20.069 Message concernant la loi fédérale sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo du 11 septembre 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2010

Mo. 07.3870

Interdiction des jeux électroniques violents (CN 3.6.09, Hochreutener; CE 18.3.10)

2010

Mo. 09.3422

Interdiction des jeux violents (CN 3.6.09, Allemann; CE 18.3.10)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 septembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-3651

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Condensé Le présent projet de loi régit la protection des mineurs contre les contenus médiatiques de films et de jeux vidéo qui pourraient porter préjudice à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social, notamment des représentations de violence, de sexe et de scènes effrayantes. Les acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo devront remplir des exigences en matière d'indication de l'âge requis et de contrôle de l'âge. Ces mesures seront mises en oeuvre dans le cadre d'une corégulation entre acteurs publics et privés.

Contexte L'évolution constante des nouvelles technologies et des comportements adoptés par les enfants et les jeunes dans l'utilisation des médias placent la protection des mineurs devant une multitude de défis. Une protection moderne des mineurs doit englober, d'une part, des mesures réglementaires permettant de préserver les enfants et les jeunes des contenus médiatiques susceptibles de nuire à leur développement personnel et, d'autre part, des mesures visant à leur transmettre, ainsi qu'aux personnes en charge de leur éducation et à celles qui les accompagnent, les compétences médiatiques dont ils ont besoin pour saisir les opportunités tout en évitant de s'exposer aux risques présentés par les médias. Il est indispensable d'agir dans ce domaine. Le projet de loi fédérale sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo vise à protéger les mineurs contre les contenus médiatiques de films et de jeux vidéo qui pourraient porter préjudice à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social.

Contenu du projet Le projet de loi fédérale se fonde sur l'art. 95, al. 1, de la Constitution, qui autorise la Confédération à légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées. Afin de protéger les mineurs contre des contenus inadéquats de films et de jeux vidéo, les organisateurs d'événements qui rendent accessibles des films et des jeux vidéo lors d'événements publics, les prestataires de films et de jeux vidéo sur des supports audiovisuels et les prestataires de services à la demande doivent remplir des exigences en matière d'indication de l'âge requis et de contrôle de l'âge.

Ces mesures sont mises en oeuvre dans le cadre d'une corégulation, par laquelle les acteurs du secteur du film et ceux du secteur du jeu
vidéo peuvent développer des systèmes de classification d'âge ainsi que des règles relatives à l'indication de l'âge requis, aux descripteurs de contenu et au contrôle de l'âge. Les acteurs qui travaillent dans le domaine de la fabrication, de la location, de la distribution, de l'importation, du commerce de gros et du commerce intermédiaire, les prestataires de supports audiovisuels, les prestataires de services à la demande ainsi que les organisateurs d'événements qui rendent accessibles des films ou des jeux vidéo lors d'événements publics s'associent pour, dans leur secteur respectif, former une organisation de protection des mineurs et élaborer une réglementation en matière de protection des mineurs. Ils peuvent déposer une demande de déclaration de force obligatoire de leur réglementation pour les acteurs qui ne sont pas membres de ces

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organisations. Le Conseil fédéral décide de donner force obligatoire à ces réglementations, qui doivent pour cela répondre aux exigences minimales fixées par la loi. En ce qui concerne les services à la demande et les services de plateforme, la Suisse entend s'aligner sur la réglementation européenne. S'ils sont basés en Suisse, ces services doivent prévoir des systèmes de contrôle de l'âge, des systèmes de contrôle parental et des systèmes de notification des contenus non adaptés aux mineurs s'inspirant de la directive européenne Services de médias audiovisuels.

Conformément au projet, les organisations de protection des mineurs veillent au respect de leur réglementation respective et sanctionnent leurs membres qui l'enfreignent. Toutefois, le respect des obligations concernant l'indication de l'âge, les descripteurs de contenu et le contrôle de l'âge, eu égard à l'accès aux films ou aux jeux vidéo, est aussi soumis au contrôle des cantons (sur leur territoire) et à celui de l'Office fédéral des assurances sociales (commerce en ligne, services à la demande et services de plateforme), et des sanctions peuvent être prononcées en cas d'infraction à la loi. Les cantons sont responsables des procédures pénales.

