oeuvre de la gestion européenne intégrée des frontières.

Il s'agit d'améliorer le contrôle aux frontières extérieures et de réaliser des analyses des risques ainsi que des évaluations de la vulnérabilité, afin d'assister les États Schengen et les États tiers sur les plans à la fois technique et opérationnel. Cette assistance est assurée notamment sous la forme d'opérations conjointes et d'interventions rapides aux frontières, visant à garantir la sécurité de ces dernières. Une autre tâche essentielle de l'agence est d'organiser, de coordonner et d'exécuter des opérations de retour et des interventions en matière de retour.

Suite à la crise migratoire de 2015, l'Union européenne a pris un ensemble important de mesures, dont la création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui se compose, d'une part, de l'agence et, d'autre part, des autorités nationales compétentes en matière de gestion des frontières. Ces mesures sont arrêtées dans le règlement (UE) 2016/1624 du 14 septembre 2016 et ont été reprises par la Suisse au titre du développement de l'acquis de Schengen2.

1

2

Règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004 portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'espace Schengen; JO L 349 du 25.11.2004, p. 1; modifié en dernier lieu par le règlement (UE) no 656/2014; JO L 189 du 27.6.2014, p. 93 Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 2007/2004 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 863/2007 du Conseil et la décision 2005/267/CE, version du JO L 251 du 16.9.2016, p. 1; message du Conseil fédéral du 17 mai 2017 concernant l'approbation et la mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, FF 2017 3891

6900

FF 2020

Étant donné que sous l'ancien droit, le détachement de personnel et la mise à disposition de matériel et d'équipement par les États Schengen avaient généralement lieu sur une base volontaire, on a connu ces dernières années des périodes où les ressources mises à dispositions étaient insuffisantes, au détriment de l'efficacité des opérations conjointes de protection des frontières extérieures.

C'est pourquoi la Commission européenne a présenté en date du 12 septembre 2018 un projet de développement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

Le but est de gérer plus efficacement les contrôles aux frontières, ce qui doit notamment permettre de mieux maîtriser la pression migratoire et les éventuelles futures menaces à ces frontières; les contrôles doivent en outre contribuer à la lutte contre les formes graves de criminalité transfrontalière.

La protection des frontières extérieures relève toujours de la responsabilité partagée de l'agence et des autorités nationales des différents États Schengen chargées de la gestion des frontières. Les États Schengen restent toutefois responsables en premier ressort de la gestion de leurs propres frontières extérieures.

Le règlement (UE) 2019/18963 (ci-après: règlement UE) a été adopté le 13 novembre 2019 et notifié à la Suisse le 15 novembre 2019. Il s'agit d'un développement de l'acquis de Schengen. Le Conseil fédéral avait approuvé l'échange de notes concernant la reprise de ce règlement le 19 décembre 2018, sous réserve de l'approbation du Parlement. La note de réponse correspondante a été transmise à l'UE le 13 décembre 2019.

1.2

Déroulement des négociations

En application de l'art. 4 de l'accord d'association à Schengen (AAS)4, la Suisse est autorisée, dans le cadre de son droit de participation à l'élaboration de l'acquis, à prendre part aux groupes de travail du Conseil. Elle peut notamment donner son avis et soumettre des suggestions. Elle ne dispose cependant pas du droit de vote (cf. art. 7, par. 1, AAS).

Comme ce fut le cas à l'époque pour les délibérations sur le règlement (UE) 2016/1624, les travaux d'examen de la proposition de la Commission se sont déroulés à un rythme accéléré. Le but était d'arriver à un accord entre le Conseil et le Parlement européen avant les élections européennes du printemps 2019.

De nombreuses séances ont été organisées à Bruxelles par la présidence autrichienne, puis par la présidence roumaine. Les discussions ont eu lieu au sein des groupes de travail compétents du Conseil et du groupe «Frontières» (niveau experts), entre les conseillers des domaines Justice et Affaires intérieures (JAI Counsellors), au niveau des ambassadeurs (COREPER) ainsi qu'au sein du Conseil 3

4

Règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624; JO L 295 du 14.11.2019, p. 1 Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen; RS 0.362.31

6901

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Justice et Affaires intérieures (Conseil JI, niveau ministériel). Chacun de ces organes a siégé en format comité mixte (COMIX), c'est-à-dire en présence de représentants des États associés à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen (États associés). Lors de ces séances, les représentants de la Confédération et des cantons ont activement apporté leurs points de vue sur le projet de règlement.

La taille et la composition du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes a dès le début fait l'objet d'intenses discussions. L'agence comprend désormais quatre catégories de personnel: le personnel statutaire du contingent permanent, qui est recruté directement par l'agence (cat. 1); le personnel opérationnel détaché par les États membres de l'UE et les pays associés à Schengen (ci-après: les États Schengen) pour une longue durée, soit pendant 24 mois (cat. 2); le personnel opérationnel détaché par les États Schengen pour une courte durée, soit pendant quatre mois au plus par année civile (cat. 3); enfin, les membres de la réserve de réaction rapide, qui sont recrutés pour une courte durée au sein des contingents existants des États Schengen (cat. 4). Comme d'autres pays, la Suisse a fait remarquer que la taille du contingent permanent devait non pas être fixée de manière rigide, mais dépendre des besoins effectifs dictés par les engagements opérationnels à venir. Il a notamment été souligné que la mise à disposition d'un grand nombre d'agents opérationnels, en particulier pour des détachements de longue durée (cat. 2), était un défi de taille, sur le plan financier comme sur celui des effectifs. C'est pourquoi le règlement (UE) 2019/1896 prévoit un nombre maximal d'agents opérationnels, qui sera atteint progressivement (au début 6500, puis augmentation jusqu'à 10 000 à l'horizon 2027). Par ailleurs, durant les négociations, il a été décidé de reporter le début des détachements de personnel opérationnel selon le nouveau règlement UE de 2020 à 2021. La taille de la catégorie 2 a en outre été divisée par deux. Enfin, il est explicitement prévu que le réexamen de la taille et de la composition du contingent permanent, qui aura lieu en 2023 conformément au règlement UE, devra tenir compte des exigences opérationnelles et des besoins effectifs.

De nombreux États
Schengen ont également fait part de leurs préoccupations concernant les pouvoirs d'exécution des agents de la catégorie 1, étant donné qu'ils dépendront de l'agence. Il était important de clarifier plusieurs points afin de préserver la souveraineté des États Schengen. Le règlement précise donc explicitement que les agents de la catégorie 1 (comme ceux des cat. 2, 3 et 4) ne peuvent exercer leur pouvoirs d'exécution qu'avec l'autorisation de l'État membre dans lequel ils sont déployés et qu'ils sont soumis au droit national de cet État.

Comme demandé par de nombreux États (parmi lesquels la Suisse), les compétences octroyées à la Commission dans la proposition initiale ont finalement été transférées au Conseil. Il s'agit de l'adoption du cycle d'orientation stratégique pluriannuel et de la décision relative à une action urgente aux frontières extérieures lorsque le fonctionnement de l'espace Schengen risque d'être compromis.

Quelques États, dont la Suisse, ont appelé la Commission à faire preuve d'une certaine retenue concernant les aspects financiers et à veiller à ce que les moyens alloués à l'agence soient utilisés de manière efficace. En effet, toute réaffectation de ressources du budget de l'UE lors de la fixation du cadre financier pluriannuel a des conséquences directes sur les contributions versées par la Suisse en tant que pays 6902

FF 2020

associé, mais non sur les États membres de l'UE. Le cadre financier pluriannuel de l'UE pour les années 2021 à 2027 n'a cependant pas encore été fixé (cf. ch. 7.2.1).

Concernant le domaine du retour, la présidence autrichienne a décidé de traiter ce thème de manière séparée. celui-ci a ensuite fait l'objet d'un compromis à la fin de l'année 2018 dans le cadre d'une «approche générale partielle». Il s'agissait en particulier de discuter de la nouvelle compétence de l'agence d'assister également des États tiers dans ce domaine, afin de prévenir la migration illégale. La possibilité d'exécuter des retours à partir d'États tiers vers d'autres États tiers soulève de nombreuses questions juridiques et politiques, qui n'ont pas toutes pu être définitivement clarifiées.

Lors de la réunion du Comité des représentants permanents des États membres (COREPER) du 20 février 2019, les États Schengen ont confirmé l'accord intervenu sur le compromis du Conseil. À cette même occasion, le COREPER a donné mandat à la présidence du Conseil pour qu'elle entame dans les meilleurs délais des négociations avec le Parlement européen.

En tant que co-législateur, le Parlement européen a en effet également examiné parallèlement la première proposition de la Commission du 12 septembre 2018 et a fait part de nombreuses propositions d'amendements, qui ont fait l'objet d'intenses négociations dans le cadre de trilogues entre la présidence du Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne.

À l'issue de ces négociations, un consensus global a été trouvé lors du COREPER du 1er avril 2019. Dans ce cadre, il a été décidé de conserver la réserve de réaction rapide (cat. 4), qui existait déjà et qu'il était prévu de supprimer. La possibilité pour l'agence de procéder à l'exécution des renvois depuis des pays tiers vers d'autres pays tiers a par contre été supprimée. De nombreuses précisons relatives aux droits fondamentaux ont été ajoutées. Il est notamment prévu que le corps européen compte 40 contrôleurs des droits fondamentaux (qui seront intégrés dans la cat. 1).

Par contre, les amendements du Parlement européen relatifs au renforcement de son rôle dans le corps européen (siège au conseil d'administration de l'agence, choix du Directeur de l'agence) n'ont pas été retenus.

Le Parlement européen a adopté le texte le
22 octobre 2019. Son adoption officielle par le Conseil des ministres s'est déroulée, à titre exceptionnel, par la voie de la procédure écrite, qui s'est achevée le 8 novembre 2019. La signature par les présidents du Parlement européen et du Conseil a eu lieu le 13 novembre 2019.

1.3

Procédure de reprise des développements de l'acquis de Schengen

En application de l'art. 2, par. 3, AAS, la Suisse s'est engagée à reprendre tout acte juridique édicté par l'UE en tant que développement de l'acquis de Schengen après la signature de l'AAS, le 26 octobre 2004 et, si nécessaire, à le transposer en droit suisse.

L'art. 7 AAS prévoit une procédure spéciale pour la reprise et la mise en oeuvre des développements de l'acquis de Schengen. Pour commencer, l'UE notifie «sans 6903

FF 2020

délai» à la Suisse l'adoption d'un acte constituant un développement de l'acquis de Schengen. Le Conseil fédéral dispose ensuite d'un délai de 30 jours pour indiquer à l'UE si la Suisse reprend ou non le développement et, le cas échéant, dans quel délai. Le délai de 30 jours commence à courir à la date de l'adoption de l'acte par l'UE (art. 7, par. 2, let. a, AAS).

Si l'acte en question est juridiquement contraignant, la notification par l'UE et la note de réponse de la Suisse constituent un échange de notes qui représente, du point de vue de la Suisse, un traité de droit international. Conformément aux dispositions constitutionnelles, ce traité doit être approuvé soit par le Conseil fédéral, soit par le Parlement et, en cas de référendum, par le peuple.

Le règlement (UE) 2019/1896 à reprendre est juridiquement contraignant et abroge les deux règlements (UE) 1052/20135 et (UE) 2016/1624), que la Suisse avait déjà repris par échange de notes. Sa reprise doit par conséquent être effectuée par conclusion d'un échange de notes.

Si, comme dans le cas présent, l'approbation de l'échange de notes relève de la compétence de l'Assemblée fédérale, la Suisse doit informer l'UE, dans sa note de réponse, qu'elle ne pourra, sur le plan juridique, être liée par le développement en question qu'«après l'accomplissement de ses exigences constitutionnelles» (art. 7, par. 2, let. b, AAS). Après que l'acte a été notifié par l'UE, la Suisse dispose d'un délai maximum de deux ans pour la reprise et la mise en oeuvre du développement.

Ce délai comprend également le référendum éventuel.

Une fois que la procédure nationale a pris fin et que toutes les exigences constitutionnelles liées à la reprise et à la mise en oeuvre de l'acte ont été accomplies, la Suisse en informe sans délai par écrit le Conseil et la Commission. Si aucun référendum n'est demandé, la Suisse communique cette information, assimilée à la ratification de l'échange de notes relatif à la reprise du règlement (UE) 2019/1896, au Conseil ainsi qu'à la Commission dès l'échéance du délai référendaire.

En l'espèce, le règlement a été formellement adopté le 13 novembre 2019 et notifié à la Suisse le 15 novembre 2019. Le délai pour sa reprise et sa mise en oeuvre a donc commencé à courir le 15 novembre 2019 et échoira le 15 novembre 2021.

L'éventuelle
non-reprise d'un développement de l'acquis de Schengen peut entraîner, en dernier recours, l'extinction de la coopération Schengen dans son ensemble, de même que, par voie de conséquence, l'extinction de la coopération Dublin (art. 7, par. 4, AAS et art. 14, par. 2, de l'accord d'association à Dublin [AAD]6)7.

5

6

7

Règlement (UE) 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 portant création du système européen de surveillance des frontières (Eurosur); JO L 295 du 6.11.2013, p. 11 Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un État membre ou en Suisse; RS 0.142.392.68 Pour complément, voir le message «accords bilatéraux II»; FF 2004 5593, ch. 2.6.7.5.

6904

FF 2020

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet été annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20238, annexe 1, objectif 14. La teneur de cet objectif est la suivante: «La Suisse prévient la violence, la criminalité et le terrorisme et lutte efficacement contre ces phénomènes». Le projet est également mentionné dans ce message comme un des objets du programme de la législature liée à la stratégie de gestion intégrée des frontières (ch. 8.8 du message). En raison de la situation due à la pandémie de COVID-19, l'arrêté fédéral sur le programme de la législature 2019 à 2023 n'a cependant pas encore été définitivement approuvé.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Remarques générales

La procédure de consultation a été ouverte le 13 décembre 2019 et s'est achevée le 27 mars 2020. Le nombre d'avis reçus s'est élevé à 36 9. Ils provenaient de 23 cantons, 4 partis politiques (PLR, PES, PSS, UDC) et 9 acteurs des milieux concernés (AsyLex, Centre Patronal, Fédération des Entreprises Romandes [FER], GastroSuisse, Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police [CCDJP], Union syndicale suisse [USS], Schweizerische Flüchtlingshilfe [SFH], Solidarité sans Frontières [SOSF] et Association des services cantonaux de migration [ASM]). 9 participants à la consultation ­ soit 3 cantons (GR, OW, SZ), le Tribunal administratif fédéral (TAF) et 5 acteurs des milieux intéressés (Flughafen Zürich AG, Konferenz der Integrationsdelegierten [KID], Union patronale suisse [UPS], Association des Communes Suisses [ACS], Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire [ASM]) ­ ont renoncé à donner leur avis.

Les cantons d'AG, AI, AR, BE, BL, BS, FR, GE, GL, JU, LU, NE, NW, SG, SH, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG et ZH approuvent la reprise du règlement UE, sous réserve pour certains d'entre eux (notamment AG, BL, BS, GE, LU, NE, NW, SG, TI et VD) de différentes remarques concernant les conséquences sur les finances et l'état du personnel des cantons (cf. ch. 2.7).

La CCDJP et l'ASM sont également favorables à la reprise du règlement UE. Elles ont cependant aussi émis des réserves concernant les conséquences sur les finances et l'état du personnel des cantons, demandant en particulier l'ouverture de négociations avec la Confédération sur l'indemnisation des cantons pour les interventions de courte et de longue durée dans le domaine du retour (cf. ch. 2.7).

Le PLR et le PSS souscrivent aussi à la reprise du règlement UE. Le PLR approuve en outre les propositions de mise en oeuvre prévues dans la loi fédérale du 16 dé8 9

FF 2020 1709 L'avant-projet, le rapport explicatif et les avis sont disponibles sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019.

6905

FF 2020

cembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)10, tout en soulignant que la participation accrue de la Suisse ne devra pas peser sur le personnel fédéral en place.

Le PSS regrette que le projet mis en consultation transpose très étroitement le règlement UE dans la législation suisse et demande des mesures supplémentaires visant à protéger les personnes en détresse. Le PES et l'UDC rejettent la reprise du règlement UE. Le PES critique en particulier le fait que l'élargissement des pouvoirs d'exécution de l'agence ne soit pas contrebalancé par un renforcement de la protection des droits fondamentaux et des données. Il déplore en outre l'absence d'autorité de contrôle indépendante ainsi que le déséquilibre entre les dépenses consacrées à la protection des frontières et celles affectées à l'octroi d'une protection. Quant à l'UDC, elle motive son rejet en particulier par l'obligation de détacher du personnel suisse, par les incertitudes relatives aux conséquences sur les finances et l'état du personnel des administrations fédérales et cantonales concernées, par les larges pouvoirs d'exécution de l'agence et par le fait que la Suisse ne dispose pas d'un droit de veto.

La majorité des milieux intéressés (le Centre Patronal, la FER, GastroSuisse, l'USS et la SFH) approuvent la reprise du règlement UE. La SFH et l'USS critiquent cependant la protection insuffisante des droits fondamentaux et des données, les mécanismes de contrôle et de plainte ainsi que l'importance des moyens engagés par rapport à ceux affectés à l'octroi d'une protection. AsyLex est consciente de l'exiguïté de la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de développement de l'acquis de Schengen, mais souhaite néanmoins que notre pays soit plus critique envers les développements en cours au sein de l'UE (consolidation de la forteresse Europe). SOSF est contraire à la reprise du règlement UE, en raison notamment de l'élargissement des pouvoirs d'exécution de l'agence et de la délocalisation des frontières extérieures dans des États tiers.

Les participants à la consultation qui ont donné leur avis sur la modification proposée de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)11 (p. ex. les cantons de BS et SO, la CCDJP, l'ASM, le PLR, le PSS et l'UDC) l'ont approuvée.

Position du Conseil fédéral Ce développement de l'acquis de Schengen
et les mesures qu'il prévoit sont d'un grand intérêt pour la Suisse, eu égard aussi bien à sa position géographique qu'à son statut de pays associé à la coopération Schengen. Ces mesures devraient en effet contribuer à réduire la migration illégale dans l'espace Schengen et en Suisse, et améliorer la sécurité dans l'espace Schengen et, par conséquent, en Suisse. Le développement de l'agence vise aussi à améliorer la lutte contre la criminalité transfrontalière, ce dont la Suisse profitera également. La réforme de l'agence est un élément important qui s'intègre bien dans le développement de la politique migratoire de la Suisse. Elle correspond non seulement à l'objectif 13 de la législature en cours, selon lequel la Suisse gère la migration et promeut la coopération internationale, mais également aux exigences de notre pays relatives à une meilleure protection des frontières extérieures de l'Europe et, simultanément, à une réforme durable du système de Dublin et à un partage équitable des responsabilités en matière de requé10 11

RS 142.20 RS 142.31

6906

FF 2020

rants d'asile. La Suisse soutient les États Schengen exposés à une forte pression migratoire à leurs frontières extérieures par le biais notamment de sa participation à l'agence et du détachement auprès de cette dernière de spécialistes de la protection des frontières et des questions de retour. L'agence facilite en outre la collaboration entre les autorités frontalières des divers États Schengen, en leur apportant une assistance technique et en mettant son expertise à leur disposition. La Suisse participera par exemple à l'établissement du tableau de situation européen, ce qui lui permettra d'identifier précocement d'éventuels mouvements secondaires vers ses frontières. De plus, en participant à l'agence, la Suisse renforcera sa position en particulier dans le domaine du retour, où elle pourra profiter du soutien mutuel des États Schengen et de la force de négociation de l'agence.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral souligne que l'abandon de l'association à Schengen/Dublin se traduirait non seulement par de graves lacunes en matière de sécurité intérieure, mais aussi, dans le domaine de la migration, par une augmentation des demandes d'asile infondées, à laquelle il ne serait guère possible de faire face, sur les plans aussi bien opérationnel que financier. Le rapport du Conseil fédéral établi en exécution du postulat 15.3896 du groupe socialiste12 présente en détail les conséquences d'un tel abandon. Elles seraient, en résumé, les suivantes: diminution du PIB de 1,6 % à 3,7 % jusqu'en 2030; autorités de police aveugles et sourdes sans accès au système d'information Schengen (SIS); affaiblissement notable de la sécurité intérieure; temps d'attente et donc coûts accrus pour le passage de la frontière; enfin, coûts supplémentaires dans le domaine de l'asile.

En outre, le Conseil fédéral rappelle qu'il s'agit ici de la reprise et de la mise en oeuvre d'un développement de l'acquis de Schengen et que la Suisse, en vertu de l'AAS, est tenue d'y donner suite. Si elle ne reprend pas le règlement UE, elle sera, en dernier recours, exclue aussi bien de l'AAS que de l'AAD. Comme souligné dans le rapport du Conseil fédéral mentionné ci-dessus, cela aurait de sérieuses conséquences économiques et financières pour la Suisse.

2.2

Mesures supplémentaires

Plusieurs participants à la consultation (le PSS, ainsi que le PES, la SFH et l'USS) demandent l'application de mesures supplémentaires en faveur des personnes à protéger. Ces mesures pourraient être par exemple les suivantes: admission de contingents de réfugiés, simplification de la procédure d'octroi de visas humanitaires, application accrue de la clause de souveraineté dans la procédure Dublin, soutien des États membres de l'UE supportant la charge la plus lourde dans le domaine de l'asile, participation de la Suisse au mécanisme de répartition des personnes à protéger, décriminalisation des actions de solidarité, octroi immédiat d'une autorisation d'exercer une activité lucrative pour les personnes bénéficiant d'une 12

Rapport du Conseil fédéral du 21 février 2018 en exécution du postulat 15.3896 du groupe socialiste «Les conséquences économiques et financières de l'association de la Suisse à Schengen» Disponible sous www.dfae.admin.ch: Politique extérieure > Politique européenne de la Suisse > Direction des affaires européennes > Services et publications > Rapports

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protection provisoire, renforcement du droit au regroupement familial ou encore encouragement de la mobilité.

Position du Conseil fédéral Le règlement UE a pour objectifs d'améliorer l'efficacité du contrôle aux frontières extérieures, du retour dans leur pays d'origine ou de provenance des personnes tenues de quitter le territoire ainsi que de la lutte contre la criminalité transfrontalière. Sa reprise ne portera pas préjudice aux obligations des États relevant des droits de l'homme et du droit international, en particulier celles concernant l'accès à la protection internationale (cf. p. ex. le considérant no 20 du règlement UE). Le règlement UE comprend en effet toute une série de dispositions visant à garantir le respect de ces obligations, telles que les dispositions sur la formation du personnel (cf. notamment art. 6213). L'agence collabore en outre étroitement avec le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) ainsi qu'avec les autorités nationales, afin précisément de garantir l'accès à la protection internationale. Compte tenu de ces éléments, il apparaît que les mesures supplémentaires demandées en faveur des personnes à protéger ne sont pas en rapport direct avec le présent projet. Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'est pas nécessaire de prévoir de telles mesures dans ce cadre.

Indépendamment de ce qui précède, la Suisse s'engage à plusieurs niveaux en faveur des personnes à protéger. Ainsi, depuis 2012, le Conseil fédéral a admis ­ sur la base de décisions individuelles ­ plus de 4000 réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) particulièrement vulnérables, la plupart issus du contexte de la guerre en Syrie. Lorsque c'était possible et judicieux, leur admission a eu lieu en coordination avec le programme de réinstallation de l'UE. En 2019, fort de cette expérience, le Conseil fédéral a aussi adopté un programme de réinstallation, dans le cadre duquel il décide de l'admission d'un certain nombre de réfugiés particulièrement vulnérables par périodes de deux ans. Pour la période 2020­2021, il a autorisé l'admission de 1600 personnes. La Suisse octroie en outre des visas humanitaires dans des cas particuliers dûment justifiés, notamment lorsqu'il est manifeste que la vie ou l'intégrité physique de la personne concernée est directement, sérieusement
et concrètement menacée dans son pays de provenance (art. 4, al. 2, de l'ordonnance du 15 août 2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV)14. Il incombe au Secrétariat d'État aux migrations (SEM) d'examiner attentivement chacune de ces demandes de visa. Celles-ci doivent être présentées à l'aide du formulaire usuel, qui a été traduit en de nombreuses langues. De plus, conformément à une pratique bien établie, il est possible, préalablement à la présentation de la demande, de solliciter auprès d'une représentation suisse à l'étranger ou directement auprès du SEM s'il n'y a pas de représentation dans le pays de provenance, un conseil informel écrit sur les chances d'aboutissement de la procédure.

Au reste, le Conseil fédéral est conscient du fait que le système de Dublin peut imposer une lourde charge aux pays de premier accueil, en particulier dans les situations de crise. La Suisse s'engage donc depuis longtemps, à l'échelle euro13 14

Sauf indication contraire explicite, les renvois aux articles se réfèrent aux articles du règlement UE.

