19.074 Message relatif à la loi fédérale sur l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués du 27 novembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de loi fédérale sur l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 novembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-2208

223

Condensé La loi fédérale sur l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués modifie plusieurs lois fédérales afin d'améliorer encore les conditions permettant à la Suisse de s'affirmer comme un leader innovant et durable pour les entreprises actives dans le domaine de la blockchain et de la technologie des registres distribués (TRD).

Contexte La technologie des registres distribués (TRD) et la technologie de la blockchain font partie des développements prometteurs de la révolution numérique. Le Conseil fédéral entend continuer d'améliorer les conditions nécessaires pour que la Suisse puisse tirer parti au mieux des avantages associés à ces technologies. Parallèlement, il veut que dans ce domaine aussi soient préservées l'intégrité et la réputation de la place économique et financière suisse. C'est dans ce contexte que le Conseil fédéral a adopté en décembre 2018 un rapport consacré au cadre juridique régissant la blockchain et la TRD dans le secteur financier, qui expose concrètement les améliorations juridiques auxquelles il y aurait lieu de procéder à court ou moyen terme. En mars 2019, le Conseil fédéral a ouvert la consultation relative à l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués. Le projet a reçu à cette occasion un accueil globalement positif.

Contenu du projet À ce stade, le Conseil fédéral ne voit pas de nécessité de modifier fondamentalement le cadre juridique suisse ou d'adopter une loi spécifique uniquement pour tenir compte de l'avènement d'une technologie nouvelle, encore en pleine évolution qui plus est. Le cadre juridique actuel présente en effet une grande souplesse et offre des possibilités nombreuses. Il n'en reste pas moins que des adaptations ciblées s'imposent dans certains domaines du droit afin de renforcer la sécurité juridique, de supprimer les obstacles qui freinent les applications fondées sur la TRD ou sur la blockchain et de limiter les risques nouveaux.

Il est proposé ici d'adapter le droit des papiers-valeurs afin d'asseoir sur une base légale sûre le négoce des droits au moyen de registres électroniques offrant une protection contre les manipulations . Cette adaptation implique ensuite de modifier ponctuellement le droit des titres intermédiés
afin de préciser le lien avec la nouvelle catégorie de titres. La loi éclaire par ailleurs la question de la revendication des cryptoactifs en cas de faillite. Enfin, les dispositions du droit bancaire sur l'insolvabilité des banques sont harmonisées avec les amendements apportés au droit général de l'insolvabilité, et une nouvelle catégorie d'autorisation est créée dans le droit des infrastructures des marchés financiers pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. Le projet vise ainsi à créer un cadre juridique souple et adapté aux nouvelles formes d'infrastructures qui résultent de l'évolution technologique.

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Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.1.1 Potentiel de la TRD et de la technologie de la blockchain 1.1.2 Rapport du Conseil fédéral concernant le cadre juridique 1.1.3 Principes du rapport du Conseil fédéral sur la TRD 1.1.4 Nécessité d'agir 1.1.5 Élaboration de l'avant-projet 1.1.6 Élaboration du projet 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.2.1 Droit des papiers-valeurs 1.2.1.1 Une approche fondée sur le droit civil 1.2.1.2 Pas de refonte de la loi sur les titres intermédiés 1.2.1.3 Contrôle continu des exigences de forme lors de la cession des droits 1.2.2 Droit de l'exécution forcée 1.2.3 Droit des marchés financiers 1.3 Relation avec le programme de la législature et le plan financier ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

228 228 228 228 229 230 231 232 232 232 232 234

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

241

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Considérations préliminaires 3.2 Classement des jetons sous l'angle du droit civil et du droit des marchés financiers 3.2.1 Pas de réglementation spécifique, mais observation par les autorités de surveillance des marchés financiers 3.2.2 Réglementation spécifique 3.2.3 Interdiction de services spécifiques 3.3 Traitement des jetons sous l'angle du droit de l'insolvabilité 3.3.1 Liechtenstein 3.3.2 Luxembourg 3.3.3 Angleterre et Pays de Galles 3.3.4 États-Unis

242 242

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Modification du code des obligations 4.1.1.1 Modification proposée du droit général des papiers-valeurs 4.1.1.2 Modification proposée du droit de la société anonyme

249 249 249

4

234 235 238 240

243 243 244 246 246 246 247 247 248

249 252

225

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4.1.1.3

4.2 5

226

Modification proposée des dispositions relatives aux titres représentatifs de marchandises 4.1.1.4 Aucun effet sur la qualification des droitsvaleurs dans le droit des marchés financiers 4.1.2 Modification de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite 4.1.2.1 Restitution de cryptoactifs 4.1.2.2 Accès aux données 4.1.2.3 Modification de l'ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (OAOF) 4.1.3 Modification de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé 4.1.4 Modifications de la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale 4.1.5 Modifications de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques 4.1.6 Modifications de la loi du 15 juin 2018 sur les services financiers 4.1.7 Modifications de la loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers 4.1.8 Modifications de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent 4.1.8.1 Modifications au niveau de la loi 4.1.8.2 Modifications prévues au niveau de l'ordonnance 4.1.9 Modification de la loi du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés 4.1.10 Modifications de la loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers Questions de mise en oeuvre et droit transitoire

Commentaire des dispositions 5.1 Code des obligations 5.1.1 Droit de la société anonyme 5.1.2 Droit général des papiers-valeurs 5.1.3 Titres représentatifs de marchandises 5.2 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite 5.3 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé 5.4 Loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale 5.5 Loi du 8 novembre 1934 sur les banques 5.6 Loi fédérale du 15 juin 2018 sur les services financiers 5.7 Loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers 5.8 Loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent

252 253 253 253 256 257 257 257 258 259 259 260 260 260 261 262 263 264 264 264 265 280 281 286 290 290 293 294 295

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6

7

5.9 Loi du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés 5.10 Loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers

297 298

Conséquences économiques 6.1 Conséquences pour la place économique suisse 6.2 Conséquences pour les groupes concernés 6.2.1 Fournisseurs d'infrastructures des marchés financiers 6.2.2 Investisseurs 6.3 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.4 Adéquation de l'exécution

307 307 308 308 309

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Délégation de compétences législatives

311 311 311 312 312

310 311

Liste des abréviations utilisées

313

Bibliographie

315

Liste des documents utiles

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Loi fédérale sur l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués (Projet)

319

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.1.1

Potentiel de la TRD et de la technologie de la blockchain

L'avènement du numérique est l'un des principaux moteurs de l'innovation, des mutations structurelles en cours et, à plus long terme, de la compétitivité de l'économie suisse. Le recours croissant à la TRD et à la technologie de la blockchain fait partie des développements notables et prometteurs du tournant numérique.

La TRD et la technologie de la blockchain permettent de tenir une comptabilité commune avec des participants qui ne se font pas mutuellement confiance, ne se connaissent pas et ne savent pas combien d'autres utilisateurs participent au système. Un système de gestion commune et décentralisée des données pourrait être d'une grande utilité dans de nombreux domaines, et il est souvent recouru à la blockchain ou à d'autres mécanismes de consensus pour tenter de résoudre des problèmes.

Le terme de technologie des registres distribués (TRD) englobe les divers systèmes faisant usage de registres distribués. La blockchain est une des formes possibles de stockage des données dans un tel système.

L'évolution de ces technologies recèle un potentiel d'innovation et d'accroissement de l'efficacité considérable, quoique impossible à mesurer précisément, aussi bien dans le secteur financier que dans d'autres secteurs économiques. En Suisse, un écosystème de la Fintech et de la blockchain s'est d'ores et déjà fortement développé ces dernières années, en particulier dans le domaine de la finance.

1.1.2

Rapport du Conseil fédéral concernant le cadre juridique

Dans ce contexte, le Conseil fédéral a adopté le 7 décembre 2018 un rapport consacré au cadre juridique régissant la blockchain et la TRD dans le secteur financier (rapport sur la TRD)1. Ce rapport ne traite pas seulement le cadre juridique, mais se penche également sur les aspects technologiques et les risques qui en découlent.

Le Conseil fédéral entend continuer d'améliorer les conditions nécessaires pour que la Suisse puisse saisir efficacement les chances de la révolution numérique.

S'agissant de la TRD et de la blockchain, le Conseil fédéral considère qu'il importe de créer un cadre juridique optimal pour permettre à la Suisse de s'établir et de 1

228

www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral veut continuer d'améliorer le cadre juridique régissant la blockchain et la DLT (communiqué du 14.12.2018 [état au 21.8.2019]).

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continuer à se développer en tant que leader innovant et durable pour les sociétés Fintech et blockchain. Parallèlement, il souhaite que l'intégrité et la bonne réputation de la place économique et financière suisse soient également préservées dans ce domaine. C'est pourquoi il faut anticiper les risques liés à la diffusion de ces nouvelles technologies et lutter systématiquement contre les abus.

Le rapport sur la TRD s'appuie sur les analyses du groupe de travail «Blockchain / ICO». Composé de membres des autorités fédérales2, celui-ci a eu de nombreux échanges avec le secteur privé. En septembre 2018, il a consulté les secteurs Fintech et financier de manière informelle sur différents sujets, sur la base d'un document de consultation3. En outre, il a eu de nombreux entretiens avec des représentants des secteurs Fintech et financier, de cabinets d'avocats et d'associations.

1.1.3

Principes du rapport du Conseil fédéral sur la TRD

Le rapport du Conseil fédéral sur la TRD reposait sur les principes suivants: I.

Les responsables politiques doivent veiller à garantir des conditions générales optimales et propices à l'innovation, tandis que le marché et la société décident des technologies qui s'imposeront.

II.

Plutôt que de remettre fondamentalement en question un cadre juridique éprouvé et équilibré, la Suisse doit procéder rapidement et de manière ciblée aux adaptations nécessaires là où se trouvent des lacunes ou des obstacles sous l'angle des applications TRD/blockchain.

III. En matière de législation et de réglementation, la Suisse doit continuer à suivre une approche basée sur des principes et neutre sur le plan technologique, tout en autorisant les exceptions nécessaires; les règles devront être aussi neutres que possible du point de vue de la concurrence.

IV. À l'égard des sociétés spécialisées dans la TRD et la blockchain, la Suisse doit se positionner comme une place économique attrayante en misant sur la sécurité juridique, une réglementation efficace et sa bonne réputation; cependant, l'utilisation de technologies innovantes ne devra donner lieu à aucun comportement frauduleux ou abusif ni permettre de contourner le cadre réglementaire.

V. Les autorités suisses doivent faire preuve d'ouverture envers les nouvelles technologies et les innovations telles que la blockchain et la TRD et entretenir un dialogue régulier avec le secteur.

2 3

Avec des représentants du SFI, de l'OFJ, de la FINMA, de la BNS, de fedpol, de l'AFD et du SECO.

www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le groupe de travail sur la technologie blockchain et les ICO met ses travaux en consultation (communiqué du 31.8.2018 [état au 30.1.2019]).

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1.1.4

Nécessité d'agir

Le rapport du Conseil fédéral sur la TRD expose concrètement les aspects juridiques qu'il faudrait à son avis adapter à court ou à moyen terme. Cette nécessité d'agir a dans l'ensemble été confirmée lors de la consultation. En plus des mesures déjà identifiées, la consultation a aussi révélé quelques points à améliorer dans la loi fédérale sur les titres intermédiés4. Le projet a été complété en ce sens.

À ce stade, le Conseil fédéral ne voit pas de nécessité de modifier fondamentalement le cadre juridique suisse ou d'adopter une loi spécifique uniquement pour tenir compte de l'avènement d'une technologie nouvelle, encore en pleine évolution qui plus est. Une telle approche pourrait du reste comporter des risques, comme des effets secondaires imprévus ou un processus législatif en retard sur l'évolution technologique. Et surtout, le cadre juridique actuel présente une grande souplesse et offre des possibilités nombreuses, même si des adaptations ciblées s'imposent dans certains domaines du droit afin de renforcer la sécurité juridique, de supprimer les obstacles qui entravent les applications fondées sur la TRD ou sur la blockchain et de limiter les risques nouveaux.

Dans ce contexte, le présent projet a été conçu sous la forme d'un acte modificateur unique permettant de mettre en oeuvre des modifications ciblées dans plusieurs lois fédérales déjà en vigueur. Plus précisément, ce projet vise: ­

dans le droit civil, à accroître la sécurité juridique lors du transfert de droits au moyen de registres électroniques offrant une protection contre les manipulations et à préciser les liens avec le droit des titres intermédiés,

­

dans le droit de l'insolvabilité, à répondre aux questions qui se posent relativement à la revendication des cryptoactifs et à permettre l'accès aux données sans valeur patrimoniale,

­

dans le droit des marchés financiers, à mettre en place une catégorie d'autorisation nouvelle et flexible pour les infrastructures des marchés financiers fondées sur la blockchain, et

­

dans le droit bancaire, à harmoniser les dispositions du droit sur l'insolvabilité des banques avec les modifications apportées au droit général de l'insolvabilité.

Le présent projet ne traite pas la question de la création d'une monnaie centrale numérique, «l'e-franc» pour le public. Indépendamment de cela, la Banque nationale suisse est cependant libre de représenter également en tant que «droits-valeurs inscrits» des créances qui pourront à l'avenir être représentées comme telles au sens du projet. La question de la création d'une monnaie centrale numérique ­ y compris l'analyse des mesures devant éventuellement être prises dans ce domaine ­ est traité séparément dans le rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Wermuth

4

230

RS 957.1

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(18.3159)5. Les aspects relevant du droit fiscal ne sont pas non plus abordés dans le projet6.

1.1.5

Élaboration de l'avant-projet

Pour préparer l'avant-projet de modification du droit fédéral, l'administration a consulté les experts scientifiques et techniques reconnus suivants, auditionnant chacun d'eux dans le cadre de deux réunions.

En ce qui concerne la modification du droit des papiers-valeurs (dans l'ordre alphabétique): ­

Mirjam Eggen, professeure, docteure en droit, titulaire d'un LL.M., professeure ordinaire à l'Université de Berne

­

Martin Hess, docteur en droit, avocat, associé de l'étude Wenger & Vieli AG

­

Stefan Kramer, docteur en droit, titulaire d'un LL.M., avocat, associé de l'étude Homburger AG

­

Hans Kuhn, docteur en droit, titulaire d'un LL.M., avocat à Zurich, chargé de cours à l'Université de Lucerne

­

Cornelia Stengel, docteure en droit, associée de l'étude Kellerhals Carrard

­

Hans Caspar von der Crone, professeur, docteur en droit, titulaire d'un LL.M., avocat, professeur ordinaire à l'Université de Zurich et associé de l'étude von der Crone Rechtsanwälte AG

­

Rolf H. Weber, professeur, docteur en droit, avocat, professeur émérite à l'Université de Zurich et consultant chez Bratschi AG

­

Corinne Zellweger-Gutknecht, professeure, docteure en droit, professeure à la HES Kalaidos Law School et privat-docente à l'Université de Zurich

­

Dieter Zobl, professeur, docteur en droit, avocat, notaire, professeur émérite à l'Université de Zurich et consultant chez Homburger AG

En tant qu'expert technique, il a été fait appel à Christian Decker, docteur ès sciences EPF Zurich, chercheur chez Blockstream.

En ce qui concerne la modification du droit sur l'infrastructure des marchés financiers (dans l'ordre alphabétique):

5 6

­

Mirjam Eggen, professeure docteure en droit, titulaire d'un LL.M., professeure ordinaire à l'Université de Berne

­

Martin Hess, docteur en droit, avocat, associé de l'étude Wenger & Vieli AG Le rapport en réponse au postulat Wermuth (18.3159) sera publié après l'adoption du présent message.

Voir les publications de l'Administration fédérale des contributions (AFC), notamment le document de travail du 27 août 2019 sur les cryptomonnaies et les initial coin/token offerings (ICO/ITO), disponible sur: www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct, impôt à la source, taxe d'exemption > Informations spécialisées > Cryptomonnaies (état au 18.10.2019).

231

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­

Stefan Kramer, docteur en droit, titulaire d'un LL.M., avocat, associé de l'étude Homburger AG

­

Reto Künzi, avocat, responsable de l'unité opérationnelle Legal Securities & Exchanges chez SIX Group

­

Luzius Meisser, informaticien et économiste, Meisser Economics AG

1.1.6

Élaboration du projet

Une fois l'avant-projet mis sur pied, l'administration a organisé trois réunions supplémentaires avec des experts afin d'approfondir la question fondamentale des exigences minimales auxquelles doit répondre un registre des droits-valeurs. Les experts scientifiques et techniques suivants ont alors été consultés (dans l'ordre alphabétique): ­

Volkmar Beck, informaticien diplômé, Head Banking Technology chez Swisscom

­

Christian Cachin, professeur, docteur ès sciences, chef du groupe de recherche Cryptographie et sécurité des données à l'Université de Berne

­

Christan Decker, docteur ès sciences EPF Zurich, chercheur chez Blockstream

­

Martin Hess, docteur en droit, avocat, associé de l'étude Wenger & Vieli AG

­

Hans Kuhn, docteur en droit, titulaire d'un LL.M., avocat à Zurich, chargé de cours à l'Université de Lucerne

­

Luzius Meisser, informaticien et économiste, Meisser Economics AG

­

Sven Roth, BA HSG, Chief Digital Officer chez SIX Digital Exchange

­

Cornelia Stengel, docteure en droit, avocate, associée de l'étude Kellerhals Carrard

En ce qui concerne le droit de l'insolvabilité, il a été fait appel à la professeure Corinne Zellweger-Gutknecht, docteure en droit, professeure à la HES Kalaidos Law School et privat-docente à l'Université de Zurich.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

1.2.1

Droit des papiers-valeurs

1.2.1.1

Une approche fondée sur le droit civil

Les informations stockées sur un registre basé sur la technologie des registres distribués (TRD) sont appelées «jetons» dans la pratique7. Du point de vue du droit civil, on peut distinguer deux types de jetons. Les premiers représentent avant tout une 7

232

Rapport sur la TRD, p. 20.

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valeur dans le contexte de la blockchain; ce sont par ex. les cryptomonnaies comme le bitcoin. Selon l'opinion dominante, ces jetons dits «jetons de paiement»8 représentent purement des actifs de fait immatériels. Le droit civil n'oppose aucune exigence (et donc aucun obstacle) à leur transfert. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'adapter le droit civil en ce qui concerne le transfert de cryptomonnaies. La deuxième catégorie concerne les jetons qui représentent des droits (créance, droit social). Ces jetons doivent, selon la volonté de leurs utilisateurs, remplir une fonction comparable à celle que remplissent actuellement les papiers-valeurs. Puisque l'inscription dans un registre accessible aux intéressés est, à l'instar d'un papiervaleur, de nature à assurer leur publicité, il semble justifié de lui attribuer des effets juridiques comparables. Pour des motifs de sécurité juridique, le Conseil fédéral propose d'adapter le droit des papiers-valeurs, tout en en conservant dans la mesure du possible les principes, qui ont fait leurs preuves. Seuls les droits susceptibles d'être titrisés et librement transmissibles pourront être incorporés et transférés de manière numérique. La révision proposée vise à écarter tout risque d'insécurité juridique pour ce qui est du transfert de droits au moyen d'écritures dans des registres électroniques offrant une protection contre les manipulations.

Le Conseil fédéral propose une solution reposant exclusivement sur le droit civil, qui donne aux parties des instruments leur permettant de représenter leurs droits et de les transférer, mais qui leur laisse le soin de régler les détails techniques sur une base contractuelle (respectant ainsi l'autonomie privée). Cette conception juridique fondée sur le droit civil a été soutenue par la grande majorité des participants à la procédure de consultation. Il s'agit aussi d'éviter que l'évolution technique prenne une direction prédéfinie, voulue par l'État, bridant ainsi le développement futur de possibles innovations. C'est pourquoi il n'est prévu de définir dans le code des obligations que les objectifs devant être atteints par un registre pour qu'il soit possible de remplacer un titre traditionnel par un support de données ayant caractère de papier-valeur, tandis que la transposition technique de ces prescriptions
incombera dans une large mesure à la pratique.

Cette approche est compatible avec celle qui fonde le droit des papiers-valeurs, qui lui non plus ne prescrit pas actuellement de conditions spéciales quant à la forme de ces actes. Il n'existe pas non plus à ce jour d'instance chargée de la surveillance de la matérialisation des droits; seule est réglementée le commerce des titres susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché9. Dans la logique de la solution fondée sur le droit civil qui a été choisie, aucun organe étatique de certification ou de surveillance n'a été prévu pour vérifier en amont le respect des exigences minimales concernant les registres de droits-valeurs définies dans le code des obligations. Il incombe en effet en premier lieu aux parties de s'acquitter de cette tâche ou de la déléguer à des tiers par convention.

Le droit civil a pour fonctions de garantir l'autonomie des personnes privées (ermöglichende Funktion) et en même temps d'assurer un équilibre entre leurs intérêts divergents (ausgleichende Funktion). Il s'agit ici de fournir aux parties des instruments qui leur permettent de définir leurs relations juridiques à leur conve8 9

Rapport sur la TRD, p. 49.

Rapport sur la TRD, p. 98 ss.

233

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nance, en assumant sciemment les risques inhérents à leur sphère de responsabilité.

Pour le Conseil fédéral, un contrôle préalable, par un organe indépendant et à l'initiative des parties, des registres de droits-valeurs ou de certains droits-valeurs inscrits (token audit), s'imposera comme standard afin de permettre aux parties de gérer leurs risques. Au surplus, si un grand nombre d'investisseurs sont touchés, les mécanismes de protection prévus par le droit des marchés financiers interviendront eux aussi.

1.2.1.2

Pas de refonte de la loi sur les titres intermédiés

Le Conseil fédéral a donné la préférence à ce modèle fondé sur le droit civil plutôt qu'à une refonte de la loi sur les titres intermédiés (LTI), pourtant demandée par une partie des participants à la procédure de consultation. La LTI est en effet centrée sur l'activité d'intermédiaires financiers dignes de confiance et soumis à une surveillance prudentielle; elle réglemente la comptabilisation des droits par une liste fermée de dépositaires et est axée sur la relation entre les dépositaires et les investisseurs.

En revanche, elle n'affecte aucunement la relation entre les émetteurs et les investisseurs, qui est au centre de la matérialisation des droits (art. 13, al. 1, LTI). Or, de son côté, la technologie des registres distribués est justement caractérisée par le fait qu'il n'y a souvent pas d'organe centralisé digne de confiance qui comptabilise les écritures. Les registres distribués permettent d'une part de représenter des droits en les protégeant contre les manipulations (intégrité) par des moyens techniques. Ils permettent aux parties, d'autre part, de disposer de leurs biens juridiques directement et sans devoir faire intervenir un organe centralisé digne de confiance. Il existe ensuite une seconde raison pour ne pas construire le projet autour des seuls dépositaires soumis à une surveillance prudentielle: en effet, le champ d'application des registres distribués est plus vaste que le seul marché financier et englobe par ex. les systèmes de billetterie, de location de places de stationnement ou de gestion de licences. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a estimé que la solution la plus judicieuse consistait à qualifier les inscriptions dans les registres, soit les jetons, d'instruments assimilables à des papiers-valeurs, et à modifier le droit des obligations en conséquence. Ce choix est également soutenu par la grande majorité des participants à la procédure de consultation. Néanmoins, et pour donner suite à un souhait exprimé à de multiples reprises lors de cette procédure, le projet établit toutefois un lien explicite entre cette nouvelle catégorie de papiers-valeurs et la LTI, ce qui donne lieu à des modifications ponctuelles de cette loi.

1.2.1.3

Contrôle continu des exigences de forme lors de la cession des droits

La présente révision a pour contexte l'essor de la technologie des registres distribués et ses particularités. La gestion en commun et décentralisée des données par des participants multiples permet de représenter des droits et des transactions de manière

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transparente et propre à assurer l'intégrité des données10. Les principes du droit des papiers-valeurs semblent donc se concilier particulièrement bien avec la technologie des registres distribués; cependant le besoin de sécurité juridique est grand dans ce domaine11. Le Conseil fédéral tient donc à mettre en place rapidement une solution légale adaptée pour ces applications. Dans la mesure du possible, le principe de la neutralité technologique a été respecté en mentionnant dans la loi non pas la technologie elle-même, mais uniquement celles de ses caractéristiques qui méritent légitimement de figurer dans le droit des papiers-valeurs. Il est néanmoins concevable que la représentation et le transfert interviennent demain au moyen de technologies radicalement différentes, ne reposant plus par ex. sur un registre. Par ailleurs, la ratification des Règles de Rotterdam12 ­ une convention que la Suisse a signée mais à laquelle elle n'a pas encore adhéré13 ­ entraînerait une dématérialisation des titres représentatifs de marchandises selon des systèmes autres que les registres distribués.

De fait, la création de papiers-valeurs numériques en général et la suppression de l'exigence de la forme écrite pour la cession des droits-valeurs sont deux points qui ont souvent été mentionnés dans le cadre de la procédure de consultation. Ces aspects ont toutefois une portée bien plus étendue que les applications que l'on connaît déjà et ils nécessiteraient donc une analyse plus approfondie. Le Conseil fédéral est prêt à la faire et il examinera donc encore, dans un contexte plus large, la perspective d'une modernisation du droit des papiers-valeurs au regard des possibilités de dématérialisation et, si nécessaire, il proposera ultérieurement un nouveau projet législatif.

Cet examen portera également sur l'exigence de la forme écrite pour la cession de droits (cession; art. 165, al. 1, CO) et, de manière plus générale, sur les exigences de forme pour le transfert de droits.

1.2.2

Droit de l'exécution forcée

Le Conseil fédéral a par ailleurs constaté dans son rapport sur la TRD qu'il n'était pas possible de déterminer de manière définitive si le droit en vigueur permet de revendiquer la restitution de cryptoactifs en cas de faillite. Il a de plus admis qu'il existait un réel besoin de la pratique en matière de revendication de tels biens par des tiers et qu'il serait objectivement justifié de régler cette question dans la loi.

L'idée est d'intégrer à la LP une nouvelle disposition qui crée, sous certaines conditions, un droit à la restitution de cryptoactifs. Les participants à la procédure de consultation ont presque tous exigé que l'on prévoie une possibilité de revendication pour les «cryptoactifs» en général, afin d'éviter des difficultés dans la délimitation des différentes catégories de jetons. La critique a aussi été pratiquement unanime au sujet de l'attribution individuelle et permanente des valeurs dans le registre, posée comme préalable à la revendication. De l'avis des participants, ce critère fait obs10 11 12 13

Rapport sur la TRD, p. 18 ss Rapport sur la TRD, p. 67 s Convention des Nations Unies du 11 décembre 2008 sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer.

Voir la question de Courten 14.1004 du 17 mars 2014 (Ratification des règles de Rotterdam) et l'état des ratifications, sous: https://uncitral.un.org/fr > rechercher «Règles de Rotterdam» > cliquer sur «Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international [...]» («Règles de Rotterdam» > État.

235

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tacle à des solutions de dépôt appropriées et sûres sur des comptes globaux; il a souvent été cité comme possible désavantage comparatif pour la place suisse. En raison des critiques et des remarques pertinentes sur le fond émises lors de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a maitenant renoncé à subordonner l'émission des biens à leur attribution individuelle et permanente dans le registre.

Lors de l'élaboration du projet, la FINMA avait émis des doutes quant à la réglementation désormais proposée. Selon elle, l'acceptation de dépôts du public, la conservation consécutive des fonds d'épargne et les services du domaine du trafic des paiements qui y sont liés ne représentent pas uniquement une base du financement des banques suisses, mais sont aussi des éléments fondamentaux du système financier suisse dans son ensemble. La FINMA relève que de nos jours ces activités sont exercées principalement par des banques et dans des monnaies officielles, mais qu'il est probable qu'à l'avenir des services équivalents sur le plan économique et fonctionnel soient aussi proposés dans des cryptomonnaies. De l'avis de la FINMA, il faut considérer d'un oeil critique toute inégalité de traitement spécifique à une technologie dans la réglementation générale. Elle estime que l'inégalité de traitement juridique proposée ici entre les monnaies officielles et les cryptomonnaies pourrait avoir des conséquences indésirables importantes sur le système financier et, ainsi, sur le système économique. Il est capital, selon elle, de respecter le principe de la neutralité technologique, généralement appliqué dans le droit des marchés financiers et unanimement accepté. La FINMA est résolument opposée à la solution proposée pour les raisons suivantes: ­

236

La discussion sur la possibilité de revendication des cryptoactifs du droit de la faillite et la possibilitié de distraction des cryptoactifs du droit bancaire se situe à la frontière entre les revendications du droit de la faillite (inscrites dans la LP), la soumission prudentielle (ou non) d'activités à la loi sur les banques et les conséquences pour les entreprises qui sont déjà soumises à une surveillance (essentiellement sous la forme d'exigences en matière de fonds propres pour les banques). La question de la revendication des cryptoactifs dans une faillite détermine qui doit obtenir une autorisation de la FINMA et doit être surveillé au regard du droit des marchés financiers, et quelles exigences prudentielles doivent être posées au titulaire de l'autorisation: lorsqu'un actif peut être revendiqué de la masse de la faillite, il n'y a pas de dépôt du public et donc pas d'obligation d'autorisation selon la loi sur les banques ni de surveillance de la FINMA. Il existe donc une forte interaction logique entre la possibilité de revendiquer des crytoactifs dans une faillite et l'obligation d'autorisation du droit bancaire. Contrairement à la monnaie scripturale, les cryptomonnaies peuvent être acceptées désormais à des conditions nettement assouplies. De l'avis de la FINMA, les risques actuels et nouveaux pour les clients et le système financier dans son ensemble ne peuvent plus être gérés aisément. L'inégalité de traitement des cryptomonnaies et des monnaies officielles ne tient pas compte du potentiel des cryptoactifs, qui pourraient constituer plus qu'une niche à l'avenir et revêtir une importance économique plus grande qu'aujourd'hui. Compte tenu des objectifs de la réglementation des marchés financiers, c'est-à-dire de la protection du système et des clients, la FINMA estime qu'il n'est pas justifié de privi-

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légier les cryptomonnaies par rapport aux monnaies officielles et d'exposer ainsi le système financier et les clients à des risques.

­

La FINMA est favorable en revanche à la proposition initiale du projet soumis à la consultation, qu'elle juge équilibrée. Cette proposition prévoit que seules les cryptomonnaies qui peuvent être attribuées individuellement au client sur la blockchain peuvent être revendiquées en cas de faillite dans le nouveau droit. La FINMA estime qu'une telle réglementation se justifie du fait de l'attribution univoque créée spécialement par la technologie de la blockchain et du caractère infalsifiable de telles écritures. Si au contraire les cryptomonnaies étaient réunies et mélangées dans des portefeuilles numériques du prestataire financier, puis attribuées uniquement dans la comptabilité interne de l'institution et donc en dehors d'une blockchain (ce qui est toujours le cas aujourd'hui de la monnaie scripturale dans les banques), cet avantage technologique serait perdu. Par conséquent, la FINMA considère que dans pareils cas les cryptomonnaies doivent être traitées de la même manière sur le plan légal que les monnaies officielles. Hormis le thème fondamental de l'égalité de traitement par rapport aux monnaies officielles, la FINMA renvoie aussi à la réglementation problématique prévue dans le projet selon laquelle elle peut fixer dans certains cas un montant maximal de cryptoactifs qu'une institution peut accepter. Elle souligne qu'un montant maximal limiterait considérablement l'liberté économique de l'institution et devrait donc, au regard de l'état de droit et pour des raisons de sécurité juridique, être fixé dans un acte au niveau légal et non au cas par cas dans une décision d'autorité.

