20.026 Message relatif à la modification du code de procédure civile suisse (Amélioration de la praticabilité et de l'application du droit) du 26 février 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, par le présent message, le projet d'une modification du code de procédure civile (amélioration de la praticabilité et de l'application du droit), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2014

P

14.3804

Code de procédure civile. Premiers enseignements et améliorations (N 12.12.14, Vogler)

2015

M 14.4008

Adaptation du code de procédure civile (E 19.3.15, Commission des affaires juridiques CE; N 8.9.15)

2015

P

Notification des manifestations de volonté et des actes des autorités. Analyse de la pratique actuelle (N 21.9.15, [Poggia] Golay)

2018

M 17.3868

13.3688

Faciliter l'accès aux tribunaux civils (E 13.12.17, Janiak; N 12.6.18)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 février 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-0243

2607

Condensé Le code de procédure civile (CPC) a démontré de façon générale son adéquation à la pratique. La présente révision vise à accroître encore son efficacité par des modifications ciblées. Il s'agit notamment d'une adaptation des dispositions régissant les frais, qui facilitera l'accès à la justice. La révision vise en outre avant tout à faciliter la coordination des procédures, à étendre le champ d'application de la procédure de conciliation, à améliorer la procédure en droit de la famille et à clarifier ou préciser d'autres points de la loi. Très critiquées lors de la consultation, les propositions visant à faciliter la mise en oeuvre collective des droits ont été détachées du présent projet et seront traitées séparément.

Contexte L'entrée en vigueur du CPC le 1er janvier 2011 a permis de codifier et d'unifier la procédure civile au niveau national. Neuf ans plus tard, le CPC fait partie du quotidien des tribunaux, des avocats et des justiciables. Par une motion, le Parlement a chargé le Conseil fédéral d'examiner son adéquation à la pratique et de présenter un projet de loi sur ce point. D'autres interventions parlementaires ont également demandé des modifications spécifiques du CPC.

Contenu du projet L'examen effectué a montré que le CPC avait fait ses preuves dans la pratique. Les faiblesses ponctuelles constatées doivent toutefois être éliminées par des adaptations ciblées, afin d'améliorer encore l'application du droit. Ce constat et cette approche ont été approuvés lors de la consultation.

Suppression des obstacles financiers Le projet prévoit une limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés et une adaptation des règles concernant le règlement des frais, pour répondre à l'une des critiques principales formulées à l'égard du CPC à ce jour, tout en préservant la souveraineté cantonale en matière de tarif. Par rapport à l'avant-projet, le projet prévoit des exceptions à la limitation de l'avance de frais.

Simplification de la coordination des procédures Le projet facilite la coordination des prétentions et permet des décisions uniques sur ces dernières grâce à l'adaptation ponctuelle des dispositions relatives à la consorité, à l'appel en cause, au cumul d'actions et à la demande reconventionnelle.

Renforcement de la procédure de conciliation La procédure
de conciliation, elle aussi éprouvée, sera renforcée sur certains points. Elle s'appliquera à un éventail plus large de litiges et l'autorité de conciliation pourra soumettre une proposition de décision dans un plus grand nombre de cas.

2608

Amélioration de la procédure en droit de la famille En plus des adaptations ponctuelles déjà prévues dans l'avant-projet (en particulier la suppression générale de la conciliation dans les procédures concernant les enfants), d'autres points de la procédure applicable aux affaires relevant du droit de la famille sont améliorés pour tenir compte des résultats de la consultation.

Autres adaptations ponctuelles D'autres adaptations ponctuelles permettront d'améliorer la sécurité et la clarté du droit et d'accroître l'adéquation du CPC à la pratique. Il s'agit notamment de codifier des apports jurisprudentiels importants du Tribunal fédéral. Le projet institue par ailleurs un droit pour les juristes d'entreprise de refuser de collaborer.

Enfin, il crée une base légale fédérale pour la mise en place par les cantons de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international.

Traitement séparé de la mise en oeuvre collective des droits Les propositions visant à renforcer la mise en oeuvre collective des droits découlant de dommages collectifs ou de dommages dispersés ont, à la différence des autres modifications proposées, fait l'objet de vives controverses lors de la consultation.

Elles sont supprimées du présent projet pour être traitées séparément. Ce traitement distinct permettra de prendre en compte d'autres développements et les débats parlementaires.

2609

FF 2020

Table des matières Condensé

2608

1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.1.1 Succès de l'unification de la procédure civile 1.1.2 Interventions parlementaires dès l'entrée en vigueur du CPC 1.1.3 Motion 14.4008 «Adaptation du Code de procédure civile» et postulat 14.3804 «Code de procédure civile.

Premiers enseignements et améliorations» 1.1.4 Motion 13.3931 «Exercice collectif des droits. Promotion et développement des instruments» 1.1.5 Adéquation du CPC à la pratique 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

2612 2612 2612

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Projet envoyé en consultation 2.2 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

2616 2616 2617 2618

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

2620

4

Présentation du projet 4.1 Dispositif proposé 4.1.1 Suppression des obstacles financiers: limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés et adaptation du règlement des frais 4.1.2 Facilitation de la coordination des procédures 4.1.3 Extension du champ d'application de la procédure de conciliation 4.1.4 Instauration d'un droit de refuser de collaborer pour les juristes d'entreprise 4.1.5 Amélioration de la procédure en matière de droit de la famille 4.1.6 Création de bases légales fédérales permettant la mise en place de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international 4.1.7 Reprise sélective de la jurisprudence du Tribunal fédéral 4.1.8 Autres mesures ciblées en vue d'améliorer l'adéquation du CPC à la pratique

2622 2622

2610

2612 2613 2614 2614 2615 2615 2616

2622 2624 2625 2625 2627 2627 2628 2629

FF 2020

4.2 4.3 4.4 5

6

7

Mise en oeuvre collective des droits: scission et traitement séparé Abandon de certaines dispositions de l'avant-projet Mise en oeuvre

2630 2631 2632

Commentaire des dispositions 5.1 Code de procédure civile 5.2 Modification d'autres lois fédérales 5.2.1 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) 5.2.2 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé

2632 2632 2685 2685

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences sociales 6.5 Conséquences environnementales

2687 2687

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 7.6 Délégation de compétences législatives 7.7 Protection des données

2689 2689 2689 2690 2690 2690 2690 2691

Code de procédure civile (Amélioration de la praticabilité et de l'application du droit) (Projet)

2686

2687 2688 2689 2689

2693

2611

FF 2020

Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.1.1

Succès de l'unification de la procédure civile

Le code de procédure civile (CPC)1 est entré en vigueur le 1er janvier 2011.

S'inscrivant dans le cadre de la réforme de la justice de 1999/2000, il a permis d'unifier la procédure (civile) sur le plan national2. Sous réserve des exceptions prévues par le CPC (voir les art. 3, 4, al. 1, et 96 CPC, ainsi que l'art. 122, al. 2, de la Constitution [Cst.])3, les cantons sont toutefois restés compétents pour l'organisation des tribunaux, notamment pour fixer les règles de compétence à raison de la matière et de la fonction et celles sur le tarif des frais. Neuf ans après l'entrée en vigueur du CPC, l'unification des procédures civiles à l'échelle de la Suisse peut aujourd'hui être considérée comme un succès. En tant que codification et consolidation du droit de procédure sous forme de loi fédérale, le CPC a fait ses preuves dans le quotidien des tribunaux, des avocats et des justiciables et est généralement reconnu comme adapté à la pratique (voir également le ch. 1.1.5).

1.1.2

Interventions parlementaires dès l'entrée en vigueur du CPC

Peu de temps après son entrée en vigueur, des interventions parlementaires visaient déjà certaines questions et certains problèmes spécifiques liés au CPC. Elles portaient essentiellement sur la médiation4, la procédure de conciliation5, la compétence

1 2

3 4

5

RS 272 Pour plus de détails, voir le message sur le CPC, FF 2006 6841 6853 ss, ainsi que le rapport accompagnant l'avant-projet de procédure civile suisse de la commission d'experts, p. 5., (disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Etat & Citoyen >Projets législatifs en cours > Projets législatifs terminés > Unification de la procédure civile).

RS 101 Initiative parlementaire 11.437 Hiltpold «Révision du code civil et du code de procédure civile. Médiation dans les affaires familiales avec enfants» (retirée le 31.7.2012); motion 11.3094 Bernasconi «Favoriser la coresponsabilité parentale par la médiation» (rejetée par le Conseil national le 13.12.2012); interpellation 12.3558 von Graffenried «Comment la médiation est-elle utilisée dans les cantons?» (liquidée).

Initiative parlementaire 12.424 (Poggia) Golay «Protéger les justiciables contre une rigueur excessive et injustifiée de la procédure civile» (le Parlement n'a pas donné suite; liquidée); motion 13.3845 Romano «Interruption de la prescription dans les procédures pour lesquelles la tentative de conciliation est exclue» (classée; liquidée).

2612

FF 2020

à raison de la matière6, la conduite de la procédure7 et l'exercice collectif des droits8.

Dans l'intervalle, la plupart de ces interventions ont été liquidées. Les questions soulevées se sont souvent avérées prématurées, trop isolées, accessoires ou ne justifiaient pas une intervention immédiate du législateur.

1.1.3

Motion 14.4008 «Adaptation du Code de procédure civile» et postulat 14.3804 «Code de procédure civile.

Premiers enseignements et améliorations»

Pour éviter la multiplication des interventions parlementaires visant des questions isolées et permettre un réexamen d'ensemble du CPC, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E) a déposé le 17 novembre 2014 la motion 14.4008 «Adaptation du code de procédure civile». Le Conseil fédéral a proposé de l'accepter dans son avis du 21 janvier 2015. Par l'adoption de la motion les 19 mars (Conseil des Etats)9 et 8 septembre 2015 (Conseil national)10, les Chambres fédérales ont décidé de ne pas répartir en plusieurs projets les éventuelles modifications du CPC, mais de les examiner et de les traiter dans le cadre d'un état des lieux général. Le Conseil fédéral a été chargé d'examiner la question de l'adéquation à la pratique du CPC et de soumettre au Parlement avant la fin 2018 un projet prévoyant les modifications législatives nécessaires.

Parallèlement, le conseiller national Karl Vogler soumettait le 24 septembre 2014 le postulat 14.3804 «Code de procédure civile. Premiers enseignements et améliorations», chargeant le Conseil fédéral d'établir un rapport et d'y exposer, avec le concours des cantons, des tribunaux, des avocats et d'autres parties prenantes, un bilan intermédiaire de l'application du CPC. Sur la base de ce bilan, le Conseil fédéral a été chargé de montrer de quelle façon les lacunes observées pouvaient être supprimées et comment les règles de procédure pouvaient être mieux harmonisées et améliorées. Ce postulat a été accepté sans discussions par le Conseil national le 12 décembre 201411, suivant une proposition en ce sens du Conseil fédéral du 5 novembre 2014.

6

7

8

9 10 11

Initiative parlementaire 13.441 (Poggia) Golay «Procédure civile. Mettre sur un pied d'égalité les actions relevant des assurances complémentaires à la LAA et à la LAMal» (le Parlement a donné suite; voir le ch. 4.1.8).

Motion 13.3447 (Ribaux) Feller «Pas de SMS ni de tweets depuis les salles d'audience des tribunaux» (rejetée par le Conseil national le 5.5.2015); motion 13.3684 Caroni «Secondes instances judiciaires. Supprimer l'obligation de motiver sauf demande expresse des parties» (rejetée par le Conseil national le 13.12.2013).

Motion 11.3977 Birrer-Heimo «Plaintes collectives. Simplification des procédures judiciaires» (classé; liquidé); motion 13.3052 Schwaab «Droit d'action collective en cas de viol de la protection des données, en particulier sur Internet» (classée; liquidée); motion 13.3931 Birrer-Heimo «Exercice collectif des droits. Promotion et développement des instruments» (adoptée; voir les ch. 1.1.4 et 4.2).

BO CE 2015 293 BO CN 2015 1374 BO CN 2014 2355

2613

FF 2020

1.1.4

Motion 13.3931 «Exercice collectif des droits.

Promotion et développement des instruments»

Dans son rapport du 3 juillet 2013 intitulé «Exercice collectif des droits en Suisse: état des lieux et perspectives»12, le Conseil fédéral a conclu qu'en pratique, les instruments du droit en vigueur ne permettaient pas de garantir une mise en oeuvre efficace des droits en cas de dommages collectifs et dispersés et que ces outils étaient parfois inadaptés, mettant ainsi en évidence une lacune du système actuel dans ce domaine. Se référant au rapport du Conseil fédéral, la motion 13.3931 de la conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo charge le Conseil fédéral de «modifier la loi afin qu'un grand nombre de personnes lésées de manière identique ou similaire puissent faire valoir collectivement leurs prétentions devant le juge [et lui demande de] développer les instruments disponibles et [d']en créer d'autres, [l]es mesures proposées dev[ant] respecter les particularités suisses, permettre d'éviter les abus et s'inspirer de l'expérience d'autres pays européens.». Cette motion a été adoptée 13 par les deux conseils sans opposition, conformément à la proposition du Conseil fédéral du 29 novembre 2013.

1.1.5

Adéquation du CPC à la pratique

De nombreux échanges avec les représentants des différentes parties prenantes ont eu lieu afin d'examiner l'adéquation du CPC à la pratique: ­

Le groupe de travail CPC dirigé par l'Office fédéral de la justice (OFJ), existant depuis 2011, a été formé à partir du «groupe de travail sur les actes judiciaires» constitué en 2010. Les représentants des tribunaux civils cantonaux de première et seconde instances qui le composaient ont débattu de l'adéquation du CPC à la pratique lors des séances des 7 mai 2015, 20 mars et 19 juin 2017.

­

Le 15 juin 2017, l'Office fédéral de la justice a organisé à Berne une table ronde d'experts réunissant les membres de la Conférence suisse des hautes écoles des professeurs de procédure civile.

­

Une discussion sur le CPC du point de vue du Tribunal fédéral a eu lieu le 20 juin 2017 avec une délégation de ses deux Chambres civiles.

­

Le 21 juin 2017, une délégation de la Fédération suisse des avocats a également été reçue par des représentants de l'OFJ afin d'évoquer le CPC.

Entre fin 2016 et début 2017, l'OFJ a procédé à une évaluation de la pratique du CPC, au moyen d'un formulaire envoyé aux tribunaux cantonaux, évaluation sur la base de laquelle les nombres de cas ont été déterminés et des statistiques élaborées.

L'examen de l'adéquation du CPC à la pratique a montré que son efficacité est incontestée. Il a fait ses preuves dans le quotidien des praticiens et des justiciables, 12 13

JAAC 2013.7a, p. 59 à 112, disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit.

CN 13.12.2013, BO CN 2013 2204; CE 12. 6.2014, BO CE 2014 539.

2614

FF 2020

ce que la consultation a encore permis de confirmer (voir le ch. 2.2). Son efficacité est également mise en évidence par le nombre stable des procédures de première comme de deuxième instances à l'échelle nationale depuis son entrée en vigueur (voir sur ce point les statistiques et les chiffres dans le rapport explicatif relatif à l'avant-projet du 2 mars 201814, p. 10 ss). Cet examen a cependant aussi mis en évidence un potentiel d'améliorations ponctuelles, notamment en matière de frais de justice (voir le ch. 4.1.1), de moyens de coordination des procédures (voir le ch. 4.1.2) et de mise en oeuvre collective des droits (voir le ch. 4.2).

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

Il ne saurait être question aujourd'hui de modifier le CPC en profondeur voire de procéder à une révision totale. Il s'agit simplement d'apporter à ce code des modifications ponctuelles et de l'améliorer en tirant parti de l'expérience pratique acquise, comme le demandent la motion 14.4008 et les autres interventions parlementaires mentionnées (voir les ch. 1.1.3 et 1.1.4).

Les principes ayant servi de base à l'élaboration du CPC doivent être maintenus. La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons restera inchangée, notamment en matière d'organisation des tribunaux et de tarif, même si le maintien de ces compétences cantonales et le principe d'unification sont en partie contradictoires. Il est par ailleurs trop tôt pour procéder à des modifications plus importantes touchant des points centraux du CPC tels que les types de procédures et leurs modalités. Il y a d'une part lieu de s'attendre à une concrétisation et à une évolution de la jurisprudence que le législateur ne devrait pas anticiper. D'autre part, après neuf ans seulement d'expérience pratique ainsi qu'à défaut d'une évaluation globale de l'application du CPC, une révision de cette ampleur paraît prématurée et préjudiciable à la sécurité et à la clarté du droit.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le présent projet n'est annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201915 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201916. A travers ce projet, le Conseil fédéral donne toutefois suite à plusieurs motions et postulats (voir le ch. 1.4).

Le projet ne relève pas directement des stratégies du Conseil fédéral pour la législature. Un code de procédure civile efficace et adapté à la pratique contribue toutefois, dans une perspective large, à créer un environnement économique optimal (objec-

14 15 16

Disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Etat & Citoyen > Projets législatifs en cours > Modification du CPC.

FF 2016 981 FF 2016 4999

2615

FF 2020

tif 2 de la ligne directrice 1 du message sur le programme de la législature 2015 à 201917).

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Le projet répond aux demandes des interventions parlementaires suivantes, dont le classement est proposé par le présent message: 2014

P

14.3804

2015

M 14.4008

Adaptation du code de procédure civile (E 19.3.2015, Commission des affaires juridiques CE; N 8.9.15)

2015

P

Notification des manifestations de volonté et des actes des autorités. Analyse de la pratique actuelle (N 21.9.2015, [Poggia] Golay)

2018

M 17.3868

13.3688

Code de procédure civile. Premiers enseignements et améliorations (N 12.12.2014, Vogler)

Faciliter l'accès aux tribunaux civils (E 13.12.2017, Janiak; N 12.6.2018)

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Projet envoyé en consultation

L'administration fédérale a élaboré un avant-projet sur la base des résultats de l'examen de l'adéquation du CPC à la pratique (voir le ch. 1.1.5 ainsi que le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 10 ss). S'agissant de la mise en oeuvre collective des droits, l'OFJ a été assisté et conseillé par un groupe d'experts issus des milieux universitaires, de la justice et du barreau18.

L'avant-projet prévoyait pour l'essentiel les adaptations suivantes: ­

17 18

modifications en matière de frais: suppression des obstacles financiers grâce à la limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés FF 2016 1038 Ce groupe était composé de Samuel Baumgartner, professeur ordinaire de procédure civile, de procédure civile comparée, de poursuite pour dettes et faillite, de droit privé et de médiation à l'Université de Zurich, de Martin Bernet, avocat à Zurich, d'Alexander Brunner, professeur émérite à l'Université de Saint-Gall et ancien juge au tribunal de commerce de Zurich, d'Isabelle Chabloz, professeur associée de la Formation universitaire à distance Suisse (UniDistance), chargée de cours aux universités de Berne et Fribourg, de Tanja Domej, professeur ordinaire de procédure civile, de droit privé, de droit international privé et de droit comparé à l'Université de Zurich, de Nicolas Jeandin, professeur ordinaire à l'Université de Genève et avocat à Genève, de Karin Müller, professeur ordinaire de droit privé, de droit commercial et de procédure civile à l'Université de Lucerne et de Meinrad Vetter, juge cantonal et vice-président du tribunal de commerce d'Argovie.

2616

FF 2020

(art. 98 AP-CPC) et à l'adaptation des dispositions concernant le règlement des frais (art. 111 AP-CPC); ­

renforcement de la mise en oeuvre collective des droits: nouvelles règles et élargissement de l'action des organisations (art. 89 s. AP-CPC), création d'une procédure de transaction de groupe (art. 352 ss AP-CPC);

­

simplification et développement de la coordination des procédures (consorité , cumul d'actions, demande reconventionnelle et appel en cause);

­

renforcement de la procédure de conciliation;

­

institution d'un droit pour les juristes d'entreprise de refuser de collaborer (art. 160a AP-CPC);

­

autres adaptations ponctuelles, notamment par une reprise sélective de la jurisprudence du Tribunal fédéral dans la loi.

Le 2 mars 2018, le Conseil fédéral a pris acte de l'avant-projet et du rapport explicatif et ouvert la consultation19, qui s'est terminée le 11 juin 2018. Dans le cadre de cette dernière, tous les cantons, 6 partis politiques ainsi que 75 organisations et autres participants se sont exprimés (107 prises de position).

2.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

Une large majorité des participants a reconnu tant l'adéquation du CPC à la pratique que la nécessité de l'adapter sur certains points et approuvé globalement la révision proposée (16 cantons20, 5 partis21 et 46 organisations22), les points de vue et les majorités variant toutefois selon les sujets traités dans l'avant-projet23.

19

20 21 22

23

­

Les modifications proposées en matière de frais ont reçu l'approbation de 5 partis et de 37 organisations. 16 cantons s'y sont opposés, faisant valoir qu'elles leur imposaient une charge financière supplémentaire et que l'avantprojet ne traitait pas de certains aspects problématiques (montant des frais judiciaires et des dépens).

­

En matière de mise en oeuvre collective des droits, des points de vue divergents ont été exprimés au sein des différentes catégories de participants: 8 cantons, 4 partis et 23 organisations s'y sont déclarés favorables, alors que Les documents envoyés en consultation sont disponibles à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2018 > DFJP.

AG, AI, BE, BL, BS, FR, GE, GL, GR, JU, NE, SO, TG, TI, ZG, ZH.

PDC, PLR, PS, Vert'libéraux, les Verts ACSI, Amcham, ASLOCA, ASM, ASSL, CCDJP, CP, CSDE, DCS, economiesuisse, FER, Forum PME, FRC, FSP, FVE, Greenpeace, HEV, JBVD, JDS, Konsumentenschutz, Meier, MV Zürich, Nivalion, OGer SH, OPS, Peter, scienceindustries, SGAV, SSE, SSDRCA, SLAW, Suisseculture, SVC, Swico, Swisscom, SwissHoldings, TCS, UBS, UNIBAS, UNIBE, UNIFR, UNIL USAM, USPI, USS, VSI Synthèse des résultats de la consultation, p. 6 ss; disponible à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2018 > DFJP

2617

FF 2020

1 canton, 2 partis et 26 organisations s'y sont opposés. Les dispositions proposées ont avant tout été rejetées par les représentants de l'économie. Les opposants ont souligné en premier lieu que ces nouvelles dispositions dérogeraient aux principes de base de la procédure civile (décision individuelle d'intenter une action et ouverture d'une procédure pour chaque cas) et insisté d'autre part sur les risques et la pression qu'elles imposeraient aux entreprises, sur le potentiel d'abus ainsi que sur les motivations politiques qui pourraient diriger l'action de certaines organisations.

­

Les dispositions visant à faciliter la coordination des procédures (consorité, cumul d'actions, demande reconventionnelle et appel en cause) ont été approuvées dans leur ensemble, bien que certains points aient été contestés.

­

La proposition issue d'un compromis relative au droit pour les juristes d'entreprise de refuser de collaborer, qui avait déjà fait l'objet de longs débats et controverses politiques, a été approuvée par 3 cantons, 4 partis et 20 organisations, alors que 7 cantons et 9 organisations s'y sont opposés.

­

Les divers autres points traités dans l'avant-projet, de moindre importance et à plus faible teneur politique, ont donné lieu à des avis variés et n'ont suscité d'opposition qu'en lien avec certaines propositions particulières.

­

De nombreuses autres propositions de modifications qui n'étaient pas prévues dans l'avant-projet ont en outre été soumises durant la consultation, notamment plusieurs propositions en matière de procédure en droit de la famille, une proposition concernant les litiges commerciaux internationaux et d'autres propositions d'extension de l'assistance judiciaire.

2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Les constats de départ, les objectifs et l'orientation de l'avant-projet ont été expressément approuvés par une large majorité de cantons, de partis et d'organisations.

Seule une minorité de cantons24 et 1 parti politique25 ont rejeté l'avant-projet dans son ensemble, s'opposant surtout à des éléments matériels concrets plutôt qu'à la révision elle-même.

Les propositions en matière de frais ont été controversées sur le plan politique. Une majorité de cantons s'est prononcée contre les nouvelles règles de répartition proposées, invoquant avant tout la charge financière supplémentaire qu'elles impliqueraient et s'opposant également à la limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés. A l'inverse, une nette majorité de partis et d'organisations ainsi que 4 cantons se sont prononcés en faveur de ces modifications, demandant parfois même des mesures beaucoup plus importantes pour faciliter l'accès à la justice. Les participants à la consultation ont toutefois largement admis que les règles en vigueur en matière de frais posaient problème, certains cantons proposant 24 25

LU, NW, OW, SG, SZ, UR UDC

2618

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d'autres solutions. Au vu de ces résultats, le Conseil fédéral maintient pour l'essentiel ses propositions. Les réserves formulées par les cantons doivent toutefois être prises en compte dans la conception concrète des nouvelles règles, notamment par le biais de différentes exceptions au principe de la limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés (voir le ch. 4.1.1 ainsi que le commentaire de l'art. 98 P-CPC). En revanche, les propositions des participants visant à réduire encore plus le montant de l'avance de frais et celui des frais judiciaires, à unifier ou à harmoniser ces derniers à l'échelle nationale et à faciliter encore l'accès à l'assistance judiciaire ne semblent pas aujourd'hui pouvoir réunir une majorité.

Les dispositions sur l'exercice collectif des droits proposées par le Conseil fédéral (élargissement de l'action des organisations et création d'une nouvelle procédure de transaction de groupe) pour donner suite à la motion 13.3931 Birrer-Heimo «Exercice collectif des droits. Promotion et développement des instruments» ont suscité de vifs débats et controverses d'ordre politique. 8 cantons, 4 partis et 23 organisations se sont prononcés en faveur d'un renforcement des moyens de mise en oeuvre collective des droits, estimant que la nécessité de légiférer dans ce domaine était clairement établie. Ces propositions ont en revanche été rejetées par 1 canton, 2 partis, 26 organisations et notamment les milieux économiques ou proches de l'économie, pour des motifs de principe comme des motifs matériels. Au vu de ces résultats, il se justifie de traiter séparément les propositions en matière de mise en oeuvre collective des droits donnant suite à la motion 13.3931 Birrer-Heimo, c'est-à-dire hors du cadre du présent projet de révision du CPC26. Une telle scission est le meilleur moyen de prendre en compte les nombreuses critiques qui ont visé ce volet de l'avant-projet (voir pour plus de détails le ch. 4.2).

Au vu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral maintient ses propositions visant à faciliter la coordination des procédures. Les critiques et les demandes d'adaptation formulées ont été prises en compte et le projet adapté en conséquence.

Bien que la proposition d'instaurer un droit pour les juristes d'entreprise de refuser de collaborer n'ait
pas fait l'unanimité, notamment parmi les cantons, le Conseil fédéral est d'avis que faute d'alternative, la solution de compromis proposée doit être maintenue dans le projet, d'autant plus qu'elle est fondée sur une initiative parlementaire (voir le ch. 4.1.4).

Les autres propositions de l'avant-projet n'ont pas été remises en cause dans leur principe. Les différentes dispositions ont cependant donné lieu à de nombreuses remarques et propositions d'adaptation et de complément, qui ont été examinées individuellement pour chacun des articles concernés.

26

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 3.1

2619

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Comparaison avec le droit étranger, notamment européen27

3

Le 4 juillet 2017, le Parlement européen a adopté une résolution contenant des recommandations à la Commission européenne relatives à des normes minimales communes pour les procédures civiles dans l'Union européenne28. A moyen terme, des normes minimales communes prévues dans une directive européenne pour des procédures civiles équitables et efficaces et pour la préservation de l'accès aux tribunaux et au droit remplaceront le dédale réglementaire actuel composé d'une importante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), de dispositions sectorielles de procédure et de règles de coopération en matière de justice civile. Il y a également lieu de mentionner ici les travaux menés par l'European Law Institute et UNIDROIT dans le cadre d'un projet commun en cours depuis 2014 visant à élaborer des «règles européennes de procédure civile»29.

La procédure civile ne fait pas l'objet d'adaptations régulières qu'en Suisse. On relève notamment les innovations ci-après à l'étranger.

27 28

29

30 31 32 33

­

En France, le code de procédure civile a été modifié entre 2016 et 2017 par une loi de modernisation de la justice30 et ses textes d'application31. Ces derniers prévoient des instruments permettant de simplifier les procédures, de désencombrer les tribunaux et de faciliter l'accès à la justice. La loi pour la réforme de la justice de 201932 vise à rendre la justice plus simple, efficace, moderne et accessible. Deux protocoles33 ont en outre introduit le 1er mars 2018 des règles spéciales pour les procédures en anglais relatives aux litiges commerciaux internationaux devant la Chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris et devant la nouvelle Chambre internationale de la Cour d'appel de Paris.

­

En Allemagne, la procédure civile a été récemment modifiée en profondeur par une loi sur l'encouragement de la communication électronique avec les

Sur le droit comparé en matière de mise en oeuvre collective des droits, voir les commentaires dans le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, ch. 1.4.2.

Parlement européen, Normes minimales communes des procédures civiles, Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 contenant des recommandations à la Commission relatives à des normes minimales communes pour les procédures civiles dans l'Union européenne (2015/2084(INL), P8_TA(2017)0282).

Voir les informations disponibles à l'adresse www.europeanlawinstitute.eu > Project and Publications > Current Projects, Feasability Studies and Other Activities > Current Projects.

Loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Notamment le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile.

Loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Protocole relatif à la procédure devant la Chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris du 7 février 2017 et Protocole relatif à la procédure devant la Chambre internationale de la Cour d'appel de Paris du 7 février 2018, tous deux disponibles à l'adresse www.tribunal-de-commerce-de-paris.fr > La chambre internationale > Les protocoles.

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tribunaux34, par une loi sur l'introduction des actes électroniques en justice et sur les autres mesures d'encouragement de la communication électronique35, par une loi modifiant certaines dispositions dans les domaines du droit international privé et de la procédure civile36, ainsi qu'en particulier par la loi sur les actions en constatation modèles37. Depuis le 1er janvier 2018, il existe également une chambre spéciale du Landgericht de Francfort pour les procédures en langue anglaise relatives aux litiges commerciaux internationaux.

34 35 36 37 38

39

40

­

En Autriche, des modifications de principe ont été apportées à la procédure civile ces dernières années par la loi fédérale du 3 août 2015 modifiant la procédure civile, le statut disciplinaire des avocats et des avocats-stagiaires et la loi d'organisation judiciaire, ainsi que par la deuxième loi sur la protection de l'adulte du 25 avril 201738.

­

Aux Pays-Bas, la procédure civile a été modifiée avec effet au 1er janvier 201939 pour instituer la Netherlands Commercial Court comme chambre spécialisée pour les procédures en langue anglaise relatives aux litiges commerciaux internationaux40.