RS 142.204

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péenne, pour une réforme durable de ce système et un partage équitable des responsabilités en matière de requérants d'asile, soutenant en outre les États Schengen exposés à une forte pression migratoire à leurs frontières extérieures. Quand l'Europe a dû faire face à une forte augmentation des mouvements migratoires en 2015 et 2016, la Suisse a volontairement participé au programme de réinstallation de l'UE visant les personnes à protéger enregistrées dans les zones d'urgence migratoire, en Italie et en Grèce. Depuis 2016, elle participe en outre aux plans de soutien de l'EASO, moyennant une contribution financière ainsi que l'envoi de spécialistes en Italie, en Grèce et à Chypre. Dans ces mêmes pays, elle soutient par ailleurs financièrement divers projets relevant de la coopération internationale en matière de migration et d'aide humanitaire. En Grèce, la Suisse a contribué en particulier à la création de structures d'encadrement et d'admission de requérants d'asile mineurs non accompagnés. Dans le même temps, depuis le début de 2020, en collaboration avec les autorités grecques, elle prend en charge un nombre accru de mineurs non accompagnés ayant des relations familiales dans notre pays. Enfin, la Suisse souhaite, dans le cadre de sa deuxième contribution en faveur de certains États membres de l'UE, renforcer la gestion de la migration dans les États les plus touchés par cette dernière.

En ce qui concerne la demande de décriminalisation des actions de solidarité, il est vrai que le droit en vigueur punit l'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux en Suisse (art. 116 LEI). Pour la fixation de la peine, il est tenu compte des motifs pour lesquels le contrevenant a agi, mais l'adoption d'un motif d'exclusion de la punissabilité en cas de mobiles d'ordre humanitaire a été rejetée par le Parlement lors de l'examen de la disposition. Il en va toutefois autrement lorsqu'il existe une obligation légale d'assistance (p. ex. une obligation relevant du droit international de la mer). Le Conseil fédéral s'engage, également au niveau européen, pour que ces obligations soient respectées.

Pour ce qui est des mesures supplémentaires concernant le statut des personnes à protéger dans notre pays, il faut relever que les personnes nécessitant la protection temporaire de la Suisse bénéficient en
règle générale d'une admission provisoire. En 2016, le Conseil fédéral avait réexaminé en profondeur le statut des étrangers admis à titre provisoire15, mais le Parlement n'a finalement opté que pour des adaptations ponctuelles16. Le projet de loi correspondant prévoit des allègements facilitant le changement de canton pour les personnes admises à titre provisoire qui exercent une activité lucrative. Le droit en vigueur permet déjà aux étrangers admis à titre provisoire d'exercer une activité lucrative dès que celle-ci a été annoncée (art. 85a LEI et 65 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA] 17). L'activité lucrative peut donc débuter immédiatement, sans délai d'attente. Sur le fond, le Parlement a maintenu les modalités d'admission provisoire ainsi que les conditions du regroupement familial en 15

16

17

Rapport du Conseil fédéral du 12 octobre 2016 «Admission provisoire et personnes à protéger: analyse et possibilités d'action». Disponible sous www.sem.admin.ch: Publications & services > Rapports > Rapports divers.

Motion 18.3002 du 18 janvier 2018 de la Commission des institutions politiques du Conseil des États «Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire» RS 142.201

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vigueur. La législation suisse respecte le principe de protection de la vie familiale, conformément à l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) 18, cela non seulement pour les personnes admises à titre provisoire, mais pour toutes les personnes résidant en Suisse.

En ce qui concerne les mesures supplémentaires visant à encourager la mobilité, le Conseil fédéral rappelle que, conformément à la LEI, des ressortissants d'États tiers peuvent exceptionnellement être admis même s'il ne s'agit pas de cadres, de spécialistes ou d'autres travailleurs qualifiés. Il est ainsi possible de faciliter l'admission de personnes dans le cadre par exemple de projets d'aide et de coopération au développement, ou encore d'échanges internationaux dans les domaines économique, scientifique et culturel. Il a été fait usage de cette possibilité notamment dans le cadre du réseau «Scholars at Risk» ­ dont les organisations swissuniversities et Académies suisses des sciences font partie ­, moyennant l'offre de postes de recherche temporaires à des chercheurs syriens. L'admission d'étudiants d'États tiers est également réglée par la LEI. De plus, divers accords bilatéraux concernant les stagiaires permettent d'octroyer des autorisations de séjour et de travail de durée déterminée à de jeunes diplômés désireux de développer leurs compétences professionnelles et linguistiques. L'application de ces accords dépend toutefois largement des spécificités du pays partenaire et a pour condition qu'elle serve les intérêts de toutes les parties prenantes. Elle n'est donc pas indiquée dans tous les contextes. Enfin, la LEI prévoit différentes possibilités d'admission à des fins de formation ou de formation continue, avec ou sans activité lucrative, qui dérogent aux conditions d'admission habituelles. Ces possibilités sont également mises à profit dans le cadre de partenariats migratoires.

2.3

Protection des données

2.3.1

Remarques générales

Plusieurs participants à la consultation (notamment AsyLex, le PES, la SFH, l'USS et le PSS) ont émis des réserves concernant la protection des données. Le PSS en particulier demande que la Suisse déclare expressément que le droit de l'UE en matière de protection des données (règlements [UE] 2018/172519 et [UE] 2016/67920) s'appliquera au moins aux affaires relevant de la coopération Schengen.

18 19

20

RS 0.101 Règlement (UE) 2018/1725 du 23 octobre 2018 du Parlement et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l'Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE, version du JO L 295 du 21.11.2018, p. 39 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), version du JO L 119 du 4.5.2016, p. 1

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Position du Conseil fédéral Les dispositions relatives à la protection des données arrêtées dans le règlement UE (art. 86 à 92) s'appliquent à l'agence et l'obligent à observer, dans l'exercice de ses différentes activités, les normes de protection des données prévues pour les organes et les institutions de l'UE dans le règlement (UE) 2018/1725. Prévoir l'application de ces dispositions en Suisse dans le cadre du présent projet serait inopportun, car les prescriptions spécifiques à l'agence ne s'appliquent pas aux États Schengen. De plus, lorsqu'il impose des obligations en matière de protection des données aux États Schengen, le règlement UE renvoie aux dispositions du règlement général sur la protection des données (règlement [UE] 2016/679). Or ce dernier ne lie pas la Suisse, car l'UE l'a qualifié à l'époque de non pertinent pour Schengen, si bien qu'il n'a pas dû être repris en tant que développement de l'acquis. La Suisse est néanmoins tenue, dans le cadre de la coopération Schengen, d'en observer les prescriptions relatives au traitement des données. Prévoir expressément l'application du règlement général sur la protection des données dans le cadre du présent projet est cependant superflu, car ses prescriptions ont été prises en compte dans le projet en cours de révision totale de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)21. Cette révision totale de la LPD22 a pour objectif de garantir en Suisse un niveau de protection équivalent à celui de l'UE ­ dans les secteurs aussi bien privé que public ­ en vue de l'examen de l'équivalence du droit suisse par Commission. Les dispositions concernées s'appliqueront également dans le présent contexte.

Pour l'état actuel de la reconnaissance de l'équivalence, nous renvoyons au rapport de la Commission européenne et du Conseil23.

Par ailleurs, il convient de relever que des négociations placées sous la responsabilité de l'Administration fédérale des douanes (AFD) sont en cours en vue de la conclusion d'un accord de coopération concernant la procédure de sécurité applicable à l'échange d'informations classifiées avec l'agence et à leur protection. Cet accord s'appuiera sur l'Accord du 28 avril 2008 entre la Confédération suisse et l'Union européenne sur les procédures de sécurité pour l'échange d'informations classifiées24 et fixera des règles contraignantes en matière de transfert de données sensibles.

21 22

23

24

RS 235.1 Cf. message du 15 septembre 2017 concernant la loi fédérale sur la révision totale de la loi fédérale sur la protection des données et sur la modification d'autres lois fédérales; FF 2017 6565. L'équivalence devrait être reconnue en automne 2020.

COM(2020) 264 final, p. 11; la Commission a décidé d'examiner et prendre les décisions d'adéquation pendantes à l'égard de la Suisse et d'autres États après que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) aura rendu son arrêt en l'affaire C-311/18 (Data Protection Commissioner/Facebook Ireland Limited, Maximilian Schrems). Annoncé pour le 16 juillet 2020, cet arrêt pourrait apporter des éclaircissements susceptibles de présenter un intérêt pour certains éléments du principe d'adéquation. La décision de reconnaissance de l'adéquation devrait donc tomber en automne.

RS 0.514.126.81

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2.3.2

Transfert de données personnelles

En ce qui concerne le transfert de données personnelles à l'agence, le PES, la SFH et l'USS demandent qu'il respecte le principe de proportionnalité. AsyLex critique pour sa part le transfert de données personnelles, en particulier s'il a lieu à des fins d'analyse des risques et d'évaluation de la vulnérabilité. Le PES, la SFH et l'USS demandent en outre que seules soient adoptées, en matière d'échange de données, des règles approuvées par le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT).

Position du Conseil fédéral L'art. 111a, al. 2, P-LEI crée la base légale du transfert de données personnelles à l'agence dans le domaine de la migration. Le Conseil fédéral partage l'avis selon lequel l'art. 111a, al. 2, AP-LEI ne définissait pas assez clairement le but du transfert de telles données. Dans le domaine de la migration, le règlement UE ne prévoit de transfert de données personnelles qu'en relation avec la gestion des retours (cf. art. 49 et 87, par. 1, let. b). L'art 111a, al. 2, P-LEI précise donc en conséquence le but du transfert de données personnelles (cf. ch. 4.8 et 6). Lors de la consultation des offices, le projet a également été soumis au PFPDT, qui n'a pas fait de remarques. Il a en outre été décidé de ne pas inscrire de disposition analogue dans l'actuelle loi du 18 mars 2005 sur les douanes (LD)25, car l'échange de données personnelles est déjà couvert par l'ordonnance du 26 août 2009 sur la coopération opérationnelle avec les autres États Schengen en vue de la protection des frontières extérieures de l'espace Schengen (OCOFE)26. Toutefois, même si cette base légale suffit à légitimer le transfert des données personnelles nécessaires à l'agence, la conception moderne du droit de la protection des données invite, pour des raisons de transparence, à inscrire formellement de telles dispositions dans une loi formelle. La révision en cours de la LD offre donc l'occasion d'examiner l'éventuelle adoption d'une disposition explicite au niveau de la loi (cf. commentaires sous ch. 5.1).

2.4

Droits fondamentaux et mécanisme de traitement des plaintes

Le PSS demande que le message du Conseil fédéral précise dans quelle mesure la Suisse adhère aux objectifs du règlement UE en matière de protection des droits fondamentaux et de mécanisme de traitement des plaintes et comment elle entend appliquer les normes y relatives. Il souhaite en outre que l'accès au mécanisme de plainte prévu à l'art. 111 du règlement UE soit clarifié. La SFH demande quant à elle que l'application des normes du règlement UE en matière de protection des droits fondamentaux repose sur des règles institutionnelles spécifiques ainsi que sur des règles de procédure claires. Elle demande en outre, avec l'USS et AsyLex, que la Suisse s'engage en faveur de l'indépendance aussi bien du contrôle de la confor-

25 26

RS 631.0 RS 631.062

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mité des mesures avec les droits fondamentaux que du mécanisme de traitement des plaintes.

Position du Conseil fédéral La protection accrue des droits fondamentaux est un des piliers du règlement UE révisé (les mécanismes prévus, en particulier l'accès au mécanisme de traitement des plaintes selon l'art. 111, sont commentés au ch. 4.9). La création du contingent permanent et l'augmentation des ressources à disposition se traduiront en effet par un renforcement des droits fondamentaux, en ceci qu'elles garantiront une meilleure formation du personnel opérationnel dans ce domaine. Le Conseil fédéral se félicite de ces mesures de renforcement des droits fondamentaux et soutiendra l'agence dans leur mise en oeuvre. Les dispositions du règlement UE en matière de protection des droits fondamentaux sont directement applicables en Suisse. De plus, il existe déjà dans notre pays des possibilités de déposer une plainte en cas de violation de droits fondamentaux (cf. ch. 4.9). Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire de nouvelles règles en matière de protection des droits fondamentaux et de mécanisme de traitement des plaintes dans le droit suisse.

Le Conseil fédéral continuera en outre à s'engager en faveur d'un contrôle efficace de la conformité des activités de l'agence avec les droits fondamentaux. C'est ainsi que le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a l'intention de détacher jusqu'à deux spécialistes suisses des questions liées aux droits fondamentaux auprès du bureau de l'officier aux droits fondamentaux de l'agence. Compte tenu du renforcement des mécanismes de protection des droits fondamentaux prévu par le règlement UE ainsi que de la possibilité pour des spécialistes nationaux de participer au contrôle de ces mécanismes, le Conseil fédéral est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de prévoir d'autres mesures en matière de protection des droits fondamentaux et de contrôle de cette dernière.

2.5

Obligation de rendre compte au Parlement

Par analogie avec le règlement UE (art. 6), le PSS demande d'inscrire dans la loi une obligation de rendre compte au Parlement. Il y aurait donc lieu de clarifier dans quelle mesure des informations non accessibles publiquement pourraient être transmises à ce dernier. Le PSS propose en outre d'adopter une disposition chargeant le Conseil fédéral de présenter périodiquement au Parlement un rapport sur l'élargissement de la protection des droits de l'homme par l'agence ainsi que sur l'utilisation du matériel et du personnel suisse aux frontières extérieures.

Position du Conseil fédéral En vertu de l'art. 7 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)27, tout député peut, dans la mesure où l'exercice de son mandat parlementaire l'exige, demander à tout moment au Conseil fédéral et à l'administration fédérale de lui fournir des renseignements et de lui ouvrir leurs dossiers sur toute question intéres27

RS 171.10

6913

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sant la Confédération. La haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale est une des compétences clés de l'Assemblée fédérale et sert en particulier à garantir le respect de l'obligation du gouvernement et de l'administration de rendre compte de cette gestion à ladite Assemblée fédérale. Les principaux instruments d'exécution de cette obligation sont les rapports de gestion ou la transmission directe d'informations sur demande, mais aussi les interventions parlementaires.

Depuis l'entrée en vigueur de l'AAS, les sous-commissions (DFJP/ChF) des Commissions de gestion (CdG) sont informées annuellement sur l'état de la mise en oeuvre de Schengen/Dublin dans des rapports ad hoc. Ces rapports comprennent des informations sur la coopération avec l'agence et sur les interventions de cette dernière. Des représentants des unités administratives concernées sont invités à participer aux séances des commissions consacrées à l'examen de ces rapports, afin de répondre à des questions spécifiques. Le 6 septembre 2019, les CdG des deux conseils ont informé le Département fédéral de justice et police (DFJP) de leur décision de modifier les modalités d'établissement des rapports. À partir de 2021, les rapports exhaustifs tels qu'ils sont établis actuellement ne devront être présentés plus qu'une seule fois par législature. Entre deux rapports exhaustifs, les CdG seront informées au moyen de rapports succincts. Le rapport concernant l'état de la mise en oeuvre de Schengen/Dublin destiné aux CdG a fait ses preuves en tant que plateforme d'informations. Il oblige en particulier l'administration à rendre régulièrement compte de l'état de la coopération Schengen.

Par ailleurs, afin de garantir la transparence requise dans le domaine de la protection des droits fondamentaux, le règlement UE oblige aussi bien le forum consultatif (art. 108, par. 4) que l'officier aux droits fondamentaux (art. 109, par. 4) à présenter des rapports annuels sur leurs activités. Ces rapports comprennent des informations sur le mécanisme de traitement des plaintes, en particulier sur le nombre de plaintes déposées, le type de violations des droits fondamentaux commises et les mesures prises par l'agence. Ils sont rendus publics.

Le Conseil fédéral considère qu'un élargissement institutionnalisé de la haute surveillance exercée par le Parlement serait inopportun et ferait peser une trop lourde charge sur ce dernier.

2.6

Domaine du retour

AsyLex et la SFH souhaitent que chaque retour forcé fasse l'objet d'un monitoring indépendant et complet. Le PSS demande que la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) puisse remplir pleinement ses tâches de monitoring des retours forcés dans le cadre des opérations de l'agence. Il y aurait également lieu d'assurer la circulation des informations entre la CNPT, l'officier aux droits fondamentaux de l'UE et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe. Le CPT devrait en outre être autorisé à effectuer des visites aux frontières extérieures de l'UE contrôlées par la Suisse et à accompagner les opérations de retour auxquelles

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cette dernière participe (cf. considérant no 82 du règlement UE). Enfin, le Parlement suisse devrait être régulièrement informé des résultats de ces visites.

La CCDJP et le canton de ZH demandent quant à eux que les défauts affectant actuellement le système eRetour soient éliminés avant que les dispositions proposées en matière d'échange de données (art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI) ne s'appliquent.

Position du Conseil fédéral Le Conseil fédéral considère aussi que la protection des droits de l'homme et des droits fondamentaux doit être garantie dans le cadre des activités de l'agence, en particulier dans le domaine du retour. Or, le nouveau règlement UE élargit la protection des droits fondamentaux, y compris dans ce domaine (cf. ch. 4.5.1).

En Suisse, il incombe à la CNPT d'assurer le monitoring de l'application du droit des étrangers (y compris le monitoring des retours forcés). Dans le cadre de ce monitoring, la CNPT accompagne déjà les vols communs de l'UE auxquels la Suisse participe. La reprise et la mise en oeuvre du règlement UE n'apporteront donc rien de nouveau à cet égard. La CNPT a en outre la possibilité de participer à la réserve de contrôleurs des retours forcés (cf. art. 51), qui avait été créée en application de l'ancien droit de l'UE; un membre de la CNPT en fait partie depuis 2020. En ce qui concerne les échanges d'informations, la loi dispose que la CNPT a notamment pour tâche d'assurer les contacts avec le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture (SPT) et avec le CPT, de leur transmettre des informations et de coordonner ses activités avec les leurs (art. 2, let. e, de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur la Commission de prévention de la torture28). De plus, étant donné que la CNPT s'acquitte de ses tâches en toute indépendance (art. 4, al. 1, de la loi fédérale sur la Commission de prévention de la torture), il lui appartient de décider librement si elle entend également échanger des informations avec d'autres institutions et organisations.

En ce qui concerne la participation du CPT, le règlement UE prévoit que ce dernier doit être autorisé à participer à certaines opérations de retour (considérant no 82). Le droit suisse ne s'oppose pas à une telle participation. Si le CPT devait présenter une demande de participation à la Suisse, le SEM l'examinerait
conjointement avec la CNPT. Le CPT transmet un rapport sur les résultats de ses visites aux États concernés. En Suisse, l'information du Parlement peut être assurée par les moyens habituels (cf. ch. 2.5). Il convient en outre de mentionner les rapports de la CNPT. La Suisse dispose en effet d'un système bien rodé et complet de monitoring des retours, en ceci que la CNPT est habilitée à accompagner non seulement les retours opérés par la Suisse, mais également les vols communs de l'UE auxquels notre pays participe. Les rapports annuels de la CNPT sur le monitoring des retours ainsi que les prises de position de l'autorité compétente (Comité d'experts Retour et exécution des renvois) sont toujours rendus publics. La transparence requise dans le domaine du retour est donc déjà assurée. Le Conseil fédéral estime par conséquent qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi une obligation de rendre régulièrement compte des résultats des éventuelles visites du CPT.

28

RS 150.1

6915

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Enfin, en ce qui concerne le système eRetour, le Conseil fédéral fait remarquer que le SEM et les cantons sont en train de réexaminer la version actuelle de ce système d'information dans le domaine du retour et d'élaborer des propositions visant à l'optimiser. Ces propositions seront prises en compte dans la suite des travaux.

L'ASM est régulièrement informée de l'avancement du projet. Pour le Conseil fédéral, il n'y a donc pas lieu de différer l'entrée en vigueur de l'art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI.

2.7

Conséquences sur les finances et l'état du personnel

L'UDC juge problématique, d'une part, que la contribution en personnel de la Suisse et les profils des agents ne soient pas encore fixés et, d'autre part, que la Suisse, en cas de modification ou de hausse des exigences par l'UE, ne dispose pas d'un droit de veto. Elle s'inquiète également (de même que le Centre patronal) de l'augmentation massive des paiements de la Suisse à l'agence. Enfin, elle déplore que le projet impose à la Suisse de nouvelles dépenses liées, dont l'évolution échappera à l'influence de nos autorités et surtout de l'Assemblée fédérale. La CCDJP souhaite que les conséquences sur les finances et l'état du personnel au niveau des cantons soient clarifiées. Plusieurs cantons (notamment SG, TI, VD, NE et SH) s'inquiètent également des incertitudes qui prévalent encore en ce qui concerne les conséquences sur les finances et l'état du personnel à leur niveau. Le canton de SG demande des réponses aux questions encore ouvertes dans ce domaine. La CCDJP, de même que le canton de NW, souhaite en outre que la répartition des tâches entre l'AFD, le SEM et les corps de police cantonale (Conférence des Commandants des Polices Cantonales de Suisse [CCPCS]) soit clarifiée. Divers cantons (notamment BL, BS, NE, VD et GE) relèvent que les ressources humaines actuellement disponibles ne permettront de faire face au surcroît de travail découlant du projet. Le canton d'AG demande ce qui se passera si l'on ne trouve pas le personnel volontaire nécessaire au niveau de la Confédération. L'UDC souligne que les postes libérés par le programme de transformation DaziT au sein de l'AFD devront être réaffectés à la sécurité des frontières suisses, en particulier à la lutte contre la criminalité transfrontalière, et non servir à remplir les obligations de la Suisse envers l'agence.

En ce qui concerne l'indemnisation des cantons, la CCDJP, de même que les cantons de BS et de LU, avertit que les indemnités prévues pour les interventions de courte et de longue durée dans le domaine du retour sont insuffisantes; elle demande donc, avec notamment le canton de BS, que ces indemnités soient négociées avec la Confédération. L'ASM et le canton de BS exigent l'indemnisation de l'intégralité des dépenses des cantons, ainsi que de leurs frais de personnel. Enfin, l'ASM soulève la question de savoir comment les experts
et spécialistes cantonaux seront indemnisés.

Position du Conseil fédéral Il est actuellement difficile d'estimer l'ensemble des conséquences du projet sur les finances et l'état du personnel de la Confédération et des cantons. En effet, d'une part, le cadre financier pluriannuel de l'UE n'a pas encore été approuvé et, d'autre part, les conséquences financières et sur l'état du personnel pour la Suisse dépendront directement de la planification annuelle des opérations de l'agence et de ses 6916

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besoins effectifs en personnel. Le Conseil fédéral partage les préoccupations de l'UDC et du Centre patronal et convient qu'il s'agira de suivre attentivement l'évolution des coûts et, si nécessaire et possible, de la freiner. Les coûts supplémentaires découlant de l'application du règlement UE seront répartis entre les États membres de l'UE et les États associés à Schengen conformément à la clé de répartition actuelle. Il s'ensuit que les augmentations du budget de l'agence s'appuieront sur une base financière large et ne seront à la charge de la Suisse que pour une petite part (pour les détails, cf. ch. 7.2.1). Le Conseil fédéral soumettra la contribution de la Suisse au financement de l'agence à l'approbation du Parlement annuellement, dans le budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances. L'évolution des coûts sera ainsi présentée en toute transparence, y compris envers le public.

Le Conseil fédéral comprend que les cantons souhaitent connaître les conséquences du projet avec davantage de certitudes. Aujourd'hui, on en sait un peu plus sur la planification des opérations de l'agence qu'au moment de l'ouverture de la procédure de consultation (cf. ch. 7). Durant la phase initiale, le nombre de personnes affectées aux interventions de courte durée dans le domaine du retour sera légèrement supérieur à ce qu'il est actuellement. Pour ce qui est des interventions de longue durée, les valeurs empiriques font encore défaut. La contribution des cantons en personnel ne peut donc pas encore être chiffrée avec précision (cf. ch. 7.4.2).

Dans le domaine de la protection des frontières, l'AFD exécute déjà elle-même entre 80 % et 90 % des interventions. Elle estime donc qu'elle pourra, à l'avenir également, assurer l'essentiel des interventions avec son propre personnel (cf. ch. 7.3.2).

Les incertitudes ne sont cependant pas toutes levées. La mise en oeuvre des développements de l'acquis de Schengen est une tâche commune de la Confédération et des cantons et le Conseil fédéral a très à coeur de toujours trouver des solutions concertées avec les cantons. Le SEM, la CCDJP et la CCPCS ont donc convenu de créer, dans le domaine du retour, un groupe de travail chargé d'accompagner la mise en oeuvre du règlement UE sur le plan technique. Il est essentiel, en relation avec l'évolution et la mise
en oeuvre du présent projet ainsi qu'en vue de la répartition concrète des tâches entre les différents acteurs, de chercher systématiquement des solutions concertées avec les instances cantonales compétentes et, si c'est judicieux et nécessaire, d'adapter le projet en conséquence. Le DFJP conclura en outre avec la CCDJP et la CCPCS une convention sur les modalités des opérations de retour internationales (cf. art. 71a, al. 3, LEI). Cette convention clarifiera en particulier de manière exhaustive la répartition des tâches liées à l'organisation de ces opérations.