Le Conseil fédéral juge cette argumentation peu convaincante. D'une manière générale, une revendication claire des cryptoactifs en cas d'insolvabilité du dépositaire sert à protéger le client, en particulier en combinaison avec la garantie d'une surveillance au sens du droit des marchés financiers du dépositaire à travers la FINMA.

Dans l'optique de la protection des clients, le fait que les biens soient conservés sur un compte individuel ou global n'a aucune espèce d'importance. Ce qui importe vraiment, c'est le respect de l'obligation qui s'applique à toutes les formes de dépôt, à savoir qu'il faut détenir en tout temps le nombre d'unités du bien dû au client. En conservant les jetons à une adresse collective, la sécurité pourra même être supérieure pour le client, car ce n'est pas la totalité des jetons de l'ensemble des clients qui devra être accessible en permanence. Une partie des jetons auxquels il ne faut accéder que rarement, voire jamais, pourra en effet être conservée de manière plus sécurisée et avec des droits d'accès qualifiés. Sous l'aspect de la sécurité technique, il convient donc d'autoriser cette forme de conservation. Le Conseil fédéral estime que la question de l'obligation d'assujettissement du droit des marchés financiers doit être réglée d'une manière générale dans le droit des marchés financiers et non dans le droit civil. C'est pourquoi il prévoit dans sa proposition que l'acceptation de certains cryptoactifs sera soumise à l'avenir à une obligation d'autorisation selon la loi sur les banques et que la FINMA pourra, pour limiter les risques, fixer un montant maximal pour les cryptoactifs détenus par une banque ou une personne visée à l'art. 1b LB (voir à ce sujet les ch. 4.1.5 et 5.5).

237

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Parallèlement, il a envisagé dans son rapport sur la TRD la création d'une base légale permettant de fonder un accès aux données qui sont contrôlées par la masse de la faillite et auxquelles une personne peut se dire personnellement attitrée. Le projet prend aussi en compte ces considérations.

1.2.3

Droit des marchés financiers

Les applications fondées sur la TRD peuvent présenter de nombreux points de contact avec le droit des marchés financiers, et plus précisément avec le droit bancaire, le droit sur l'infrastructure des marchés financiers, le droit des placements collectifs, le droit des assurances ainsi que les futures lois sur les services financiers14 et sur les établissements financiers15. Les objectifs du droit des marchés financiers, comme assurer le bon fonctionnement des marchés financiers et protéger la clientèle, s'appliquent aussi bien aux sociétés recourant à la TRD qui sont actives dans le secteur financier qu'à tous les autres acteurs financiers. Le Conseil fédéral ne voit actuellement dans le droit des marchés financiers aucun problème fondamental concernant spécifiquement les applications fondées sur la TRD et nécessitant des modifications en profondeur. Fondamentalement, le droit suisse des marchés financiers est neutre sur le plan technologique et ainsi adapté aux nouvelles technologies.

Des adaptations ciblées paraissent cependant judicieuses dans certains domaines. En particulier, le présent projet de loi propose, dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers, une nouvelle catégorie d'autorisation pour les fournisseurs d'infrastructures dans le domaine de la TRD, gage de flexibilité supplémentaire pour mieux satisfaire aux exigences des applications fondées sur la TRD. Une flexibilisation complémentaire pour les maisons de titres (ancien nom: négociants en valeurs mobilières) doit avoir lieu à travers une adaptation de la future loi sur les établissements financiers. En outre, à la lumière de la proposition susmentionnée d'adaptation de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite 16, il est proposé une adaptation des dispositions légales sur l'insolvabilité des banques (notamment dans le domaine de la distraction des valeurs déposées), et le champ d'application des dispositions de l'art. 1b LB est adapté dans ce contexte.

Au vu des avis formulés dans le cadre de la consultation, il a été procédé au réexamen de l'introduction d'un domaine non soumis à réglementation dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers et d'une flexibilisation plus poussée des exigences fixées pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD tels qu'ils sont proposés.
L'introduction d'un domaine non soumis à réglementation dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers a déjà été examinée et rejetée dans le rapport sur la TRD17. Dans ce document, le Conseil fédéral a souligné que l'attractivité de la Suisse en ce qui concerne les projets en rapport avec la blockchain et la TRD dépend de la mise en place d'un cadre réglementaire ciblé et adapté en faveur de ces projets.

14 15 16 17

238

FF 2018 3733 RO 2018 5247 RS 281.1 Rapport sur la TRD, p. 114 s.

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Il a indiqué qu'il lui semblait plus approprié de relever de manière ciblée les défis propres aux applications blockchain/TRD dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers au moyen d'adaptations spécifiques (et non au moyen d'un domaine non soumis à réglementation). Considérant le droit sur l'infrastructure des marchés financiers, il confirme ce point de vue. Pour le Conseil fédéral, la Suisse doit se positionner comme une place économique attrayante en misant sur la sécurité juridique, une réglementation efficace et sa bonne réputation. Un cadre juridique propice à l'innovation ne saurait être synonyme d'environnement dérégulé. Au contraire, la sécurité juridique est indissociable de règles appliquées systématiquement.

Pour s'imposer durablement sur le marché, une technologie doit offrir une valeur ajoutée sur le long terme, en se confrontant à la concurrence des solutions déjà en place tout en étant soumise à des règles comparables. Afin de mieux tenir compte de la demande exprimée lors de la consultation, il a été précisé dans le projet que seule l'exploitation d'un système de négociation fondé sur la TRD à titre professionnel nécessitera une autorisation (pour de plus amples détails, voir ch. 4.1.10 ci-dessous).

À la suite de la consultation, il a également été examiné une flexibilisation plus poussée des exigences réglementaires fixées pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. À l'instar de l'avant-projet, le projet prévoit des allégements réglementaires. S'il est vrai que des allégements encore plus poussés permettraient d'exploiter davantage le potentiel d'innovation, ils mettraient aussi en péril les objectifs de protection du droit des marchés financiers, créeraient une inégalité concurrentielle par rapport aux acteurs déjà sur le marché, favoriseraient l'arbitrage réglementaire et risqueraient de porter atteinte à la réputation de la place financière suisse. Inversement, un durcissement des exigences réglementaires applicables aux systèmes de négociation fondés sur la TRD ­ tel qu'il a été réclamé par quelques participants à la consultation ­ irait à l'encontre de l'objectif visé par la réglementation envisagée. Pour le Conseil fédéral, la réglementation proposée constitue un bon compromis tenant compte de manière appropriée aussi bien des objectifs de protection
relevant du droit des marchés financiers que des possibilités de mettre en oeuvre des modèles d'affaires innovants.

Les autres modifications du droit des marchés financiers auxquelles il y aura lieu le cas échéant de procéder seront examinées ultérieurement:

18 19

­

Ainsi, l'utilisation de la TRD dans le domaine du droit des placements collectifs n'en est qu'à ses débuts, si bien qu'il est trop tôt pour évaluer avec certitude les mesures qu'il conviendrait de prendre. Certains besoins spécifiques du domaine de la TRD pourraient si nécessaire être intégrés à la révision partielle de la loi sur les placements collectifs (LPCC)18, que le Conseil fédéral a mise en consultation en juin 201919.

­

Idem dans le domaine de l'assurance, où nombre de projets liés à la TRD en sont toujours à leurs premiers balbutiements. À ce jour, il ne semble pas nécessaire d'agir sur le droit des marchés financiers. Il est toutefois impossible RS 951.31 Voir communiqué du Conseil fédéral du 26 juin 2019, disponible sur: www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral ouvre la consultation relative à l'instauration d'un nouveau type de fonds.

239

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d'évaluer la situation de manière définitive. Le Conseil fédéral suivra de près les développements dans ce secteur.

­

Dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers, les modifications proposées se focalisent sur les mesures les plus urgentes (voir ch. 4.1.10 ci-dessous). Le réexamen, annoncé par le Conseil fédéral, de la loi sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF)20 permettra d'analyser d'autres propositions qui n'ont pas été prises en compte dans le projet. Certaines d'entre elles, exprimées lors de la consultation et d'une portée considérable, peuvent se répercuter sur l'ensemble du droit sur l'infrastructure des marchés financiers (par ex. des allégements réglementaires applicables à toutes les infrastructures des marchés financiers) ou concerner des domaines entiers (par ex. de nouvelles possibilités d'opt-in pour la publicité des participations et pour les offres publiques d'acquisition). Le réexamen précité de la LIMF dans les prochaines années devra intervenir de toute façon, ne serait-ce que parce que se dessinent des développements internationaux (par ex. dans l'UE) et technologiques (par ex. dans le domaine de la Fintech) qui pourraient justifier une révision du texte. Le DFF a mis sur les rails cette révision en 201921.

­

Concernant la future loi sur les services financiers, le Conseil fédéral ne voit actuellement aucun besoin de la modifier pour tenir compte de la TRD, à l'exception d'une adaptation technique de la définition légale des valeurs mobilières, nécessaire pour des raisons de cohérence (voir ch. 4.1.6). Les exigences prévues, par ex. en ce qui concerne l'information des clients, sont particulièrement indiquées pour les instruments financiers fondés sur la TRD, car ceux-ci sont nouveaux et parfois difficiles à évaluer, et leur valeur est susceptible de fortement fluctuer.

1.3

Relation avec le programme de la législature et le plan financier ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet ne figure ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201922 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201923.

Le plan d'action «Suisse numérique» contient les mesures que l'administration fédérale doit mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de la stratégie «Suisse numérique». À ce titre, le groupe de travail Blockchain/ICO est chargé d'évaluer le

20 21

22 23

240

RS 958.1 Voir communiqué du Conseil fédéral du 14 septembre 2018, disponible sur: www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral prolonge le délai transitoire pour la déclaration des opérations sur dérivés par les petites contreparties non financières.

FF 2016 981 FF 2016 4999

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cadre juridique pour les applications de la technologie de la blockchain spécifiques au secteur financier.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

Lors de la consultation, le projet a reçu un accueil globalement positif. Les participants ont notamment approuvé la proposition visant à adapter ponctuellement le cadre juridique aux développements en lien avec les registres électroniques distribués plutôt que de procéder par la voie d'une loi ad hoc. Ont principalement été commentées les dispositions relatives aux papiers-valeurs, à l'insolvabilité et à l'infrastructure des marchés financiers (voir aussi le rapport sur les résultats de la consultation).

Tous les participants ou presque ont accueilli favorablement la proposition de créer un instrument de droit civil assimilable à des papiers-valeurs afin de permettre le transfert des droits dans des registres électroniques offrant une protection contre les manipulations. La plupart d'entre eux ont toutefois estimé que l'avant-projet n'était pas suffisamment neutre du point de vue de la technologie, en particulier à cause de l'utilisation des notions de «registre électronique distribué» et de «droit-valeur d'un registre distribué». Dans leur très grande majorité, ils ont aussi rejeté l'inscription dans le droit des papiers-valeurs de la possibilité de fixer par voie d'ordonnance les exigences techniques minimales applicables aux registres. Sans être opposés à la définition d'exigences minimales pour les registres, ils estiment que celles-ci devraient figurer dans la loi. Elles devraient aussi être limitées au strict minimum afin de laisser à la pratique le soin de transposer techniquement des dispositions se bornant à fixer des principes. Seules quelques voix ont proposé qu'une autorité publique contrôle et certifie préalablement les registres. Les effets de l'enregistrement des droits qui ont été proposés dans l'avant-projet ont recueilli une adhésion quasi unanime. Les participants à la procédure de consultation se sont aussi prononcés majoritairement en faveur d'une responsabilité du débiteur en cas de préjudice causé au créancier, mais en demandant que cette responsabilité soit alignée sur le modèle de l'obligation de publier un prospectus inscrite dans la loi fédérale sur les services financiers et ne s'applique que lorsque le débiteur a informé le créancier de manière incomplète ou inexacte, en violation de ses obligations. Enfin, de nombreux participants à la consultation ont également
exigé un lien avec la loi sur les titres intermédiés, afin qu'il soit possible de créer des titres intermédiés sur la base des nouveaux droits-valeurs inscrits dans un registre.

Les modifications du droit de la faillite proposées dans l'avant-projet ont été approuvées par la quasi-unanimité des participants à la procédure de consultation, qui se félicitent notamment de la possibilité de revendiquer les cryptomonnaies et la nouvelle catégorie de papiers-valeurs, de même que de la mise en place d'un droit d'accéder aux données en général. Ils ont cependant presque tous demandé que soit prévue une possibilité de revendication pour les cryptoactifs en général, afin de prévenir toute difficulté dans la délimitation des différentes catégories de jetons. Ils ont d'autre part été presque unanimes à critiquer que l'attribution individuelle et permanente des valeurs dans le registre soit considérée dans l'avant-projet comme 241

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un préalable à la revendication, estimant que ce critère ferait obstacle à des solutions de dépôt appropriées et sûres sur des comptes globaux, nombreux étant ceux qui y voient un possible désavantage concurrentiel pour la Suisse. De nombreuses voix ont signalé qu'il suffisait que les actifs conservés pour le compte de clients soient séparés des actifs propres et qu'ils puissent être attribués aux clients d'une autre manière. La règle proposée pour la prise en charge des coûts, à savoir que les coûts de la revendication doivent être supportés par les requérants, a enfin été saluée par la grande majorité des participants.

La nouvelle catégorie d'autorisation prévue dans la LIMF (système de négociation fondé sur la TRD) a reçu un accueil favorable d'une grande majorité de participants, non sans faire l'objet de critiques isolées. Le principe d'une plus grande flexibilité a été approuvé, en particulier la possibilité de fournir directement des services d'infrastructure à la clientèle privée ainsi que la reconnaissance de la convergence des services de négociation et de post-négociation rendue possible par la TRD. Une majorité de participants estiment que les exigences réglementaires de conception modulaire proposées pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD sont trop lourdes tandis que les allégements sont insuffisants. À l'opposé, certains participants ont critiqué le principe même des allégements réglementaires. Plusieurs participants ont par ailleurs réclamé la création d'un espace exempt d'autorisation (sandbox) pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD et ont demandé que l'obligation d'obtenir une autorisation soit limitée aux systèmes de négociation fondés sur la TRD exploités à titre professionnel. Il a enfin été proposé de vérifier l'efficacité de la nouvelle réglementation en matière d'infrastructure des marchés financiers après son entrée en vigueur.

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

3.1

Considérations préliminaires

S'agissant des applications fondées sur la TRD, les législations nationales et la pratique des autorités sont très variables, et il est difficile de faire une comparaison en se limitant à un point en particulier. D'une part, plusieurs pays sont dans ce domaine dans un processus dynamique d'adaptation et de développement de leur droit. D'autre part, certaines questions juridiques ne peuvent être considérées séparément les unes des autres, et doivent au contraire l'être comme les parties d'un tout.

C'est ainsi, par ex., que le traitement des cryptoactifs sous l'angle du droit de l'insolvabilité dépend régulièrement aussi de la manière dont ces valeurs patrimoniales sont classées dans les droits réels du pays concerné. En outre, dans certaines juridictions nationales, le traitement sous l'angle des droits réels et du droit de l'insolvabilité peut se répercuter sur le traitement des cryptoactifs au sens du droit des marchés financiers; cette relation n'est cependant pas obligatoire. Ces interdépendances entre différents domaines juridiques rendent difficile une comparaison limitée à une question en particulier. Aussi la vue d'ensemble ci-après ne fournit-elle

242

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que quelques exemples ponctuels et ne peut-elle prétendre à l'exhaustivité.24 Elle donne cependant un aperçu des solutions qui ont été choisies notamment dans les pays voisins de la Suisse et aide à situer le projet sur le plan international.

3.2

Classement des jetons sous l'angle du droit civil et du droit des marchés financiers

En ce qui concerne les approches adoptées à l'étranger, on peut distinguer entre les systèmes où les applications fondées sur la TRD sont insérées dans un cadre juridique existant et traitées à l'aide de notions juridiques connues, et ceux où des dispositions sont créées spécifiquement pour ces applications. Il est également possible d'opérer une distinction entre les différentes solutions en fonction de l'approche choisie (selon qu'elle privilégie par ex. plutôt le droit civil ou plutôt le droit des marchés financiers).

3.2.1

Pas de réglementation spécifique, mais observation par les autorités de surveillance des marchés financiers

Nombreuses sont les juridictions qui ne prévoient pour l'instant aucune réglementation spécifique pour les applications fondées sur la TRD. C'est par ex. le cas de l'UE, où le traitement sous l'angle du droit des marchés financiers des jetons et des activités liées à l'économie des jetons reste l'affaire des États membres et de leurs autorités. Les applications fondées sur la TRD sont touchées par la réglementation de l'UE sur les marchés financiers pour autant que les jetons concernés constituent un instrument financier ou de la monnaie électronique au sens des règlements actuels de l'UE concernant les marchés financiers. Mais comme les notions d'«instruments financiers» et de «monnaie électronique» n'ont pas été définies de façon identique dans tous les États membres de l'UE, cela se traduit actuellement dans l'UE par une fragmentation des exigences réglementaires pour les applications fondées sur la TRD25. Dans ce contexte, l'AEMF a par ex. demandé que ces questions soient précisées par le droit de l'UE26. Par ailleurs, des travaux de fond sur les cryptoactifs se poursuivent dans l'UE. L'AEMF et l'Autorité bancaire européenne (ABE) vont ainsi notamment procéder à de nouvelles enquêtes concernant le traitement juridique des cryptoactifs (y compris les stable coins) dans les États membres de l'UE27. Pour sa part, la Commission européenne examine l'opportunité de créer 24 25

26 27

Concernant les développements internationaux relatifs à la réglementation des cryptoactifs, voir notamment Weber/Baisch (2019).

Cf. AEMF, Advice on Initial Coin Offerings and Crypto Assets, rapport du 9 janvier 2019, disponible sur: www.esma.europa.eu > Press & News > ESMA News > CryptoAssets need common EU-wide approach to ensure investor protection (communiqué du 9.1.2019 [état au 23.8.2019]).

Voir note 25.

AEMF/ABE, Joint EBA ESMA response to the letter of 19 July 2019 on crypto-assets, lettre du 20 août 2019, disponible sur: www.esma.europa.eu > Press & News (état au 26.8.2019).

243

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une nouvelle réglementation pour les cryptoactifs qui ne sont actuellement pas pris en compte par le droit de l'UE28.

Aux États-Unis, il n'existe pas non plus de législation spécifique se rapportant à la TRD à l'échelon fédéral, mais certains États (par ex. New York) ont adopté des règles concernant les applications fondées sur la TRD ou certains aspects de ces dernières. Il est vrai que, au niveau fédéral, les États-Unis interprètent dans un sens large la notion de valeur mobilière. La Securities and Exchange Commission (SEC) a ainsi traité de nombreux jetons comme valeurs mobilières, avec les conséquences juridiques que cela implique, en matière de droit de la surveillance notamment, et elle a publiquement affirmé cette approche. De son côté, la U.S. Commodity Futures Trading Commission (CFTC) considère certains jetons comme des matières premières et leur applique en conséquence les règles applicables dans ce domaine.

Ainsi, en ce qui concerne les applications fondées sur la TRD, on ne sait trop s'il faut assimiler les jetons à des valeurs mobilières (security) ou à des matières premières (commodity). En outre, les États-Unis connaissent le même problème que l'UE est confrontée: les dispositions réglementaires de l'État fédéral interfèrent avec celles des États fédérés.

Le Royaume-Uni, autre place financière de premier plan, ne possède pas, elle non plus, de réglementation spécifique en matière de TRD. Ses autorités de surveillance s'assurent au cas par cas de la bonne application du droit des marchés financiers.

3.2.2

Réglementation spécifique

Un nombre croissant de pays se dotent d'instruments destinés à promouvoir l'essor des cryptoactifs, tout en limitant les risques associés. Certains d'entre eux privilégient une approche fondée sur le droit des marchés financiers: ­

Au Japon, les plates-formes d'échange de monnaies virtuelles sont réglementées depuis 2017 par la loi relative aux services de paiement. Outre l'obligation d'obtenir une autorisation, ces plates-formes sont soumises à diverses exigences, en matière de sécurité notamment.

­

En France, une ordonnance de décembre 2017 a établi l'utilisation des systèmes blockchain dans le domaine des services financiers29. Un décret de décembre 2018 autorise le recours à la technologie blockchain pour la tenue de comptes de titres et la transmission de certains papiers-valeurs. La loi PACTE d'avril 2019 crée quant à elle un cadre pour les ICO et les prestataires de services sur actifs numériques. Elle contient notamment un visa optionnel pour certaines ICO.

28 29

244

Voir www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2019-002268-ASW_EN.pdf (état au 28.8.2019).

Ordonnance no 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers, disponible sur: www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036171908.

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­

Le Luxembourg, avec la loi concernant la circulation de titres30 (art. 18bis, introduit avec la modification de loi du 1er mars 201931), permet lui aussi la tenue de comptes-titres au sein ou au moyen de dispositifs d'enregistrement électroniques sécurisés, y compris de registres ou bases de données électroniques distribués.

­

Le gouvernement du Liechtenstein a adopté en mai 2019 une proposition de loi sur les jetons et les fournisseurs de technologies fiables (TVTG) 32 et l'a transmise au Landtag de la principauté. Ce dernier l'a adoptée à l'unanimité le 3 octobre 2019, l'entrée en vigueur étant prévue pour le 1 er janvier 202033.

Le Liechtenstein entend créer ainsi, pour les systèmes de transactions fondés sur la blockchain ou les technologies analogues et pour les activités exercées au moyen de ces systèmes, un cadre juridique spécifique qui devra notamment préciser les droits sur les droits-valeurs transférés par ce moyen.

­

En Allemagne, le gouvernement fédéral a adopté le 18 septembre 2019 une stratégie en matière de blockchain34 qui prévoit notamment l'introduction de papiers-valeurs électroniques par l'intermédiaire de la blockchain ­ une innovation que le Ministère fédéral des finances et le Ministère fédéral de la justice et de la protection des consommateurs avaient déjà laissé entrevoir dans un document du 7 mars 2019 exposant les questions clés concernant le traitement réglementaire des papiers-valeurs électroniques et des jetons cryptographiques35. Cependant, cette étape doit provisoirement rester limitée aux titres de créance (papiers-valeurs tels qu'obligations et emprunts qui matérialisent des créances produisant des intérêts), l'introduction de l'action électronique étant pour le moment ajournée. Le gouvernement fédéral a en outre annoncé un projet de loi relatif à la réglementation de l'offre publique de certains jetons cryptographiques.

Au-delà de l'action législative, plusieurs autorités étrangères de surveillance des marchés financiers ont également répondu à des questions pratiques en relation avec les applications fondées sur la TRD (notamment avec les initial coin offerings, ou ICO)36.

30 31

32

33 34 35

36

Loi du 1er août 2001 concernant la circulation de titres et d'autres instruments fongibles, disponible sur: http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/2001/08/01/n9/jo.

Loi du 1er mars 2019 portant modification de la loi modifiée du 1er août 2001 concernant la circulation de titres, disponible sur: http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/2019/03/01/a111/jo.

Regierung, Bericht und Antrag an den Landtag betreffend die Schaffung eines Gesetzes über Token und VT-Dienstleister (Token- und VT-Dienstleister-Gesetz; TVTG) und die Abänderung weiterer Gesetze, 7 mai 2019, BuA 054/2019, LNR 2019-510.

www.regierung.li/de/mitteilungen/222957/?typ=news www. bundesfinanzministerium.de/Content/DE/Standardartikel/ Themen/Digitalisierung/2019-09-18-Blockchain.html www.bundesfinanzministerium.de/Content/DE/Gesetzestexte/Gesetze_Gesetzesvorhaben/ Abteilungen/Abteilung_VII/19_Legislaturperiode/2019-03-07-EckpunktepapierWertpapiere-Krypto-Token/2019-03-07-Eckpunktepapier-regulatorische-Behandlungelektronische-Wertpapiere-Krypto-Token.pdf?__blob=publicationFile&v=7 Une vue d'ensemble des informations publiées par une sélection d'autorités de surveillance des marchés financiers se trouve dans le rapport de consultation de l'OICV «Risks and Regulatory Considerations Relating to Crypto-Asset Trading Platforms» du 28 mai 2019, disponible sur: www.iosco.org > Publications > Public Reports (état au 28.8.2019).

245

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3.2.3

Interdiction de services spécifiques

Un petit nombre de pays interdisent certains services fondés sur la TRD. La Chine a par ex. adopté des mesures visant à limiter la diffusion des jetons. Depuis la fin de 2017, les ICO y sont officiellement interdites, et de nombreuses bourses d'échange ont été contraintes de fermer.

3.3

Traitement des jetons sous l'angle du droit de l'insolvabilité

S'agissant de la revendication des cryptoactifs dans le cadre de l'insolvabilité, une étude de droit comparé a été établie par Corinne Zellweger Gutknecht, docteure en droit, professeure à la HES Kalaidos Law School et privat-docente à l'Université de Zurich, et par Jeremy Bacharach, titulaire du brevet d'avocat, assistant et doctorant au Centre de droit bancaire et financier de l'Université de Genève. Cette étude conclut ce qui suit.

3.3.1

Liechtenstein

Le Liechtenstein connaît des règles spéciales en matière de revendication notamment lorsqu'il existe des rapports fiduciaires au sens des art. 897 ss du Personenund Gesellschaftsrecht (PGR) du 20 janvier 192637 ainsi que dans la faillite de banques, d'entreprises d'investissement et d'autres établissements au sens de l'art. 2 du Gesetz über die Banken und Wertpapierfirmen (Bankengesetz; BankG) du 21 octobre 199238. La TVTG39 que le Landtag de la Principauté a adoptée le 3 octobre 2019 est destinée à régir exhaustivement l'économie des jetons.

Le traitement des cryptoactifs et des clés privées en cas d'insolvabilité de fournisseurs de technologies fiables est réglé à l'art. 25 TVTG: les ayants droit peuvent les revendiquer pour autant qu'ils aient été conservés séparément des actifs d'exploitation du fournisseur de technologies concerné. Une séparation purement comptable n'est pas suffisante. La loi n'exige pas de séparation individuelle par client. Une réglementation pour le cas de découvert (par ex. analogue à l'art. 915 PGR pour la fiducie ou à l'art. 56c BankG) fait cependant défaut. Reste donc à savoir s'il serait possible et comment, d'autoriser un recours privilégié aux fonds propres du dépositaire.

37 38 39

246

Personen- und Gesellschaftsrecht (PGR) du 20 janvier 1926, SR 216.0, Landesgesetzblatt 1926 no 004.

Gesetz über die Banken und Wertpapierfirmen (Bankengesetz; BankG) du 21 octobre 1992, SR 952.0, Landesgesetzblatt 1992 no 108.

Voir note de bas de page 34.

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3.3.2

Luxembourg

Au Luxembourg, l'art. 567 du Code de commerce (CC) règle la revendication dans le cadre de la faillite40. Lors d'une réforme opérée en 2013, l'al. 2, notamment, a été reformulé. Depuis lors, même des valeurs patrimoniales immatérielles non fongibles peuvent expressément être revendiquées par le «propriétaire» ainsi que par le fiduciant, à leurs frais. La condition est que les valeurs puissent être séparées lors de l'ouverture de la procédure. Si une valeur a été revendue par le débiteur, il est possible de réclamer la contre-valeur encore disponible dans sa fortune (al. 3).

La réforme visait notamment la prise en compte de l'informatique en nuage (Cloud Computing), sans prise en compte particulière des cryptoactifs, encore peu répandus à l'époque. La question de savoir si certains cryptoactifs pourraient le cas échéant être qualifiés de fongibles et ainsi être exclus du champ d'application de l'art. 567, al. 2, CC, n'est donc pas résolue.

Jusqu'à présent, une distraction n'est assurée que dans les cas où des «papiers»valeurs dématérialisés sont comptabilisés dans un registre distribué par un dépositaire réglementé: s'applique alors la loi concernant la circulation de titres41 (voir en particulier l'art. 18bis), qui contient une réglementation particulière en matière de revendication et des prescriptions pour les cas de découvert (art. 7).

3.3.3

Angleterre et Pays de Galles

Si l'Angleterre et le Pays de Galles ne connaissent pas à ce jour de dispositions spécifiques dans ce domaine, leur jurisprudence a tendance à traiter les cryptoactifs comme une personal property spécifique. C'est ainsi qu'en août 2019 la High Court of Justice a rendu un arrêt sur des mesures provisionnelles dans lequel les droits réels d'un plaignant auquel des bitcoins avaient été soustraits ont (provisoirement) été protégés42. Auparavant, des arrêts analogues avaient déjà été rendus au Canada et à Singapour, deux juridictions elles aussi soumises à la Common Law43. La Singapore International Commercial Court a notamment statué que des cryptoactifs pouvaient être objet de propriété (property) en conservation fiduciaire44.

40 41 42

43 44

Loi du 15 septembre 1807 relative au Code de commerce, Bulletin des lois n o 164, loi no 2804.

Voir note de bas de page 32.

L'arrêt lui-même a été publié. Voir Brick Court Chambers, High Court grants asset preservation order over Bitcoin taken via spear-phishing attack, 8 août 2019, Stewarts, A Bitcoin first? Stewarts obtains asset preservation order over cryptocurrency, 20 août 2019; en détail Sousou 2019.

Shair.Com Global Digital Services Ltd. v Arnold, 2018 BCSC 1512 (BCSC) ainsi que Copytrack Pte Ltd v Wall, 2018 BCSC 1709.

B2C2 Ltd v Quoine Pte Ltd [2019] SGHC(I) 03, N 142.

247

FF 2020

Cette tendance concorde avec une partie de la doctrine45 et est également décelable dans les discours du président de la High Court46. Elle pourrait bien se renforcer à l'avenir, à moins que la UK Jurisdiction Taskforce du LawTech Delivery Panel47 ne crée la surprise en adoptant une position conservatrice dans son rapport d'audition.

3.3.4

États-Unis

Les États-Unis ne connaissent pas à proprement parler de droit spécifique en matière de revendication. En cas d'insolvabilité d'un dépositaire, le droit à la restitution est donc réglé sur la base, d'une part, de la nature juridique de la valeur patrimoniale en question, et d'autre part, de la relation juridique entre dépositaire et créancier. La doctrine ainsi que l'arrêt (provisoire) d'une cour de district indiquent que les cryptoactifs peuvent en principe être objet de property48.

En revanche, une restitution est refusée en cas de general deposit, formule dans laquelle le dépositaire a les pleins droits sur le cryptoactif. Pour que le créancier ne perde pas les pleins droits et que l'existence d'un specific deposit puisse être constatée, le dépositaire doit conserver les cryptoactifs de ses créanciers séparément de ses propres actifs. Une séparation individuelle par créancier n'est en revanche pas nécessaire49.

Enfin, des droits particuliers à la restitution existent lorsqu'il y a un trust, un bailment ou une conservation au sens de l'art. 8 UCC (broker-dealer ou financial asset ou élection de droit). Dans un tel cas, lorsqu'il y a un découvert, les créanciers assument la perte proportionnellement à leurs droits aux cryptoactifs d'une catégorie donnée50.