Gesetz zur Förderung des elektronischen Rechtsverkehrs mit den Gerichten du 10 octobre 2013 Gesetz zur Einführung der elektronischen Akte in der Justiz und zur weiteren Förderung des elektronischen Rechtsverkehrs du 5 juillet 2017 Gesetz zur Änderung von Vorschriften im Bereich des Internationalen Privat- und Zivilverfahrensrechts du 11 juin 2017 Gesetz zur Einführung einer zivilprozessualen Musterfeststellungsklage du 12 juillet 2018 Bundesgesetz, mit dem das Erwachsenenvertretungsrecht und das Kuratorenrecht im Allgemeinen bürgerlichen Gesetzbuch geregelt werden und das Ehegesetz, das Eingetragene Partnerschaft-Gesetz, das Namensänderungsgesetz, das Bundesgesetz über Krankenanstalten und Kuranstalten, das Außerstreitgesetz, die Zivilprozessordnung, die Jurisdiktionsnorm, das Rechtspflegergesetz, das Vereinssachwalter-, Patientenanwalts- und Bewohnervertretergesetz, das Unterbringungsgesetz, das Heimaufenthaltsgesetz, die Notariatsordnung, die Rechtsanwaltsordnung, das Gerichtsgebührengesetz und das Gerichtliche Einbringungsgesetz geändert werden (2. Erwachsenenschutz-Gesetz ­ 2. ErwSchG) du 25 avril 2017 Wet van 12 december 2018 tot wijziging van het Wetboek van Burgerlijke Rechtsvordering en de Wet griffierechten burgerlijke zaken in verband met het mogelijk maken van Engelstalige rechtspraak bij de internationale handelskamers van de rechtbank Amsterdam en het gerechtshof Amsterdam (https://zoek.officielebekendmakingen.nl/stb-2018-474.pdf) Voir à ce sujet Friederike Henke, Netherlands Commercial Court ­ englischsprachige Gerichtsverfahren in den Niederlanden, RIS 5/2019, p. 273 ss avec d'autres références.

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4

Présentation du projet

4.1

Dispositif proposé

4.1.1

Suppression des obstacles financiers: limitation de l'avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés et adaptation du règlement des frais

Les nombreuses critiques visant les dispositions actuelles en matière de frais sont justifiées et ont été confirmées par une majorité de participants à la consultation.

Afin d'y remédier et en particulier de garantir un meilleur accès à la justice aux personnes n'étant ni particulièrement fortunées, ni en situation de pouvoir bénéficier de l'assistance judiciaire au sens des art. 117 ss CPC, le Conseil fédéral propose les mesures ci-après:

41

­

Le projet prévoit sur le principe de limiter l'avance de frais au sens de l'art. 98 CPC à la moitié des frais judiciaires présumés, comme le prévoyaient à l'époque certains droits cantonaux et l'avant-projet de CPC de 2003. Une telle mesure permet de réduire considérablement les difficultés d'accès à la justice sans toutefois remettre en question la fonction de filtre et d'avertissement de l'avance de frais. Cette proposition a été soutenue par une large majorité des participants à la consultation. Le projet tient toutefois compte des critiques ­émanant presque exclusivement des cantons ­ en prévoyant des exceptions au principe de la limitation, soit lorsque l'avance de frais est peu élevée en raison du faible montant des frais attendus, soit pour les procédures dans lesquelles une avance de frais plus importante paraît justifiée (en particulier dans les procédures de conciliation, les procédures sommaires et pour les voies de de droit; voir l'art. 98, al. 2, P-CPC et le commentaire de cette disposition au ch. 5.1).

­

Les dispositions sur le règlement des frais (art. 111 CPC) sont adaptées pour ne permettre la compensation des frais judiciaires qu'avec les avances fournies par la partie devant supporter la charge des frais, sous réserve des exceptions prévues à l'art. 98, al. 2, P-CPC. Tout solde sera restitué et l'éventuel montant non couvert sera versé par la partie devant supporter la charge des frais. Le risque de recouvrement auprès de la partie adverse ne sera donc plus supporté par les parties mais par l'Etat. Dans de nombreux cantons, cela revient à un retour au système ­ éprouvé ­ qui était applicable avant l'entrée en vigueur du CPC. Cette proposition a reçu un large soutien lors de la consultation, bien qu'une majorité de cantons l'ait rejetée en invoquant ses implications financières41. Le Conseil fédéral la maintient toutefois pour des motifs de principe: ni l'autonomie des parties, ni les questions budgétaires ne justifient d'imposer aux parties le risque de recouvrement des frais demandés par l'Etat, la justice demeurant une tâche essentielle incombant à ce dernier. Les critiques contre la réglementation en vigueur ont été formulées dès l'époque de l'élaboration du CPC et n'ont pas cessé depuis.

La commission d'experts d'alors estimait notamment qu'elle n'était pas licite, «[l'] Etat ne [devant] pas faire porter son risque d'encaissement à la Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1.1 s.

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partie qui a versé une avance ou une sûreté ­ mais qui sera ultérieurement «libérée des frais»42». Le fait que le projet de 2006 ait tout de même prévu l'imposition du risque de recouvrement aux parties, suite aux demandes en ce sens des cantons, a donné lieu à de vives critiques43. Cette règle étant perçue comme limitant l'accès au juge ­ et donc comme étant une entrave à l'application du droit ­ les critiques ont perduré44 et une révision a été demandée45.

Ces propositions en matière d'avance de frais et de règlement des frais avaient pour l'essentiel déjà été faites au moment de l'élaboration du CPC, mais avaient été rejetées lors des débats politiques, principalement pour des raisons budgétaires.

Après neuf ans d'expérience pratique, rien n'empêche le législateur de revenir sur ses décisions d'alors et d'adopter aujourd'hui de meilleures solutions. Au vu, d'une part de la nette augmentation du tarif des frais dans certains cantons et, d'autre part, des dispositions de l'art. 111 CPC sur le règlement des frais, la réglementation en vigueur restreint trop l'accès au juge, d'autant plus qu'elle est aujourd'hui interprétée comme un devoir imposé au demandeur, bien qu'elle ait été conçue à l'époque sous forme potestative par le législateur.

Comme dans l'avant-projet, le Conseil fédéral renonce en revanche à proposer des tarifs de frais unifiés à l'échelon national ou des tarifs-cadres ou maximaux qui empièteraient sur la souveraineté cantonale dans ce domaine. Différentes propositions en ce sens ont été soumises lors de la consultation46 et il existe en effet de bonnes raisons d'examiner au moins la possibilité d'introduire un tarif-cadre harmonisé sur le plan national. Le Conseil fédéral est toutefois d'avis qu'il demeure de la responsabilité des cantons de garantir l'accès aux tribunaux civils dans le cadre de leur autonomie en matière de tarif.

Les modifications proposées répondent par ailleurs à la demande de réduire sensiblement les avances de frais formulée dans la motion 17.3868 Janiak «Faciliter l'accès aux tribunaux civils» (transmise) 47. Une réduction plus importante encore des avances à un tarif purement symbolique ou à 20 % au maximum des frais attendus48, ainsi que la libération de l'obligation de rembourser les dépens de la partie 42 43

44

45

46

47 48

Rapport accompagnant l'avant-projet de procédure civile suisse de la commission d'experts, p. 57 Voir notamment Thomas Gabathuler, Zivilprozessordnung: Nachbesserungen nötig, plaidoyer 4/2008, p. 24 ss.; Thomas Gabathuler, Jede Klage wird zum finanziellen Grossrisiko, plaidoyer 1/2008, p. 27 s.

Voir notamment la contribution récente d'Arnold Marti, Teures Prozessieren, NZZ 2017, p. 2; Dheden C. Zotsang, Prozesskosten nach der Schweizerischen Zivilprozessordnung, thèse, Zurich 2015, p. 257 s.; Martin H. Sterchi, art. 111 N 2 s., in BK ZPO, Berne 2012.

Notamment Arnold Marti, Teures Prozessieren: Rechtsschutz auch für NichtGutbetuchte, NZZ 26 février 2016, p. 12; Beda Stähelin, Gerichtskostenvorschusspflicht und Zugang zum Recht, «Justice ­ Justiz ­ Giustizia» 2017/3 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1.1 et 5.16. Voir également Martin Hablützel, Schweizerische ZPO, eine Anleitung, wie man Rechtssuchende vom Gang zum Gericht abhält, REAS 2019, p. 134 ss, 141 BO CE 2017 983; BO CN 2018 987 Voir Isaak Meier, Hohe Prozesskosten: Den Zugang zu den Gerichten öffnen, NZZ du 20 juin 2017, p. 10; Arnold Marti, Die Kosten im heutigen Zivilprozess, «Justice ­ Justiz ­ Giustizia» 2017/3, ch. 35; contra Beda Stähelin, Gerichtskostenvorschusspflicht und Zugang zum Recht, «Justice ­ Justiz ­ Giustizia» 2017/3.

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adverse en cas d'assistance judiciaire ne se justifient en revanche pas à ce jour du point de vue du Conseil fédéral, ce que confirment les résultats de la consultation.

Le Conseil fédéral renonce de plus à maintenir sa proposition d'étendre le devoir d'information du tribunal aux possibilités de financement du procès, nettement rejetée lors de la consultation (art. 97 AP-CPC, voir également le ch. 4.3).

4.1.2

Facilitation de la coordination des procédures

Les règles actuelles sont adaptées pour permettre que des objets litigieux, actions ou requêtes puissent être traités conjointement et faire l'objet d'une seule et même décision. Les propositions du Conseil fédéral sur ce point ont reçu le soutien d'une majorité de participants lors de la consultation49. Les quelques critiques formulées ont donné lieu à des remaniements.

Les règles sur la consorité simple sont pour leur part adaptées tant au fond qu'à la forme, en tenant compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral et sans modifier les principes du droit en vigueur. A la différence de ce que prévoyait l'avant-projet, la condition selon laquelle les causes doivent relever du même type de procédure est maintenue (voir l'art. 71, al. 1, P-CPC et le commentaire de cette disposition). Les règles sur le cumul d'actions et la demande reconventionnelle permettront un cumul ou une coordination entre différents types de procédures dans certains cas. Compte tenu des critiques formulées lors de la consultation, l'existence d'un lien de connexité ne doit pas être posée comme condition pour l'admissibilité du cumul d'actions.

Par ailleurs, le cumul d'actions soumises à différentes procédures ou relevant de la compétence de tribunaux différents ne pourra être admis que lorsque cette pluralité de compétences ou de procédures ne s'explique que par la valeur litigieuse. Dans ces cas, les actions seront toutes soumises à la procédure ordinaire pour éviter de multiplier les procédures (voir l'art. 90, al. 2, P-CPC et le commentaire de cette disposition). Les demandes reconventionnelles entre différents types de procédures seront également admissibles à l'avenir, lorsque la procédure simplifiée n'est applicable qu'en raison de la valeur litigieuse, ainsi que dans le cas particulier de la demande reconventionnelle en constatation négative (voir l'art. 224, al. 1 bis, P-CPC et le commentaire de cette disposition). Le Conseil fédéral propose également à l'art. 81 P-CPC une nouvelle formulation plus claire des règles de l'appel en cause, visant à rendre plus attrayant ce moyen introduit par le CPC. La règle selon laquelle tant la demande principale que l'appel en cause sont soumis à la procédure ordinaire est toutefois maintenue (art. 81, al. 1, let. c, P-CPC), de même que celle selon laquelle les conclusions de l'appel
en cause ne doivent pas être chiffrées si elles portent sur la prestation que le dénonçant serait condamné à fournir dans la procédure principale (voir l'art. 82, al. 1, 3e phrase, P-CPC et le commentaire de cette disposition). La suppression de cette règle, demandée par certains participants à la consultation50, n'est pas justifiée de l'avis du Conseil fédéral.

49 50

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.3 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.9

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4.1.3

Extension du champ d'application de la procédure de conciliation

Depuis l'entrée en vigueur du CPC, la procédure de conciliation a fait ses preuves en tant que méthode rapide, efficace et économique de règlement des litiges. Le renforcement des solutions précontentieuses et extrajudiciaires était un objectif central lors de l'élaboration du CPC et les résultats de cette procédure sont aujourd'hui très positifs puisqu'elle permet de régler 50 à 80 % des litiges51. Le canton de Berne a déposé une initiative demandant le développement de la procédure et des audiences de conciliation, notamment à travers une compétence plus étendue des autorités de conciliation52. Comme demandé par une large majorité des participants à la consultation53 ­ certains souhaitant des mesures plus importantes ­ plusieurs aspects de la procédure de conciliation sont effectivement développés dans le projet: ­

La compétence de l'autorité de conciliation pour soumettre aux parties une proposition de jugement est étendue aux autres litiges patrimoniaux au sens de l'art. 210, al. 1, let. c, P-CPC dont la valeur litigieuse maximale est inférieure à 10 000 francs (au lieu de 5000 francs actuellement). Malgré certaines demandes formulées lors de la consultation, la règle selon laquelle l'autorité de conciliation peut statuer au fond dans les litiges patrimoniaux d'une valeur litigieuse inférieure ou égale à 2000 francs restera inchangée.

­

Le projet prévoit la possibilité de mener une procédure de conciliation dans les litiges visés à l'art. 5, al. 1, let. b et d à i, ainsi qu'aux art. 6 et 8 CPC, lorsque le demandeur dépose une requête en ce sens auprès de l'autorité de conciliation (art. 199, al. 3, P-CPC). Il en va de même pour les litiges visés à l'art. 5, al. 1, let. a et c, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 30 000 francs. Il semble en effet opportun d'ouvrir pour ces cas l'accès à cette voie extrajudiciaire de règlement des litiges, afin notamment qu'elle puisse servir de moyen efficace d'interruption de la prescription.

4.1.4

Instauration d'un droit de refuser de collaborer pour les juristes d'entreprise

La question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, les juristes d'entreprise c'est-à-dire les juristes de formation fournissant des services juridiques à une entreprise dans le cadre de rapports de travail sont tenus par le secret professionnel ou ont un droit spécial de refuser de collaborer fait depuis longtemps l'objet de discussions tant juridiques que politiques. Ce sujet a notamment donné lieu à de nombreuses interventions parlementaires54. Le droit en vigueur prévoit que seuls les 51 52 53 54

Rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 10 ss.

Initiative cantonale bernoise 16.302 «Pour le développement du modèle des audiences de conciliation» Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.5 Voir la motion 07.3281 CAJ-N «Devoirs et droits des employés exerçant une activité de conseil juridique ou de représentation en justice. Assimilation aux avocats indépendants.» et dernièrement le postulat 16.3263 CAJ-E «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise».

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avocats peuvent se prévaloir des droits spéciaux de refuser de collaborer (art. 163, al. 1, let. b, 166, al. 1, let. b, et 160, al. 1, let. b, CPC)55 découlant du secret professionnel prévu par le droit pénal (voir l'art. 321 du code pénal [CP]56). C'est dans ce contexte que l'initiative parlementaire 15.409 Markwalder «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise» a été déposée et qu'il lui a été donné suite.

Cette initiative demande la création d'un nouvel art. 160a CPC prévoyant un droit pour les juristes d'entreprise de refuser de collaborer dans les procédures civiles, afin d'aligner sur ce point le cadre juridique suisse avec les règles en vigueur à l'étranger et d'éviter aux entreprises suisses de subir des désavantages procéduraux.

Les juristes employés par une entreprise pourront se prévaloir à certaines conditions d'un droit spécial de refuser de collaborer dans les procédures civiles (voir l'art. 160a P-CPC et le commentaire de cette disposition). Le projet reprend la formulation proposée par l'initiative parlementaire 15.409 Markwalder, à laquelle les deux conseils et leurs commissions compétentes ont donné suite57. Le Conseil fédéral a repris cette proposition dans l'avant-projet mis en consultation sans la modifier, estimant qu'il s'agissait de la seule solution de compromis ayant des chances de succès58. Les réactions ont été très contrastées lors de la consultation.

Dans l'ensemble, une majorité de partis et d'organisations ainsi qu'une minorité de cantons s'y sont déclarés favorables, reconnaissant la nécessité d'une telle règle pour préserver les intérêts des entreprises suisses et de leurs collaborateurs au vu des dispositions en vigueur à l'étranger. Une minorité de participants a en revanche rejeté la proposition, la jugeant problématique, estimant en particulier qu'elle causerait une inégalité de traitement. Certains craignaient par ailleurs qu'elle ne rende plus difficile la mise en lumière des faits et l'application du droit59. Compte tenu de ces résultats et bien qu'il comprenne dans une certaine mesure les doutes formulés quant à la nécessité d'adopter une telle règle, le Conseil fédéral reprend cette proposition dans le projet, notamment pour remédier aux désavantages que subissent actuellement les entreprises suisses dans les procédures à l'étranger
60. Malgré les demandes en ce sens de certains participants, le Conseil fédéral renonce en revanche à inclure les services des sinistres des assurances de protection juridique dans le champ d'application de la disposition proposée.

55

56 57 58 59 60

Voir la motion 07.3281 CAJ-N «Devoirs et droits des employés exerçant une activité de conseil juridique ou de représentation en justice. Assimilation aux avocats indépendants.», l'initiative parlementaire 15.409 Markwalder «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise» et le postulat 16.3263 CAJ-E «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise». Voir également Othmar Strasser, Das Legal Privilege des In-House-Counsel zum Schutz unternehmensinterner Risikoinformationen von Banken im Strafverfahren, RDS 2018, p. 523 ss et Ernst Staehelin, Das Legal Privilege de lege ferenda aus Sicht eines Vertreters des Anwaltsverbandes, in Seitz/Wohlers (éd.), Anwaltsgeheimnis, Bâle 2019, p. 199 ss.

RS 311.0 BO 2016 N 1496 Rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 21 et 64 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.4 et 5.28 Voir pour plus de détails sur ce point l'avis de droit n o 16-156 de l'Institut suisse de droit comparé du 11 septembre 2017.

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4.1.5

Amélioration de la procédure en matière de droit de la famille

Le Conseil fédéral avait déjà proposé dans l'avant-projet des adaptations ponctuelles de la procédure applicable aux affaires de droit de la famille, en vue d'améliorer l'adéquation du CPC à la pratique dans ce domaine particulièrement sensible de la procédure civile (voir en particulier les art. 198, al. 1, let. bbis, et 296 AP-CPC). Au vu des propositions d'adaptations supplémentaires soumises par plusieurs participants lors de la consultation61, le Conseil fédéral estime qu'il est effectivement nécessaire d'apporter certaines autres modifications ponctuelles dans ce domaine. Le projet ne prévoit toutefois pas une révision plus profonde de l'ensemble de la procédure en matière de droit de la famille et des règles d'organisation correspondantes.

Une telle révision ne pourrait en effet être menée qu'au vu d'un examen d'ensemble et sur la base d'un mandat politique correspondant62.

Concrètement, le Conseil fédéral propose notamment que les procédures contentieuses en matière de droit de la famille soient soumises à la procédure simplifiée lorsque la procédure sommaire n'est pas applicable. Cette modification vise tant les procédures contentieuses de divorce (art. 288, al. 2, et 291, al. 3, P-CPC) que toutes les procédures indépendantes concernant les enfants et leur entretien (art. 295 P-CPC). Ces dernières seront régies par la maxime inquisitoire et la maxime d'office (art. 296 P-CPC). D'autres obstacles procéduraux en matière de litiges portant sur l'entretien sont en outre supprimés (voir l'art. 304, al. 2, 2e et 3e phrases, P-CPC et le commentaire de ces dispositions).

4.1.6

Création de bases légales fédérales permettant la mise en place de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international

Au cours des dernières années, plusieurs pays (notamment la France, les Pays-Bas, l'Allemagne et Singapour; voir le ch. 3) ont mis en place des tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international63. Sur la base de propositions en ce sens64 et des indications fournies par les cantons de Genève et de Zurich lors de la consultation65, le Conseil fédéral estime opportun d'inclure dans le projet les bases légales fédérales permettant aux cantons de créer des tribunaux ou des 61 62

63

64

65

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2 ss Voir le postulat 19.3478 Schwander «Prendre la situation des enfants au sérieux» et le postulat 19.3503 Müller-Altermatt «Moins de conflits en lien avec l'autorité parentale.

Mesures en faveur de l'enfant, de la mère et du père», que le Conseil fédéral a proposé d'accepter.

Voir le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 15 s, ainsi que Gisela Rühl, Auf dem Weg zu einem europäischen Handelsgericht?, Zum Wettbewerb der Justizstandorte in Zeiten des Brexit, JZ 2018, p. 1073 ss. Pour un panorama complet concernant l'Allemagne, Gerhard Wagner, Rechtsstandort Deutschland im Wettbewerb, Impulse für Justiz und Schiedsgerichtsbarkeit, Munich 2017.

Voir notamment Zoé Baches, Schweizer Recht als Exportprodukt ­ Was ein neues staatliches Gericht für international agierende Unternehmen dem Standort bringen könnte, NZZ du 8 juillet 2017, p. 29.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.1

2627

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chambres spécialisées dans les contentieux du commerce international, pour que la Suisse ne se contente pas d'être l'une des places les plus sollicitées en matière d'arbitrage international, mais qu'elle s'affirme et se positionne également de façon plus générale en tant que haut lieu de la justice commerciale internationale. Ainsi, les cantons ­ compétents en matière d'organisation des tribunaux ­ auront la possibilité (mais pas l'obligation) de créer ce type de structures et de tribunaux ou chambres. Cette mesure permettra d'une part de renforcer l'excellente réputation de la Suisse en tant que juridiction neutre et compétente et d'autre part d'apporter une contribution significative au développement des activités qui y sont liées. C'est dans ce contexte que la ratification par la Suisse de la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for66 devra être examinée.

Bien que la mise en oeuvre concrète de ces mesures relève du droit cantonal en matière d'organisation judiciaire, des adaptations ponctuelles sont apportées dans le cadre de la présente révision. Le Conseil fédéral propose de compléter l'art. 6, al. 4, CPC pour créer une base permettant aux cantons d'attribuer à leurs tribunaux de commerce certains types de litiges en matière de commerce international, ce qui permettra aux parties ­ en plus de la possibilité qui leur est donnée actuellement en application de l'art. 8 CPC (action directe devant le tribunal supérieur) ­ de proroger exceptionnellement pour ces affaires la compétence de ces tribunaux (voir l'art. 6, al. 4, let. c, P-CPC et le projet de nouvel art. 5, al. 3, let. c, de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]67). Par ailleurs, l'anglais ou une autre langue nationale n'étant pas une langue officielle du tribunal saisi pourront en principe être choisis pour la procédure (voir l'art. 129, al. 2, P-CPC et le projet de nouvel art. 42, al. 1bis, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF] 68).

Enfin, certaines adaptations des dispositions régissant les preuves permettront l'audition de témoins, l'interrogatoire des parties ainsi que la présentation de rapports d'experts par vidéoconférence (art. 170a, 187, al. 1, 3e phrase et al. 2, et 193 P-CPC). Il incombera au législateur cantonal d'adopter des tarifs de frais adaptés, permettant de tenir compte des particularités de l'affaire.

4.1.7

Reprise sélective de la jurisprudence du Tribunal fédéral

L'importante jurisprudence du Tribunal fédéral relative au CPC est reprise dans la loi de façon sélective et ciblée, lorsqu'elle constitue une précision ou une clarification généralisable de la loi, sur une question de procédure civile centrale et directement pertinente pour le justiciable concernant la compétence, les autres conditions de recevabilité ou les voies de droit. Cette jurisprudence donne par ailleurs lieu à des adaptations de la loi lorsqu'elle ne correspond pas à la volonté du législateur. Les thèmes visés sont notamment l'admissibilité de certaines voies de droit (par ex. admissibilité de la révision en cas de découverte d'un motif de récusation après la clôture de la procédure [voir les art. 51, al. 3, et 328, al. 1, let. d, P-CPC] ou du 66 67 68

Disponible à l'adresse www.hcch.net/fr/home > Instruments > Conventions RS 291 RS 173.110

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recours contre une décision de radiation du rôle au sens de l'art. 241, al. 3, 2e phrase, P-CPC), la compétence (à raison de la matière; par ex. du tribunal de commerce, voir l'art. 6, al. 2, P-CPC), l'admissibilité de l'assistance judiciaire pour les procédures de preuve à futur (voir l'art. 118, al. 2, 2 e phrase P-CPC) ou l'admission des expertises privées en tant que titres (voir l'art. 177 P-CPC). Ces propositions ont été approuvées lors de la consultation69.

4.1.8

Autres mesures ciblées en vue d'améliorer l'adéquation du CPC à la pratique

Sur la base de la jurisprudence et des connaissances acquises depuis l'entrée en vigueur du CPC, le Conseil fédéral souhaite renforcer l'adéquation de celui-ci à la pratique par d'autres mesures ciblées. Le traitement des actes adressés à un tribunal suisse manifestement incompétent sera notamment plus favorable au justiciable et analogue à ce que prévoient d'autres lois de procédure (voir l'art. 143, al. 1bis, P-CPC). Par ailleurs, d'autres améliorations ciblées sont apportées, afin de mieux garantir les droits des parties à la préservation provisoire de leur situation juridique durant les procédures, y compris les procédures de recours (voir par ex. les art. 236, al. 4, 239, al. 2bis, et 336, al. 3, P-CPC). Pour finir, certaines adaptations et précisions linguistiques et rédactionnelles sont proposées pour les trois langues (voir par ex. les art. 96, 2e phrase, 249 et 250, ou la version française de l'art. 70, al. 2, P-CPC). La valeur litigieuse pour l'action des organisations fera en outre l'objet d'une règlementation spéciale (voir l'art. 94a P-CPC).

L'adoption d'une base légale au niveau fédéral permettant de disposer de statistiques sur une base unifiée dans toute la Suisse a certes été saluée par une courte majorité de participants. Toutefois, les cantons et les tribunaux, principalement concernés par la proposition, la rejettent dans leur majorité, en raison notamment des coûts et du travail engendrés70. Le Conseil fédéral maintient malgré cela sa proposition tout en l'adaptant (voir art. 401a P-CPC), car disposer de données uniformes pour toute la Suisse en matière de procédure civile lui paraît toujours être une nécessité. Les objections des cantons et des tribunaux seront en particulier à prendre en compte lors de la mise en oeuvre, de sorte à éviter des charges supplémentaires à chaque fois que cela est possible.

La soumission à l'art. 7 CPC des assurances complémentaires à la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA)71 (et la modification correspondante de l'art. 243, al. 2) demandée par l'initiative parlementaire (Poggia) Golay 13.441 «Procédure civile. Mettre sur un pied d'égalité les actions relevant des assurances complémentaires à la LAA et à la LAMal» a été discutée dans le cadre des travaux préparatoires. Le Parlement y a donné suite et la commission compétente
a provisoirement suspendu son traitement afin de tenir compte de la présente révision. Après un examen approfondi, le Conseil fédéral estime toutefois que la modification demandée ne se justifie pas, raison pour laquelle il renonce à la proposer. La distinc69 70 71

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.5 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.62 RS 832.20

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tion entre l'assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire, d'une part, et l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale, d'autre part, repose sur des motifs objectifs. L'art. 7 CPC actuel reprend en effet le droit antérieur relatif aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale, qui se démarque clairement du droit applicable aux assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire. La règle en vigueur ne constitue pas non plus une erreur du législateur. Le traitement identique de ces deux types de cas demandé par l'initiative (Poggia) Golay 13.441 ne serait pas justifié, d'autant plus que les exceptions au principe de la double instance doivent rester peu nombreuses et que l'argument avancé selon lequel la mesure proposée permet de gagner en efficacité ne convainc pas. Seul un parti s'étant opposé à ce point de vue durant la consultation 72, le Conseil fédéral maintient sa position.

En matière de notification et de réception des déclarations de volonté et des décisions, le Conseil fédéral ne voit pas non plus aujourd'hui de nécessité de procéder à des clarifications ou à des adaptations. Les déclarations de volonté sujettes à réception déploient leurs effets dès qu'elle entrent dans la sphère personnelle du destinataire (théorie de la réception)73. La jurisprudence, en particulier celle du Tribunal fédéral, sur les théories de la réception relative et absolue prévoit différentes nuances, auxquelles les praticiens se sont adaptés74. La numérisation des moyens de notification dans le cadre des interactions juridiques et commerciales par des moyens électroniques donne elle aussi lieu à des adaptations et à des améliorations.

Le projet «Justitia 4.0» devrait notamment définir de nouvelles normes en matière de procédure75. C'est pourquoi le Conseil fédéral demande dans le cadre du présent projet le classement du postulat 13.3688 (Poggia) Golay «Notification des manifestations de volonté et des actes des autorités. Analyse de la pratique actuelle».

4.2

Mise en oeuvre collective des droits: scission et traitement séparé

L'avant-projet prévoyait des mesures visant à faciliter la mise en oeuvre collective des droits découlant de dommages collectifs et parfois de dommages dispersés. Lors de dommages collectifs, un grand nombre de personnes est touché de la même façon ou de façon similaire, chaque individu subissant un dommage important. Les dommages dispersés sont en revanche ceux qui touchent un grand nombre de personnes,

72 73

74 75

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.11 Voir l'ATF 137 III 108, consid. 3, et Bernhard Berger, Allgemeines Schuldrecht, 3e éd., Berne 2018, ch. 239 ss et Andreas Furrer/Markus Müller-Chen, Obligationenrecht, 3e éd., Zurich 2018, ch. 61 ss; Peter Gauch/Walter R. Schluep/Heinz Rey/Jörg Schmid/Susan Emmenegger, Schweizerisches Obligationenrecht, tome I, 10e éd., Zurich 2014, ch. 196 ss.

Voir les ATF 143 III 15, consid. 4; 140 III 244, consid. 5; 137 III 108, consid. 3.

Voir les informations et les documents relatifs au projet Justitia 4.0, porté par la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), la Conférence de la justice et leurs membres respectifs, disponibles à l'adresse www.justitia40.ch/fr/.

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mais pour un montant de faible valeur76. En exécution de la motion 13.3931 BirrerHeimo (voir le ch. 1.1.4), le Conseil fédéral a proposé dans l'avant-projet, d'une part d'unifier et d'étendre l'action des organisations au sens de l'art. 89 CPC, en prévoyant des actions collectives en dommages-intérêts ou en remise du gain, en particulier à travers une nouvelle action en réparation des organisations (voir l'art. 89a AP-CPC) et, d'autre part, une nouvelle procédure de transaction de groupe pour le règlement collectif et à l'amiable des litiges (voir les art. 352a ss AP-CPC; voir également le ch. 2.1)77. Bien que le Conseil fédéral ait volontairement renoncé à proposer une véritable action de groupe ou une action collective selon le modèle en vigueur aux Etats-Unis fondée sur un concept d'opt-out, et malgré la prise en compte des spécificités et de la culture juridique suisses, ces propositions ­ contrairement au reste du projet ­ ont donné lieu à une forte opposition lors de la consultation, en particulier de la part des milieux économiques (voir les ch. 2.2 s.).