Pour ce qui est de la question posée par le canton d'AG, à savoir que se passera-t-il si l'on ne trouve pas assez de volontaires au niveau de la Confédération, il convient de souligner que d'après les expériences du SEM et de l'AFD, les collaborateurs intéressés par un engagement à l'étranger sont en règle générale suffisamment nombreux. Compte tenu de ces expériences globalement positives, le Conseil fédéral n'entend pas renoncer au principe du volontariat en matière de participation aux missions à l'étranger (cf. art. 92 LD). Il en outre d'avis que l'attrait de ces missions peut aussi être garanti par différentes mesures appropriées, telles que des avantages de carrière.

La protection des frontières suisses, en particulier la lutte contre la criminalité transfrontalière, restera une priorité pour le Conseil fédéral, de même que l'engagement de personnel suisse aux frontières extérieures de Schengen, car la protection de ces 6917

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frontières sert aussi la protection de notre pays. L'engagement de la Suisse aux frontières extérieures de Schengen est conforme à sa stratégie de gestion intégrée des frontières. Toutefois, le Conseil fédéral est conscient que l'affectation de personnel supplémentaire aux frontières extérieures devra être compensée sur le territoire national. Le développement et la numérisation en cours de l'AFD tiennent compte de cette réalité et permettront à cette dernière, grâce à une automatisation accrue, à la flexibilisation des capacités opérationnelles des collaborateurs et à des analyses des risques ciblées, de remplir plus efficacement ses tâches aux frontières suisses. En raison de ce développement de l'AFD, l'engagement du personnel ne sera plus comparable avec ce qu'il est dans les structures actuelles, si bien qu'il serait inadéquat d'effectuer un calcul d'efficacité basé sur l'effectif. Quoi qu'il en soit, lutter contre la criminalité transfrontalière efficacement, de manière ciblée et avec les moyens appropriés, et garantir ainsi la sécurité de la Suisse à l'avenir également, reste une préoccupation majeure du Conseil fédéral.

Actuellement, dans le domaine du retour, la Confédération accorde aux cantons un forfait d'accompagnement de 300 francs par jour pour chaque agent d'escorte policière mis à disposition et de 400 francs par jour pour le chef d'équipe (cf. art. 71a, al. 1 et 3, LEI et 15d de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers [OERE]29). Étant donné que cette réglementation a fait ses preuves pour les interventions de courte durée, le projet mis en consultation proposait de l'appliquer également aux interventions de longue durée. Les milieux cantonaux (en particulier la CCDJP et l'ASM) estiment toutefois que les indemnités prévues aussi bien pour les interventions de courte que pour celles de longue durée sont insuffisantes et ont donc demandé l'ouverture de négociations avec la Confédération sur une augmentation de ces indemnités. Le Conseil fédéral tient beaucoup à trouver avec les cantons, aussi rapidement que possible, des solutions pragmatiques acceptables par toutes les parties. Le montant et les modalités d'octroi des indemnités font donc actuellement l'objet de discussions entre le SEM et les cantons. Ces questions seront réglées par
voie d'ordonnance (cf. art. 71a, al. 1, P-LEI).

L'indemnisation des cantons ne devra pas être inférieure aux taux actuellement en vigueur pour les interventions de courte durée. Dans le domaine de la protection des frontières, il n'est pas prévu d'indemniser les cantons pour les experts ou spécialistes qu'ils mettront à disposition.

2.8

Pouvoirs d'exécution

L'UDC demande de modifier le projet de manière à ce que l'agence n'ait pas le droit d'exercer ses pouvoirs d'exécution en Suisse, ou ne puisse le faire qu'avec l'autorisation expresse de l'Assemblée fédérale. Il devrait en être de même pour l'exercice de pouvoirs d'exécution par du personnel suisse à l'étranger. Dans ce second cas de figure, il faudrait prévoir au minimum l'obligation de consulter préalablement la commission parlementaire compétente. Pour le PES, l'élargissement des pouvoirs d'exécution devrait s'accompagner d'une obligation de rendre compte et d'une responsabilité accrues. L'USS se félicite du fait que les membres des 29

RS 142.281

6918

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équipes seront soumis aux mesures disciplinaires de leur État d'origine. Elle craint toutefois que cela ne suffise pas à résoudre le problème de leur responsabilité et, en particulier, que le personnel de l'agence ne soit soumis ni à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ni à une juridiction nationale.

Position du Conseil fédéral Les pouvoirs d'exécution ne peuvent être exercés qu'avec l'autorisation de l'État hôte. De plus, les membres des équipes ne peuvent remplir leurs tâches et exercer leurs compétences que sur les instructions et, en règle générale, en présence d'un représentant de l'État hôte. Conformément à l'art. 3a OCOFE, en cas d'engagement de personnel étranger en Suisse, l'AFD est compétente notamment en matière de participation à l'élaboration des plans opérationnels ainsi que de conduite de l'engagement en collaboration avec l'agence. Pour ce qui est de l'obligation de rendre compte demandée par le PES, le Conseil fédéral peut comprendre cette demande, mais renvoie à ce sujet aux commentaires du ch. 2.5. Enfin, en ce qui concerne la soumission à la CJUE ou aux tribunaux nationaux, il renvoie au ch. 2.9.1.

2.9

Autres remarques

2.9.1

Responsabilité en cas de dommages

Pour le PSS, il y a lieu de clarifier si la Suisse est également soumise à la CJUE pour le règlement de litiges en relation avec la responsabilité des membres des équipes en cas de dommages (cf. art. 84, al. 4, du règlement UE relatif à la saisine de la CJUE).

Position du Conseil fédéral Les litiges en relation avec la responsabilité des membres des équipes en cas de dommages sont réglés conformément aux dispositions du règlement UE sur la responsabilité civile des membres des équipes (art. 84). Ces dispositions prévoient que le personnel de l'agence (y compris le personnel statutaire) est soumis au droit de l'État hôte. Si un membre d'une équipe cause des dommages, il incombe à l'État hôte de réparer ces dommages. Toutefois, si les dommages ont été causés par une négligence grave ou par une faute intentionnelle, l'État hôte peut ouvrir une action récursoire contre l'État d'origine du membre responsable. De même, si des dommages sont causés par une négligence grave ou par une faute intentionnelle d'un membre du personnel statutaire, l'État hôte peut demander à l'agence de lui rembourser les sommes qu'il a versées aux parties lésées ou à leurs ayants cause, cela sans préjudice d'un éventuel recours contre l'agence formé auprès de la CJUE, conformément à l'art. 98.

Les tribunaux et les autorités suisses interprètent et appliquent l'acquis de Schengen en toute autonomie. L'AAS ne prévoit pas de règles explicites dans ce domaine, mais n'exclut pas non plus une soumission partielle à la CJUE.

Or, le nouveau règlement UE ­ comme l'ancien ­ prévoit une soumission ponctuelle à la CJUE. Cette dernière remplit en l'occurrence une fonction de tribunal arbitral pour les litiges en relation avec la responsabilité des membres des équipes en cas de 6919

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dommages décrits à l'art. 84. C'est le seul moyen de garantir l'application uniforme du règlement UE. La soumission à la CJUE vaut donc aussi bien pour les États membres de l'UE que pour les États associés à Schengen. Si ce n'était pas le cas, il en résulterait une lacune juridique qui ne pourrait être comblée d'une autre manière.

2.9.2

Publication dans le recueil systématique

Le PSS demande que les règlements UE directement applicables en Suisse soient publiés dans le recueil systématique du droit fédéral (RS).

Position du Conseil fédéral Les développements de l'acquis de Schengen repris dans le droit suisse sont publiés dans le recueil officiel du droit fédéral (RO), conformément aux principes définis dans la loi du 18 juin 2004 sur les publications officielles (LPubl)30. Pour ce qui est des actes législatifs de l'UE repris par la Suisse, il n'est pas prévu de les publier en tant que tels, peu importe qu'ils soient directement applicables ou non. Sont en revanche sujets à publication les échanges de notes par lesquels les développements de l'acquis de Schengen sont repris et qui ont valeur de traités internationaux au regard du droit suisse. Conformément à l'art. 3 LPubl, les traités de droit international sont publiés dans le RO lorsqu'ils lient la Suisse et qu'ils ont une certaine portée31. La publication des développements de l'acquis de Schengen a lieu indirectement, sous la forme d'un renvoi, autrement dit par l'ajout d'une référence renvoyant au Journal officiel (JO) de l'UE (art. 5, al. 1, let. b, LPubl). Pour le Conseil fédéral, le présent projet ne requiert pas que l'on modifie ces principes de publication des actes législatifs.

2.10

Modification de la loi sur l'asile

Les participants à la consultation qui ont donné leur avis sur la modification de la LAsi (notamment les cantons de BS, SO, TG, UR et ZG, ainsi que la CCDJP, l'ASM, le PLR, le PSS et l'UDC) y sont favorables. Le canton de SO relève que le complément relatif à l'obligation de quitter l'espace Schengen apporte de la clarté sur les conditions et les modalités d'exécution des renvois. Le PSS se félicite de la réserve concernant les traités internationaux et espère qu'elle contribuera à une application de la LAsi conforme aux droits de l'homme. L'UDC se réjouit que les décisions de renvoi doivent indiquer explicitement que le requérant a l'obligation de quitter l'espace Schengen.

30 31

RS 170.512 Les traités de portée mineure (cf. art. 7a, al. 3, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]; RS 172.010) ne sont publiés dans le RO qu'à titre exceptionnel (art. 2 de l'ordonnance du 7 octobre 2015 sur les publications officielles [OPubl]; RS 170.512.1).

6920

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Position du Conseil fédéral Les nouvelles dispositions de la LAsi bénéficiant d'une large approbation, le Conseil fédéral ne voit pas de raisons d'y apporter des modifications.

3

Présentation du règlement UE

Afin d'améliorer l'efficacité du contrôle aux frontières extérieures, du retour des personnes tenues de quitter le territoire et de la lutte contre la criminalité transfrontalière, il y avait lieu de réformer le corps européen de garde-frontières et de gardecôtes et de renforcer son mandat. Ce corps est constitué des autorités nationales chargées de la gestion des frontières et des retours ainsi que de l'agence (cf. art. 4).

Comme sous l'ancien droit, le règlement UE prévoit des activités prioritaires dans les domaines de la surveillance des frontières et du retour.

Le règlement UE reprend le contenu de deux autres règlements en vigueur (règlements [UE] 1052/2013 et [UE] 2016/1624) et le développe ponctuellement.

Les principaux domaines de réglementation des deux règlements repris dans le règlement UE sont les suivants: ­

gestion européenne intégrée des frontières (art. 3);

­

responsabilité partagée de l'agence et des États Schengen (art. 7);

­

devoir de coopération loyale (art. 11) et obligation d'échange d'informations (art. 12);

­

point de contact national à désigner par chaque État Schengen (art. 13);

­

surveillance des flux migratoires et analyse des risques (art. 29);

­

officiers de liaison de l'agence dans les États Schengen (art. 31);

­

évaluation de la vulnérabilité (art. 32);

­

attribution de niveaux d'impact aux tronçons de frontières extérieures (art. 34);

­

réglementation des actions de l'agence aux frontières extérieures, y compris le lancement d'opérations conjointes et d'interventions rapides aux frontières extérieures (art. 36 à 39, 41 et 42);

­

plans opérationnels pour les opérations conjointes (art. 38);

­

soumission des membres des équipes qui ne sont pas des membres du personnel statutaire de l'agence aux mesures disciplinaires de leur État membre d'origine (art. 43, par. 5);

­

couverture par l'agence des coûts occasionnés aux États Schengen lorsqu'ils mettent des membres de leur personnel opérationnel à disposition (art. 45);

­

obligation des États Schengen de mettre du personnel opérationnel à la disposition du contingent permanent au moyen de la réserve de réaction rapide (art. 58 et annexe IV);

6921

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­

antennes chargées de coordonner les activités opérationnelles (art. 60);

­

acquisition ou location par crédit-bail d'équipements techniques par l'agence (art. 63) et par le parc des équipements techniques (art. 64);

­

coopération avec les pays tiers parties à un accord sur le statut (art. 71 et 73);

­

coopération des États Schengen avec les pays tiers (art. 72);

­

tâches et compétences des membres des équipes (art. 82);

­

responsabilité civile et pénale des membres des équipes (art. 84 et 85);

­

statut juridique de l'agence, ainsi que siège, responsabilité, structure et dispositions relatives au conseil d'administration (fonctions, composition, présidence, réunions, vote), programmation pluriannuelle et programmes de travail annuels (art. 93 et 94, 96, 97 et 99 à 106);

­

mécanisme de traitement des plaintes recevables pour atteintes concrètes aux droits fondamentaux (art. 111).

Les nouvelles règles visent en outre à intégrer le système EUROSUR au sein du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, afin d'en améliorer le fonctionnement. C'est pourquoi les dispositions du règlement (UE) n o 1052/2013 sont non seulement reprises, mais également étendues, en ceci que certaines données concernant les frontières extérieures aériennes et les postes frontières doivent désormais être transmises à l'agence. De plus, afin de pouvoir remplir ses tâches d'analyse des risques, d'évaluation de la vulnérabilité ainsi que d'évaluation de la situation plus efficacement et de manière mieux ciblée, l'agence crée et gère un réseau de communication. Ce réseau se fonde en particulier sur l'actuel système EUROSUR en tant que cadre intégré pour l'échange d'informations et la coopération opérationnelle au sein du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

La Commission adopte un acte d'exécution fixant les détails relatifs aux différentes couches d'information constituant les tableaux de situation, ainsi que les règles régissant l'établissement des tableaux de situation spécifiques (art. 24, par. 3). L'acte d'exécution précise le type d'informations à fournir, les entités responsables de la collecte, du traitement, de l'archivage et de la transmission des informations spécifiques, les délais maximaux de notification, les règles en matière de sécurité et de protection des données ainsi que les mécanismes liés au contrôle de la qualité.

Les États Schengen sont autorisés à recevoir des fonds sur une base annuelle, afin de faciliter le développement des ressources humaines à même de garantir leurs contributions au contingent permanent fixées dans les annexes II, III et IV (art. 61). Ce financement est payable après la fin de l'année concernée et sous réserve du respect de certaines conditions. Afin d'atténuer l'incidence que pourrait avoir sur les États Schengen l'engagement par l'agence du personnel statutaire mis à la disposition du contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, les États Schengen peuvent bénéficier d'une aide destinée à couvrir les frais de formation des nouveaux membres du personnel appelés à remplacer les agents opérationnels détachés. Pour garantir l'uniformité du processus de requête de cette aide, la Commission adopte un acte d'exécution. Cet acte règle notamment les modalités du

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paiement d'avances, sous réserve du respect des conditions applicables, ainsi que les modalités des calculs au prorata.

L'agence est en outre dotée des capacités nécessaires sous la forme d'un contingent permanent (progressivement constitué à partir de 2021 pour atteindre un effectif de 10 000 agents opérationnels en 2027). Le matériel nécessaire est mis à sa disposition au fur et à mesure.

Le contingent permanent est composé de personnel recruté et formé directement par l'agence (cat. 1) et de personnel détaché par les États Schengen pour une longue durée (deux ans, cat. 2) ou pour une courte durée (maximum quatre mois, cat. 3), ou encore de personnel affecté à la réserve de réaction rapide (cat. 4). La contribution des États Schengen aux catégories 2, 3 et 4 est réglée de manière contraignante dans les annexes II, III et IV du règlement UE. De plus, le mandat de l'agence en matière de retour et de coopération avec les États tiers est renforcé. Désormais, l'assistance dans le domaine du retour peut également être assurée de la propre initiative de l'agence, en accord avec l'État Schengen concerné. Cette assistance s'étend à toutes les phases du retour (de la préparation à l'exécution) et inclut le retour volontaire.

L'agence peut donc assister les États Schengen également dans l'identification de ressortissants de pays tiers et dans l'obtention de documents de voyage. Enfin, elle peut aussi prendre des mesures de soutien visant à empêcher le passage à la clandestinité des personnes tenues de quitter le territoire. La responsabilité primaire de la gestion des frontières extérieures reste du ressort de chaque État Schengen, qui doit assurer cette gestion non seulement dans son propre intérêt, mais également dans l'intérêt commun de tous les États Schengen. Cela est valable en matière de retour également, où les États Schengen restent seuls responsables en matière de décisions de renvoi et de détention administrative.

Enfin, le règlement UE renforce également les mesures de protection des droits fondamentaux. Une équipe de 40 contrôleurs des droits fondamentaux est chargée, entre autres, de surveiller en permanence le respect des droits fondamentaux dans les activités opérationnelles. Les principes régissant les droits fondamentaux (art. 80) ont été repris de l'ancien règlement, de même que le mécanisme de traitement des plaintes (art. 111), qui a cependant été précisé et complété. Pour d'autres commentaires sur les droits fondamentaux, voir ch. 4.9.

4

Contenu du règlement UE et commentaire de ses dispositions

4.1

Gestion européenne intégrée des frontières

Comme jusqu'ici, le modèle de gestion européenne intégrée des frontières comprend divers éléments (cf. art. 3): le contrôle aux frontières, les opérations de recherche et de sauvetage de personnes en détresse en mer, l'analyse des risques pour la sécurité intérieure et l'analyse des menaces pesant sur la sécurité des frontières extérieures, la coopération entre les autorités nationales chargées du contrôle aux frontières et les autorités européennes, la coopération de l'agence avec les pays tiers, la lutte contre

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l'immigration illégale et la criminalité transfrontalière, ainsi que le retour de ressortissants de pays tiers en séjour illégal sur le territoire des États Schengen.

Se fondant sur cette conception de la gestion intégrée des frontières ­ qui a été développée et codifiée pour la première fois dans le règlement (UE) 2016/1624, après avoir longtemps fait figure de meilleure pratique ­, la Suisse a adopté sa première stratégie nationale de gestion des frontières en 2012, la complétant par un plan d'action en 2014. Le Conseil fédéral a pris acte de la nouvelle version de cette stratégie («Stratégie de gestion intégrée des frontières 2027»32), élaborée conjointement par la Confédération et les cantons, le 27 novembre 2019.

La gestion européenne intégrée des frontières continue d'être placée sous la responsabilité conjointe de l'agence et des autorités nationales chargées de la gestion des frontières, chaque État Schengen restant toutefois responsable en premier ressort de la gestion de ses frontières extérieures.

L'art. 8 prévoit la fixation d'un cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières. Ce cycle d'orientation politique définit les priorités politiques et les orientations stratégiques qui permettent de maîtriser les défis relevant des domaines de la gestion des frontières et du retour. Il inclut un processus stratégique comportant plusieurs étapes. Lors de la première étape, la Commission prépare un document d'orientation politique sur la gestion européenne intégrée des frontières et le soumet au Parlement européen et au Conseil pour discussion. Se fondant sur ce document, l'agence élabore ensuite une stratégie technique et opérationnelle, puis c'est au tour de chacun des États Schengen d'établir une stratégie nationale de mise en oeuvre de l'orientation politique pluriannuelle. Enfin, le cycle s'achève par une évaluation de la mise en oeuvre, dont les résultats servent de base à la Commission pour remanier le document d'orientation politique en vue du cycle suivant.

La gestion européenne intégrée des frontières nécessite une planification intégrée entre les États Schengen et l'agence pour tout ce qui concerne la gestion des frontières et les retours. C'est pourquoi, se fondant sur le cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel,
le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes établit une planification intégrée pour la gestion des frontières et les retours. Cette planification inclut la planification opérationnelle, la planification de mesures d'urgence ainsi que la planification à moyen et à long terme du développement des capacités nationales en matière de gestion des frontières et de retour (plan de développement capacitaire). La planification opérationnelle comprend les plans opérationnels pour la gestion des frontières et les retours à développer par les États Schengen et par l'agence. Ces instruments de planification servent à l'agence pour remplir les tâches qui lui sont dévolues à l'art. 10. Les informations nécessaires à la planification sont d'ordre général et n'incluent pas de données à caractère personnel. Il y a donc lieu d'inscrire dans la LEI une disposition réglant cette forme de collaboration entre la Confédération et l'agence dans le domaine de la planification (cf. art. 7, al. 1bis, P-LEI).

32

www.sem.admin.ch > Entrée & séjour > Gestion intégrée des frontières / Integrated Border Management (IBM)

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Le règlement UE prévoit en outre que le centre national de coordination (cf.

ch. 4.3.2) assume, outre les tâches actuelles dans le domaine de l'échange d'informations, de nouvelles tâches de coordination et de planification d'ordre supérieur (art. 21).

Lors des travaux de mise en oeuvre concrète aux niveaux de la Confédération et des cantons, il faudra tenir compte autant que possible du caractère décentralisé de la gestion suisse des frontières, ce qui nécessitera la mise en place de mécanismes de coordination (cf. ch. 4.3.2).

Depuis l'introduction de l'évaluation annuelle de la vulnérabilité prévue à l'art. 13 du règlement (UE) 2016/1624, les questions de chevauchements avec le mécanisme d'évaluation de Schengen ont toujours fait l'objet de discussions et de questions.

L'art. 33, par. 1, du règlement UE dispose désormais de manière claire que les synergies entre ces deux mécanismes doivent être maximisées. Le but est notamment d'éviter la répétition inutile des efforts déployés par les États Schengen et de garantir un usage coordonné des instruments financiers pertinents de l'UE qui soutiennent la gestion des frontières extérieures. Pour l'atteindre, il faut garantir l'échange de toutes les informations relatives aux résultats des évaluations de la vulnérabilité et au mécanisme d'évaluation de Schengen.

4.2

Catégories de personnel de l'agence

4.2.1

Vue d'ensemble

Les art. 5 et 54 instituent un contingent permanent de 10 000 agents opérationnels au plus (cf. art. 5, par. 2), auxquels l'agence peut faire appel en cas de besoin. Sa capacité sera augmentée progressivement à partir de 2021 (6500 agents au plus) jusqu'en 2027 (10 000 agents au plus). Le contingent est composé de quatre catégories de personnel (cat. 1 à 4), dont les capacités maximales sont fixées dans les annexes I à IV du règlement UE. À noter que les déploiements de courte durée et les détachements de longue durée par les États Schengen sont désormais classés dans les catégories 2, 3 et 4 (cf. ch. 4.2.3 à 4.2.5). De plus, ce qui change par rapport au règlement (UE) 2016/1624, c'est que le caractère obligatoire du détachement et de la mise à disposition de ressources humaines et d'équipements par les États Schengen s'applique non seulement aux contributions à la réserve de réaction rapide, mais à toutes les contributions. Enfin, autre nouveauté, le détachement de personnel opérationnel pour une longue durée (cat. 2) est possible dans le domaine du retour également. Le nouveau contingent permanent garantit que l'agence dispose à tout moment des ressources humaines nécessaires. Il appartient à l'agence de définir les profils des agents opérationnels détachés dans le contingent. Il peut s'agir de spécialistes de la protection des frontières, de spécialistes en matière de documents ou encore de spécialistes des questions de retour.

Conformément à l'art. 59, la Commission doit, au plus tard le 31 décembre 2023, présenter au Parlement européen et au Conseil un réexamen de l'effectif total et de la composition d'ensemble du contingent permanent, y compris de l'importance des contributions de chaque État Schengen. Ce réexamen doit décrire et prendre en 6925

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considération les besoins opérationnels existants et potentiels. À noter que si les annexes relatives aux capacités du corps européen de garde-frontières et de gardecôtes doivent être modifiées, la Commission doit présenter des propositions au plus tard en mars 2024. Le cas échéant, il appartiendra au Conseil et au Parlement européen de décider de l'éventuelle modification, sur la base de la proposition de la Commission. Si elle ne propose pas de modifications des effectifs des différentes catégories, la Commission devra le justifier.

Les principaux commentaires relatifs aux quatre catégories de personnel opérationnel du contingent permanent sont présentés ci-dessous. Pour les conséquences financières de la constitution du contingent permanent, voir le ch. 7.2.

4.2.2

Personnel statutaire (cat. 1; art. 55)

Il s'agit de l'une des principales nouveautés introduites par le règlement UE. Cette catégorie est composée d'agents directement employés par l'agence. Différentes fonctions sont possibles.

Il peut s'agir d'agents appelés à être déployés dans les zones d'opérations en tant que membres des équipes, à l'instar des agents des autres catégories, avec l'assentiment de l'État hôte et sous la supervision de celui-ci (art. 55, par. 1; voir aussi ch. 4.3.1 relatif aux pouvoirs d'exécution). Le personnel statutaire peut aussi exercer des fonctions de soutien, de planification ou de suivi des opérations, ou encore s'occuper de l'acquisition des équipements propres à l'agence (art. 54, par. 7). Enfin, il comprend le personnel technique chargé de faire fonctionner ces équipements, par exemple des aéronefs (art. 55, par. 1 et 3).