Selon le projet, l'Office fédéral des assurances sociales est chargé de la coordination des mesures de protection des mineurs dans le secteur du film et dans celui du jeu vidéo, et est tenu d'évaluer régulièrement l'efficacité des mesures prises en vertu de la nouvelle loi.

La réglementation prévue constitue la première norme uniforme à l'échelon national destinée à protéger les enfants et les jeunes contre des contenus non adaptés à leur âge lors de la consommation de films ou de jeux vidéo.

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Table des matières Condensé

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Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs 1.1.1 Introduction 1.1.2 Jeunes et médias: évolutions et enjeux actuels 1.1.3 Réglementation actuelle en matière de films et de jeux vidéo en Suisse 1.1.4 Buts de la loi 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.2.1 Formes de réglementation possibles 1.2.2 Justification et appréciation de la solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

7912 7912 7912 7917

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Groupe d'accompagnement 2.2 Résumé des résultats de la consultation 2.3 Evaluation des résultats de la procédure de consultation 2.4 Points de friction non résolus

7940 7940 7941 7942 7944

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Régulation propre à chaque pays 3.2 Collaboration internationale dans le cadre de l'autorégulation et de la corégulation 3.3 Régulation à l'échelle européenne

7946 7946

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.2 Adéquation des moyens requis 4.3 Mise en oeuvre 4.3.1 Modalités de mise en oeuvre prévues 4.3.2 Évaluation de l'exécutabilité au cours de la procédure pré-parlementaire 4.3.3 Mesures prévues pour évaluer l'exécution

7953 7953 7958 7958 7958

5

Commentaire des dispositions

7960

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques

7987 7987

4

7910

7923 7932 7933 7933 7935 7938 7939

7948 7950

7959 7960

7987 7988

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6.4 6.5 7

Conséquences sociales Conséquences environnementales

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Respect des principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 7.6 Délégation de compétences législatives 7.7 Protection des données

7991 7991 7991 7991 7992 7993 7993 7993 7994 7995

Liste des abréviations utilisées

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Loi fédérale sur la protection des mineurs en matière de films et de jeux vidéo (LPMFJ) (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs

1.1.1

Introduction

Il est difficile de concevoir aujourd'hui un monde sans médias numériques. Les enfants et les jeunes les utilisent quotidiennement durant leur temps libre, à l'école et sur leur lieu de formation. Ces dernières années, les progrès techniques fulgurants ont influé sur la manière dont les enfants et les jeunes utilisent les médias et sur les opportunités et les risques associés à leur utilisation. Cette évolution et les risques qui en découlent ont d'ailleurs fait l'objet de nombreuses interventions parlementaires. Le Conseil fédéral a publié plusieurs rapports en exécution d'interventions portant sur des aspects concrets, tels que la violence et les nouveaux médias, l'utilisation excessive d'Internet ou les médias sociaux. En outre, de 2011 à 2015, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a mis en oeuvre le programme national Jeunes et médias sur mandat du Conseil fédéral. Sur la base de ces travaux, le Conseil fédéral a adopté, le 13 mai 2015, le rapport «Jeunes et médias. Aménagement de la protection des enfants et des jeunes face aux médias en Suisse. Rapport du Conseil fédéral en réponse à la motion 10.3466 Bischofberger » (rapport Jeunes et médias)1, incluant une évaluation de la nécessité d'agir. Il a chargé le Département fédéral de l'intérieur (DFI) d'examiner l'opportunité de légiférer au niveau fédéral en matière de films et de jeux vidéo. Les principales interventions et les travaux les plus importants réalisés à ce jour sont résumés ci-après.

Rapports publiés par le Conseil fédéral et projets de législation en cours en matière de films et de jeux vidéo Le Conseil fédéral a adopté, le 20 mai 2009, le rapport «Les jeunes et la violence.

Pour une prévention efficace dans la famille, l'école, l'espace social et les médias»2.