Au vu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral renonce à traiter la mise en oeuvre collective des droits dans le cadre du présent projet. Ce dernier se limite à la reprise des propositions largement admises de la motion 14.4008 CAJ-E et des autres interventions parlementaires connexes mentionnées en introduction (voir le ch. 1.1.3).

Le traitement séparé de la motion 13.3931 Birrer-Heimo permet en outre de tenir compte des nombreuses critiques formulées lors de la consultation. Cette scission permet également de prendre en compte les nouveaux développements, ainsi que les travaux et discussions parlementaires relatifs au projet de CPC. A l'inverse, cette scission ne préjuge en rien du fond, dès lors qu'aucune décision sur un projet de loi ou sur la mise en oeuvre ou le classement de la motion 13.3931 Birrer-Heimo ne doit être prise pour l'instant. Le Conseil fédéral se prononcera sur ces points sur la base des débats parlementaires relatifs au présent projet.

4.3

Abandon de certaines dispositions de l'avant-projet

Au vu des résultats de la consultation, outre l'abandon des dispositions sur la mise en oeuvre collective des droits, le Conseil fédéral renonce également aux points ciaprès de l'avant-projet (voir le ch. 4.2): ­

76

77

78

Une majorité des participants à la consultation s'est opposée à la création de règles spéciales de renvoi en cas d'incompétence du tribunal (art. 60a AP-CPC)78, invoquant notamment des difficultés pratiques et une incohéPour plus de détails, voir le rapport du Conseil fédéral de juillet 2013 «Exercice collectif des droits en Suisse: état des lieux et perspectives», p. 10 ss, JAAC 2013.7a, p. 59 à 112, disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit.

Voir l'exposé complet dans le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 17 s.

Voir également Isaak Meier, Kollektiver Rechtsschutz für die Schweiz, Eine erste kritische Würdigung des Regelungsvorschlags im Vorentwurf des Bundesrates für die ZPO Revision vom 2. März 2018, in: Arnet/Eitel/Jungo/ Künzle (éd.), publication commémorative Breitschmid, Zurich 2019, p. 609 ss et Matthis Peter, Kollektiver Rechtsschutz im Vorentwurf zur Änderung der ZPO, ZZZ 2019, p. 134 ss.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.6 et 5.26

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rence par rapport à l'art. 143, al. 1bis, AP-CPC. Le projet renonce donc à proposer le renvoi en cas d'incompétence, mais maintient la simplification prévue à l'art. 143 AP-CPC.

­

Une large majorité des participants a rejeté la proposition d'obliger le tribunal à informer les parties sur les possibilités de financement du procès (art. 97 AP-CPC)79, faisant valoir que le financement privé de procès est une activité commerciale et que les informations données par le juge seraient trop tardives. Le Conseil fédéral renonce par conséquent à cette proposition.

Afin toutefois de faire connaître et de promouvoir l'usage des solutions de financement de procès, il propose, en plus des formules pour les actes des parties et du tribunal, de publier des informations générales sur les frais, l'assistance judiciaire et les possibilités d'obtenir un financement pour mener le procès (voir l'art. 400, al. 2bis, P-CPC et le commentaire de cette disposition).

­

La proposition de compléter les règles sur les mesures superprovisionnelles est abandonnée (voir l'art. 265, al. 4, AP-CPC).

4.4

Mise en oeuvre

En principe, les modifications proposées de lois en vigueur ne requièrent pas de mesures supplémentaires de mise en oeuvre par voie d'ordonnance. C'est également le cas pour la nouvelle obligation du Conseil fédéral, qu'il peut déléguer à l'office fédéral de la justice, de publier des informations sur les frais, l'assistance judiciaire et les possibilités d'obtenir un financement pour le procès, prévue à l'art. 400, al. 2bis, P-CPC (voir le commentaire de l'art. 400, al. 2bis et 3, P-CPC et le ch. 4.3) et pour la récolte et l'établissement de statistiques et de chiffres (voir l'art. 401a P-CPC et le commentaire de cette disposition).

Les adaptations de la procédure civile proposées impliquent toutefois des modifications du droit cantonal, notamment des lois cantonales de procédure et d'organisation judiciaire (voir le ch. 6.2). Les cantons joueront un rôle central dans l'application du nouveau droit, en particulier les modifications en matière de frais, aux côtés des autorités d'exécution et des tribunaux.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Code de procédure civile

Remplacement d'une expression Le code de procédure civile emploie systématiquement le terme «décision», indépendamment des multiples désignations cantonales80. Dans ce contexte, l'expression «proposition de jugement» dans le domaine de la procédure de conciliation est peu 79 80

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.15 Voir également le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6951.

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cohérente81. Elle sera donc remplacée par le terme «proposition de décision», qui apparaît plus logique. Cette modification entraîne une reformulation des art. 202, al. 4, 203, al. 2, 205, al. 2, du titre précédant l'art. 210, du titre et du texte de l'art. 210 (al. 1 et 2) ainsi que de l'art. 211, al. 1, 3 et 4. Ces modifications sont de nature purement terminologique. L'utilisation du terme «jugement» dans d'autres articles82 n'est pas touchée.

Art. 5, al. 1, let. f L'art. 5 CPC prévoit que les cantons instituent une juridiction statuant en instance cantonale unique dans certains domaines spécifiques (par ex. litiges relatifs à des biens immatériels, relevant du droit de la concurrence, concernant la responsabilité civile en matière nucléaire ou portant sur les placements collectifs).

Conformément à l'al. 1, let. f, il en va de même des actions (civiles) contre la Confédération83. Comme la valeur litigieuse ne joue ici aucun rôle en vertu du droit en vigueur84, il peut en résulter que des litiges relevant du droit du travail impliquant la Confédération doivent être jugés en procédure simplifiée conformément à l'art. 243, al. 1, CPC alors qu'une instance cantonale unique est compétente. La jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle le régime de la procédure applicable a la priorité sur la compétence matérielle du tribunal85 (voir le commentaire de l'art. 6 P-CPC) est applicable par analogie86. Donnant suite à un avis exprimé lors de la procédure de consultation87, la disposition est complétée pour préciser que le régime de la procédure applicable a la priorité sur la compétence matérielle également en ce qui concerne les actions contre la Confédération: ce n'est que lorsque la valeur litigieuse dépasse 30 000 francs que l'action contre la Confédération pourra être portée devant l'instance cantonale unique. L'art. 10, al. 1, let. c, CPC doit être adapté en conséquence (voir le commentaire de l'art. 10 P-CPC).

Art. 6, al. 2, let. b, c et d, 3, 4, let. c, et 6 Sous le titre «Tribunal de commerce», l'art. 6 CPC règle en fait deux choses. Premièrement, cette disposition indique clairement, en concrétisation de l'art. 3 CPC (organisation des tribunaux et des autorités de conciliation), que les cantons peuvent instituer un tribunal de commerce, c'est-à-dire un tribunal spécial qui statue en
tant qu'instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (al. 1). Deuxièmement, pour les cantons ayant fait usage de cette faculté, elle règle exhaustivement la com81

82 83 84 85 86 87

À ce propos, voir également Bruno Lötscher-Steiger, Prüfungs- und Entscheidbefugnisse der Schlichtungsbehörde, in Fankhauser/Widmer Lüchinger/Klinsler/Seiler (éd.), Festschrift Sutter-Somm, Zurich 2016, p. 409 ss., 414, qui préférerait cependant le terme «Erledigungsvorschlag» (proposition de règlement), ce qui mettrait en évidence la distinction entre ce type de prononcé et la décision.

Comme aux art. 54, al. 1, art. 407b, al. 2 et art. 407c, al. 2, CPC À l'exception des (rares) cas de procès direct devant le Tribunal fédéral prévus par l'art. 120 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) Voir également le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6877.

ATF 143 III 137 consid. 2; 139 III 457 consid. 4 Voir arrêt de la Cour suprême du canton de Berne du 27 septembre 2017 (ZK 2017 418).

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.10

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pétence à raison de la matière en définissant les litiges commerciaux (al. 2), de sorte que les cantons ne peuvent pas étendre cette compétence 88.

Dès l'entrée en vigueur du CPC, cette disposition et son interprétation ont suscité des incertitudes et des controverses, qui ont entre-temps été en grande partie levées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Aujourd'hui, cette disposition, de même que la juridiction commerciale et les tribunaux de commerce ont donc incontestablement fait leurs preuves, comme le démontrent le nombre de cas stable, voire en légère augmentation, ainsi que la reconnaissance claire que les milieux scientifiques et doctrinaux témoignent à la juridiction commerciale89. Ce constat n'est en rien relativisé par le fait que le Tribunal fédéral ait, dans son rapport de gestion 2011, plaidé en faveur d'une instance de recours cantonale contre les décisions et ordonnances des tribunaux de commerce90. De l'avis du Conseil fédéral, cette proposition du Tribunal fédéral n'est plus d'actualité; il faut dès lors admettre que la dérogation au principe de la double instance cantonale pour les litiges de droit civil n'est plus contestée et qu'elle est adéquate91.

Au-delà de ces réflexions, le Conseil fédéral propose d'améliorer l'art. 6 CPC sur trois points: ­

88 89

90 91

92

Les conditions permettant de définir qu'un litige est de nature commerciale, qui sont énumérées à l'al. 2, doivent être précisées et complétées en relation avec la possibilité de recourir au Tribunal fédéral (let. b), concernant l'obligation pour les parties d'être inscrites au registre du commerce (let. c, voir aussi la modification de l'al. 3) et ­ ce qui est nouveau ­ par rapport à l'exclusion des litiges en matière de droit du travail et de droit du bail (let.

d); ce seront toujours les tribunaux ordinaires ou, le cas échéant, les tribunaux de prud'hommes ou du bail institués par l'organisation judiciaire cantonale qui seront compétents pour ces litiges spéciaux, qui ne relèvent pas vraiment du droit commercial, pour lesquels il existe souvent des autorités spéciales et auxquels il faut appliquer des règles de procédure particulières.

En ce qui concerne les litiges relevant du droit du travail, la nouvelle situation correspond à celle qui prévalait dans les cantons disposant d'un tribunal de commerce92. Pour ce qui est des litiges concernant le bail et le bail à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux, la solution proposée aboutit à une concentration de toutes les procédures auprès des tri-

ATF 140 III 155 consid. 4.3 Voir p. ex. Alexander Brunner, art. 6 no 7 ss, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016 ainsi qu'Isaak Meier, Das Zürcher Handelsgericht im Kontext des Justizsystems, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 57 ss.

Rapport de gestion du Tribunal fédéral 2011, p. 20 Voir également les critiques à l'encontre de la proposition du Tribunal fédéral émises à l'époque par Isaak Meier, Das Zürcher Handelsgericht im Kontext des Justizsystems, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 74; Heinrich Andreas Müller, Schaffung eines innerkantonalen Rechtsmittels gegen Urteile der kantonalen Handelsgerichte?, RSJ 2012, p. 325 ss.

Voir Meinrad Vetter/Matthias Brunner, Die sachliche Zuständigkeit der Handelsgerichte ­ eine Zwischenbilanz, PCEF 2013, p. 254 ss, 261; Julian Schwaller/Georg Naegeli, Die Zuständigkeit der Handelsgerichte gemäss Art. 6 Abs. 3 ZPO, Jusletter du 14 novembre 2011.

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bunaux ordinaires ou des tribunaux des baux et loyers, indépendamment du type de procédure qui est applicable.

­

L'al. 4 permet aux cantons d'attribuer au tribunal de commerce d'autres litiges que ceux visés aux al. 2 et 3. Afin de concrétiser les idées et efforts, déployés notamment par les cantons de Genève et de Zurich, visant à permettre aux cantons de créer des cours ou des chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spéciales destinées au traitement de litiges internationaux (voir aussi le ch. 4.1.6), le Conseil fédéral propose, compte tenu des avis formulés lors de la consultation, de compléter l'al. 4 par une nouvelle let. c: les cantons pourront également attribuer au tribunal de commerce certains types de litiges commerciaux internationaux si les parties le souhaitent ou y consentent.

­

La loi statuera, conformément à la jurisprudence, qu'en cas de consorité simple, la compétence du tribunal de commerce est exclue lorsque ce dernier est compétent uniquement pour statuer sur quelques-unes de ces actions ou prétentions; le cas échéant, seuls les tribunaux ordinaires seront compétents (al. 6).

Caractère commercial du litige déterminé par la valeur litigieuse supérieure à 30 000 francs plutôt que par la recevabilité du recours en matière civile au Tribunal fédéral (al. 2, let. b) L'al. 2 en vigueur définit le litige commercial en posant notamment comme conditions que l'activité commerciale d'une partie au moins soit concernée (let. a) et qu'un recours en matière civile puisse être formé devant le Tribunal fédéral (let. b).

Comme on ne peut guère imaginer que des litiges non patrimoniaux constituent des litiges commerciaux93, le droit en vigueur exige simplement que la valeur litigieuse minimale fixée à l'art. 74, al. 1, LTF doit être atteinte, faute de quoi le recours au Tribunal fédéral n'est pas recevable; cette valeur s'élève actuellement à 30 000 francs. S'agissant de litiges relevant du droit du travail ou du droit du bail à loyer, dont la valeur litigieuse minimale doit être de 15 000 francs pour qu'un recours en matière civile soit recevable (art. 74, al. 1, let. a, LTF), la compétence du tribunal de commerce est exclue selon la jurisprudence du Tribunal fédéral: en application du principe qui énonce que le régime de la procédure applicable a la priorité sur la compétence matérielle du tribunal de commerce, la procédure simplifiée qui s'applique conformément à l'art. 243, al. 1 et 2, CPC exclut la compétence du tribunal de commerce94. Le Conseil fédéral avait proposé dans l'avant-projet de préciser cette règle dans un nouvel al. 7. Compte tenu des avis majoritairement favorables et des différentes propositions de mise en oeuvre formulés lors de la procédure de consultation95, le Conseil fédéral propose de lier la compétence du tribunal de commerce directement à la valeur litigieuse, qui devra dépasser 93 94

95

Voir Meinrad Vetter, art. 6 no 22, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016 et Bernhard Berger, art. 6 no 34, in BK ZPO, Berne 2012.

ATF 143 III 137 consid. 2; 139 III 457 consid. 4. Voir aussi Andreas Schneuwly, Das Verhältnis der sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte zum vereinfachten Verfahren de lege lata und de lege ferenda, RSJ 2018, p. 361 ss.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.3

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30 000 francs. La compétence du tribunal de commerce et le recours à la procédure simplifiée seront mieux harmonisés en ce sens que le même critère s'appliquera dans les deux cas, du moins pour ce qui est des litiges patrimoniaux, qui sont les plus fréquents dans la pratique. La modification de l'al. 2, let. b, rend superflu le nouvel art. 6, al. 7, qui était proposé dans l'avant-projet. Dans la mesure où les cantons qui disposent d'un tribunal de commerce attribuent à celui-ci d'autres litiges visés à l'art. 6, al. 4, CPC, l'art. 243, al. 3, CPC et la jurisprudence du Tribunal fédéral, accordant la priorité aux règles concernant le type de procédure par rapport à celles concernant la compétence matérielle du tribunal, resteront applicables96.

Inscription au registre du commerce comme entité juridique (al. 2, let. c, et 3) Selon le texte en vigueur de l'al. 2, let. c, la troisième condition d'un litige commercial est que «les parties sont inscrites au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent». Dans le message sur le CPC de 2006, le Conseil fédéral précisait ­ dans la version allemande ­ que les deux parties devaient être inscrites au registre du commerce suisse ou étranger sous une raison de commerce, bien que la disposition ne le dise pas clairement97. Ceci correspond à la doctrine majoritaire98 et à la jurisprudence du Tribunal fédéral 99. À l'avenir, cette situation juridique doit résulter directement du texte de loi; celui-ci est donc modifié en conséquence. Il s'agit également de reprendre la terminologie précise du droit du registre du commerce et de définir comme condition l'inscription au registre du commerce des parties comme «entités juridiques» au sens de l'art. 2, al. 2, let. a, de l'ordonnance du 17 octobre 2007 sur le registre du commerce100, même si ce terme n'est pas très usuel. La même adaptation terminologique est apportée à l'al. 3 sans qu'il n'en résulte de modification matérielle.

Exclusion des litiges relevant du droit du travail et du droit du bail (al. 2, let. d) Lorsque seul le défendeur est inscrit comme entité juridique au registre du commerce (al. 2, let. c) et que les autres conditions d'un litige commercial prévues à l'al. 2 sont réalisées (à savoir un litige touchant l'activité commerciale d'au moins une des parties et le recours ouvert
au Tribunal fédéral), la partie demanderesse a le choix, selon le droit en vigueur, entre le tribunal de commerce et le tribunal ordinaire (art. 6, al. 3, CPC). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce droit d'option n'est pas soumis à d'autres restrictions101 de sorte qu'un client peut s'en prévaloir pour agir contre un gérant de fortune inscrit au registre du commerce en

96

ATF 143 III 137 consid. 2; 139 III 457 consid. 4. Contra Andreas Schneuwly, Das Verhältnis der sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte zum vereinfachten Verfahren de lege lata und de lege ferenda, RSJ 2018, p. 361 ss 97 Version allemande du message sur le CPC, BBl 2006 6041, 7261 98 Voir Meinrad Vetter, art. 6 no 24, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 192 s.

99 ATF 140 III 409 consid. 2 et 142 III 96 consid. 3.3 100 RS 221.411 101 ATF 138 III 694 consid. 2; voir aussi Julian Schwaller/Georg Naegeli, Die Zuständigkeit der Handelsgerichte gemäss Art. 6 Abs. 3 ZPO, Jusletter du 14 novembre 2011

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tant qu'entreprise individuelle, de même qu'un consommateur peut l'invoquer contre un prestataire de services inscrit au registre du commerce102.

Compte tenu de la situation juridique actuelle, le Conseil fédéral juge qu'il est nécessaire de légiférer dans deux domaines. Premièrement, le droit actuel ne détermine pas clairement si les litiges de droit du travail relèvent de l'activité commerciale d'au moins une partie (voir l'art. 6, al. 2, let. a, CPC) et donc de la compétence des tribunaux de commerce103. Pour autant que l'on puisse en juger, il n'existe pas de jurisprudence définitive du Tribunal fédéral à ce sujet. Selon la jurisprudence du tribunal de commerce de Zurich, les litiges de droit du travail ne devraient pas relever de l'activité commerciale104, de sorte que le droit d'option prévu à l'art. 6, al. 3, CPC n'entre pas en ligne de compte. Le Conseil fédéral estime que cette incertitude doit être levée par une précision de la loi. Le deuxième domaine où subsistent, malgré une riche jurisprudence du Tribunal fédéral, des incertitudes et des incohérences, concerne les litiges relevant du droit du bail à loyer ou à ferme de locaux d'habitation ou commerciaux. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les tribunaux de commerce sont compétents pour ces litiges105, pour autant qu'ils ne relèvent pas de la procédure simplifiée, car celle-ci exclut la compétence du tribunal de commerce (voir également le commentaire de l'al. 2, let. b)106. Les cantons ne peuvent pas adopter de règles divergentes107. Cette situation engendre des insécurités quant à la délimitation des compétences108.

Le Conseil fédéral avait proposé dans son avant-projet d'adapter le droit applicable aux litiges relevant du droit du travail et du droit du bail de façon à exclure le droit d'option en faveur du tribunal de commerce prévu à l'art. 6, al. 3, CPC en cas d'action d'un employé contre son employeur ou en cas de litiges relevant du droit du bail à loyer ou à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux (voir l'art. 6, al. 3, AP-CPC). Le Conseil fédéral estimait que ces litiges devaient relever de la compétence des tribunaux ordinaires. Cette proposition a suscité des avis divergents lors de la procédure de consultation; la majorité des participants a jugé 102

103

104 105

106 107 108

Voir à ce propos Christoph Hurni, Sachliche Zuständigkeit des Handelsgerichts: Klägerwahlrecht auch für Konsumenten (Art. 6 Abs. 3 ZPO), RJB 2012, p. 989 ss.; Michel Heinzmann, note relative à l'ATF 138 III 694, RSPC 2013, p. 195 s.

Pour une compétence des tribunaux de commerce, notamment Bernhard Berger, art. 6 no 11, 24, in BK ZPO, Berne 2012; contra, en revanche, p. ex. Alexander Brunner, art. 6 no 34, 41 s. in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016; George Daetwyler/ Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 178; Meinrad Vetter, art. 6 no 21a, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Ulrich Haas/Michael Schlumpf, art. 6 no 6 s., in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Jacques Haldy, art. 6 no 5, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019 Voir le Tribunal de commerce de ZH, 16.07.2012, ZR 2012 no 58.

ATF 139 III 457 consid. 3; cette règle s'applique indépendamment du fait qu'il s'agit d'un acte juridique de base, auxiliaire ou accessoire, voir George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 175.

ATF 139 III 457 consid. 3 ATF 140 III 155 consid. 4 George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 175 s.; Urban Hulliger/Andreas Maag, Zur sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte in mietrechtlichen Streitigkeiten ­ ein Zwischenbericht, MRA 4/2013, p. 3 ss

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qu'il valait mieux exclure les litiges relevant du droit du travail et du droit du bail per se (y compris les litiges relevant de la loi du 24 mars 1995 sur l'égalité [LEg] 109) de la compétence du tribunal de commerce plutôt que limiter le droit d'option110.

Compte tenu des avis exprimés, le Conseil fédéral propose d'exclure de façon générale la compétence du tribunal de commerce pour les litiges relevant du droit du travail et du droit du bail à loyer ou à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux, en introduisant un nouvel al. 2, let. d. Sont concernés d'une part les litiges portant sur les rapports de travail (art. 319 ss du code des obligations [CO]111) et ceux relevant de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de service (LSE)112 et de la LEg, et d'autre part, les litiges concernant le bail et le bail à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux (art. 253 ss CO) et le bail à ferme agricole (voir la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole [LBFA]113). Les tribunaux de commerce resteront toutefois compétents pour juger des litiges concernant le droit du travail et le droit du bail en cas de concours d'actions lorsqu'une prétention reposant sur les mêmes faits juridiques s'appuie à la fois sur le droit du travail ou du bail et sur d'autres fondements juridiques114.

Compétence des cantons pour attribuer au tribunal de commerce certains litiges commerciaux internationaux avec l'accord des parties (al. 4, let. c) L'al. 4 pose le principe que les cantons disposant d'un tribunal de commerce peuvent lui attribuer certains autres litiges que ceux énumérés aux al. 2 et 3. Afin de concrétiser les idées et efforts, déployés notamment par les cantons de Genève et de Zurich, visant à permettre aux cantons de créer des cours ou des chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spéciales destinées au traitement de litiges internationaux (voir aussi le ch. 4.1.6), le Conseil fédéral propose, compte tenu des propositions formulées lors de la consultation, de compléter l'al. 4 par une nouvelle let. c: les cantons pourront également attribuer au tribunal de commerce certains types de litiges commerciaux internationaux si les parties y consentent. Les tribunaux de commerce pourront fonctionner comme des tribunaux
spécialisés dans les litiges internationaux. Dans les cas où une partie au moins a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège ailleurs qu'en Suisse (voir aussi let. c, ch. 4), la compétence internationale de la Suisse et la compétence à raison du lieu du tribunal de commerce concerné sont présupposées. Ces compétences, qui découlent soit d'un rattachement subjectif ­ souvent d'une élection de for ­ soit d'un rattachement objectif (par ex. le domicile du défendeur) sont régies par les normes du droit international privé, dans la plupart des cas par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007115 ou par la LDIP. La nouvelle let. c ne porte que sur la compétence matérielle et ne touche pas la compétence internationale ni la compétence à raison du lieu.

109 110 111 112 113 114

RS 151.1.

Synthèse des résultats de la consultation, ch 5.3 RS 220 RS 823.11 RS 221.213.2 Voir Meinrad Vetter/Matthias Brunner, Die sachliche Zuständigkeit der Handelsgerichte ­ eine Zwischenbilanz, PCEF 2013, p. 254 ss, 261.

115 RS 0.275.12

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Les cantons qui entendent instituer un tribunal spécialisé dans les affaires relevant du commerce international doivent pouvoir lui attribuer certaines compétences allant au-delà des compétences définies jusqu'à présent, si les conditions suivantes sont remplies:

116 117

­

Eu égard à la nature du tribunal de commerce, appelé à statuer en tant qu'instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (voir l'art. 6, al. 1, CPC), sa compétence n'est justifiée que lorsque l'activité commerciale d'une partie au moins est concernée (ch. 1). Cette condition correspond à celle énoncée à l'art. 6, al. 2, let. a, CPC, à la différence que la partie ne doit pas être inscrite (comme entité juridique) au registre du commerce suisse (ni dans un registre étranger équivalent). Dans ce type de contentieux, seuls des litiges de nature commerciale, technique ou de nature comparable seront soumis à un tribunal de commerce, la notion de litige commercial devant être interprétée dans un sens large116.

­

Le litige devra être de nature patrimoniale et la valeur litigieuse devra être de 100 000 francs au moins (ch. 2). Sont de nature patrimoniale, conformément aux principes découlant de l'art. 91 CPC, les actions concluant au versement d'une somme d'argent ainsi que les actions qui portent sur des prétentions qui peuvent par nature être appréciées en argent; ce qui est déterminant, c'est la question de savoir si l'action vise finalement et de manière prépondérante un objectif de nature économique117. La valeur litigieuse minimale proposée correspond à celle qui est fixée à l'art. 8 CPC en vigueur comme condition à la prorogation de l'action en faveur du tribunal supérieur.

­

L'accord des parties sera nécessaire pour que le tribunal de commerce puisse statuer sur le litige (ch. 3). Comme pour la prorogation (à raison de la matière) en faveur du tribunal supérieur visée à l'art. 8 CPC, cet accord ne sera pas lié à des prescriptions de forme particulières et pourra donc être donné de façon informelle, notamment par acceptation tacite. Dans la mesure où une convention ou une clause d'élection de for a été conclue pour établir la compétence internationale de la Suisse et la compétence à raison du lieu d'un canton disposant d'un tribunal de commerce et que cette convention ou clause contient également la prorogation en faveur du tribunal de commerce, l'accord des parties sera considéré comme donné.

­

Vu le caractère spécifiquement international de ces contentieux, au moins une partie au litige devra avoir son domicile, ou ­ si celui-ci fait défaut ­ sa résidence habituelle ou encore ­ s'il s'agit d'une personne morale ­ son siège ailleurs qu'en Suisse (ch. 4). Cette condition devra être remplie lorsque le tribunal saisi vérifiera si la compétence à raison de la matière est donnée; il suffira que la condition ait été remplie au moment de la conclusion du contrat ou de la convention d'élection de for. Ce lien suffisant avec l'étranger est une condition qui existe déjà dans le domaine de l'arbitrage (international) (voir l'art. 176, al. 1, P-LDIP selon le projet du 24 octobre 2018 et les

Voir à ce propos ATF 140 III 355 consid. 2.

Voir à ce propos l'ATF 142 III 145, consid. 6 avec d'autres références.

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commentaires à ce sujet dans le message correspondant118). La prorogation en faveur d'un tribunal de commerce ne sera possible que si ce lien avec l'étranger existe, et si le canton qui dispose d'un tribunal de commerce l'habilite à trancher les litiges internationaux. Le tribunal de commerce élu ne pourra pas décliner sa compétence dans ces cas119. Conformément au droit en vigueur, il ne sera pas possible de conclure des conventions sur la compétence à raison de la matière dans les situations qui ne comportent pas d'élément d'extranéité.

Attraction de compétence en faveur des tribunaux ordinaires en cas de consorité (al. 6) D'après le droit en vigueur, le droit fédéral ne règle pas de manière uniforme qui, du tribunal de commerce ou du tribunal ordinaire, est compétent lorsque le tribunal de commerce n'a de compétence matérielle que pour certains consorts; alors que seul le tribunal ordinaire est compétent dans les cantons de Zurich (mais seulement sur la base d'une règle cantonale tacite)120 et de Berne121, la compétence en cas de consorité était dans certains cas partagée122 dans le canton d'Argovie jusqu'à la modification du § 12, al. 2 de la loi d'introduction du CPC du 23 mars 2010123, qui prévoit désormais une attraction de compétence en faveur des tribunaux ordinaires. Cette situation juridique complique le travail des autorités chargées de l'application du droit. Le Conseil fédéral a proposé dans le cadre de la consultation d'harmoniser, au niveau du droit fédéral, les règles de compétence en matière de consorité simple (passive) et de prévoir, dans un nouvel al. 6, une attraction de compétence en faveur du tribunal ordinaire lorsque le tribunal de commerce est compétent uniquement pour statuer à l'égard de quelques-uns des consorts. Cette proposition a satisfait une majorité de participants à la procédure de consultation124. Plusieurs acteurs ont souhaité que la même règle s'applique à tous les cas de consorité simple (c'est-à-dire également à la consorité simple active) mais pas aux cas où le tribunal de commerce est compétent en vertu de l'art. 6, al. 4, CPC. L'al. 6 a donc été reformulé: il ne fait plus de distinction entre la consorité simple active ou passive et ne restreint pas le droit d'option visé à l'al. 3.

Art. 8, al. 2, 2e phrase Le droit en vigueur permet déjà au demandeur,
avec l'accord du défendeur, de porter l'action directement devant le tribunal cantonal supérieur, lorsque la valeur litigieuse d'un litige patrimonial est de 100 000 francs au moins (art. 8, al. 1, CPC). Il s'agit d'un cas de prorogation de compétence. Même sans élément d'extranéité, le droit en vigueur permet de convenir dans ces cas que le tribunal supérieur statue en tant qu'instance cantonale unique; cette possibilité existe également lorsque les parties ­ 118 119 120 121 122 123 124

Voir le message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé (Chapitre 12: Arbitrage international), FF 2018 7153 ss.

Voir le commentaire de l'art. 5 P-LDIP sous le ch. 5.2.2.

ATF 138 III 471 consid. 5c Décision du tribunal de commerce du canton de Berne du 9.12.2012, CAN 2013 no 58 Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2013 du 9 septembre 2013, consid. 3 Recueil systématique des lois argoviennes 221.200 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.3 et 5.38

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ou seulement l'une d'entre elles ­ ont leur domicile ou leur siège à l'étranger et qu'elles passent une convention de for. Il est donc déjà possible selon le droit en vigueur que des parties étrangères portent leur litige directement devant le tribunal cantonal supérieur. En revanche, le droit en vigueur ne permet pas d'établir la compétence matérielle d'un tribunal, notamment du tribunal de commerce, par une convention préalable125. On peut ainsi envisager que les cantons créent à l'avenir, en réglant l'organisation du tribunal supérieur ­ et non du tribunal de commerce (voir à ce propos l'art. 6, al. 4, P-CPC et le commentaire de la disposition) ­ des cours ou des chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spécifiques pour trancher des litiges commerciaux internationaux.