Le personnel chargé du fonctionnement de l'unité centrale ETIAS (cf. ch. 4.7.2), de même que les 40 contrôleurs des droits fondamentaux (cf. ch. 4.9) relèvent également de la catégorie 1 (art. 54, par. 1).

L'agence doit veiller à sélectionner des candidats faisant preuve d'un grand professionnalisme, adhérant à des valeurs éthiques élevées et possédant des compétences linguistiques appropriées (art. 55, par. 2). Les agents déployés en tant que membres des équipes suivent une formation de garde-frontières ou une formation pour les tâches liées au retour, ainsi qu'une formation en matière de droits fondamentaux. La formation est assurée dans des établissements spécialisés de l'agence ainsi que dans des établissements partenaires de l'agence dans les États Schengen (art. 55, par. 3).

Conformément à l'art. 55, par. 5, le conseil d'administration de l'agence établit un mécanisme de surveillance pour contrôler l'application des dispositions relatives à l'usage de la force, y compris des règles de nature disciplinaire en ce qui concerne le recours à la force pendant les déploiements. À noter que s'ils sont administrativement soumis à l'agence, les agents de la catégorie 1 sont également soumis au droit de l'État hôte pendant leur déploiement (cf. ch. 4.3.1).

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4.2.3

Personnel détaché par les États Schengen pour une longue durée (cat. 2; art. 56)

Le détachement d'agents par les États Schengen auprès de l'agence était déjà prévu par l'ancien règlement, mais uniquement sur une base volontaire. Désormais, il est prévu que les États Schengen mettent obligatoirement des agents à disposition en tant que membres des équipes pour une durée de 24 mois (prolongeable une fois pour une durée de 12 ou de 24 mois).

La proposition initiale de la Commission prévoyait que la catégorie 2 serait composée de 3000 agents opérationnels, dont 32 détachés par la Suisse. Dans le cadre des négociations et vu les défis importants que représente la mise à disposition de personnel pour une longue durée pour les États Schengen en termes de recrutement et de coûts, la capacité maximale a finalement été réduite de moitié, diminuant ainsi à 1500 agents, soit à 16 agents provenant de Suisse. De plus, la mise en place se fera progressivement. Dans une première étape, la Suisse doit détacher 4 collaborateurs.

Leur recrutement est en cours.

L'agence demande chaque année aux États Schengen qu'ils fournissent leur contribution en personnel, compte tenu des effectifs et des profils de personnel nécessaires. Le conseil d'administration fixe le 31 mars au plus tard, sur proposition du directeur exécutif, le nombre de personnes et les profils nécessaires pour les détachements de longue durée ainsi que pour les déploiements de courte durée de l'année suivante (art. 54, par. 4).

Chaque État doit désigner, au plus tard le 30 juin de chaque année, les candidats au détachement en fonction du nombre et des profils déterminés par le conseil d'administration pour l'année suivante (art. 56, par. 4). Pendant la durée du détachement, le directeur exécutif de l'agence est compétent pour décider, en fonction des besoins opérationnels, à quels endroits et pour quelle durée sont employés les membres de la catégorie 2. Les salaires des agents sont payés par leur État d'origine.

Les frais de déploiement ainsi que ceux de formation ou de formation continue spécifique au déploiement concerné sont quant à eux pris en charge par l'agence.

À ce jour, la Suisse n'a encore jamais détaché d'agents opérationnels pour une longue durée. Conformément au règlement UE, elle devra en détacher 4 en 2021, puis 5 en 2022 et 2023, pour arriver à un maximum de 16 en 2027. Il pourra s'agir d'agents chargés du
contrôle aux frontières, de spécialistes des questions de retour du SEM ainsi que d'agents d'escorte policière des cantons. La proportion entre spécialistes du domaine de la protection des frontières et spécialistes des questions de retour sera fixée par l'agence, en fonction de la situation et des besoins du moment.

4.2.4

Personnel déployé par les États Schengen pour une courte durée (cat. 3; art. 57)

La catégorie 3 reprend grosso modo le système actuel des déploiements par les États Schengen. Les capacités maximales, qui ont désormais force obligatoire, sont fixées à l'annexe III du règlement UE. La durée des déploiements est de quatre mois au 6927

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plus. Les États Schengen peuvent toutefois décider de déployer des agents pour une durée supérieure. Le cas échéant, la prolongation est considérée comme une contribution distincte et imputée comme telle (art. 57, par. 2).

En même temps que le personnel détaché pour une longue durée, la Suisse désignera les agents opérationnels disponibles pour la catégorie 3 pour l'année suivante, compte tenu des profils définis par le conseil d'administration et du nombre d'agents fixé à l'annexe III (art. 57, par. 1). L'agence demandera ensuite, le 31 juillet au plus tard, qu'une sélection du personnel nécessaire soit opérée à partir de cette liste (art. 57, al. 5). Comme jusqu'ici, le nombre et les profils de personnel sont définitivement fixés lors de négociations bilatérales annuelles entre l'agence et chaque État Schengen, le 1er décembre au plus tard. En cas de besoins supplémentaires, le déploiement est opéré dans les limites des contributions en personnel fixées à l'annexe III. Le cas échéant, le directeur exécutif informe immédiatement les États Schengen des besoins supplémentaires, en précisant le nombre et les profils des agents opérationnels à mettre à disposition par chaque État Schengen (cf. art. 57, par. 5 à 8). La Suisse ne pourra pas être contrainte à fournir davantage de personnel pour des déploiements de courte durée que ce qui est prévu. L'interlocuteur compétent en matière de négociations sur l'effectif à déployer sera le Département fédéral des finances (DFF). Dans le domaine du retour, ce sera le DFJP qui sera compétent; il conclura des arrangements directement avec l'agence (art. 71a, al. 2, LEI).

Comme jusqu'ici, les salaires et la formation initiale sont à la charge des États Schengen. La formation spécifique sur les droits fondamentaux est toutefois financée par l'agence, de même que les coûts du déploiement (art. 45 et 62).

Les déploiements de courte durée (cat. 3) durent en principe de 30 jours à 4 mois au plus (art. 57, par. 2 et 10). Il appartient à l'État Schengen d'origine de fixer dans chaque cas particulier la durée du déploiement de courte durée (art. 57, par. 10).

Pour ce qui est des déploiements de courte durée, l'annexe III prévoit, pour la Suisse, une capacité de 38 agents en 2021 pour arriver à 59 agents en 2027. Comme indiqué plus haut, il s'agit toutefois non pas
d'équivalents plein temps (EPT), mais de déploiements de 4 mois au maximum. De plus, il s'agit toujours de capacités maximales. Les chiffres réels dépendront de la situation. Si toutes les capacités de tous les pays devaient être engagées, cela représenterait pour la Suisse 59 engagements de 4 mois au plus, soit 236 mois d'engagement, correspondant à environ 21 EPT (sans les vacances et les jours fériés). Enfin, comme pour la catégorie 2, il pourra s'agir d'agents envoyés par l'AFD, par le SEM ou par les cantons, en fonction des besoins.

4.2.5

Réserve de réaction rapide (cat. 4; art. 58)

Dans le cadre des négociations en trilogue, et vu la mise en place graduelle des catégories 1 à 3, il a été décidé de maintenir la réserve de réaction rapide instituée par l'ancien règlement afin de pouvoir réagir en cas de danger imminent. Il s'agit d'une réserve de 1500 agents (dont 16 provenant de Suisse, conformément à l'annexe IV), qui ne peut être activée que pour des interventions rapides de protection aux frontières. Le personnel de la catégorie 4 a les mêmes pouvoirs d'exécution que 6928

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les membres des équipes des catégories 1 à 3 (art. 37, par. 1). La réserve de réaction rapide ne comprend pas de personnel compétent en matière d'exécution des renvois.

Son déploiement a pour condition que tous les membres du personnel des catégories 1 à 3 aient déjà été mobilisés pour l'intervention concernée. De plus, en cas d'intervention rapide aux frontières, le directeur exécutif de l'agence doit d'abord examiner la possibilité de redéployer des membres des équipes du contingent permanent, notamment les agents des catégories 1 et 2, mobilisés dans d'autres zones d'opération.

Vu son caractère subsidiaire et compte tenu des possibilités de redéploiement de personnel des autres catégories, le recours à la réserve de réaction rapide devrait être exceptionnel. L'art. 59 prévoit d'ailleurs que le réexamen à mi-parcours du contingent permanent, qui devra avoir lieu le 31 décembre 2023 au plus tard, portera également sur le maintien ou non de cette réserve. En l'état, on peut raisonnablement partir de l'idée qu'elle sera dissoute pour la fin de l'année 2024, comme le prévoit l'annexe I du règlement UE, étant donné que le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes aura alors atteint sa capacité maximale. La durée des déploiements est aussi de quatre mois au maximum. En l'absence d'interventions rapides, les agents sont affectés à leurs tâches ordinaires dans leur État d'origine.

4.3

Autres dispositions relatives au personnel

4.3.1

Pouvoirs d'exécution (art. 82)

La création d'une catégorie de personnel de l'UE pouvant exercer des pouvoirs d'exécution est une nouveauté qui ne figure nulle part ailleurs dans la législation européenne. Il était donc nécessaire de prévoir, dans le règlement UE, les pouvoirs que les agents de la catégorie 1 sont habilités à exercer, à l'instar de ce qui est prévu dans les législations des États s'agissant des agents nationaux. Il en est de même pour le port d'armes (cf. art. 82, par. 7).

Font partie des pouvoirs d'exécution (art. 55, par. 7): ­

la vérification de l'identité et de la nationalité des personnes, y compris la consultation des bases de données pertinentes;

­

l'autorisation d'entrée après qu'un contrôle aux frontières a été effectué à un point de passage frontalier;

­

le refus d'entrée après qu'un contrôle aux frontières a été effectué à un point de passage frontalier;

­

la délivrance de visas ou le refus de visa aux frontières;

­

la surveillance des frontières;

­

l'enregistrement d'empreintes digitales;

­

la liaison avec les pays tiers en vue de l'identification des personnes faisant l'objet d'une décision de retour et de l'obtention de documents de voyage pour ces personnes;

6929

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­

l'escorte des ressortissants de pays tiers faisant l'objet de procédures de retour forcé.

Lors de l'élaboration du règlement, de nombreux États, dont la Suisse, ont fait part de leurs préoccupations, eu égard au fait que les agents de la nouvelle catégorie 1 sont recrutés et formés par une agence de l'UE, dont ils dépendent. Il était dès lors important de clarifier plusieurs points afin de garantir que la souveraineté des États Schengen soit préservée.

Ainsi, les agents de la catégorie 1 sont soumis, comme ceux des catégories 2 et 3, aux dispositions de l'art. 82. Cela signifie qu'ils ne peuvent exercer leurs pouvoirs d'exécution qu'avec l'autorisation de l'État hôte (art. 82, par. 2) ainsi que sur les instructions et, en règle générale, en présence d'agents de l'État hôte (art. 82, par. 4).

De plus, l'exercice des pouvoirs d'exécution est toujours soumis au droit de l'État hôte (art. 82, par. 3, et 85). Concrètement, cela veut dire qu'aucun agent opérationnel de l'agence ne pourra exercer de pouvoirs d'exécution en Suisse si celle-ci n'a pas approuvé le plan opérationnel concerné. Réciproquement, les agents suisses déployés à l'étranger ne pourront pas y exercer de pouvoirs d'exécution sans l'autorisation de l'État hôte.

4.3.2

Point de contact national et centre national de coordination (art. 13 et 21)

Chaque État Schengen désigne un centre national de coordination, qui assure la coordination des activités et l'échange d'informations avec toutes les autorités chargées du contrôle aux frontières extérieures, au niveau national ainsi qu'avec les autres États Schengen et l'agence (art. 21). Le point de contact national est chargé quant à lui de la communication avec l'agence pour toute question en relation avec les activités de cette dernière (art. 13). Il lui incombe en particulier d'assurer la diffusion immédiate de toutes les informations reçues de l'agence auprès de l'ensemble des autorités nationales concernées.

Actuellement, les fonctions de point de contact national et de centre national de coordination sont assurées par l'AFD.

Dans le domaine du retour, les contacts avec l'agence seront de la compétence du SEM, comme c'est déjà le cas aujourd'hui dans la pratique. C'est à la fois judicieux et efficace. L'art. 3c, al. 3, OCOFE doit donc être modifié en conséquence (cf.

ch. 5.1). Le SEM pourra en outre transmettre des données à l'agence (cf. art. 111a, al. 2, P-LEI). Il sera par ailleurs tenu d'informer l'AFD ­ en tant que point de contact national ­ de toutes ses activités avec l'agence. Afin de simplifier le processus dans la pratique, l'échange d'informations relevant du domaine du retour pourra avoir lieu directement entre le SEM et l'agence.

6930

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4.3.3

Antennes (art. 60)

Afin de faciliter et d'améliorer la coordination des activités, l'agence peut, en fonction des besoins opérationnels, établir des antennes sur le territoire d'un État Schengen ou d'un État tiers. Concrètement, ces antennes sont destinées à fournir un soutien opérationnel et logistique aux activités de l'agence, des États Schengen, voire des pays tiers dans les zones d'opérations concernées. Elles assurent le suivi des activités des équipes et coopèrent avec les États membres hôtes sur toutes les questions opérationnelles. Chaque antenne est gérée par un représentant de l'agence nommé par le directeur exécutif (art. 60, par. 4). À noter que les antennes ne peuvent être mises en place qu'avec l'accord de l'État hôte concerné (art. 60, par. 1).

Vu la position géographique de la Suisse et le fait qu'elle ne dispose que de frontières extérieures aériennes, la création d'une éventuelle antenne de l'agence en Suisse est improbable. De plus, le cas échéant, la Suisse devrait préalablement donner son accord.

4.3.4

Formation (art. 62)

Il est prévu que la formation du contingent permanent fasse l'objet d'une étroite coopération entre l'agence et les États Schengen, en particulier pour ce qui est des centres de formation (art. 62). Les programmes de formation doivent être harmonisés. L'agence peut, après approbation du conseil d'administration, créer son propre centre de formation et également travailler avec des établissements partenaires dans les États membres. Une attention particulière est accordée à la formation sur les droits fondamentaux (cf. ch. 4.9).

4.3.5

Acquisition ou location par crédit-bail d'équipement technique (art. 63)

Pour prévenir tout goulot d'étranglement dans la mise à disposition volontaire d'équipement technique, en particulier d'équipement coûteux, par les États Schengen, l'agence doit disposer de son propre équipement destiné à être déployé au cours d'opérations conjointes ou d'interventions rapides aux frontières, ou lors de toute autre activité opérationnelle. Bien que l'agence ait légalement la possibilité d'acquérir ou de louer par crédit-bail son propre équipement technique depuis 2011, cette possibilité était considérablement limitée par le manque de ressources budgétaires. C'est pourquoi, pour garantir que l'agence soit à la hauteur des ambitions accompagnant la création du contingent permanent de garde-frontières et de gardecôtes européens, la Commission a réservé une enveloppe importante au titre du cadre financier pluriannuel 2021­2027, afin que l'agence puisse acquérir, entretenir et exploiter les moyens aériens, maritimes et terrestres nécessaires à ses opérations.

Pour assurer l'utilisation efficace des moyens financiers prévus, le processus doit être basé sur une stratégie pluriannuelle établie par le conseil d'administration.

Toutes les dépenses en relation avec l'acquisition de ce genre d'équipement doivent 6931

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être inscrites dans le budget établi par le conseil d'administration. Le contrôle du budget est réglé à l'art. 116 du règlement UE.

4.3.6

Soutien financier à la mise en place du contingent permanent (art. 61)

Un système d'appui financier a été mis en place afin de soutenir le développement à long terme des ressources humaines nécessaires pour assurer les contributions des États Schengen au contingent permanent (art. 61). Ce soutien financier permet aux États Schengen d'engager et de former du personnel supplémentaire et de disposer ainsi de la flexibilité nécessaire pour fournir leurs contributions obligatoires au contingent permanent. Ce mécanisme est détaillé au ch. 7.2.4.

4.4

Intervention de personnel suisse et étranger dans le domaine de la protection des frontières

4.4.1

Intervention de personnel suisse à l'étranger

L'AFD déploie des agents pour des opérations de courte durée aux frontières extérieures de Schengen depuis 2011. La réserve de réaction rapide a été instituée avec la reprise du règlement (UE) 2016/1624. La Suisse a donc déjà l'obligation de mettre du personnel à la disposition de cette réserve, à hauteur de 16 agents opérationnels. La réserve de réaction rapide a été activée pour la première fois en 2020. À cette occasion, la Suisse a déployé 4 agents pour une intervention rapide en Grèce.

Avec la reprise du nouveau règlement, les contributions en personnel de la Suisse seront obligatoires, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les déploiements de courte durée ni les détachements de longue durée. De plus, comme mentionné plus haut, la Suisse n'a jusqu'ici jamais détaché d'agents pour une longue durée.

4.4.2

Intervention de personnel étranger en Suisse

Des questions relatives à l'intervention de personnel étranger en Suisse se posent surtout dans le cadre d'une éventuelle action urgente aux frontières extérieures suisses (aéroports internationaux) décidée par l'agence. À cet égard, la situation n'a pas changé par rapport au règlement (UE) 2016/1624. En effet, l'art. 42 du règlement UE donne toujours la compétence au Conseil, sur proposition de la Commission, d'adopter une décision au moyen d'un acte d'exécution, qui définit les mesures à mettre en oeuvre par l'agence et qui permet d'exiger de l'État Schengen qu'il coopère avec celle-ci dans la mise en oeuvre de ces mesures. Cette décision ne peut toutefois être prise que lorsque le contrôle aux frontières extérieures est à tel point inefficace que le fonctionnement de l'espace Schengen est compromis, et dans les deux situations exceptionnelles suivantes:

6932

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­

un État Schengen ne prend pas les mesures nécessaires conformément à une décision du conseil d'administration prise après une évaluation de la vulnérabilité effectuée par l'agence, ou

­

un État Schengen n'a pas demandé un appui suffisant de l'agence en vue du lancement d'opérations conjointes ou d'interventions rapides aux frontières extérieures, ou ne fait pas le nécessaire pour mettre en oeuvre ces mesures, alors que l'on est en présence de défis spécifiques et disproportionnés aux frontières extérieures.

Si un État Schengen ne se conforme pas à la décision du Conseil, la procédure prévue à l'art. 29 du code frontières Schengen33 (CFS) s'applique (cf. art. 42, par. 10, règlement UE et 29 CFS). Cela signifie concrètement que l'État concerné doit commencer par expliquer au Conseil et à la Commission les raisons de son refus de collaborer. En dernier ressort, le Conseil peut recommander à d'autres États Schengen de réintroduire les contrôles à leurs frontières intérieures. L'agence ne peut donc en aucun cas intervenir sur le territoire d'un État Schengen sans l'autorisation de ce dernier.

Étant donné que la Suisse ne possède aucune frontière extérieure terrestre ou maritime et que la surveillance à ses frontières aériennes, c'est-à-dire dans ses aéroports internationaux, est efficace (comme les évaluations Schengen le confirment), on peut partir du principe que la Suisse ne sera pas soumise à ce genre de mesures.

Le personnel statutaire de l'agence n'est soumis au statut des fonctionnaires de l'UE et au régime applicable aux autres agents de l'UE que du point de vue administratif.

Lors des engagements, il est soumis au droit national de l'État hôte, par exemple en ce qui concerne les infractions pénales commises contre ou par ses membres (art. 85).

À noter encore que le règlement (UE) 2016/1624 avait institué les officiers de liaison, chargées d'agir en tant qu'interfaces entre l'agence et les autorités nationales.

Elles ont notamment pour tâche d'assurer le suivi régulier de la gestion des frontières extérieures et des retours par les États Schengen. Un officier de liaison peut couvrir jusqu'à quatre États Schengen (art. 31, par. 1). C'est ainsi qu'un seul officier de liaison a été nommée pour l'Allemagne, l'Autriche, le Liechtenstein et la Suisse.

Elle est stationnée en Allemagne. Un mémorandum d'entente réglant les modalités concrètes de ses activités en Suisse a été signé avec l'agence. Conformément au mémorandum, cet officier de liaison a pris ses fonctions en Suisse le 1er juillet 2020.

33

Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen, version du JO L 77 du 23.3.2016, p. 1

6933

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4.5

Intervention de personnel suisse et étranger dans le domaine du retour

4.5.1

Tâches de l'agence dans le domaine du retour

L'agence peut, à la demande d'un État Schengen ou de sa propre initiative et en accord avec l'État Schengen concerné, fournir à cet État une assistance technique et opérationnelle dans le domaine du retour (art. 7, 48 et 50, par. 1).

Dans la pratique, il s'agit d'aider à mettre en oeuvre les retours aux frontières extérieures de Schengen et à exécuter les opérations de retour, notamment en assurant l'organisation et la coordination de vols communs de l'UE ou en fournissant une assistance au retour. Cette dernière couvre par exemple l'assistance technique et opérationnelle dans le cadre de la réadmission, y compris l'identification de ressortissants de pays tiers, ainsi que d'autres mesures des États Schengen préalables au retour ou liées au retour. En outre, l'agence doit assister les États Schengen dans l'obtention de documents de voyage pour le retour, en coopération avec les autorités des pays tiers concernés.

L'agence peut assister les États Schengen non seulement pour les retours forcés sous escorte, mais également pour les retours volontaires et dans les délais prescrits (art. 48, par. 1). Sont envisageables en particulier, en cas de surcharge d'un État Schengen, des interventions sous forme de déploiement d'équipes affectées aux opérations de retour (cf. art. 53; pour les différentes tâches de l'agence: cf. art. 10).

Les mesures mises en oeuvre doivent être conformes à la directive de l'UE sur le retour (directive UE Retour34, en cours de révision).

Sous l'ancien droit, l'agence assurait déjà dans tous les États Schengen, par le biais des officiers de liaison35, une surveillance régulière de la gestion des frontières extérieures et des activités liées au retour. Désormais, les personnes de liaison contribuent également à la collecte d'informations dans le domaine du retour (art. 31, par. 3, let. k).

Malgré ces mesures d'assistance, chaque État Schengen reste seul compétent pour rendre des décisions d'expulsion, ainsi que pour ordonner d'éventuelles mesures coercitives conformément à la directive UE Retour (art. 7, par. 2, et 50, par. 1).

En ce qui concerne les décisions d'expulsion, le règlement UE prévoit que chaque État Schengen est tenu d'en assurer l'exécution dans l'intérêt commun de tous les États Schengen (art. 7, par. 3). Relevons toutefois que le respect des droits de l'homme
par l'agence dans le domaine du retour est encore plus solidement ancré dans le nouveau règlement UE que sous l'ancien droit. Citons pour exemple le fait qu'une partie des membres du personnel statutaire de l'agence sont déployés en tant que contrôleurs des retours forcés (art. 51). De plus, tous les membres de ce personnel doivent obligatoirement suivre une formation sur les droits de l'homme (art. 62; 34

35

Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, version du JO L 348 du 24.12.2008, p. 98 Dans le domaine du retour, ces personnes sont désignées par l'acronyme «ILO» (Immigration Liaison Officer).

6934

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cf. ch. 4.9). Enfin, l'agence autorisera le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe ­ sous réserve de l'accord de l'État Schengen concerné ­ à effectuer des visites lors de l'exécution d'opérations de retour (cf. considérant no 82; voir aussi ch. 2.6).

4.5.2

Intervention de personnel suisse à l'étranger dans le domaine du retour

Comme sous l'ancien droit, l'agence peut déployer des équipes affectées aux opérations de retour soit à la demande de l'État Schengen concerné, soit de sa propre initiative et avec l'accord de cet État (art. 52). Ces équipes sont constituées de membres du contingent permanent (art. 54; pour les catégories de personnel, cf. ch. 4.2.2 à 4.2.5). Les personnes que la Suisse mettra à disposition pour des interventions de courte ou de longue durée à l'étranger pourront être en particulier des spécialistes des questions de retour du SEM ainsi que des agents d'escorte policière des cantons.

La Confédération indemnisera les cantons pour leurs engagements dans le domaine du retour. Actuellement, elle leur accorde un forfait d'accompagnement de 300 francs par jour pour chaque agent d'escorte policière mis à disposition et de 400 francs par jour pour le chef d'équipe (cf. art. 71a, al. 1 et 3, LEI et 15d OERE).

Étant donné que cette réglementation a fait ses preuves, le projet mis en consultation proposait d'appliquer la même indemnisation aux détachements de longue durée.

Les milieux cantonaux ont toutefois majoritairement critiqué cette proposition, si bien que le SEM et les cantons ont ouvert des discussions sur la question du montant des indemnités (cf. ch. 2.7). Ce montant ainsi que les modalités d'octroi des indemnités seront réglés par voie d'ordonnance (cf. art. 71a, al. 1, P-LEI). À noter qu'avec le nouveau règlement UE, la Suisse pourra, sous certaines conditions, bénéficier d'un soutien financier de l'agence pour les envois de personnel de courte et de longue durée (cf. art. 61; voir aussi ch. 7.2.4). Pour des raisons de sécurité du droit, il y a cependant lieu de créer une base légale explicite pour ces envois de personnel (cf. art. 71a, al. 1, P-LEI). Enfin, il est nécessaire de collecter encore des valeurs empiriques sur les détachements de longue durée, pour avoir une idée en particulier du nombre de personnes que les cantons devront effectivement mettre à disposition pour ces détachements (cf. ch. 7).