45 46

47 48

49 50

248

Sarra/Gullifer 2019: 233, 242; Fox 2019: N 6.01, 6.28 ss; d'un autre avis en dernier lieu Gleeson 2018: N 9.04 ss; et indécis Chesley/Fernando 2019: 20 ss.

Vos Geoffrey Charles, Chancellor of the High Court, Lecture, Cryptoassets as property: how can English law boost the confidence of would-be parties to smart legal contracts?

Lecture to the Joint Northern Chancery Bar Association and University of Liverpool, 2 mai 2019; Vos Geoffrey Charles, Chancellor of the High Court, Judicial diversity and LawTech: Do we need to change the way we litigate Business and Property Disputes?

Speech to Chancery Bar Association Annual Conference, 18 janvier 2019.

www.lawsociety.org.uk/news/stories/cryptoassets-dlt-and-smart-contracts-ukjtconsultation/ Chu 2018: 2323, 2344 s.; Deppert 2015: 123, 130.; Hansen/Boehm 2017: 7 ss avec d'autres références; Kasolas v. Lowe (In re Hashfast Technologies LLC), No. 14-30725DM, 19 février 2016 et 17 juin 2016.

Krimminger/Lloyd/Rocks 2019: 121, 123.

Krimminger/Lloyd/Rocks 2019: 125.

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4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

4.1.1

Modification du code des obligations51

4.1.1.1

Modification proposée du droit général des papiers-valeurs

Un registre distribué étant un registre décentralisé, dont le but est de représenter des droits et les rendre négociables selon le voeu de nombreux utilisateurs, il est raisonnable de rattacher cette technologie au droit des papiers-valeurs52. La matérialisation des droits par des papiers-valeurs consiste à établir un lien entre des valeurs (les droits) et des titres53. Les droits revêtent alors une forme particulière qui les soumet à des règles particulières, notamment en matière de transfert. À l'origine, ce lien entre un droit et une chose devait rendre les droits transmissibles et négociables sur les marchés des capitaux54. On peut s'inspirer des règles régissant l'incorporation, par des particuliers, de droits dans des titres, qui se sont développées sur une longue période et ont fait leurs preuves en pratique, pour réglementer l'inscription, par des particuliers, de droits dans un registre électronique. Cette approche a rencontré une large approbation lors de la procédure de consultation. La réglementation proposée concerne tous les jetons qui représentent un droit (créance, droit social, voir ch. 1.2.1), mais pas les jetons de paiement ou cryptomonnaies. Le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité de légiférer s'agissant du transfert de ces derniers55.

Les art. 973d ss P-CO visent à créer la possibilité d'inscrire des droits dans un registre électronique (distribué), l'inscription ayant la même fonction que des papiers-valeurs. Les droits ainsi créés, assimilables à des papiers-valeurs, sont appelés droits-valeurs inscrits; le registre dans lequel ils sont inscrits est appelé registre de droits-valeurs. Si le registre satisfait aux exigences définies à l'art. 973d, al. 2, P-CO et que les parties ont approuvé l'inscription de leurs droits dans un registre, ce dernier remplit les trois fonctions qui sont traditionnellement celles des papiers-valeurs.

Fonction de transmission des droits: la révision de la loi garantit avant tout que les droits puissent être inscrits dans un registre distribué offrant une protection contre les manipulations et transférés dans ce registre, et que l'inscription et le transfert déploient des effets juridiques. Un droit-valeur inscrit pourra ainsi être contrôlé par ses créanciers et transféré valablement par une transaction effectuée dans le registre.

Fonction de
légitimation: les parties pourront convenir qu'il n'est possible de faire valoir et de transférer les droits que dans le registre. Par ailleurs, quiconque sera désigné dans le registre comme étant légitimé devra être considéré comme tel. Les parties pourront en être certaines et n'auront pas à effectuer de vérifications supplémentaires. Cela suppose que les registres soient structurés de telle manière qu'ils reflètent correctement la situation juridique.

51 52 53 54 55

RS 220 Rapport sur la TRD, p. 56 ss.

Voir Meier-Hayoz/von der Crone 2018: ch. 1 ss.; message LTI 2006: 8823.

Meier-Hayoz/von der Crone 2018: N 1315.

Rapport sur la TRD, p. 66.

249

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Fonction de protection des transactions: les parties doivent pouvoir se fier à la légitimation telle qu'elle ressort du registre. Quiconque acquerra, de bonne foi, un droit-valeur inscrit bénéficiera d'une protection légale même s'il apparaît par la suite que l'aliénateur n'avait en fait pas le droit de disposer du droit-valeur en question.

En outre, les éventuelles exceptions opposées au droit n'auront qu'un effet limité. Le registre assume donc la fonction de protection des transactions d'un papier-valeur de foi publique.

Pour garantir la neutralité technologique visée, le code des obligations n'utilisera pas les expressions «TRD» et «registre électronique distribué» comme critères de définition. En revanche, il décrira les caractéristiques centrales de la technologie des registres distribués qui, selon le Conseil fédéral, justifient qu'on lui accorde les mêmes effets qu'à un papier-valeur de foi publique. Le Conseil fédéral répond ainsi à un souhait exprimé à de multiples reprises lors de la procédure de consultation. Il n'est donc prévu de définir dans le code des obligations que les objectifs devant être atteints par un registre pour qu'il soit possible de remplacer un titre traditionnel par un support de données, et ce de manière encore plus claire que dans l'avant-projet.

Les moyens pour atteindre ces objectifs doivent pouvoir être développés par la pratique (à propos de la solution choisie, voir ch. 1.2.1). Le registre choisi doit (1) garantir l'intégrité des données qu'il contient, (2) permettre aux créanciers de disposer de leurs droits et (3) garantir la publicité de l'attribution des droits. Les exigences fixées à l'art. 973d, al. 2, P-CO ont été développées avec des experts des milieux universitaires et de la pratique; elles reprennent les éléments essentiels du droit des papiers-valeurs. Les parties seront libres de convenir des détails techniques par contrat (dans le respect de l'autonomie privée). Contrairement à ce qu'il avait proposé dans l'avant-projet, le Conseil fédéral ne se réserve dès lors plus la possibilité, dans le code des obligations, de spécifier par voie d'ordonnance les exigences techniques applicables aux registres. De telles exigences devraient par essence être très détaillées, ce qui serait contraire à la neutralité technologique voulue dans le code des obligations,
lequel doit se limiter à une réglementation de principe. Il est aussi plus logique, en droit civil, de laisser entièrement la responsabilité de la mise en oeuvre technique des dispositions légales aux parties qui souhaitent représenter leurs droits dans un registre électronique de droits-valeurs. La branche développera vraisemblablement des normes et les parties se garantiront sans doute contre les risques en faisant procéder à des contrôles préalables des registres de droits-valeurs par des organes indépendants (voir ch. 1.2.1). L'Etat assumerait une partie de ces tâches s'il arrêtait lui-même des prescriptions techniques détaillées par voie d'ordonnance; or, celles-ci constitueraient un corps étranger dans le droit des papiersvaleurs, qui est essentiellement contractuel.

La création de droits-valeurs inscrits repose sur la conclusion d'un contrat.

L'inscription dans un registre électronique recèle cependant des risques nouveaux, liés à la complexité de cette technologie et à la multiplicité des parties, raison pour laquelle une norme attribue au débiteur la responsabilité d'informer correctement au sujet du fonctionnement et de l'intégrité du registre (voir art. 973i P-CO). Ainsi, le débiteur sera tenu d'informer toutes les personnes qui acquièrent un droit-valeur inscrit (ou supposé tel) sur le mode de fonctionnement du registre et sur les mesures permettant d'assurer son fonctionnement et son intégrité. Bien entendu, il devra aussi leur expliquer les risques techniques liés à l'enregistrement électronique. Il 250

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s'agit notamment de couvrir les cas dans lesquels l'intégrité du registre s'avère après coup ne pas avoir été effective dès le début, de sorte que les effets caractéristiques des papiers-valeurs n'ont en fait jamais pu se déployer. Le transfert des droits pourrait alors être considéré comme nul a posteriori s'il n'a pas eu lieu d'une autre manière au regard du droit civil, par ex. par une cession de contrat (laquelle peut avoir lieu sans exigence de forme)56. L'acquéreur des droits qu'il pense être des droitsvaleurs inscrits doit donc être protégé lorsqu'il se fie aux informations du débiteur.

Si les droits-valeurs inscrits sont qualifiés de valeurs mobilières, ils devront en plus obéir aux règles du droit des marchés financiers57. Un haut degré de protection est requis au regard des objectifs visés ­ la protection des investisseurs et le bon fonctionnement du marché financier ­ car une irrégularité dans l'enregistrement peut toucher de gros volumes de droits ou des classes d'immobilisation entières. Le Conseil fédéral se réserve donc tout de même la possibilité de spécifier par voie d'ordonnance les exigences applicables aux registres où seront inscrites des valeurs mobilières fondées sur la TRD et admises dans les systèmes de négociation fondés sur la TRD58. Les registres qui satisferont à ce niveau de protection plus élevé, exigé par le droit des marchés financiers, répondront forcément aux exigences auxquelles sont soumis les registres de droits-valeurs en vertu de l'art. 973d, al. 2, P-CO, car l'intégrité et la publicité des registres où sont inscrites des valeurs mobilières fondées sur la TRD revêtent également une importance centrale en droit des marchés financiers. Les éventuelles exigences supplémentaires qui seront fixées en droit des marchés financiers pourraient se répercuter sur le droit civil dans la mesure où elles influenceront le développement de solutions pratiques.

Au-delà du droit général des papiers-valeurs, il y a lieu de procéder à des modifications ponctuelles pour deux catégories de papiers-valeurs faisant l'objet d'une réglementation spéciale: les actions et les titres représentatifs de marchandises. Ces deux catégories pourront elles aussi, à l'avenir, être inscrites dans un registre électronique offrant une protection contre les manipulations , les dispositions spéciales
les concernant continuant cependant de s'appliquer.

La modification du droit des papiers-valeurs ne règle que le transfert par acte juridique de droits-valeurs inscrits. Elle n'affecte en rien les modalités d'acquisition d'un droit pour d'autres causes (par ex. par voie de succession universelle). En cas de succession, les héritiers deviendront titulaires des droits et devoirs du défunt et deviendront à sa place créanciers de ses droits-valeurs inscrits. Si les héritiers n'ont de fait pas la possibilité de disposer des droits-valeurs inscrits du défunt, par ex.

parce qu'ils ne trouvent pas la clé d'accès, ils devront passer par la voie de l'annulation pour dissoudre le lien entre le droit et l'inscription au registre (voir ch. 5.1.2, commentaire de l'art. 973h P-CO).

56 57 58

Rapport sur la TRD, p. 63 s.

Rapport sur la TRD, p. 98 ss.

Voir art. 73a, al. 2, AP-LIMF.

251

FF 2020

4.1.1.2

Modification proposée du droit de la société anonyme

Le terme «action» ne désigne pas uniquement la qualité d'associé, dans laquelle s'incarnent les droits et les devoirs d'un actionnaire, mais aussi le titre qui incorpore ses droits. On sait qu'une titrisation n'implique pas forcément l'émission d'un papier-valeur, et qu'un titre justificatif ordinaire suffit. Mais il arrive souvent (et le législateur est parti jusqu'ici de ce principe) qu'une action revête la forme d'un papier-valeur, sans qu'une base statutaire soit nécessaire pour cela. Le législateur, suivant la tendance à la dématérialisation, a édicté au 1 er janvier 2010, avec la LTI59, les art. 973a à 973c CO, qui prévoient le dépôt collectif de papiers-valeurs, de certificats globaux (certificats remplaçant une multitude de titres individuels) et de droits-valeurs. L'apparition de la technologie des registres distribués a encore renforcé la tendance à la dématérialisation. Cette nouvelle technologie permet notamment de documenter les transactions effectuées sur les jetons, c'est-à-dire sur les futurs droits-valeurs inscrits visés à l'art. 973d P-CO. Une société anonyme pourra ainsi émettre des actions non seulement sous forme de papiers-valeurs, mais aussi sous forme de droits-valeurs inscrits au sens de l'art. 973d P-CO.

Signalons à cet égard que les sociétés anonymes qui recourront à la TRD pour émettre des actions sous forme de droits-valeurs inscrits au sens de l'art. 973d P-CO, devront respecter l'intégralité des dispositions du droit des sociétés. Elles devront notamment tenir compte des modifications législatives prévues afin de mettre en oeuvre les recommandations du Forum mondial et du GAFI60, entre autres développements juridiques à venir.

4.1.1.3

Modification proposée des dispositions relatives aux titres représentatifs de marchandises

Selon une définition largement admise, ces titres sont un accusé de réception d'une chose appartenant à un tiers, qui revêt la forme d'un papier-valeur et comporte l'obligation de ne remettre la chose qu'au titulaire du titre dûment légitimé 61. Cependant, la transmission des titres représentatifs de marchandises permet de transférer la propriété des marchandises, puisque la possession directe de la marchandise est aussi cédée avec le titre62. Les titres représentatifs de marchandises constituent pour l'avenir un domaine d'application potentiel de la TRD et doivent par conséquent être intégrés dans la nouvelle réglementation.

59 60

61 62

252

RS 957.1 Loi fédérale du 21 juin 2019 sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, FF 2019 4313.

Oftinger/Bär 1981: art. 902 N 4; également Christen/Hauck 2012: art. 1153 à 1155 CO N 1; Ernst 2016: art. 925 CC N 2.

Voir Ernst 2016: art. 925 CC N 3; rapport sur la TRD, p. 58.

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4.1.1.4

Aucun effet sur la qualification des droits-valeurs dans le droit des marchés financiers

Les droits-valeurs standardisés et susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché sont considérés, en droit des marchés financiers, comme des valeurs mobilières. La LIMF63 et la loi du 15 juin 2018 sur les services financiers (LSFin)64 définissent toutes deux les valeurs mobilières comme les papiers-valeurs, les droitsvaleurs, les dérivés et les titres intermédiés standardisés susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché, et rattachent à cette notion un certain nombre de conséquences juridiques65. Dans ce contexte, il ne faut pas nécessairement entendre par droits-valeurs les droits-valeurs au sens de l'art. 973c CO. La loi du 24 mars 1995 sur les bourses (LBVM)66 a employé la notion de droit-valeur dans la définition du terme «valeur mobilière» bien avant l'entrée en vigueur de l'art. 973c CO67.

Par ailleurs, selon la doctrine, il existe toujours, depuis l'entrée en vigueur de l'art. 973c CO, des droits-valeurs qui ne relèvent pas de cette disposition (par ex. les droits sociaux qui n'ont pas été titrisés)68. Les dispositions du droit des marchés financiers sont formulées d'une manière suffisamment large pour pouvoir inclure aussi ces autres types de droits-valeurs, y compris la nouvelle catégorie des droitsvaleurs inscrits. Cela correspond d'ailleurs à la pratique actuelle de la FINMA en matière d'appréciation des jetons sous l'angle du droit des marchés financiers 69. La définition légale des valeurs mobilières est adaptée à des fins de clarification (voir ch. 4.1.10).

Les droits-valeurs inscrits standardisés et diffusés en grand nombre seront, sur le plan du droit des marchés financiers, considérés comme des valeurs mobilières. Ces valeurs mobilières fondées sur la TRD sont régies par les dispositions du droit des marchés financiers; de plus, elles font l'objet de règles spécifiques dans le projet70.

4.1.2

Modification de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite71

4.1.2.1

Restitution de cryptoactifs

Remarques générales Les cryptoactifs ne sont en général pas détenus par leur ayant droit économique mais par un tiers (un dépositaire, par ex. un fournisseur de portefeuille numérique ou wallet). La raison en est que cela procure certains avantages à l'ayant droit économique en termes de fonctionnalité, en lui donnant accès à des fonctions qui ne se63 64 65 66 67 68 69 70 71

RS 958.1; art. 2, let. b, LIMF FF 2018 3733; art. 3, let. b, LSFin Rapport sur la TRD, p. 99 ss.

RS 954.1 Art. 2, al. 1, let. a, LBVM (RS 954.1), abrogée depuis lors par le ch. 11 de l'annexe à la LIMF, le 1er janvier 2016 (RO 2015 5339; FF 2014 7235).

Pöschel/Maizar 2012: art. 973c CO N 41 avec d'autres références.

Voir FINMA 2018a.

Ch. 4.1.10 RS 281.1

253

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raient pas accessibles sans l'intermédiaire, ou qui ne le seraient que difficilement, parce qu'il peut souvent exécuter certaines transactions directement et plus simplement. Tel est par ex. le cas pour la conversion d'une cryptomonnaie dans une autre.

L'intermédiaire gère également les différentes clés d'accès pour le compte de l'ayant droit économique. Ainsi, celui-ci ne doit se préoccuper que de l'accès à son compte, l'accès aux jetons individuels étant pris en charge par le dépositaire. Mais surtout, la détention par un tiers professionnel promet une plus grande sécurité que la détention en propre, notamment une meilleure protection contre le piratage informatique.

En cas de faillite d'un fournisseur de wallet, il faut se demander si les biens en dépôt entrent dans la masse de la faillite et s'ils peuvent en être distraits, autrement dit s'ils peuvent être remis à leur ayant droit économique (plutôt qu'aux créanciers du failli).

Dans la mesure où le droit actuel ne comporte aucune disposition régissant le devenir des cryptoactifs dans la faillite, ce sont les dispositions générales de la LP et les éventuelles dispositions spéciales du droit des marchés financiers qui s'appliquent.

Rattachement à la masse de la faillite Dans un premier temps, le rattachement d'un bien à la masse de la faillite se détermine en fonction de la possession de la chose (art. 242 LP)72. S'agissant des biens meubles, la LP présume que le débiteur est l'ayant droit économique des biens qui sont en sa possession. Celui qui veut faire valoir un droit préférentiel (notamment sa propriété) doit en attester dans le cadre de l'action en revendication de tiers prévue à l'art. 242, al. 1 et 2, LP. Si, au contraire, la chose n'est pas en possession du failli, l'administration de la faillite doit d'abord la rattacher à la masse en se fondant sur l'art. 242, al. 3, LP pour pouvoir réaliser la chose dans le cadre de la faillite (procédure de revendication de la masse).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'est nécessaire d'intenter une action en revendication de tiers que si la masse de la faillite est en possession des biens73.

La cour suprême s'appuie en l'occurrence sur la notion de «pouvoir de disposer effectif et exclusif»74. D'ailleurs, la loi prévoit déjà expressément, à l'art. 242, al. 3, LP, qu'en cas de
copossession le bien concerné ne fait pas partie de la masse. Ainsi, en l'absence de ce pouvoir de disposer effectif et exclusif, la chose n'est pas réputée être en la possession de la masse de la faillite et, pour autant qu'elle doive être réalisée, elle doit faire l'objet d'une action en revendication de la masse pour être incluse dans cette dernière.

Le critère du pouvoir de disposer effectif et exclusif défini par le Tribunal fédéral devrait permettre de déterminer si un bien basé sur les principes de la cryptographie doit être inclus dans la masse ou non, puisque le pouvoir de disposer effectif n'est pas lié à la matérialité du bien considéré. Compte tenu de la nature du dépôt, il faut par conséquent distinguer plusieurs situations sur le plan juridique: ­

72 73 74

254

Il faut tout d'abord savoir si le client du dépositaire garde un accès direct à ses biens ou non. Si la clé d'accès n'est connue que du client, lui seul peut en disposer directement et engager une transaction sur la blockchain, et non Sur l'ensemble de la problématique, Enz 2019, N 497 ss.

ATF 110 III 87, 90 ATF 110 III 87, 90 avec renvois

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le fournisseur de wallet. Dans ce cas, on ne peut considérer que le bien est détenu par un tiers. Et même dans le cas où le client et le dépositaire disposent d'une clé d'accès identique et peuvent donc tous deux générer directement des transactions sur la blockchain, il faut considérer que l'ayant droit économique conserve son droit de disposition effectif et que, dans ce cas également, le bien n'est pas détenu par un tiers.

­

Il est par ailleurs possible, et tel est souvent le cas en pratique, que l'accès aux cryptoactifs nécessite non pas une mais plusieurs clés. Avec une adresse dite «multi-signatures», il peut être nécessaire de fournir toutes les clés (par ex. «multi-sig. 2 de 2») ou seulement une partie (par ex. «multi-sig. 2 de 3»).

Si le failli possède une clé qui fait partie d'une adresse multi-signatures, le critère du pouvoir de disposer effectif et exclusif est ici aussi déterminant, conformément à ce qui vient d'être expliqué, avec cette conséquence que les biens n'entrent pas dans la masse puisque le pouvoir de disposer est partagé75.

En conclusion, force est de constater que les biens auxquels le client a accès directement ne font pas partie de la masse de la faillite. Il en va de même lorsqu'il faut plus d'une clé pour pouvoir disposer d'un bien et que la masse de la faillite ne possède pas un nombre de clés suffisant pour qu'il soit possible de disposer des biens sans l'intervention d'autres ayants droit. Dans ces cas, l'administration de la faillite doit intervenir si elle veut réaliser le bien dans le cadre de la faillite. Ce n'est que lorsque le client n'a pas accès au bien lui-même et que le failli détient toutes les clés permettant d'accéder directement au bien que celui-ci entre dans la masse de la faillite et que sa distraction peut éventuellement être revendiquée par le client faisant valoir un droit préférentiel, au moyen d'une action en revendication. Par ailleurs, ces éléments déterminent également qui a le rôle de partie dans la procédure de revendication prévue aux art. 106 à 109 LP et à quel titre.

Revendication de cryptoactifs Si le failli dispose d'un pouvoir de disposer effectif et exclusif sur les biens, la loi présume qu'il en est aussi l'ayant droit économique et les biens en question font en principe partie de la masse de la faillite. La prochaine question qui se pose est donc de savoir s'ils peuvent en être distraits.

L'art. 242 LP en vigueur suffit-il pour revendiquer ces biens? La question est controversée dans la doctrine76. Le Conseil fédéral n'a pas non plus connaissance, à l'heure actuelle, de jugements relatifs à la revendication de cryptoactifs. Il règne par conséquent sur ce point une insécurité juridique considérable, que la révision proposée ici vise à lever. L'idée est d'intégrer à la LP une nouvelle disposition qui crée, sous certaines conditions, un droit à la restitution de cryptoactifs. L'inscription dans la LP d'une action en revendication de cryptoactifs n'est contestée par personne, le Conseil fédéral ayant d'ailleurs fait précédemment savoir qu'il proposerait des 75 76

Hauser-Spühler/Meisser 2018: 11; Maurenbrecher/Meier 2017: N 26.

Voir Schönknecht 2016: 309; Eckert 2016: 248 s.; Piller 2017: 1437; GrahamSiegenthaler/Furrer 2017: N 78 ss; Maurenbrecher/Meier 2017: N 25 s.; Meisser/Meisser/ Kogens 2018: N 45; Hauser-Spühler/Meisser 2018: 9 ss; Reiser 2018: 815 ss; Seiler/Seiler 2018: N 31; Enz 2019, N 579 ss.

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modifications législatives en ce sens77. En raison cependant des critiques et des remarques pertinentes sur le fond émises lors de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a renoncé à subordonner l'émission des biens à leur attribution individuelle et permanente dans le registre. D'ailleurs, les objectifs de la révision peuvent aussi être atteints si l'attribution se fait hors du registre. Si une attribution est néanmoins nécessaire, c'est que le pouvoir de disposer du failli sur les biens doit être durable et ininterrompu. Si tel n'est pas le cas, par ex. parce qu'il fait des affaires pour compte propre avec les biens, la nouvelle disposition ne s'appliquera pas et la revendication fondée sur la LP ne sera pas possible. Ce seront alors les dispositions particulières du droit des marchés financiers sur la distraction des biens qui s'appliqueront, pour autant que les conditions applicables soient remplies.

La nouvelle règle concernant la distraction de cryptoactifs inscrite dans la loi du 8 novembre 1934 sur les banques78 (LB; voir art. 16 P-LB) est analogue à la nouvelle règle sur la revendication inscrite dans la LP. Comme ces règles ont des répercussions sur les activités soumises à autorisation selon le droit bancaire, il est prévu d'adapter l'art. 1b LB (voir ch. 4.1.5).

4.1.2.2

Accès aux données

En plus d'un droit légal à la restitution de cryptoactifs, la révision envisagée vise à créer dans la loi le droit de revendiquer l'accès aux données qui sont en la possession de la masse de la faillite.

Il s'agit également là d'une nécessité largement reconnue en pratique comme sur le plan politique79. En effet, la LP en vigueur ne prévoit de droit à la restitution que pour des «objets» (art. 242, al. 1, LP), alors que les données peuvent, pour l'ayant droit, être aussi importantes, voire plus, que des biens matériels. En outre, les données sont bien souvent dépourvues de valeur pécuniaire objective, ce qui fait qu'elles ne sont pas saisissables au sens de la LP. La LP ne règle pas la restitution de ces données, d'où une insécurité juridique considérable. Si l'administration de la faillite refuse la restitution des données, l'ayant droit n'a aucun moyen légal de l'obtenir.

On cite à cet égard l'exemple des données qu'une entreprise aurait déposées auprès d'un fournisseur de services en nuage, comme un fichier clients ou sa comptabilité, et auxquelles il n'aurait plus accès en cas de faillite dudit fournisseur. Ce type de situation peut aussi concerner des particuliers, par ex. lorsque quelqu'un enregistre ses photos de vacances en utilisant un service en nuage et qu'il ne peut plus y accéder en cas de faillite du fournisseur du service. Dans tous ces cas de figure, l'accès aux données peut être bloqué dès l'ouverture de la faillite, notamment si l'administration de la faillite a mis les serveurs à l'arrêt pour limiter les coûts.

77 78 79

256

Rapport sur la TRD, p. 72 s.

RS 952.0 Voir notamment l'initiative parlementaire Dobler 17.410 «Les données étant le bien le plus précieux des entreprises privées, il convient de régler leur restitution en cas de faillite», à laquelle la Commission des affaires juridiques du Conseil national a donné suite à l'unanimité le 3 mai 2018, et qui demande la modification de l'art. 242 LP.

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Le Conseil fédéral estime par conséquent qu'il serait judicieux de créer une base légale qui permette à un ayant droit d'accéder à ses données. Afin d'éviter des problèmes de délimitation, ce droit ne devrait pas être limité aux droits saisissables (biens), mais être étendu à toutes les données, ce qui permettrait de couvrir également les données qui ne sont pas réalisables parce qu'ils n'ont pas de valeur pécuniaire objective, par ex. les données d'accès (mots de passe) ou la comptabilité d'une entreprise.

Le fait qu'un tel droit de revendication de l'accès aux données permettrait aussi la restitution de données d'accès et de mots de passe revêt de l'importance sur un autre plan. Dans les cas, précisément, où la masse n'est pas en possession des biens mais où sa participation est nécessaire pour en disposer parce qu'elle possède certains mots de passe, il se peut que la restitution des jetons ne se règle pas par le droit à la restitution des biens conformément à l'art. 242a P-LP, mais uniquement par la revendication de l'accès aux données.

4.1.2.3

Modification de l'ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (OAOF)80

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la LP nécessitera dans un deuxième temps la mise à jour des dispositions correspondantes de l'OAOF (art. 45 ss). Les travaux préliminaires sont déjà en cours.

4.1.3

Modification de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé81

Dans son rapport sur la TRD, le Conseil fédéral a signalé la nécessité de régler la question du droit applicable au transfert de créances incorporées dans un jeton dans les cas ayant des aspects internationaux82. Il existe par ailleurs une lacune normative concernant les créances incorporées dans un papier-valeur traditionnel. Le nouvel art. 145a P-LDIP vise à régler ces deux questions.

En parallèle, des adaptations des art. 105, 106 et 108a LDIP visent à affirmer clairement que ces dispositions s'appliquent aussi aux titres immatériels.

4.1.4

Modifications de la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale83

Dans le droit sur l'infrastructure des marchés financiers (voir ch. 4.1.9 ci-dessous), le Conseil fédéral propose la création d'une nouvelle catégorie d'autorisation pour un type d'infrastructure des marchés financiers appelé système de négociation fondé 80 81 82 83

RS 281.32 RS 291 Rapport sur la TRD, p. 81 s.

RS 951.11

257

FF 2020

sur la TRD. En raison de l'entrée des systèmes de négociation fondés sur la TRD dans le catalogue des infrastructures des marchés financiers (cf. art. 2, let. a, P-LIMF) et des adaptations correspondantes dans la LIMF (cf. art. 22 et 25 P-LIMF), il convient de les introduire également dans la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale (LBN). Des participants à la consultation ont relevé qu'il est impossible pour l'instant de prévoir si les systèmes de négociation fondés sur la TRD vont acquérir une importance systémique. De l'avis du Conseil fédéral, cela ne change rien au fait que cette possibilité peut et doit déjà être prise en considération dans la LBN.

4.1.5

Modifications de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques84

Le traitement sous l'angle du droit sur l'insolvabilité des banques des jetons et des valeurs patrimoniales comparables ne peut pas être considéré distinctement du traitement de ces valeurs patrimoniales sous l'angle du droit de l'insolvabilité dans le cadre de la LP. Finalement, les dispositions du droit bancaire doivent être interprétées comme des normes spéciales de la LP. Les adaptations proposées pour la LB sont harmonisées avec celles qui concernent la LP, le critère de l'appartenance des valeurs patrimoniales incorporelles devant être traité de la même manière dans ces deux textes.

En fin de compte, cela signifie que les cryptoactifs en dépôt collectif peuvent eux aussi être revendiqués et distraits dans la mesure où la part du patrimoine commun qui revient au client déposant est clairement déterminée (en ce qui concerne la notion de cryptoactifs, voir les commentaires relatifs à l'art. 242a P-LP). Étant donné que les valeurs patrimoniales pouvant faire l'objet d'une distraction ne sont pas considérées comme des dépôts du public, cela signifierait en fin de compte que des personnes pourraient accepter de tels actifs pour conservation en quantité illimitée sans devoir pour cela disposer d'une autorisation bancaire ­ ou d'une autre autorisation pertinente du point de vue du droit des marchés financiers ­ ni respecter les obligations découlant d'une telle autorisation.

Un tel espace exempt d'autorisation comporterait des risques considérables, cela pour deux raisons. D'une part, la possibilité de distraction n'est d'aucune aide pour les investisseurs si plus aucun actif ne peut être saisi, par ex. en cas de comportement frauduleux du dépositaire. D'autre part, dans l'intérêt de l'intégrité et de la réputation de la place financière suisse ainsi que de la proportionnalité, il ne semble ni judicieux ni souhaitable que, par ex., des cryptomonnaies se chiffrant en milliards puissent être conservées pour de nombreux investisseurs sans aucune surveillance au sens du droit des marchés financiers tandis que l'acceptation de plus de 20 dépôts classiques du public nécessite une autorisation au sens du droit bancaire dès que le montant total dépasse 1 million de francs. Pour ces raisons, l'obligation d'obtenir une autorisation visée à l'art. 1b LB est étendue aux états de fait dans lesquels certains cryptoactifs sont acceptés (sous la forme de valeurs déposées), tandis que la 84

258

RS 952.0

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FINMA reçoit, à l'art. 4sexies P-LB, la compétence de limiter pour des motifs prudentiels le montant des cryptoactifs détenus en tant que valeurs déposées par une banque ou une personne visée à l'art. 1b LB.