Dans ce contexte, la possibilité d'ordonner, le cas échéant, des mesures provisionnelles est essentielle pour le tribunal supérieur. L'art. 8, al. 2, CPC doit donc être adapté. Sur le modèle des art. 5 et 6 CPC, il est complété par la précision que le tribunal supérieur est également compétent pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance, ce qui correspond à l'avis des auteurs de doctrine concernant le droit en vigueur126.

Art. 10, al. 1, let. c L'art. 10, al. 1, let. c, CPC établit, en relation avec l'art. 5, al. 1, let. f, CPC, la compétence à raison du lieu et la compétence fonctionnelle en cas d'actions intentées contre la Confédération; le demandeur a le choix entre le tribunal supérieur du canton de Berne et celui de son canton de domicile. La modification de l'art. 5, al. 1, let. f, implique une adaptation de l'art. 10, al. 1, let. c, pour qu'il continue de régler la compétence à raison du lieu (Berne ou domicile du demandeur), mais ne porte plus sur la compétence fonctionnelle du tribunal.

Art. 51, al. 3 Selon la disposition en vigueur, un motif de récusation découvert après la clôture de la procédure doit donner lieu à une procédure de révision. Cette règle suit le principe selon lequel un tribunal perd la compétence de trancher une cause déterminée une fois qu'il a rendu son jugement dans cette affaire (lata sententia judex desinit esse judex)127. Cependant, ni le texte du CPC, ni les travaux préparatoires ne précisent à partir de quel moment une procédure doit être qualifiée
de clôturée. La nature des voies de recours ouvertes contre une décision finale est déterminante dans ce contexte128.

Le Tribunal fédéral a tranché cette question comme suit: l'invocation d'un motif de récusation par le biais de la révision n'entre pas en ligne de compte lorsque le motif de récusation est découvert après la fin de la procédure, devant l'autorité concernée (soit après le prononcé d'une décision finale formelle), mais avant l'échéance du 125 126

ATF 142 III 623 consid. 2; 138 III 471 consid. 3 Voir, parmi d'autres, David Rüetschi, art. 8 no 18, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016, avec références; contra: Dominik Gasser/Brigitte Rickli, ZPO Kurzkommentar, 2 e éd., Zurich 2014, art. 8 no 3.

127 ATF 139 III 120 consid. 2 128 Voir à ce propos Denis Tappy, art. 51 no 14 ss, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019.

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délai de recours. Cette règle s'applique également, indépendamment de la question de la force de chose jugée, lorsque la décision ne peut être attaquée que par un recours, car la révision est subsidiaire à celui-ci129.

Afin d'améliorer la sécurité juridique, ces clarifications jurisprudentielles sont incluses à l'art. 51, al. 3, P-CPC: il sera possible de faire valoir un motif de récusation par la voie de la révision lorsque plus aucune autre voie de recours n'est disponible. Tous les participants à la consultation ont été favorables à cette proposition.

Art. 70, al. 2 Dans la version française, la seconde partie de la phrase est adaptée aux versions allemande et italienne sur le fond et utilisera l'expression «introduction d'appels et de recours» plutôt que «déclarations de recours».

Art. 71

Consorité simple

Cette disposition traite de la consorité simple, dans le cadre de laquelle plusieurs personnes agissent ensemble contre une partie ou sont actionnées ensemble par une seule partie pour des motifs d'économie de procédure et de cohérence des décisions, sans qu'une action commune soit obligatoire ou nécessaire130. La consorité simple se distingue de la consorité nécessaire, dans laquelle plusieurs personnes doivent forcément agir ou être actionnées ensemble, car la cause n'est susceptible que d'une décision unique (voir l'art. 70 CPC).

Les al. 1 et 2 de l'article en vigueur règlent les conditions de la consorité simple. Ces deux dispositions sont adaptées quant au fond et quant à la forme, pour correspondre à la jurisprudence du Tribunal fédéral, sans que les principes du droit en vigueur ne soient modifiés. La condition selon laquelle les causes doivent relever de la même procédure, tel que précisé à l'art. 71, al. 2, CPC, est maintenue, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, en réponse aux nombreuses critiques formulées lors de la consultation131. La consorité simple restera donc exclue lorsque les différentes causes ne sont pas soumises à la même procédure (ordinaire, simplifiée ou sommaire).

Pour des raisons de clarté, les conditions de la consorité simple sont énoncées dans un nouvel al. 1, qui a été reformulé et restructuré: ­

La nouvelle phrase introductive, ne fait que décrire la consorité simple comme une pluralité de demandeurs ou de défendeurs.

­

La nouvelle let. a pose le principe ­ inchangé par rapport au texte en vigueur ­ de la connexité («de faits ou de fondements juridiques semblables») entre les différentes actions; selon la jurisprudence, cette exigence de connexité doit être interprétée de manière large: il suffit que la formation d'une

129 130

ATF 139 III 466 consid. 3.4; 139 III 120 consid. 2; 138 III 702 consid. 3.4 Voir à ce sujet Ernst Staehelin/Silvia Schweizer, art. 71 no 1, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Christoph Leuenberger/Beatrice Uffer-Tobler, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd., Berne 2016, no 3.28; Tanja Domej, art. 71, no 1, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014.

131 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.8

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consorité simple apparaisse opportune au regard de l'objet du litige, que ce soit pour des motifs d'économie de procédure ou pour éviter des jugements contradictoires132.

­

La nouvelle let. b précise que les demandes devront relever du même type de procédure, ce qui correspond à l'actuel art. 71, al. 2, CPC. Cette condition est maintenue même si cela signifie que des demandes relevant de la procédure ordinaire et d'autres soumises à la procédure simplifiée ne pourront pas être introduites ensemble, et ce également lorsque l'application d'une procédure différente résulte uniquement de la valeur litigieuse (voir l'art. 243, al. 1, CPC: procédure simplifiée pour les litiges patrimoniaux d'une valeur litigieuse inférieure ou égale à 30 000 francs). Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de cumul objectif (art. 90 CPC), il convient d'additionner les valeurs litigieuses en application de l'art. 93, al. 1, CPC avant d'appliquer l'art. 90 CPC, de sorte qu'il faut examiner les conditions de la compétence à raison de la matière et de l'identité de procédure sur la base des valeurs litigieuses déjà additionnées133. La même règle devrait s'appliquer au moins à la consorité active simple, dans laquelle plusieurs personnes agissent (contre un défendeur) sur la base de faits ou d'un fondement juridique similaires134. Pour le reste, il faut éviter de mélanger les différents types de procédure.

­

La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la compétence matérielle unique est codifiée, ce qui a été approuvé de façon générale lors de la consultation135. Il s'agit là d'une condition de recevabilité centrale, qui doit clairement ressortir de la loi. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la compétence matérielle du tribunal saisi pour toutes les créances produites en justice est une condition implicite de la consorité simple (passive) en vertu du droit en vigueur136. Cette condition générale de la consorité simple est consacrée à la let. c.

Suite à ce remaniement, l'actuel al. 3 reste inchangé mais devient l'al. 2.

Art. 81, al. 1 et 3 Le CPC a introduit l'appel en cause pour la première fois au niveau suisse, alors que celui-ci n'était connu que dans les cantons de Genève, Vaud et Valais ainsi qu'en partie dans le canton du Tessin. L'appel en cause va plus loin que la dénonciation d'instance (art. 78 ss CPC) et permet d'obtenir directement, dans le cadre de la procédure principale, une décision sur les prétentions que l'appelant en cause fait valoir contre l'appelé137.

132 133 134 135 136 137

Voir l'ATF 142 III 581 avec d'autres renvois, notamment au message sur le CPC, FF 2006 6841, 6895.

ATF 142 III 788 consid. 4 Voir Alexander Wintsch/Richard Meyer, Streitwertaddition bei Klagenhäufung und einfacher Streitgenossenschaft, PCEF 2016, p. 275 ss.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.3 ATF 138 III 471 consid. 5 Voir le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6896 ss.

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L'expérience a révélé que cet instrument procédural reste encore peu utilisé. Le Conseil fédéral estime dès lors qu'il est important d'améliorer l'efficacité de l'appel en cause (voir le commentaire de l'art. 82, al. 1, 3e phrase). Le Conseil fédéral propose que les dispositions relatives aux conditions et à l'admissibilité de l'appel en cause soient clarifiées à l'art. 81, al. 1, CPC. Il s'agit de résumer le contenu des actuels al. 1 et 3 dans un nouvel al. 1 et de compléter la disposition par les conditions dégagées par la doctrine et la jurisprudence, qui sont présentées de manière structurée dans une énumération: ­

La phrase introductive précise que l'appel en cause est ouvert pour faire valoir des prétentions que le dénonçant estime avoir ou dont il craint être l'objet de la part du dénoncé, pour le cas où il succomberait dans la procédure principale; dès lors, la possibilité d'introduire, lors d'un appel en cause, une action en constatation négative ressort clairement de la loi138.

­

Une nouvelle let. a règle la condition de la connexité, qui prévaut déjà sous le droit en vigueur139, comme le prévoyait déjà l'AP-CPC. Elle met aussi en évidence qu'outre l'hypothèse d'une prétention récursoire, d'autres cas de garantie et d'indemnisation sont envisageables.

­

La let. b énonce que le tribunal doit être compétent à raison de la matière aussi bien pour l'action principale que pour celle faisant l'objet de l'appel en cause. Cette condition, qui résulte déjà du droit en vigueur140 ressort maintenant directement de la loi; cette modification n'engendre aucun changement matériel.

­

Une nouvelle let. c porte sur l'admissibilité du point de vue de la procédure, qui est actuellement réglée à l'al. 3. À la différence du droit en vigueur, la nouvelle disposition exprime clairement que l'appel en cause est (exclusivement) admissible en procédure ordinaire; l'appel en cause est donc exclu, comme sous le droit en vigueur, en procédure simplifiée et en procédure sommaire, parce qu'il ne faut pas compliquer ni allonger ces procédures 141.

Comme l'exige le droit en vigueur142, et contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet, tant l'action principale que l'appel en cause devront relever de la procédure ordinaire; le Conseil fédéral tient ainsi compte des critiques formulées lors de la procédure de consultation143.

L'actuel al. 2 est repris sans modification; les appels en cause en chaîne sont exclus afin d'éviter une complexification des procédures et des retards excessifs. Le contenu de l'actuel al. 3 est repris dans l'al. 1 et peut donc être abrogé sans répercussion sur la situation juridique.

138 139 140 141 142 143

Voir déjà à ce propos Nina J. Frei, Die Interventions- und Gewährleistungsklagen im Schweizer Zivilprozess, thèse, Zurich 2004, p. 114 s.

Voir le message sur le CPC, FF 2006 6841, 7284 s., ATF 139 III 67 consid. 2.4.3 et Tarkan Göksu, art. 81 no 9, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016.

ATF 139 III 67 consid. 2.4.3 Voir déjà à ce propos le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6898.

ATF 139 III 67 consid. 2.4.2; voir également Daniel Schwander, art. 81 no 26 ss., in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.9

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Art. 82, al. 1, 3e phrase Cette disposition règle la procédure d'appel en cause. Celle-ci sera complétée par rapport au droit actuel sur un point essentiel: selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les conclusions d'un appel en cause doivent en principe être chiffrées d'emblée et elles ne doivent pas être subordonnées à l'issue de la procédure principale. Exceptionnellement, elles n'ont pas à être chiffrées lorsque les conditions d'une action non chiffrées posées à l'art. 85 CPC sont remplies144.

En raison de cette situation juridique, il se peut que l'appelant en cause chiffre ses conclusions en donnant un montant trop élevé ou trop bas, ce qui nuit à l'attrait de cet instrument par rapport à la dénonciation d'instance prévue à l'art. 78 CPC, car l'appelant en cause prend le risque d'être condamné aux frais de l'appel en cause.

Pour cette raison, une nouvelle 3e phrase à l'al. 1 modifie le droit en vigueur en précisant que les conclusions de l'appel en cause ne doivent pas être chiffrées si elles tendent à la prestation que le dénonçant serait lui-même condamné à fournir dans la procédure principale. En plus des cas de figure prévus à l'art. 85 CPC, il faut autoriser l'appelant en cause à ne pas chiffrer ses conclusions lorsque l'appel en cause concerne une prétention récursoire et que l'appelant en cause ne peut pas encore savoir à quel montant il risque d'être condamné dans le procès principal.

Art. 90, al. 2 Le régime du cumul (objectif) d'actions comme possibilité de faire valoir plusieurs prétentions contre la même partie dans un même procès a une grande importance pratique, parce qu'il permet justement de mettre en oeuvre le droit de manière efficace dans l'intérêt de toutes les parties. Le cumul d'actions est aussi important pour l'invocation collective de dommages collectifs sans passer par les instruments collectifs proprement dits; le rassemblement et l'invocation conjointe d'un grand nombre de prétentions par un demandeur contre un défendeur forment l'un des deux moyens d'exercice collectif des droits disponibles dans le droit en vigueur, avec la consorité145.

Selon le texte en vigueur, le cumul d'actions est admissible pour autant que le même tribunal soit compétent à raison de la matière (let. a) et que les prétentions soient soumises à la même procédure (let. b). Diverses
critiques ont été émises à l'encontre notamment de la condition de l'identité de procédure, mais aussi de celle de la compétence matérielle unique, et un assouplissement de ces deux conditions a été demandé. Ainsi, selon la doctrine majoritaire, le cumul de deux prétentions patrimoniales, dont l'une devrait être soumise à la procédure simplifiée ou traitée par une autorité particulière uniquement en raison de sa valeur litigieuse et l'autre devrait être soumise à la procédure ordinaire et traitée par le tribunal ordinaire, est admissible: aucun intérêt digne de protection du défendeur ne s'y oppose; au demeurant, 144

ATF 142 III 102 consid. 3 à 6; voir à ce propos Melanie Lehmann, Die Bezifferung der Streitverkündungsklage, Jusletter du 30 mai 2016.

145 Voir les ch. 1.1.4 et 4.2 ci-dessus ainsi que, pour plus de détails, le rapport du Conseil fédéral de juillet 2013 «Exercice collectif des droits en Suisse: état des lieux et perspectives», p. 15 s., disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit.

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cette solution découle logiquement de l'art. 93, al. 1, CPC, selon lequel, en cas de cumul d'action, les prétentions sont additionnées, à moins qu'elles ne s'excluent. Le Tribunal fédéral s'est désormais également rallié à cette position146.

Dans l'avant-projet, le Conseil fédéral avait proposé de reformuler l'art. 90 CPC dans le but d'en améliorer l'application et la praticabilité, en autorisant en particulier le cumul d'actions soumises à des procédures différentes (procédure ordinaire et procédure simplifiée) et en prévoyant que les règles de la procédure simplifiée s'appliquent par analogie dans la procédure ordinaire. Cette proposition a été rejetée par la majorité des participants, qui ont fait valoir que cette solution mélangeant différents types et règles de procédures n'était pas praticable147.

Le Conseil fédéral renonce par conséquent à procéder à une refonte du cumul d'actions. Il propose de compléter les règles en vigueur par l'ajout d'un nouvel al. 2 qui vise à codifier la jurisprudence du Tribunal fédéral sous une forme générale: en dérogation à l'art. 90, al. 1, CPC, qui précise que le même tribunal doit être compétent à raison de la matière et que les prétentions doivent relever de la même procédure, le cumul d'actions sera également admis lorsque la compétence à raison de la matière ou la procédure sont différentes du seul fait de la valeur litigieuse. Le projet précise qu'en cas de cumul d'actions, celles-ci seront jugées en procédure ordinaire lorsque certaines prétentions relèvent de la procédure simplifiée et d'autres de la procédure ordinaire. Les prétentions ne doivent pas forcément présenter un lien de connexité, ce qui correspond au droit en vigueur.

La solution proposée vise à faciliter le cumul d'actions, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, tout en évitant le mélange de procédures, critiqué lors de la consultation. L'invocation collective de prétentions soumises à des procédures différentes reste interdit lorsque l'application de la procédure simplifiée ne résulte pas de la valeur litigieuse, mais de la nature de certaines prétentions, par exemple lorsqu'une prétention portant sur la protection contre les congés en matière de bail (voir l'art. 243, al. 2, let. c, CPC) est invoquée en même temps que des prétentions patrimoniales de plus de 30 000 francs
ou que la demande cumule des prétentions fondées sur la LEg (voir l'art. 243, al. 1, let. a, CPC) et des prétentions générales fondées sur le droit du travail dépassant 30 000 francs.

Art. 94a

Action des organisations

La valeur litigieuse de l'action des organisations est déterminée selon les règles générales des art. 91 à 94 CPC, qui valent également pour les actions des organisations prévues par des lois spéciales148. La valeur litigieuse est donc déterminée par les conclusions (art. 91, al. 1, CPC). Ce principe vaut pour tous les litiges de nature patrimoniale lorsque l'action tend au versement d'une prestation en argent et pas seulement pour l'action des organisations.

146 147 148

ATF 142 III 788 consid. 4 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.13 Voir aussi la décision du tribunal de commerce de Zurich du 12 juillet 2018, HG170181-O (le Tribunal fédéral a rejeté dans l'arrêt 4A_483/2018 du 8 février 2019 un recours interjeté contre cette décision du tribunal de commerce).

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Il en va autrement des actions des organisations en interdiction, en cessation ou en constatation: il s'agit dans ce cas d'une action qui ne conclut pas au versement d'une somme déterminée, si tant est qu'il s'agisse d'un litige de nature patrimoniale.

Conformément à l'art. 91, al. 2, CPC, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement incorrecte. Il s'appuie de lege lata sur l'intérêt collectif des personnes concernées, qui est nettement plus grand que celui de l'association qui a formé l'action149, ce qui aboutit dans la pratique à des valeurs litigieuses très élevées et se répercute sur les coûts et sur le risque encouru150. Cette manière de procéder n'est pas cohérente parce que le litige ne porte justement pas sur les prétentions des personnes concernées prises individuellement ni sur la somme de leurs prétentions, et qu'aucune décision ayant force de chose jugée n'est rendue sur ces prétentions individuelles151. À l'étranger, on a réagi à ce problème en adoptant des règles limitant la valeur litigieuse pour ce type d'actions collectives; ces règles tiennent notamment compte de l'intérêt particulier de la collectivité à ce que l'atteinte soit constatée et ne se fondent pas sur l'intérêt économique (cumulé) des personnes concernées152.

Pour améliorer et simplifier l'application du droit au moyen des actions négatoires des organisations qui ne portent pas sur le versement d'une indemnité, le Conseil fédéral propose d'adopter des règles spécifiques sous le titre 7 «Valeur litigieuse» pour calculer la valeur litigieuse de ces actions: conformément au nouvel art. 94a P-CPC, le tribunal fixera la valeur litigieuse, si les parties n'arrivent pas à s'entendre, selon sa libre appréciation, en fonction de l'intérêt de chaque membre du groupe concerné et de l'importance de l'affaire, ce qui ne correspond justement pas à l'intérêt collectif ni au cumul des intérêts individuels. L'objet du litige est uniquement la prétention de l'organisation qui mène l'action en interdiction, en cessation ou en constatation et non les prétentions des personnes concernées prises individuellement, sur lesquelles le tribunal ne se prononce pas en traitant l'action de l'organisation. Le Conseil fédéral renonce en revanche à fixer une valeur litigieuse maximale, qui est somme toute toujours arbitraire. Comme il s'agit ici d'une question de 149

Arrêt du tribunal de commerce de Zurich du 12 juillet 2018, HG170181-O (le tribunal fédéral a rejeté par arrêt 4A_483/2018 du 8 février 2019 un recours interjeté contre cet arrêt du tribunal de commerce) avec référence à Johann Zürcher, Der Streitwert im Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, sic! 2002, p. 493 ss., 505. Contra Arnold F. Rusch/ Andreas Schirrmacher, Konsumentenorganisationen im AGB-Streit, RJB 2013, p. 683 ss, 690 s.

150 Dans l'affaire mentionnée (nbp 146), qui concernait une action en constatation d'une organisation de protection des consommateurs relative à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), le tribunal de commerce de Zurich a, à partir d'un dommage prétendu de plusieurs millions de francs et du nombre de personnes concernées estimé à environ 180 000 personnes, fixé la valeur litigieuse à 200 000 francs.

151 Voir François Bohnet, Les actions collectives, spécialement en matière de consommation, in Carron/ Müller (éd.), Droits de la consommation et de la distribution, Neuchâtel/Bâle 2013, p. 159 ss., 176; Philipp Weber, art. 89 no 21, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014.

152 Voir Arnold F. Rusch/Andreas Schirrmacher, Konsumentenorganisationen im AGB-Streit, RJB 2013, p. 683 ss, 690 s. avec référence à la situation juridique prévalant en Allemagne; voir également la disposition correspondante de la nouvelle loi allemande sur les actions en constatation modèles (Musterfeststellungsklagengesetz), § 48, al. 1, 2e phrase de la loi allemande sur les frais judiciaires (Gerichtskostengesetz).

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procédure civile concernant des actions des organisations (prévues également par des lois spéciales), il importe de la traiter dans le cadre du présent projet, indépendamment de la question de la redéfinition et du renforcement de la mise en oeuvre collective des droits (voir le ch. 4.2).

Art. 96, 2e phrase Comme indiqué plus haut (voir le ch. 4.1.1), le Conseil fédéral n'entend pas modifier l'art. 96 CPC en ce qui concerne la souveraineté des cantons en matière de tarifs, même après avoir pris connaissance des résultats de la consultation. Dans le domaine du droit des poursuites pour dettes et de la faillite, l'art. 16 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)153 a instauré, avant l'entrée en vigueur du CPC, un tarif des émoluments unique pour la Suisse; celui-ci a indéniablement fait ses preuves. Ce régime n'a pas été modifié par l'entrée en vigueur du CPC et les dispositions de l'ordonnance du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP)154 relatives aux frais de procédure en matière de LP restent applicables155. Ce point a aussi été explicitement confirmé par le Tribunal fédéral156, corrigeant les décisions de tribunaux cantonaux qui étaient arrivés à d'autres conclusions157.

Le CPC réserve explicitement les dispositions relatives aux émoluments adoptées en vertu de l'art. 16, al. 1, LP et, partant, de l'OELP (art. 96, 2e phrase, P-CPC). Ceci contribuera à une législation claire et transparente, sans modifier la situation juridique. Des travaux sont en cours pour déterminer dans quelle mesure l'OELP devrait être adaptée158.

Art. 98

Avance de frais

Selon le texte en vigueur de cette disposition, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés et le prévenir qu'à défaut de versement, il n'entrera pas en matière sur la demande ou la requête (art. 101, al. 3, CPC). Cette réglementation, qui est nettement plus stricte et désavantageuse pour le demandeur que l'ancien droit dans certains cantons, a été largement critiquée, notamment depuis l'entrée en vigueur du CPC (voir les ch. 1.1.5, 2.1 et 4.1.1); elle illustre bien la critique à l'encontre des obstacles financiers entravant à l'accès à la justice (ou paywall)159.

153 154 155 156 157

RS 281.1 RS 281.35 Voir déjà à ce propos le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6905 et 7016.

ATF 139 III 195 Voir p. ex. tribunal cantonal de Zurich, IIe Cour civile, 23 février 2011, BlSchK 2011, p. 68 ss (avec note de David Rüetschi).

158 Voir aussi le postulat 18.3080 Nantermod «Des émoluments trop chers en matière de poursuite et de faillite?».

159 Voir Mario Stäuble, Die Justiz hinter der Paywall, Tages-Anzeiger du 3 août 2016 et aussi Martin Hablützel, Schweizerische ZPO, eine Anleitung, wie man Rechtssuchende vom Gang zum Gericht abhält, REAS 2019, p. 134 ss.

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Le Conseil fédéral avait déjà proposé dans l'avant-projet que l'avance de frais exigée par le tribunal ne dépasse pas la moitié des frais judiciaires présumés (art. 98, al. 1, AP-CPC). Cette proposition figurait d'ailleurs également dans l'avant-projet soumis à la consultation en 2003. À l'époque, la commission d'experts avait souligné qu'il s'agissait là d'une «ligne médiane entre les réglementations cantonales» et que l'avance de frais n'était pas si élevée qu'elle entraverait démesurément l'accès aux tribunaux160. En raison des critiques formulées alors par les cantons, qui craignaient devoir supporter des coûts supplémentaires, la limite supérieure a été fixée dans la loi à la totalité des frais judiciaires présumés. Les considérations liées à l'État de droit n'ont pas été suffisamment prises en compte, ce que le Conseil fédéral entend corriger maintenant. La proposition a suscité des réactions divergentes lors de la consultation: si de nombreux cantons, partis et organisations y sont favorables et ont parfois même proposé de limiter davantage le montant maximal des avances, une petite majorité des cantons la rejette en invoquant les coûts supplémentaires qu'elle implique161. Malgré ces critiques, le Conseil fédéral confirme sa position visant à réduire de moitié l'avance de frais, mais la relativise en complétant la disposition en un point essentiel: contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, il sera possible de continuer à exiger une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires présumés pour certaines procédures. Il s'agit là d'une exception à la règle générale, qui était également prévue dans l'avant-projet de la commission d'experts de 2003. Le Conseil fédéral tient ainsi compte des craintes formulées par les cantons.

Le nouvel al. 1 pose le principe selon lequel le montant de l'avance des frais judiciaires ne pourra pas dépasser la moitié des frais escomptés. Cette réglementation se justifie, ne serait-ce que par le fait que le risque lié aux frais est, dans l'abstrait, réparti par moitié entre le demandeur et le défendeur, de sorte que le demandeur devrait logiquement avancer seulement la moitié du montant prévisible des frais. Le principe de causalité commande lui aussi que des émoluments et des taxes puissent être exigés pour les prestations fournies par l'État,
ces frais devant en principe être supportés par la personne qui a sollicité les prestations et est de ce fait à l'origine des dépenses. Enfin, la possibilité d'exiger des avances de frais représente aussi un moyen efficace d'empêcher les procès abusifs, chicaniers ou émanant de justiciables quérulents. La disposition restera facultative, de sorte que les tribunaux devront décider, en tenant compte des circonstances concrètes, si le demandeur doit avancer les frais et, le cas échéant, dans quelle proportion. Comme les cantons restent souverains pour fixer les tarifs (voir le commentaire de l'art. 96), ce sont eux qui décident en fin de compte du montant maximal de l'avance.

160 161

Rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 52 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1 et 5.16

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Compte tenu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral propose de prévoir dans un nouvel al. 2 que le juge pourra déroger au principe et exiger le versement de la totalité des frais judiciaires escomptés sous forme d'avance pour certaines procédures. La règle posée par le droit en vigueur deviendra donc l'exception, mais restera déterminante dans certaines procédures. Le projet prévoit ce qui suit: ­

Selon la let. a, il sera possible, comme c'est déjà le cas actuellement, d'exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés pour les actions visées au nouvel art. 6, al. 4, let. c, et à l'art. 8 CPC. Dans ce type de procédure, la partie demanderesse saisit consciemment, volontairement et avec l'accord de l'autre partie directement le tribunal de commerce (art. 6, al. 4, let. c, P-CPC) ou une juridiction cantonale unique (art. 8 CPC), ce qui justifie parfaitement qu'elle soit appelée à verser une avance plus élevée. Ces considérations valent en particulier pour la saisie du tribunal de commerce dans les litiges commerciaux internationaux, que prévoit l'art. 6, al. 4, let. c, P-CPC (voir les explications à ce sujet au ch. 4.1.6 et le commentaire de l'art. 6, al. 4). Il en va autrement en cas de compétence ordinaire des juridictions statuant en instance cantonale unique visées aux art. 5 et 7 CPC et dans les autres cas visés à l'art. 6 CPC, car le demandeur n'a alors pas la possibilité de choisir le tribunal.

­

Selon la let. b, une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires présumés pourra être exigée pour la procédure de conciliation Cette proposition est reprise de l'avant-projet de la commission d'experts. Cette solution se justifie d'autant plus que les coûts de la procédure de conciliation sont peu élevés: l'obligation de verser une avance (modeste) a un effet d'avertissement et constitue un moyen efficace visant à empêcher les procès abusifs, chicaniers ou émanant de justiciables quérulents.

­

Selon la let. c, il restera également possible d'exiger une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires dans la procédure sommaire, à laquelle s'appliquent en règle générale des tarifs réduits: maintenir le système actuel facilitera notamment l'encaissement des frais judiciaires dans ce type de cas ­ nombreux ­ et réduira considérablement les coûts supplémentaires craints par les cantons. Sont concernées entre autres les affaires relevant de la LP et traitées en procédure sommaire conformément à l'art. 251 CPC. Cela permet aussi de garantir l'harmonisation avec la procédure de poursuite, pour laquelle les frais doivent être avancés par le créancier (voir l'art. 68, al. 1, LP).

En contrepartie, seule une avance correspondant à la moitié des frais judiciaires escomptés pourra être demandée en cas de procédures sommaires portant sur les mesures provisionnelles visées aux art. 248, let. d, et 261 à 269 CPC, ou sur les litiges relevant du droit de la famille visés aux art. 271, 276, 302 et 305 CPC (avant tout sur les mesures protectrices de l'union conjugale, les mesures provisionnelles en procédure de divorce, les mesures visant à protéger les enfants ou encore les procédures en matière de partenariat enregistré). Dans ces cas spécifiques, l'accès à la justice ne doit en aucun cas être entravé par des avances de frais élevées; aujourd'hui déjà, les tribunaux renoncent d'ailleurs à exiger des avances ou ne demandent que des

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avances (forfaitaires) minimales dans les litiges relevant du droit de la famille.

­

Selon la let. d, on pourra encore demander une avance de frais maximale pour la procédure de recours. Cette proposition correspond également à l'avant-projet de la commission d'experts. Exiger de la partie qui interjette recours de verser une avance plus élevée se justifie du fait qu'il faut remplir des conditions supplémentaires pour avoir accès à cette procédure.

Art. 106, al. 3 L'art. 106 CPC règle la répartition des frais. Dans l'avant-projet envoyé en consultation, le Conseil fédéral avait proposé d'adapter les al. 1 et 3 et d'ajouter un nouvel al. 1bis. Vu les avis exprimés, il renonce à modifier l'article à l'exception de l'al. 3.

Une exception à la règle qui met les frais à charge de la partie succombante, dans le cas où le défendeur a acquiescé à la prétention dès sa réception ­ possibilité qui existait dans les codes cantonaux de procédure civile162 ou qui existe encore en droit étranger163 ­ a été considérée par la plupart des participants à la consultation comme une ingérence inutile dans la liberté d'appréciation du juge164. Ils ont notamment fait valoir que le juge pouvait déjà procéder à une répartition des frais différente et plus équitable en application de l'art. 107, al. 1, let. f, CPC165.