Le droit suisse prévoit déjà que des spécialistes des questions de retour soient spécialement formés et préparés pour des interventions à l'étranger menées en vertu du règlement UE (art. 15c OERE). Comme cette formation sera également dispensée aux agents d'escorte policière des cantons et
aux contrôleurs des retours forcés (cf. art. 62), il y a lieu de le préciser explicitement dans l'OERE. La formation portera notamment sur les dispositions pertinentes du droit de l'UE et du droit international, sur l'accès à la protection internationale, sur les orientations permettant d'identifier les personnes en quête de protection et de les diriger vers les procédures pertinentes, sur les orientations permettant de répondre aux besoins spécifiques des enfants et des mineurs non accompagnés et, enfin, sur les mesures coercitives.

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FF 2020

Après s'être accordée avec les États Schengen concernés, l'agence mettra en oeuvre les programmes de formation nécessaires dans les établissements d'enseignement et de formation spécialisés de ces États. Les coûts de formation seront entièrement pris en charge par l'agence (cf. art. 62, par. 3). Celle-ci élaborera un mécanisme interne de contrôle de la qualité qui garantira que son personnel et en particulier le personnel opérationnel des équipes du contingent permanent disposent d'un niveau élevé de formation, d'expertise et de professionnalisme. Elle établira en outre un rapport d'évaluation annuel de la mise en oeuvre de ce mécanisme de contrôle (art. 62, par. 10).

En ce qui concerne les autres modalités, telles que le temps de travail, les vacances, les congés et les frais de déplacement, les dispositions de l'OCOFE s'appliqueront par analogie au personnel suisse du SEM à l'étranger. Cette application de l'OCOFE par analogie devra être explicitement inscrite dans l'OERE. Pour ce qui est du personnel cantonal, il appartiendra aux cantons de régler ces modalités. Le DFJP et les cantons concluront une convention sur les modalités de l'engagement de personnel (art. 71a, al. 3, LEI).

Comme aujourd'hui, l'État hôte répondra des dommages causés par le personnel suisse à l'étranger. Si les dommages ont été causés par négligence grave ou de manière intentionnelle et que l'État hôte exige de la Suisse le remboursement des montants payés, la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité36 s'appliquera (art. 15equater, al. 1, OERE).

De même, comme aujourd'hui également, le personnel suisse qui commettra une infraction lors d'une intervention à l'étranger sera soumis au droit de l'État hôte. Si cet État renonce à la poursuite pénale, ce sera le code pénal (CP)37 qui s'appliquera (art. 15equater, al. 2, OERE).

4.5.3

Intervention de personnel étranger en Suisse dans le domaine du retour

Le droit fédéral règle les modalités d'intervention de personnel étranger en Suisse à l'art. 15eter OERE. Le règlement UE prévoit que l'accomplissement de tâches et l'exercice de compétences ­ en particulier de pouvoirs d'exécution ­ par le personnel étranger nécessitent l'autorisation de l'État Schengen hôte (art. 82, par. 2). Les dispositions de l'OERE sont conformes à cette approche, puisqu'elles prévoient que les modalités de l'intervention de personnel étranger en Suisse et les moyens nécessaires doivent être convenus entre le SEM et l'agence ou les autres États Schengen (art. 15eter, al. 3, OERE). De plus, le personnel étranger est soumis aux prescriptions de son État d'origine (art. 15eter, al. 5, OERE). Étant donné que les membres du personnel statutaire peuvent désormais être déployés dans les États Schengen en tant que membres des équipes du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (art. 54, par. 1, let. a, et 55), il y a lieu de préciser dans l'ordonnance qu'en ce qui concerne les rapports de travail et les mesures disciplinaires, ce personnel sera 36 37

RS 170.32 RS 311.0

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soumis aux règles de l'UE. Les autres dispositions concernant en particulier la responsabilité civile et pénale des membres des équipes, de même que les modalités de la collaboration, telles que la formation et éventuellement la tenue vestimentaire, doivent aussi être précisées dans l'ordonnance.

Si des membres des équipes opérant dans l'État hôte causent des dommages par négligence grave ou de manière intentionnelle, le règlement UE prévoit une possibilité de recours contre l'État d'origine ou contre l'agence. Cette possibilité doit être précisée dans le droit national au niveau de l'ordonnance (art. 84).

Pour la question de la protection des données et des éventuels droits d'accès du personnel étranger à des bases de données suisses, voir le ch. 4.8.

4.6

Coopération avec des États tiers dans le domaine de la gestion des frontières

La coopération avec des pays tiers est un élément fondamental de la politique migratoire européenne. Afin d'encourager durablement cette coopération dans l'intérêt d'une politique migratoire efficace, l'UE est en train de revoir, dans le cadre de son approche globale de la migration, sa politique en matière de retour ainsi que sa coopération avec les pays tiers. Pour dynamiser ces efforts de l'UE, il y avait lieu de renforcer le mandat de l'agence, notamment en ce qui concerne l'assistance fournie aux États Schengen dans ces deux domaines. Comme sous l'ancien droit, l'agence peut déployer des équipes affectées à la gestion des frontières dans le cadre d'opérations menées sur le territoire d'un pays tiers. Étant donné toutefois qu'elle n'exécute pas de retours à partir de pays tiers (cf. ch. 1.2), toute intervention de spécialistes des questions de retour dans un pays tiers est exclue.

En vertu du nouveau règlement UE, il est possible de conclure également des accords avec des pays tiers non voisins. Cela permet à l'agence de fournir son assistance dans les domaines de la gestion des frontières et des flux migratoires sur place, en particulier dans les pays d'origine et de transit.

L'UE et les pays tiers peuvent conclure des accords sur le statut (art. 73, par. 3), qui règlent notamment les pouvoirs d'exécution des spécialistes de la protection des frontières. Sous l'ancien droit, de tels accords ne pouvaient être conclus qu'avec des pays tiers voisins (pays des Balkans). Désormais, ils peuvent donc aussi l'être avec d'autres pays tiers. Actuellement, ni la Suisse ni les autres États associés ne sont parties à des accords sur le statut et la Suisse n'en a elle-même encore jamais conclus. La Suisse est cependant tenue de mettre des experts à la disposition du contingent permanent, afin que l'agence puisse remplir son mandat, qui comprend également des déploiements dans des pays tiers. De plus, l'UE inclut dans l'annexe de chaque décision du Conseil relative à la signature d'un accord sur le statut38 une 38

Cf. dans le cas de l'Albanie la décision (UE) 2018/1031 du Conseil du 13 juillet 2018 relative à la signature, au nom de l'Union, de l'accord sur le statut entre l'Union européenne et la République d'Albanie relatif aux actions menées par l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes sur le territoire de la République d'Albanie; JO L 185 du 13.7. 2018, p. 6.

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déclaration commune selon laquelle il est souhaitable que les États associés, d'une part, et le pays tiers concerné, d'autre part, concluent sans délai des accords bilatéraux analogues régissant l'exécution des actions de l'agence sur le territoire du pays tiers.

Les membres du personnel opérationnel entrant en ligne de compte pour les interventions dans un pays tiers fondées sur un accord sur le statut sont principalement les experts issus des rangs du personnel statutaire (cat. 1) et le personnel détaché pour une longue durée (cat. 2). Le règlement UE précise en outre que les experts nationaux ne peuvent être détachés dans des pays tiers qu'avec l'accord du pays d'origine (art. 74, par. 5).

4.7

Systèmes utiles pour les activités de l'agence: EUROSUR, ETIAS et FADO

4.7.1

EUROSUR

Le système européen de surveillance des frontières (EUROSUR), qui était réglé séparément dans le règlement (UE) no 1052/2013, a été intégré dans le règlement UE, afin d'améliorer son fonctionnement et d'élargir son champ d'application (art. 18).

Pour mémoire39, EUROSUR fournit aux États Schengen et à l'agence les outils nécessaires pour améliorer leur connaissance de la situation et accroître leur capacité de réaction aux frontières extérieures aux fins de détecter, de prévenir et de combattre l'immigration illégale et la criminalité transfrontalière (y compris le trafic et la traite d'êtres humains, ainsi que le terrorisme), et de contribuer ainsi à assurer la protection de la vie des migrants. Sur ce dernier point, il convient de relever qu'EUROSUR contribue à réduire le nombre de décès de migrants en mer par l'amélioration de la capacité de réaction des États en matière de recherches et de sauvetage.

Sur le plan des contenus, l'ancien droit a été repris et étendu, avec notamment l'obligation de fournir à l'agence certaines données concernant les frontières extérieures aériennes et les contrôles aux frontières (art. 24, par. 3, et 25). Auparavant, de telles données pouvaient déjà être fournies pour établir le tableau de situation européen, mais sur une base volontaire. Le rôle du centre national de coordination, qui est de coordonner et d'échanger des informations entre toutes les autorités chargées du contrôle aux frontières extérieures au niveau national (art. 21), n'entame en rien la compétence établie au niveau national en ce qui concerne la planification et la mise en oeuvre du contrôle aux frontières.

EUROSUR permet de fournir un tableau complet de la situation aux frontières extérieures, mais aussi à l'intérieur de l'espace Schengen (mouvements secondaires) et dans les zones en amont des frontières (art. 26). Les frontières extérieures aé39

Message du 28 mai 2014 relatif à l'approbation de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise du règlement (UE) no 1052/2013 portant création du système européen de surveillance des frontières (EUROSUR); FF 2014 4127

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FF 2020

riennes font désormais également l'objet d'une surveillance obligatoire. Auparavant, les échanges d'informations concernant les frontières extérieures aériennes se faisaient sur une base volontaire. L'acquisition d'une connaissance de la situation dans l'espace Schengen ne doit cependant pas mener à des activités opérationnelles de l'agence aux frontières intérieures des États membres (considérant no 34).

Afin de pouvoir remplir ses tâches d'analyse des risques, d'évaluation de la vulnérabilité et d'évaluation de la situation plus efficacement et de manière mieux ciblée, l'agence crée et gère un nouveau réseau de communication (art. 14). Ce réseau de communication prévu par le règlement UE est construit sur la base du réseau de communication EUROSUR développé dans le cadre du règlement (UE) no 1052/2013 et le remplace. Afin d'améliorer la sécurité de l'information entre les États Schengen et l'agence, son niveau de sécurité est élevé au niveau «Confidentiel UE» (art. 14, par. 1, let. d).

Le type d'informations à fournir ainsi que les entités responsables de la collecte, du traitement, de l'archivage et de la transmission d'informations spécifiques sont définis dans un acte d'exécution (art. 24, par. 3). Cet acte sera notifié à la Suisse en tant que développement de l'acquis de Schengen.

4.7.2

Système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS)

L'agence joue un rôle central dans la délivrance des nouvelles autorisations de voyage en Europe, car elle héberge désormais l'unité centrale ETIAS (art. 67), qui est opérationnelle 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (art. 7, par. 2, règlement (UE) 2018/1240 40).

Similaire au système ESTA des États-Unis, le système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (European Travel Information and Authorization System, ETIAS) exploité dans l'espace Schengen a été créé en application du règlement (UE) 2018/1240. Les ressortissants de pays tiers exemptés de visas qui souhaitent entrer dans l'espace Schengen sont tenus, sauf rares exceptions, de préalablement demander en ligne une autorisation de voyage soumise à un émolument.

L'autorisation de voyage ETIAS ne garantit aucun droit d'entrée. Elle constitue une nouvelle condition d'entrée dans l'espace Schengen pour les ressortissants de pays tiers exemptés de visas.

Le règlement (UE) 2018/1240 a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 12 septembre 2018 et constitue un développement de l'acquis de Schengen. Le Conseil fédéral en a approuvé la reprise dans le droit suisse le 10 octobre 2018, sous réserve de l'approbation du Parlement. La procédure de consultation relative à cette

40

Règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) no 1077/2011, (UE) no 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226, version du JO L 236 du 19.9.2018, p. 1

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reprise s'est déroulée du 13 février au 21 mai 201941. Le message a été adopté le 6 mars 202042. Le règlement (UE) 2018/1240 devrait entrer en vigueur à la fin de 2022.

4.7.3

FADO (art. 79)

Le système FADO (False and Authentic Documents Online) est un système européen d'archivage d'images conçu pour l'échange d'informations entre les États membres concernant les documents authentiques et les faux documents en ligne 43.

Le système FADO géré auparavant par le Secrétariat général du Conseil est repris dans le règlement UE et il est désormais géré et exploité par l'agence. Les États Schengen sont donc tenus de mettre à la disposition de l'agence toutes les informations pertinentes concernant les documents qu'ils délivrent et les faux documents qu'ils découvrent, aux fins d'enregistrement dans le système FADO. Le 30 mars 2020, l'UE a adopté le règlement (UE) 2020/49344, qui abroge l'action commune 98/700/JAI. Avec ce nouveau règlement, le système FADO offre les mêmes fonctionnalités que précédemment, mais il est légèrement modernisé et développé. Il ne permettra cependant toujours pas d'identifier les personnes. Le règlement (UE) 2020/493 été notifié à la Suisse le 23 mars 2020, en tant que développement de l'acquis de Schengen. Le Conseil fédéral en a approuvé la reprise dans le droit suisse le 22 avril 2020, sous réserve de l'approbation du Parlement.

4.8

Protection des données

4.8.1

Remarques générales

Pour remplir efficacement ses tâches, l'agence est tributaire de la coopération des États Schengen. Dans le cadre de cette coopération, les États Schengen sont notamment appelés à mettre des données à la disposition de l'agence. Il s'agit de données dont celle-ci a besoin pour remplir ses tâches, en particulier dans les domaines suivants: connaissance de la situation, analyse des risques, évaluation de la vulnéra41

42

43

44

Documents disponibles sous www.sem.admin.ch: Page d'accueil SEM > Actualité > Projets de législation en cours > Création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) (développement de l'acquis de Schengen) Cf. message du 6 mars 2020 relatif à l'approbation et à la mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE sur la reprise du règlement (UE) 2018/1240 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation et concernant les voyages (ETIAS) (développement de l'acquis de Schengen) et à la modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (Assujettissement du Service de renseignement de la Confédération à la loi sur la protection des données Schengen); FF 2020 2779.

Action commune 98/700/JAI du 3 décembre 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à la création d'un système européen d'archivage d'images (FADO); JO L 333 du 9.12.1998, p. 4 Règlement (UE) 2020/493 du Parlement européen et du Conseil du 30 mars 2020 relatif au système «Faux documents et documents authentiques en ligne» (False and Authentic Documents Online) (FADO) et abrogeant l'action commune 98/700/JAI du Conseil, version du JO L 107 du 6.4.2020, p. 1

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bilité et planification intégrée. Si des données à caractère personnel sont concernées, le droit de l'UE ainsi que le droit national en matière de protection des données s'appliquent intégralement.

En cas de traitement de données à caractère personnel, l'agence observe le règlement (UE) 2018/1725. Conformément à ce règlement, elle peut transmettre des données à caractère personnel à un pays tiers ou à une organisation internationale, à condition que la transmission soit nécessaire à l'accomplissement de ses tâches. Le cas échéant, elle doit veiller à ce que ces données ne soient traitées qu'aux fins pour lesquelles elle les a transmises.

Le règlement (UE) 2018/1725 n'est pas un développement de l'acquis de Schengen que la Suisse doit reprendre, car il concerne uniquement les activités de l'agence elle-même. Il ne s'applique que si le règlement UE ne prévoit pas de dispositions pertinentes en matière de protection des données à caractère personnel (cf. en particulier art. 87 ss). La transmission de telles données par les États Schengen à l'agence est réglée principalement par les normes de protection des données prévues dans le règlement général de l'UE sur la protection des données (cf. considérant n o 99 du règlement UE), à savoir le règlement (UE) 2016/679. Celui-ci n'est pas non plus un développement de l'acquis de Schengen, mais ses prescriptions sont prises en compte par la Suisse dans le cadre de la révision en cours de la loi fédérale sur la protection des données45.

Les États Schengen qui transmettent des données à caractère personnel à l'agence doivent définir la finalité du traitement de ces données. L'agence ne peut décider de les traiter pour une finalité différente qu'après avoir vérifié que cette finalité est compatible avec la finalité initiale, uniquement au cas par cas et avec le consentement du fournisseur des données. Elle tient en outre un registre dans lequel elle documente la vérification de la compatibilité des finalités dans chaque cas particulier (art. 87, par. 2).

Avant chaque opération conjointe, y compris les opérations de retour, l'agence et l'État hôte déterminent leurs responsabilités respectives en matière d'observation des obligations de protection des données. L'agence ne traite que les données à caractère personnel expressément définies dans le règlement UE
et uniquement aux fins qui y sont précisées (art. 88, par. 1, en lien avec l'art. 87). Elle peut donc traiter, par exemple, les données à caractère personnel nécessaires pour confirmer l'identité de ressortissants de pays tiers, en vue de l'organisation d'opérations de retour. De plus, le traitement de données à caractère personnel par l'agence n'est admis que si le transfert de ces données aux autorités compétentes des États Schengen est indispensable pour que ces autorités puissent remplir leurs tâches (cf. art. 88, par. 2, let. a).

La durée de conservation des données à caractère personnel et leur suppression par l'agence sont réglées à l'art. 91. L'agence n'a le droit de conserver les données que pendant 90 jours au plus. Pour celles concernant le domaine du retour, la durée de conservation est de 30 jours au plus à compter de la fin de la tâche concernée (p. ex.

une opération de retour).

45

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Tous les deux ans, en concertation étroite avec les États Schengen, l'agence réalise et soumet au Parlement européen, au Conseil et à la Commission une analyse des risques stratégique concernant la gestion européenne intégrée des frontières. Les données à caractère personnel sont anonymisées dans les résultats de ces analyses.

Les États Schengen doivent transmettre les données à caractère personnel ainsi que les informations générales nécessaires à ces analyses des risques à l'agence. Il s'agit en l'occurrence de renseignements sur la situation, les tendances et les menaces potentielles observées aux frontières extérieures, ainsi que d'informations relatives au domaine du retour.

Dans le domaine de la protection aux frontières, l'AFD dispose d'une base légale (art. 113 LD), qui lui permet de communiquer des données, y compris des données sensibles et des profils de la personnalité, à des autorités d'autres États ainsi qu'à des organisations supranationales ou internationales si un traité international le prévoit.

En l'occurrence, le traité international est justement l'échange de notes relatif à la reprise du règlement UE. L'art. 3c OCOFE règle les échanges de données possibles entre l'AFD et l'agence. Cet article doit être modifié en conséquence.

L'actuel art. 111a LEI prévoit que la communication de données personnelles à des États Schengen est assimilée à une communication entre organes fédéraux. Pour que des informations puissent aussi être transmises à l'agence à l'avenir, conformément à son nouveau mandat, il y a lieu de créer la base légale nécessaire (art. 111a, al. 2, P-LEI). Selon l'art. 111a, al. 2, P-LEI, le SEM pourra communiquer des données personnelles à l'agence conformément au règlement UE (cf. art. 49 et 87, par. 1, let. b). La liste des données concernées est arrêtée à l'actuel art. 105, al. 2, LEI. Il s'agit des données d'identité, d'indications relatives au passeport ou à d'autres pièces d'identité, de données biométriques, de renseignements sur l'état de santé, etc. Les données selon l'art. 105, al. 2, LEI continueront, dans un premier temps, à être transmises manuellement par le SEM à l'agence. À moyen et à long terme également, le SEM transmettra les données personnelles et les statistiques à l'agence manuellement, mais au moyen du système d'information eRetour. La base
légale nécessaire à cet effet est créée à l'art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI. La transmission des données au moyen d'eRetour simplifiera les échanges d'informations entre le SEM et l'agence et réduira les charges administratives qui en découlent. En effet, les différentes données ne devront plus être saisies exprès en vue de leur transmission à l'agence, mais seront contenues dans le système eRetour. Il ne s'agira cependant pas d'une transmission automatique, car les données continueront d'être transmises manuellement à des fins déterminées (p. ex. pour une opération de retour donnée). Il y a lieu de régler également par voie d'ordonnance les droits d'accès aux systèmes d'information à accorder au personnel étranger en Suisse, par analogie avec la réglementation de l'OCOFE. Cela pourra être utile par exemple lorsqu'un État Schengen fera face à des défis migratoires importants à ses frontières extérieures et demandera à bénéficier du renfort technique et opérationnel d'équipes de l'agence (cf. art. 40). Le cas échéant, le personnel étranger intervenant en Suisse dans les domaines de la protection des frontières ou du retour, conformément au règlement UE, devra disposer des mêmes droits d'accès que les collaborateurs du SEM. Il ne devra toutefois être autorisé à exercer ses droits d'accès que sous la surveillance du personnel du SEM, lequel devra en outre être habilité à restreindre ces droits dans

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des cas particuliers. Les détails doivent être réglés dans le cadre des modalités d'intervention de personnel étranger en Suisse (art. 15eter OERE).

4.8.2

Plateforme de gestion des retours

Afin d'assurer les échanges d'informations concernant le domaine du retour avec les États Schengen et les autres parties prenantes (p. ex. Parlement européen, organisations internationales), l'agence gère une plateforme intégrée de gestion des retours (cf. art. 48, par. 1, let. d). Cette plateforme doit interconnecter les systèmes nationaux de gestion des retours des États Schengen, aux fins de l'échange de données et d'informations. Grâce à elle, les informations provenant de ces systèmes nationaux, y compris les données à caractère personnel, sont mises à la disposition de l'agence, de manière à ce que celle-ci puisse fournir une assistance technique et opérationnelle. Les données à caractère personnel et les listes de passagers ne sont transmises à la plateforme que lorsque la décision de lancer une opération de retour déterminée a été prise; elles sont effacées dès que l'opération est terminée (art. 49, par. 1).

Les données personnelles ne doivent être transmises à la plateforme que si les membres des équipes n'ont pas accès aux données du SIS en matière de retour de ressortissants de pays tiers en séjour.

L'agence peut également utiliser la plateforme pour assurer la transmission sécurisée de données biographiques ou biométriques, lorsque la transmission de ces données sert à confirmer l'identité et la nationalité de ressortissants de pays tiers. Cela n'est toutefois possible que dans des cas particuliers et à la demande expresse d'un État Schengen (cf. art. 49, par. 1).

Dans le domaine du retour, les États Schengen se servent de la plateforme pour fournir à l'agence les données opérationnelles nécessaires à l'évaluation des besoins en matière de retour. Si cela inclut la mise à disposition de données à caractère personnel, l'art. 111a P-LEI s'appliquera.

Dans le contexte des retours, il arrive fréquemment que des ressortissants de pays tiers ne détiennent aucun document d'identité et ne coopèrent pas à l'établissement de leur identité, notamment en dissimulant des informations ou en communiquant de fausses données à caractère personnel. C'est pourquoi l'agence doit être autorisée à adopter des règles internes restreignant certains droits des personnes concernées en matière de données à caractère personnel (art. 86, par. 2). Il est par exemple possible, afin de réduire le risque de fuite de ces personnes, de limiter leur droit d'accès à leurs données à caractère personnel.

4.9

Droits fondamentaux

L'une des nouveautés majeures du règlement UE en matière de droits fondamentaux est la mise en place d'une équipe de 40 contrôleurs des droits fondamentaux (art. 110). Ils font partie du personnel de l'agence et sont comptabilisés dans le personnel statutaire (cat. 1). Ils sont en revanche sous la supervision de l'officier aux 6943

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droits fondamentaux (art. 109), qui les nomme. Leur rôle est d'évaluer en permanence le respect des droits fondamentaux dans les activités opérationnelles, de fournir des conseils et une assistance à cet égard et de contribuer à la promotion des droits fondamentaux comme composante de la gestion européenne intégrée des frontières. Un contrôleur au moins est désigné pour chaque opération.

Les principes de base en matière de droits fondamentaux décrits à l'art. 80 sont repris de l'ancien règlement. L'agence comprend toujours, comme jusqu'ici, un forum consultatif pour l'assister dans les questions de droits fondamentaux (art. 108). Ce forum consultatif réunit des représentants d'agences de l'UE (EASO, agence des droits fondamentaux de l'Union européenne [FRA]), d'organisations internationales (Conseil de l'Europe, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [OSCE], Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], Organisation internationale pour les migrations [OIM], Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme [HCDH]) ainsi que d'organisations non gouvernementales (ONG), telles qu'Amnesty International European Institutions Office (EIO), Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM) et Save the Children (SC). Le forum consultatif conseille l'agence notamment sur sa stratégie en matière de droits fondamentaux, sur la conception du mécanisme de traitement des plaintes ainsi que sur les modèles de formation.