4.1.6

Modifications de la loi du 15 juin 2018 sur les services financiers85

Au vu des adaptations apportées au droit des papiers-valeurs (voir ch. 4.1.1 cidessus), il y a lieu de modifier la définition légale des valeurs mobilières figurant dans la LSFin. La modification opérée à l'art. 3, let. b, P-LSFin sert à clarifier le fait que des valeurs mobilières peuvent également découler de droits-valeurs inscrits (art. 973d P-CO). Par effet de symétrie, cette modification de la définition légale est également effectuée dans la LIMF (voir art. 2, let. b, P-LIMF et les explications figurant au ch. 4.1.10 ci-dessous).

4.1.7

Modifications de la loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers86

La négociation multilatérale discrétionnaire et la négociation bilatérale de jetons ayant la qualité de valeurs mobilières ne nécessitent pas d'autorisation distincte au sens de la LIMF. Toutefois, l'exploitation d'un système organisé de négociation (SON) pour ce type de transactions est réservée aux banques, aux maisons de titres (ancien nom: négociants en valeurs mobilières), aux plates-formes de négociation, ainsi qu'aux groupes financiers soumis à la surveillance consolidée de la FINMA.

Des difficultés peuvent ainsi apparaître aujourd'hui si le titulaire d'une autorisation veut exploiter un SON (par ex. pour des jetons qualifiés de valeurs mobilières) et ne demande une autorisation à la FINMA (par ex. en tant que maison de titres) qu'à cette fin. Selon la pratique actuelle, l'exploitant ne pourrait pas obtenir ladite autorisation.

Dans ce contexte, il s'agit de compléter les éléments constitutifs de l'assujettissement de la maison de titres. Il doit être possible aux participants aux marchés de demander à l'avenir une autorisation même si c'est exclusivement dans le but d'exploiter un SON.

85 86

FF 2018 3733 RO 2018 5247

259

FF 2020

4.1.8

Modifications de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent87

4.1.8.1

Modifications au niveau de la loi

Le présent projet de loi vise à créer dans la LIMF une nouvelle catégorie d'autorisation pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD susceptibles d'exercer des activités qui sont considérées comme de l'intermédiation financière et sont donc soumises à la loi sur le blanchiment d'argent (LBA). Les systèmes de négociation fondés sur la TRD au sens de la LIMF doivent par conséquent figurer dans la LBA, en tant qu'intermédiaires financiers réglés par loi spéciale.

La consultation a par ailleurs permis d'exprimer certaines demandes (notamment l'identification électronique) qui peuvent être mises en oeuvre au niveau de l'ordonnance (voir rapport sur les résultats de la consultation). Le Conseil fédéral a par conséquent l'intention d'examiner de façon approfondie les demandes exprimées dans le cadre des modifications d'ordonnance déjà prévues par rapport aux jetons de paiement et aux plates-formes de négociation décentralisées.

4.1.8.2

Modifications prévues au niveau de l'ordonnance

Jetons de paiement et plates-formes de négociation décentralisées Le Conseil fédéral a l'intention de modifier l'ordonnance sur le blanchiment d'argent (OBA) dans le cadre de la prochaine révision88 de façon que les jetons de paiement et les plates-formes de négociation décentralisées y soient expressément cités. Ainsi, la pratique en vigueur sera explicitement inscrite dans la législation, ce qui sera plus clair pour le marché: ­

Conformément à l'art. 2, al. 3, let. b, LBA en rel. avec l'art. 4, al. 1, let. b, OBA, l'émission, à titre professionnel, d'un moyen de paiement est une activité d'intermédiaire financier. Le droit suisse ne connaît pas de liste exhaustive des moyens de paiement. L'art. 2, al. 3, let. b, LBA ne cite à titre d'exemples que les cartes de crédit et les chèques de voyage, tandis que l'art. 4, let. b, OBA parle en termes généraux de moyens de paiement permettant d'effectuer des paiements à des tiers, sans citer nommément d'exemples. C'est pourquoi il y a lieu de compléter l'art. 4, al. 2, let. b, OBA de façon que les jetons de paiement émis dans le cadre d'une ICO en relèvent également, sous réserve d'éventuelles exceptions.

­

Conformément à l'art. 2, al. 3, let. b, LBA en rel. avec l'art. 4 OBA, la fourniture, à titre professionnel, de services dans le domaine du trafic des paiements est une activité qui relève de l'intermédiation financière et par conséquent du champ d'application de la LBA. Si par ex. une plate-forme de

87 88

260

RS 955.0 Modifications de l'ordonnance basées sur la modification de la loi sur le blanchiment d'argent, voir message du 26 juin 2019, disponible sur: www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral adopte le message concernant la modification de la loi sur le blanchiment d'argent.

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négociation permet le transfert de valeurs patrimoniales au moyen d'un contrat intelligent (smart contract) qu'elle exploite, cela peut être considéré comme une aide au transfert de valeurs patrimoniales de tiers et, en particulier, comme un service relevant du domaine du trafic des paiements. Pour tenir encore plus clairement compte du fait que les plates-formes de négociation décentralisées sont elles aussi soumises à la LBA, l'art. 4 OBA sera adapté en ce sens89.

Dans le cadre des adaptations de l'ordonnance évoquées plus haut, le Conseil fédéral a en outre l'intention d'examiner de manière approfondie dans quelle mesure il est nécessaire de préciser le champ d'application de l'art. 4 OBA au vu des nouvelles possibilités technologiques de transfert de valeurs patrimoniales et des risques qui en découlent. Cette réflexion s'impose en particulier dans la perspective d'autres activités dans lesquelles le transfert de valeurs patrimoniales est rendu possible, notamment par des fournisseurs de wallets.

4.1.9

Modification de la loi du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés90

La LTI, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2010, règle la conservation centralisée des papiers-valeurs et des droits-valeurs par les dépositaires ainsi que leur transfert (voir ch. 1.2.1.2)91. Les institutions qui ont la qualité de dépositaire y font l'objet d'une énumération exhaustive. Il s'agit des banques, des maisons d'émission (précédemment négociants en valeurs mobilières), des directions de fonds, des dépositaires centraux, de la Banque nationale suisse, de la Poste Suisse ainsi que des intermédiaires financiers étrangers qui tiennent des comptes de titres dans le cadre de leur activité professionnelle92.

Des titres intermédiés sont créés lorsqu'un dépositaire reçoit des papiers-valeurs en dépôt collectif et les inscrit au crédit d'un ou de plusieurs comptes de titres 93, lorsqu'il reçoit en dépôt un certificat global et inscrit les droits correspondants au crédit d'un ou de plusieurs comptes de titres94 ou encore lorsqu'il inscrit des droits-valeurs simples au sens de l'art. 973c CO au registre principal et les droits correspondants au crédit d'un ou de plusieurs comptes de titres95. La nouvelle catégorie des droitsvaleurs inscrits existera à l'avenir aux côtés des papiers-valeurs traditionnels et des droits-valeurs simples. La modification législative prévue n'aura aucun effet sur le dépôt collectif de papiers-valeurs par des intermédiaires financiers ni sur l'inscription des droits-valeurs visés à l'art. 973c CO dans le registre principal d'un dépositaire. Il devra cependant être possible de remettre des droits-valeurs inscrits à un dépositaire et d'en faire ainsi des titres intermédiés. Il faut pour cela que les droitsvaleurs en question soient immobilisés dans le registre de droits-valeurs où ils sont 89 90 91 92 93 94 95

Rapport sur la TRD, p. 147 à 148.

RS 957.1 Art. 1, al. 1, LTI Art. 4 LTI Art. 6, al. 1, let. a, LTI Art. 6, al. 1, let. b, LTI Art. 6, al. 1, let. c, LTI

261

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inscrits. Si des droits-valeurs inscrits sont immobilisés auprès d'un dépositaire comme le seraient des papiers-valeurs, il paraît judicieux que les règles établies par la loi sur les titres intermédiés s'y appliquent. Le Conseil fédéral propose donc des modifications en ce sens de cette loi, répondant de la sorte à un souhait exprimé à de multiples reprises lors de la procédure de consultation.

4.1.10

Modifications de la loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers96

La création d'une nouvelle catégorie d'autorisation pour un type d'infrastructure des marchés financiers destiné aux cryptoactifs vise à la mise en place d'un cadre juridique adéquat et flexible pour les nouvelles formes d'infrastructures découlant des évolutions technologiques. Un telle étape est primordiale dès lors qu'on souhaite instaurer des conditions-cadres optimales en vue du développement de la blockchain et de la TRD dans le secteur financier. Par ailleurs, un tel cadre juridique permet de garantir que le but visé par la LIMF sera dûment respecté jusque dans l'univers de la TRD.

La réglementation des infrastructures des marchés financiers en vigueur a fait ses preuves. Le Conseil fédéral ne voit à l'heure actuelle aucune nécessité de modifier en profondeur, dans le contexte de la blockchain et de la TRD, les réglementations ­ elles aussi coordonnées au niveau international ­ relatives aux plates-formes de négociation et aux infrastructures de post-négociation. Il n'en reste pas moins que la TRD ouvre de nouvelles possibilités qui offrent un potentiel d'innovation et dont la prise en compte par le droit actuel des infrastructures des marchés financiers est parfois limitée ou inadaptée. Ces possibilités comprennent notamment la fourniture de services d'infrastructure directement aux clients privés (et non exclusivement par le biais d'intermédiaires soumis au droit des marchés financiers), ainsi que la convergence des services de négociation et post-négociation permise sur le plan technologique par la TRD. La nouvelle réglementation préconisée reconnaît les demandes en la matière et crée une nouvelle catégorie d'autorisation pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. Elle se réfère aux services d'infrastructure rendus possibles par la TRD et constitue en ce sens une dérogation appropriée au principe de neutralité technologique. Une telle approche spécifiquement axée sur la technologie a en outre pour mérite de laisser inchangée la réglementation relative aux infrastructures existantes des marchés financiers, qui a fait ses preuves et est coordonnée au niveau international.

Le projet s'inspire des concepts éprouvés de la LIMF et renvoie ­ pour autant que cela soit judicieux ­ aux exigences en place. La nouvelle réglementation inclut en particulier aussi la protection des clients,
qui joue un rôle essentiel dans le domaine de la TRD. Elle se basera à cet effet sur les exigences formulées dans l'ordonnance sur les services financiers (OSFin), et donc sur les concepts de la LSFin.

Étant donné le développement particulièrement dynamique du secteur, il est indispensable de déléguer à l'autorité réglementaire, et le cas échéant à la FINMA, la 96

262

RS 958.1

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tâche de régler les questions spécifiques. Nul ne peut dire aujourd'hui comment le potentiel de la TRD va se déployer au cours des prochaines années dans le secteur financier, ni quels modèles d'affaires vont voir le jour. En outre, des travaux sont également en cours au niveau international, qui devront éventuellement être pris en compte le moment venu au niveau de la loi et de l'ordonnance. Ces travaux comprennent par ex. ceux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) dans le domaine de la réglementation des plates-formes de négociation de cryptoactifs, donc aussi des systèmes de négociation fondés sur la TRD. Dans ces conditions, les normes de délégation garantissent que le cadre juridique aura la flexibilité indispensable et que la réglementation des systèmes de négociation fondés sur la TRD sera conforme au principe de modularité.

Les adaptations proposées de la LIMF se concentrent sur les lacunes les plus urgentes à combler que le Conseil fédéral a identifiées dans le droit des infrastructures des marchés financiers, et qui concernent les services d'infrastructure fournis de manière centralisée et partiellement décentralisée avec des valeurs mobilières fondées sur la TRD. Ces travaux sont indépendants du réexamen général à moyen terme de la LIMF déjà annoncé par le Conseil fédéral, qui donnera l'occasion d'une évaluation complète97, y compris de la pertinence des règles de conduite sur le marché de la LIMF pour les valeurs patrimoniales fondées sur la TRD. En outre, le présent projet n'aborde pas la question des «infrastructures des marchés financiers» entièrement décentralisées, c'est-à-dire celles qui ne comportent pas d'exploitant direct et clairement identifiable. Le Conseil fédéral continuera d'observer de près les avancées technologiques et l'évolution de la réglementation internationale dans ce domaine, et proposera le cas échéant une réglementation séparée.

4.2

Questions de mise en oeuvre et droit transitoire

L'introduction de la nouvelle catégorie de papiers-valeurs dans le code des obligations ne soulève pas de questions de mise en oeuvre particulières et ne nécessite pas non plus de réglementation transitoire.

Les nouvelles dispositions de la LP (art. 242a et 242b P-LP) sont soumises au principe général selon lequel les nouvelles règles de procédure s'appliquent dès l'entrée en vigueur de la révision aux procédures nouvellement introduites ainsi qu'aux procédures en cours au moment de l'entrée en vigueur, en tant qu'elles sont compatibles avec elles (voir aussi art. 2, al. 1, des dispositions finales de la modification de la LP du 16 décembre 1994).

Avec les systèmes de négociation fondés sur la TRD, c'est une nouvelle catégorie d'infrastructure des marchés financiers qui sera introduite dans le droit des marchés financiers (voir ch. 4.1.10 ci-dessus). Comme pour les infrastructures des marchés financiers actuelles (par ex. le système multilatéral de négociation ou le dépositaire

97

Voir communiqué du 14.9.2018, disponible sur: www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral prolonge le délai transitoire pour la déclaration des opérations sur dérivés par les petites contreparties non financières.

263

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central), des précisions seront également nécessaires au niveau de l'ordonnance pour le système de négociation fondé sur la TRD (voir ch. 7.4 ci-dessous).

La FINMA a compétence pour l'exécution du droit des marchés financiers (art. 1 et 3 LFINMA), notamment pour l'autorisation et la surveillance prudentielle des systèmes de négociation fondés sur la TRD.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Code des obligations98

5.1.1

Droit de la société anonyme

Art. 622 Al. 1 Les actions nominatives et les actions au porteur sont deux types d'actions qui peuvent être émises sous trois formes: soit comme papiers-valeurs, soit comme droits-valeurs (qu'il s'agisse de droits-valeurs simples au sens de l'art. 973c P-CO ou de droits-valeurs inscrits au sens de l'art. 973d P-CO), soit comme titres intermédiés.

Étant donné que, selon le droit actuel (art. 973c, al. 1, CO), l'émission de titres intermédiés doit être prévue par les statuts, on précise à l'art. 622, al. 1, P-CO que les droits-valeurs et les titres intermédiés ne peuvent eux aussi être émis que si les statuts le prévoient, afin d'assurer la transparence nécessaire et de garantir que le conseil d'administration n'instaure pas des droits-valeurs inscrits contre la volonté des actionnaires. Vu que les actionnaires ont le droit de titriser leurs actions sous forme de papier-valeur, il faut que la possibilité de leur donner la forme de droitsvaleurs soit prévue dans les statuts. Ceux-ci pourront soit prévoir un lien direct entre le statut d'actionnaire et un jeton, soit habiliter le conseil d'administration à incorporer les actions dans des jetons99.

La société sera alors responsable du choix de la technologie à la base du registre de droits-valeurs dans lequel seront inscrits les droits-valeurs inscrits, de la qualité, de la sécurité et du respect des conditions applicables fixées éventuellement dans un contrat intelligent (smart contract) définissant les propriétés du droit-valeur100. Par ex., si les statuts restreignent le transfert d'actions nominatives émises sous forme de droits-valeurs inscrits (voir art. 685a ss CO), la société devra utiliser la technologie à la base du registre de telle sorte qu'il ne soit pas possible de transférer une telle action nominative sans qu'elle ait approuvé ce transfert au préalable.

Si le registre de droits-valeurs visé à l'art. 973d P-CO remplit les exigences légales fixées à l'art. 686 CO, il pourra également être considéré comme un registre des actions tenu sous forme électronique ou comme une liste des détenteurs d'actions au 98 99 100

264

RS 220 Voir art. 717, al. 1, et 754 CO; von der Crone/Monsch/Meisser 2019: 8 s. avec renvois.

Iffland/Läser 2018: 420; von der Crone/Monsch/Meisser 2019: 8 s.

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porteur et des ayants droit économiques annoncés à la société, réglée à l'art. 697l CO. Il est inutile dans ce cas de gérer des registres distincts.

Al. 1bis On procède uniquement à une adaptation d'ordre légistique à l'al. 1bis, entré en vigueur le 1er novembre 2019101: puisque le titre intégral de la loi sur les titres intermédiés est déjà cité à l'al. 1, on peut le remplacer par le sigle de la loi à l'al. 1bis.

Il n'est pas nécessaire de procéder à des changements matériels. Aux termes de l'al. 1bis, les actions au porteur ne sont plus autorisées que si la société a des titres de participation cotés en bourse ou si les actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés au sens de la LTI et sont déposées auprès d'un dépositaire en Suisse désigné par la société ou inscrites au registre principal. Les actions émises sous forme de droits-valeurs inscrits devront également satisfaire à ces exigences.

Elles devront soit satisfaire aux exigences du droit de la société anonyme applicables aux actions nominatives ou aux actions au porteur de sociétés cotées en bourse, soit être émises sous forme de titres intermédiés.

5.1.2

Droit général des papiers-valeurs

Art. 973c Titre marginal et al. 1 On parle non plus de «droits ayant la même fonction» que des papiers-valeurs, mais de «droits-valeurs simples». Il s'agit d'une précision purement rédactionnelle, qui permet de mieux faire le départ entre cet article et les nouveaux art. 973d ss CO.

Un droit-valeur au sens de l'art. 973c CO est créé par l'inscription dans le registre de droits-valeurs du débiteur102. Il s'agit d'un instrument purement privé. Certes, les créances ou autres droits incarnés par le droit-valeur revêtent en quelque sorte la forme juridique du papier-valeur103, mais ils conservent leur nature obligatoire104.

Le critère de la «même fonction que des papiers-valeurs» ne peut pas être rempli, car les fonctions des papiers-valeurs (de légitimation, de transmission des droits, de protection des transactions) dépendent essentiellement de la titrisation, de l'incorporation physique du droit dans un document105. L'art. 973c, al. 1, CO en vigueur décrit donc de manière inexacte la nature des droits-valeurs. Il est important de le rectifier car on va créer, aux art. 973d ss P-CO, la possibilité de donner aux droitsvaleurs une forme telle qu'ils pourront assumer les fonctions des papiers-valeurs 101

102 103 104 105

Loi fédérale du 21 juin 2019 sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, FF 2019 4313.

Art. 973c, al. 3, CO Pöschel/Maizar 2012: art. 973c CO N 42.

Pöschel/Maizar 2012: art. 973c CO N 43; Bohnet/Hänni 2017: art. 973c CO N 4; Meier-Hayoz/von der Crone 2018: N 1326.

Voir Pöschel/Maizar 2012: art. 973c CO N 29 ss; Kuhn 2016: CO 973c N 1b.

265

FF 2020

(légitimation, transmission des droits, protection des transactions). Cette distinction entre droits-valeurs simples sans caractère de papier-valeur et droits-valeurs inscrits ressortira des nouveaux titres marginaux.

Il restera possible de créer des droits-valeurs de nature purement obligationnelle.

L'art. 973c CO reste inchangé sur le fond. Les droits-valeurs simples qu'il décrit pourront notamment être utilisés comme base pour la création de titres intermédiés au sens de la LTI.

Art. 973d

Constitution de droits-valeurs inscrits

Convention d'inscription (al. 1) Ce nouvel article permettra l'enregistrement électronique de droits qui auront de ce fait les mêmes effets que des papiers-valeurs. Les droits constitués de cette manière sont désignés comme des droits-valeurs inscrits. Ces droits devront être représentés dans un registre électronique répondant à certaines exigences, avec l'accord des parties qui en dérivent des droits et des obligations. Il faudra donc une sorte de contrat d'émission au sens du droit des papiers-valeurs106: le support de la déclaration (de volonté) devient un papier-valeur (classique) sous l'effet d'une clause de titre convenue entre les parties. Cette clause indique que la prestation due ne peut et ne doit être fournie que sur présentation du titre (clause de présentation double ou clause «papier-valeur simple»). Pour les droits-valeurs inscrits dans un registre électronique de droits-valeurs, cette clause de titre aura pour équivalent le fait de convenir qu'un droit ne peut être fait valoir ou transféré que par un registre offrant une protection contre les manipulations. Ce consentement des parties à l'enregistrement électronique fera du droit ­ qu'il préexiste ou qu'il soit créé par l'enregistrement ­ un droit-valeur inscrit. La convention d'inscription pourra aussi prendre la forme de conditions d'émission, de conditions d'emprunt ou de conditions générales, qui devront être acceptées au plus tard au moment de l'acquisition du droitvaleur. Idéalement, la convention d'inscription devrait aussi régler les situations dans lesquelles le passage d'un registre de droits-valeurs à un autre serait souhaitable. Ce serait par ex. le cas si des doutes devaient surgir quant à l'intégrité du premier registre, ou lorsque de nouvelles possibilités techniques émergent et doivent être utilisées. Or, la modification du type d'incorporation d'un droit nécessite aussi l'accord de toutes les parties, et au moins celui du débiteur et des créanciers du moment. Une norme contractuelle préalable pourrait sensiblement simplifier la tâche du débiteur en cas de changement de registre, à condition que la convention définisse le cadre de manière suffisamment précise.

Tous les droits qui peuvent aujourd'hui prendre la forme d'un papier-valeur pourront être inscrits dans un registre de droits-valeurs. La représentation par
un papier-valeur est ouverte en principe à tous les droits obligationnels, dont notamment les créances.

La disposition doit être rédigée de manière suffisamment flexible pour que son champ d'application inclue les créances qui ne sont pas susceptibles d'être diffusées en grand nombre (par ex. dans les domaines du commerce d'électricité et des licences de droit d'auteur). Le fait que le droit ainsi incorporé soit fongible ne sera 106

266

Voir Meier-Hayoz/von der Crone 2018: N 261 ss.

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pas une condition de la constitution d'un droit-valeur inscrit. Ce ne sont donc pas seulement les jetons d'investissement qui pourront prendre la forme de droitsvaleurs inscrits, mais aussi les jetons d'utilité qui, en droit civil, représentent souvent des créances107. Enfin, la nouvelle règle portera aussi sur des jetons diffusés par leur émetteur comme moyens de paiement (par ex. stable coins). Dans ce cas-là aussi, le jeton représente généralement une créance vis-à-vis de l'émetteur et peut donc être titrisé et constitué en droit-valeur inscrit. Les pures cryptomonnaies (ou cryptoactifs) ­ moyens de paiement fondés sur les principes de la cryptographie ­ qui ne sont pas créées par un émetteur central et qui sont qualifiées par la doctrine dominante de valeurs patrimoniales purement immatérielles (comme le bitcoin) ne seront par contre pas incluses dans la nouvelle catégorie de droits-valeurs108. Pour ce qui est des droits sociaux qui relèvent du droit des sociétés, la matérialisation par un titre n'est possible que si la loi le prévoit. Ce n'est aujourd'hui le cas que pour la société anonyme et la société en commandite par actions109. Une restriction similaire existe pour les droits réels; la matérialisation d'un droit réel par un titre n'est en effet possible que pour la cédule hypothécaire110 et pour les obligations foncières111,112.

Quant aux titres représentatifs de marchandises, ils ne matérialisent pas le droit réel sur la marchandise mais le droit obligationnel à la remise de la marchandise113. Les droits réels tels que la propriété de biens meubles ne pourront toujours pas être représentés par un titre ni transférés par l'intermédiaire de ce titre. La représentation et le transfert par un instrument numérique de la propriété de choses réelles, qui existent en parallèle, soulèveraient un grand nombre de questions juridiques difficiles. Les situations où la possession est graduelle forment un cas à part, puisque le droit actuel permet déjà le transfert de la propriété par acte juridique114. Il semble en effet possible ­ également en vertu du droit actuel ­ que le transfert de la possession par acte juridique ait lieu sous forme de transaction dans le registre. Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'est pas nécessaire de modifier le droit civil pour ces situations115. Une modification du
code des obligations est proposée pour les titres représentatifs de marchandises, lesquels permettent la titrisation et le transfert de possession et donc de propriété de marchandises. Ils pourront être émis sous forme de droits-valeurs inscrits116.

L'art. 973d P-CO énumère les conditions qui doivent être remplies pour que le droitvaleur qui revêt la forme qualifiée du droit-valeur inscrit puisse être transféré et pour que se déploient les effets visés à l'art. 973e P-CO. Compte tenu des critiques formulées lors de la procédure de consultation, les exigences fixées dans le projet ont été limitées au strict minimum. Ainsi, seuls les critères nécessaires pour pouvoir être 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116

Rapport sur la TRD, p. 67.

Voir ch. 1.2.1.

Furter 2012: introduction aux art. 965 à 1155 CO N 10.

Art. 842 ss CC Art. 875 CC Meier-Hayoz/von der Crone 2018: N 11 ss; Furter 2012: introduction aux art. 965 à 1155 CO N 8.

Meier-Hayoz/von der Crone 2018: N 1512; pour les titres représentatifs de marchandises, voir ch. 5.1.3.

Rapport sur la TRD, p. 64 ss.

Rapport sur la TRD, p. 67 s.

Voir ch. 4.1.1.3 et 5.1.3.

267

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qualifié d'instrument assimilable à un papier-valeur doivent impérativement être remplis pour qu'un droit soit considéré comme un droit-valeur inscrit et puisse être transféré en tant que tel. Les exigences non essentielles concernant le registre relèvent quant à elles des obligations du débiteur et leur violation peut donc entraîner la responsabilité de ce dernier mais pas une invalidation rétroactive des transactions déjà effectuées. Si un registre ne répond pas aux critères impératifs auxquels un registre de droits-valeurs doit satisfaire en vertu de l'art. 973d, al. 2, P-CO, les droits qui y sont représentés peuvent tout de même être transférés valablement. Le Conseil fédéral, ayant fait un état de la situation dans le rapport sur la TRD, a conclu qu'il existait déjà des cas, selon le droit en vigueur, où il est possible de transférer un droit par une expression de la volonté qui revêt la forme du transfert d'un jeton117. Outre les cas de possession graduelle, dont nous avons déjà parlé, il est aussi envisageable ­ selon la configuration de chaque cas ­ que l'intégralité d'une relation juridique soit transférée de cette manière118. C'est toujours possible lorsque la loi n'impose pas de prescriptions de forme et que les exigences de l'acte juridique (en règle générale le consentement de toutes les parties) sont remplies. La modification du droit des papiers-valeurs que nous proposons ne changera rien dans ces cas de figure. Rien de ce qui peut être aujourd'hui convenu librement au titre de l'autonomie des parties ne deviendra illicite. En particulier, rien ne devrait s'opposer à la conclusion de «contrats intelligents» au moyen de la technologie des registres distribués. Le Conseil fédéral a établi dans son rapport sur la TRD qu'il était prématuré de légiférer en matière de smart contracts119.

Conditions (al. 2) Afin qu'un droit puisse revêtir la forme qualifiée du droit-valeur inscrit, trois conditions devront être remplies.

Pouvoir de disposer (al. 2, ch. 1) Le critère du pouvoir de disposer de ses droits au moyen de procédés techniques ne figurait pas encore explicitement dans l'avant-projet, mais plusieurs participants à la procédure de consultation ont exigé cet ajout. Dans la doctrine, le pouvoir exclusif de disposer des jetons, c'est-à-dire la possibilité pour le créancier d'en disposer
comme d'une chose, est décrit comme une caractéristique centrale des systèmes de registres distribués120. De fait, il s'agit d'un critère typique de ces registres et de leurs inscriptions, qui permet facilement de les assimiler à des papiers-valeurs traditionnels. Et comme on dispose des jetons au moyen d'un mot de passe ou d'une clé et qu'on ne peut les transférer qu'une seule fois au vu des mécanismes de consensus, ils sont assimilables à des choses. Les règles sur les papiers-valeurs, qui sont des choses dans lesquelles des droits sont incorporés, fournissent donc des solutions convenables, qui peuvent être transposées simplement et garantissent donc une 117 118 119 120

268

Rapport sur la TRD, p. 62 ss.

Rapport sur la TRD, p. 63 s.

Rapport sur la TRD, p. 84 s.

Graham-Siegenthaler/Furrer 2014: N 58 ss; Maurenbrecher/Meier 2017: N 26; HauserSpühler/Meisser 2018: 9 ss; Seiler/Seiler 2018: N 28 s; Meisser/Meisser/Kogens 2018: N 45; Kogens/Luchsinger Gähwiler 2019: N 1 ss.; voir également le rapport sur la TRD, p. 48.

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grande sécurité juridique121. Le critère du pouvoir de disposer du créancier permet également d'établir une distinction avec les simples registres centralisés qui sont déjà réglementés par la loi sur les titres intermédiés (voir ch. 1.2.1). Le transfert de droits-valeurs inscrits doit en principe pouvoir être effectué par chaque créancier sans l'intervention d'un organe centralisé digne de confiance qui gère le registre seul, et conformément aux règles propres du registre de droits-valeurs. Ce qu'il faut retenir, c'est que le débiteur n'a pas de pouvoir de disposer des droits. La situation est la même que pour un papier-valeur que le débiteur a émis et transféré au créancier.122 Le registre de droits-valeurs permet aux créanciers de vérifier leurs droits et d'en disposer, deux aspects qui ont aussi été souvent mentionnés lors de la procédure de consultation. Le critère du pouvoir de disposer de ses droits au moyen de procédés techniques recouvre tout cela.

Les systèmes actuels fondés sur la TRD permettent aux créanciers de disposer de leurs droits par des procédés cryptographiques123. Mais pour respecter la logique de la neutralité technologique unanimement invoquée lors de la procédure de consultation, il convient de renoncer à prescrire dans le code des obligations un procédé technique spécifique pour exercer le pouvoir de disposer. Si l'application des principes du droit des papiers-valeurs est en quelque sorte justifiée par le pouvoir de disposer des créanciers, la réalisation technique doit être du ressort des parties et la porte doit rester ouverte pour toutes sortes de solutions. C'est la raison pour laquelle on exige que les créanciers puissent disposer de leurs droits au moyen de procédés techniques. En fin de compte, le registre de droits-valeurs ne doit que permettre aux créanciers de disposer de leurs droits, mais les critères de qualification n'exigent pas qu'ils puissent disposer de leurs droits-valeurs inscrits en tout temps. La disponibilité permanente de toutes les fonctions du registre de droits-valeurs n'est donc pas posée comme condition au déploiement des effets de papier-valeur prévus aux art. 973e ss P-CO. Pour donner suite aux avis exprimés lors de la procédure de consultation, la sécurité du fonctionnement du registre est au contraire conçue comme une obligation du débiteur
et peut entraîner sa responsabilité (voir art. 973d, al. 3, P-CO).

Intégrité (al. 2, ch. 2) Le registre doit être en mesure de représenter correctement la situation juridique. Il convient donc d'exiger que l'intégrité des données du registre soit garantie. Cela signifie que les données et les opérations doivent être durables et qu'il ne doit pas être possible de les modifier unilatéralement sans autorisation. Plus précisément, une partie ne doit pas avoir la possibilité de modifier unilatéralement et indûment l'historique des transactions ou de déclencher une redistribution des droits-valeurs inscrits qui n'est pas prévue dans la description des fonctions.