L'al. 3 règle la répartition des frais judiciaires lorsque plusieurs parties principales ou accessoires participent au procès. Selon le droit en vigueur, le tribunal détermine la part de chacune d'entre elles au frais du procès et peut les tenir pour solidairement responsables (art. 106, al. 3, in fine). En pratique, sur la base de cette règle et notamment dans les cas de consorité simple, le tribunal peut tenir les consorts pour solidairement responsables, chacun d'entre eux courant alors le risque hypothétique de devoir prendre en charge l'ensemble des frais, dans la mesure où ces derniers pourraient lui être intégralement réclamés avant de l'être aux autres. Dans les faits, une telle règle conduit à une renonciation à la forme de procédure intéressante et économique que constitue la consorité (simple), notamment dans les cas de dommages collectifs. Comme la répartition des frais sous la forme actuelle n'est pas entièrement satisfaisante, le Conseil fédéral propose de l'adapter comme suit: ­

La 1re phrase précise que le tribunal doit déterminer la part de chacune des parties principales ou accessoires aux frais en fonction de leur participation au litige.

­

Dans la 2e phrase, une mention selon laquelle une responsabilité solidaire ne peut être ordonnée que dans les cas de consorité nécessaire (art. 70) est ajoutée. Cette règle reste en effet utile et appropriée lorsqu'un même rapport de droit n'est susceptible de faire l'objet que d'une décision unique valant pour toutes les parties et lorsqu'il existe également un rapport de solidarité ou une responsabilité solidaire des parties ­ découlant généralement du droit maté-

162

Notamment l'ancien CPC du canton de Berne, art. 60, et l'ancien CPC du canton du Jura, § 59 163 § 93 du CPC allemand et § 45 du CPC autrichien 164 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.18 165 Voir par ex. Denis Tappy, art. 106 no 31, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019.

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riel. Le projet prévoit en revanche qu'il n'est plus possible d'ordonner une responsabilité solidaire en cas de consorité simple. Comme on l'a déjà mentionné, une telle modification permettra d'améliorer la praticabilité de la consorité simple, en particulier pour la mise en oeuvre collective de droits ensuite de dommages collectifs.

Le Conseil fédéral estime que, malgré les avis mitigés exprimés lors de la consultation, la modification proposée permettra d'améliorer l'application du CPC, qu'elle ne limitera guère la liberté d'appréciation du juge lors de la répartition des frais et qu'elle ne produira pas d'effets significatifs au détriment des cantons sur le recouvrement des frais judiciaires.

Art. 111, al. 1 et 2 Le texte de la disposition en vigueur prévoit que les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties, le montant restant devant être versé par la personne à qui incombe la charge des frais; le règlement se fait en outre directement entre les parties, celle à qui incombe la charge des frais restituant à l'autre les avances que celle-ci avait fournies (art. 111, al. 1 et 2). Le risque lié à l'encaissement des frais judiciaires est donc entièrement reporté sur les parties, en principe celle ayant obtenu gain de cause, dans la mesure où le seul débiteur duquel elle peut exiger le remboursement des avances fournies est la partie adverse. En pratique, cela signifie qu'une partie intentant une action justifiée et obtenant entièrement gain de cause doit en principe également supporter les frais de justice dans un premier temps, n'ayant pour ces derniers qu'une créance en remboursement contre la partie adverse.

Cette règle n'est pas satisfaisante et elle fait l'objet de critiques depuis qu'elle a été instituée (voir les ch. 2.1 et 4.1.1). Le Conseil fédéral est d'avis que le risque de recouvrement et d'insolvabilité en lien avec les frais judiciaires ne peut pas être entièrement reporté par l'État sur les parties et que la réglementation doit être adaptée dans le sens de l'avant-projet de 2003. Cette proposition a rencontré l'aval d'une majorité des participants à la consultation, même si une majorité des cantons n'y est pas favorable166.

En conséquence, l'al. 1 est adapté et complété: les frais judiciaires sont compensés par les avances fournies par les parties
lorsque ces frais leur sont imputés ­ ce qui se faisait déjà jusqu'ici ­ et l'avance est restituée. Contrairement à ce que disposait l'avant-projet en matière de restitution, une réserve est prévue pour les cas énumérés à l'art. 98, al. 2, P-CPC, dans lesquels le demandeur pourra toujours être appelé à verser une avance de frais à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

Cela concerne notamment les affaires relevant de la LP qui sont traitées en procédure sommaire. Il en résulte une reformulation de la 1re phrase et l'ajout d'une 2e phrase. La 3e phrase contient la règle, inchangée, selon laquelle la personne à qui incombe la charge des frais verse l'éventuel montant restant.

L'al. 2, qui règle la répartition des frais entre les parties en lien avec les avances versées et les dépens alloués, est adapté en conséquence: la partie à qui incombe la 166

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1 et 5.21

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charge des frais ne restituera l'avance à l'autre partie que dans la mesure où le tribunal ne le fait pas; elle devra verser les dépens alloués (directement) à l'autre partie, comme le prévoit déjà le droit actuel. Cette adaptation n'a pas d'effet sur les exceptions prévues à l'art. 98, al. 2, P-CPC.

Art. 118, al. 2, 2e phrase Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la procédure de preuve à futur en vue de clarifier les chances d'un procès au sens de l'art. 158, al. 1, let. b, CPC n'entre pas dans le champ d'application matériel de l'assistance judiciaire, dès lors que la tâche de l'État est limitée à l'octroi d'une aide (financière) lorsqu'à défaut de cette dernière, le justiciable perdrait un droit ou ne serait pas en mesure de se défendre contre une atteinte considérée comme injustifiée. Dans la mesure où la procédure de preuve à futur ne porte pas sur la détermination d'obligations et de droits matériels et que le demandeur ne risque pas directement de perdre un droit, l'assistance judiciaire ne peut pas être octroyée pour une procédure de preuve à futur167.

Cette jurisprudence a donné lieu à plusieurs critiques168. Le Conseil fédéral est d'avis que ces critiques sont justifiées et que le CPC ne prévoit pas de solution satisfaisante sur ce point. L'assistance judiciaire doit en effet aussi pouvoir être octroyée pour les procédures de preuve à futur. En conséquence, le Conseil fédéral propose de prévoir désormais clairement dans une nouvelle 2e phrase de l'art. 118, al. 2, que l'assistance judiciaire puisse aussi être accordée pour l'administration des preuves à futur. La majorité des participants à la consultation soutiennent d'ailleurs cette proposition169.

Lorsque les conditions applicables sont remplies, il sera possible d'obtenir l'assistance judiciaire pour l'administration des preuves à futur au sens de l'art. 158 CPC, en particulier lorsque le requérant rendra vraisemblable la mise en danger des preuves ou un intérêt digne de protection, conformément à l'art. 158, al. 1, let. b, CPC. La demande concrète de preuves à futur formulée ne devra toutefois pas être dépourvue de toute chance de succès (art. 117, let. b, CPC). Dans ce cadre, on pourra s'inspirer notamment de la pratique en matière d'assistance judiciaire pour les mesures provisionnelles et superprovisionnelles.

Art. 129,
al. 2 L'art. 129 CPC règle la question de la langue utilisée dans la procédure: la procédure est conduite dans la langue officielle du canton dans lequel l'affaire est jugée, et les cantons qui reconnaissent plusieurs langues officielles peuvent adopter des règles 167

ATF 141 I 241 consid. 3; 140 III 12 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_334/2015 du 22 septembre 2015; la position était apparemment encore différente dans l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_488/2012 du 5 novembre 2012.

168 Daniel Wuffli, Vorsorgliche Beweisführung ­ kein Verfahren für Bedürftige, PCEF 2014 p. 141 ss, 145; Benjamin Schumacher, Zweifelhafte Bundesgerichtspraxis zur vorsorglichen Beweiswürdigung, plaidoyer 1/2016, p. 36 ss; Alfred Bühler, Unentgeltliche Rechtspflege, in Fellmann/Weber (éd.), Haftpflichtprozess 2015, Zurich 2015, p. 85 ss, 104 ss; Tanja Domej, Art. 158 ZPO in der Praxis ­ Ende einer Hoffnung?, in Fellmann/Weber (éd.), Haftpflichtprozess 2014, Zurich 2014, p. 69 ss, 94 s 169 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.23

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sur leur utilisation. Si cette norme a fait ses preuves depuis l'entrée en vigueur du CPC, elle s'est aussi avérée trop restrictive sur un point: en liant la langue utilisée dans la procédure civile directement à la langue officielle du canton, l'utilisation d'autres langues que les langues officielles est de facto interdite170. Comme les cantons doivent également respecter les principes énoncés à l'art. 70, al. 2, Cst. pour déterminer leurs langues officielles la situation est doublement insatisfaisante, car elle empêche d'une part l'utilisation d'une autre langue nationale qui ne serait pas la langue officielle du canton concerné ­ ce qui touche plus spécifiquement les cantons situés aux frontières linguistiques ou nationales ­ et interdit d'autre part le recours à l'anglais, ce qui est trop limitatif dans le monde d'aujourd'hui, surtout dans certains domaines économiques. Elle inhibe les cantons dans leurs efforts de rendre la Suisse plus active et plus attrayante comme haut lieu international du règlement de différends en matière civile et commerciale, développement que le Conseil fédéral voit d'un bon oeil (voir aussi le ch. 4.1.6): vu que les procédures internationales sont menées la plupart du temps en anglais, parfois en français, ces efforts ne seront couronnés de succès qu'à la condition que les procédures civiles puissent être menées dans une autre langue que la langue officielle du canton et que cette règle s'applique en partie également à d'éventuelles procédures de recours devant le Tribunal fédéral (voir le ch. 5.2.1), comme le montrent les initiatives poursuivies à l'étranger171. Plusieurs participants à la consultation ont demandé que l'art. 129 CPC soit complété dans ce sens172.

Le Conseil fédéral propose de ce fait d'ajouter un nouvel al. 2 à l'art. 129 CPC: le droit fédéral conférera aux cantons la compétence expresse de régler dans leur législation l'utilisation d'autres langues nationales que leur langue officielle ou de l'anglais comme langue de procédure à la demande de toutes les parties. Chaque canton sera libre de décider s'il veut faire usage de ces nouvelles possibilités ­ son autonomie en matière de langue et d'organisation ne sera pas touchée ­ et il pourra également décider s'il veut recourir à d'autres langues de façon générale ou uniquement pour les procédures
visant à régler d'importants litiges internationaux. Forts de cette compétence, les cantons pourront admettre d'autres langues que leur langue officielle dans leurs lois d'organisation judiciaire, le choix d'autres langues ne valant, de par le droit fédéral, que si toutes les parties à la procédure le demandent.

Le Conseil fédéral estime qu'il est important de demander au législateur cantonal de prendre cette décision et de ne pas laisser le choix aux tribunaux ou aux parties, comme il en avait été question lors de l'instauration du CPC, proposition qui avait d'ailleurs été rejetée par le Parlement. Le Conseil fédéral est toutefois opposé à instaurer dans le droit fédéral une règle permettant que les mémoires puissent être déposés dans n'importe quelle langue officielle dans les procédures civiles ou pénales menées devant les autorités cantonales173. Aux fins de protéger les parties, les 170

Voir aussi la décision 400 18 41 du tribunal cantonal de Bâle-Campagne du 9 octobre 2018, consid. 5.5.

171 Voir les innovations introduites en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, centrées sur l'institution de l'anglais comme langue de procédure (voir les ch. 3 et 4.1.6 et les références citées).

172 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.1 173 Voir la motion 18.4358 Candinas «Langue des documents remis dans le cadre des procédures cantonales».

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négociations ne pourront être menées et les décisions rédigées dans une autre langue que la langue officielle du canton que si toutes les parties font une demande en ce sens. Dans les affaires internationales en matière civile et commerciale, qui pourront à l'avenir, si une convention ad hoc a été conclue, être portées devant un tribunal de commerce spécialisé dans les litiges internationaux, cette exigence ne posera pas de problème aux parties, qui auront souvent déjà convenu de façon contraignante dans la convention de for que l'anglais sera la langue de procédure, ce qui sera considéré comme une demande. En outre, les cantons ou les tribunaux pourront prévoir que les décision seront traduites aux frais des parties, conformément à ce qui se fait en règle générale à l'étranger174. La procédure devant le Tribunal fédéral ne connaîtra pas de changement et devra être conduite dans une langue officielle. Les décisions seront en particulier toujours rédigées dans une langue officielle (voir ch. 5.2.1).

Art. 143, al. 1bis L'art. 143 CPC fixe les règles en matière d'observation des délais. Les travaux d'examen de la praticabilité du CPC ont mis en évidence un manque de réglementation en matière d'observation des délais et de traitement des actes des parties lorsque ces derniers sont adressés à un tribunal incompétent. Le CPC se démarque sur ce point d'autres lois fédérales de procédure prévoyant des règles pour ces cas, telles que la LTF (art. 48, al. 3), le code de procédure pénale (CPP 175; art. 91, al. 4), la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA176; art. 39, al. 2) ou la LP (art. 32, al. 2). Dans le but de poursuivre l'amélioration du CPC, le Conseil fédéral a donc proposé la création d'une part d'une nouvelle disposition visant les cas de renvoi pour incompétence (voir l'art. 60a AP-CPC) et d'autre part d'une nouvelle règle en matière d'observation des délais lorsque des actes sont adressés à un tribunal manifestement incompétent (art. 143, al. 1bis, AP-CPC). Étant donné que l'art. 60a AP-CPC a suscité de nombreuses critiques177, le Conseil fédéral renonce à le maintenir (voir aussi le ch. 4.3).

Il maintient en revanche la modification de l'art. 143 CPC. Le nouvel al. 1bis vise à régler la question de l'observation des délais lorsque des actes
sont adressés par erreur à un tribunal suisse manifestement incompétent. Le délai dans lequel ces actes doivent être remis sera réputé préservé lorsqu'ils auront été adressés dans les temps.

Dans un tel cas, le tribunal non compétent aura à certaines conditions l'obligation de transmettre d'office les actes au tribunal compétent. Ce principe prévaudra également pour le CPC, non seulement en cas de remise dans les délais et par erreur du mémoire d'appel ou de recours au judex a quo (instance précédente) au lieu du judex ad quem (instance d'appel ou de recours)178, mais de façon générale dans tous les cas où l'acte est adressé par erreur à un tribunal suisse manifestement incompétent.

174

175 176 177

178

Voir par ex. la Chambre internationale du tribunal de commerce de Paris et la Cour d'appel de Paris ou encore la chambre du tribunal de Francfort qui est spécialisées dans les affaires de commerce international (voir le ch. 3).

RS 312 RS 830.1 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.6. Voir aussi Mirco Ceregato, Der Vorentwurf zur Revision der Schweizerischen Zivilprozessordnung ­ Übersicht und Würdigung, Vorentwurf ZPO-Revision vom 2. März 2018, Jusletter du 10 septembre 2018, note 141.

ATF 140 III 636, consid. 2 à 4.

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Cette règle générale de procédure s'appliquera également aux autorités de conciliation. Contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet, l'obligation de transmettre les actes vaudra uniquement s'ils doivent être transmis à un tribunal suisse et non à un tribunal étranger, et seulement si un autre tribunal suisse est manifestement compétent. La transmission devra par ailleurs se faire rapidement mais pas «immédiatement».

Art. 149 Le texte de la disposition en vigueur prévoit que le tribunal statue définitivement sur une requête en restitution d'un délai ou demandant la citation à une nouvelle audience. Le recours contre un refus de restitution est ainsi en principe exclu. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le texte de cette disposition doit toutefois être relativisé: une exclusion de tout recours contre un refus de restitution de délai ne peut pas être imposée à la partie défaillante lorsque le refus entraîne la perte définitive d'une prétention ou de la possibilité de faire valoir un droit179.

Étant donné que cette question touche aux règles applicables en matière de voies de droit et a un effet direct sur les droits procéduraux des différentes parties, il semble justifié de préciser le texte de loi, ce qui permet ici encore d'améliorer le CPC. La modification a été approuvée lors de la procédure de consultation180. Le Conseil fédéral propose donc de compléter la disposition en vigueur dans le sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral, en précisant que le tribunal statue définitivement sur la restitution, à moins que le refus de restitution n'empêche définitivement la partie d'agir ou de recourir et n'entraîne la perte définitive du droit. Dans un tel cas, la décision pourra faire l'objet d'un recours ou d'un appel si cette voie est ouverte 181.

Art. 160a

Exception en faveur des services juridiques des entreprises

Le droit prévoit aujourd'hui que seuls les avocats peuvent se prévaloir du secret professionnel prévu par le droit pénal (art. 321 CP) et des droits spéciaux de refuser la collaboration qui en découlent (art. 163, al. 1, let. b, et 166, al. 1, let. b; art. 160, al. 1, let. b, CPC)182. C'est dans ce contexte que l'initiative parlementaire Markwalder 15.409 «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise» a été déposée et que suite lui a été donnée. L'initiative demande la création d'un nouvel art. 160a CPC prévoyant en procédure civile un droit de refuser de collaborer pour les juristes d'entreprise. Cette mesure que le Conseil fédéral a soumise à la discussion dans le cadre de la consultation a été approuvée par une majorité de participants, surtout par les milieux économiques, alors que la majorité des cantons l'a 179

ATF 139 III 478, consid. 1 et 6 ainsi que les arrêts du Tribunal fédéral 4A_260/2016 du 5 août 2016, consid. 1.1, et 5A_964/2014 du 2 avril 2015, consid. 2.3 180 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.27 181 Barbara Merz, art. 149 no 8, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016; Adrian Staehelin, art. 149 no 4, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016 182 Voir motion CAJ-N 07.3281 «Devoirs et droits des employés exerçant une activité de conseil juridique ou de représentation en justice. Assimilation aux avocats indépendants»; initiative parlementaire Markwalder 15.409 «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise»; postulat CAJ-E 16.3263 «Protection du secret professionnel des juristes d'entreprise».

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rejetée183. Se fondant sur ces résultats, le Conseil fédéral maintient sa proposition qui vise à éliminer les désavantages procéduraux que les entreprises suisses subissent à l'étranger184, même s'il comprend que des doutes puissent être émis quant à la nécessité d'adopter cette règle (voir le ch. 4.1.4). Il renonce cependant à suivre les suggestions avancées par quelques participants à la consultation tendant à l'extension de la mesure aux services des sinistres des assurances de protection juridique ou à l'adoption de règles similaires dans d'autres actes normatifs 185.

Le nouvel art. 160a P-CPC prévoit une exception spéciale à l'obligation de collaborer au sens de l'art. 160 CPC pour les services juridiques internes des entreprises selon les principes suivants: ­

La phrase introductive de l'al. 1 prévoit que l'exception à l'obligation générale de collaborer vaut tant pour les parties à une procédure civile que pour les tiers. Si l'une des parties est une personne morale, l'exception vaudra pour ses organes (de fait), ces derniers étant traités comme une partie dans la procédure d'administration des preuves (art. 159 CPC) dans la mesure où les personnes ayant qualité d'organes ont les mêmes obligations et droits de refuser de collaborer que les parties à la procédure186. L'exception vaudra pour les tiers dans la mesure où il s'agit d'entreprises disposant d'un service juridique interne ou de personnes employées par un tel service.

­

L'exception ne visera que l'activité du service juridique interne de l'entreprise et ce n'est que dans ce cadre que les personnes concernées par l'exception seront libérées de l'obligation de collaborer (al. 1, phrase introductive). La let. a précise par ailleurs que sont visées les activités qui seraient considérées comme spécifiques à l'exercice de sa profession si elles étaient exécutées par un avocat. Le texte proposé reprend sur ce point la condition usuelle du secret de l'avocat, selon laquelle ce dernier ne peut s'en prévaloir que dans le cadre de l'activité spécifique de sa profession. Les activités notamment privées, politiques ou sociales d'un avocat doivent en être distinguées, tout comme en particulier ses activités commerciales, telles que la gestion de fortune ou les activités d'investissement dès lors qu'elles ne sont pas en rapport direct avec l'activité spécifique de l'avocat187.

­

Il est également nécessaire que le service juridique interne se prévalant d'une exception à l'obligation de collaborer dans le cadre d'une activité qui serait spécifique au métier d'avocat soit dirigé par une personne titulaire d'un brevet cantonal d'avocat ou remplissant dans son État d'origine les conditions professionnelles requises pour exercer en tant qu'avocat (let. b).

Au moins la personne qui dirige le service juridique interne de l'entreprise

183 184

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.4 et 5.28 Voir l'avis de droit no 16-156, très complet, rendu par l'Institut suisse de droit comparé le 11 septembre 2017.

185 Voir la synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.28, et Roman Huber, Interne Untersuchungen und Anwaltsgeheimnis Entwicklungen und Eckpunkte einer «Best Practice» für Unternehmen, GesKR 2019, p. 65 ss, 69.

186 Message sur le CPC, FF 2006 6841 6925 s.; Franz Hasenböhler, art. 159, ch. 22, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016 187 ATF 120 Ib 112, consid. 4; ATF 112 Ib 606

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devra disposer des qualifications requises pour exercer la profession d'avocat. Ce critère vise à garantir que ce service dispose du niveau de compétences professionnelles requis, et à assurer en particulier que la spécificité de son activité soit connue et reconnue. Même si cette condition n'apparaît pas pertinente aux yeux d'une minorité de participants, le Conseil fédéral entend la maintenir en tant que critère de qualité indirect.

­

L'al. 2 prévoit que ­ tout comme pour la correspondance de l'avocat visée à l'art. 160, al. 1, let. b, CPC ­ cette exception à l'obligation générale de collaborer s'étend aux documents concernant des contacts avec le service juridique interne de l'entreprise, sans que la question de savoir si le service juridique interne concerné a ou non la maîtrise de ces documents ait d'importance.

Art. 170a

Audition par vidéoconférence

Le CPC ne prévoit pas la possibilité d'interroger les témoins par vidéoconférence, contrairement au CPP (voir l'art. 144 CPP). Tenant compte des possibilités techniques en plein essor et de l'internationalisation accrue de presque tous les aspects de la vie ­ également de celle des parties à une procédure civile ­, le Conseil fédéral estime qu'une disposition analogue doit être inscrite dans le CPC. Cette nécessité résulte également de l'objectif consistant à faire de la Suisse un haut lieu de la justice internationale (voir le ch. 4.1.4). C'est pourquoi le Conseil fédéral propose un nouvel art. 170a permettant aux tribunaux de procéder à des auditions de témoins par vidéoconférence ou au moyen d'outils techniques analogues, les auditions devant faire l'objet d'un enregistrement sur un support audiovisuel. Les tribunaux seront libres de décider s'ils veulent faire usage de cette possibilité et selon quelles modalités. Il sera également possible de recourir à ces techniques pour l'interrogatoire et la déposition des parties (voir le commentaire des art. 187 et 193 P-CPC). En cas de vidéoconférences impliquant des personnes à l'étranger, les règles de l'entraide judiciaire internationale en matière civile devront être respectées 188.

Art. 176, al. 3 La règle sur l'enregistrement des dépositions par des moyens techniques de l'art. 176, al. 3, CPC, qui a été instituée lors de la première modification du CPC, n'a pas été entièrement concluante dans la pratique, raison pour laquelle elle est supprimée et remplacée par une disposition générale, analogue à celle du CPP en cours de révision, qui fait l'objet d'un article séparé (voir l'art. 176a P-CPC).

Art. 176a

Procès-verbal en cas d'enregistrement

Parallèlement à la suppression de l'art. 176, al. 3, CPC, un nouvel art. 176a P-CPC est créé pour préciser les règles qui s'appliquent au procès-verbal en cas d'enregistrement de dépositions par des moyens techniques, afin que les personnes et les 188

Voir à ce propos les Lignes directrices de l'Office fédéral de la justice, Entraide judiciaire internationale en matière civile, 3e éd., Berne 2003, disponible à l'adresse www.rhf.admin.ch > Droit civil > Directives et aide-mémoire.

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tribunaux concernés bénéficient des simplifications et allégements attendus. La disposition proposée correspond à la norme formulée dans le cadre de la révision du CPP (voir l'art. 78a P-CPP)189. Elle précise que le procès-verbal pourra également être rédigé par la suite sur la base de l'enregistrement (let. a). Contrairement à ce que prévoit le CPP, les dépositions ne devront pas être consignées au procès-verbal séance tenante. Les let. b et c correspondent à l'actuel art. 176, al. 3, CPC, qui est abrogé: comme c'est déjà le cas actuellement, le tribunal pourra renoncer à lire le procès-verbal au témoin ou à le lui remettre pour lecture et signature, et il versera l'enregistrement au dossier. Ces dispositions spéciales sur le procès-verbal seront formulées de façon analogue à celles du CPP.

Art. 177 L'art. 168, al. 1, CPC prévoit une liste exhaustive des preuves admissibles en procédure civile (numerus clausus des moyens de preuve)190. Les titres en font partie à côté du témoignage, de l'inspection, de l'expertise, des renseignements écrits, de l'interrogatoire et de la déposition de partie. L'art. 177 définit pour sa part quels documents constituent des titres au sens du CPC. Il s'agit des écrits, dessins, plans, photographies, films, enregistrements sonores, fichiers électroniques et données analogues propres à prouver des faits pertinents.

Sur la base de cette disposition, le Tribunal fédéral a jugé que les expertises privées ou soumises par les parties ­ c'est-à-dire les rapports d'experts n'ayant pas été sollicités par le tribunal conformément aux art. 183 ss mais commandés par une partie elle-même191 ­ ne constituaient pas des titres au sens de l'art. 177 et n'étaient en conséquence pas des moyens de preuve admissibles au sens de l'art. 168, al. 1192.

Cela résulte en premier lieu, selon lui, du fait que, lors de l'élaboration du CPC, les expertises privées ou soumises par les parties ont été exclues non seulement en tant que type d'expertise mais de façon générale en tant que moyen de preuve. En contradiction avec une grande partie de la doctrine193, cette jurisprudence a fait l'objet de critiques194.

189

190 191 192 193

194

Message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383 de la CAJ-E «Adaptation du code de procédure pénale»), FF 2019 6351, et projet de loi correspondant, FF 2019 6437 Voir le message sur le CPC, FF 2006 6841, 6929, et l'ATF 141 III 433, consid. 2.5.1, qui fait référence à l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_957/2012 du 28 mai 2013, consid. 2.

Voir sur cette notion David Rüetschi, Das Parteigutachten unter der neuen ZPO, in Bundi/Schmidt (éd.), FS Meissner, Berne 2012, p. 3 ss, 11 s.

ATF 141 III 433, consid. 2 Voir par ex. Thomas Weibel, art. 177 no 4, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Hans Schmid, art. 177 no 3, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Andreas Binder/Roman S. Gutzwiller, Das Privatgutachten ­ eine Urkunde gemäss Art. 177 ZPO, PCEF 2013, p. 171 ss; en ce sens également François Vouilloz, Le témoignage écrit, RVJ 2016, p. 343 ss; contra Heinrich Andreas Müller, art. 177 no 11, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016; contre ce point de vue également David Rüetschi, Das Parteigutachten unter der neuen ZPO, in Bundi/Schmidt (éd.), Festschrift Meissner, Berne 2012, p. 3 ss, p. 14; opérant une différenciation, Philippe Schweizer, art. 177 n o 4, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019.

Voir Francesco Trezzini/François Bohnet, L'expertise privée selon l'ATF 141 III 433 ­ Une preuve imparfaite issue d'un concept imparfait, RDS 2017 I, p. 367 ss; Hans Schmid, Privatgutachten im Zivilprozess, RSJ 2016, p. 527 ss.

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Le Conseil fédéral est d'avis que cette interprétation du droit n'est pas satisfaisante et que ce point doit donc être adapté. Il propose en conséquence de prévoir expressément dans la loi que les expertises privées des parties sont également considérées comme des titres soumis aux principes généraux applicables en la matière et constituent ainsi un moyen de preuve admissible selon l'art. 168, al. 1, let. b. Les expertises privées ou fournies par les parties resteront bien entendu soumises au principe de la libre appréciation des preuves par le tribunal au sens de l'art. 157 CPC et leur force probante dans le cas concret dépendra de toutes les circonstances à prendre en compte (par ex. les liens entre la partie et l'expert, les circonstances de l'attribution du mandat, la procédure et le déroulement de l'expertise, la compétence de l'expert, etc.). Cette mesure permettra d'améliorer le CPC sur un point essentiel du droit de la preuve. Elle est par ailleurs cohérente au regard de la jurisprudence en droit des assurances sociales relative aux expertises privées ou soumises par les parties 195.

Une majorité de participants a souscrit à cette proposition196.

Art. 187, al. 1, 3e phrase, et al. 2 La disposition concerne le rapport de l'expert demandé par le tribunal. Conformément au droit en vigueur, le rapport peut être déposé par écrit ou présenté oralement.

Une harmonisation avec la nouvelle disposition sur l'audition par vidéoconférence (art. 170a P-CPC) est proposée: l'art. 187, al. 1, CPC est complété par une 3e phrase précisant que l'art. 170a P-CPC s'applique par analogie. De plus, à l'al. 2, l'art.

176a P-CPC est ajouté à l'art. 176 dans le renvoi, pour les cas où le rapport de l'expert est présenté oralement.

Art. 193

Procès-verbal et vidéoconférence

Les nouvelles dispositions sur l'audition par vidéoconférence (art. 170a P-CPC) et le procès-verbal en cas d'enregistrement (art. 176a P-CPC) s'appliqueront non seulement à l'audition de témoins et à la citation d'experts, mais aussi à l'interrogatoire et à la déposition des parties: l'utilisation de ces moyens techniques peut également s'avérer utile dans ces cas. C'est pourquoi l'application par analogie des nouveaux art. 170a et 176a P-CPC est mentionnée à l'art. 193 P-CPC. Le titre est adapté en conséquence.

Art. 198, al. 1, let. bbis, f, h et i Cette disposition énumère les cas dans lesquels la procédure de conciliation ­ en principe obligatoire et devant précéder toute procédure de décision ­ n'a exceptionnellement pas lieu. L'art. 198 CPC contient la liste exhaustive des exceptions à l'obligation de passer par une tentative de conciliation. Ce système a démontré son efficacité (voir les ch. 1.1.5 et 4.1.3). Pour l'améliorer encore, le Conseil fédéral propose que l'art. 198 CPC soit adapté sur quatre points: 195 196

Voir par ex. ATF 125 V 351.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.29. Voir aussi Mirco Ceregato, Der Vorentwurf zur Revision der Schweizerischen Zivilprozessordnung ­ Übersicht und Würdigung, Vorentwurf ZPO-Revision vom 2. März 2018, Jusletter du 10 septembre 2018, note 114.