Le bureau de l'officier aux droits fondamentaux a en outre été maintenu (art. 109), avec des tâches et des compétences élargies. Il peut notamment informer le directeur exécutif d'éventuelles violations des droits fondamentaux dans le cadre des activités de l'agence, mener des enquêtes sur toute activité de l'agence, effectuer des inspections locales sur tous les lieux d'opérations et nommer les contrôleurs des droits fondamentaux. L'agence doit veiller à ce que l'officier aux droits fondamentaux puisse agir en toute indépendance et qu'il dispose des ressources humaines et financières nécessaires à l'accomplissement de ses tâches. Le DFAE a l'intention de détacher jusqu'à deux spécialistes suisses des questions liées aux droits fondamentaux auprès du bureau de l'officier aux droits fondamentaux de l'agence.

S'agissant du mécanisme
de traitement des plaintes (art. 111), celui-ci est repris de l'ancien règlement, avec quelques précisions et ajouts. Ainsi, toute personne directement touchée par les actions ou l'inaction du personnel participant à une opération conjointe, à un projet pilote, à une intervention rapide aux frontières, au déploiement d'une équipe d'appui à la gestion des flux migratoires, à une opération de retour, à une intervention en matière de retour ou à une activité opérationnelle de l'agence dans un pays tiers, et qui estime que ces actions ou cette inaction ont porté atteinte à ses droits fondamentaux peut adresser une plainte, par écrit, à l'agence. Un formulaire de plainte standard, avec les consignes à suivre pour déposer la plainte, est disponible en plusieurs langues sur le site Internet de l'agence46. La plainte peut aussi être rédigée librement ou déposée par l'intermédiaire d'une représentation. Son dépôt est gratuit. La plainte est examinée par l'officier aux droits fondamentaux. S'il constate qu'une violation de droits fondamentaux a été commise par un membre du personnel de l'agence, il recommande au directeur exécutif de donner une suite 46

https://frontex.europa.eu/ > Fundamental Rights > Complaints Mechanism > how you can lodge a complaint

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appropriée, y compris des mesures disciplinaires, et, le cas échéant, de saisir la justice en vue de l'ouverture de procédures civiles ou pénales, conformément au règlement UE et au droit national. Si elle concerne un membre d'une équipe d'un État Schengen (État hôte ou État d'origine), la plainte est transmise à l'État concerné, qui prend les mesures appropriées. Ainsi, si une plainte était déposée contre une personne détachée par la Suisse, il appartiendra à cette dernière d'ordonner des mesures conforme au droit fédéral. Il pourra s'agir de mesures disciplinaires et de l'ouverture d'une procédure civile ou pénale, ou d'autres mesures prévues par le droit suisse. L'officier aux droits fondamentaux de l'agence devra être informé des mesures appliquées.

Avec le nouveau règlement UE, il est prévu que si un État Schengen ne rend pas compte à l'agence des suites données à une plainte, l'officier aux droits fondamentaux en informe le directeur exécutif et le conseil d'administration. L'agence peut également demander à un État Schengen d'écarter immédiatement l'agent concerné des activités de l'agence ou de le retirer du contingent permanent.

Afin de contrebalancer l'élargissement des missions et des compétences de l'agence, le règlement UE renforce la protection des droits fondamentaux. On peut à cet égard relever que le non-respect des droits fondamentaux est un motif de suspension, de renonciation ou de retrait des activités (art. 46). Dans le domaine du retour également, les missions de l'agence doivent toujours exécutées dans le respect des droits fondamentaux (art. 48, par. 1). Si l'agence a des préoccupations relatives au respect des droits fondamentaux dans le cadre d'une opération de retour, elle doit en faire état aux États Schengen et à la Commission, et ce à n'importe quel stade de l'opération.

Autres renvois aux droits fondamentaux: ­

gestion intégrée des frontières: les droits fondamentaux sont cités comme éléments essentiels de la mise en oeuvre de la gestion européenne intégrée des frontières (art. 1 et 3, par. 2);

­

responsabilité partagée: les États Schengen doivent assurer la gestion de leurs frontières extérieures et l'exécution des décisions de retour dans le respect des droits fondamentaux (art. 7, par. 3);

­

tâches de l'agence: la protection des droits fondamentaux est explicitement mentionnée à plusieurs reprises (art. 10, par. 1, let. e, s, w et ad);

­

plans opérationnels; ceux-ci doivent: ­ décrire les responsabilités en matière de respect des droits fondamentaux, ­ prévoir un système de rapports et d'évaluation en matière de droits fondamentaux doit être prévu, ­ comporter des instructions générales sur la manière de garantir le respect des droits fondamentaux au cours des activités opérationnelles, et ­ détailler les procédures de réception et de transmission des plaintes faisant état de violation des droits fondamentaux (art. 38, par. 3);

6945

FF 2020

­

zones d'urgence migratoire: les activités menées avec les équipes d'appui à la gestion des flux migratoires dans ces zones doivent être conforme aux droits fondamentaux (art. 40, par. 4, let. a, et 5);

­

évaluation des activités: les observations de l'officier aux droits fondamentaux sont prises en compte lors de l'évaluation des activités opérationnelles (art. 47);

­

opérations de retour (art. 50): ­ respect des droits fondamentaux dans le cadre du plan opérationnel (par. 2), ­ respect des droits fondamentaux pendant toute l'opération de retour (par. 3), ­ prise en compte des conséquences des opérations de retour par collecte sur le plan des droits fondamentaux (par. 4), ­ si l'agence a des préoccupations relatives au respect des droits fondamentaux à n'importe quel stade d'une opération de retour, communication de ces préoccupations aux États membres participants et à la Commission (par. 6);

­

personnel statutaire de l'agence: celui-ci doit s'acquitter de ses fonctions conformément aux normes les plus élevées et dans le plein respect des droits fondamentaux (art. 55);

­

formation: le règlement UE prévoit que tous les membres du contingent permanent déployés en tant que membres d'une équipe (que ce soient du personnel statutaire de l'agence ou du personnel des pays Schengen) doivent suivre une formation adéquate dans les domaines suivants: droits fondamentaux; accès à la protection internationale; orientations permettant d'identifier les personnes en quête de protection et de les réorienter vers les procédures pertinentes; orientations permettant de répondre aux besoins spécifiques des enfants, y compris des mineurs non accompagnés, des victimes de la traite des êtres humains, des personnes ayant besoin d'une assistance médicale urgente et des autres personnes particulièrement vulnérables; enfin, s'il est prévu qu'ils participent à des opérations en mer, formation sur la recherche et le sauvetage (art. 62, par. 2 et 4);

­

coopération avec les pays tiers: l'agence assure l'assistance technique et opérationnelles des pays tiers, y compris en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux (art. 71, par. 2, et 73, par. 2) (cf. considérants no 89, 91 et 92);

­

accord sur le statut: la situation en matière de droits fondamentaux doit être évaluée lors des négociations d'un accord sur le statut avec un pays tiers (art. 76, par. 2);

­

code de conduite: définit les procédures visant à garantir le respect des droits fondamentaux (art. 81);

­

utilisation des armes de service: doit se faire en accord avec la charte des droits fondamentaux (art. 82, par. 9);

6946

FF 2020

­

conseil d'administration: un représentant de l'agence des droits fondamentaux de l'Union européenne est invité à assister à l'examen des points relevant de la défense des droits fondamentaux inscrits à l'ordre du jour des réunions du conseil d'administration (art. 104, par. 6);

­

tâches du directeur exécutif: l'évaluation de l'existence ou non de violations graves de droits fondamentaux préalablement à toute activité fait partie des tâches du directeur exécutif (art. 106, par. 4, let. m).

5

Présentation de l'acte de mise en oeuvre

5.1

Nouvelle réglementation proposée

La plupart des dispositions du règlement UE sont directement applicables et ne requièrent donc pas d'être transposées dans le droit suisse. De plus, comme indiqué au ch. 3, ces dispositions sont en grande partie reprises des règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2012/1624, que la Suisse applique déjà.

La participation de l'AFD à des missions à l'étranger dans l'espace Schengen et dans des pays tiers ainsi que la possibilité pour le Conseil fédéral de conclure des traités internationaux de coopération avec l'agence sont réglées à l'art. 92 LD. C'est donc sur la base de cet article que l'AFD remplit actuellement ses missions en faveur de l'agence. Conformément à l'art. 92, al. 2, LD, la participation du personnel de l'AFD à ces missions est volontaire. De plus, comme sous le droit en vigueur, la communication de données à des autorités étrangères sera régie par l'art. 113 LD. La reprise et l'application du règlement (UE) 2016/162447 avait nécessité de modifier la LD en lui apportant une précision concernant la fourniture de matériel à l'agence ainsi qu'en y adaptant formellement la désignation de cette dernière. La reprise et l'application du règlement UE ne requièrent pas d'autres modifications de la LD.

L'OCOFE doit par contre être modifiée en profondeur. Elle suffit certes à légitimer l'exécution des obligations contractées envers l'agence, mais la conception moderne du droit de la protection des données invite, pour des raisons de transparence, à inscrire formellement les dispositions concernées dans une loi formelle. La révision en cours de la LD offre donc l'occasion d'examiner l'éventuelle adoption d'une disposition explicite au niveau de la loi (cf. les commentaires sous ch. 2.3.2).

L'art. 92 LD restera donc inchangé. L'AFD pourra participer à des missions à l'étranger dans le cadre de mesures internationales et la participation de son personnel à ces missions continuera à être volontaire. De plus, l'obligation pour l'AFD de détacher du personnel auprès de l'agence n'est pas une nouveauté. Ce qui change, c'est qu'elle devra mettre du personnel à disposition pour des missions de longue durée pouvant atteindre deux ans. Le principe du volontariat doit être maintenu dans ce cas également. L'AFD estime qu'elle trouvera des collaborateurs désireux de participer à de telles missions dans le cadre
du développement du personnel.

D'autres mesures incitatives doivent également être examinées (formation continue spécialisée, formation linguistique, etc.).

47

FF 2017 3891

6947

FF 2020

Le lien étroit existant avec le règlement (UE) no 1052/2013 en matière de coopération avec l'agence fait que pour une grande partie des exigences découlant de l'intégration et du développement ponctuel du contenu des règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 dans le nouveau règlement UE, le droit fédéral présente déjà les bases légales nécessaires. Sont concernées en particulier les dispositions relatives à la protection des données, à la coopération et à l'échange d'informations relevant de la surveillance des frontières extérieures (cf. art. 92 LD, qui avait été adopté48 au moment de la reprise des règlements FRONTEX et RABIT 49).

Ce qui sera nouveau, c'est l'obligation de communiquer à l'agence certaines données concernant les frontières extérieures aériennes et les contrôles aux frontières, aux fins de l'établissement du tableau de situation européen (art. 24, par. 3, et 25).

Sous le droit en vigueur, la communication de ces données est volontaire. Étant donné toutefois que depuis début juillet 2019 ­ suite à l'application d'une recommandation émise lors de sa dernière évaluation Schengen ­, elle communique volontairement des données concernant les frontières extérieures aériennes, la Suisse remplit déjà les nouvelles obligations inscrites dans le présent projet. Elle communique ces données sur la base des dispositions d'exécution relatives à la coopération dans le cadre du système EUROSUR, arrêtées aux art. 1, al. 1, let. b, et 3d OCOFE.

Certaines dispositions doivent cependant être précisées moyennant une modification de la LEI.

Il y a lieu en l'occurrence inscrire dans la LEI une disposition relative à la collaboration de la Confédération avec l'agence (art. 7, al. 1bis, P-LEI). Eu égard aux nombreuses nouvelles activités prévues pour l'agence, en particulier l'élaboration d'instruments de planification, cette nouvelle disposition de portée générale est aussi importante que judicieuse. L'adoption dans la LD de dispositions analogues réglant la gestion des frontières a été examinée et finalement rejetée, car le droit douanier en vigueur permet déjà de coopérer.

Une nouvelle disposition régissant la collaboration technique et opérationnelle entre le DFJP et l'agence doit également être adoptée à l'art. 71, al. 2, P-LEI. Il s'agit en l'occurrence de régler la coopération technique et
opérationnelle dans le domaine du retour. Le DFJP devra en effet avoir la possibilité, si c'est nécessaire et judicieux, de demander l'assistance de l'agence dans ce domaine.

De plus, avec l'art. 71a, al. 1, P-LEI, il est proposé d'inscrire dans la loi une disposition explicite selon laquelle le SEM et les cantons mettront à disposition le personnel nécessaire aux interventions internationales en matière de retour, contre le versement d'une indemnité par la Confédération. Dans la pratique, il devra s'agir uniquement de personnes qui se sont portées volontaires.

Une nouvelle disposition est également prévue réglant la communication de données personnelles à l'agence par le SEM (art. 111a, al. 2, P-LEI). En outre, à moyen ou à 48 49

Arrêté fédéral du 3 octobre 2008; RO 2009 4583 Règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant un mécanisme de création d'équipes d'intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme et définissant les tâches et compétences des agents invités; JO L 199 du 31.7.2007, p. 30.

Ce règlement a été abrogé par le règlement (UE) 2016/1624, que la Suisse a également repris.

6948

FF 2020

long terme, certaines données (statistiques et données personnelles visées à l'art. 105, al. 2, LEI) devront pouvoir être transmises manuellement à l'agence au moyen du système d'information eRetour du SEM (art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI).

Enfin, des modifications de la LEI sont envisagées en relation avec le projet de l'UE visant à assurer l'interopérabilité de ses systèmes d'information (IOP)50. S'il est nécessaire de coordonner la législation suisse avec les modifications prévues dans le projet de l'UE, ce sera fait le moment venu.

5.2

Mise en oeuvre

Dans le domaine de la protection des frontières, il est prévu de réviser l'OCOFE, tandis que dans le domaine du retour, il est nécessaire de modifier l'OERE, en particulier les dispositions concernant les possibilités d'intervention de personnel suisse ­ tant fédéral que cantonal ­ à l'étranger et, réciproquement, de personnel étranger en Suisse.

6

Commentaires des dispositions de l'acte de mise en oeuvre (LEI)

Art. 7, al. 1bis Il est proposé d'adopter dans la LEI une disposition prévoyant que la Confédération collabore avec l'agence de l'UE compétente en matière de surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen. Cette collaboration portera notamment sur l'élaboration d'instruments de planification à l'intention de l'agence. Ces instruments serviront à la planification opérationnelle, à la planification de mesures d'urgence ainsi qu'à la planification des capacités nécessaires dans le domaine du retour (cf. ch. 4.1).

Les instruments de planification visés dans cette nouvelle disposition incluent les tableaux de situation nationaux, européen et spécifiques. Les tableaux de situation spécifiques présentent des éléments particuliers des tableaux de situation nationaux ou européen (art. 24 ss). Ils contiennent des informations sur les événements et les incidents liés au franchissement non autorisé des frontières, à la criminalité transfrontalière et aux mouvements secondaires non autorisés, le but étant d'identifier précocement les tendances qui se font jour. Le contenu détaillé des tableaux de 50

Règlement (UE) 2019/817 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 portant établissement d'un cadre pour l'interopérabilité des systèmes d'information de l'UE dans le domaine des frontières et des visas et modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (UE) 2016/399, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240, (UE) 2018/1726 et (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil et les décisions 2004/512/CE et 2008/633/JAI du Conseil, JO L 135 du 22.5.2019, p. 27, et règlement (UE) 2019/818 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 portant établissement d'un cadre pour l'interopérabilité des systèmes d'information de l'UE dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, de l'asile et de l'immigration et modifiant les règlements (UE) 2018/1726, (UE) 2018/1862 et (UE) 2019/816, JO L 135 du 22.5.2019, p. 85

6949

FF 2020

situation ainsi que les règles régissant leur établissement doivent encore être définis dans un acte d'exécution (cf. art. 24, par. 3). Comme sous le droit en vigueur, il incombera à l'AFD, avec le concours du SEM et des cantons ayant des frontières extérieures, d'établir les tableaux de situation nationaux et spécifiques et de les transmettre à l'agence.

L'obligation de collaborer avec l'agence inclura également l'obligation d'échanger des informations concernant le domaine du retour (art. 12; pour la communication de données personnelles à l'agence: cf. art. 111a P-LEI et ch. 4.8). Les normes techniques nécessaires à cet effet seront définies par l'agence en collaboration avec les États Schengen (art. 16). Actuellement, les tâches incombant au point de contact national chargé de la communication avec l'agence sur toutes les questions relatives aux activités de cette dernière sont remplies par l'AFD. À l'avenir, afin de simplifier le processus dans la pratique, l'échange d'informations concernant le domaine du retour devra continuer d'être assuré, comme aujourd'hui, directement entre le SEM et l'agence, avec le concours de l'AFD. Il y a donc lieu de modifier l'OCOFE en conséquence (art. 3c, al. 3, OCOFE; cf. ch. 5.1).

Art. 71, al. 2 Comme sous le droit en vigueur, l'agence pourra soutenir activement la Suisse en lui fournissant une assistance technique et opérationnelle dans le domaine du retour (art. 48). Actuellement, les mesures d'assistance possibles de la part de l'agence sont l'organisation et la coordination d'opérations de retour (en particulier de vols communs de l'UE) ainsi que la fourniture d'un soutien en matière de retours volontaires, en collaboration avec les États Schengen. À l'avenir, cette assistance s'étendra à d'autres activités opérationnelles, telles que l'identification de ressortissants de pays tiers devant quitter la Suisse ou l'obtention de documents de voyage. L'agence pourra en outre assister les personnes concernées pendant leur retour volontaire ainsi qu'après leur arrivée dans leur pays d'origine.

La formulation potestative de l'al. 2 indique clairement que l'agence ne fournira son assistance que si la Suisse en fait la demande expresse.

Art. 71a, al. 1 Voir aussi le ch. 4.5.2 Intervention de personnel suisse à l'étranger dans le domaine du retour.

À ce jour,
la Suisse n'a déployé de personnel que pour des interventions de courte durée, car l'ancien règlement UE ne prévoyait pas de détachements de longue durée.

Il y a donc lieu d'inscrire explicitement dans la loi que le SEM et les cantons seront tenus de mettre à disposition le personnel nécessaire aux interventions internationales en matière de retour, cette obligation couvrant le détachement de personnel à l'étranger pour des interventions aussi bien de courte que de longue durée. Les modalités d'intervention du personnel suisse à l'étranger doivent être précisées dans l'OERE (cf. les règles en vigueur aux art. 15bbis et 15c à 15equater OERE). Actuellement, la Confédération accorde aux cantons un forfait d'accompagnement de 300 francs par jour pour chaque agent d'escorte policière mis à disposition et de 400 francs par jour pour le chef d'équipe (cf. art. 15d OERE; ces règles d'indemni6950

FF 2020

sation reposent sur l'art. 71a LEI). Étant donné que cette réglementation a fait ses preuves pour les interventions de courte durée, le projet mis en consultation proposait de l'appliquer également aux interventions de longue durée. Or, pour des raisons de sécurité du droit, l'indemnisation des cantons par la Confédération pour leurs interventions de courte et de longue durée doit désormais être réglée explicitement au niveau de la loi. De plus, il y a lieu de prévoir également une norme de délégation au Conseil fédéral habilitant ce dernier à fixer le montant et les modalités d'octroi des indemnités par voie d'ordonnance. Le SEM et les cantons mènent actuellement des discussions concernant précisément le montant et les modalités d'octroi des indemnités (cf. ch. 2.7).

Art. 109f, al. 2, let. d Lors de la modification de la LEI du 14 décembre 2018 (normes procédurales et systèmes d'information)51, le législateur a notamment créé la base légale d'un nouveau système d'information dans le domaine du retour (eRetour). Les dispositions correspondantes sont arrêtées aux art. 109f à 109j LEI et sont entrées en vigueur le 1er avril 2020.

Le nouveau système d'information eRetour doit fournir les données nécessaires aux processus de travail relatifs au conseil et à l'aide au retour, ainsi qu'au soutien à l'exécution du renvoi, de l'expulsion au sens de la LEI ou de l'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)52, qui se divisent en deux volets: d'une part, les démarches visant à l'identification et à l'obtention de documents supplétifs et, d'autre part, celles en vue de l'organisation effective du départ.

La nouvelle base de données eRetour permettra en particulier de simplifier l'échange d'informations entre le SEM et ses interlocuteurs.

Étant donné que l'agence peut fournir son assistance aux États Schengen dans le domaine du retour également (cf. ch. 4.5), il faut créer la base légale qui permettra au SEM de transmettre manuellement les informations nécessaires à cet effet à l'agence au moyen du nouveau système d'information eRetour. Il en résultera une diminution des charges administratives du SEM. Les informations transmises seront des statistiques (données chiffrées anonymisées) ainsi que les données personnelles énumérées à
l'art. 105, al. 2, LEI. La communication de ces données personnelles se fondera sur l'art. 111a, al. 2, P-LEI.

Nécessitant l'exécution préalable d'importants travaux techniques de mise en oeuvre, l'échange de données à l'aide d'eRetour ne sera possible qu'à moyen ou à long terme. Dans l'intervalle, cet échange sera également assuré manuellement, mais sans l'aide de ce système d'information.

51 52

FF 2018 7885 RS 321.0

6951

FF 2020

Art. 111a, titre et al. 2 Le titre doit être modifié, car cet article réglera également la communication de données à l'agence.

La modification de l'al. 2 est à mettre en relation avec l'art. 49 du règlement UE, selon lequel l'agence gère une plateforme de gestion des retours, qu'elle peut également utiliser pour transmettre des données à caractère personnel (données biométriques et biographiques). De son côté, le SEM pourra aussi transmettre manuellement des données à caractère personnel à l'agence, au moyen du nouveau système d'information eRetour (cf. art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI). Les finalités de la transmission de telles données à l'agence dans le domaine du retour sont définies à l'art. 87, par. 1, let. b, du règlement UE. Dans le droit suisse, les objectifs des transferts de données doivent être précisés dans l'OERE. Les données ne pourront être communiquées que si elles sont nécessaires à l'accomplissement de tâches relevant du mandat légal de l'agence (cf. art. 111a, al. 2, P-LEI). Dans le domaine du retour, cela couvre en particulier l'organisation d'opérations de retour, l'identification de ressortissants de pays tiers tenus de quitter le territoire ainsi que l'obtention de documents de voyage par l'agence, pour autant que celle-ci fournisse cette assistance à la demande expresse de la Suisse. Le traitement de ces données par l'agence est réglé aux art. 86 à 88 du règlement UE (cf. ch. 4.8). S'appliquent en l'occurrence les dispositions pertinentes du droit européen de la protection des données (règlement [UE] 2018/1725). Le traitement de données personnelles par l'agence pour une finalité différente de la finalité initiale requerra l'autorisation expresse de la Suisse (cf. art. 87, par. 2).

Cette disposition s'appliquera sous réserve de l'art. 49 du règlement UE, qui prévoit que les données à caractère personnel ne peuvent être transmises que si les membres des équipes d'intervention en matière de retour n'ont pas accès au SIS.

7

Conséquences sur les finances et l'état du personnel

7.1

Contexte

La reprise du règlement UE a d'importantes conséquences sur les finances et l'état du personnel de la Confédération. En raison de l'augmentation du budget de la protection des frontières, la contribution financière de la Suisse pour sa participation à l'agence va se multiplier (ch. 7.2.1). De plus, en tant qu'État associé, la Suisse sera tenue de mettre également du personnel à disposition pour des interventions dans les domaines de la protection des frontières et de la migration (en particulier pour les opérations de retour) (cf. ch. 7.3 et 7.4.2).

Enfin, les États membres et les États Schengen doivent aussi contribuer aux nouveaux instruments de planification stratégiques (p. ex. dans le cadre du cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel; cf. art. 8 et ch. 7.3.4), ce qui occasionnera des charges de personnel à la Confédération.

Chiffrer précisément les conséquences est cependant difficile pour l'instant, car il reste plusieurs questions ouvertes. On ne sait par exemple pas encore clairement comment la répartition entre les domaines du retour et de la protection des frontières 6952

FF 2020

est prévue, tout comme on ignore quels effets la vérification de la mise en oeuvre du règlement et des capacités disponibles prévue en 2024 aura sur les contributions financières et en personnel (cf. ch. 7.5).

Le ch. 7.2 ci-dessous présente toutes les conséquences financières pour la Confédération (contribution d'État membre de la Suisse, indemnisation des cantons dans le domaine du retour, réalisation et exploitation du système eRetour et contributions de l'UE en faveur de la Suisse). Suivent, au ch. 7.3, les conséquences sur l'état du personnel au niveau de la Confédération, puis, au ch. 7.4, les conséquences sur les finances et l'état du personnel des cantons. Le ch. 7.5 présente les questions encore ouvertes. Enfin, le tout est récapitulé au ch. 7.6.