Là encore, c'est principalement l'objectif qui est décrit afin de garantir la neutralité technologique visée: des mesures organisationnelles et techniques adaptées doivent préserver le registre de toute modification indue. Il s'agira de définir ou de convenir contractuellement pour chaque registre les opérations qui sont réputées autorisées.

121 122 123

Voir ch. 4.1.1.1.

Cf. Kuhn/Stengel/Meisser/Weber 2019, p. 15 ss.

Rapport sur la TRD, p. 18 ss.

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D'où l'importance que la description du système du registre renseigne de manière correcte, complète et sans risque de manipulation sur cet élément central (voir art. 973d, al. 2, ch. 3, P-CO).

La loi ne peut définir de manière exhaustive les mesures offrant une protection suffisante contre les modifications indues et, dans ce domaine, le développement de la pratique est constant. C'est pourquoi il convient de renoncer à donner une définition technique extrêmement détaillée dans le droit civil (également dans l'intérêt de la neutralité technologique visée; à propos de la solution choisie, voir ch. 1.2.1). La gestion en commun du registre de droits-valeurs par de multiples participants indépendants les uns des autres est toutefois citée dans la loi comme un moyen de protéger l'intégrité du registre. Les éventuelles autres solutions doivent correspondre au moins à ce standard de sécurité pour qu'un registre de droits-valeurs réponde aux exigences fixées dans la loi.

La notion d'intégrité est expliquée de manière plus précise ci-après, afin de la rendre plus concrète pour la pratique. Quelques exemples de systèmes TRD existants sont aussi cités, en particulier des systèmes qui, de l'avis du Conseil fédéral, pourraient satisfaire à cette exigence capitale au moment où il adoptera le message. Cette énumération n'a rien d'exhaustif. De nombreux autres protocoles sont sans doute à même de garantir l'intégrité. Les indications données ici ne portent d'ailleurs que sur les protocoles et non sur leur application au cas par cas.

La présente révision a pour contexte l'essor de la TRD et elle s'en inspire. La fonction de base d'un système TRD consiste à gérer un volume de données (ledger) de telle sorte que tous les participants intéressés s'accordent sur l'état actuel des données124. La garantie de l'intégrité des données gérées dans le système est donc une caractéristique essentielle.

Dans les domaines de la sécurité des informations, de la cryptographie et du calcul distribué, l'intégrité renvoie au fait que les données sont correctes: Lorsqu'on parle d'intégrité des données, cela veut dire que les données sont complètes et inchangées. [...] La perte d'intégrité de l'information peut indiquer que les données ont été indûment modifiées, que des données sur l'auteur ont été falsifiées ou que les données
temporelles relatives à l'établissement des données ont été manipulées125.

Cette définition est compatible avec celles du National Institute of Standards and Technology des États-Unis126 et, en Suisse, avec l'art. 6 du projet de loi fédérale sur la sécurité de l'information127.

Dans les systèmes fondés sur la TRD, l'intégrité des données est garantie par des signatures cryptographiques qui permettent d'identifier l'auteur d'une modification et, par-là, d'autoriser ladite modification. De cette manière, toute modification des 124 125

Rapport sur la TRD, p. 18 ss.

D'après une définition de l'Office fédéral allemand de la sécurité dans les techniques de l'information (Deutsches Bundesamt für Sicherheit in der Informationstechnik, www.bsi.bund.de).

126 CNSSI 4009-2015 (44 U.S.C., Sec. 3542) et FIPS 200 under INTEGRITY (44 U.S.C., Sec. 3542).

127 FF 2017 2907

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données gérées dans le système peut être opérée de manière autonome et vérifiée de manière indépendante par les parties, ce qui n'est pas le cas dans les registres de transactions classiques gérés de manière centralisée, où l'authentification est effectuée par une instance centralisée et digne de confiance. Les droits d'accès, qui déterminent quel participant peut accéder à quelles données et quelles données il peut modifier, sont inhérents au système. Ces informations, qui décrivent le mode de fonctionnement du registre, font partie intégrante de la convention d'inscription et, conformément au projet du Conseil fédéral, elles doivent être consignées dans le registre ou être associées à ce dernier par un moyen technique (voir art. 973d, al. 2, ch. 3, P-CO). Dans la plupart des systèmes, un jeu de données est attribué à un participant unique ou à un groupe de participants qui sont les seuls à pouvoir modifier les données; il est également possible de créer des droits spéciaux pour quelques participants.

Les systèmes fondés sur la TRD les plus connus du moment, à savoir la blockchain bitcoin et Ethereum, garantissent l'intégrité des données par une gestion des données décentralisée et un mécanisme de consensus basé sur les principes de la preuve de travail (proof-of-work)128. Dans le protocole bitcoin et dans les solutions qui s'y réfèrent, chaque jeu de données est attribué à un ou plusieurs participants moyennant le recours à des signatures cryptographiques. Pour qu'un participant puisse transférer des jetons à un autre participant, il doit signer la transaction et, ce faisant, il s'authentifie et autorise la transaction. Une transaction signée par l'expéditeur est validée lorsque la signature correspond au participant auquel les jeux de données concernés sont attribués. Dans la mesure où plusieurs transactions contradictoires peuvent circuler simultanément dans le réseau, il faut en plus de la garantie de validité des transactions un mécanisme de consensus pour régler les conflits. Pour cela, les transactions sont confirmées lorsqu'elles sont intégrées dans la blockchain, au sein de laquelle seules des transactions non contradictoires peuvent apparaître.

Afin que l'intégrité puisse être garantie, il est donc nécessaire que chaque transaction soit validée individuellement et qu'une seule transaction
puisse être confirmée parmi plusieurs transactions potentiellement contradictoires. Bien que le bitcoin, en tant que pure cryptomonnaie, ne soit pas concerné par la modification proposée du droit des papiers-valeurs (voir ch. 1.2.1), le protocole sur lequel il repose au moment de l'adoption du présent message par le Conseil fédéral est considéré comme un exemple de blockchain remplissant les exigences d'intégrité. Il en va de même d'Ethereum, qui se fonde pour l'essentiel sur le protocole de la blockchain bitcoin.

Si les parties conviennent d'inscrire leurs droits dans un registre décentralisé de ce type, il faudra au minimum exiger que le système offre réellement et en tout temps une décentralisation minimale et par-là une certaine résilience. À cette fin, le système doit réunir plusieurs personnes indépendantes les unes des autres, qui participent effectivement au mécanisme de consensus utilisé. De plus, la sécurité de l'échange des données au sein du réseau, de même que l'authentification et l'autorisation des parties doivent être garanties par des méthodes cryptographiques appropriées. Les blockchains décentralisées décrites ci-dessus ne peuvent en principe satisfaire aux exigences de la loi relatives aux registres de droits-valeurs que si

128

Rapport sur la TRD, p. 25 s.

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ces conditions sont remplies, à moins que des dérogations ne soient prévues par contrat et que celles-ci ne puissent nuire à l'intégrité des données du système.

D'autres protocoles comprenant un mécanisme de consensus et de résolution des conflits pourraient, au moment de l'adoption du présent message par le Conseil fédéral, permettre l'intégrité visée, notamment ceux fondés sur la preuve d'enjeu (proof-of-stake), dans lesquels l'influence des participants est évaluée de manière décentralisée en fonction de la proportion de jetons qu'ils détiennent dans le système TRD. Les blockchains Cardano129 et Algorand130 en sont des exemples prometteurs.

La révision législative proposée doit aussi pouvoir s'appliquer à des systèmes TRD comptant un cercle restreint de participants connus, également appelés permissioned systems131. Corda et Hyperledger Fabric sont deux exemples de systèmes de ce type, où la résolution des conflits fondée sur la blockchain est remplacée par des participants spéciaux qui veillent à ce que sur l'ensemble des transactions contradictoires une seule soit acceptée. Les participants disposant de droits spéciaux veillent à ce qu'une séquence non équivoque de transactions soit établie où seule la première peut être acceptée132. Les participants qui sont chargés de veiller à la résolution des conflits sont souvent appelés «notaires». Entre eux, ils utilisent des algorithmes de consensus classiques provenant du domaine du calcul distribué133. Ces algorithmes se basent sur un vote des participants et peuvent être utilisés ici parce qu'il s'agit d'un cercle restreint de participants connus (il est donc possible d'attribuer les voix et de les compter).

Il est également important que ces systèmes fonctionnent conformément à la description du système et que seules les opérations qui y sont décrites soient autorisées.

De la même manière, les registres de droits-valeurs qui aménagent des droits spéciaux à certains participants doivent être organisés de telle manière que ces participants garantissent la représentation correcte des rapports juridiques, notamment de par leur indépendance à l'égard des parties impliquées. Tant que tel est le cas, ces systèmes garantissent aussi de manière suffisante l'intégrité des données qu'ils contiennent.

Publicité (al. 2, ch. 3 et 4) Le registre doit,
comme un papier-valeur, permettre d'avoir des informations sur le droit titrisé. Le contenu exact de ce dernier (montant de la participation, montant de la créance, date d'échéance, etc.) doit être accessible, de sorte qu'il puisse être négocié sans difficulté. La convention d'inscription ­ cet accord qui correspond à la clause de titre pour les papiers-valeurs, et selon lequel le droit ne pourra être fait valoir et transféré que dans le registre ­ devra être claire et transparente pour les parties. Même chose pour le mode de fonctionnement du registre, soit la manière dont les écritures sont exécutées et validées. C'est uniquement lorsque ces données sont accessibles de manière permanente et avec une garantie de protection contre les 129 130 131 132

www.cardano.org/ www.algorand.com Rapport sur la TRD, p. 23 ss.

Concernant Corda, voir: https://docs.corda.net/key-concepts-consensus.html; concernant Hyperledger Fabric, voir: https://hyperledger-fabric.readthedocs.io/en/ release-1.4/orderer/ordering_service.html (état le 30.08.2019).

133 Rapport sur la TRD, p. 25 s.

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modifications unilatérales que les créanciers disposent des informations nécessaires pour pouvoir exercer leurs droits et qui font que le registre de droits-valeurs peut être qualifié en tant que tel. Afin de tenir compte des caractéristiques techniques de nombre de registres, la disposition n'exige cependant pas que ces détails soient inscrits obligatoirement dans le registre lui-même. Le contenu des droits pourra aussi être consigné dans une documentation d'accompagnement lisible, dont le lien avec le registre sera suffisamment clair. Il pourra s'agir de conditions d'émission, de statuts d'une société, de prospectus d'émission, d'un «livre blanc» ou autre document de ce genre.

Ces informations devront toutefois obligatoirement être reliées au moins techniquement au registre, par ex. au moyen d'une valeur de hachage (hash value), car ces informations de base relatives au contenu des droits doivent aussi être protégées par l'intégrité du registre de droits-valeurs et offrir une protection contre les manipulations. C'est uniquement de cette manière que les créanciers pourront vérifier et prouver leur droit en tout temps.

Le ch. 4 exige que les parties puissent réellement consulter les informations et les données du registre visées au ch. 3 qui les concernent. Le registre ne peut garantir l'effet de publicité recherché que de cette manière. Les parties doivent en tous les cas pouvoir consulter les informations qui les concernent, mais pas obligatoirement l'ensemble du registre. Le ch. 4 exige aussi que les parties puissent vérifier l'intégrité du contenu du registre qui les concerne sans l'intervention de tiers; les créanciers doivent en particulier avoir la possibilité de faire ces vérifications sans le concours du débiteur, pour s'assurer que leurs droits sont représentés correctement.

Contrairement à l'avant-projet, le projet n'exige cependant plus que cette consultation puisse se faire en tout temps, car une indisponibilité temporaire du registre de droits-valeurs ne doit pas pouvoir remettre en cause les effets de papier-valeur des droits inscrits dans le registre. Mais pour garantir la publicité requise, il faudra exiger qu'il soit généralement possible de consulter les inscriptions.

Obligations du débiteur (al. 3) Le registre de droits-valeurs doit non seulement être protégé contre les
modifications indues, il doit aussi fonctionner comme les parties en sont convenues. L'exigence a toutefois été modifiée par rapport à l'avant-projet, en tant que la sécurité du fonctionnement ne figure plus parmi les critères de qualification d'un registre de droitsvaleurs et ne constitue donc pas une condition impérative au sens de l'art. 973d, al. 2. Si le registre ne fonctionne pas correctement pendant un moment, par ex. s'il n'est temporairement pas disponible, le caractère de papier-valeur des droits qui y sont représentés n'est pas affecté. Sinon, de nombreuses transactions pourraient devoir être invalidées rétroactivement.

Selon l'art. 973d, al. 3, le débiteur doit veiller à ce que l'organisation du registre de droits-valeurs soit adaptée à son but et à ce que le registre fonctionne en tout temps conformément à la convention d'inscription. Le mode de fonctionnement du registre doit avoir la fiabilité promise. Cette obligation incombe au débiteur parce c'est normalement lui qui prend l'initiative de constituer un droit dans un registre de droits-valeurs et qui choisit le registre. C'est donc lui qui peut le mieux veiller au fonctionnement et à l'intégrité et qui peut éventuellement se garantir contre les 273

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risques, par contrat, auprès de l'exploitant du registre contre lequel il pourra se retourner en cas de responsabilité.

En cas de préjudice dû au dysfonctionnement du registre, le débiteur devra en répondre en vertu des principes généraux de la responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO). On peut aussi envisager une responsabilité précontractuelle du débiteur s'il a violé ses obligations pendant les pourparlers (culpa in contrahendo). Le débiteur doit communiquer d'office à chaque acquéreur d'un droit-valeur inscrit (ou supposé tel) non seulement le contenu du droit-valeur et le fonctionnement du registre, mais aussi les informations concernant les mesures visant à assurer son fonctionnement et à préserver l'intégrité des données qu'il contient (art. 973i P-CO). Ces indications seront en règle générale une partie intégrante du contrat entre le débiteur et les acquéreurs. En outre, une norme de responsabilité légale est prévue pour les cas où le débiteur n'a pas fait preuve de toute la diligence requise dans l'information aux créanciers (art. 973i, al. 2, P-CO).

Art. 973e

Effets

Les effets des droits-valeurs inscrits sont conçus sur le modèle de ceux des papiersvaleurs de foi publique. À l'origine, il s'agissait de répondre aux besoins fondamentaux de ceux qui engageaient des transactions commerciales: celui qui avait acquis un papier-valeur d'un inconnu voulait savoir s'il pouvait se fier à l'aliénateur de ce papier et au droit qui y était représenté134. Cette confiance se fondait ­ comme pour les droits réels ­ sur la publicité135. La légitimation et le contenu du droit représenté par le papier-valeur étant reconnaissables de l'extérieur, on pouvait s'y fier dans les transactions. Le recours de plus en plus fréquent à des dépositaires a réduit l'importance de la publicité ces derniers temps; il a plutôt été question de confiance dans les dépositaires et dans leur bonification. C'est ainsi que la LTI a vu le jour 136.

Dans le contexte de l'incorporation de droits dans un jeton, la situation est cependant de nouveau telle que les participants au marché créent directement des droits et en font directement le négoce, sans passer par un intermédiaire de confiance. Le Conseil fédéral estime donc justifié de se référer aux effets que déployaient à l'origine les papiers-valeurs lorsque des droits sont constitués par l'inscription dans un registre électronique offrant une protection contre les manipulations; ces effets répondent à un besoin pratique dans ce nouveau contexte. Les droits-valeurs inscrits auront donc, sur le modèle des papiers-valeurs, un effet de présentation (al. 1), un effet de légitimation (al. 2) et un effet de protection des transactions (al. 3 et 4).

Effet de présentation (al. 1) Une clause de présentation double est une clause convenue entre les parties sous l'effet de laquelle le débiteur n'a le droit de payer ni n'est tenu de payer que contre la présentation du titre. D'une part, le créancier ne peut pas faire valoir son droit sans le titre (art. 965 CO) et d'autre part, le débiteur n'est tenu de payer que contre la remise du titre (art. 966, al. 1, CO). Le débiteur qui s'acquitte de son obligation sans remise du titre n'en est pas libéré définitivement s'il ne s'en acquitte pas envers 134 135 136

274

Voir Meier-Hayoz/von der Crone 2018: ch. 326 ss.

Rapport sur la TRD, p. 52.

Voir ch. 4.1.1.2.

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l'ayant droit effectif137. La formulation proposée à l'al. 1 exprime ces deux effets de la clause de présentation, en reprenant des éléments des deux dispositions (art. 965 et 966, al. 1, CO). De la même manière que le paiement n'a lieu que contre la présentation du titre pour les papiers-valeurs, l'exécution de la prestation n'aura lieu qu'envers les personnes auxquelles le registre confère la qualité de créancier, pour les droits-valeurs inscrits. Le registre, pour bien rendre compte de la situation juridique, doit refléter le paiement. Le débiteur peut se faire transférer le droit-valeur inscrit, comme on transférerait un papier-valeur. Il est également envisageable que le paiement (partiel) apparaisse d'une autre manière dans le registre.

Effet de légitimation (al. 2) Celui à qui le registre attribue un droit-valeur inscrit ­ la personne à qui le registre confère la qualité de créancier dudit droit-valeur ­ en est considéré comme l'ayant droit. Comme pour un papier-valeur (art. 966, al. 2, CO), le débiteur peut le désintéresser par un paiement à l'échéance et il est alors libéré de sa dette, sauf dol ou négligence grave de sa part. Si c'est en réalité un autre créancier qui est l'authentique ayant droit, il ne peut pas exiger le paiement une deuxième fois du débiteur; il doit se retourner contre le créancier désigné par le registre de droits-valeurs qui a reçu le paiement à tort.

Protection des transactions: protection de la bonne foi (al. 3) Dans le domaine des droits-valeurs inscrits, la protection de la bonne foi sera similaire à celle qui prévaut pour les titres à ordre138. Pour ces derniers (par ex. des actions nominatives), le possesseur du titre est considéré comme le créancier légitimé s'il est nommé dans le titre comme l'ayant droit ou comme son ayant cause. La qualité d'ayant droit est attestée par la suite ininterrompue d'endossements au verso du titre. Il peut en être de même dans un registre électronique offrant une protection contre les manipulations , lequel énumère exhaustivement les transactions.

À l'opposé des créances traditionnelles, les droits-valeurs inscrits présentent un risque réel de perte (par ex. par la perte du mot de passe ou par piratage informatique). Si un tiers reçoit d'une personne non légitimée un droit-valeur inscrit, il restera protégé par la loi et
pourra conserver le droit-valeur s'il ne l'a pas acquis de mauvaise foi ou par une négligence grave (voir art. 1006, al. 2, CO). Il incombera au détenteur initial d'agir contre la personne non légitimée et de requérir en temps utile l'annulation du droit-valeur inscrit (art. 973h P-CO).

Protection des transactions: restriction des exceptions (al. 4) Les exceptions sont limitées tant pour les titres au porteur que pour les titres à ordre.

Cette restriction protège la confiance de l'acquéreur d'un papier-valeur dans le contenu du droit qui y est incorporé (art. 979 et 1007 CO). Une disposition similaire est proposée pour les droits-valeurs d'un registre distribué.

137 138

Meier-Hayoz/von der Crone 2018: ch. 26.

Voir art. 1006, al. 2, CO.

275

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Art. 973f

Transfert

Transfert régi par la convention d'inscription (al. 1) Selon l'art. 973d, al. 1, ch. 2, P-CO, un droit produit notamment les effets d'un droit-valeur inscrit lorsque les parties conviennent qu'il n'est possible de le faire valoir et de le transférer que par le registre de droits-valeurs. Pour donner satisfaction à une demande maintes fois exprimée lors de la procédure de consultation, l'art. 973f, al. 1, P-CO précise explicitement que le transfert d'un droit-valeur inscrit peut aussi être effectué au moyen du registre et selon les règles prévues dans la convention d'inscription. De la sorte, le transfert des droits-valeurs inscrits ne nécessite pas de cession écrite, contrairement à ce qui est exigé pour les droits-valeurs simples sans caractère de papier-valeur (art. 973c, al. 4, CO). Les modalités précises du transfert varient d'un registre à l'autre et dépendent en particulier du mécanisme de consensus choisi. C'est pourquoi il est très important que la convention d'inscription soit transparente sur cet aspect (art. 973d, al. 2, ch. 3, P-CO).

Le Conseil fédéral estime qu'il y a un lien de causalité entre la transaction sousjacente et le transfert du droit-valeur inscrit, comme c'est le cas pour le transfert d'un papier-valeur.139 De nombreux participants à la procédure de consultation, mais pas tous, partagent cet avis. Pour que le transfert soit valable, il faut donc qu'il y ait un accord contractuel valable (par ex. un contrat de vente) et un acte de disposition sous la forme du transfert effectif dans le registre. Il faut aussi noter que les effets de la bonne foi prévus à l'art. 973e, al. 3 et 4, P-CO se déploient aussi, notamment en cas d'erreurs dans la transaction sous-jacente.

Irréversibilité en cas de faillite, de mise en gage et de sursis concordataire (al. 2) La question de l'irréversibilité ­ quand une disposition prise sur un droit-valeur inscrit déploie-t-elle ses effets ­ est laissée ouverte de manière générale; elle relèvera des règles du registre de droits-valeurs ou d'un autre système de négociation utilisé en l'occurrence, ou de l'accord pris par les parties. Au cas où la faillite serait ouverte contre le créancier d'un droit-valeur inscrit, où une saisie serait exécutée ou bien où un sursis concordataire serait octroyé, la date à laquelle le créancier prend une disposition
sur le droit-valeur en question déterminera si le droit peut encore être considéré comme faisant partie de ses biens et a donc des effets vis-à-vis des tiers.

Cet aspect doit être réglé dans la loi, et c'est pourquoi l'al. 2 prévoit que la disposition prise sur un droit-valeur inscrit a des effets vis-à-vis de tiers si elle est devenue irrévocable avant l'ouverture de la faillite, l'exécution de la saisie ou l'octroi du sursis concordataire. L'irréversibilité pourra découler des règles du registre de droits-valeurs utilisé, mais elle pourra aussi être le fait d'un autre système de négociation ou de règlement des opérations qui se trouve à un niveau supérieur. Il faudra en outre que la disposition ait été effectivement exécutée. C'est normalement le cas, dans la TRD ou dans une blockchain, lorsque la transaction a été validée selon les règles du registre; ce processus peut prendre un certain temps. Afin que des transactions ne se retrouvent pas indéfiniment dans les limbes ­ ce qui ouvrirait également la porte à toutes sortes de manipulations ­ il est exigé qu'elles soient exécutées dans les 24 heures qui suivent leur saisie. Si cela n'est pas fait, elles ne sont pas oppo139

276

Cf. Kramer/Oser/Meier 2019, p. 28.

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sables aux tiers et, par conséquent, le bien ou une éventuelle créance compensatoire est rattaché à la masse de la faillite.

Règle de priorité (al. 3) L'al. 3 résout les conflits qui peuvent surgir si un même droit est représenté sous deux formes qualifiées ­ celle du papier-valeur et celle du droit-valeur inscrit. Selon l'art. 973d, al. 1, P-CO, les parties doivent convenir de ne plus faire valoir ou transférer le droit-valeur inscrit que dans le registre. Dans le cas normal, on peut supposer que si un droit a déjà été incorporé dans un titre, ce dernier sera forcément détruit ou du moins immobilisé avant son enregistrement électronique. Si toutefois le titre et le droit-valeur devaient coexister, celui qui acquiert de bonne foi le papier-valeur aura la priorité sur celui qui acquiert de bonne foi le droit-valeur inscrit. Le papier ­ la chose ­ aura la primauté sur le droit dont l'existence est purement électronique. Il existe une norme similaire pour les titres représentatifs de marchandises à l'art. 925, al. 2, CC.

Art. 973g

Sûretés

L'art. 973g P-CO règle la constitution de sûretés telles que droit de gage ou usufruit ­ deux droits déployant des effets absolus140 ­ dans le cas d'un droit-valeur inscrit.

Il s'inspire largement des règles prévues pour les papiers-valeurs. Le droit de gage sera donc régi par les dispositions relatives au gage sur les créances et autres droits applicables aux papier-valeurs (art. 899 à 906 CC). Ce renvoi n'inclut pas, en particulier, l'art. 900, al. 1, CC, qui ne s'applique qu'aux créances qui ne sont pas titrisées. La forme écrite n'est donc pas prévue pour l'acte constitutif de gage. Pour la mise en gage, le droit devra être transféré au gagiste. Ainsi, le droit de gage sera visible pour les tiers (publicité), et par ailleurs le créancier gagiste sera assuré de pouvoir réaliser le gage s'il n'est pas désintéressé, sans intervention du débiteur. Ces deux conditions pourront aussi être remplies, grâce à des procédés techniques, autrement que par le transfert du droit-valeur inscrit. L'al. 1 contient donc une réserve à ce sujet pour toutes les sûretés.

Aucune modification de la loi ne s'impose s'agissant de l'usufruit d'une créance et d'autres droits (art. 745 ss CC). En effet, l'art. 745, al. 1, CC prévoit déjà qu'un usufruit peut être établi notamment sur «des droits ou un patrimoine» et il est donc déjà formulé de manière suffisamment ouverte pour permettre sans autre forme de procès la constitution d'un usufruit sur un droit-valeur inscrit.

En ce qui concerne le droit de rétention, on peut renvoyer aux art. 895 ss CC, qui s'appliquent par analogie.

Art. 973h

Annulation

Comme il est possible de perdre l'accès à un droit-valeur inscrit de même que l'on perd un papier-valeur physique, il faut qu'il soit possible de rompre le lien entre le droit et le registre pour faire valoir le premier indépendamment du second. On pense notamment à des cas dans lesquels l'ayant droit d'un droit-valeur inscrit a perdu la 140

Voir Rey 2007: ch. 95 ss.

277

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possibilité d'accéder à son droit, par ex. en perdant sa clé privée, mais aussi à la possibilité que l'accès ­ et donc le droit-valeur ­ lui ait été soustrait. Le projet prévoit donc une procédure permettant de faire annuler par le juge l'inscription du droit dans le registre, comme il peut annuler un titre perdu. On se référera par analogie aux art. 981 ss CO pour la procédure. Selon l'al. 1, l'ayant droit doit rendre plausible qu'il avait le pouvoir de disposer du droit-valeur (ce qui correspond à la possession d'un papier-valeur) et qu'il a perdu ce pouvoir. Après l'annulation, il peut aussi faire valoir son droit en dehors du registre, par ex. en exigeant des prestations échues directement auprès du débiteur ou en justifiant de son statut d'actionnaire auprès de la société concernée. Le lien entre le droit-valeur et l'inscription dans le registre ayant été annulé par le tribunal, le droit continue d'exister en tant que simple droitvaleur sans forme particulière. Le créancier peut aussi demander au débiteur l'attribution d'un nouveau droit-valeur inscrit, mais il doit en assumer les frais (voir aussi l'art. 986, al. 3, CO).

Cette procédure peut aussi être utilisée lorsque des successeurs légaux, comme les héritiers dans une succession universelle, n'ont pas de fait le pouvoir de disposer du droit-valeur inscrit (par ex. s'ils ne trouvent nulle part la clé d'accès). Il va de soi que, dans ce cas-là, les nouveaux ayants droit ne doivent pas ­ comme c'est d'ailleurs aussi le cas pour les papiers-valeurs ­ rendre plausible qu'ils avaient le pouvoir de disposer du droit-valeur eux-mêmes, mais montrer que ce pouvoir appartenait à leur prédécesseur en droit, dont ils assument tous les droits et obligations.

Selon la façon dont le registre est conçu sur le plan technique, il y aura plusieurs manières de procéder avec le droit-valeur inscrit qui a été annulé. Dans certaines circonstances, celui-ci pourra être effacé par l'exploitant du registre, s'il en existe bien un, ou par un autre moyen technique, ou du moins immobilisé ou marqué comme annulé. Si cette solution est souhaitable, il est aussi envisageable qu'il reste attribué à des parties non autorisées ­ comme des papiers-valeurs annulés dont on ne connaît pas l'emplacement ­ ou qu'il reste inscrit, mais sans déployer d'effets.

L'al. 2 permet aux
parties de prévoir une annulation sous forme simplifiée, avec un nombre de sommations publiques réduit ou des délais plus courts. Outre l'avis public, les parties pourront aussi convenir d'une communication du débiteur dans le système. Le fait que le juge puisse publier la sommation non seulement dans la Feuille officielle suisse du commerce mais aussi par d'autres moyens découle déjà de l'art. 984, al. 2, CO.

Art. 973i

Information et responsabilité

En règle générale, le débiteur (la société anonyme qui émet les actions, la société qui recourt à des emprunts pour se financer) prendra l'initiative de constituer des droitsvaleurs dans un registre de droits-valeurs et sera aussi celui qui choisit le registre. Il sera donc le mieux placé pour veiller à l'intégrité et au fonctionnement sûr du registre et pour s'en assurer en concluant un contrat avec l'exploitant du registre, s'il en existe un. L'al. 1 exige donc que le débiteur informe chaque acquéreur du contenu du droit-valeur inscrit, du mode de fonctionnement du registre ainsi que des mesures visant à assurer son fonctionnement et son intégrité (art. 973d, al. 2 et 3, P-CO). Ainsi, tous les acquéreurs d'un droit-valeur inscrit disposeront de toutes les 278

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informations essentielles. Ces informations seront en règle générale partie intégrante de la convention entre le débiteur et le premier créancier d'un droit-valeur inscrit, lequel les transmettra aux créanciers suivants.

L'al. 2 prévoit une responsabilité du débiteur pour les dommages causés à l'acquéreur d'un droit-valeur inscrit (ou supposé tel) s'il a fourni des informations inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales. Ces conditions correspondent à celles de l'art. 69, al. 1, LSFin. Le débiteur pourra s'exonérer de sa responsabilité s'il prouve qu'il a fait preuve de toute la diligence requise dans l'information fournie aux créanciers. Cela correspond aux principes généraux de la responsabilité pour faute et est conforme au critère de la responsabilité contractuelle (art. 97, al. 1, CO). On peut s'attendre à ce que la branche développe et impose des normes spécifiques dans un avenir proche. Le débiteur sera responsable des dommages causés par les auxiliaires selon les principes généraux (art. 55 et 101 CO).

Cette norme de responsabilité s'appliquera aussi lorsque le débiteur a choisi un registre ne répondant pas aux exigences de l'art. 973d, al. 2, P-CO et qu'il n'en a pas informé correctement les acquéreurs des droits-valeurs inscrits (ou supposés tels).

Dans un tel cas de figure, le transfert des droits pourrait se révéler nul rétroactivement, puisque les effets caractéristiques des papiers-valeurs n'ont pas pu se déployer. C'est pourquoi les acquéreurs de ce qu'ils pensent être des droits-valeurs inscrits doivent être protégés lorsqu'ils se fient aux informations fournies par le débiteur141. En se fondant sur les promesses de ce dernier, ils pourraient en effet avoir acquis quelque chose qui s'avère sans valeur aucune. Il s'agit donc d'une application du principe de la responsabilité précontractuelle (culpa in contrahendo).

Les principes généraux de la responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO) s'appliqueront par ailleurs dès lors qu'une relation contractuelle s'établira effectivement entre un débiteur et l'acquéreur d'un droit-valeur inscrit. La responsabilité légale en matière d'information, sans possibilité d'exonération, vient compléter cette responsabilité contractuelle, censée garantir dans tous les cas la remise d'une documentation suffisante et une répartition
des risques aussi réfléchie et adéquate que possible.