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197 198 199

200 201 202

­

Lors de la révision du droit relatif à l'entretien de l'enfant 197, une nouvelle let. bbis a été ajoutée, qui dispose que la procédure de conciliation n'a pas lieu en cas d'actions concernant la contribution d'entretien et le sort des enfants lorsqu'un parent s'est adressé à l'autorité de protection de l'enfant avant l'introduction de l'action. La disposition adoptée lors des délibérations parlementaires vise à éviter les doublons, vu qu'une procédure de conciliation s'avère superflue dans les cas où l'autorité de protection de l'enfant a été saisie, car celle-ci peut aussi mener une tentative de conciliation198. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle norme, l'expérience a montré que la conciliation était également superflue dans d'autres cas. D'une part, les accords conclus devant l'autorité de conciliation portant sur l'entretien de l'enfant sont soumis à l'approbation du tribunal ou de l'autorité de protection de l'enfant199, ce qui entraîne des doublons. D'autre part, tout tribunal et toute autorité de protection de l'enfant tâche de trouver d'abord une solution amiable, notamment lors des débats d'instruction visés à l'art. 226 et 246, al. 2, CPC, qui peuvent être menés en tout temps, si bien que l'objectif de la procédure de conciliation est atteint dans les faits sans autre mesure. C'est pourquoi plusieurs participants à la consultation ont proposé d'exclure la conciliation pour tous les litiges portant sur la contribution d'entretien et sur d'autres questions relatives au sort des enfants200. Le Conseil fédéral juge que cette solution est judicieuse et logique parce qu'elle aboutit à une règle de procédure simple et cohérente, qui correspond à l'intérêt et au bien de l'enfant et qui n'empêche pas le tribunal ou l'autorité de protection de l'enfant de tenter de trouver un accord entre les parties, sachant que tous deux peuvent également l'approuver le cas échéant.

­

L'art. 7 CPC prévoit que les cantons peuvent instituer un tribunal qui statue en tant qu'instance cantonale unique sur les litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale selon la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie201. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait que l'art. 7 ne soit pas mentionné à l'art. 198, let. f, comme le sont les art. 5 et 6 constitue un oubli manifeste du législateur202. Il y a donc lieu de corriger ce point et de prévoir expressément à la let. f que les cas relevant de l'art. 7 sont exemptés de l'obligation de passer par une procédure de conciliation. Compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral menRO 2015 4299 ss BO CE 2014 1126 (intervention du conseiller aux États Engler); BO CN 2015 86 (intervention de la conseillère fédérale Sommaruga) Selon le droit en vigueur, la compétence des tribunaux au sens de l'art. 287, al. 3, CC pour approuver ces accords est controversée (de cet avis par ex. Eva Bachofner/Francesca Pesenti, Aktuelle Fragen zum Unterhaltsprozess von Volljährigen, FamPra.ch 2016, p. 619 ss, note 58; tribunal cantonal de Zurich, Leitfaden neues Unterhaltsrecht, version de juillet 2018, p. 22 note 3), tout comme celle de l'autorité de protection de l'enfant (de cet avis par ex. Samuel Zogg, Selbständige Unterhaltsklagen mit Annexentscheid über die weiteren Kinderbelange ­ verfahrensrechtliche Fragen, FamPra.ch 2019, p. 1 ss, 6; Massimiliano Cometta, Le azioni indipendenti e la procedura di conciliazione, «Justice ­ Justiz ­ Giustizia» 2019/3, p. 67).

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.30 et 6.32 RS 832.10.

ATF 138 III 558, consid. 4

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tionnée, cette adaptation ne constitue pas une modification du droit. Les participants à la consultation ont tous souscrit à cette proposition203. Les litiges qui sont de la compétence d'une juridiction cantonale unique en vertu des art. 5 et 6 CPC, qui font l'objet de la let. f, sont déplacés et font l'objet du nouvel al. 3 de l'art. 199 CPC étant donné que la procédure de conciliation ne sera plus exclue d'office dans ces cas (voir le commentaire de l'art. 199 P-CPC).

203 204 205 206 207

208 209

­

La let. h prévoit une dérogation pour les cas où le tribunal fixe un délai pour mener une action. La dérogation vaut notamment pour la validation des mesures provisionnelles, mais ne s'applique pas aux délais de droit matériel fixés par le droit privé fédéral qui doivent être respectés en cas d'action. Elle vaut également pour l'action intentée en vertu de l'art. 315, al. 1, LP ou pour l'action visant à l'inscription définitive de l'hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs après son inscription provisoire, en vertu des art. 837, al. 1, ch. 3, et 839 ss du code civil (CC)204, ce qui pose un problème dans la pratique, car cette dernière action ne peut alors pas être formée dans la même procédure que l'action condamnatoire, connexe, qui se fonde sur le contrat d'entreprise et qui vise au paiement de la créance garantie par gage205. Compte tenu des demandes et suggestions formulées pendant la consultation206, le Conseil fédéral propose de compléter la let h: à l'avenir, il ne faudra pas non plus mener de procédure de conciliation pour les actions qui sont connexes à une action devant être introduite dans un délai fixé par le tribunal.

­

Le droit en vigueur prévoit qu'une procédure de conciliation doit précéder les actions relevant de la compétence du Tribunal fédéral des brevets. Toutes les parties prenantes admettent toutefois207 qu'il s'agit là d'un oubli du législateur, dû au fait que la création d'un Tribunal fédéral des brevets n'en était qu'au stade des discussions au moment de l'élaboration du CPC, qui n'a ensuite pas été adapté comme prévu 208. Ce point doit être corrigé dans le cadre de la présente révision. La liste des exceptions au principe de l'obligation de tenter la conciliation est donc complétée par une let. i visant les actions pour lesquelles le Tribunal fédéral des brevets est compétent. Cette modification permet de clarifier le droit et de confirmer sur le plan matériel la pratique en vigueur. Tous les participants à la consultation ont souscrit à cette proposition209.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.30 RS 210 Voir l'arrêt du tribunal cantonal de Zurich du 17 septembre 2014, ZR 113/2014 n o 80, 271; contra l'arrêt de la Cour suprême du canton de Berne du 25 juin 2015, ZK 15 153.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.30 et 6.31 s.

Voir, parmi d'autres, David Rüetschi, art. 27 no 19, in Calame/Hess-Blumer/Stieger (éd.), Kommentar Patentgerichtsgesetz, Bâle 2013 et Mark Schweizer, Das neue Bundespatentgericht: besser, schneller, billiger?, Jusletter du 12 mars 2012, nbp 36 et Florent Thouvenin, Bundespatentgericht: Verfahrensfragen am Übergang in eine neue Ära, sic! 2011 p. 479 ss, 488.

Voir le message sur le CPC, FF 2006 6841 6876.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.30

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FF 2020

Art. 199, al. 3 Conformément à l'actuel art. 198, let. f, CPC, la procédure de conciliation n'a pas lieu en cas de litige relevant de la compétence d'une instance cantonale unique en vertu des art. 5 et 6. Cette règle ne s'est toutefois avérée que partiellement satisfaisante en pratique. Elle a notamment pour effet qu'aux fins d'interrompre la prescription, une action doit être introduite directement devant l'instance cantonale unique lorsque les autres moyens prévus à l'art. 135, ch. 2, CO ne sont pas disponibles. Cela peut en particulier être le cas lorsqu'il n'y a pas de for pour la poursuite du débiteur en Suisse et que la voie simple et bon marché de la poursuite pour dettes n'est pas ouverte. Ce problème a déjà été soulevé peu de temps après l'entrée en vigueur du CPC par la motion 13.3845 Romano «Interruption de la prescription dans les procédures pour lesquelles la tentative de conciliation est exclue». Compte tenu de cette situation, de plus en plus de demandes motivées sommairement ont été déposées dernièrement devant les instances cantonales uniques pour être retirées immédiatement après, afin toutefois de profiter de la sorte de l'interruption de prescription obtenue210. En outre, dans certains des cas visés à l'art. 5 CPC et notamment pour les procédures visant à faire valoir des droits de propriété intellectuelle selon l'art. 5, al. 1, let. a, CPC l'introduction directe d'une action semble souvent peu appropriée, en particulier en cas de contentieux de masse entre un titulaire de droits de propriété intellectuelle ou une société de gestion et un grand nombre de personnes.

Le Conseil fédéral avait proposé dans l'avant-projet que, dans les litiges pour lesquels une instance cantonale unique est compétente conformément aux art. 5 et 6, le demandeur puisse également agir directement auprès du tribunal. Cette proposition a été bien acceptée par la majorité des participants à la consultation; différentes adaptations ont cependant été demandées211. Comme le droit en vigueur ne prévoit pas de possibilité d'interrompre la prescription par des démarches purement privées, le Conseil fédéral propose, en réponse aux avis exprimés, de régler la question en modifiant l'art. 199 CPC. L'al. 3 réglera les cas dans lesquels le demandeur pourra déposer une requête de conciliation facultative. S'il
procède de la sorte, les règles générales des art. 201 ss s'appliqueront. Si la tentative de conciliation échoue, l'autorité de conciliation délivrera l'autorisation de procéder conformément à l'art. 209, al. 1, CPC et le demandeur pourra introduire son action devant le tribunal compétent. Il est également possible que la procédure de conciliation aboutisse à une proposition de jugement (art. 210 CPC; pour la proposition de modification terminologique prévoyant le remplacement de «proposition de jugement» par «proposition de décision», voir supra sous remplacement d'une expression) ou à une décision (art. 212 CPC). Cette nouvelle règle s'appliquera à tous les litiges relevant de la compétence du tribunal de commerce en vertu de l'art. 6 CPC. Elle vaudra en principe également pour les litiges visés à l'art. 5 CPC, avec une restriction concernant ceux mentionnés à l'al. 1, let. a et c, qui sont soumis à une condition supplémentaire, la valeur litigieuse devant dans ce cas dépasser 30 000 francs. Une procédure de 210

Voir à ce propos Christof Bergamin, Verjährungsunterbrechung bei Nachbesserung Zum Problem bei Zuständigkeit eines Handelsgerichts, BR 2017, p. 13; James T. Peter, Verjährungsunterbruch von Ansprüchen mit handelsgerichtlicher Zuständigkeit, Revue de l'avocat 8/2012, p. 364 ss.

211 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.30

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conciliation pourra donc à l'avenir également être menée en cas de litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle, y compris en matière de nullité, de titularité et de licences d'exploitation ainsi que de transfert et de violation de ces droits (art. 5, al. 1, let. a) ou en cas de litiges portant sur l'usage d'une raison de commerce (art. 5, al. 1, let. c). Les justiciables pourront donc recourir, également dans ces cas, à ce moyen de règlement des différends rapide et peu coûteux, la procédure restant facultative si la valeur litigieuse dépasse 30 000 francs. Le demandeur pourra par ailleurs introduire son action directement devant le tribunal s'agissant des litiges visés à l'art. 8 CPC.

Art. 206, al. 4 L'art. 204 CPC règle la question de la comparution personnelle à l'audience de conciliation. Au vu de l'importance d'une présence en personne des parties au litige à l'audience de conciliation, le but de cette dernière étant d'aboutir à un accord, le CPC prévoit une obligation de principe de comparaître en personne (art. 204, al. 1).

En conséquence, l'art. 204, al. 3, CPC prévoit qu'une dispense de comparution ne peut être accordée que dans un nombre limité de cas, énumérés exhaustivement. Si une partie ne comparaît pas à l'audience de conciliation ou ­ dans les cas visés à l'art. 204, al. 3 ­ ne s'y fait pas représenter de façon conforme et contrevient ainsi à l'obligation générale de comparaître, la question des conséquences procédurales de ce comportement se pose. En principe, il constitue un défaut de la partie en question.

En procédure de conciliation, ce défaut fait l'objet d'une réglementation spéciale prévue à l'art. 206 CPC, distinguant le défaut du demandeur (aboutissant à un retrait de la requête de conciliation et entraînant une radiation du rôle de la procédure, art. 206, al. 1, CPC) du défaut du défendeur (traité comme un échec de la conciliation et donnant lieu à la délivrance de l'autorisation de procéder, art. 206, al. 2, CPC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, indépendamment des conséquences du défaut, la violation de l'obligation générale de comparaître peut également donner lieu à une amende disciplinaire au sens de l'art. 128 CPC. Cela vaut notamment pour le défendeur, qui pourrait sinon se soustraire sans risquer de sanction au principe fixé par le
législateur, selon lequel une tentative de conciliation doit avoir lieu. Il faut toutefois pour cela que le défaut perturbe le déroulement de la procédure (art. 128, al. 1, CPC) relève de la mauvaise foi ou constitue un procédé téméraire (art. 128, al. 3, CPC) et que la possibilité de prononcer cette mesure disciplinaire ait, dans la mesure du possible, été préalablement annoncée de façon adéquate212.

Il y a lieu d'intégrer cette jurisprudence du Tribunal fédéral dans un nouvel al. 4 de l'art. 206. Selon cette nouvelle disposition, une partie qui ne comparaît pas en personne et qui ne se fait pas représenter dans les cas visés à l'al. 3 pourra être punie d'une amende d'ordre de 1000 francs au plus. Cette règle vaudra autant pour le demandeur que pour le défendeur, bien qu'elle vise avant tout ce dernier au vu des conséquences du défaut dans ce cas-là, évoquées dans les paragraphes qui précèdent.

La nouvelle disposition reprend de façon générale la règle de l'art. 128, al. 1, CPC mais s'écarte de cette dernière et de la jurisprudence du Tribunal fédéral dans la 212

ATF 141 III 265, consid. 3 à 5

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mesure où la présence de circonstances particulières telles que la perturbation du déroulement de la procédure ou l'usage de mauvaise foi ou de procédés téméraires ne sera pas requise. Comme sous l'empire du droit actuel, les parties devront avoir été informées de la possibilité d'une amende disciplinaire avant qu'elle ne soit prononcée (voir aussi l'art. 147, al. 3, CPC), ce qui peut et devrait être fait facilement dans le cadre de la convocation à l'audience de conciliation. La majorité des participants se sont déclarés favorables à cette modification213.

Art. 209, al. 4, 2e phrase L'art. 209, al. 4, CPC prévoit qu'en dérogation au délai général de trois mois pour porter l'action devant un tribunal (art. 209, al. 3, CPC) et au délai plus court de 30 jours pour les litiges relatifs aux baux à loyer ou à ferme d'habitations ou de locaux commerciaux et aux baux à ferme agricoles (art. 209, al. 4, 1 re phrase, CPC), les «autres délais d'action légaux ou judiciaires» sont réservés. Il y a lieu d'adapter cette disposition concernant la réserve des délais d'action «judiciaires». L'art. 198, let. h, prévoit en effet que lorsque le tribunal a fixé un délai pour le dépôt de la demande, la procédure de conciliation n'a pas lieu. La réserve prévue à l'art. 209, al. 4, 2e phrase, CPC en faveur des délais judiciaires n'a ainsi aucune portée214 et doit être supprimée pour une meilleure lisibilité de la loi. Seuls les délais spéciaux prévus par la loi (par ex. pour l'action en validation du séquestre au sens de l'art. 279 LP) prévalent sur le délai général de trois mois prévu par l'art. 209, al. 3, CPC.

Art. 210, al. 1, phrase introductive et let. c Dans certains cas, en plus de sa fonction générale d'instance de conciliation et de son pouvoir de décision dans le cadre de sa fonction juridictionnelle limitée (art. 212 CPC), l'autorité de conciliation peut soumettre aux parties une proposition de jugement (art. 210 CPC; pour la proposition de modification terminologique prévoyant le remplacement de «proposition de jugement» par «proposition de décision», voir supra sous remplacement d'une expression). La proposition de jugement déploie les effets d'une décision entrée en force si aucune des parties ne s'y oppose dans un délai de 20 jours à compter du jour de sa notification écrite (art. 211, al. 1, CPC).
Nouvel instrument introduit à l'échelle suisse par le CPC, la proposition de jugement peut constituer une solution simple et rapide de résolution des litiges. D'une part, elle peut permettre de mettre un terme à des procédures dans lesquelles une transaction a échoué de peu et où le pouvoir de l'autorité de conciliation de proposer un jugement peut être ressenti comme un soulagement par les parties, notamment par celles craignant de perdre la face. D'autre part, ce moyen peut permettre de régler efficacement la question du défaut, notamment lorsque le défendeur ne se rend pas à l'audience pour des raisons financières. Les enquêtes ont montré qu'en 2012, au niveau national, 3 % de toutes les procédures de conciliation initiées ont pu aboutir suite à une proposition de jugement. Dans deux cantons qui connaissaient déjà cet 213 214

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.31 ATF 140 III 561, consid. 2.2.1; voir également Laurent Grobéty/Michel Heinzmann, Délais de déchéance et autorisation de procéder, BR 2015, p. 169 s.

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instrument, ce taux était considérablement plus élevé (8,5 % en Argovie en 2011; 6,2 % à Saint-Gall)215.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'efficacité de la procédure de conciliation peut encore être améliorée en étendant les compétences de l'autorité de conciliation en matière de proposition de jugement. Il propose donc d'adapter l'art. 210, al. 1, let. c, CPC afin de permettre à l'autorité de conciliation de soumettre une proposition de jugement dans les litiges patrimoniaux dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 10 000 francs (au lieu de 5000 francs seulement aujourd'hui). Une large majorité a soutenu cette proposition lors de la consultation, certains acteurs ayant même demandé qu'aucune valeur litigieuse maximale ne soit fixée pour les propositions de jugement, alors que d'autres participants ont souhaité que le droit en vigueur ne soit pas modifié216. Le Conseil fédéral suggère un montant plus élevé encore que celui prévu par l'initiative bernoise évoquée, qui demandait le relèvement de la limite à 8000 francs217. En revanche, il considère qu'il n'est pas judicieux de laisser aux cantons la liberté d'augmenter ou non la limite de la compétence de l'autorité de conciliation, dans la mesure où cela irait à l'encontre de l'effort général d'unification de la procédure civile. Il refuse en revanche d'augmenter la valeur litigieuse déterminant la compétence de décision des autorités de conciliation (art. 212, al. 1, CPC), comme le demandent certains acteurs, parce que ce relèvement serait particulièrement délicat pour le système des juges de paix. Par ailleurs, notamment lorsque les parties ne sont pas représentées, elles devront être informées dans tous les cas des effets de la proposition de jugement et en particulier du fait que son acceptation constitue une renonciation aux moyens procéduraux plus étendus de la procédure simplifiée.

Art. 224, al. 1bis Le défendeur peut déposer une demande reconventionnelle au plus tard dans sa réponse et faire valoir ainsi ses propres prétentions. La demande reconventionnelle est une action indépendante, qui reste notamment pendante en cas de retrait ou d'irrecevabilité de l'action principale. Elle permet de traiter les conclusions et les conclusions reconventionnelles dans le cadre d'une même procédure. Tout comme le cumul d'actions, dont elle se rapproche
beaucoup, la demande reconventionnelle vise avant tout un but d'économie de procédure et son importance concrète est grande.

La pratique a montré que, de façon générale, la règle en matière de demande reconventionnelle de l'art. 224 CPC était satisfaisante. Comme pour le cumul objectif d'actions au sens de l'art. 90 CPC, il s'est cependant avéré qu'en l'état du droit, l'accès à la voie de la demande reconventionnelle était limité, en particulier par l'exigence selon laquelle elle doit concerner une prétention soumise à la même procédure que la demande principale. Dans l'intervalle, le Tribunal fédéral a jugé ­ conformément à l'opinion majoritaire ­ qu'une demande reconventionnelle en 215

Voir Isaak Meier/Sarah Scheiwiller, Erfolg des Schlichtungs- und Urteilsvorschlagsverfahrens nach neuer ZPO, RDS 2014 I, p. 155 ss, 186 s.

216 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.33 217 Voir 16.302 initiative du canton de Berne «Pour le développement du modèle des audiences de conciliation».

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constatation négative introduite en procédure simplifiée visant une action partielle au sens propre était admissible, même lorsqu'elle dépasse la valeur litigieuse maximale de la procédure simplifiée et devrait ainsi être soumise à la procédure ordinaire218. Le Conseil fédéral estime en conséquence que ce point doit être clarifié et repris dans la loi, d'autant plus que le rapport entre les règles des art. 224 et 94 CPC relatives au calcul de la valeur litigieuse en cas de demande reconventionnelle suscite aujourd'hui une certaine confusion.

Dans l'avant-projet envoyé en consultation, le Conseil fédéral avait proposé que les demandes reconventionnelles, comme le cumul d'actions, soient également admises lorsqu'elles ne sont pas soumises à la même procédure que la demande principale, à la condition que ces prétentions aient un lien de connexité (voir l'art. 224, al. 1bis et 2, AP-CPC). Cette proposition a été critiquée: la plupart des participants rejettent la condition de la connexité, et certains critiquent l'admissibilité générale des demandes reconventionnelles qui ne sont pas régies par la même procédure ainsi que la proposition d'appliquer certains principes de la procédure simplifiée dans la procédure ordinaire219.

Tenant compte de ces avis négatifs, le Conseil fédéral renonce à ces dispositions et propose de simplement compléter l'art. 224 CPC en ajoutant un nouvel al. 1bis reformulé. La demande reconventionnelle sera admise en dérogation du principe de l'art. 224, al. 1, CPC, qui dispose qu'elle doit être soumise à la même procédure que la demande principale, mais uniquement dans deux situations spécifiques: ­

Selon la let. a, il sera désormais possible de faire valoir, par demande reconventionnelle, une prétention qui relève de la procédure simplifiée du seul fait de la valeur litigieuse alors que la demande principale doit être jugée dans la procédure ordinaire. Il en résulte que la demande reconventionnelle devra être traitée en procédure ordinaire, comme la demande principale (art. 224, al. 1bis, phrase introductive, P-CPC). Cette solution est justifiée étant donné que le défendeur a le choix entre introduire une action séparée relevant de la procédure simplifiée et déposer une demande reconventionnelle soumise à la procédure ordinaire; il ne doit de ce fait pas non plus faire l'objet d'une protection spécifique. Le plus souvent, le défendeur aura intérêt, ne serait-ce que pour des raisons de rapidité et d'efficacité, à faire une demande reconventionnelle. La possibilité d'y recourir même si des procédures différentes sont applicables répond à un besoin pratique et est, de l'avis de certains auteurs de doctrine, déjà admissible selon le droit en vigueur220; le Tribunal fédéral n'a pas encore tranché la question221. Cette règle concorde avec la possibilité d'admettre exceptionnellement le cumul d'actions lorsque des procédures différentes sont applicables (voir l'art. 90, al. 2, P-CPC et le commentaire de la disposition).

218 219 220

ATF 143 III 506, consid. 4 et références à la doctrine citées Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.34 Voir notamment Christian Fraefel, art. 243 no 12, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Dominik Gasser/Brigitte Rickli, art. 224 no 3 in ZPO, 2e éd., Zurich 2014; Christoph Leuenberger, art. 243 no 14 in ZK ZPO, 3e éd, Zurich 2016; Denis Tappy, art. 224 no 14 in CR CPC, 2e éd, Bâle 2019; contra Daniel Willisegger, art. 243 no 43 in BSK-ZPO, 3e éd, Bâle 2017; Eric Pahud, art. 224 no 15 in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016.

221 Voir ATF 143 III 506 consid. 3.2.4.

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­

La let. b règle un autre cas où la demande reconventionnelle est admise malgré des procédures différentes: en conformité avec la jurisprudence citée, il sera à l'avenir possible, de par la loi, d'intenter une action en constatation de droit négative par la voie d'une demande reconventionnelle lorsque le demandeur a introduit en demande principale une action partielle proprement dite, soumise à la procédure simplifiée; il sera possible de déposer une demande reconventionnelle même si la procédure ordinaire est applicable en raison de la valeur litigieuse de l'action en constatation de droit négative 222.

Il s'agit ici du cas inverse de celui évoqué sous le tiret précédent: la demande reconventionnelle est soumise à la procédure ordinaire et la demande principale à la procédure simplifiée, et les deux doivent être traitées en procédure ordinaire en raison de la demande reconventionnelle en constatation négative; ce ne sont d'ailleurs pas que des considérations d'économie de procédure, mais aussi et surtout la protection des intérêts légitimes des parties et le principe de l'égalité de traitement qui justifient que l'action en constatation de droit négative soit également admise dans ce cas.

Art. 236, al. 4 L'art. 236, al. 3, CPC prévoit que le tribunal saisi ordonne des mesures d'exécution sur requête de la partie qui a eu gain de cause. De telles mesures d'exécution permettent d'obtenir une exécution directe au sens de l'art. 337, al. 1, CPC et visent à favoriser l'efficacité de la protection juridique223.

Lorsqu'une décision est immédiatement exécutable, faute d'effet suspensif du recours (comme c'est le cas, de façon générale, lorsque la voie de l'appel n'est pas ouverte), la partie succombante a toutefois également un intérêt à une protection efficace et rapide de ses droits et à ce que, sur demande, le tribunal statuant puisse déjà lui venir en aide en suspendant exceptionnellement l'exécution jusqu'à la décision de l'instance de recours sur l'effet suspensif. L'expérience a en effet montré qu'il pouvait s'écouler un certain délai avant qu'une telle décision au sens de l'art. 325, al. 2, CPC ne soit rendue ­ délai durant lequel la partie succombante n'est pas protégée contre l'exécution du jugement. Le Conseil fédéral propose d'y remédier en ajoutant un al. 4 à l'art. 236. Cette modification permettra notamment une meilleure application du principe d'égalité des armes entre les parties. Le texte de la disposition proposée prévoit néanmoins clairement qu'une telle suspension ne sera envisageable ­ contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet ­ que si la partie concernée risque de subir un dommage difficilement réparable. Le texte de l'avantprojet a été complété et la disposition précise que la suspension pourra également être décidée d'office et que le tribunal ordonnera si nécessaire des mesures provisionnelles ou la fourniture de sûretés. La décision de la juridiction de recours restera réservée. Si la partie succombante ne forme finalement pas de recours ou ne demande pas l'octroi de l'effet suspensif du recours, l'exécution ne sera pas suspendue.

222 223

ATF 143 III 506 consid. 4 Voir Paul Oberhammer, art. 236 no 15, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014.

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Art. 239, al. 2bis Le respect du droit d'être entendu (art. 29, al. 2, Cst.) implique une obligation des autorités et des tribunaux de motiver leurs décisions. Les décisions au sens des art. 236 ss CPC doivent ainsi en principe être motivées (voir également l'art. 238, let. g, CPC). L'art. 239 CPC prévoit les circonstances dans lesquelles les décisions peuvent exceptionnellement être communiquées sans motivation écrite. C'est le cas soit lorsque le tribunal remet à l'audience le dispositif écrit, accompagné d'une motivation orale sommaire (art. 239, al. 1, let. a), soit lorsqu'il notifie formellement le dispositif aux parties (art. 239, al. 1, let. b). Dans les deux cas, les parties ont dix jours à compter de la communication de la décision pour demander qu'elle soit motivée par écrit. L'absence d'une telle demande vaut renonciation à l'appel ou au recours et aucune motivation écrite n'est alors fournie. Le projet vise à étendre ces règles aux juridictions de recours (voir les art. 318, al. 2, et 327, al. 5, P-CPC et le commentaire de ces articles).

Cette réglementation a fait ses preuves dans l'ensemble, mais le Conseil fédéral propose quand même une adaptation sur deux points, qui ont reçu l'aval de la majorité des participants à la consultation224. Même lorsqu'une décision ­ au moment de sa communication­ n'est pas (encore) motivée, une partie peut avoir un intérêt légitime à ce qu'elle soit exécutée le plus rapidement possible. C'est le cas notamment lorsqu'une partie risque de perdre un droit ou dans d'autres contextes d'urgence. En l'état du droit, une certaine incertitude subsiste, qui sera levée par la formulation d'une règle claire dans un nouvel art. 336, al. 3, CPC: une décision communiquée sans motivation écrite est exécutable ­ comme une décision motivée par écrit (voir le commentaire de l'art. 336, al. 3, P-CPC). La question de l'exécution anticipée ou de la suspension de l'exécution sera réglée dans un nouvel al. 2bis, pour les cas où une partie risque de subir un dommage difficilement réparable. Le droit en vigueur ne précise pas quelle instance est compétente pour examiner ces questions entre la communication du jugement non motivé et le dépôt d'un recours, le recours ne pouvant pas être formé en l'absence d'une motivation écrite de la décision. Cette lacune doit être comblée afin
d'améliorer la sécurité du droit. Les cas concernés sont d'une part ceux dans lesquels une voie de droit prévoyant en principe un effet suspensif est ouverte (en particulier l'appel) et d'autre part, le cas inverse dans lequel l'exécution directe d'une décision non motivée peut être demandée sans possibilité de suspension. Dans ces deux cas, la compétence pour ordonner l'exécution anticipée ou la suspension appartiendra au tribunal ayant rendu la décision. Si nécessaire, pour protéger l'autre partie, il pourra également ordonner des mesures provisionnelles ou demander à la partie requérante de fournir des sûretés (al. 2bis, 2e phrase).

Le Conseil fédéral renonce au délai d'ordre fixé dans l'avant-projet pour fournir la motivation écrite (voir l'art. 239, al. 2, AP-CPC), tenant ainsi compte des nombreuses critiques formulées par les participants à la consultation225.

224 225

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.36 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.36

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Art. 241, al. 3, 2e phrase L'art. 241 CPC règle la clôture de la procédure par transaction, acquiescement ou désistement d'action. Dans ces cas, la procédure prend fin sans que le tribunal ait rendu de décision au fond. La procédure est alors directement terminée par la transaction, l'acquiescement ou le désistement d'action en tant qu'actes valant décision («modèle bernois»). Pour des questions de preuve et pour assurer l'exécution de cet acte valant décision, une décision supplémentaire, purement déclaratoire, de radiation du rôle doit être rendue par le tribunal (art. 241, al. 3, CPC).

Il ne peut en principe être interjeté d'appel ou de recours contre l'acte valant décision, la voie de la révision au sens de l'art. 328, al. 1, let. c, CPC étant toutefois ouverte226. Dans ce cadre, c'est l'acte valant décision lui-même qui est contesté sur le plan du droit civil. Généralement, les parties invoquent des vices du consentement ­ soit l'erreur, le dol ou la crainte fondée ­ au moment de l'établissement de l'acte, c'est-à-dire de la transaction dans la plupart des cas.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'existe pas de voie de droit contre la décision de radiation du rôle au sens de l'art. 243, al. 3, CPC, sauf sur la question des frais, qui peut faire l'objet d'un recours227. Cette situation n'est pas entièrement satisfaisante. Au-delà des motifs de droit civil de contestation de l'acte valant décision, il existe en effet d'autres raisons pouvant empêcher l'acte de déployer tout effet et conduisant à sa nullité. Il peut s'agir de vices de nature formelle, comme le défaut de signature du procès-verbal (voir l'art. 241, al. 1, CPC), l'absence de pouvoir de représentation du mandataire signataire ou le fait que de par sa nature, le litige ne peut pas faire l'objet d'une transaction, mais il peut s'agir aussi de défauts matériels, comme notamment la violation de dispositions impératives du droit civil (art. 27 CC et 20 CO). Dans ces cas, l'acte valant décision ne déploie d'effets à aucun moment. Une éventuelle décision de radiation du rôle prise sur une telle base serait entachée d'un vice. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y aurait lieu de contester une telle décision par la voie de la révision228. Cette voie de droit semble toutefois peu adaptée dans ce cas, la révision
n'ayant pas d'effet dévolutif et la décision de radiation ­ dont l'effet est purement déclaratoire ­ ne constituant pas un acte sujet à révision229.