Ce rapport répond aux questions formulées dans les postulats Leuthard 03.3298 «Violence des jeunes», Amherd 06.3646 «Violence des jeunes. Pour que la prévention ait davantage d'impact et d'efficacité» et Galladé 07.3665 «Médias de divertissement. Protéger les enfants et les adolescents de la violence». Le Conseil fédéral y refuse de légiférer au niveau national sur la protection des enfants et des jeunes face aux médias, comme l'exige le postulat Galladé 07.3665, tout en
annonçant qu'il veillera à mettre en place au niveau fédéral les mesures réglementaires nécessaires si les cantons et les associations professionnelles ne remplissent pas leur mandat ou si les mesures prises ne sont pas efficaces.

1 2

Le rapport est disponible sur: www.ofas.admin.ch > Politique sociale > Politique de l'enfance et de la jeunesse > Protection de la jeunesse.

Le rapport est disponible sur: www.ofas.admin.ch > Politique sociale > Politique de l'enfance et de la jeunesse > Protection de la jeunesse.

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Le rapport sur les risques associés à Internet et aux jeux vidéo intitulé «Gefährdungspotenzial von Internet und Online-Games» («Dangers potentiels d'Internet et des jeux en ligne»)3 et publié le 30 mars 2012 par le Conseil fédéral répond aux postulats Forster-Vannini 09.3521 et Schmid-Federer 09.3579. Il en ressort qu'en 2009, environ 2,3 % des jeunes et des jeunes adultes en Suisse avaient un usage excessif et donc problématique d'Internet. Sur la base de ce rapport, le Conseil fédéral a décidé que l'encouragement de l'intervention et du repérage précoces devait être intensifié. En outre, il recommandait d'améliorer les données scientifiques au sujet de l'utilisation excessive d'Internet et de les documenter dans le cadre d'un monitorage. À cette fin, l'Office fédéral de la santé publique a intégré dans le Monitorage suisse des addictions4 des questions concernant l'utilisation d'Internet.

Le 9 octobre 2013, le Conseil fédéral a publié le rapport «Cadre juridique pour les médias sociaux»5 en réponse au postulat Amherd 11.3912. Selon les conclusions de ce rapport, l'expérience montre que le droit suisse ne présente pas de grosses lacunes en ce qui concerne les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou les blogs, qui sont soumis aux lois en vigueur, telles que la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)6 ou le code pénal (CP)7. Appliquées à bon escient, ces dispositions apportent une réponse adéquate à la plupart des problèmes que posent ou que pourraient poser ces plateformes aux particuliers et à la collectivité. Pour certains aspects du droit des télécommunications, pour les réglementations concernant la responsabilité civile des exploitants de plateforme et des fournisseurs d'accès ainsi que pour la protection des jeunes face aux médias et pour la protection des données, le rapport indique toutefois qu'il faudra procéder à des analyses approfondies. Le rapport complémentaire du Conseil fédéral «Un cadre juridique pour les médias sociaux: Nouvel état des lieux»8 du 10 mai 2017 expose les résultats des examens réalisés dans ces domaines. S'agissant du droit des télécommunications, le rapport constate que de très nombreux fournisseurs de télécommunication proposent aujourd'hui des services basés sur Internet, ce qui implique de nouvelles solutions en matière de
réglementation. Le 22 mars 2019, le Parlement a approuvé la modification9 de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC)10, inscrivant ainsi dans la loi des compétences claires pour l'édiction de réglementations relatives à la protection de la jeunesse dans le domaine des télécommunications. Il s'agit désormais, par voie d'ordonnance, de contraindre les fournisseurs d'accès à Internet à informer leurs clients sur les possibilités de protection des enfants et des jeunes sur la Toile, en leur proposant non seulement des informations générales, mais aussi un soutien dans des cas concrets (options de filtre, protection par mot de passe, sources 3 4 5 6 7 8 9 10

Le rapport est disponible sur: www.ofsp.admin.ch > L'OFSP > Publications > Rapports du Conseil fédéral > Rapports du Conseil fédéral de 2006 à 2015 > 2012.

Cf. www.suchtmonitoring.ch Le rapport est disponible sur: www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Communication numérique > Médias sociaux.