Selon l'al. 3, le débiteur ne pourra pas se libérer de sa responsabilité au sens de l'al. 2. Cela vaut également pour la responsabilité pour les auxiliaires. Conformément aux principes généraux du droit des papiers-valeurs, il reviendra aux parties d'assurer l'intégrité et le fonctionnement sûr du registre, étant bien entendu que le débiteur est celui qui est le plus apte à assumer cette responsabilité. Il doit donc informer les cocontractants potentiels de manière exhaustive sur le mode de fonctionnement du registre et sur la manière dont sa sécurité est assurée, mais il doit aussi répondre de l'exactitude des informations fournies. Permettre au débiteur de se dégager de cette responsabilité serait, de l'avis du Conseil fédéral, lui octroyer un privilège indu. Naturellement, il sera libre de demander une indemnisation à l'exploitant du registre ou à un tiers impliqué et de leur transférer la responsabilité par la voie contractuelle. L'autonomie privée permet de passer toute sorte d'accords pour répartir les risques de manière appropriée. La loi ancre cependant la responsabilité en premier lieu auprès du débiteur, car c'est lui qui prend en général l'initiative 141

Voir le commentaire de l'art. 973d, al. 2, ch. 2, P-CO.

279

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de constituer des droits-valeurs dans un registre distribué et qui en profite de manière déterminante.

Coordination avec la révision de la loi sur les finances de la Confédération Le message de novembre 2019 concernant une révision de la loi sur les finances de la Confédération (LFC) propose d'autoriser l'Administration fédérale des finances (AFF) à émettre des emprunts de la Confédération sous la forme de droits-valeurs (art. 60, al. 3, P-LFC). Il convient de relever qu'il ne s'agira que de droits-valeurs au sens de l'art. 973c CO, donc de droits-valeurs simples au sens du projet de loi sur l'adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués, et ce même après son entrée en vigueur. La négociabilité des droits-valeurs inscrits n'est d'ailleurs pas utile dans le cas des emprunts de la Confédération, puisque ceux-ci sont toujours émis sous forme de titres intermédiés.

Selon l'évolution de ces deux projets législatifs, il conviendra donc peut-être d'adopter une disposition de coordination afin de s'assurer que le libellé du nouvel art. 60, al. 3, LFC soit adapté lors de l'entrée en vigueur de la deuxième loi ou en cas d'entrée en vigueur simultanée, de sorte que la LFC parle bien de droits-valeurs simples au sens de l'art. 973c CO.

5.1.3

Titres représentatifs de marchandises

Art. 1153 Titre marginal La création d'une nouvelle disposition consacrée aux titres représentatifs de marchandises (art. 1153a P-CO) induit une modification du titre de l'art. 1153 CO.

Art. 1153a

Titres représentatifs de marchandises d'un registre de droits-valeurs

Cette nouvelle disposition autorise l'émission de titres représentatifs de marchandises dans un registre de droits-valeurs au sens de l'art. 973d, al. 2, P-CO. Ces titres seront soumis aux règles généralement applicables à ce type de papier-valeur.

La solution proposée est conforme à l'art. 8 des Règles de Rotterdam, que la Suisse a signées mais qu'elle n'a pas encore ratifiées 142. Cette convention permet l'établissement de documents électroniques de transport, posant comme conditions le consentement des parties et la prise en charge par ces documents des fonctions d'un papier-valeur.

142

280

Voir ch. 1.2.1.

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5.2

Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite143

Art. 242a

Restitution de cryptoactifs

Ce nouvel article crée un droit légal à la restitution de cryptoactifs qui s'applique que le client ait initialement transféré le jeton au failli ou que le failli l'ait acquis pour le compte du client ou attribué au client. La revendication s'appuie sur les droits réels (art. 641, al. 2, CC) ou sur le droit du mandat (art. 401, al. 3, CO). Il s'agit d'une revendication à l'encontre de la masse de la faillite, qui doit être examinée par l'administration de la faillite sur requête, dans le cadre du déroulement de la faillite. Vu la proximité matérielle avec les revendications de tiers sur les biens meubles qui sont prévues par le droit de la faillite, il paraît approprié de placer la nouvelle disposition à la suite de l'art. 242 LP, d'autant qu'elle s'en rapproche par le contenu et la structure.

Il convient enfin de souligner que cette norme s'applique uniquement si aucune autre ne prime. Par ex., lorsque les biens du client peuvent lui être restitués dans le cadre des dispositions de la loi sur les banques régissant la distraction des valeurs déposées, l'action en revendication au sens de la LP n'est pas nécessaire.

L'al. 1 indique quels biens peuvent faire l'objet d'une action en revendication. Il est rédigé sur le modèle de l'art. 242, al. 1, LP. Il décrit l'objet de la norme, dont le titre marginal donne une version condensée. Le terme de «cryptoactifs» désigne tous les biens dont on ne peut accorder le pouvoir de disposer que par un processus cryptographique. Cela inclut entre autres les jetons de paiement et les droits-valeurs inscrits qui font l'objet du présent projet. La norme n'englobe pas d'autres biens immatériels ou numériques, par ex. des créances (purement obligationnelles) ou des fichiers de données et des informations appréciables en argent.

Nous avons vu au ch. 4.1.2.1 que le failli doit avoir un pouvoir effectif de disposer du bien au moment de l'ouverture de la faillite pour que celui-ci puisse être intégré dans la masse de la faillite. Comme cela a été exposé, seuls rentrent dans la masse les biens auxquels le ou les ayants droit n'ont pas un accès direct, le failli possédant toutes les clés d'accès nécessaires pour pouvoir lui-même en disposer directement: en effet, si le tiers peut disposer du bien, la restitution n'est pas nécessaire, et si l'administration de la faillite
n'a pas les moyens d'en disposer, la restitution n'est pas possible. Dans ce dernier cas, il conviendra cependant d'examiner s'il est possible, pour autant que les conditions soient réunies, de revendiquer la clé d'accès en se fondant sur l'art. 242b P-LP (revendication de l'accès aux données).

L'art. 242 ne dit rien des conditions auxquelles une revendication est fondée, se référant implicitement au droit matériel. L'al. 2 apporte donc une réponse claire à cette question, car celle-ci ne découle pas de manière évidente du reste de la législation.

Cette disposition prévoit explicitement la possibilité de restituer des cryptoactifs.

Cela permet d'éliminer les incertitudes du droit en vigueur concernant l'application 143

RS 281.1

281

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de l'art. 242 LP à ces biens. La revendication de ces derniers est en outre soumise à deux conditions: ­

La première est que le débiteur failli doit s'être engagé envers le tiers à tenir les cryptoactifs à sa disposition en tout temps. Cela signifie concrètement que, dès le moment où le tiers lui a cédé le pouvoir de disposer des biens ou dès le moment où il a acquis le pouvoir de disposer des biens pour le compte du tiers, le failli est tenu d'avoir le pouvoir de disposer des biens (au sens de l'al. 1) de manière ininterrompue. Il suffit cependant qu'il possède de manière ininterrompue le nombre d'unités détenues pour le tiers pour que l'obligation soit considérée comme remplie. Autrement dit, il est permis de remplacer certains jetons, pour autant que le nombre total de jetons ne soit jamais inférieur à la quantité requise pour pouvoir désintéresser l'ayant droit en tout temps. Cette condition exige ainsi que le failli ne soit pas autorisé à effectuer des transactions pour compte propre avec les biens déposés. Si le contrat prévoit que le dépositaire peut effectuer des transactions de ce type à l'actif, on ne peut plus considérer qu'il s'agit d'un dépôt au sens du droit de la faillite (Hinterlegung) et une action en revendication au sens de la LP n'est donc pas possible; les biens doivent alors être considérés comme un dépôt au sens de la loi sur les banques (Einlage), avec les conséquences que cela implique.

­

La deuxième condition peut se réaliser de deux manières.

­ Dans le premier cas, les biens doivent pouvoir être attribués individuellement au tiers (let. a)144. Cette condition établit une analogie avec le droit de propriété réelle, comme cela a été exigé de manière généralisée. Contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, on n'exige plus que la légitimation individuelle puisse être directement retracée dans le registre distribué. Dans cette variante, il faut seulement que chaque jeton puisse être attribué individuellement à un ayant droit spécifique au moment de l'ouverture de la faillite. En général, cette attribution individuelle sera effective du fait que les jetons seront détenus sur un compte spécial attribué à l'ayant droit concerné. Il suffit d'ailleurs que cette attribution découle d'un registre interne du failli. S'il est prévu de personnaliser les jetons par des moyens techniques tels qu'un numéro de série unique, il n'est pas nécessaire de les placer sur un compte attribué à chaque ayant droit. Dans ce cas, le critère de l'attribution individuelle est aussi rempli si chaque jeton, identifiable par un numéro unique, peut être attribué à un client unique à l'aide d'un tableau d'attribution disponible auprès du failli et que, en cas de faillite, on peut savoir si les biens de chaque ayant droit sont encore disponibles et si une action en revendication est encore possible, comme c'est le cas pour les biens meubles.

­ Dans une autre variante (let. b), complémentaire à la réglementation proposée dans l'avant-projet, une revendication est aussi possible si les biens appartiennent à une communauté, alors même qu'ils ne peuvent

144

282

Voir aussi Eckert 2016: 266; Schönknecht 2016: 309; Hauser-Spühler/Meisser 2016: 11; Maurenbrecher/Meier 2017: N 26; Graham-Siegenthaler/Furrer 2017: N 78.

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pas être attribués individuellement à l'ayant droit. Il faut toutefois que la part de chaque ayant droit au sein de la communauté soit clairement établie. Il sera alors possible de revendiquer la part des biens encore disponibles qui revient au tiers. De cette manière, les jetons de plusieurs clients pourront être conservés sur un compte global (ou sur plusieurs comptes globaux).

Cette norme s'inscrit aussi dans le prolongement de l'analogie avec le dépôt au sens du droit de propriété réelle, puisqu'elle autorise la conservation collective de cryptoactifs qui appartiennent à plusieurs ayants droit, comme c'est le cas pour les biens meubles. Mais tandis que les ayants droit acquièrent un droit de copropriété sur les biens meubles, dans le cas des biens immatériels, ils acquièrent un droit collectif à la restitution en vertu de l'art. 242a, al. 2, let. a, pour autant que les biens puissent être attribués à la communauté. Une action en revendication serait donc aussi possible en se fondant sur la let. a, mais seulement sur demande de la communauté elle-même et uniquement pour la totalité des biens. En dehors de la procédure de faillite, la restitution à un seul ayant droit du nombre d'unités de biens qui lui reviennent peut sans autres être réglée sur une base contractuelle. Mais dans le cas d'une faillite, il faut une base légale qui permette à l'administration de transférer les biens à certains requérants. C'est exactement à cela que sert l'art. 242a, al. 2, let. b, P-LP. En fin de compte, cette disposition introduit la même solution que celle actuellement en vigueur à l'art. 484 CO pour le dépôt de biens meubles.

Si ces conditions sont remplies, le requérant a envers la masse une prétention à la restitution des biens concernés. Certains participants à la procédure de consultation ont exprimé des doutes quant au fait que ce droit puisse réellement être exercé dans la pratique. Ces doutes sont compréhensibles, mais c'est un problème qui se pose de manière générale dans le droit de la faillite, et le droit en vigueur en tient déjà compte. L'art. 242a P-LP institue seulement un droit contre la masse dans le cas où les biens figurent effectivement dans la masse et où il est possible d'en disposer.

L'al. 3 règle la procédure et la péremption de la revendication. Il correspond à l'actuel art. 242,
al. 2, LP.

L'al. 4 règle la question des coûts de la restitution des biens. Celle-ci est en effet susceptible d'occasionner des frais importants, car les systèmes informatiques sont souvent mis à l'arrêt à l'ouverture de la faillite, et le personnel nécessaire n'est plus là145. Il ne serait pas juste de faire supporter ces frais à la masse des créanciers; c'est plutôt au requérant de les assumer. Les coûts pourront certes être parfois élevés, voire prohibitifs, mais la règle d'attribution des frais proposée semble néanmoins fondée: celui qui choisit un partenaire contractuel qui fait ensuite faillite doit en supporter les conséquences146.

145 146

Voir Maurenbrecher/Meier 2017: N 37.

Voir aussi Meisser/Meisser/Kogens 2018: N 54.

283

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La masse pouvant déjà agir en revendication en vertu des règles générales, il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition sur la revendication de la masse similaire à celle de l'art. 242, al. 3, LP.

Art. 242b

Accès aux données

L'al. 1 crée un droit à l'accès aux données dont la masse a le pouvoir de disposer. Ce droit englobera les données (numériques) matérielles et immatérielles, mais il ne fondera pas de droit de propriété. Il inclura par ex. les mots de passe notés sur un bout de papier. La valeur économique des données ne jouera aucun rôle. L'art. 197, al. 1, LP laisse certes à penser que seuls les «biens saisissables» entrent dans la masse. D'ailleurs, la loi ne contient qu'une énumération de choses qui sont insaisissables bien qu'elles aient une valeur pécuniaire (art. 92 LP) mais aucune disposition sur des objets qui ne seraient pas des biens. Néanmoins, il semble pertinent de donner une règle claire à l'administration de la faillite, avant tout parce que l'accès aux données ­ à la différence de la restitution d'objets matériels qui peuvent simplement être remis à la personne qui les revendique ­ engendre souvent une charge administrative et financière importante et que l'administration ne peut pas l'octroyer sans apprêts. La réglementation des coûts, qui fait l'objet de l'al. 3, permettra à l'administration d'accorder l'accès aux données avec une certaine largesse de principe, sans s'arrêter notamment aux coûts générés par ex. lorsqu'il faut éditer ou convertir les données à grands frais.

Il est bien entendu que la nouvelle disposition n'autorise pas l'administration à remettre purement et simplement toutes les données qui se trouvent dans la masse à des tiers, même si ceux-ci assument les frais visés à l'al. 4.

En premier lieu, les données devront être remises au requérant dès lors que celui-ci y a un droit légal. Ce renvoi à la législation correspond au mécanisme de l'art. 242 LP, lequel se réfère implicitement aux motifs de revendication légaux, notamment à la propriété réelle (art. 641, al. 2, CC), qui est le cas d'application par excellence. De plus, l'art. 401 CO prévoit un droit de revendication en cas de faillite du mandataire, limité toutefois aux objets mobiliers. La LP elle-même fonde des droits de revendication relevant du droit de la faillite pour certains cas contractuels, aux art. 201 à 203. Citons pour finir la possibilité de distraire le patrimoine du trust de la masse en cas de faillite du trustee, inscrite à l'art. 284b LP suite à la ratification de la Convention du 1er juillet 1985 relative
à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance147.

Le second, et le plus important, des motifs de revendication sera l'existence d'un droit contractuel à l'accès aux données. Ce droit devra être né avant l'ouverture de la faillite, sans qu'il soit nécessaire qu'il s'étende explicitement au-delà de cette date. Cela couvre tous les cas dans lesquels le requérant avait déjà le droit d'accéder aux données avant l'ouverture de la faillite, par ex. celui où il pouvait consulter des comptes d'entreprise stockés sur un serveur du failli. Mais il est aussi pensable que le droit contractuel à l'accès aux données naisse au moment de l'ouverture de la faillite. Les parties peuvent avoir convenu que le code source d'un logiciel sous 147

284

RS 0.221.371

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licence n'est pas accessible au preneur de la licence sauf en cas de faillite, à l'ouverture de laquelle elles ont prévu qu'il obtienne l'accès à ce code afin de pouvoir utiliser et continuer de développer le logiciel. Les dépôts fiduciaires actuels pourraient être remplacés par des arrangements de ce type pour ce genre de cas.

Il faudra toujours veiller, dans ces configurations, à ce que les autres créanciers du failli ne soient pas désavantagés. En d'autres termes, l'accès aux données ne doit pas déprécier indûment la masse de la faillite. Les contre-prestations prévues par contrat devront donc être fournies pour que l'accès aux données soit accordé. Si plusieurs personnes le revendiquent, il faudra examiner l'opportunité de l'accorder à toutes.

De plus, la prétention devra être échue; en effet, la masse peut, à certaines conditions, invoquer l'art. 82 CO pour refuser provisoirement d'exécuter la prestation convenue.

Il faut en outre souligner que le droit d'accéder aux données ne créera pas une nouvelle obligation de conserver les données à l'encontre de l'administration de la faillite. À cet égard, les dispositions actuelles continueront de s'appliquer. S'il n'existe pas d'obligation de conserver les données, elles pourront être détruites, comme c'est le cas aujourd'hui, et le droit d'accès s'éteindra.

Un éventuel droit à l'effacement des données n'a pas sa place dans la LP, que ce soit dans le cadre de l'octroi de l'accès à ces données au sens de l'art. 242b, al. 1, P-LP ou en dehors de ce cadre. L'administration de la faillite doit préserver les droits de la personnalité et les intérêts au maintien du secret en vertu des règles générales applicables (art. 28 CC, lois sur la protection des données, etc.).

L'al. 2 règle la procédure d'octroi de l'accès aux données. Celle-ci sera ouverte par la demande d'un tiers à l'administration de la faillite, laquelle vérifiera les conditions mentionnées à l'al. 1 avant de décider si elle accède à la demande. En cas de refus, le requérant devra saisir le juge. L'administration de la faillite aura alors l'obligation de veiller à ce que les données restent disponibles jusqu'à ce que la procédure soit close.

En vertu de l'al. 3, le demandeur devra prendre en charge tous les coûts liés au fait de lui permettre d'accéder aux données, par analogie avec
l'art. 242a, al. 4, P-LP.

L'al. 4 a pour but de préciser que le droit de revendiquer un accès aux données ne limitera ni n'invalidera d'autres droits fondés sur la législation existante. Notamment, le droit d'accéder gratuitement à ses propres données fixé dans les lois sur la protection des données ne sera pas touché.

285

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5.3

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé148

Art. 105, al. 2 Un des objectifs principaux des modifications apportées à la LDIP est de statuer clairement que les règles du droit international privé suisse concernant les papiersvaleurs s'appliquent en principe aussi aux équivalents immatériels149 de ces derniers. C'est cette préoccupation qui sous-tend la modification de l'art. 105, al. 2.

Les droits réels en matière d'immeubles et de meubles sont soumis au droit du lieu de situation en vertu des art. 99 à 104 LDIP. Il en va de même des droits de gage, à l'exception de la mise en gage de papiers-valeurs, qui est réglée séparément, avec celle des créances et autres droits. L'art. 105, al. 1, LDIP permet en ce cas aux parties de choisir le droit applicable. À défaut d'élection de droit, l'al. 2 prévoit un régime différent pour les créances et les papiers-valeurs d'une part, les «autres droits» tels que les parts de sociétés et les droits de propriété intellectuelle d'autre part. Si ces «autres droits» sont incorporés dans un papier-valeur (comme les actions par ex.), ils sont soumis à la réglementation prévue pour les papiers-valeurs.

La modification proposée de l'al. 2 consiste à remplacer les termes de «créances et papiers-valeurs» par ceux de «créances» et d'«autres droits [...] représentés par un droit-valeur150, un papier-valeur ou un titre équivalent», afin de bien établir que l'on assimile les équivalents immatériels des papiers-valeurs à ces derniers. Le terme «créances» recouvre celles représentées par un papier-valeur et celles représentées par l'équivalent d'un papier-valeur. Les droits-valeurs sont compris dans la notion de papier-valeur au sens de l'art. 105 LDIP151. Ils doivent cependant être cités expressément dans le projet, puisque les «papiers-valeurs» seront dorénavant considérés comme une forme spéciale de titre; cette notion devient dès lors trop étroite.

Dans le cadre de cette disposition, la mise en gage d'un droit représenté par un papier-valeur comprend aussi le titre lui-même: en effet, le titre et le droit qui y est incorporé forment une unité, et la saisie du premier a toujours pour but la saisie du deuxième. Un titre totalement virtuel ne peut en aucun cas faire l'objet, en soi, d'un droit de gage152.

Art. 106

Titres représentatifs de marchandises

Le fait que les mêmes règles s'appliquent aux papiers-valeurs et à leurs équivalents immatériels doit aussi ressortir de l'art. 106 LDIP, qui a pour objet les titres représentatifs de marchandises.

Les titres représentatifs de marchandises sont utilisés dans le commerce de marchandises, pour matérialiser le droit à la remise de la marchandise. L'art. 106, al. 1 et 3, LDIP indique quel droit l'on doit appliquer pour déterminer si l'on est en 148 149 150 151 152

286

RS 291 Voir commentaire de l'art. 145a P-LDIP.

Voir le ch. 4.1.2 concernant l'art. 973c P-CO.

Müller-Chen 2018: art. 105 N 8.

Rapport sur la TRD, p. 80 s.

FF 2020

présence d'un titre de ce type et dans quelle mesure ce titre matérialise un droit de propriété relatif à la marchandise en plus du droit de se la faire remettre 153. Cette règle vaudra aussi pour les titres représentatifs de marchandises immatériels: dans la version allemande, «Papier» est remplacé par «Titel». Parallèlement, la disposition renverra au nouvel art. 145a pour ce qui est de la détermination du droit applicable, car le droit de se faire remettre la marchandise est aussi une créance au sens de cette disposition.

L'al. 2, qui ne s'applique qu'aux titres représentatifs de marchandises traditionnels, reste inchangé sur le fond. Selon l'avis du Conseil fédéral, les droits réels ne sauraient s'appliquer à des documents immatériels154. On opère néanmoins un changement terminologique pour assurer l'uniformité des dispositions révisées, «titre» devenant «titre physique».

Art. 108a

Ne concerne que le texte allemand

Les art. 108a ss LDIP contiennent des dispositions spéciales applicables aux titres détenus auprès d'un intermédiaire au sens de la Convention de la Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire155. La modification effectuée dans la version allemande vise à souligner que le terme de «Wertpapier» («titre») est à interpréter dans le sens large que lui donne la Convention de La Haye ­ comme c'est déjà le cas actuellement ­ et non dans le sens étroit de «papier-valeur» qu'il a aux art. 105, 106 et 145a P-LDIP. Le terme employé dans la Convention englobe aussi les équivalents des papiers-valeurs traditionnels156. La nouvelle formulation allemande permet aussi d'éviter une référence, critiquée par la doctrine en raison de son caractère déceptif, au terme de «Verwahrung durch einen Intermediär»157.

La référence aux définitions de la Convention est sans ambiguïté en français, si bien qu'aucune modification ne s'impose.

Art. 145a

Transfert d'une créance par l'intermédiaire d'un titre

L'art. 145 LDIP actuel détermine le droit qui s'applique à la cession de créances. Il ne porte pas sur l'aliénation de créances incorporées dans un papier-valeur par le transfert du titre lui-même. Ce point sera réglé dans un nouvel art. 145a. Cette disposition s'appliquera en outre non seulement aux papiers-valeurs traditionnels mais aussi à leurs équivalents qui ne revêtent pas la forme d'un papier, et notamment aux jetons similaires aux papiers-valeurs dans un système de blockchain. Le nouvel article portera uniquement sur le transfert de créances. Selon le rapport sur la TRD, il n'est pas nécessaire de légiférer en matière de parts sociales ni de droits réels. Le régime auquel ces droits sont soumis ­ applicable, selon le rapport, tout autant aux papiers-valeurs qu'à leurs équivalents immatériels ­ a été jugé suffisamment clair158.

153 154 155 156 157 158

Voir Müller-Chen 2018: art. 106 N 2.

Rapport sur la TRD, p. 79.

RS 0.221.556.1 Voir Kuhn 2018: art. 108a N 2 et 5 ss, avec renvois.

Voir Kuhn 2018: art. 108a N 2.

Voir rapport sur la DLT: 77 à 82.

287

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L'art. 145a P-LDIP indique le droit qu'il convient d'appliquer pour déterminer si une créance est représentée par un titre, qu'il revête la forme d'un papier ou une forme équivalente, soit, en d'autres termes, si l'on se trouve en présence d'un papier-valeur159 ou de l'équivalent (immatériel) d'un papier-valeur. Si c'est le cas, la créance est transférée par l'intermédiaire du titre en question. Le processus à suivre est régi par le droit désigné.

Le titre a une «forme équivalente» au sens de la disposition lorsqu'il revêt une forme telle qu'il est possible de l'utiliser comme un papier-valeur. Le support ­ matériel ou immatériel ­ auquel la créance est incorporée doit être rattaché d'une manière ou d'une autre à un texte dont il ressortira quelle est cette créance, et il devra pouvoir être relié à un détenteur qui devra pouvoir le transmettre à une autre personne. La disposition ne se réfère à aucune technologie en particulier afin de pouvoir couvrir non seulement les jetons (y compris les droits-valeurs inscrits visés à l'art. 973d PCO) mais aussi d'autres écrits virtuels, électroniques (comme des courriers électroniques et leurs annexes) ou autres.

Le transfert «par l'intermédiaire du titre» vise en premier lieu le transfert de la créance par le transfert du titre. Cela inclut cependant aussi des cas où le titre n'est pas transféré d'une personne à une autre au sens strict mais où c'est néanmoins une opération portant sur le titre qui vaut transfert de la créance. Un jeton, par ex., n'est souvent pas «transféré», mais remplacé par un nouveau jeton créé auprès de son acquéreur.

Que ce soit pour le contenu ou pour la forme, la nouvelle disposition s'inspire de l'art. 106 LDIP actuel portant sur les titres représentatifs de marchandises, seule norme à ce jour à traiter la question du transfert de droits titrisés dans la LDIP en dehors du domaine des titres intermédiés160. Dans le cas des titres représentatifs de marchandises, le droit titrisé est également une créance161.

Dans son rapport sur la TRD162, le Conseil fédéral tend à conclure que le droit du contrat qui fonde la créance s'applique aussi à la question de la matérialisation de la créance et de son transfert. Ce serait alors en priorité le droit choisi par les parties au contrat et subsidiairement le droit ayant les liens les plus
étroits avec le contrat qui s'appliqueraient, le second étant vraisemblablement le droit du siège de l'établissement de celui qui doit fournir la prestation caractéristique du contrat (art. 116 s. LDIP). Le rapport sur la TRD suggérait comme alternative que l'on applique par analogie l'art. 106 LDIP, ce qui mènerait à un résultat similaire, à deux différences près. Le droit choisi par les parties devrait être mentionné dans le titre même, et l'établissement de son émetteur servirait de critère de rattachement subsidiaire fixe. Ces deux différences par rapport à la première solution sont judicieuses dans le cas des créances incorporées dans un titre, notamment si elles doivent être négociables. La protection des transactions implique que des tiers puissent facilement savoir quel est le droit applicable. L'art. 145a P-LDIP suit donc la même approche que l'art. 106, al. 1, LDIP.

159 160 161

Rapport sur la TRD, p. 57.

Voir dernier paragraphe du présent chapitre.

Voir ch. 4.1.1.3 et commentaire de l'art. 106 P-LDIP; voir aussi rapport sur la TRD, p. 58.

162 Rapport sur la TRD, p. 78.

288

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Il s'en écarte cependant pour ce qui est du critère de rattachement subsidiaire. Il s'agira du siège de l'émetteur et non de son établissement. Le critère de l'établissement à l'art. 106, al. 1, LDIP s'est avéré trop imprécis. De plus, pour ce qui est des sociétés (ce que seront généralement les émetteurs), le siège est le lieu le plus facilement identifiable pour les tiers. Même en ce qui concerne les entreprises individuelles, il semble sensé de choisir ce critère, pour les mêmes raisons. Le rattachement au «siège» n'est pas une nouveauté dans cette loi; voir art. 126, al. 3, LDIP.

Pour le cas où, exceptionnellement, celui qui émet le titre est un particulier, un rattachement subsidiaire au lieu de résidence habituelle est prévu. L'art. 106 LDIP en vigueur ne règle pas ce cas, qui n'a guère de chance de se présenter dans le domaine des titres représentatifs de marchandises. La résidence habituelle est par contre prévue comme point de rattachement à l'art. 117, al. 2, LDIP.

Si le droit applicable selon l'art. 145a, al. 1, P-LDIP établit un lien entre le transfert de la créance et le transfert de la propriété du titre, les aspects relatifs aux droits réels seront réglés, conformément à l'al. 2, selon les dispositions du chapitre 7 de la loi («Droits réels»). Le droit du lieu de situation du titre (lex chartae sitae) déterminera si la propriété de ce dernier a été transférée. Selon une conception dominante, les choses sont déjà ainsi réglées en droit actuel pour le transfert de papiers-valeurs.

C'est aussi la règle qui sous-tend l'art. 106, al. 2, LDIP. La référence à la lex chartae sitae pour le transfert de papiers-valeurs est toujours plus critiquée, mais elle correspond encore au standard international, si bien que si l'on voulait s'en écarter, il faudrait tout au plus le faire dans un traité multilatéral.

L'art. 145a, al. 2, P-LDIP ne s'appliquera qu'aux titres matériels, d'où la précision «titre physique». Selon le rapport sur la TRD163, il n'est pas possible de constituer des droits réels sur des titres immatériels. Tous les aspects du transfert des créances qui y sont incorporées relèvent de l'al. 1.

Comme c'est déjà le cas de l'art. 145 LDIP, l'art. 145a P-LDIP ne porte pas sur la mise en gage d'une créance. Ce point est régi par l'art. 105 LDIP164.

Si une créance entrant dans le
champ d'application du nouvel article a été créditée sur un compte de titre au sens de la Convention de La Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire 165, son transfert et son nantissement sont soumis au droit désigné par la Convention (art. 108c LDIP).

163 164 165

Rapport sur la TRD, p. 80 s.

Voir le commentaire de cet article.

RS 0.221.556.1

289

FF 2020

5.4

Loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale166

Art. 19 et 20 Al. 1 Du fait de leur admission dans le catalogue des infrastructures des marchés financiers (voir art. 2, let. a, P-LIMF) et des adaptations correspondantes faites aux art. 22 et 25 P-LIMF, les systèmes de négociation fondés sur la TRD doivent aussi figurer à l'art. 19 LBN, dans la mesure où ils fournissent des services post-négociation comparables, d'un point de vue fonctionnel, à ceux des dépositaires centraux et des systèmes de paiement. Les systèmes de négociation fondés sur la TRD doivent également être introduits à l'art. 20 LBN.