7.2

Conséquences financières

7.2.1

Contribution d'État membre de la Suisse

Conformément à l'art. 115, par. 1, let. b, du règlement UE, la règle reprise du règlement (UE) 2016/1624 abrogé, selon laquelle la contribution financière des États associés est fixée conformément aux arrangements complémentaires respectifs qui la spécifient, est maintenue. Comme jusqu'ici, la contribution financière de la Suisse sera dès lors calculée sur la base du produit intérieur brut (PIB) suisse par rapport à l'ensemble du PIB des pays participant au financement de l'agence (cf. art. 11, par. 3, AAS, applicable en vertu du renvoi de l'art. 2 de l'arrangement complémentaire53).

Le budget du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes est arrêté dans un cadre financier pluriannuel de l'UE. Or, les négociations relatives au cadre financier pluriannuel 2021­2027 n'ont pas encore abouti. Selon la proposition initiale de la Commission54, les moyens affectés à la sécurité des frontières extérieures de l'UE devaient considérablement augmenter, passant des 15,67 milliards d'euros qui avaient été budgétisés pour la période 2014­2020 à 21,3 milliards pour la période 2021­2027. Sur ce montant, 10,5 milliards d'euros étaient destinés aux agences décentralisées (Frontex et eu-LISA55), dont la plus grande partie à l'agence. Selon cette proposition, sur laquelle le Conseil s'est accordé le 21 juillet 2020 et qu'il ne reste plus qu'à soumettre à l'approbation des parlements nationaux et du Parlement européen, l'agence sera dotée de 5,148 milliards d'euros au total56.

53

54 55 56

Arrangement du 30 septembre 2009 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein, d'une part, et la Communauté européenne, d'autre part, sur les modalités de la participation de ces Etats aux activités de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne; RS 0.362.313 Commission européenne, proposition de règlement du Conseil du 2 mai 2018 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021­2027, COM(2018) 322 final Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice Conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020), EUCO 10/20

6953

FF 2020

La contribution à l'agence prévue dans le cadre financier 2014­2020 s'élevait initialement à 626 millions d'euros au total. Suite au développement décidé en 2016, le budget a régulièrement augmenté, passant de 142 millions d'euros en 2015 à 320 millions en 2018. Toute augmentation du budget de la protection des frontières et de l'agence, de même que toute éventuelle diminution, se répercute proportionnellement sur la contribution de la Suisse.

Les tableaux ci-dessous présentent le budget de l'agence et la contribution de la Suisse pour la période en cours et la future période. Les contributions mentionnées à partir de 2021 et leurs évolutions ne reposent cependant que sur des hypothèses, car les décisions pertinentes dans l'UE n'ont pas encore été prises. Pour les années 2024 à 2027, il ne faut en outre pas oublier que les montants présentés pourront encore varier en relation avec la vérification des capacités du corps européen de gardefrontières et de garde-côtes qui doit être effectuée en 2023.

Les contributions d'État membre de la Suisse calculées pour les années 2021 à 2027 se basent sur le document de programmation de l'agence du 6 avril 202057 pour les années 2021 à 2023 ainsi que sur la proposition de la Commission de mai 2018. Les contributions ont été calculées en prenant pour hypothèses que le taux de contribution de la Suisse (4,5 %) et le cours du franc suisse par rapport à l'euro (CHF/ EUR: 1,05) ne subiront pas de gros changements durant les années 2020 à 2027. À des fins de comparaison, un calcul budgétaire a été effectué en utilisant les mêmes hypothèses d'extrapolation, le budget total de l'agence étant ramené à 5,148 milliards d'euros comme proposé par le Conseil européen le 21 juillet 2020. Cela montre que les contributions financières de la Suisse seraient réduites de moitié.

Année

Contribution UE milliers EUR Taux Suisse

2015

2016

2017

2018

2019

2020

133 528

218 686

261 267

268 909

307 289

428 160

3,85 %

3,59 %

4,42 %

4,42 %

4,50 %

4,50 %

Taux de change CHF/EUR

1,20

1,05

1,10

1,10

1,15

1.15

Contrib. Suisse milliers EUR Contrib. Suisse milliers CHF

5 141

7 851

11 548

11 885

13 828

19 267

6 169

8 243

12 703

13 074

15 902

22 157

Augmentation

2014/15

2015/16

2016/17

2017/18

2018/19

2019/20

+ 66,34 %

+ 52,72 %

+ 47,09 %

+ 2,92 %

+ 16,34 %

+ 39,33 %

57

Non encore publié

6954

FF 2020

Année

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Calcul de la contribution selon proposition de la Commission de mai 2018 Contribution UE milliers EUR

838 171 1 043 042 1 219 834 1 446 339 1 661 797 1 775 725 1 859 550

Taux Suisse Taux de change CHF/EUR

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

4,50 % 1,05

Contrib. Suisse milliers EUR Contrib. Suisse milliers CHF

37 718

46 937

54 893

65 085

74 781

79 908

83 680

39 604

49 284

57 637

68 340

78 520

83 903

87 864

2020/21

2021/22

2022/23

2023/24

2024/25

2025/26

2026/27

Augmentation

+ 95,76 % + 24,44 % + 16,95 % + 18,57 % + 14,90 % + 6,86 % + 4,72 % Calcul de la contribution selon proposition du Conseil européen de juillet 202058 Contribution UE milliers EUR Contrib. Suisse milliers CHF

438 308

545 442

637 893

756 340

869 010

928 587

972 422

20 710

25 772

30 140

35 737

41 061

43 876

45 947

Augmentation

2020/21

2021/22

2022/23

2023/24

2024/25

2025/26

2026/27

­ 6.54 % + 24,44 % + 16,95 % + 18,57 % + 14,90 % + 6,86 % + 4,72 %

Le cadre budgétaire qui doit encore être décidé par l'UE a une influence correspondante importante sur les contributions financières de la Suisse; en 2024, celles-ci s'élèveraient soit à un peu moins de 36 millions de francs, soit à environ 68 millions de francs.

Les ressources qui ont été prévues conformément au calcul basé sur le document de programmation de l'agence sont inscrites au budget 2021 avec le plan intégré des tâches et des finances (PITF) 2022­2024 de l'AFD, sachant qu'au moment de la planification, l'UE n'avait pas encore pris de décision définitive sur le budget de l'agence et que les développements à venir ne pouvaient pas encore être évalués avec précision. Dans le cadre de l'établissement du budget 2022 et de la planification financière 2023 à 2025, les contributions seront adaptées conformément aux décisions définitives de l'UE.

7.2.2

Indemnisation des cantons dans le domaine du retour

Avec l'art. 71a, al. 1, P-LEI, la loi inclura une disposition selon laquelle le SEM et les cantons seront tenus de mettre à disposition le personnel nécessaire aux opéra58

Avec le même taux de contribution et le même taux de change

6955

FF 2020

tions internationales dans le domaine du retour. La Suisse bénéficiera, sous certaines conditions, d'un soutien financier de l'agence pour le personnel qu'elle détachera pour une courte ou une longue durée (cf. ch. 7.2.4). De même, s'ils détachent du personnel cantonal pour des interventions de courte ou de longue durée, les cantons percevront des indemnités de la Confédération. Lors de la consultation, il était proposé que le montant de ces indemnités soit le même que celui prévu actuellement pour les interventions de courte durée (pour les agents: 300 francs par jour; pour le chef d'équipe: 400 francs par jour; cf. art. 15d OERE et ch. 4.5.2, ainsi qu'art. 71a, al. 1, P-LEI). Pour les détachements de longue durée, il était prévu d'indemniser les jours de travail effectifs (220 jours/année). Les milieux cantonaux ont cependant en partie critiqué cette proposition, si bien que le SEM et les cantons ont ouvert des discussions sur la question du montant des indemnités (cf. ch. 2.7). Le Conseil fédéral tient beaucoup à trouver avec les cantons, aussi rapidement que possible, des solutions pragmatiques acceptables par toutes les parties. Les discussions étant toujours en cours, il n'est pour l'instant pas possible de chiffrer précisément les conséquences financières pour la Confédération. L'indemnisation des cantons ne devra pas être inférieure aux taux actuellement en vigueur pour les interventions de courte durée. Les taux qui seront effectivement appliqués n'étant pas encore connus, les calculs ci-après reposent sur les taux actuels.

Pour ce qui est des déploiements de courte durée, leur nombre devrait être initialement un peu plus élevé qu'aujourd'hui, pour progresser ensuite jusqu'à environ 5 déploiements (de 4 mois) par année à l'horizon 2027. En 2019, la planification portait sur deux déploiements de courte durée de 5 personnes et de 1 mois chacun, soit 10 mois au total. Si l'on base le calcul sur 5 déploiements de courte durée de 4 mois chacun (soit 20 mois au total), conformément au nouveau règlement UE, et sur les forfaits actuels, il en résultera en 2027 des coûts supplémentaires pour la Confédération de 96 000 francs, pour autant que tous les déploiements soient assurés par les cantons (4 x 120 jours x 300 francs + 1 x 120 jours x 400 francs, moins les coûts de 2019, qui correspondent à
la moitié des déploiements).

Les détachements de longue durée sont une nouveauté. Il est donc difficile d'estimer les futurs besoins de l'agence. Selon les calculs basés sur un modèle, la Suisse devra probablement assurer 1 détachement de longue durée par année à partir de 2024, puis 2 détachements à partir de 2027 (cf. ch. 7.4.2). On ne sait cependant pas comment ils se répartiront entre les cantons et le SEM. En 2024, le détachement de longue durée, sur la base des taux actuels et pour autant qu'il soit assuré par les cantons, devrait occasionner à la Confédération des coûts supplémentaires de 66 000 francs ou de 88 000 francs (220 jours x 300 / 400 francs). En 2027, à raison de 2 détachements par année, les coûts supplémentaires ­ toujours sur la base des taux actuels et pour autant que les 2 détachements soient assurés par les cantons ­ atteindront 132 000 francs ou 176 000 francs (2 x 220 jours x 300 / 400 francs).

Dans l'hypothèse où la Suisse doive assurer en 2027, dans le domaine du retour, 5 déploiements de courte durée et 2 détachements de longue durée et que tous soient effectués par des agents d'escorte policière cantonaux, les indemnités dues aux cantons sur la base des taux actuels seraient plus élevées de 228 000 francs ou de 272 000 francs par rapport à 2019. Jusqu'en 2024, les coûts seront cependant nette-

6956

FF 2020

ment moins élevés (en 2024, par exemple, il faudra compter avec des coûts d'indemnisation des cantons de 126 000 francs ou de 140 000 francs).

Il faut toutefois considérer que ces coûts supplémentaires permettront de réaliser des économies à long terme. En effet, le renforcement à la fois de la protection des frontières extérieures de Schengen et du soutien fourni à la Suisse par l'agence dans le domaine du retour devrait avoir un effet global positif, en particulier sur l'exécution des renvois. Or, une amélioration de l'exécution des renvois devrait faire reculer le nombre de demandes d'asile infondées. Le tout devrait déboucher sur une diminution des coûts liés aux procédures d'asile et de renvoi (p. ex. coûts de l'aide d'urgence et de l'aide sociale, coûts liés aux retours dans le pays d'origine ou de provenance ou dans un État Dublin). On peut donc présumer que le soutien financier accordé aux cantons pour les détachements de longue durée n'aura pas d'incidence sur les coûts à long terme.

7.2.3

Réalisation et exploitation du système eRetour

L'art. 111a, al. 2, P-LEI règle la communication de données personnelles à l'agence.

À moyen ou à long terme, la transmission de telles données à l'agence sera assurée manuellement à l'aide du système d'information dans le domaine du retour (eRetour) (art. 109f, al. 2, let. d, P-LEI). Le Parlement avait adopté la base légale du système d'information eRetour en décembre 2018, avec la modification de la LEI portant sur les normes procédurales et les systèmes d'information59. Cette modification est entrée en vigueur le 1er avril 2020. Le nouveau système d'information eRetour est réalisé par étapes pour un coût total de 12,4 millions de francs, dont 4,5 millions avaient été déjà utilisés à la fin de 2019. Le solde du financement est inclus dans le budget 2020 avec plan intégré des tâches et des finances 2021-2023 du SEM. Les coûts de réalisation du système eRetour sont indépendants de la reprise ou non du règlement UE.

Les fonctions d'eRetour nécessaires pour la transmission de données personnelles et de statistiques à l'agence peuvent être implémentées sans coûts supplémentaires au fur et à mesure du développement du système.

7.2.4

Contributions de l'UE en faveur de la Suisse

Plusieurs possibilités de soutien financier des États membres par l'UE sont prévues, à savoir le remboursement de certains coûts d'engagement du personnel (comme jusqu'ici), le remboursement des coûts de vol dans le domaine du retour (comme jusqu'ici) et, enfin, le remboursement des charges salariales du personnel supplémentaire (nouveau).

59

Cf. message du Conseil fédéral du 2 mars 2018, FF 2018 1673, ainsi que la modification de la LEI du 14 décembre 2018, FF 2018 7885.

6957

FF 2020

Selon les règles prévues en matière de financement, l'agence prendra en charge les coûts suivants pour le personnel opérationnel suisse des catégories 3 et 4 (art. 45): ­

les frais de voyage vers l'État hôte et de déplacement dans ce dernier et les coûts liés aux vaccinations,

­

les coûts liés aux assurances spéciales requises,

­

les coûts liés aux soins de santé, y compris les coûts de l'assistance psychologique,

­

les indemnités de séjour journalières, y compris les frais de logement.

Il appartient au conseil d'administration de l'agence de fixer les modalités pratiques du paiement des indemnités de séjour journalières. En 2018, pour le détachement de 1 personne du SEM d'une durée de 2 mois, ces remboursements se sont montés à 11 352 euros.

De plus, en cas de participation à des vols communs de l'UE, la Confédération se verra, comme jusqu'ici, rembourser les coûts des vols par l'agence. Ces dernières années, ces remboursements à la Confédération étaient compris entre 1,5 million et 2,5 millions de francs par année. Quant aux remboursements à l'AFD, ils ont atteint en 2018 la somme de 381 000 euros, dont 24 100 ont été reversés à la police cantonale zurichoise. Ces remboursements se poursuivront sous le nouveau règlement UE (cf. art. 45 concernant les coûts d'engagement et 48, par. 1, let. f, concernant les coûts des vols). Les modalités pratiques du remboursement des coûts d'engagement (indemnités de séjour journalières, frais de logement, assurances, vaccinations, etc.)

pour les 4 catégories de personnel font actuellement l'objet de discussions dans les réunions du conseil d'administration de Frontex. Une proposition coordonnée sera ensuite soumise à la Commission. En raison de la crise du coronavirus, le conseil d'administration n'a pas encore pu arrêter cette proposition.

L'art. 61 instaure en outre un nouveau système de soutien financier visant à garantir le développement à long terme des ressources humaines nécessaires. Ce soutien financier doit permettre aux États Schengen d'engager et de former du personnel supplémentaire, de manière à ce qu'ils disposent de la flexibilité nécessaire pour respecter leurs contributions obligatoires au contingent permanent. Le règlement UE fixe les principales conditions de l'octroi d'un soutien financier. En fonction du nombre de recrutements supplémentaires, ces contributions devraient s'élever au maximum à 1 million de francs par année60.

60

Pour fixer le montant du financement à octroyer aux différents États Schengen, le règlement prend comme montant de référence le salaire annuel d'un agent contractuel du groupe de fonctions III, grade 8, échelon 1, des institutions européennes, tel que fixé par le barème des traitements figurant dans le régime applicable aux autres agents de l'UE (conformément au règlement [UE] no 1239/2010), JO L 338 du 22.12.2010, pp. 1 à 6.

Ce montant est de 2457,08 euros par mois, ce qui correspond à un salaire annuel de 29 484,96 euros. Pour tenir compte de la différence du niveau des prix d'un pays à l'autre, ce montant de référence est multiplié par un coefficient correcteur. Le coefficient correcteur de chaque pays se fonde sur l'indice de Bruxelles, dont la valeur est fixée à 100 points de pourcentage. Le coefficient correcteur pour la Suisse est actuellement de 125,8 points de pourcentage. Compte tenu de ce coefficient, le salaire annuel passe de 29 484,96 à 37 092,08 euros.

6958

FF 2020

Par ailleurs, le 12 juin 2018, la Commission a présenté une proposition de règlement créant, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, l'instrument de soutien financier dans le domaine de la gestion des frontières et des visas (IGFV)61.

L'IGFV est l'instrument destiné à succéder au Fonds pour la sécurité intérieure (FSI Frontières), auquel la Suisse participe depuis le 1er août 2018. Comme le FSI Frontières, l'IGFV est un instrument de solidarité visant à soutenir les États Schengen dont les frontières extérieures maritimes ou terrestres sont étendues ou qui comptent d'importants aéroports internationaux et supportent par conséquent des coûts élevés de protection des frontières extérieures. L'IGFV doit contribuer non seulement à améliorer l'efficacité des contrôles et, partant, la protection des frontières extérieures, mais également à faciliter les entrées légitimes, à prévenir l'immigration illégale ainsi qu'à assurer une gestion efficace des flux migratoires. Il doit en outre favoriser la mise en oeuvre d'une politique des visas commune. De même que l'actuel FSI Frontières, il offrira en outre aux États Schengen la possibilité d'acquérir des moyens de transport et des équipements opérationnels avec le soutien de moyens tirés du fonds et mis à disposition par l'agence. Le règlement auquel aboutira cette proposition de la Commission fera partie du développement de l'acquis de Schengen.

7.3

Conséquences sur l'état du personnel

7.3.1

Contributions en personnel de la Suisse

Le contingent permanent comptera 10 000 agents opérationnels au total (cat. 1 à 4; cf. ch. 4.2) et les contributions en personnel obligatoires maximales de chaque État membre ou État associé sont réglées aux annexes II, III et IV du règlement UE. Les articles du règlement concernant les contributions obligatoires aux catégories 2 à 4 entreront en vigueur en 2021. Afin d'assurer la pleine participation de la Suisse, celle-ci participera aux interventions de l'agence à partir de 2021, conformément aux dispositions du règlement de l'UE sur le détachement de personnel des catégorie 2 à 4. Les dispositions ne deviendront contraignantes pour la Suisse qu'au moment de leur reprise. Pour 2020, ce sont donc encore les processus actuels qui s'appliquent. Le nombre d'interventions de la Suisse en 2020 devrait être similaire à celui enregistré en 2019 (environ 1500 jours d'engagement, soit environ 5 EPT, assurés à hauteur d'environ 84 % par l'AFD, 4 % par la police cantonale zurichoise et 12 % par le SEM).

La pandémie de COVID-19 a entraîné le report de 8 interventions au total (4 en Grèce, 3 en Croatie et 1 en Italie). Il est prévu de les réaliser si possible au cours du second semestre. Dans le même temps, une intervention rapide a eu lieu en Grèce du 10 mars au 7 juillet 2020, avec la participation de 2 agents de l'AFD.

À partir de 2021, la Suisse mettra à la disposition de l'agence l'effectif maximal indiqué dans le tableau ci-dessous, réparti, selon les besoins, entre spécialistes de la protection des frontières et spécialistes des questions de retour de la Confédération (AFD, SEM) et des cantons.

61

COM(2020) 375 final, modifiée par COM(2020) 23 final et COM(2020) 450 final

6959

FF 2020

Catégorie 2 ­ Détachements de longue durée (2 ans; art. 56) Année

Contrib. Suisse en personnes

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

4

5

5

8

11

13

16

Catégorie 3 ­ Déploiements de courte durée (4 mois; art. 57) Année

Contrib. Suisse en engagements de quatre mois

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

38

37

43

45

53

56

59

Catégorie 4 ­ Réserve de réaction rapide (art. 58) Année

Contrib. Suisse en personnes

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

16

16

16

16

­

­

­

Pour une meilleure comparabilité entre les années, les chiffres ci-dessus ont été convertis en mois d'engagement et en EPT. Il ressort du tableau ci-dessous qu'en 2027, le personnel que la Suisse devra mettre à la disposition de l'agence correspondra à 39 EPT62 au maximum.

Année

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Contrib. Suisse en mois, cat. 263

48

60

60

96

132

156

192

Contrib. Suisse en mois, cat.

364

152

148

172

180

212

224

236

Contrib. Suisse en mois, cat.

465

Total des mois par année Nombre max. de personnes détachées par année (EPT)66

62 63 64 65 66

64

64

64

64

264

272

296

340

344

380

428

24

25

27

31

31

35

39

EPT selon la définition de l'agence, soit 5 jours de travail hebdomadaire, 52 semaines par année. Les vacances et les jours fériés ne sont pas pris en compte.

Calculé sur 12 mois; les personnes peuvent aussi être détachées pendant 24 mois.

Durée d'engagement de 4 mois Durée d'engagement calculée sur 4 mois Les chiffres ne sont pas corrigés des vacances et des jours fériés (cf. note de bas de page 80), qui doivent être pris en compte dans le calcul pour les catégories 3 et 4, mais non pour la catégorie 2.

6960

FF 2020

7.3.2

Conséquences sur l'état du personnel de la Confédération dans le domaine de la protection des frontières

L'agence dispose actuellement (état en juin 2020) d'un effectif propre de quelque 790 personnes. En 2019, les États membres ont en outre mis 6720 personnes à sa disposition. Il s'agissait d'experts affectés aux équipes d'intervention ou d'autres spécialistes, tels que des officiers de liaison ou des médiateurs culturels. La réserve comptait 8000 personnes au total. Depuis 2011, la Suisse assure en moyenne 1300 jours d'engagement par année dans des opérations de l'agence, en particulier en Grèce, en Italie, en Bulgarie, en Espagne et en Croatie. Jusqu'en 2017, entre 90 et 95 % de ces jours d'engagement étaient couverts par des spécialistes de la protection des frontières de l'AFD et le reste par la police cantonale zurichoise. Depuis 2018, le SEM participe aussi aux interventions, à hauteur d'environ 12 % des jours d'engagement. La participation de l'AFD ne se situe depuis lors plus qu'entre 80 et 90 %, ce qui mobilise pratiquement 5 EPT. Les spécialistes sont recrutés au sein d'une réserve nationale d'experts et leur détachement est négocié annuellement avec l'agence.

Pour les raisons évoquées au ch. 7.5, les conséquences de l'application du nouveau règlement UE sur les finances et sur l'état du personnel de l'AFD ne peuvent pas encore être chiffrées avec précision. À l'avenir également, les contributions en personnel de la Suisse feront l'objet de négociations annuelles entre l'agence et l'AFD, avec cependant une nouveauté: il faudra tenir compte des obligations de contributions maximales arrêtées aux annexes II à IV du règlement UE.

En l'état des connaissances et compte tenu des considérations d'ordre opérationnel présentées ci-après, l'AFD estime qu'elle sera en mesure de mettre à disposition la majeure partie du personnel de protection des frontières nécessaire pour remplir les obligations d'intervention de la Suisse aux frontières extérieures de Schengen. La base légale de leur détachement est inscrite dans la LD et dans l'OCOFE.

Sur la base de considérations d'ordre opérationnel, on peut présumer que les détachements de longue durée (cat. 2) devront probablement tous être opérés, tandis que les déploiements de courte durée (cat. 3) dépendront de la situation. L'AFD estime que dans des situations exceptionnelles aux frontières extérieures, par exemple en cas de crise migratoire comme celle
traversée en 2015 et 2016 ou de menace concrète et grave contre la sécurité de l'espace Schengen, l'agence aura d'abord besoin de spécialistes de la protection des frontières et que les tâches en matière de retour ne prendront le dessus que dans un second temps, lorsque la situation se sera stabilisée. Après avoir examiné divers scénarios ­ ayant tous pour condition que la sécurité des frontières nationales reste garantie même en cas d'engagement de tout le personnel opérationnel suisse prévu aux frontières extérieures de Schengen ­, l'AFD est arrivée à la conclusion qu'il sera nécessaire d'engager du personnel opérationnel supplémentaire. Ses calculs en la matière reposent sur des valeurs empiriques tirées d'événements réels (crise migratoire de 2015/2016 et attentats terroristes en France en 2015 et 2018) ainsi que sur des données relevant de la tactique policière.

Le développement en cours de l'AFD prévoit que son personnel sera formé de manière plus flexible, moyennant l'abandon des structures rigides actuelles, avec, 6961

FF 2020

d'un côté, la «douane» (circulation des marchandises) et, de l'autre, le «contrôle des frontières» (circulation des personnes). La vaste formation échelonnée qui est prévue présente l'avantage que les collaborateurs de l'AFD pourront être affectés à différentes tâches avec une grande flexibilité, ce qui signifie qu'ils seront toujours à même d'intervenir là où les besoins se feront sentir, quels qu'ils soient. Ainsi, si la situation migratoire ou sécuritaire est calme, ils pourront davantage se concentrer par exemple sur le contrôle des marchandises ou des moyens de transport. Si la situation requiert au contraire de renforcer la protection des frontières nationales à brève échéance, le personnel chargé du contrôle des marchandises et des moyens de transport pourra être temporairement affecté aux contrôles douaniers des personnes et de la sécurité.