RS 235.1 RS 311.0 Le rapport est disponible sur: www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Communication numérique > Médias sociaux.

FF 2019 2585 RS 784.10

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pour les recommandations de limites d'âge, etc.). La révision de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services de télécommunication (OST) 11 a été en consultation jusqu'au 25 mars 202012.

Dans son rapport du 11 décembre 2015 sur la responsabilité civile des fournisseurs de services Internet13, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion qu'une législation générale, couvrant tous les domaines du droit, ne s'imposait pas à l'heure actuelle en matière de responsabilité civile des fournisseurs. Il approuvait la procédure de notification et de retrait (notice-and-take-down) de contenu illicite inscrite dans les conditions générales de certains réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, mais il ne prévoyait pas d'inclure dans la loi de telles mesures d'autorégulation.

Les lacunes apparues dans la LPD du fait de l'évolution technique fulgurante doivent être comblées dans le cadre de la révision totale de celle-ci et de la modification d'autres lois fédérales, actuellement discutées au Parlement14. Dans son message du 15 septembre 2017 concernant la loi fédérale sur la révision totale de la loi fédérale sur la protection des données et sur la modification d'autres lois fédérales 15, le Conseil fédéral explique que l'objectif de la révision est en particulier de rendre aux personnes concernées le contrôle de leurs données. Avec l'évolution de la société numérique, les données font en effet l'objet de collectes massives (big data) et d'un traitement de moins en moins transparent (par ex. profilage basé sur des algorithmes). Dans le cadre de sa stratégie «Suisse numérique»16 adoptée le 5 septembre 2018, le Conseil fédéral a en outre défini comme mesure le renforcement du droit à l'autodétermination informationnelle dans le cadre de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC), notamment l'amélioration de la transparence du traitement des données des utilisateurs de TIC et la consolidation du contrôle de ces derniers sur leurs données. La révision de la LPD doit contribuer à la réalisation de cette stratégie.

Enfin, comme mentionné ci-dessus, le Conseil fédéral a adopté, le 13 mai 2015, le rapport Jeunes et médias en réponse à la motion 10.3466 Bischofberger «Internet.

Renforcer la protection des jeunes et la lutte contre la cybercriminalité». Ce rapport dresse un état des
lieux de la protection des enfants et des jeunes face aux médias. Il identifie les problématiques prioritaires et les enjeux généraux et propose différentes mesures, dont l'opportunité de légiférer à l'échelle fédérale pour prévoir dans les secteurs du film et du jeu vidéo une corégulation visant à protéger les enfants et les jeunes contre les contenus inadéquats. Cette mesure est concrétisée dans le présent message.

11 12

13 14 15 16

RS 784.101.1 Les documents relatifs à la procédure de consultation sont disponibles sur: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DETEC.

Le rapport est disponible sur: www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit > 2015.

Objet no 17.059 FF 2017 6565 La stratégie peut être consultée sur: www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Suisse numérique.

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Programme national de promotion des compétences médiatiques Dans le rapport précité sur les jeunes et la violence, le Conseil fédéral a souligné l'importance des offres de promotion des compétences médiatiques et de prévention de la violence. À cette fin, par arrêté du 11 juin 2010, il a notamment chargé l'OFAS d'assumer la responsabilité du pilotage et de la mise en oeuvre opérationnelle du programme national Jeunes et médias, limité à cinq ans et visant à protéger les enfants et les jeunes face aux médias et à promouvoir les compétences médiatiques.

Le programme a été mené de 2011 à 2015 en collaboration avec les branches intéressées, les cantons et les services compétents de la Confédération. Son principal objectif était d'encourager les enfants et les jeunes à utiliser les médias numériques de façon sûre, responsable et adaptée à leur âge. Il offrait aux parents, aux enseignants et aux professionnels des informations ciblées, un soutien et des conseils sur la meilleure façon d'accompagner les enfants et les jeunes. En dirigeant le programme, la Confédération a assumé des tâches de coordination et a encouragé la collaboration entre les différents acteurs et leur mise en réseau. À l'issue du programme, en 2015, le Conseil fédéral a chargé l'OFAS de poursuivre les mesures fédérales pour protéger les jeunes face aux médias (soutien et coordination) et de lui rendre compte tous les cinq ans de l'avancement des mesures et des résultats obtenus.