5.5

Loi du 8 novembre 1934 sur les banques167

Art. 1b L'al. 1, let. a, dispose dorénavant que les personnes qui acceptent certains cryptoactifs doivent aussi disposer d'une autorisation au sens de l'art. 1b LB. Par cette adaptation, on tient compte du fait que, conformément au présent projet, les cryptoactifs en dépôt collectif peuvent eux aussi être revendiqués et distraits dans la mesure où la part du patrimoine commun qui revient au client déposant est clairement déterminée (en ce qui concerne la justification de la revendication de cryptoactifs en dépôt collectif, voir les commentaires relatifs à l'art. 242a LP; cette disposition se reflète à l'art. 16 LB). Étant donné que les actifs pouvant être distraits ne constituent pas des engagements au sens de l'art. 6, al. 1, OB et ne sont donc pas considérés comme des dépôts du public, leur conservation ne nécessite pas non plus d'autorisation bancaire (art. 1a, let. a et b, LB). De même, la limitation à 100 millions de francs des dépôts du public qui figure à l'art. 1b LB ne s'applique pas à ces cryptoactifs qui sont détenus hors bilan et peuvent être distraits. Ainsi que cela a déjà été indiqué au ch. 4.1.5 ci-dessus, il n'est maintenant ni judicieux ni souhaitable que des personnes puissent accepter sans surveillance des actifs de nombreux investisseurs pour conservation en quantité illimitée, même s'il s'agit en l'occurrence de cryptoactifs. Cela vaut en particulier pour les jetons de paiement, qui peuvent de par leur fonction être comparés à de la monnaie fiduciaire, et pour la conservation desquels une inégalité de traitement en matière de surveillance ne semble pas justifiée. Étant donné que les jetons dont il est ici question peuvent être distraits, il n'est d'autre part pas justifié d'exiger pour leur seule acceptation une autorisation bancaire complète au sens de l'art. 1a LB, autorisation dont les exigences en matière de fonds propres partent du principe que les dépôts du public sont mélangés avec l'argent de la banque et que celle-ci procède à des opérations actives. S'il n'y a dans le cadre de la conservation de cryptoactifs ni mélange entre les actifs des investisseurs et ceux de la banque ni exécution d'opérations actives, il semble logique de soumettre l'acceptation de tels 166 167

290

RS 951.11 RS 952.0

FF 2020

cryptoactifs en dépôt collectif à l'autorisation au sens de l'art. 1b LB qui vient d'être créée dans le but de promouvoir l'innovation.

Le Conseil fédéral formulera en outre dans l'OB les exigences concrètes devant être remplies pour la conservation de cryptoactifs en dépôt collectif et définira en particulier aussi quels sont les cryptoactifs dont l'acceptation nécessite une autorisation au sens de l'art. 1b LB. Du fait de leur comparabilité avec de la monnaie fiduciaire, les jetons de paiement en dépôt collectif seront particulièrement concernés. A contrario, la nature des cryptoactifs qui peuvent (comme jusqu'à présent) être acceptés sans autorisation sera également réglée au niveau de l'ordonnance. Le capital minimum requis par l'OB pour les personnes visées à l'art. 1b LB est fixé en fonction des dépôts du public qu'elles acceptent (voir art. 17a OB). La future acceptation de cryptoactifs n'ayant pas le caractère de dépôts ne se répercuterait donc pas directement sur le capital minimum requis. Cependant, dans certains cas particuliers, la FINMA peut ­ aujourd'hui déjà ­ soumettre le capital minimum à des exigences plus élevées si cela est nécessaire au vu des risques liés aux activités concernées (par ex. risques opérationnels qui revêtent justement de l'importance dans l'optique de la protection des investisseurs dans le cas des applications fondées sur la TRD; voir art. 17a, al. 2, OB).

À des fins de clarification, il est précisé à l'al. 4, let. d, que, à l'instar des dépôts du public détenus en vertu de l'art. 1b LB, les cryptoactifs désignés par le Conseil fédéral ne sont pas couverts par la garantie des dépôts. Cela est déjà justifié par le fait que les cryptoactifs en question peuvent en principe être distraits conformément à l'art. 16 LB et ne constituent par conséquent pas des dépôts.

Art. 4sexies L'acceptation et la conservation de cryptoactifs peuvent entraîner des risques opérationnels spécifiques, par ex. dans le domaine de l'infrastructure informatique utilisée pour la conservation (cybersécurité). Cette constatation vaut aussi bien pour les cryptoactifs acceptés et conservés par des banques (art. 1a LB) que pour ceux qui le sont par des personnes visées à l'art. 1b LB. Les risques de ce genre existent même si ces cryptoactifs sont détenus pour le client hors bilan en tant que
valeurs déposées.

La FINMA reçoit par conséquent la compétence de fixer un montant maximal pour les cryptoactifs que la banque détient pour ses clients hors bilan lorsque cela semble nécessaire au vu des risques liés aux activités concernées. À cet effet, la FINMA prend en particulier en considération la fonction des cryptoactifs, les technologies sous-jacentes et les facteurs réduisant les risques (elle examine par ex. si les cryptoactifs doivent être considérés comme des jetons de paiement du point de vue réglementaire, si la technologie sous-jacente fondée sur la TRD présente des facteurs aggravant les risques, et s'il existe des mesures techniques ou exigences réglementaires). La possibilité de fixer un montant maximal complète en l'occurrence les instruments dont la FINMA dispose pour limiter les risques (par ex. exiger des banques qu'elles détiennent des fonds propres supplémentaires en fonction des activités commerciales et des risques encourus [art. 45 de l'ordonnance sur les fonds propres168] ou soumettre le capital minimum à des exigences plus élevées pour les 168

RS 952.03

291

FF 2020

personnes visées à l'art. 1b LB [art. 17a, al. 2, OB]). Pour des raisons de proportionnalité, la FINMA peut moduler ce montant maximal en fonction de la nature des cryptoactifs (par ex. genre de jeton) ou des mesures de réduction des risques appliquées par la banque. Une banque est en outre libre d'accepter des cryptoactifs audelà du montant maximal pour autant qu'elle les fasse figurer dans son bilan et respecte les prescriptions liées à cet état de fait (par ex. exigences en matière de fonds propres). La possibilité de revendiquer et de distraire les cryptoactifs conservés, qui est favorable au client de la banque (voir art. 242a P-LP, art. 16 et 37d P-LB) s'applique néanmoins, indépendamment du mode d'inscription au bilan, et sert ainsi à la protection du client de la banque.

Conformément au sens et au but de la phrase introductive de l'art. 1b, al. 1, LB, cette disposition s'applique aussi aux personnes visées à l'art. 1b LB.

Art. 16 L'art. 16 LB définit les valeurs déposées qui, en cas de faillite d'une banque, doivent être distraites de la masse en faillite en faveur des clients déposants conformément à l'art. 37d LB. La distraction vise à un traitement préférentiel des droits réels et de certains droits découlant d'obligations qui apparaissent dans le relevé de dépôts du client déposant et non dans les livres de la banque. Par analogie avec ce critère de l'appartenance, qui est déterminant pour la qualification des valeurs déposées, et compte tenu de l'inclusion des cryptoactifs dans le nouvel art. 242a P-LP du présent projet, le nouveau ch. 1bis couvre tous les genres de jetons dont l'appartenance à un client peut en tout temps être déterminée. Dans ce cadre, certains jetons peuvent le cas échéant être des valeurs mobilières (par ex. les valeurs mobilières fondées sur la TRD au sens de l'art. 2, let. bbis, P-LIMF). Dans ce cas, ils sont réputés valeurs déposées au sens du ch. 1. Les jetons dont l'appartenance ne peut pas être déterminée tombent dans la masse en faillite. En cas de faillite, la question de savoir si l'appartenance d'un jeton peut être déterminée devra être tranchée au cas par cas.

Contrairement à ce qui figurait encore dans le projet mis en consultation, les cryptoactifs en dépôt collectif peuvent également être distraits pour autant que leur appartenance soit en tout
temps déterminée de façon appropriée (voir les remarques relatives à l'art. 242a P-LP). Pour que la distraction des jetons soit possible, il n'est donc pas nécessaire que leur appartenance soit déterminée sur la blockchain. Cette approche correspond à la situation juridique actuelle pour les valeurs mobilières et résulte du fait que les cryptoactifs remis à la banque pour conservation ne sont rien d'autre que des valeurs déposées. Dans ce cadre, une distraction en tant que valeur déposée suppose que la banque se soit engagée à tenir en tout temps les cryptoactifs à la disposition du client déposant, ce qui signifie en particulier qu'elle s'abstient de les affecter à des opérations actives. En fonction de la forme de conservation prévue dans le cas d'espèce, l'acceptation et la conservation de certains cryptoactifs, en particulier de jetons de paiement, déclenche l'obligation d'obtenir une autorisation au sens de l'art. 1b LB; le fait que ces valeurs puissent être distraites n'y change rien (voir le passage ci-dessus relatif à l'art. 1b LB). Par ailleurs, le dépositaire est dans tous les cas soumis à la LBA (art. 2, al. 3, LBA).

292

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Art. 37d L'art. 37d LB a été adapté conjointement à la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés (LTI), mais il est bien clair que les valeurs déposées au sens de la LB ne constituent pas toutes des titres intermédiés. D'après le message, la procédure fondée sur la LTI n'est cependant pas réservée aux titres intermédiés, raison pour laquelle le renvoi, à l'art. 37d LB, à la procédure de distraction visée aux art. 17 et 18 LTI peut fondamentalement aussi s'appliquer aux valeurs mobilières légalement liées à un jeton (par ex. aux droits-valeurs conçus comme des valeurs mobilières au sens de l'art. 973d P-CO).

En ce qui concerne le renvoi de la loi sur les banques à l'art. 19 LTI (découvert), il faut constater que ce renvoi n'est aujourd'hui déjà approprié que dans la mesure où il s'agit de valeurs mobilières en dépôt collectif, car une prise en charge proportionnelle du découvert par les clients déposants n'est par nature envisageable que pour de telles valeurs mobilières. En ce sens, il semble correct de clarifier ce fait par la présente révision, d'autant plus qu'il convient d'éviter une incertitude juridique supplémentaire du fait de l'adjonction à l'art. 16 LB des valeurs patrimoniales incorporelles dont l'appartenance peut être déterminée.

En ce qui concerne la distraction de valeurs patrimoniales actuellement possible sur demande d'un tiers (voir l'art. 34, al. 2, LB en rel. avec l'art. 242 LP), cet instrument, en vertu de l'art. 34, al. 2, LB, est d'emblée complété, dans la faillite bancaire, par la restitution de données et de valeurs patrimoniales incorporelles introduite par l'art. 242a P-LP. Le moment venu, la FINMA examinera l'opportunité d'effectuer une adaptation correspondante dans son ordonnance sur l'insolvabilité bancaire 169.

5.6

Loi fédérale du 15 juin 2018 sur les services financiers170

Art. 3, let. b L'adaptation de la définition légale des valeurs mobilières à l'art. 3, let. b, P-LSFin reflète l'adaptation de la même définition légale à l'art. 2, let. b, P-LIMF (voir les commentaires relatifs à l'art. 2, let. b, P-LIMF; ch. 5.9 ci-dessous).

169 170

RS 952.05 FF 2018 3733

293

FF 2020

5.7

Loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers171

Art. 6, al. 2 Le système d'autorisation en cascade prévu à l'art. 6, al. 2, LEFin est adapté aux établissements qui gèrent des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers. Dans le cadre des présents travaux relatifs à la LEFin, il est devenu évident que parmi les maisons de titres mentionnées à l'art. 41 LEFin, seuls peuvent à juste titre être concernés les négociants pour compte de clients (let. a), à l'exclusion des négociants pour compte propre et des teneurs de marché (let. b et c). Par conséquent, il faut par cette occasion clarifier que seule l'autorisation d'opérer en tant que négociant pour compte de clients vaut autorisation d'opérer en tant que gestionnaire de fortune collective, gestionnaire de fortune ou trustee.

Art. 16

Organe de médiation

Un organe de médiation règle les litiges entre le prestataire de services financiers et son client, dans le cadre d'une procédure de médiation (voir art. 74 LSFin). Une obligation d'affiliation n'a donc de sens que pour les établissements financiers qui possèdent des clients, et donc qui fournissent des services financiers, d'où la présente précision. Concrètement, il n'existe donc aucune obligation d'affiliation en particulier pour les trustees, les négociants pour compte propre et les teneurs de marché, ni d'ailleurs pour le négociant pour compte propre qui exploite un système organisé de négociation et qui sera dorénavant soumis à autorisation en tant que maison de titres. Son contenu passant dans l'al. 1, l'al. 2 de cette disposition est abrogé.

Art. 41, let. b Une organisation exerçant la négociation multilatérale discrétionnaire ou la négociation bilatérale de valeurs mobilières fondées sur la TRD est un système organisé de négociation (SON) au sens de l'art. 42 LIMF et non un système de négociation fondé sur la TRD. Selon le droit en vigueur, quiconque exploite une telle organisation doit par conséquent obtenir une autorisation en tant que banque, maison de titres ou plate-forme de négociation, ou une reconnaissance en tant que plate-forme de négociation (voir art. 43, al. 1, LIMF). Le Conseil fédéral déplore à ce propos que les entreprises ne puissent pas obtenir les autorisations correspondantes (selon la pratique actuelle de la FINMA) à moins d'exercer concrètement les activités d'une banque, d'une maison de titres ou d'une plate-forme de négociation172.

Pour atténuer cette problématique, il est prévu d'assimiler à une maison de titres quiconque fait du négoce pour compte propre et exploite un système organisé de négociation au sens de l'art. 42 LIMF. Cela ouvrirait à certains participants au marché de nouvelles possibilités commerciales, en leur permettant de déployer leur modèle d'affaires dans le cadre d'une activité réglementée et soumise à surveillance.

171 172

294

RO 2018 5247 Rapport sur la TRD, p. 107.

FF 2020

Par contre, une organisation exerçant la négociation multilatérale discrétionnaire ou la négociation bilatérale de valeurs mobilières (fondées sur la TRD) qui n'agit ni pour son propre compte ni pour le compte de clients ne peut être réputée maison de titres, bien que quelques participants à la consultation l'aient demandé. Cela constituerait une utilisation abusive de la notion de maison de titres, qui vient tout juste d'être définie dans le cadre de la LEFin. Cependant, afin de tenir compte dans toute la mesure du possible des demandes évoquées ci-dessus, les systèmes de négociation fondés sur la TRD seront désormais aussi habilités à exploiter un SON (voir art. 43, al. 1, P-LIMF).

Art. 67, al. 2 La loi est précisée en ce sens que les dispositions de la LB concernant la garantie des dépôts et les avoirs en déshérence ne s'appliquent qu'aux négociants pour compte de clients. De telles dispositions n'auraient aucun sens dans le cas des négociants pour compte propre et des teneurs de marché, étant donné qu'ils n'ont pas de clients.

5.8

Loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent173

Art. 2, al. 2, let. dbis à dquater Aucune modification matérielle n'est apportée aux let. dbis et dter. Le seul changement consiste en l'introduction de l'abréviation de la loi sur l'infrastructure des marchés financiers à l'art. dbis, abréviation qui est ensuite utilisée aux let. dter et dquater.

Comme la LIMF crée une nouvelle forme d'autorisation pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD, il est nécessaire d'indiquer séparément cette catégorie d'autorisation comme nouvelle catégorie d'intermédiaires financiers à l'art. 2, al. 2, LBA dans une nouvelle let. dquater. Les systèmes de négociation fondés sur la TRD pourront assumer des fonctions réservées jusqu'alors à d'autres catégories d'intermédiaires financiers soumises à la loi sur le blanchiment d'argent, fonctions telles que la compensation et le règlement des valeurs mobilières ou la conservation centralisée. En outre, les clients privés et institutionnels peuvent aussi accéder directement au négoce. Étant donné que des acteurs qui ne sont pas soumis à la LBA peuvent participer aux systèmes de négociation fondés sur la TRD, ces systèmes de négociation doivent être soumis de manière générale à la LBA afin que l'assujettissement à cette loi soit garanti dans chaque cas.

173

RS 955.0

295

FF 2020

Art. 3 al. 5 Le présent projet se fonde sur la formulation que le Conseil fédéral a adoptée dans son message du 26 juin 2019 concernant la modification de la loi sur le blanchiment d'argent174. Suite à l'entrée en vigueur de la loi sur les jeux d'argent (LJAr)2 175, les art. 3, al. 5, et 41, al. 2, LBA doivent être adaptés. La LJAr considère désormais que les exploitants de jeux de grande envergure sont des intermédiaires financiers et qu'ils sont soumis à ce titre à la loi sur le blanchiment d'argent. Depuis l'entrée en vigueur de la LJAr le 1er janvier 2019, la nécessité d'apporter des changements ponctuels à la loi sur le blanchiment d'argent s'est fait sentir. Ces adaptations sont purement formelles. Dans le message précité, la référence à l'autorité intercantonale de surveillance et d'exécution (Comlot, autorité intercantonale) a été ajoutée dans les dispositions où elle manquait. L'étendue des compétences du Département fédéral de justice et police (DFJP) à adopter des dispositions d'exécution n'a cependant pas été entièrement mise à jour4176. En effet, seul l'art. 17 LBA a été modifié, mais la compétence du DFJP doit aussi être explicitée aux art. 3, al. 5, et 41, al. 2, LBA. La Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ), qui remplit pour les maisons de jeu le même rôle dans le domaine des dispositions d'exécution, est d'ailleurs déjà mentionnée dans les deux dispositions concernées. Ces modifications améliorent uniquement la transparence et la compréhension des normes.

Art. 12, let. a L'adaptation prévue à l'art. 12, let. a, P-LBA concrétise le complément apporté à l'art. 2, al. 2.

Art. 17, al. 1, let. a et c L'adaptation prévue à l'art. 17, let. a, P-LBA concrétise le complément apporté à l'art. 2, al. 2.

L'al. 1, let. c n'est matériellement pas modifié. Suite à l'adaptation de l'art. 3, al. 5, seule la forme courte DJFP est désormais utilisée dans cette disposition.

Le libellé de l'art. 17 P-LBA est celui que le Conseil fédéral a adopté dans le cadre du message du 26 juin 2019. Ce dernier prévoit également une modification de l'art. 17 LBA (inscription de l'Administration fédérale des douanes en tant qu'autorité supplémentaire)177.

Art. 22a, al. 2, let. a L'adaptation prévue à l'art. 22a, al. 2, let. a, P-LBA concrétise le complément apporté à l'art. 2, al. 2.

174 175 176

FF 2019 5341 5342 ss.

RS 955.01 Voir également les art. 67, al. 4, et 68, al. 4, LJAr et l'ordonnance du DFJP concernant les obligations de diligence des exploitants de jeux de grande envergure en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (RS 955.022).

177 www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/57539.pdf

296

FF 2020

Art. 26a, al. 1 L'adaptation prévue à l'art. 26a, al. 1, LBA concrétise le complément apporté à l'art. 2, al. 2.

Art. 41, al. 2 Voir les explications relatives à l'art. 3, al. 5, P-LBA.

5.9

Loi du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés 178

Art. 4, al. 2, let. g Les systèmes de négociation fondés sur la TRD définis à l'art. 73a ss P-LIMF, qui immobilisent et conservent de manière centralisée des droits-valeurs inscrits, ont un modèle d'affaires qui n'est pas très différent de celui des dépositaires au sens de l'art. 4 LTI. Pour le Conseil fédéral, il paraît donc judicieux que les règles établies par la loi sur les titres intermédiés s'y appliquent. Par conséquent, les systèmes de négociation fondés sur la TRD qui immobilisent des droits-valeurs inscrits de manière centralisée sont ajoutés à la liste des dépositaires énumérés dans cette disposition.

Art. 5, let. g et h L'introduction de la catégorie des droits-valeurs inscrits dans la LTI nécessite quelques ajustements rédactionnels en rapport avec la catégorie actuelle des droitsvaleurs simples visés à l'art. 973c CO.

Art. 6, al. 1, let. d, et al. 3 À l'avenir, il devra être possible de remettre des droits-valeurs inscrits à un dépositaire et d'en faire ainsi des titres intermédiés. Il faut pour cela que les droits-valeurs en question soient immobilisés dans le registre de droits-valeurs où ils sont inscrits.

Le cas échéant, les droits-valeurs inscrits se comportent comme des papiers-valeurs conservés de manière centralisée sous une forme physique et les règles applicables à ces derniers sont également valables pour eux.

Art. 7, al. 1 et 2 L'art. 7 a été conçu en fonction des rapports juridiques existants au moment de l'entrée en force de la LTI et doit être adapté sur le plan rédactionnel. La création de la nouvelle catégorie de droits que sont les droits-valeurs inscrits n'affecte aucunement cette disposition.

178

RS 957.1

297

FF 2020

Art. 9, al. 1 Cette disposition est complétée afin d'y inclure la nouvelle catégorie de droits que sont les droits-valeurs inscrits.

Art. 11, al. 3, let. b Cette disposition est complétée afin d'y inclure la nouvelle catégorie de droits que sont les droits-valeurs inscrits.

Art. 17, al. 1, let. b, et al. 4, let. b et c Cette disposition est complétée afin d'y inclure la nouvelle catégorie de droits que sont les droits-valeurs inscrits.

5.10

Loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers179

Art. 2, let. a, ch. 6 et 7, let. b, bbis et j La liste des infrastructures des marchés financiers figurant à la let. a est complétée par la nouvelle catégorie d'autorisation du «système de négociation fondé sur la TRD». Comme pour les autres infrastructures des marchés financiers, il faut se reporter aux dispositions particulières pour en trouver la définition précise. La prise en compte des systèmes de négociation fondés sur la TRD dans la définition légale des «infrastructures des marchés financiers» fait que les conditions d'octroi de l'autorisation et les obligations visées aux art. 4 ss LIMF s'appliquent également aux systèmes de négociation fondés sur la TRD et permet de garantir que les exigences à respecter sont identiques. En outre, d'autres dispositions de la LIMF s'appliquent aux systèmes de négociation fondés sur la TRD comme aux autres infrastructures des marchés financiers, par ex. les modalités de la surveillance (art. 83 ss LIMF) ou les dispositions concernant l'insolvabilité (art. 88 ss LIMF).

À la let. b, la définition légale des valeurs mobilières est complétée, et il est précisé que des valeurs mobilières peuvent également être créées sur la base des nouveaux droits-valeurs inscrits (art. 973d P-CO). Proposée par certains participants à la consultation, l'adaptation fondamentale de la notion de valeur mobilière sortirait par contre du cadre du présent projet et doit par conséquent être examinée de façon approfondie lors de la prochaine évaluation de la LIMF (voir ch. 4.1.10).

En raison de plusieurs avis exprimés lors de la consultation, les valeurs mobilières fondées sur la TRD sont désormais définies à la let. bbis (auparavant à l'art. 73a, al. 2, P-LIMF). Les valeurs mobilières fondées sur la TRD sont toujours des valeurs mobilières (art. 2, let. b, LIMF) et sont par conséquent réputées instruments financiers au sens de la LSFin (art. 3, let. b, LSFin). Sont en l'occurrence réputées valeurs mobilières fondées sur la TRD les valeurs mobilières conçues sous la forme de 179

298

RS 958.1

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droits-valeurs inscrits (art. 973d P-CO) ou sous celle d'autres droits-valeurs qui sont détenus dans des registres électroniques distribués et qui confèrent le droit de disposer par des procédés techniques. Les valeurs mobilières fondées sur la TRD peuvent donc être créées aussi bien sur la base des nouveaux droits-valeurs inscrits (art. 973d P-CO) que sur la base d'autres droits-valeurs (par ex. fondés sur le droit étranger) si ces derniers sont détenus dans des registres électroniques distribués et confèrent au créancier concerné, par des procédés techniques, le droit de disposer du droit-valeur correspondant.

La définition légale des valeurs mobilières fondées sur la TRD ne couvre ni les jetons de paiement ni les jetons d'utilité. Bien qu'il soit aussi possible d'émettre des jetons d'utilité sous la forme de droits-valeurs ou sous celle des nouveaux droitsvaleurs inscrits, ces jetons d'utilité ne sont pas considérés comme valeurs mobilières s'ils donnent exclusivement accès à un usage ou un service numériques et sont utilisables comme tels lors de leur émission. Et tant que ces jetons d'utilité ne sont pas assimilables à une valeur mobilière, il est également exclu de les qualifier de valeurs mobilières fondées sur la TRD. Cette approche correspond d'ailleurs à la pratique en vigueur de la FINMA. Par conséquent, la négociation de jetons d'utilité n'entraîne par ex. pas l'obligation d'obtenir une autorisation en tant que système de négociation fondé sur la TRD. A contrario, un système de négociation fondé sur la TRD peut parfaitement aussi vendre des valeurs patrimoniales autres que les valeurs mobilières (par ex. jetons d'utilité ou de paiement).

De même, la nouvelle définition légale n'inclut pas les valeurs mobilières «classiques» se rapportant à une valeur patrimoniale fondée sur la TRD (par ex. dérivé classique avec une cryptomonnaie comme valeur sous-jacente, ou Exchange Traded Product [ETP] avec des cryptoactifs comme valeurs sous-jacentes).

La définition légale de l'information d'initié (let. j), prenant en compte la création du système de négociation fondé sur la TRD, est directement liée aux adaptations proposées des art. 142 s. et 154 s. P-LIMF (voir les commentaires ci-dessous).

Art. 16, al. 2 En raison de l'ajout effectué à l'art. 2, let. a, LIMF, la protection contre la confusion
et la tromperie doit être étendue aux systèmes de négociation fondés sur la TRD.

Art. 22 et 25 Les systèmes de négociation fondés sur la TRD peuvent également offrir des services post-négociation (voir art. 73a P-LIMF). Il est impossible de prévoir à ce stade si les systèmes de négociation fondés sur la TRD prendront un jour une importance systémique. On ne peut du moins pas l'exclure pour certains systèmes de négociation fondés sur la TRD. Au vu des similitudes, sur le plan fonctionnel, entre les infrastructures des marchés financiers mentionnées aux art. 22 et 25, d'une part, et les systèmes de négociation fondés sur la TRD offrant des services post-négociation, d'autre part, ces systèmes de négociation doivent être traités aux art. 22 et 25 LIMF de la même manière que les dépositaires centraux et les systèmes de paiement. Par conséquent, de tels systèmes de négociation doivent également figurer aux art. 19 et 29 LBN (voir ch. 5.4 ci-dessus). Ainsi, la BNS restera exclusivement responsable de 299

FF 2020

la surveillance des systèmes de négociation fondés sur la TRD qui ont une importance systémique et sont actifs dans le domaine de la post-négociation.

Art. 43, al. 1 À l'instar d'une plate-forme de négociation (bourse ou système multilatéral de négociation), le système de négociation fondé sur la TRD nouvellement créé est habilité à exploiter un système organisé de négociation. Cela est justifié, car un système de négociation fondé sur la TRD est en principe régulé de la même manière qu'un système multilatéral de négociation. Pour de plus amples explications, voir les commentaires relatifs à l'art. 41, let. b, LEFin.

Art. 73a

Définitions

Remarques générales Le système de négociation fondé sur la TRD est conçu comme une infrastructure des marchés financiers offrant des services de négociation pour les valeurs mobilières fondées sur la TRD. Or, la même entité peut très bien aussi offrir des services postnégociation. Aussi la définition légale du «système de négociation fondé sur la TRD» met-elle l'accent sur la négociation tout en se référant à l'objet des transactions, soit les valeurs mobilières fondées sur la TRD.

Al. 1 Le système de négociation fondé sur la TRD est décrit, en référence au système multilatéral de négociation (art. 26 LIMF), comme une organisation qui sert à la négociation multilatérale de valeurs mobilières fondées sur la TRD et qui vise l'échange simultané d'offres entre plusieurs participants ainsi que la conclusion de contrats selon des règles non discrétionnaires. Un système de négociation fondé sur la TRD désigne une seule et même infrastructure des marchés financiers conçue pour offrir, en plus des services de négociation, également des services de postnégociation de valeurs mobilières fondées sur la TRD sans qu'une autorisation supplémentaire de la FINMA conférant le statut d'infrastructure des marchés financiers soit nécessaire. Les services post-négociation admis comprennent la conservation centralisée des valeurs mobilières fondées sur la TRD, ainsi que la compensation et le règlement des transactions dans ce domaine, soit des services qui incombent aujourd'hui aux dépositaires centraux (art. 61 ss LIMF) et aux systèmes de paiement (art. 81 s. LIMF). En revanche, les systèmes de négociation fondés sur la TRD ne doivent pas concentrer les risques et par conséquent pas agir en tant que contreparties centrales pour les valeurs mobilières fondées sur la TRD.

Le système de négociation fondé sur la TRD peut en outre admettre des personnes physiques en tant que participants, au contraire des systèmes multilatéraux de négociation. La nécessité, pour un système de négociation fondé sur la TRD, de remplir au moins une des exigences de l'art. 73a, al. 1, let. a à c, garantit qu'un modèle d'affaires tombe soit uniquement dans la catégorie «système multilatéral de négociation», soit uniquement dans la nouvelle catégorie «système de négociation fondé sur la TRD», mais qu'il ne sera pas possible de relever des deux catégories. Lors de la consultation, cette définition du système de négociation fondé sur la TRD a essuyé 300

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certaines critiques. Le Conseil fédéral tient cependant à une délimitation claire entre le système multilatéral de négociation et le système de négociation fondé sur la TRD, de façon que la réglementation des plates-formes de négociation (bourses et systèmes multilatéraux de négociation) de la LIMF, aujourd'hui établie et harmonisée sur le plan international, puisse rester inchangée dans la LIMF.

La catégorie d'autorisation du système de négociation fondé sur la TRD n'est pas ouverte aux systèmes de négociation ne proposant pas le négoce de valeurs mobilières fondées sur la TRD. À titre de services auxiliaires, il n'est cependant pas interdit aux systèmes de négociation fondés sur la TRD d'échanger, en plus des valeurs mobilières fondées sur la TRD, également des non-valeurs mobilières (par ex. des jetons de paiement, tels que les bitcoins, ou des jetons d'usage).

Contrairement à ce qui figurait dans l'avant-projet, il est maintenant expressément précisé que seul le système de négociation fondé sur la TRD exploité à titre professionnel est considéré comme tel et est par conséquent soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation en tant qu'infrastructure des marchés financiers (art. 4 LIMF). De nombreux participants à la consultation ont demandé que seules les offres proposées à titre professionnel soient considérées comme une activité soumise à l'obligation d'obtenir une autorisation. Dans le droit des marchés financiers, il est usuel de lier des exigences réglementaires au caractère professionnel de l'activité exercée 180.

Cette modification permet aussi de tenir partiellement compte d'une critique exprimée lors de la consultation, à savoir que la réglementation proposée pour le système de négociation fondé sur la TRD est trop lourde.

Un système de négociation fondé sur la TRD peut en outre être réputé prestataire de services financiers au sens de la LSFin en fonction de l'activité fournie dans le cas particulier.

Al. 2 La définition du caractère professionnel correspond à celle de l'art. 3 LEFin. Le Conseil fédéral a l'intention de fournir des explications techniques complémentaires sur la notion d'exercice d'une activité à titre professionnel au niveau de l'ordonnance, par analogie avec la LEFin.

Art. 73b

Applicabilité de certaines exigences imposés aux plates-formes de négociation

Les systèmes de négociation fondés sur la TRD sont conçus pour la négociation de valeurs mobilières fondées sur la TRD, soit d'une forme spécifique de valeurs mobilières. Aussi le législateur signale-t-il les exigences spécifiques applicables à de telles plates-formes de négociation. En lieu et place d'un renvoi aux art. 34 à 36 LIMF, une réglementation distincte est prévue (voir art. 73c à 73e P-LIMF). Les systèmes de négociation fondés sur la TRD seront ainsi en principe soumis aux mêmes exigences légales que les plates-formes de négociation. Lors de la refonte de l'OIMF, il faudra encore, le cas échéant, compléter et adapter les dispositions 180

Voir par ex. les art. 12, 17, 24, 41, 44, 52 et 58 LEFin; l'art. 3, let. d, LSFin; les art. 1, al. 2, 1a, 1b, al. 1 et 5, LB.