Afin d'améliorer ce point, le Conseil fédéral propose ­ même si la disposition a fait l'objet de critiques lors de la consultation ­ de prévoir expressément dans un nouvel al. 3, 2e phrase, que la décision de rayer l'affaire du rôle peut faire l'objet d'un recours. Ainsi, alors que, hormis la révision (art. 328, al. 1, let. c, CPC), aucune voie de droit n'est ouverte pour contester une transaction, un acquiescement ou un désistement d'action, la décision judiciaire de radiation du rôle pourra être contestée de façon générale par un recours. Dans le cadre du recours, il sera possible d'invoquer les vices qui conduisent à la nullité de l'acte équivalant à une décision et qui rendent 226 227 228

ATF 139 III 133, consid. 1.3 ATF 139 III 133, consid. 1.2 ATF 139 III 133, consid. 1.2; Andreas Baeckert/Robert Wallmüller, Rechtsmittel bei Beendigung des Verfahrens durch Entscheidsurrogat (Art. 241 ZPO), PCEF 2014/2015, p. 15 ss, 23 229 Andreas Baeckert/Robert Wallmüller, Rechtsmittel bei Beendigung des Verfahrens durch Entscheidsurrogat (Art. 241 ZPO), PCEF 2014/2015, p. 15 ss, 23

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la décision de radiation entachée d'erreurs. Un recours contre cette dernière décision ­ qui demeurera par ailleurs de nature purement déclaratoire ­ ne pourra être formé que dans ces cas.

Art. 242 et nouveau titre précédant l'art. 241 Dans la version en vigueur, l'art. 242 CPC porte ­ comme l'indique également le titre actuel du chap. 6 ­ sur la procédure qui prend fin «sans avoir fait l'objet d'une décision». Cette formulation est inexacte dans la mesure où une décision judiciaire de radiation doit être rendue pour mettre fin à la procédure même dans le cas d'une procédure devenue sans objet visée à l'art. 242 CPC. C'est pourquoi plusieurs participants à la consultation ont proposé que la disposition et le titre de la section soient adaptés230. Le Conseil fédéral donne suite à ces souhaits et propose une adaptation rédactionnelle sans modification du contenu. L'art. 242 P-CPC mentionne que la procédure qui prend fin «sans décision au fond» fera l'objet d'une décision de radiation du rôle. Le titre précédant l'art. 241 CPC est précisé et qui devient «Clôture de la procédure sans décision au fond».

Art. 249, let. a, ch. 5, et 250, let. c, ch. 6, 11 et 14 En raison de modifications législatives, la liste des principaux types d'affaires soumis à la procédure sommaire selon le CC ou le CO doit être adaptée comme suit: ­

Il y a lieu d'ajouter un nouveau ch. 5 à l'art. 249, let. a (droit des personnes), mentionnant les mesures en cas de carence dans l'organisation d'une association, ces dernières ayant été adaptées il y a un certain temps déjà 231. La procédure sommaire s'appliquera également lorsque le tribunal sera saisi d'une telle carence dans l'organisation (art. 69c CC) et qu'il prononcera les mesures nécessaires (fixation d'un délai pour régulariser la situation de l'association, nomination d'un commissaire ou de membres d'organes) 232.

­

Le ch. 6 de l'art. 250, let. c, CPC est modifié pour ne plus mentionner de mesures spécifiques ordonnées par le tribunal en cas de carence dans l'organisation d'une société ou d'une coopérative. Afin d'opérer un alignement sur le droit en vigueur233, il y a lieu de faire mention, de façon générale, de mesures en cas de carence dans l'organisation et de renvoyer à toutes les dispositions du droit matériel applicables à toutes les formes de sociétés et à la coopérative. À l'entrée en vigueur des modifications du droit

230 231

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.37 Modification du code des obligations du 16 décembre 2005 (droit de la société à responsabilité limitée; adaptation des droits de la société anonyme, de la société coopérative, du registre du commerce et des raisons de commerce), RO 2007 4791 232 Voir Martin Kaufmann, art. 248 no 8, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016, et Pascal Montavon, Abrégé de droit civil, 3e éd., Zurich 2013, p. 123, ainsi que l'ATF 138 III 166, consid. 3.9.

233 Voir ATF 138 III 166, consid. 3.9, ainsi que Wolfgang Müller/Thomas Nietlispach/Silvia Margraf, art. 731b no 7, in CHK Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3e éd., Zurich 2016 et Martin Kaufmann, art. 250 no 3, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016.

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du registre du commerce234, l'art. 581a CO, relatif à la société en nom collectif, sera également complété sur ce point. Le ch. 11 peut en conséquence être supprimé, le cas de la désignation et de la révocation de l'organe de révision qu'il mentionne expressément étant désormais compris dans le champ du nouveau ch. 6. Le cas de la radiation d'une société du registre du commerce visé à l'art. 938a, al. 2, CO, fait l'objet d'un nouveau ch. 14, en conformité avec la doctrine et la jurisprudence235, ajout qui a été demandé lors de la procédure de consultation236.

Art. 266, let. a L'art. 266 énonce la règle applicable en matière de mesures provisionnelles contre les médias à caractère périodique et reprend le contenu de l'art. 28c, al. 3, aCC237.

Le texte de l'actuel art. 266, let. a, CPC ne correspond toutefois pas à l'ancien droit dans la mesure où il semble ne pas viser les atteintes en cours238. Cette erreur du législateur239 doit être corrigée; la let. a mentionnera expressément les atteintes en cours.

Art. 288, al. 2, 2e et 3e phrases L'art. 288 CPC régit la procédure qui suit l'audition des parties en cas de divorce sur requête commune selon les art. 111 s. CC. L'al. 2 règle le cas où les effets du divorce restent contestés après l'audition des parties; la suite de la procédure est contradictoire et le tribunal attribue les rôles aux parties. Les principes procéduraux qui s'appliquent à l'action en divorce (art. 291 ss CPC) et ceux de la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC) s'appliquent à cette procédure contradictoire sur les points de désaccord (Annexverfahren en allemand). Il en découle que celle-ci doit en principe voire obligatoirement se dérouler par écrit240, ce qui implique un échange d'écritures. Cette situation n'est pas satisfaisante, surtout dans les cas clairs, sans oublier que cette procédure n'est pas accessible au justiciable qui n'a pas de connaissances particulières241. Le Conseil fédéral propose par conséquent d'appliquer dans ce cas la procédure simplifiée, comme pour l'action en divorce (voir le commentaire de 234 235

236 237 238

239 240 241

Modification du code des obligations (droit du registre du commerce) du 17 mars 2017, FF 2017 2259 Voir David Rüetschi, art. 155 no 26, in: Siffert/Turin (éd.), Kommentar Handelsregisterverordnung, Berne 2012, et arrêt du tribunal cantonal des Grisons du 10 septembre 2018, ZK2 17 45.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.52 Message sur le CPC, FF 2006 6841 6929 Voir Michel Heinzmann/Bettina Bacher, Art. 266 ZPO: Alter Wein in neuen Schläuchen?, medialex 2013, p. 159; Matthias Schwaibold, Superprovisorische Massnahmen gegen Medien im Persönlichkeitsrecht, in Furrer (éd.), Aktuelle Anwaltspraxis, Zurich 2013, p. 135 ss et Matthias Schwaibold, Eine versehentliche Reform: Massnahmen gegen periodische Medien gemäss Art. 266 ZPO, in RSPC 2013, p. 355 ss.

Voir Lucius Huber, art. 266 no 4a, in ZK ZPO, 3e éd., Berne 2016.

Voir Roland Fankhauser, art. 288 no 13 in FamKomm.-Scheidung, tome II, 3e éd., Berne 2017 avec d'autres références.

Voir, à propos de la jurisprudence parfois divergente, par ex. Thomas Engler, Zivilprozessrechtliche Fragestellungen in der familienrechtlichen Gerichtspraxis, RSJ 2014, p. 121 ss, 123 s.

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l'art. 291, al. 2, P-CPC). La proposition résulte des avis exprimés lors de la consultation242. Appliquer la procédure simplifiée signifie que la procédure sera en principe orale (art. 245 CPC), le tribunal pouvant ordonner un échange d'écritures et tenir des audiences d'instruction (voir l'art. 246 CPC). Le tribunal pourra attribuer les rôles aux parties, ce que prévoit déjà le droit en vigueur.

Art. 291, al. 3 La disposition porte sur la procédure contradictoire qui s'applique à l'action en divorce dans les cas où le motif de divorce n'est pas avéré ou qu'aucun accord sur les effets du divorce n'a pu être trouvé à l'issue de l'audience de conciliation. Dans ces cas, le tribunal fixe un délai au demandeur pour déposer une motivation écrite.

La procédure est régie par les art. 274 à 284 CPC et est soumise à la procédure ordinaire; elle est donc écrite, ce qui ne la rend pas facile d'accès aux justiciables; ce point est surtout critiquable dans les cas qui sont clairs malgré le désaccord sur les effets du divorce. Il a été suggéré pendant la procédure de consultation d'appliquer la procédure simplifiée à la procédure de divorce contradictoire243. La procédure pourra ainsi être orale ou écrite, ce qui permet de mieux tenir compte des circonstances du cas d'espèce. La procédure restera écrite lorsque le litige portera par exemple sur des rapports patrimoniaux compliqués; si les circonstances l'exigent, il sera également possible ­ comme c'est déjà le cas selon le droit en vigueur ­ de procéder à un second échange d'écritures même si la procédure simplifiée s'applique244. Les règles de procédure spéciales visées aux art. 274 à 284 CPC restent applicables, notamment l'art. 277 CPC concernant l'établissement des faits.

La disposition actuelle, selon laquelle le tribunal fixe un délai au demandeur pour déposer une motivation écrite et déclare la demande sans objet et la radie du rôle si le délai n'est pas respecté (art. 291, al. 3, CPC), est devenue superflue: si aucune motivation écrite n'a été déposée, les parties seront citées à l'audience ou, ce qui est plus rare, le juge ordonnera un échange d'écritures et fixera un délai pour déposer la motivation écrite. Si une motivation écrite a déjà été remise, la procédure se poursuivra avec l'audience et le dépôt éventuel d'une réponse écrite. C'est ce qui
découle des règles générales de la procédure simplifiée. Si aucune motivation écrite n'a été déposée malgré le délai imparti pour ce faire, les parties devront d'abord être citées à l'audience. Le Conseil fédéral estime que ces innovations amélioreront nettement la praticabilité du CPC dans la procédure de divorce contradictoire.

Art. 295 L'art. 295 fixe le principe selon lequel la procédure simplifiée s'applique aux procédures indépendantes applicables aux enfants. Les actions indépendantes en entretien au sens des art. 279 ss CC ou les actions en désaveu ou en reconnaissance de paternité (art. 256, 260a ou 261 CC), en particulier, sont ainsi soumises à la procédure simplifiée. L'art. 296 CPC prévoit en outre que la maxime inquisitoire au sens strict 242 243 244

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2.3 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2.3 Voir Stephan Mazan, art. 246 no 18, in BSK-ZPO, 3e éd., Bâle 2017; Denis Tappy, art. 246 no 11, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019.

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s'applique dans ces cas (art. 296, al. 1, P-CPC «[l]e tribunal examine les faits d'office», voir commentaire de la disposition) ainsi que la maxime d'office, selon laquelle le tribunal n'est pas lié par les conclusions des parties (art. 296, al. 3, CPC).

Cette règle ne vaut que pour les procédures applicables aux enfants au sens étroit, c'est-à-dire aux actions intentées par des mineurs. Le droit en vigueur ne contient cependant pas de règle claire pour les actions introduites par les enfants majeurs et en particulier pour les demandes d'aliments de l'enfant majeur. La question de la procédure applicable aux demandes d'aliments d'enfants majeurs n'a pas encore été tranchée définitivement, bien que le Tribunal fédéral ait manifesté dans un obiter dictum, sans peser les arguments, une tendance allant dans le sens de l'application de la procédure ordinaire dans le cas où les enfants sont majeurs et contre l'application de la maxime inquisitoire illimitée et de la maxime d'office 245. La jurisprudence du Tribunal fédéral indique en revanche clairement que l'action alimentaire intentée par une collectivité publique (art. 329, al. 3, CC) est soumise à la procédure ordinaire 246.

Le manque de clarté du droit sur ce point appelle une adaptation. Dans l'avantprojet, le Conseil fédéral avait proposé un nouvel al. 2 précisant que la procédure simplifiée devait s'appliquer aux demandes indépendantes d'aliments des enfants, même majeurs. La majorité des participants à la consultation se sont déclarés favorables à cette proposition, mais certains ont suggéré que la nouvelle règle ne s'applique pas qu'aux demandes d'aliments, mais de façon plus générale à toutes les procédures indépendantes concernant les enfants, même majeurs247. Le Conseil fédéral estime que ces propositions sont fondées: la solution consistant à soumettre toutes les actions indépendantes concernant les enfants, mêmes majeurs, à la procédure simplifiée n'est pas seulement plus rapide et plus accessible à tout un chacun, mais elle permet aussi de mieux tenir compte des spécificités du cas d'espèce et des intérêts de l'enfant parce que la procédure est orale et donc flexible. Dans la pratique, il serait judicieux de chercher une entente si possible dès le dépôt de l'action, lors des débats d'instruction (art. 246 en relation avec l'art. 226 CPC),
sur le modèle de l'audience de conciliation qui a lieu lors de la procédure de divorce (art. 291 CPC). L'art. 295 CPC est reformulé à cette fin: la procédure simplifiée s'appliquera à l'avenir à toutes les procédures indépendantes, et expressément à celles qui concernent les enfants et leurs demandes d'aliments. Cette disposition vaudra également pour les questions concernant les enfants majeurs, même si le texte de loi ne l'exprime plus aussi explicitement que le texte de l'avant-projet.

La nouvelle règle vaudra non seulement pour les demandes d'aliments, mais aussi pour l'action en contestation ou en reconnaissance de paternité, y compris l'action en paternité et l'action en annulation de l'adoption de l'enfant, indépendamment de l'âge des enfants (et de la valeur litigieuse). En raison du renvoi, à l'art. 329 CC, aux dispositions relatives à l'action alimentaire, la même règle vaudra pour les actions en matière de dette alimentaire envers les parents, qui devront être jugées en procédure simplifiée indépendamment de la valeur litigieuse. La procédure simplifiée sera ainsi

245

ATF 139 III 368, consid. 2 et 3, en particulier consid. 3.4; voir à ce propos Samuel Zogg, Das Kind im familienrechtlichen Zivilprozess, FamPra.ch 2017, p. 404 ss.

246 ATF 139 III 368, consid. 2 et 3 247 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2.4

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applicable à toutes les actions concernant les enfants qui sont menées en dehors de procédures de droit matrimonial.

L'art. 296 CPC, qui établit les règles de procédure applicables, doit être adapté en conséquence (voir le commentaire de l'article en question). Selon le droit en vigueur, la question de savoir si la maxime inquisitoire illimitée et la maxime d'office énoncées à l'art. 296 CPC ne valent que pour les procédures applicables aux enfants au sens étroit, donc aux mineurs, ou s'ils s'appliquent de manière générale aux enfants, même majeurs, et notamment à leurs demandes d'aliments, n'a pas encore été tranchée de façon définitive248. Même si le Tribunal fédéral s'est exprimé, dans une affaire où la collectivité publique demanderesse était subrogée aux droits de l'enfant majeur, contre l'extension de cette protection procédurale accrue aux enfants majeurs249, la pratique des cantons ne semble pas homogène250. La doctrine dominante est quant à elle favorable à l'application complète ou partielle de la maxime inquisitoire et de la maxime d'office aux enfants, qu'ils soient mineurs ou majeurs251. Selon la jurisprudence, ces principes s'appliquent lorsqu'un enfant atteint la majorité pendant la durée de la procédure252 ou lorsque le tribunal doit statuer simultanément sur plusieurs prétentions portant sur des prestations d'entretien de même rang qui sont soumises à la maxime inquisitoire illimitée et à la maxime d'office. L'art. 296, al. 2, CPC est toujours applicable indépendamment de l'âge de l'enfant253.

La modification de l'art. 295 CPC qui est proposée clarifie la situation juridique quant à la procédure applicable: la procédure simplifiée et les allégements qu'elle implique ­ en particulier le devoir d'interpellation accru visé à l'art. 247, al. 1, CPC ­ vaudra à l'avenir pour toutes les procédures indépendantes concernant les enfants y compris leurs demandes d'aliments; cette solution relativise les effets de l'application de maximes différentes. La modification de l'art. 295 CPC met également en évidence que les règles énoncées à l'art. 296 CPC s'appliquent à tous les litiges concernant les enfants, y compris leur entretien, qu'ils soient mineurs ou

248 249

250

251

252 253

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_865/2017 du 25 juin 2018, consid. 1.3.3.

Voir les ATF 139 III 368 consid. 3.4 et 118 II 93; pour plus de détails, voir Eva Bachofner/Francesca Pesenti, Aktuelle Fragen zum Unterhaltsprozess von Volljährigen, FamPra.ch 2016, p. 619 ss.

Voir par ex. l'arrêt du tribunal cantonal d'Obwald ZV 17/001//III du 25 octobre 2019, consid. 1 (art. 296 CPC applicable), l'arrêt du tribunal cantonal de St-Gall FO.2015.4 du 29 avril 2016, consid. 1 (art. 296 CPC applicable); l'arrêt du tribunal cantonal de Zurich LZ150002-O/U du 7 juillet 2015, consid. 3.1, et l'arrêt de la Cour suprême du canton de Berne ZK 17 340 du 30 octobre 2018, consid. 6 (art. 296 CPC pas applicable). Arrêt du tribunal cantonal de Bâle-Campagne 400 2011 364 du 20 mars 2012, consid. 2 (maxime inquisitoire applicable).

Voir Philippe Meier, Entretien de l'enfant majeur ­ Un état de lieux (2/2), JdT 2019 II 32 ss, 41 s. avec d'autres références; Jonas Schweighauser, art. 296 n o 4, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Annette Spycher, art. 296 n o 5 s., in BK ZPO, Berne 2012; Christoph Herzig, Das Kind in den familienrechtlichen Verfahren, Zurich 2012, no 173 ss.

et 783.

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017, consid. 3.2.2, et l'arrêt de la Cour suprême du canton de Berne ZK 17 340 du 30 octobre 2018, consid. 14.7.

Voir Eva Bachofner/Francesca Pesenti, Aktuelle Fragen zum Unterhaltsprozess von Volljährigen, FamPra.ch 2016, p. 619 ss, 633.

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majeurs254. Cette solution, combinée à une représentation en justice appropriée et des conseils juridiques avisés, permettra de mieux gérer les difficultés particulières que rencontrent les enfants qui sont engagés dans ces procédures, qui sont lourdes à supporter quel que soit leur âge.

Art. 296, al. 1 L'art. 296 CPC règle l'application de la maxime inquisitoire et de la maxime d'office dans les procédures applicables aux enfants indépendamment de la question de leur majorité (voir le commentaire de l'art. 295 P-CPC). La maxime inquisitoire illimitée qui s'applique aux procédures concernant les enfants doit être distinguée de la maxime inquisitoire dite sociale ou atténuée, prévalant dans certains domaines en procédure simplifiée (art. 247, al. 2, CPC), en procédure sommaire (art. 255 CPC) ou dans les procédures relevant du droit de la famille (art. 272 et 277, al. 3, CPC).

Alors que cette distinction ressort des versions allemande et italienne du texte («[d]as Gericht erforscht den Sachverhalt von Amtes wegen» et «[d]as Gericht stellt den Sachverhalt von Amtes wegen fest»; «[i]l giudice esamina d'ufficio i fatti» et «[i]l giudice accerta d'ufficio i fatti»), ce n'est pas le cas de la version française («[l]e tribunal établit les faits d'office» dans les deux cas). Il y a donc lieu de corriger ce manque de précision dans la terminologie de la version française actuelle de l'art. 296, al. 1. Sur le modèle de l'art. 254, ch. 1, aCC, l'art. 296 al. 1, prévoira que «[l]e tribunal examine les faits d'office». Il s'agit là d'une modification de nature purement rédactionnelle, n'entraînant pas de changement matériel.

Art. 304, al. 2, 2e et 3e phrases L'art. 304 CPC traite de certains aspects de la compétence en cas d'action en paternité et de demande d'aliments. Lors de la révision du droit de l'entretien de l'enfant255, un nouvel al. 2 a été ajouté. Entré en vigueur le 1er janvier 2017, il précise que le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'aliments d'un enfant mineur se prononce également sur l'autorité parentale et sur les autres points concernant le sort des enfants. Cette attraction de compétence a pour effet que la question de l'entretien n'est plus traitée de façon isolée, mais en même temps que toutes les autres questions touchant l'enfant, notamment celles de l'autorité parentale
et de la prise en charge256.

Si cette attraction de compétence est une innovation jugée positive sur le fond, certaines critiques ont été émises au sujet des aspects procéduraux et différentes

254

Voir à propos de l'interprétation téléologique de la maxime d'office selon le droit en vigueur Eva Bachofner/Francesca Pesenti, Aktuelle Fragen zum Unterhaltsprozess von Volljährigen, FamPra.ch 2016, p. 619 ss, 635.

255 RO 2015 4299 ss 256 Voir Samuel Zogg, Selbständige Unterhaltsklagen mit Annexentscheid über die weiteren Kinderbelange ­ verfahrensrechtliche Fragen, FamPra.ch 2019, p. 1 ss; Eva Senn, Verfahrensrechtliche Streiflichter zu den Revisionen der elterlichen Sorge und des Kindesunterhaltsrechts, FamPra.ch 2017, p. 971 ss.

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améliorations ont été proposées257. Lors de la procédure de consultation, plusieurs participants ont souhaité que le droit en vigueur soit modifié 258. Ce qui est surtout problématique, c'est que l'attraction de compétence aboutit en pratique souvent à la participation de l'enfant et des deux parents à la procédure259: l'enfant agit contre l'un des parents en déposant une demande d'aliments et les deux parents s'affrontent au sujet d'autres questions concernant l'enfant, situation qui est difficile à gérer sur le plan procédural sur la base du droit en vigueur. Après avoir étudié les différentes suggestions, le Conseil fédéral propose de compléter l'art. 304 CPC et de préciser que les parents ont dans ce cas d'attraction de compétence toujours qualité de parties lorsque le lien de filiation est établi (al. 2, 2e phrase). Le tribunal pourra alors attribuer les rôles de parties, comme il le fait en cas d'action en divorce (al. 2, 3e phrase). Cette solution permet de régler les difficultés d'ordre procédural qui ont été constatées en cas d'attraction de compétence tout en évitant l'instauration d'une nouvelle forme d'intervention de tiers dans la procédure ou d'une procédure formelle mettant aux prises trois parties. Le juge pourra procéder de façon analogue en cas d'action en paternité, en statuant sur la garde de l'enfant au sens de l'art. 298c CC. Il en résultera pour l'enfant une situation comparable à celle d'un enfant de parents mariés: l'enfant participera à la procédure et disposera de droits procéduraux analogues à ceux visés aux art. 297 ss CPC, et il sera le cas échéant représenté par un curateur conformément à l'art. 308 CC. Dans le cas d'une action intentée par un enfant qui est représenté par sa mère, celle-ci ne se trouve pas dans une situation de conflit d'intérêts, même si l'autorité parentale est conjointe260.

Exemple 1: le père P. d'un enfant mineur E. demande à l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de régler la question de la garde et de la participation à la prise en charge. E., représenté par sa mère M., qui n'est pas mariée avec P., intente une action contre P. devant le tribunal pour lui réclamer l'entretien (art. 279 CC). Ce tribunal statue sur la demande d'aliment et sur les questions (non pécuniaires) concernant le sort de l'enfant (art. 304, al. 2, 1re phrase,
CPC). Il attribue les rôles de parties (demandeur et défendeur) à P. et M. E. participe également à la procédure. Si les circonstances l'exigent, il est assisté par un curateur ou un représentant.

Exemple 2: E. est l'enfant mineur du père P. et de la mère M., qui ne sont pas mariés. E., représenté par M., intente une action contre P. pour lui réclamer l'entretien (art. 279 CC). Toutes les autres questions (non pécuniaires) ne sont pas contestées.

Les parties à la procédure sont E. et P.

Une norme claire, facile à mettre en oeuvre et s'intégrant bien dans le système actuel sera ainsi créée. Elle permettra de régler toutes les questions concernant le sort de l'enfant (notamment autorité parentale, garde/prise en charge), y compris celles liées aux aliments, dans une seule et même procédure réunissant les deux parents et 257

Voir par ex. Jonas Schweighauser/Diego Stoll, Neues Kindesunterhaltsrecht ­ Bilanz nach einem Jahr, FamPra.ch 2018, p. 613 ss, nbp 263; Eva Senn, Verfahrensrechtliche Streiflichter zu den Revisionen der elterlichen Sorge und des Kindesunterhaltsrechts, FamPra.ch 2017, p. 971 ss, 984.

258 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2.1 et 6.2.4 259 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_977/2018 du 22 août 2019, consid. 4 (destiné à la publication) 260 Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_244/2018 du 26 août 2019, consid. 2 (destiné à la publication).

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l'enfant (ou les enfants). Comme il a déjà été mentionné, elle ne s'appliquera qu'aux enfants mineurs.

Art. 313, al. 2, let. b Le droit en vigueur prévoit à l'art. 313, al. 2, CPC que l'appel joint devient caduc dans trois cas parce qu'il dépend de l'appel (principal). Le cas visé à la let. b, à savoir le rejet de l'appel principal parce qu'il est manifestement infondé, n'existe pour ainsi dire pas, car un appel manifestement irrecevable ou infondé n'est même pas notifié à la partie adverse, conformément à l'art. 312, al. 1, CPC, si bien qu'aucun appel joint ne peut être formé dans ce cas. Il s'agit ici d'une inadvertance du législateur261, dont la correction a été souhaitée lors de la consultation262; la disposition en question est supprimée.

Art. 314, al. 2 En dérogation aux règles générales (art. 311 à 313 CPC), l'art. 314 CPC prévoit des règles spéciales pour l'appel contre les décisions rendues en procédure sommaire (art. 248 ss CPC). Contrairement aux règles générales de l'appel, éprouvées en pratique, la réglementation spéciale applicable aux procédures sommaires a fait l'objet de critiques depuis un certain temps déjà dans un domaine essentiel 263: dans les affaires de droit de la famille soumises à la procédure sommaire ­ c'est-à-dire les procédures matrimoniales (art. 271 CPC) et notamment les mesures protectrices de l'union conjugale (art. 271, let. a, CPC), les procédures portant sur les mesures provisionnelles en procédure de divorce (art. 276 CPC), certaines procédures applicables aux enfants (art. 302 CPC) et les procédures en matière de partenariat enregistré (art. 305 CPC) ­ cette réglementation est peu satisfaisante, surtout sur un point: selon l'art. 314, al. 2, CPC, l'appel joint est irrecevable, ce qui a pour effet que dans les affaires matrimoniales complexes et contentieuses, des appels indépendants sont interjetés par précaution pour des motifs purement stratégiques, ce qui génère non seulement une importante charge de travail (l'art. 311, al. 1, CPC prévoit que l'appel doit être motivé), mais constitue également une escalade dans la confrontation réduisant la disposition des parties à transiger 264. C'est pourquoi l'appel joint sera à l'avenir recevable, en guise de contre-exception, dans ces affaires de droit de la famille soumises à la procédure sommaire. L'al. 2 est
donc complété par une réserve en faveur des procédures visées aux art. 271, 276, 302 et 305 CPC. Cette proposition a reçu l'aval d'une petite majorité des participants à la consultation265.

En réponse aux nombreuses critiques suscitées dans ce contexte par le délai de dix jours fixé pour l'introduction de l'appel et le dépôt de la réponse, le Conseil fédéral avait proposé dans son avant-projet de prolonger le délai à 30 jours pour les litiges 261 262 263 264 265

Voir, parmi d'autres, Peter Reetz/Sarah Hilber, art. 313 n o 50 ss, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Nicolas Jeandin, art. 313 no 10, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.60 Voir par ex. Roland Fankhauser, Übersicht über die familienrechtlichen Bestimmungen im neuen Entwurf zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, FamPra.ch 2004, p. 42 ss.

En ce sens déjà Roland Fankhauser, Übersicht über die familienrechtlichen Bestimmungen im neuen Entwurf zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, FamPra.ch 2004, p. 50 s.

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.45

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relevant du droit de la famille. Il entendait également réagir ainsi à l'argument selon lequel ce court délai pouvait entraîner des cas de rigueur lorsque la décision était communiquée peu avant les jours fériés ou une période de vacances. La proposition du Conseil fédéral a toutefois été largement critiquée lors de la procédure de consultation, par crainte que les procédures en question, très chargées émotionnellement, ne se prolongent ou ne se compliquent davantage266. Compte tenu de ces critiques, le Conseil fédéral a renoncé à sa proposition initiale de prolonger les délais fixés à l'art. 314, al. 1, CPC, prolongation qui constituait en fin de compte une exception dans la systématique de la loi.

Art. 315, al. 3 et 4, let. c et d Les al. 2 et 3 de l'art. 315 CPC règlent les exceptions au principe de l'effet suspensif de l'appel qui est énoncé à l'al. 1. Comme l'a fait remarquer un participant à la consultation267, la formulation de l'al. 3 est imprécise étant donné que dans le cas d'une décision formatrice, l'effet suspensif ne peut pas être retiré, car il est donné de par la loi. Comme les décisions formatrices ne contiennent par définition pas d'éléments à exécuter, il ne peut pas non plus être question d'exécution anticipée et il ne peut s'agir dans ce cas que d'un effet exécutoire anticipé268. L'al. 3 est donc modifié: l'appel qui porte sur une décision formatrice aura toujours un effet suspensif. Il s'agit là d'une adaptation qui ne modifie pas le fond.

L'al. 4 dresse une liste exhaustive des cas où l'appel n'a exceptionnellement pas d'effet suspensif, parce que ce dernier viderait la décision de son sens. La liste est complétée par deux nouvelles let. c et d mentionnant l'avis aux débiteurs et la fourniture de sûretés en garantie de la contribution d'entretien visés aux art. 132 et 291 s.

CC; le Conseil fédéral donne ainsi suite à une remarque pertinente formulée lors de la consultation269. Comme il ne s'agit pas de mesures provisionnelles visées à la let. b270, l'appel n'a pas d'effet suspensif en application du droit en vigueur, ce qui n'est pas satisfaisant271. À l'avenir, l'avis aux débiteurs et la fourniture de sûretés en garantie de la contribution d'entretien constitueront également une exception au principe de l'effet suspensif de l'appel, si tant est que ces décisions soient
soumises à l'appel.