Interventions parlementaires et initiatives cantonales Ces dix dernières années, de nombreuses interventions parlementaires concernant la protection des jeunes face aux médias ont été soumises au Conseil fédéral. Plusieurs initiatives cantonales lui ont aussi été présentées. Les principales interventions et initiatives cantonales ayant trait à la régulation de la protection des enfants et des jeunes face aux médias sont résumées ci-après.

La motion Hochreutener 07.3870 «Interdiction des jeux électroniques violents» charge le Conseil fédéral d'élaborer un projet de loi visant à empêcher l'accès des enfants et des adolescents aux jeux d'ordinateur à contenu violent (jeux où le joueur peut tirer lui-même sur des cibles, réservés à des classes d'âge 16+ ou 18+ d'après la classification du Pan European Game Information [PEGI]) en interdisant les ventes.
Pour protéger en particulier les enfants et les adolescents de ces représentations de la violence, il convient d'examiner s'il est préférable d'instaurer une interdiction générale de vente de ces jeux aux enfants et aux adolescents, ou si une protection plus large de cette tranche d'âge serait plus appropriée. L'auteur de la motion mentionne le «Code de conduite SIEA/PEGI pour la protection des jeunes» (cf.

ch. 1.1.3). Il demande au Conseil fédéral d'examiner les possibilités d'inscrire cette initiative volontaire d'autorégulation dans la loi.

La motion Allemann 09.3422 «Interdiction des jeux violents» exige une interdiction absolue des jeux violents: le Conseil fédéral est chargé d'interdire la production, la publicité, l'importation, la vente et la diffusion de programmes de jeux dans lesquels de terribles actes de violence commis contre des êtres humains ou humanoïdes contribuent au succès du jeu. Une interdiction généralisée de ces jeux semble donc appropriée et proportionnée à la situation. Les directives d'âges (comme pour le système PEGI) définies par les producteurs et les concessionnaires ne constituent

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pas une alternative à une interdiction, car elles peuvent aisément être contournées.

Une possibilité de mettre en oeuvre la motion serait de concrétiser l'art. 135 CP.

Le Conseil fédéral a proposé le rejet de ces deux motions en soulignant que l'art. 135 CP interdisait déjà les représentations de la violence illustrant des actes de cruauté. Dans son avis sur la motion Allemann 09.3422, le Conseil fédéral constate néanmoins qu'il est nécessaire de mieux protéger les jeunes contre les représentations de la violence et qu'il serait envisageable (au-delà des dispositions du CP) d'interdire la vente ou la diffusion de représentations ne tombant pas sous le coup de l'art. 135 CP, mais susceptibles d'avoir des conséquences néfastes pour certains groupes d'âge. La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E), dans son rapport du 15 février 2010, émet quant à elle des réserves concernant l'efficacité d'une interdiction générale des jeux telle que proposée par la motion Allemann. Elle estime toutefois à l'unanimité que la vente de jeux violents à des jeunes de moins de 16 ou 18 ans devrait être interdite au moyen d'un système de classification contraignant. Elle considère en outre qu'il y a lieu de clarifier et d'uniformiser la situation à l'échelle nationale et juge qu'il serait judicieux de prévoir des réglementations contraignantes concernant les jeux électroniques violents.

Pour tous ces motifs, la CAJ-E a proposé l'adoption des deux motions. La motion Hochreutener 07.3870 et la motion Allemann 09.3422 ont donc été transmises au Conseil fédéral le 18 mars 2010. Ce dernier n'est cependant pas entré en matière compte tenu des travaux en cours dans le cadre du programme Jeunes et médias et du présent projet.