301

FF 2020

d'exécution concernant les plates-formes de négociation, afin de tenir compte des particularités technologiques des systèmes de négociation fondés sur la TRD.

Art. 73c

Admission et obligations des participants

Al. 1 Cette disposition suit pour l'essentiel les exigences de l'art. 34, al. 2, LIMF. Une différence majeure réside dans le fait que les systèmes de négociation fondés sur la TRD sont également ouverts aux clients privés (let. e). En réponse notamment aux risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, un tel accès présuppose que ces clients privés négocient uniquement en leur nom propre et pour leur propre compte, sans exercer quant à eux de fonction d'intermédiaire. La let. e permet également à la Confédération, à la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA) et au Fonds de compensation AVS/AI/APG (Compenswiss) de participer à un système de négociation fondé sur la TRD. Du point de vue matériel, la réglementation correspond ainsi à l'adaptation de l'art. 34 LIMF déjà proposée antérieurement au Parlement181. En outre, à la suite de la consultation, la réglementation contient à la let. b une précision selon laquelle les participants assujettis à la surveillance en vertu du droit étranger peuvent participer à un système de négociation fondé sur la TRD en vertu de la let. b (et non exclusivement en vertu de la let. e), donc aussi pour le compte de tiers.

Il est interdit à un système de négociation fondé sur la TRD d'agir lui-même comme contrepartie ou d'intervenir dans les transactions concernant des valeurs mobilières fondées sur la TRD ou d'autres valeurs patrimoniales qui sont effectuées en son sein. La négociation bilatérale est réservée au système organisé de négociation (SON), étant entendu qu'un système de négociation fondé sur la TRD peut exploiter un SON (voir les commentaires relatifs à l'art. 43, al. 1, P-LIMF).

Al. 2 L'al. 2 consigne l'obligation de fournir des renseignements à laquelle sont soumis les participants d'un système de négociation fondé sur la TRD. Cette disposition reprend le modèle de l'art. 29 LFINMA. Cependant, étant donné que le système de négociation fondé sur la TRD est également ouvert à des acteurs non assujettis à la surveillance (voir en particulier art. 73c, al. 1, let. e, P-LIMF), le champ d'application de l'art. 29 LFINMA n'est pas assez étendu. Il faut par conséquent prévoir une réglementation pour tous les participants d'un système de négociation fondé sur la TRD. Pour les participants ayant leur siège à l'étranger, l'obligation de
fournir des renseignements est assurée par l'intermédiaire du système de négociation fondé sur la TRD correspondant.

Al. 3 Les participants d'une plate-forme de négociation ont aujourd'hui une obligation d'enregistrer et une obligation de déclarer (voir art. 38 à 39 LIMF). Ces obligations revêtent en principe aussi de l'importance pour les échanges sur les systèmes de 181

302

Voir consultation du 8 mars 2019 sur la modification de la loi sur les banques (protection des déposants, insolvabilité).

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négociation fondés sur la TRD. Ces derniers se distinguent des plates-formes de négociation traditionnelles (bourses et systèmes multilatéraux de négociation) par le fait que des acteurs non assujettis à la surveillance peuvent également y participer (voir par ex. art. 73c, al. 1, let. e, P-LIMF). Afin de tenir compte de cet état de fait et d'assurer la flexibilité nécessaire à ces obligations d'enregistrer et de déclarer incombant aux personnes physiques et morales non assujetties à la surveillance, le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions.

Al. 4 Le Conseil fédéral reçoit la compétence de fixer les modalités concernant l'admission, les obligations et l'exclusion des participants aux systèmes de négociations fondés sur la TRD. Cette délégation s'impose en raison de la forte dynamique de développement propre au domaine de la TRD. Il s'agira également de régler dans l'ordonnance les questions relatives aux délimitations autorisées de l'accès aux systèmes de négociation fondés sur la TRD.

Al. 5 Cette disposition est calquée sur l'art. 34 LIMF. Les systèmes de négociation fondés sur la TRD sont tenus d'édicter un règlement sur l'admission, les obligations et l'exclusion des participants. Ce règlement est soumis à l'autorisation de la FINMA (voir art. 27, al. 4, P-LIMF), comme le laisse entendre l'art. 73b, let. a, P-LIMF.

Al. 6 Les systèmes de négociation fondés sur la TRD doivent surveiller le respect du règlement et prévoir au besoin des sanctions contractuelles. Cette disposition, qui n'a pas d'équivalent aujourd'hui à l'art. 34 LIMF, s'inspire des exigences énoncées à l'art. 36, al. 2, LIMF et semble indiquée au vu de l'ouverture des systèmes de négociation fondés sur la TRD aux clients privés.

Art. 73d

Admission de valeurs mobilières fondées sur la TRD et d'autres valeurs patrimoniales

Al. 1 Les systèmes de négociation fondés sur la TRD doivent édicter un règlement sur l'admission des valeurs mobilières fondées sur la TRD: admission à la négociation, d'une part, et aux éventuels services post-négociation, d'autre part. Le règlement doit en particulier fixer les exigences que doivent remplir les valeurs mobilières fondées sur la TRD et les émetteurs ou des tiers en relation avec l'admission à la négociation (par ex. en indiquant si un examen technique, à effectuer par des tiers indépendants, des valeurs mobilières fondées sur la TRD [audit des jetons] et du registre des droits-valeurs sous-jacent est nécessaire pour l'admission dans le système de négociation fondé sur la TRD). Il est en outre précisé que l'obligation de publier un prospectus est exclusivement régie par les art. 35 à 57 LSFin. Du point de vue matériel, la réglementation correspond ainsi à l'art. 36, al. 1 et 3, LIMF (dans la version que le Parlement a adoptée avec la LSFin). Le règlement et ses modifications sont soumis à l'approbation de la FINMA (art. 27, al. 4, LIMF).

303

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Al. 2 Pour que les participants puissent également apprécier les caractéristiques d'autres valeurs patrimoniales admises à la négociation et aux services de post-négociation dans un système de négociation fondé sur la TRD, ce dernier doit aussi régler l'admission de ces valeurs patrimoniales dans un règlement. Le règlement et ses modifications sont soumis à l'approbation de la FINMA (art. 27, al. 4, LIMF).

Al. 3 Étant donné le développement particulièrement dynamique du secteur, une délégation de compétence au Conseil fédéral s'impose pour l'autorisation de valeurs mobilières fondées sur la TRD et d'autres valeurs patrimoniales. En particulier, le Conseil fédéral doit pouvoir édicter des exigences minimales auxquelles doit répondre le registre dans lequel sont inscrites les valeurs mobilières fondées sur la TRD admises dans un système de négociation fondé sur la TRD (let. a). Les éléments-clés de l'intégrité et de la publicité, qui sont également à la base de l'art. 973d P-CO, occupent ici le premier plan. Le Conseil fédéral doit également pouvoir désigner des valeurs mobilières fondées sur la TRD et d'autres valeurs patrimoniales qui ne peuvent pas être admises dans des systèmes de négociation fondés sur la TRD, par ex. afin de garantir la stabilité ou l'intégrité du système financier, ou de protéger les participants aux marchés financiers (let. b). Cette disposition constitue la base juridique nécessaire pour exclure, par ex., que les dérivés conçus comme des valeurs mobilières fondées sur la TRD puissent être négociés dans ce contexte. Par souci de garantir l'intégrité du marché et en réponse aux risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, une telle possibilité doit aussi exister pour d'autres valeurs patrimoniales auxquelles un système de négociation fondé sur la TRD fournit des services (par ex. privacy coins conçus comme jetons de paiement). Dans son optique actuelle, le Conseil fédéral envisage d'exclure de l'admission dans un système de négociation fondé sur la TRD, par voie d'ordonnance, les dérivés et les privacy coins fondés sur la TRD. Simultanément, le gouvernement reconnaît aussi la nécessité de formuler de telles règles d'une manière flexible afin de pouvoir prendre en compte rapidement les développements technologiques.

Al. 4 Les systèmes de négociation fondés
sur la TRD doivent surveiller le respect des règlements et prendre les éventuelles sanctions prévues contractuellement en cas d'infraction. Cette approche correspond aujourd'hui aux exigences de l'art. 36, al. 2, LIMF.

Art. 73e

Autres exigences

Al. 1 Le Conseil fédéral peut prévoir par voie d'ordonnance des exigences supplémentaires incombant aux systèmes de négociation fondés sur la TRD qui admettent des clients privés, cela afin de protéger ces participants. À titre de compromis entre divers avis reçus lors de la consultation, le Conseil fédéral n'est plus tenu d'agir ainsi, mais doit faire usage de cette compétence si cela s'avère nécessaire. Les exigences correspondantes comprennent notamment la mise à la disposition des 304

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clients privés d'informations adéquates concernant les valeurs mobilières fondées sur la TRD. Le Conseil fédéral entend s'orienter ici étroitement sur les exigences inscrites dans l'OSFin, et donc sur les concepts de la LSFin. L'al. 1 constitue aussi la base légale nécessaire pour restreindre les modalités de négociation admises à l'égard des clients privés (par ex. la négociation prévoyant des obligations de versements supplémentaires, margin trading) pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD.

Al. 2 Le Conseil fédéral doit prévoir, pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD qui offrent également des services post-négociation, des exigences supplémentaires qui s'appliquent cumulativement avec les exigences visées aux art. 73a à 73d P-LIMF. Ces obligations concernent essentiellement la conservation centralisée, la compensation et le règlement des valeurs mobilières fondées sur la TRD. Par ex., les dispositions concernant la ségrégation sont importantes dans une optique de protection des clients, mais elles dépendent aussi dans une large mesure des développements technologiques continus. Au vu de la conception voulant qu'une seule et même infrastructure des marchés financiers offre des services de négociation et de post-négociation, ces exigences doivent pouvoir être définies selon une approche flexible et modulaire, donc en fonction des services concrètement proposés par le système de négociation fondé sur la TRD. Autrement dit, ces exigences doivent être fixées par voie d'ordonnance. Il est précisé que les exigences fixées par le Conseil fédéral (voir al. 3) se fonderont sur les exigences juridiques en vigueur (art. 61 ss LIMF et art. 52 ss OIMF).

Al. 3 Les services post-négociation proposés par un système de négociation fondé sur la TRD comprennent la conservation, la compensation et le règlement des valeurs mobilières fondées sur la TRD (voir art. 73a, al. 1 P-LIMF). Il appartient par conséquent au Conseil fédéral de s'orienter sur les exigences relatives aux dépositaires centraux lors de la définition des exigences visées à l'al. 2.

Al. 4 Le Conseil fédéral peut habiliter la FINMA à fixer les exigences visées à l'al. 2 pour autant que cela soit nécessaire à la prise en compte des risques liés à la technologie.

Cela permet un aménagement de ces exigences proche de la pratique.
Al. 5 La compétence de la BNS est réservée en ce qui concerne les dispositions des art. 22 ss LIMF. L'al. 34 correspond sur le plan matériel à l'art. 82, deuxième phrase, LIMF.

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Art. 73f

Allégements pour les petits systèmes de négociation fondés sur la TRD

Al. 1 Les infrastructures des marchés financiers doivent obtenir une autorisation de la FINMA (art. 4 LIMF). Cela vaut aussi pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. Étant donné le but sous-jacent de la LIMF (voir art. 1, al. 2, LIMF), il convient de viser un traitement fondamentalement égal des systèmes de négociation fondés sur la TRD et des autres infrastructures des marchés financiers. Par conséquent, les exigences associées à l'autorisation et à la surveillance prudentielle valent également pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. Cependant, contrairement aux infrastructures des marchés financiers déjà bien établies en Suisse, la nouvelle catégorie d'autorisation entrerait également en ligne de compte pour de plus petits acteurs du marché et ouvrirait de nouveaux modèles d'affaires pour ces derniers ainsi que pour les prestataires établis. Dans la perspective de conditionscadres favorables à l'innovation et compte tenu des développements très dynamiques dans le domaine de la TRD, il paraît approprié de concevoir la nouvelle catégorie d'autorisation avec suffisamment de flexibilité, tout en garantissant que la fonction protectrice de la LIMF sera dûment prise en compte dans le contexte de la TRD (voir art. 2, al. 2, LIMF).

Afin de créer une telle flexibilité en lieu et place d'exceptions larges, le Conseil fédéral doit avoir la possibilité de prévoir par rapport aux exigences des allégements ciblés pour les petits systèmes de négociation fondés sur la TRD, notamment pour les dispositions concernant l'indépendance organisationnelle d'une infrastructure des marchés financiers (art. 8 LIMF), la fourniture de services auxiliaires qui n'ont pas besoin d'une autorisation ou d'une approbation en vertu des lois sur les marchés financiers (art. 10 LIMF), comme par ex. l'admission à la négociation de jetons de paiement, ou les exigences d'indépendance pour les organisme d'autorégulation (art. 27 LIMF) et les instances de recours (art. 37 LIMF). En outre, le Conseil fédéral peut prévoir des exigences différenciées concernant le capital minimal sur la base de l'art. 12, al. 2, LIMF pour les petits systèmes de négociation.

Al. 2 L'al. 2 fixe le champ d'application des allégements prévus à l'al. 1 et précise à cet effet quels systèmes de négociation fondés sur la TRD sont considérés
comme petits.

Lors de la consultation, les exigences réglementaires proposées pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD ont été jugées trop lourdes par certains participants, la portée des allégements étant pour sa part considérée comme insuffisante. D'autres participants ont émis des réserves sur tout genre et toute forme d'allégement. La réglementation proposée correspond à une position de compromis et n'a été que faiblement complétée après la consultation. Un système de négociation fondé sur la TRD est réputé petit lorsqu'il présente de faibles risques pour la protection des participants aux marchés financiers et pour le bon fonctionnement et la stabilité du système financier en raison du nombre limité de participants, du volume de négociation limité, du volume de valeurs limité qu'il conserve ou du volume de compensation et de règlement limité. Le Conseil fédéral fixe les valeurs seuils concrètes par voie d'ordonnance.

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Art. 89, al. 1 et 2, phrase introductive Les systèmes de négociation fondés sur la TRD peuvent également fournir des services post-négociation. Sur un plan fonctionnel, ils sont ainsi comparables aux dépositaires centraux et aux systèmes de paiement. Les dispositions de l'art. 89 LIMF destinées à la protection du système doivent par conséquent être étendues aux systèmes de négociation fondés sur la TRD qui proposent aussi de tels services postnégociation. Le fait que le cercle des participants admis dans les systèmes de négociation fondés sur la TRD soit ouvert ne change rien aux compétences reconnues à la FINMA en matière d'insolvabilité.

Art. 142, 143, 154 et 155 Les dispositions relatives au délit d'initié et à la manipulation du marché ont trait à l'admission de valeurs mobilières sur une plate-forme de négociation ayant son siège en Suisse. Même s'ils admettent à la négociation les valeurs mobilières fondées sur la TRD, les systèmes de négociation fondés sur la TRD ne sont pas des platesformes de négociation au sens de la LIMF. Cependant, comme les valeurs mobilières fondées sur la TRD sont également des valeurs mobilières (voir art. 2, let. bbis, P-LIMF), il est indiqué d'étendre les règles sur le délit d'initié et la manipulation du marché aux valeurs mobilières fondées sur la TRD qui sont négociées auprès de systèmes de négociation fondés sur la TRD.

6

Conséquences économiques

6.1

Conséquences pour la place économique suisse

En réaction aux mutations technologiques rapides qui touchent notamment le secteur financier, la Suisse a déjà pris plusieurs mesures pour réduire les obstacles à l'entrée sur le marché, accroître la sécurité juridique, permettre la mise en place de nouveaux modèles d'affaires et rendre les conditions-cadres plus attrayantes pour les acteurs.

Le présent projet s'inscrit dans la ligne de ces mesures visant à améliorer les conditions-cadres dans lesquelles évolue la place économique et financière suisse. Il entraîne un renforcement du marché des capitaux et augmente les possibilités et sources de financement pour les entreprises suisses de tous les secteurs de l'économie, en particulier les PME.

La révision du CO et de la LP qui est proposée a pour effet de supprimer les obstacles juridiques aux applications de la technologie des registres électroniques distribués et de la blockchain dont le Conseil fédéral avait jugé l'élimination particulièrement urgente en 2018. Les modifications proposées dans le droit de la poursuite pour dettes et de la faillite ont notamment pour effet que les droits portant sur des données peuvent également être préservés en cas de faillite, par ex. celle d'un fournisseur d'espace de stockage. En outre, la sécurité juridique en ce qui concerne le devenir des cryptoactifs en cas de faillite est renforcée, et le dépôt collectif de cryptoactifs, qui a reçu un large soutien lors de la consultation, est rendu possible. Ces mesures renforcent globalement la fiabilité d'offres relevant aussi bien du domaine de la TRD que des services Internet en général. Cela renforce la confiance et ainsi 307

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l'acceptation et la diffusion des nouvelles technologies, ce qui peut entraîner l'apparition sur le marché de nouvelles offres de services financiers. Cette évolution bénéficiera aux entreprises Fintech suisses actuelles ­ dont le nombre est estimé entre 200 et 300182 ­ ou futures ainsi qu'aux investisseurs, d'où qu'ils viennent.

Les mesures proposées dans le domaine des fournisseurs d'infrastructures des marchés financiers se limitent aux fournisseurs dont le modèle d'affaires est axé sur la technologie des registres distribués, et elles ne sont donc pas absolument neutres sur le plan technologique. Il est vrai que, du point de vue des possibilités technologiques actuelles, la réglementation existante n'est pas, elle non plus, neutre sur le plan technologique, puisqu'elle est limitée aux places boursières centrales et aux systèmes multilatéraux de négociation, qui, de surcroît, n'offrent pas d'accès direct à la clientèle privée.

6.2

Conséquences pour les groupes concernés

6.2.1

Fournisseurs d'infrastructures des marchés financiers

Les acteurs des marchés financiers potentiellement concernés par les modifications du droit des infrastructures des marchés financiers ou susceptibles de profiter des nouvelles possibilités comprennent essentiellement les fournisseurs actuels ou futurs d'infrastructures des marchés financiers qui veulent exploiter en Suisse un système de négociation pour les jetons ayant le caractère de valeurs mobilières. Le droit actuel entravant ou interdisant la formation de marchés de ce genre en Suisse, le projet propose logiquement de réduire les obstacles concernés. Un des points essentiels réside dans la création d'un nouveau régime d'autorisation pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD qui sont soumis à la surveillance de la FINMA.

Globalement, la nouvelle réglementation va ouvrir de nouvelles possibilités d'affaires dans le domaine de la TRD aux participants au marché et permettre à ces derniers d'exercer leur activité dans un cadre réglementaire clair et sous la surveillance prudentielle de la FINMA.

Sans porter atteinte au but de protection visé par la LIMF, le Conseil fédéral peut néanmoins alléger certaines des charges réglementaires qui pèsent sur les petits systèmes de négociation fondés sur la TRD. Par ex., les organes chargés de la gestion de l'entreprise ainsi que de la haute direction, de la surveillance et du contrôle ne devront pas impérativement être toujours séparés les uns des autres, ce qui réduit les obstacles pour de nouveaux candidats potentiels. Il a en outre été précisé que, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, seule l'exploitation professionnelle d'un système de négociation fondé sur la TRD sera soumise à l'obligation d'obtenir une autorisation au sens de la LIMF (voir ch. 4.1.10 ci-dessus).

182

308

Voir IFZ FinTech Study 2018, disponible sur: https://blog.hslu.ch/retailbanking/files/2018/06/IFZ-FinTech-Study-2018.pdf (état au 30.1.2019), et Swisscom Fintech Start-up Monitor de janvier 2019, disponible sur: www.swisscom.ch/en/business/enterprise/downloads/banking/monthly-fintechstartup-market-map.html (état au 30.1.2019).

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Les infrastructures des marchés financiers soumises à autorisation supporteront elles aussi certains frais. Au coût de l'autorisation s'ajouteront des dépenses récurrentes, par ex. dans le domaine de la mise en conformité à la réglementation (compliance).

Les frais récurrents comprennent d'une part les taxes annuelles de surveillance servant au financement des activités de la FINMA, conformément à l'ordonnance sur les émoluments et les taxes de la FINMA183, d'autre part les frais liés au système de négociation fondé sur la TRD lui-même. La taxe annuelle de surveillance se compose en principe d'une taxe de base et d'une taxe variable liée au chiffre d'affaires. Le montant de ces taxes n'a cependant pas encore été fixé pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD. À titre de comparaison, l'on peut se référer aux taxes perçues sur les bourses traditionnelles et les systèmes multilatéraux de négociation. En fonction de la taille de ces organisations, la taxe de base annuelle est échelonnée entre 15 000 francs (total du bilan < 25 millions de francs), 100 000 francs (total du bilan de 25 à 50 millions de francs) et 300 000 francs (total du bilan > 50 millions de francs). À cela s'ajoutent des émoluments séparés pour les contreparties centrales, les dépositaires centraux et les référentiels centraux. Si le système de négocation fondé sur la TRD n'exerce pas ces fonctions , les émoluments correspondants ne seront pas non plus perçus. Les systèmes de négociation fondés sur la TRD eux-mêmes supportent en particulier des frais courants pour la mise en oeuvre des obligations de diligence dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent. Ces obligations de diligence comprennent notamment, en premier lieu, l'identification de leurs clients et des ayants droit économiques. En deuxième lieu, des clarifications complémentaires doivent être effectuées pour les relations d'affaires comportant un risque accru (par ex. clients domiciliés dans un pays à haut risque). En troisième lieu, il y a des obligations de documentation et de conservation. En quatrième lieu, il faut prendre des mesures organisationnelles appropriées (par ex. en matière de formation et de contrôle) pour limiter les risques de blanchiment d'argent. Si l'intermédiaire financier sait ou a un soupçon fondé que les valeurs patrimoniales
impliquées dans la relation d'affaires peuvent être liées par ex. au blanchiment d'argent, il doit en informer le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent.

La FINMA prendra les mesures nécessaires à la mise en place de procédures d'autorisation et d'approbation aussi courtes que possible. Par ailleurs, la FINMA pourrait par ex. reconnaître des modèles de règlement sur lesquels les requérants auraient la possibilité de se baser, ce qui contribuerait aussi à une plus grande rapidité de la procédure d'autorisation. Pour les fournisseurs d'infrastructures des marchés financiers concernés, en effet, des processus d'autorisation et d'approbation longs sont synonymes de coûts d'opportunité élevés et devraient de ce fait être évités.

6.2.2

Investisseurs

Les modifications proposées pour le droit des papiers-valeurs et le droit de la faillite visent à améliorer la sécurité juridique des applications fondées sur la TRD et servent par conséquent la protection des investisseurs. La réglementation claire de la 183

RS 956.122

309

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transmissibilité des droits-valeurs inscrits ainsi que de la possibilité de revendiquer et de distraire des cryptoactifs revêt une importance toute particulière pour les investisseurs.

Grâce au présent projet de loi, les investisseurs qui acquièrent ou cèdent des valeurs mobilières fondées sur la TRD auprès d'un système de négociation fondé sur la TRD en Suisse seront mieux protégés contre les activités abusives sur le marché. Les systèmes de négociation fondés sur la TRD autorisés sont en particulier tenus de prendre des mesures visant à prévenir les délits d'initié et les manipulations du marché, ce qui ne peut que renforcer la confiance dans le bon fonctionnement des systèmes de négociation fondés sur la TRD et contribuer à une meilleure acceptation et à une meilleure diffusion de la nouvelle technologie. Alors que dans le négoce en bourse classique les investisseurs sont forcés à recourir à un intermédiaire tel qu'une banque ou un négociant en valeurs mobilières pour agir, ils peuvent participer directement et sous leur propre responsabilité aux systèmes de négociation fondés sur la TRD et y pratiquer le négoce de valeurs mobilières fondées sur la TRD. Il est vrai que les investisseurs doivent alors faire appel davantage à leurs connaissances et expériences propres, mais, en contrepartie, ils n'ont pas non plus de commissions à verser à des intermédiaires.

Le Conseil fédéral a l'intention d'édicter par voie d'ordonnance des dispositions de protection des clients fondées sur les dispositions pertinentes de l'ordonnance sur les services financiers (OSFin). Les dispositions de la LSFin relatives à la protection des clients ne peuvent cependant pas être transposées directement aux systèmes de négociation fondés sur la TRD, dans la mesure où ces dispositions s'adressent à des intermédiaires tels que des gestionnaires de fortune et non à des fournisseurs d'infrastructures des marchés financiers. C'est ainsi que les investisseurs privés qui pratiquent uniquement en leur nom propre et pour leur propre compte le négoce de valeurs mobilières fondées sur la TRD auprès d'un système de négociation fondé sur la TRD ne sauraient par définition adopter de comportement comme, par ex., le front running, car ils n'ont eux-mêmes pas de clients tiers auxquels ils pourraient porter préjudice.

6.3

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

À court terme, le projet n'aura guère de conséquences ni pour la Confédération, ni pour les cantons, ni pour les communes. À plus long terme, cependant, l'amélioration de l'environnement dans lequel évoluent les entreprises actives dans le domaine de la TRD et les applications fondées sur la TRD pourrait se traduire par une hausse des recettes fiscales, notamment dans les cantons comptant une proportion importante d'entreprises innovantes. D'un autre côté, la numérisation de certains services pourrait entraîner une diminution des revenus dans le secteur financier. L'état actuel des connaissances ne permet aucune estimation des conséquences que le projet aura sur les recettes fiscales de la Confédération et des cantons.

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La charge de travail que la FINMA doit assumer pour traiter les demandes d'autorisation (notamment les autorisations au sens de l'art. 1b LB et celles qui concernent le nouveau système de négociation fondé sur la TRD) s'alourdira. Une estimation chiffrée est cependant impossible pour l'instant, faute de valeurs empiriques auxquelles se référer.

6.4

Adéquation de l'exécution

L'adéquation de l'exécution est assurée par plusieurs mesures: d'abord, les obstacles à l'accès au marché sont réduits sans affecter pour autant le but de protection visé par le droit sur l'infrastructure des marchés financiers. Cela implique d'accorder au Conseil fédéral la compétence d'édicter des allégements réglementaires en faveur des petits systèmes de négociation fondés sur la TRD.

Ensuite, pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions de la LP, il s'agira d'actualiser les dispositions pertinentes de l'ordonnance sur l'administration des offices de faillite184 (art. 45 ss). Les travaux préparatoires sont déjà en cours.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur les dispositions suivantes: ­

CO, LP: art. 122 Cst.

­

LDIP: art. 54 et 122 Cst.

­

LB, LIMF, LBA, LEFin: art. 95 et 98 Cst.

­

LBN: art. 99, 100 et 123 Cst.

­

LSFin: art. 95, 97, 98 et 122, al. 1, Cst.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec les obligations internationales de la Suisse.

184

Ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (OAOF), RS 281.32.

311

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7.3

Forme de l'acte à adopter

Le présent projet contient des dispositions importantes fixant des règles de droit qui, conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Les révisions proposées suivent par conséquent la procédure législative ordinaire.

7.4

Délégation de compétences législatives

Les délégations proposées concernent en particulier la loi sur l'infrastructure des marchés financiers (voir art. 73c, al. 3, P-LIMF en ce qui concerne les obligations d'enregistrer et de déclarer; art. 73c, al. 4, P-LIMF en ce qui concerne le règlement des modalités techniques de l'admission, des obligations et de l'exclusion des participants à un système de négociation fondé sur la TRD; art. 73d, al. 3, P-LIMF en ce qui concerne la réglementation de l'admission des valeurs mobilières fondées sur la TRD et d'autres valeurs patrimoniales dans un système de négociation fondé sur la TRD; art. 73e, al. 1, P-LIMF en ce qui concerne la fixation d'obligations supplémentaires pour les systèmes de négociation fondés sur la TRD afin de protéger les clients privés; art. 73e, al. 2, P-LIMF en ce qui concerne les obligations des systèmes de négociation fondés sur la TRD qui offrent des services dans le domaine de la postnégociation; art. 73f P-LIMF en ce qui concerne l'octroi d'allégements pour les petits systèmes de négociation fondés sur la TRD et la compétence du Conseil fédéral de fixer les valeurs seuils correspondantes), ainsi que la loi sur les banques (voir art. 1b P-LB en ce qui concerne l'acceptation de cryptoactifs).

Ces délégations visent à éviter l'introduction dans la loi de dispositions à caractère par trop technique. En outre, il s'agit bien souvent de contenus qui exigent de pouvoir être rapidement modifiés en réponse à l'évolution du contexte et en particulier aux rapides développements techniques. Il est prévu dans deux cas que le Conseil fédéral puisse redéléguer à la FINMA les compétences qui lui sont déléguées: d'une part, à l'art. 73e, al. 4 P-LIMF, d'autre part, à l'art. 4sexies P-LB, qui contient une norme de délégation à la FINMA permettant à celle-ci de tenir compte de certains risques spécifiques lors de la conservation de cryptoactifs (voir le ch. 5.5 ci-dessus).

Enfin, les art. 3, al. 5, 17, al. 1, et 41, al. 2, P-LBA contiennent eux aussi des normes de délégation.

312

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Liste des abréviations utilisées ABE AEMF AI al.

AP APG art.

ATF AVS BNS CC CG ch.

CNA CO Cst.

DFF États-Unis FINMA GAFI GCBF ICO IFDS IFZ LB LBA LBN LBVM LDIP LEFin let.

LFINMA

Autorité bancaire européenne (www.eba.europa.eu) Autorité européenne des marchés financiers (www.esma.europa.eu) assurance-invalidité alinéa avant-projet allocation pour perte de gain article arrêt du Tribunal fédéral assurance-vieillesse et survivants Banque nationale suisse (www.snb.ch) Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210) conditions générales chiffre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents Code des obligations (RS 220) Constitution fédérale de la Confédération suisse (RS 101) Département fédéral des finances États-Unis d'Amérique Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (www.finma.ch) Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (www.fatf-gafi.org) Groupe interdépartemental de coordination sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme initial coin offering intermédiaire financier directement soumis Institut für Finanzdienstleistungen, Hochschule Luzern loi du 8 novembre 1934 sur les banques (RS 952.0) loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (RS 955.0) loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale (RS 951.11) loi du 24 mars 1995 sur les bourses (RS 954.1) loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (RS 291) loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers (RS 954.07) lettre loi sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (loi sur la surveillance des marchés financiers; RS 956.1) 313

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LIMF LP LPCC LSFin LTI MROS N OAOF OB OBA OICV OIMF OSFin Ppar ex.

PME RO RS s.

SEC SON ss TRD UE

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loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers (RS 958.1) loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (RS 281.1) loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (RS 951.31) loi fédérale du 15 juin 2018 sur les services financiers (RS 950.1) loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés (RS 957.1) Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent note ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (RS 281.32) ordonnance du 30 avril 2014 sur les banques (RS 952.02) ordonnance du 11 novembre 2015 sur le blanchiment d'argent (RS 955.01) Organisation internationale des commissions de valeurs (www.iosco.org) ordonnance du 25 novembre 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers (RS 958.11) ordonnance sur les services financiers (non encore adoptée) projet par exemple petites et moyennes entreprises recueil officiel des lois fédérales Recueil systématique du droit fédéral suivant Securities and Exchange Commission (www.sec.gov) système organisé de négociation suivants technologie des registres distribués Union européenne

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