Le personnel de l'AFD remplit déjà bon nombre des exigences posées au personnel opérationnel de l'agence (p. ex. dans les domaines du contrôle aux frontières, des spécialistes en matière de documents ou des conducteurs de chien), car ces exigences sont les mêmes que celles auxquelles il doit satisfaire pour remplir ses tâches au niveau national. Il faut s'attendre à ce que l'agence maintienne ces exigences de base. Avec le nouveau profil professionnel mis en place dans le cadre de son développement, l'AFD restera à la hauteur des exigences définies par l'agence en matière d'interventions.

Dans le message du 15 février 2017 relatif au financement de la modernisation et de la numérisation de l'Administration fédérale des douanes (programme DaziT) 67, il est fait état d'une réduction de quelque 300 postes d'ici à 2023, grâce à la numérisation et aux gains d'efficacité des processus de travail. Toutefois, eu égard aux nouvelles obligations découlant du règlement UE, il conviendra d'examiner la possibilité de repourvoir une partie des postes administratifs libérés par DaziT par du personnel opérationnel.

7.3.3

Conséquences sur l'état du personnel de la Confédération dans le domaine du retour

Les personnes que la Suisse mettra à la disposition de l'agence pour des interventions de courte ou de longue durée dans le domaine du retour pourront être des spécialistes des questions de retour du SEM ainsi que des agents d'escorte policière des cantons (art. 15c et 15d OERE). Il n'est pas prévu de détacher du personnel pour des interventions rapides dans le domaine du retour, car la réserve de réaction rapide n'est mobilisable que pour des opérations de sécurité aux frontières (art. 58, par. 1).

Le nombre de collaborateurs du SEM qui devront effectivement être détachés auprès de l'agence pour des interventions de longue ou de courte durée dans le domaine du retour dépendra de la situation migratoire et des développements observés dans ce domaine. D'après les expériences faites à ce jour, le personnel nécessaire pour assurer l'application du nouveau règlement UE devrait correspondre à 2 EPT au plus, comme jusqu'ici. Ce besoin pourra vraisemblablement être couvert par l'effectif actuel du SEM. Dans le cadre de l'application de l'ancien règlement, le SEM n'a 67

FF 2017 1567

6962

FF 2020

mis à disposition qu'une seule personne pour une intervention de 2 mois à l'étranger. En 2021, il ne devrait y avoir aucun déploiement de spécialistes des questions de retour du SEM.

La transmission manuelle des données personnelles à l'agence à l'aide du système eRetour permettra de légèrement réduire la charge administrative du SEM, car les données ne devront plus être saisies exprès, mais seront déjà contenues dans eRetour. Prévue à moyen ou à long terme, l'exploitation opérationnelle du système d'information eRetour (transmission de données) dans le cadre de l'application du règlement UE ne nécessitera donc pas de personnel supplémentaire et pourra être assurée avec l'effectif actuel du SEM.

Dans une première phase, en attendant le début de la transmission des données au moyen d'eRetour, les données personnelles continueront d'être transmises manuellement, sans l'aide de ce système d'information (cf. commentaire de l'art. 109f PLEI et ch. 4.8). Cette transmission manuelle pourra également être assurée sans augmentation de l'effectif et n'entraînera donc pas de charges de personnel supplémentaires.

7.3.4

Contributions de la Suisse dans le domaine du cycle stratégique d'orientation politique et de la planification

Il est proposé d'adopter deux nouvelles dispositions dans la LEI, afin d'inscrire la collaboration de la Confédération et de l'agence dans la loi (cf. art. 7, al. 1bis, et 71, al. 2, P-LEI). Parmi les éléments essentiels de cette collaboration figurent les nouvelles dispositions relatives au cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel, lequel vise à intensifier les travaux stratégiques de mise en oeuvre de la gestion européenne intégrée des frontières. Le cycle stratégique d'orientation politique pluriannuel définira la manière de relever les défis dans les domaines de la gestion des frontières et du retour (cf. art. 8 et ch. 4.1). En raison de la cadence serrée des cycles stratégiques ainsi que de l'évaluation récurrente de la stratégie prévues dans le règlement UE, les besoins en personnel du SEM pourront augmenter. De plus, en particulier la gestion intégrée des frontières soulèvera des questions de fond d'ordre stratégique et structurel, qu'il s'agira de traiter dans le cadre de vastes projets politico-stratégiques dirigés par le SEM, en collaboration avec tous les groupes d'intérêts concernés. Le règlement UE prévoit en outre de nombreux instruments de planification, en partie assortis de strictes prescriptions en matière de méthode et de procédure, qui pourront également accroître la charge de travail du SEM. Pour toutes ces raisons et compte tenu des expériences faites à ce jour en relation avec le cycle stratégique d'orientation politique et avec la planification, le SEM estime avoir besoin d'un ou deux postes supplémentaires, qui devraient être compensés au sein du DFJP.

6963

FF 2020

7.4

Conséquences sur les finances et l'état du personnel des cantons

7.4.1

Conséquences financières

Dans le domaine de la protection des frontières, il est prévu que les frais de personnel soient toujours financés par l'autorité qui détache les agents. Comme décrit aux ch. 4.2.3 et 4.2.4, cette autorité aura droit au remboursement des frais de voyage (y c. moyens de transport pendant la mission), des frais d'hébergement et de repas ainsi que d'autres petits frais, en accord avec l'agence. Pourront aussi être remboursés, moyennant la conclusion d'un accord préalable avec l'agence, les coûts occasionnés par les moyens d'engagement (p. ex. frais d'utilisation et d'entretien des véhicules de service pendant la mission).

En cas de mise à disposition de personnel cantonal dans le domaine du retour, les cantons concernés seront indemnisés par la Confédération (art. 71a, al. 1, P-LEI). Le montant et les modalités d'octroi des indemnités font actuellement l'objet de discussions entre le SEM et les cantons (cf. ch. 2.7). L'indemnisation ne devra pas être inférieure aux taux actuellement en vigueur pour les interventions de courte durée.

De plus, comme aujourd'hui pour les déploiements de courte durée (cat. 3), l'agence prendra également à sa charge certains frais (dépenses, vols, hébergement) des détachements de longue durée (cat. 2) (art. 95, par. 6). L'essentiel des frais de personnel des cantons seront ainsi couverts.

7.4.2

Conséquences sur l'état du personnel

Selon l'art. 9 de la convention du 20 mars 2009 entre la Confédération et les cantons relative à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen et de Dublin68, il incombe à la Confédération et aux cantons d'assurer la mise en oeuvre des actes ou des mesures relevant de la coopération Schengen. Les cantons ont toujours été invités à participer aux procédures de consultation menées dans le cadre des processus législatifs en relation le corps européen de gardefrontières et de garde-côtes. Étant donné que les engagements en faveur de l'agence relèvent principalement du domaine spécial des contrôles aux frontières extérieures, l'accent a jusqu'ici été mis sur les corps de police des cantons qui ont des frontières extérieures. Toutefois, la plupart des aéroports suisses sont relativement petits et ne disposent que de ressources humaines limitées, si bien que les autres corps de police se sont jusqu'ici abstenus de détacher du personnel.

L'organisation administrative et l'établissement des décomptes de remboursement seront du ressort de l'AFD. En raison des points restant à clarifier évoqués plus haut, les conséquences du nouveau règlement UE pour les cantons sont difficiles à déterminer. Étant donné que l'AFD estime qu'elle peut mettre à disposition la majeure partie du personnel de protection des frontières nécessaire avec les ressources existantes et, le cas échéant, les gains d'efficacité générés par son développement et par le programme de transformation (DaziT), les conséquences sur les finances et l'état 68

RS 362.1

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du personnel des cantons dans le domaine de la protection des frontières devraient être limitées. L'AFD a l'intention de prendre chaque année contact avec les cantons ­ dans le cadre des négociations sur les contributions en personnel dans le domaine de la protection des frontières ­ pour discuter d'une éventuelle participation.

Dans le domaine du retour également, il est difficile d'estimer précisément les conséquences sur l'état du personnel. Le nombre d'agents d'escorte policière qui devront être mis à disposition par les cantons dans ce domaine dépendra de la situation migratoire et de son évolution, si bien que les chiffres à partir de 2022 ne peuvent être estimés qu'au moyen de calculs basés sur un modèle. Actuellement, il n'est possible d'indiquer avec précision combien de collaborateurs des cantons devront intervenir dans le domaine du retour que pour 2021. Sont planifiées en l'occurrence trois interventions d'agents d'escorte policière d'une durée de quatre mois. Aucune intervention de longue durée n'est prévue.

En ce qui concerne les déploiements de courte durée dans le domaine du retour, leur nombre devrait être initialement un peu plus élevé qu'aujourd'hui, pour progresser ensuite jusqu'à environ 5 déploiements par année à l'horizon 2027. En 2019, sous l'ancien règlement UE, 2 interventions de 5 agents cantonaux d'escorte policière d'une durée de 1 mois chacune avaient été planifiées (soit 10 mois au total), dont 1 a été annulée par l'agence avant même de commencer. Pour 2021, 8,9 % des déploiements de courte durée planifiés par l'agence concernent le domaine du retour (spécialistes des questions de retour et agents d'escorte policière). Actuellement, les besoins portent plutôt sur les déploiements d'agents d'escorte policière. Compte tenu des contributions en personnel de la Suisse arrêtées dans le règlement UE, il ressort de ce qui précède que par exemple en 2024 ­ année durant laquelle la Suisse devra assurer 45 déploiements de courte durée au total ­ 4 déploiements de 4 mois chacun concerneront le domaine du retour. À partir de 2027, les prévisions font état, toujours dans le domaine du retour, de 5 déploiements de courte durée (4 mois). On assistera donc à une augmentation progressive des déploiements de courte durée, qui passeront de 10 mois en 2019 à 20 mois en 2027. Il n'est
cependant pas encore possible d'estimer comment ils se répartiront entre les cantons et le SEM.

Quant aux détachements de longue durée dans le domaine du retour, il est difficile d'estimer quelles seront les besoins de l'agence. Une part de 11,7 % des détachements de longue durée planifiés par cette dernière pour 2021 concernent le domaine du retour (spécialistes des questions de retour et agents d'escorte policière). Compte tenu des contributions en personnel de la Suisse arrêtées dans le règlement UE, cela signifie que notre pays ne devra assurer, dans le domaine du retour, 1 détachement de longue durée par année qu'à partir de 2024, année durant laquelle il devra assurer 8 détachements de longue durée au total. À partir de 2027, les prévisions font état, toujours dans le domaine du retour, de 2 détachements de longue durée. Il n'est pas non plus possible d'estimer pour l'instant comment ils se répartiront entre les cantons et le SEM.

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7.5

Questions ouvertes

Aux fins de la mise en oeuvre du règlement UE dans la pratique, plusieurs domaines présentent encore des points à clarifier, en particulier de la part de l'UE.

­

En ce qui concerne la contribution en personnel de la Suisse en faveur de l'agence, les profils du personnel nécessaire ne sont définis que pour 2021.

Pour les années suivantes, ils ne sont pas encore fixés. On ne sait toujours pas comment les contributions suisses en personnel se répartiront entre l'AFD, le SEM et les cantons. Or la question de savoir si le personnel nécessaire pourra être recruté au sein de l'effectif existant ou s'il faudra engager du personnel supplémentaire dépend directement de cette répartition.

­

De même, on ne sait pas combien d'interventions devront être effectuées suite à des crises, ni quels profils seront nécessaires pour ces interventions.

Cela dépendra en particulier de l'évolution de la situation dans les domaines des frontières et de la migration en Europe.

­

Il est en outre prévu de procéder en 2024 à une vérification approfondie des capacités nécessaires de l'agence dans le domaine du personnel. Cela permettra d'adapter la planification en conséquence, sur la base des premières expériences faites avec le règlement UE.

­

La contribution d'État membre annuelle de la Suisse dépendra de plusieurs facteurs, tels que l'évolution du budget de l'agence ­ qui pourrait de nouveau changer après la vérification de 2024 ­ ou du produit intérieur brut.

­

La question de savoir si le personnel nécessaire pourra être recruté au sein de l'effectif existant dépend également des facteurs évoqués ci-dessus. À cette question est en outre liée celle de savoir si des moyens financiers supplémentaires seront nécessaires pour engager de nouveaux agents.

­

Les négociations relatives aux remboursements qui seront accordés par l'UE n'étant pas encore achevées, il n'est pas possible de se prononcer définitivement sur cette question.

­

La capacité opérationnelle maximale de l'AFD dépendra du développement en cours de cette dernière et de sa transformation en Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières.

­

Actuellement, l'impact de la crise du coronavirus sur la mise en oeuvre du règlement UE n'est pas clairement établi.

­

Dans les discussions en cours, la Commission a souligné à plusieurs reprises qu'il n'y a pas de plan B et qu'il n'est pas prévu de différer la date du début des opérations du contingent permanent. Le recrutement du personnel de la catégorie 1 se poursuit donc, mais il y a un retard de trois mois dans la formation de base (la date butoir pour la formation est désormais le 11 décembre 2020). En revanche, le conseil d'administration a pu prendre les décisions nécessaires (définition des profils et répartition entre les États Schengen) à la fin du mois de mars, par la voie de la procédure écrite.

­

Enfin, le cadre financier pluriannuel n'a pas encore pu être adopté. La présidence allemande du Conseil est chargée de clore les discussions sur ce der-

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FF 2020

nier d'ici à la fin de 2020. Les décisions qui seront prises auront une influence directe sur le budget de l'agence et par conséquent sur les contributions financières et en personnel de la Suisse. Il ressort des discussions en cours que le budget de l'agence pourrait être revu à la baisse. Il faut en effet prendre en considération les dommages économiques dus à la crise du coronavirus et réfléchir à l'éventuelle affectation des moyens financiers à d'autres fins.

7.6

Conclusions relatives aux conséquences sur les finances et sur l'état du personnel

En raison des différentes questions encore ouvertes et des autres facteurs d'incertitude évoqués plus haut, les conséquences financières et sur l'état du personnel sont difficiles à chiffrer. La forte croissance du budget de l'agence va se traduire par une nette augmentation des contributions d'État membre de la Suisse. Sur la base des hypothèses actuelles, il semblerait toutefois que le supplément de prestations en personnel que la Confédération devra fournir à l'agence pourra être couvert avec les moyens existants.

Les conséquences financières sont récapitulées ci-dessous.

­

Les contributions annuelles d'État membre de la Suisse à l'agence augmenteront progressivement entre 2020 et 2027. Le niveau des contributions financières dépendra du cadre financier pluriannuel de l'UE 2021­2027, qui n'a pas encore été adopté. Alors que la proposition de la Commission de 2018 prévoyait un financement total de 9 milliards d'euros pour l'agence, le Conseil européen s'est accordé sur 5,1 milliards d'euros en juillet 2020. Selon les extrapolations basées sur les deux propositions, les contributions de membre de la Suisse en 2024 s'élèveraient soit à un peu moins de 36 millions de francs, soit à environ 68 millions de francs (cf. ch. 7.2.1). À noter que l'obligation de payer les contributions d'État membre découlera non pas de la reprise du règlement UE en tant que telle, mais de l'accord additionnel conclu entre la Suisse et l'agence en lien avec l'AAS.

­

Pour ce qui est de l'indemnisation des interventions de courte ou de longue durée des cantons dans le domaine du retour, il faut s'attendre en 2027 ­ compte tenu des indemnités actuelles et en s'appuyant sur des calculs basés sur un modèle ­ à des coûts supplémentaires annuels d'environ 228 000 francs ou 272 000 francs. Jusqu'en 2024, les coûts supplémentaires seront toutefois nettement inférieurs (p. ex en 2024: 126 000 francs ou 148 000 francs). Le montant des indemnités fait actuellement l'objet de discussions entre le SEM et les cantons. À long terme, l'indemnisation des cantons ne devrait pas avoir d'incidence sur les coûts (cf. ch. 7.2.2).

­

Les coûts du système eRetour sont indépendants de la reprise ou non du règlement UE. La réalisation de ce système coûtera 12,4 millions de francs au total, dont 4,5 millions avaient été déjà utilisés à la fin de 2019. Le solde du

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FF 2020

financement est inclus dans le budget 2020 avec plan intégré des tâches et des finances 2021­2023 du SEM (cf. ch. 7.2.3).

À ces charges supplémentaires font contrepoids les remboursements et les économies ci-dessous.

­

Les remboursements effectués par l'agence au titre des interventions de courte et de longue durée pourront atteindre 1 million de francs par année.

S'y ajouteront d'autres remboursements, par exemple pour la participation à des vols communs de l'UE. Ces remboursements ont varié jusqu'ici entre 1,5 million et 2 millions de francs par année (cf. ch. 7.2.4).

­

En ce qui concerne les prestations de soutien provenant du futur IGFV, on ne sait pas encore dans quelle mesure la Suisse pourra en bénéficier (cf. ch. 7.2.4).

­

À long terme, la sécurité accrue aux frontières et la lutte contre la migration illégale permettront à la Suisse de réaliser des économies, qu'il est cependant difficile de chiffrer pour l'instant. Ce qui est sûr, c'est que l'abandon de l'association à Schengen/Dublin se traduirait non seulement par une perte de sécurité pour la Suisse, mais aussi, dans le domaine de la migration, par une augmentation des demandes d'asile infondées, à laquelle il ne serait guère possible de faire face, sur les plans aussi bien opérationnel que financier (cf. ch. 2.1 et le rapport du Conseil fédéral établi en exécution du postulat 15.3896 du groupe socialiste69).

Les conséquences sur l'état du personnel sont récapitulées ci-dessous.

69

­

Le nombre d'interventions assurées par la Suisse pour l'agence augmentera progressivement jusqu'en 2027. La Suisse mettra alors à disposition un effectif correspondant à 39 EPT au plus (cf. ch. 7.3.1). En 2021, ce seront 24 EPT au plus. Il s'agit là de contributions maximales. À l'avenir également, les contributions en personnel de la Suisse feront l'objet de négociations annuelles entre l'AFD et l'agence, avec cependant une nouveauté: il faudra tenir compte des obligations de contributions maximales arrêtées dans le règlement UE (annexes II ­ IV). Le nombre effectif d'interventions dépendra en particulier de l'évolution de la situation dans le domaine des frontières et de la migration en Europe.

­

Les interventions seront assurées par l'AFD, le SEM ou les cantons. Le fait qu'il sera fait appel à du personnel de l'AFD, du SEM ou des cantons dépendra également de l'évolution de la situation dans le domaine des frontières et de la migration en Europe. Actuellement, environ 90 % des interventions concernent le domaine de la protection des frontières (cf. ch. 7.3.2).

En 2027, cela nécessitera environ 35 EPT au plus. L'AFD couvre aujourd'hui environ 95 % de ces interventions. Il en découle qu'en 2027, l'AFD devra mettre à disposition 33 EPT et les cantons 2 EPT. Le reste des interventions, soit 10 %, concernent actuellement le domaine du retour. Si cette proportion se maintient, ces interventions nécessiteront en 2027 environ 4 EPT. Cela signifie que, dans le domaine du retour, les cantons et le Voir sous ch. 2.1.

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FF 2020

SEM devront mettre à disposition 4 EPT au plus au total. Aujourd'hui, les besoins de l'agence dans le domaine du retour portent plutôt sur les agents d'escorte policière (cf. ch. 7.4.2). Au final, compte tenu de la situation actuelle et des calculs ci-dessus basés sur un modèle, on peut présumer qu'en 2027, l'AFD devra mettre à disposition 33 EPT et les cantons 6 EPT, sachant toutefois qu'une partie de ces derniers devront être fournis, en fonction des besoins de l'agence, non pas par les cantons mais par le SEM.

­

Les charges de personnel de la Confédération qui résulteront de la participation à l'agence pourront probablement être compensées à l'interne. En ce qui concerne l'AFD, la participation à l'agence se traduira certainement par un besoin accru de personnel opérationnel formé dans le domaine de la protection des frontières (cf. ch. 7.3.2). On examine actuellement si ce besoin accru pourra être compensé par une partie des postes libérés à la faveur de la modernisation et de la numérisation de l'AFD (programme DaziT). Le SEM affectera quant à lui, dans le domaine du retour (p. ex. pour des déploiements de courte durée ou la transmission de données), 2 EPT au plus, comme jusqu'ici. Ceux-ci seront compensés à l'interne (cf. ch. 7.3.3). Il faut en outre s'attendre à ce que le domaine du cycle stratégique d'orientation politique et de la planification nécessite 2 EPT supplémentaires au plus, que le SEM pourra aussi compenser à l'interne (cf. ch. 7.3.4).

8

Aspects juridiques

8.1

Constitutionnalité

L'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement UE se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)70, qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération.

Au niveau fédéral, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier.

En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale a compétence pour approuver les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 7a, al. 1, LOGA).

8.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La reprise du règlement UE et les modifications légales qu'elle entraîne sont compatibles avec le droit international.

70

RS 101

6969

FF 2020

Avec la reprise de ce développement de l'acquis de Schengen, la Suisse est en conformité avec ses engagements vis-à-vis de l'UE pris dans le cadre de l'AAS (art. 2, par. 3, en lien avec l'art. 7 AAS). Avec cette reprise, elle assure un contrôle uniforme aux frontières extérieures de Schengen, dans l'objectif de renforcer la sécurité dans l'espace Schengen.

8.3

Forme de l'acte à adopter

8.3.1

Forme de l'arrêté d'approbation

La reprise du règlement UE n'implique pas d'adhésion à une organisation de sécurité collective ou à une communauté supranationale. L'arrêté fédéral portant approbation de l'échange de notes n'est par conséquent pas soumis au référendum prévu à l'art. 140, al. 1, let. b, Cst.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. L'art. 22, al. 4, LParl dispose que sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Enfin, on entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées en droit interne sous la forme d'une loi fédérale.

En l'espèce, l'échange de notes concernant la reprise du règlement UE peut être dénoncé aux conditions prévues aux art. 7 et 17 AAS. En outre, la reprise du règlement UE n'implique en aucun cas l'adhésion à une organisation internationale.

En revanche, le règlement UE repris au travers de l'échange de notes contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, notamment les obligations de détacher du personnel et de transférer des données ainsi que l'octroi de pouvoirs d'exécution supplémentaires. De plus, la reprise du règlement UE nécessite de modifier la LEI. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation du règlement UE est sujet au référendum, en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

L'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux sous la forme d'un arrêté fédéral, lorsqu'ils sont sujets à référendum (art. 24, al. 3, LParl).

8.3.2

Forme de l'acte de mise en oeuvre

Selon l'art. 141a, al. 2, Cst., lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de lois liées à la mise en oeuvre du traité. Les dispositions législatives proposées ici servent à la mise en oeuvre des bases juridiques du règlement UE et découlent directement des obligations qui y sont prévues. Le projet d'acte de mise en oeuvre peut dès lors être intégré à l'arrêté d'approbation.

6970

FF 2020

9

Modification de la loi sur l'asile

9.1

Contexte

9.1.1

Nécessité d'agir et objectif

Suite à une recommandation émise lors de la dernière évaluation Schengen de la Suisse en mars 2018, il faut adapter l'art. 45, al. 1, let. a, LAsi. Il s'agit en l'occurrence d'inscrire explicitement dans la décision de renvoi l'obligation du requérant faisant l'objet d'une décision de renvoi de quitter l'espace Schengen et de se rendre dans son pays d'origine ou un pays situé hors de l'espace Schengen.

9.1.2

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

La modification de la LAsi n'est pas prévue dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202371, mais elle s'inscrit dans le cadre de l'objectif 13 du programme.

9.2

Commentaire de la modification de l'art. 45 LAsi

Art. 45, al. 1, let. a et b L'application de l'acquis de Schengen est régulièrement vérifiée dans tous les États Schengen à la faveur d'une procédure d'évaluation. En mars 2018, la Suisse a fait l'objet de sa première évaluation Schengen dans le domaine du retour. Cette évaluation a consisté à examiner comment la directive UE Retour est appliquée par la Suisse dans la pratique. Suite à cet examen, la Commission a émis plusieurs recommandations. Après en avoir discuté avec la Suisse, le Conseil a adopté ces recommandations en date du 14 mai 2019.

La mise en oeuvre de l'une de ces recommandations nécessite de modifier l'art. 45 LAsi. L'art. 45, al. 1, let. a, LAsi prévoit en effet que la décision de renvoi doit mentionner l'obligation de la personne concernée de quitter la Suisse. Or, la directive UE Retour prescrit que les États Schengen sont tenus, dans les décisions de renvoi, d'ordonner expressément à la personne concernée de quitter l'espace Schengen et de se rendre dans son pays d'origine ou dans un autre pays situé hors de l'espace Schengen et disposé à l'accueillir. La modification proposée de l'art. 45, al. 1, let. a, LAsi tient compte de cette exigence. Dans le même temps, l'actuelle obligation de quitter la Suisse prévue à la let. a est maintenue.

71

FF 2016 1709

6971

FF 2020

9.3

Conséquences

La modification de l'art. 45 LAsi n'a pas de conséquences financières ni de conséquences sur l'état du personnel pour la Confédération et les cantons.

9.4

Aspects juridiques

La modification de l'art. 45 LAsi repose sur l'art. 121, al. 1, Cst. Elle est compatible avec les obligations internationales de la Suisse.

6972