Plusieurs initiatives cantonales visant une interdiction des jeux vidéo violents à l'échelle suisse ou un système de classification d'âge uniforme pour les médias numériques et audiovisuels ont par ailleurs été soumises à l'Assemblée fédérale. Il s'agit de l'initiative du canton de Berne 08.316 «Interdiction des jeux vidéo violents», de celle du canton de Saint-Gall 09.313 «Mieux protéger les enfants et les jeunes contre la violence dans les jeux vidéo et les médias», de celle du canton du Tessin 09.314 «Révision de l'article 135 CP», de celle du canton de Fribourg 09.332
«Interdiction des jeux vidéo violents», de l'initiative du canton de Zoug 10.302 «Interdiction des jeux vidéo violents» et de celle du canton de Lucerne 11.301 pour «Protéger les jeunes contre les jeux et les sports violents». Le traitement de ces initiatives cantonales a été suspendu pour plus d'un an compte tenu des travaux du programme Jeunes et médias ­ à l'exception de l'initiative soumise par le canton de Lucerne qui demandait, outre l'interdiction des jeux vidéo violents, une interdiction de la pratique d'arts martiaux mixtes comme l'ultimate fighting et à laquelle il n'a pas été donné suite.

Mandat du Conseil fédéral Dans le rapport Jeunes et médias, le Conseil fédéral arrive à la conclusion que, pour garantir une protection adéquate des enfants et des jeunes face aux médias, il faut prendre des mesures tant dans le domaine éducatif que dans le domaine réglementaire. Il a donc chargé le DFI de poursuivre les mesures du volet éducatif de la protection des enfants et des jeunes face aux médias élaborées dans le cadre du programme Jeunes et médias. En ce qui concerne le volet réglementaire de la protection des enfants et des jeunes face aux médias, un besoin d'intervention particulier a 7916

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été identifié au niveau de la problématique des contenus de films ou de jeux vidéo non adaptés à certains groupes d'âge. De ce fait, le Conseil fédéral a chargé le DFI d'examiner, en collaboration avec le Département fédéral de justice et police (DFJP), l'opportunité de légiférer à l'échelle fédérale en matière de films et de jeux vidéo, sur la base de l'art. 95, al. 1, de la Constitution (Cst.)17, et de déterminer la forme à donner à cette réglementation. Les résultats de ces examens ont été présentés au Conseil fédéral le 19 octobre 2016. Par la suite, le Conseil fédéral a chargé le DFI d'élaborer, en concertation avec les cantons et les principales associations des secteurs du film et du jeu vidéo, un projet de loi fédérale.

1.1.2

Jeunes et médias: évolutions et enjeux actuels

L'évolution technique conduit à un foisonnement des offres de services médiatiques et de communication, qui ne cessent de changer et de se diversifier. Les enfants et les jeunes utilisent ces services durant leur temps libre, à l'école et sur leur lieu de formation professionnelle. En participant activement à notre société médiatique, les enfants apprennent non seulement à lire, écrire et calculer, mais acquièrent également des techniques aujourd'hui indispensables pour gérer de nombreuses situations de la vie quotidienne ou professionnelle. L'utilisation des médias numériques comporte cependant aussi de nombreux risques, qui peuvent avoir des conséquences néfastes pour la santé physique et psychique des enfants et des jeunes. Ci-après sont exposées les principales tendances d'utilisation et les dernières évolutions techniques, mais aussi les problématiques qui en découlent pour les enfants et les jeunes ainsi que les défis pour la protection de ces derniers.

Utilisation des médias et progrès technique Utilisation des médias Les chiffres de l'étude JAMES 201818 révèlent les tendances d'utilisation des médias numériques chez les jeunes en Suisse: en 2018, 99 % des 12­19 ans possèdent un smartphone. Tous les jeunes qui disposent d'un téléphone mobile l'utilisent régulièrement, à savoir tous les jours ou plusieurs fois par semaine. 96 % des jeunes surfent régulièrement sur Internet. La proportion des jeunes qui utilisent Internet sur un mobile est passée de 68 % en 2012 à 89 % en 2018. La proportion des jeunes qui regardent des vidéos sur Internet a aussi nettement augmenté: de 40 % en 2012, elle est passée à 82 % en 2018. Les jeunes sont actifs en ligne durant environ deux heures et demie par jour. Le week-end ou pendant les vacances, ils y passent quatre heures par jour en moyenne. Les jeunes passent la majeure partie de ce temps à communiquer par tchat ou sur les réseaux sociaux. 94 % des jeunes Suisses sont inscrits sur au moins un réseau social, les plus populaires étant Instagram (87 %) et Snapchat (86 %), suivis de Facebook (52 %). Les jeunes utilisent aussi les services de communication mobiles comme WhatsApp ou Threema pour communiquer.