Art. 317, al. 1bis L'art. 317, al. 1, régit et limite la prise en compte des faits et des moyens de preuve nouveaux en procédure d'appel. Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont en effet pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

266 267 268

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.45 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.61 Voir Urs H. Hoffmann-Nowotny, art. 315 no 37 s., in ZPO Rechtsmittel, Bâle 2013; Peter Reetz/Sarah Hilber, art. 315 no 44 s., in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016.

269 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.2.7 270 ATF 137 III 193 consid. 1.2 271 Décision ZB.2016.1 de la cour d'appel de Bâle-Ville du 1er avril 2016, consid. 3.3 avec renvoi à l'ATF 137 III 193 consid. 1.2

2679

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À la différence de ce qui vaut pour la procédure de première instance (art. 229, al. 3, CPC), le droit en vigueur ne prévoit pas d'exception à ce principe pour les procédures dans lesquelles l'instance établit les faits d'office. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et contre l'avis d'une partie de la doctrine272, une application par analogie de l'art. 229, al. 3, CPC en procédure d'appel est exclue 273. Rien en effet dans la genèse du CPC ni sur un plan systématique ne plaide ici, selon lui, en faveur d'une interprétation contre la lettre de la loi. La limite à l'admissibilité des novas s'appliquerait ainsi en procédure simplifiée également, malgré l'art. 247, al. 2, CPC prévoyant que l'instance d'appel ou de recours établit les faits d'office (maxime inquisitoire sociale ou limitée).

Le Conseil fédéral est d'avis qu'il y a lieu de traiter différemment les procédures dans lesquelles la maxime inquisitoire illimitée s'applique. Dans ces cas, où le tribunal doit «examiner» les faits d'office (voir en particulier art. 296 CPC pour les procédures applicables aux enfants dans les affaires de droit de la famille [voir les remarques sur ce point supra] et l'art. 446, al. 1, CC pour le droit de la protection de l'adulte et de l'enfant), les faits et les moyens de preuve nouveaux doivent être admis sans limitation jusqu'aux délibérations, même dans la procédure d'appel. De nombreux tribunaux cantonaux ont déjà tranché en ce sens274 et le Tribunal fédéral s'est entre-temps rallié à cette position: dans les affaires dans lesquelles la maxime inquisitoire illimitée s'applique, les parties peuvent présenter des novas en appel même si les conditions de l'art. 317, al. 1, CPC ne sont pas réunies275. Dans les procédures auxquelles la maxime inquisitoire illimitée s'applique, l'intérêt à l'établissement des faits et de la vérité matérielle doit prévaloir. Comme ces questions touchent avant tout les enfants, il en va également, du moins indirectement, de la mise en oeuvre des art. 3, 9 et 12 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant276.

L'art. 317 est donc complété par un nouvel al. 1bis, codifiant la jurisprudence (du Tribunal fédéral) et prévoyant que l'instance d'appel ou de recours admet les faits et les moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations lorsqu'il doit examiner
les faits d'office. La grande majorité des participants à la consultation a approuvé la modification proposée, avant même que le Tribunal fédéral ne rende l'arrêt cité; certains acteurs ont même demandé que la règle soit étendue aux procédures relevant de la maxime inquisitoire atténuée ou sociale277.

272

273

274

275 276 277

Par ex. Benedikt Seiler, Zur Anwendbarkeit von Art. 229 Abs. 3 ZPO im Berufungsverfahren, RSPC 2012, p. 457 ss; Martin H. Sterchi, art. 317, ch. 8, in BK ZPO, Berne 2012; Nicolas Jeandin, art. 317 no 9, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019 ATF 138 III 625, consid. 2.1 s. Voir également pour plus de détails Dieter Freiburghaus, Untersuchungsmaxime ohne Novenrecht im Berufungsverfahren nach ZPO?, in Fankhauser/Widmer Lüchinger/Klingler/Seiler (éd.), Festschrift Sutter-Somm, Zurich 2016, p. 111 ss Voir notamment Tribunal cantonal de BL, décision du 24 janvier 2012, 400 2011 193, consid. 2; Tribunal cantonal de ZH, arrêt du 20 août 2014, LY140011-O, consid. 2.4; Tribunal cantonal de ZH, arrêt du 8 mai 2013, LC130019, consid. 3.1.

ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 RS 0.107 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.46

2680

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Art. 318, al. 2, et 327, al. 5 Conformément à ces deux dispositions, l'instance d'appel et l'instance de recours communiquent leurs décisions aux parties avec une motivation écrite. En dérogation à l'art. 239, al. 1, CPC, il existe donc une obligation inconditionnelle de motiver la décision d'appel et la décision sur recours. Peu après l'entrée en vigueur du CPC, la motion 13.3684 Caroni «Secondes instances judiciaires. Supprimer l'obligation de motiver sauf demande expresse des parties» demandait que cette règle soit adaptée.

La motion avait été rejetée, conformément à l'avis que le Conseil fédéral avait exprimé à l'époque278. Entre-temps le Tribunal fédéral a décidé que la décision de l'instance d'appel pouvait être communiquée par l'envoi d'un dispositif et motivée ultérieurement279. Comme l'a montré la consultation280, il subsiste toutefois le souhait que la disposition soit adaptée afin de permettre aux instances d'appel et de recours de ne pas motiver leurs décisions, ce qui les déchargerait de façon notable.

Le Conseil fédéral propose par conséquent d'abroger les art. 318, al. 2, et 327, al. 5, CPC. Le principe fixé à l'art. 239, al. 1, CPC s'appliquera ainsi aussi à l'appel et au recours; les nouvelles décisions au fond rendues en procédure de révision devront toujours, en raison de leur nature juridique particulière, être motivées, conformément à l'art. 333, al. 3, CPC. Dans la mesure où des décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral, l'art. 112 LTF, en particulier son al. 2, qui prévoit la possibilité de notifier la décision sans la motiver, reste applicable. Le Conseil fédéral avait proposé de supprimer l'art. 112, al. 2, LTF dans le cadre de la révision en cours de cette loi, mais le Conseil national a rejeté cette proposition281.

Art. 328, al. 1, let. d L'art. 51, al. 3, CPC prévoit que les motifs de récusation découverts après la clôture de la procédure doivent être invoqués par la voie de la révision. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cela ne vaut toutefois que lorsqu'aucune autre voie de droit n'est ouverte. Le Conseil fédéral propose en conséquence de compléter l'art. 51, al. 3, CPC en ce sens (voir commentaire de l'art. 51, al. 3, P-CPC). Au vu de cette adaptation, la liste des motifs de révision de l'art. 328, al. 1, incomplète en l'état
du droit282 mais exhaustive selon le message283, doit être complétée afin de mentionner la découverte ultérieure d'un motif de récusation au sens de l'art. 51, al. 3, P-CPC. Les participants à la consultation étaient favorables à cette proposition284.

278 279 280 281

BO CN 2013 2204 ATF 142 III 695 consid. 4 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 6.47 Voir 18.051 Loi sur le Tribunal fédéral. Modification. Message du Conseil fédéral du 15 juin 2018, FF 2018 4713, 4755; BO CN 2019 264.

282 Dieter Freiburghaus/Susanne Afheldt, art. 328, ch. 12, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016 et Ivo Schwander, art. 328, ch. 24 in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016 283 Message sur le CPC, FF 2006 6841 6987 284 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.47

2681

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Art. 336, al. 3 L'art. 336 CPC définit les décisions qui sont exécutoires. Il subsiste dans le droit en vigueur certaines incertitudes quant aux décisions qui ont été communiquées sans motivation écrite conformément à l'art. 239 CPC (voir également l'art. 239, al. 2bis, P-CPC et le commentaire correspondant). Ces incertitudes seront levées par la formulation d'une règle claire dans le nouvel art. 336, al. 3, CPC: une décision communiquée sans motivation écrite sera exécutoire au même titre qu'une décision motivée par écrit. Le principe selon lequel les décisions non susceptibles d'un recours ayant un effet suspensif légal deviennent exécutoires au moment de leur communication, même sans motivation écrite, vaut déjà selon le droit en vigueur285.

Les décisions dont le tribunal a suspendu l'exécution à la demande d'une partie seront réservées (voir l'art. 239, al. 2bis, P-CPC).

Art. 372, al. 2 L'art. 372, al. 2, CPC, règle les cas où les parties déposent des demandes identiques devant une autorité judiciaire et un tribunal arbitral. Dans ce cas, celui qui a été saisi en second suspend d'office la procédure jusqu'à droit connu sur la compétence du premier saisi, quel qu'il soit; seul l'ordre de saisie est déterminant286. Cette norme pour l'arbitrage national se distingue ainsi de celle établie à l'art. 186, al. 1bis, LDIP en matière d'arbitrage international287.

Selon le Conseil fédéral, cette disposition ne donne pas satisfaction en pratique et doit être supprimée. Elle est en contradiction avec l'art. 61, al. 1, let. b, CPC288. En effet, la doctrine et la jurisprudence estiment unanimement que si le premier tribunal saisi est une autorité judiciaire, c'est l'art. 61 qui s'applique289: l'autorité judiciaire décline sa compétence sauf dans les cas décrits aux let. a à c, soit si le défendeur a procédé au fond sans émettre de réserves, si la convention d'arbitrage n'est manifestement pas valable ou ne peut être appliquée, ou si le tribunal arbitral n'a pas pu être constitué pour des raisons dues au défendeur de la procédure arbitrale. Conformément à l'art. 61, al. 1, let. b, CPC, l'autorité judiciaire ne décline sa compétence que s'il est manifeste que la convention d'arbitrage est valable ou applicable. Comme elle n'a qu'une information partielle à cet égard, la décision définitive sur la compétence
du tribunal arbitral revient au tribunal arbitral lui-même. Le tribunal arbitral étant le seul à même de statuer de manière définitive sur sa propre compétence, il n'est pas logique qu'il doive suspendre la procédure jusqu'à ce qu'une autorité judiciaire décide de manière provisoire de sa compétence. Selon l'opinion majori285 286

Voir Daniel Staehelin, art. 239 no 35 in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016.

Voir Felix Dasser, art. 372 no 13, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Christoph Müller, art. 372 no 30, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016.

287 Voir Irma Ambauen, 3. Teil ZPO versus 12. Kapitel IPRG, thèse, Lucerne 2016, ch. 327; Christoph Müller, art. 372 no 38, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Markus Müller-Chen, art. 61 no 6, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Tarkan Göksu, Schiedsgerichtsbarkeit, Zurich 2014, ch. 1466; Christoph Hurni, art. 61 no 12, in BK ZPO, Berne 2012.

288 Mladen Stojiljkovi, Die Kontrolle der schiedsgerichtlichen Zuständigkeit, thèse, Zurich, p. 152 ss 289 Voir le message CPC, FF 2006 6841, 7005, ainsi que Christoph Müller, art. 372 n o 32, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Marco Stacher, art. 61 n o 5 in BK ZPO, Berne 2014; Tanja Domej, art. 61 no 1, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014.

2682

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taire, si le premier tribunal saisi est une autorité étrangère, ni l'art. 372, al. 1, CPC, ni l'art. 61 CPC ne s'appliquent: la doctrine dominante préconise dans ce cas l'application de l'art. 186, al. 1bis, LDIP. La procédure arbitrale interne continue sans égard à une procédure judiciaire étrangère290, puisque le principe de litispendance s'applique de manière illimitée dans les juridictions arbitrales internationales291.

Pour ces raisons, l'art. 372, al. 2, CPC doit être abrogé afin de supprimer la contradiction et de clarifier la situation juridique: un tribunal arbitral ne devra plus automatiquement suspendre la procédure jusqu'à ce qu'une autorité judiciaire suisse détermine si la convention d'arbitrage est manifestement valable ou pas. Il pourra immédiatement statuer sur sa propre compétence de manière définitive et le cas échéant poursuivre la procédure arbitrale. La procédure pour les autorités judiciaires suisses restera inchangée puisque l'art. 61 CPC n'est pas modifié.

Art. 400, al. 2bis et 3 L'art. 400, al. 2, CPC prévoit que le Conseil fédéral met à disposition des formules pour les actes des parties et du tribunal. Le Conseil fédéral s'est acquitté de cette tâche en publiant les documents sur le site de l'OFJ292. Il propose d'élargir ces prestations en ajoutant un nouvel al. 2bis: à l'avenir il publiera également, par exemple sous forme de notices, des informations générales sur les frais, l'assistance judiciaire et les possibilités d'obtenir un financement pour mener le procès. Le Conseil fédéral estime qu'il existe un réel besoin d'information dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne le financement du procès. Le financement par des tiers peut permettre à des personnes et des parties qui ne disposent pas des ressources financières nécessaires, ne serait-ce que pour régler une éventuelle avance de frais, ou qui ne peuvent pas prétendre à l'assistance judiciaire au sens des art. 117 ss CPC, de surmonter ces obstacles financiers et d'exercer leurs droits. Dans ce cas, un tiers ­ généralement une entreprise spécialisée ­ finance tous les coûts du demandeur liés à sa prétention; si ce dernier obtient gain de cause, il doit rembourser les montants avancés et verser un supplément fondé sur le résultat. Si le demandeur succombe, les coûts sont entièrement supportés par le tiers
qui finance le procès293. Le Conseil fédéral considère que l'information du public et la mise de formulaires à sa disposition permettront de garantir que les parties qui ne sont pas représentées par un avocat auront connaissance des possibilités de financement (informer les clients sur les possibilités de financement fait partie du devoir de diligence qui incombe à l'avo-

290

Voir Felix Dasser, art. 372 no 14, in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Marco Stacher, art. 372 no 126 in BK ZPO, Berne 2014.

291 Voir Christoph Müller, art. 372 no 31, 38, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016.

292 Voir www.ofj.admin.ch > Publications & services > Procédure civile.

293 Voir pour plus de détails à ce sujet Benjamin Schumacher, Prozessfinanzierung, thèse, Zurich 2015, p. 5 ss¸ Isaak Meier, Prozessfinanzierung, insbesondere prozessuale und konkursrechtliche Fragen, PCEF 2019, p. 3 ss, et Marcel Wegmüller, Prozessfinanzierung in der Schweiz: Bestandesaufnahme und Ausblick, REAS 2013, p. 235 ss, tous trois avec références.

2683

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cat294). Cette nouvelle tâche pourra également être déléguée à l'OFJ; l'al. 3 est complété en ce sens. Tenant compte des avis critiques de la majorité des participants à la consultation295, le Conseil fédéral renonce à élargir le devoir d'informer sur les frais qui incombe au tribunal en vertu de l'art. 97 CPC (voir le ch. 4.3).

Art. 401a

Statistiques et nombre de cas

Les travaux préparatoires ont clairement montré qu'il n'existe pas aujourd'hui en Suisse de réelles statistiques relatives à la procédure civile et qu'une grande proportion de chiffres et de statistiques importants pour la compréhension de la pratique du CPC ne sont actuellement pas disponibles pour l'ensemble de la Suisse (voir cidessus au ch. 1.1.5). Si certaines données relatives au fonctionnement du système judiciaire et donc aussi au droit de la procédure civile sont collectées dans le cadre des travaux de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), un comité d'experts du Conseil de l'Europe296, ces données, les seules disponibles pour l'ensemble de la Suisse, sont encore fragmentaires et, pour diverses raisons, peu pertinentes. Ceci contraste avec d'autres pays européens comme l'Allemagne ou l'Autriche. Disposer d'informations fiables sur la réalité juridique est toutefois fondamental pour l'adaptation et la révision des lois et pour la recherche297.

Ainsi, une base légale pour établir des statistiques et recenser le nombre de procédures civiles doit figurer dans le code de procédure civile directement. Sans aucun doute, il s'agit d'une tâche communautaire qu'il revient à la fois à la Confédération, aux cantons et aux tribunaux cantonaux et fédéraux de mener. C'est par la coopération entre ces autorités que les statistiques et le nombre des cas pourront être établis de manière uniforme et donc comparable, dans l'ensemble de la Suisse et sur le long terme. Cet objectif est d'ailleurs directement dans l'intérêt de la Confédération, des cantons et des tribunaux, mais aussi dans l'intérêt de la société et du public. La nouvelle disposition prévoit ainsi que la Confédération et les cantons, conjointement avec les tribunaux, veillent à l'établissement de statistiques suffisantes sur le nombre de cas et sur les indicateurs relatifs à l'application de la loi, notamment sur le nombre, la nature, la matière, la durée et les coûts de procédures devant les tribunaux et les autorités de conciliation. Ce mandat s'adresse simultanément à la Confédération, aux cantons et aux tribunaux, et ne pourra être accompli de manière efficace que par la coopération entre ces acteurs pour des raisons évidentes de compétences et de ressources. Les chiffres et autres données essentiels et déterminants
pour le fonctionnement et la compréhension de la procédure civile seront recueillis et exploités. Il s'agira en premier lieu des données relatives au nombre de procédures introduites et liquidées, classées selon le type de procédure et le domaine 294

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_814/2014 du 22 janvier 2015, consid. 4.3.1; Benjamin Schumacher/Hans Nater, Prozessfinanzierung und anwaltliche Aufklärungspflichten, RSJ 2016, p. 43 ss.

295 Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.15. Voir aussi Benjamin Schumacher, Richterliche Pflicht zum Hinweis auf private Prozessfinanzierung? Stellungnahme zum Vorentwurf des Bundesrates zur Teilrevision der ZPO, PJA 2018, p. 458 ss.

296 Pour plus d'informations, consulter http://www.europewatchdog.info/instrumente/fachgremien/effizienz-der-justiz-cepej/.

297 Voir aussi ISAAK MEIER, Evaluative Justizstatistik ­ am Beispiel des Einleitungsverfahrens, PCEF 37/2016, p. 5 ss, 6 s.

2684

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du droit concerné, et en second lieu des données concernant la durée et les coûts des procédures civiles. La collecte de données devra à l'opposé respecter le principe de proportionnalité et se limiter à ce qui est nécessaire; au-delà, la collecte se fera comme aujourd'hui par les scientifiques et les chercheurs.

Les critiques exprimées lors de la consultation, par les cantons en particulier, seront prises en compte lors de la mise en oeuvre de la disposition:298 Ainsi, les charges organisationnelles et financières supplémentaires pour les cantons ou les tribunaux sont autant que possible à éviter et l'autonomie des cantons dans l'organisation judiciaire est à respecter. Cette tâche étant par ailleurs commune à tous les acteurs, la Confédération assumera sa part de l'exécution. Au vu des critiques exprimées, le Conseil fédéral renonce à concrétiser la disposition plus en détail au niveau de la loi.

La détermination des données et des chiffres à recenser, de même que la fréquence des recensements et les délais transitoires qui seront accordés devront être fixés en commun, par la Confédération, les cantons et les tribunaux. L'on s'appuiera naturellement sur les structures existantes et les évaluations déjà effectuées, notamment les chiffres recueillis dans le cadre de l'enquête de la CEPEJ ou par la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police. Ces données seront développées de manière adéquate si cela s'avère pertinent. Les travaux actuels effectués dans le cadre du projet «Justitia 4.0» visant à développer la communication par voie électronique offriront certainement des possibilités substantielles de synergies.

5.2

Modification d'autres lois fédérales

5.2.1

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)

Art. 42, al. 1bis La disposition porte sur les mémoires à présenter dans les procédures menées devant le Tribunal fédéral. Ils doivent être rédigés dans une langue officielle de la Confédération (al. 1). Cette règle semble trop restrictive étant donné que le nouvel art. 129, al. 2, P-CPC dispose que la procédure devant la juridiction inférieure pourra également être menée en anglais à la demande de toutes les parties si le droit cantonal le prévoit (voir à ce sujet le ch. 4.1.6 et le commentaire de l'art. 129 P-CPC): si la procédure devant le tribunal cantonal est menées en anglais, les parties doivent également pouvoir rédiger leurs mémoires en anglais dans la procédure devant le Tribunal fédéral (al. 1bis). L'art. 54 LTF, inchangé, continuera à régir la langue de procédure et par conséquent la langue dans laquelle le Tribunal fédéral rédigera ses décisions: ce sera donc toujours une langue officielle. La possibilité d'utiliser l'anglais, ou les langues officielles d'autres cantons (voir l'art. 129, al. 2, P-CPC), sera ainsi concrétisée pour toutes les instances, Tribunal fédéral compris. La solution proposée correspond à celle que le Conseil fédéral a présentée en matière d'arbitrage

298

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.62.

2685

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dans le cadre de la révision de la LDIP, traitée actuellement au Parlement (art. 77, al. 2bis, P-LTF dans la version du P-LDIP)299.

5.2.2

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé

Art. 5, al. 3, let. c L'art. 5 LDIP règle la forme, le contenu et l'effet de l'élection de for dans un contexte international, à moins qu'un traité international soit applicable et prime, conformément à l'art. 1, al. 2, LDIP. Une élection de for conclue valablement est, comme le prévoit l'art. 5, al. 3, LDIP, absolument contraignante pour le tribunal élu s'il existe un lien étroit avec la Suisse, c'est-à-dire si une partie est domiciliée, a sa résidence habituelle ou un établissement dans le canton où il siège (let. a) ou si le droit suisse est applicable au litige (let. b). Si le lien avec la Suisse est plus lâche, les tribunaux disposent, selon le droit en vigueur, d'un pouvoir d'appréciation pour décliner leur compétence. La création de bases juridiques autorisant les cantons à doter leurs tribunaux de commerce ou tribunaux supérieurs de cours ou de chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spécifiques au règlement de litiges commerciaux internationaux (voir les art. 6, al. 4, let. c, et 8, al. 2, P-CPC) permettra aux cantons de restreindre le pouvoir d'appréciation des tribunaux et de les obliger à accepter ces conventions de for: le tribunal élu ne pourra pas décliner sa compétence s'il s'agit d'un tribunal de commerce et que l'action se fonde sur l'art. 6, al. 4, let. c, P-CPC (art. 5, al. 3, let. c, 1re hypothèse, P-LDIP). Il en ira de même s'il s'agit d'un tribunal supérieur et que les parties l'ont saisi directement en vertu de l'art. 8 CPC, à la condition que le tribunal ne puisse pas décliner sa compétence en vertu du droit cantonal (art. 5, al. 3, let. c, 2e hypothèse, P-LDIP). Cette modification garantit que les conventions établissant la compétence de la Suisse à raison du lieu et la compétence matérielle d'un tribunal de commerce ou d'un tribunal cantonal supérieur seront applicables sans réserve également du point de vue du droit international privé et qu'un tribunal supérieur ou un tribunal de commerce élu ne pourra pas décliner sa compétence. Elle crée la sécurité juridique nécessaire en assurant aux parties qui choisiront un tribunal de commerce suisse spécialisé dans les litiges internationaux que cette élection de for sera contraignante. Il n'y a pas lieu de protéger les tribunaux suisses d'une trop forte sollicitation, contrairement à l'intention première du
législateur de l'époque300: les conventions de for conclues en faveur d'un tribunal de commerce ou d'un tribunal supérieur donné, compétent à raison de la matière, ne seront contraignantes que si le canton en a disposé ainsi.

299

18.076 Loi sur le droit international privé. Chapitre 12: Arbitrage international; Message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé (Chapitre 12: Arbitrage international), FF 2018 7153 ss; le 18 octobre 2019, la CAJ-N a donné suite à la proposition du Conseil fédéral, voir aussi le communiqué de presse qu'elle a publié le même jour, disponible à l'adresse www.parlament.ch > Organes > Commissions > Commissions thématiques > CAJ > Communiqués de presse.

300 Voir le message LDIP, FF 1983 I 255, ch. 213.6.

2686

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Art. 11b Comme le nouvel art. 5, al. 3, let. c, P-LDIP renvoie au CPC, le renvoi mentionné à l'art. 11b doit être adapté du point de vue rédactionnel (remplacement du titre complet par son sigle).

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'aura pas de conséquences directes sur les finances ni le personnel de la Confédération.

Des dépenses supplémentaires seront indirectement supportées par la Confédération dans la mesure où elle devra assumer de nouvelles tâches en lien avec l'obligation de publier des informations générales sur les frais, l'assistance judiciaire et les possibilités d'obtenir un financement pour mener le procès et avec la récolte et l'établissement de statistiques et de chiffres (voir les art. 400, al. 2bis, et 401a P-CPC et le commentaire de ces dispositions). Les services et les autorités compétents assumeront ces nouvelles tâches dans le cadre des moyens financiers disponibles et avec le personnel existant.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet aura des conséquences pour les cantons à divers égards: ­

Conformément au droit en vigueur, les cantons sont souverains en matière d'organisation des tribunaux et des autorités de conciliation, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 3 CPC). Bien que la présente révision n'intervienne pas directement dans les organisations judiciaires cantonales, qui ont fait leurs preuves, des adaptations pourront s'avérer nécessaires dans ce domaine, par exemple en ce qui concerne l'autorité de conciliation, ou dans les cantons ayant institué un tribunal de commerce. Les modifications proposées permettant la création de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international (voir le ch. 4.1.6 et les art. 6, al. 4, let. c, et 129, al. 2 P-CPC) donneront en outre la possibilité ­ et non l'obligation ­ aux cantons de procéder lorsqu'ils l'estiment opportun à de nouvelles adaptations dans l'organisation de leurs tribunaux et de leurs autorités.

­

Le projet modifie les règles sur le montant maximal de l'avance de frais (voir l'art. 98 P-CPC) et le règlement des frais (voir l'art. 111, al. 1 et 2, P-CPC). Dans la mesure où la justice, en tant que tâche essentielle au sein d'un État de droit, entraîne toujours des frais et des dépenses publiques, les modifications proposées auront des conséquences financières pour les cantons, à la fois directes et indirectes, comme relevé par ces derniers lors de la

2687

FF 2020

consultation301. D'une part, conformément aux attentes, les avances de frais diminueront en pratique et, d'autre part, les cantons ne pourront plus compenser les frais judiciaires directement avec ces avances. Ce résultat est toutefois inévitable si l'on souhaite décharger les parties du risque d'une insolvabilité de la partie succombante, qui s'ajoute au risque toujours présent de perdre le procès et d'en supporter les frais; telle était déjà l'intention du législateur lors de l'adoption du CPC. Ces conséquences financières sont toutefois nettement atténuées par rapport à celles qu'impliquaient l'avant-projet, le projet prévoyant qu'une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés peut tout de même être exigée dans certains cas, la partie qui a eu gain de cause portant le risque d'insolvabilité dans ces cas (voir l'art. 98, al. 2, P-CPC en relation avec l'art. 111, al. 1, P-CPC). Ces conséquences ne peuvent être ni quantifiées, ni anticipées, ni globalement ni pour chaque canton, dans la mesure où elles dépendent de l'organisation des tribunaux et des autorités des différents cantons et de leurs pratiques en matière de tarif. L'expérience a toutefois montré que les pertes des cantons dues aux frais judiciaires en souffrance ou payés en retard peuvent être sensiblement diminuées par la mise en place d'un système d'encaissement efficace.

Le projet n'a pas de conséquences spécifiques pour les communes, les villes, les agglomérations et les régions de montagne. Aucune question spécifique liée à ces dernières n'a donc été examinée en détail.

6.3

Conséquences économiques

De par leur nature, les conséquences économiques des modifications du droit de la procédure civile sont, au mieux, difficilement quantifiables. Comme le Conseil fédéral l'a déjà exposé dans le cadre de la création du CPC, une justice efficace, garante de la paix sociale, contribue à la prospérité économique et, finalement, à la qualité de vie302.

Les présentes modifications du CPC visent à améliorer la mise en oeuvre des droits et la justice civile. Par conséquent, les coûts de la mise en oeuvre des droits devraient baisser pour les particuliers, mais aussi et surtout pour les entreprises. Les obstacles financiers du droit en vigueur, en particulier les avances de frais élevées (voir l'art. 98 CPC) ainsi que le risque d'insolvabilité de la partie condamnée à supporter les frais (voir l'art. 111 CPC), qui sont parfois critiqués, sont éliminés.

301 302

Synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1 et 5.16 Message sur le CPC, FF 2006 6841 7017

2688

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6.4

Conséquences sociales

Les mesures proposées visent à améliorer la protection offerte par le droit civil aux individus. Cela contribue à la stabilité de la société et renforce la confiance en la capacité de l'État de droit et de ses institutions à mettre en oeuvre le droit de manière efficace en faveur de chacun. Le droit privé ne peut contribuer à l'ordre social que s'il peut être mis en oeuvre et est effectivement mis en oeuvre en cas de litige.

6.5

Conséquences environnementales

Selon toute vraisemblance, le projet n'aura aucune conséquence environnementales.

Les questions visant ce domaine n'ont donc pas été examinées en détail.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet prévoit des modifications du CPC, qui repose sur l'art. 122 Cst. (compétence de la Confédération en matière de droit civil et de procédure civile), et d'autres lois fédérales conformes à la Cst.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse est partie à diverses conventions bilatérales et multilatérales en matière de procédure civile, notamment à la convention de Lugano et aux conventions de La Haye (Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale303, Convention du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale304 et Convention du 1er mars 1954 relative à la procédure civile305). Le présent projet est compatible avec les obligations internationales de la Suisse découlant de ces conventions.

303 304 305

RS 0.274.131 RS 0.274.132 RS 0.274.12

2689

FF 2020

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit, qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. Le texte est sujet au référendum.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet n'a pas de conséquences financières pour la Confédération. Il ne prévoit ni subventions ni crédits d'engagement ou plafonds de dépenses et le frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.) ne s'applique pas.

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Les modifications proposées visent à améliorer la procédure civile en vigueur, unifiée sur le plan national. C'est également le cas des adaptations proposées en matière de frais, domaine particulièrement sensible pour les cantons. Dans la mesure où ces derniers restent souverains en matière de tarif à une exception près, déjà prévue par le droit en vigueur, c'est-à-dire le domaine des émoluments LP (voir l'art. 96, al. 2, P-CPC et le commentaire de cette disposition), les modifications proposées des règles sur les frais ­ en particulier celles des art. 98 et 111 CPC sur l'avance de frais et le règlement des frais ­ respectent les principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale. Ces modifications sont également justifiées par la nécessité d'une procédure civile nationale unifiée. Elles se fondent sur la compétence exhaustive de la Confédération en matière de procédure civile, prévue à l'art. 122 Cst., qui comprend en principe également l'organisation des tribunaux et des autorités de conciliation (voir également l'art. 3 CPC).

7.6

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de délégation de compétences législatives au Conseil fédéral. La mise à disposition par ce dernier d'informations sur les frais, l'assistance judiciaire et les possibilités d'obtenir un financement pour mener le procès, prévue par le nouvel art. 400, al. 2bis, P-CPC (voir le commentaire de cette disposition), ne constitue pas une délégation de compétences législatives.

2690

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7.7

Protection des données

La modification du CPC et des autres lois fédérales n'aura pas de conséquences du point de vue du traitement des données personnelles.

2691

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2692