17 18

RS 101 Cf. Suter / Waller / Bernath / Külling / Willemse / Süss (2018): JAMES ­ Jeunes, activités, médias ­ enquête Suisse. Zurich: Haute école zurichoise de sciences appliquées ZHAW.

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95 % des jeunes qui possèdent un smartphone utilisent ces applications plusieurs fois par semaine, et 88 % le font quotidiennement. L'utilisation des réseaux sociaux sur mobile est passée de 59 % en 2012 à 90 % en 2018.

En Suisse, 69 % des jeunes regardent régulièrement la télévision. Environ 29 % des jeunes regardent au moins un DVD toutes les deux semaines, et près de 52 % vont au cinéma au moins une fois par mois.

Quelque 70 % des jeunes suisses indiquent jouer au moins de temps en temps à des jeux vidéo, et c'est d'ailleurs le domaine où la différence entre les sexes est la plus grande: cette pratique concerne 91 % des garçons et seulement 48 % des filles.

Interrogés sur leurs trois jeux préférés, les jeunes ont cité le plus souvent des jeux de tir à la première et à la troisième personne19 (30 %) comme Fortnite ou Call of Duty, puis des jeux de sport (14 %) comme FIFA ou NHL, et des jeux en monde ouvert 20 (13 %) comme Minecraft.

Dans l'étude JAMESfocus 201721, les préférences des jeunes en matière de films et de jeux vidéo ont en outre été comparées avec leur âge. Il en est ressorti que les jeunes respectent davantage les limites d'âge des films (68 %) que celles des jeux vidéo (34 %).

L'étude MIKE 201722 a examiné le comportement en matière d'utilisation des médias des enfants de 6 à 13 ans en Suisse. Les résultats ont montré que, parmi ces enfants, regarder la télévision était l'activité médiatique la plus répandue, suivie d'écouter de la musique et de lire des livres. Seuls 3 % des enfants suisses dans cette catégorie d'âge ne regardent jamais la télévision. Le téléphone mobile est leur appareil préféré. 79 % des enfants l'utilisent au moins occasionnellement et 48 % possèdent leur propre téléphone. Le téléphone mobile est surtout utilisé pour jouer à des jeux vidéo, écouter de la musique et visionner des vidéos en ligne, ainsi que pour envoyer ou recevoir des messages. 34 % des enfants possèdent une tablette et 76 % des enfants en utilisent une au moins de temps en temps; 86 % s'en servent pour surfer au moins occasionnellement sur Internet. Jouer à des jeux vidéo est l'activité de loisirs médiatique préférée des enfants: 66 % y jouent au moins une fois par semaine, 34 % jouent presque tous les jours, tandis que 10 % seulement n'y jouent pas du tout. Les garçons jouent nettement plus souvent que les filles.

19

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21 22

Dans les jeux de tir à la première personne, le joueur voit l'action à travers les yeux du protagoniste, tandis qu'il voit ce dernier de dos dans les jeux de tir à la troisième personne (cf. www.klicksafe.de > Themen > Digitale Spiele > Genres > Shooter; consulté le 6.4.2020).

Selon Wikipedia, les jeux en monde ouvert ou en monde libre (open world) reposent sur un concept dans lequel le joueur a la possibilité de parcourir librement un monde virtuel dans lequel il peut agir sur différents facteurs (tels des objets ou des éléments du décor).

La particularité de ces jeux est que le joueur a d'emblée toute la liberté de mouvement qu'il souhaite. Il choisit lui-même des éléments qu'il souhaite explorer dans ce monde virtuel et le rythme auquel il le fait (https://fr.wikipedia.org > Monde ouvert; consulté le 6.4.2020).

Willemse / Genner / Waller / Suter / Süss (2017): JAMESfocus. Films ­ Jeux vidéo ­ YouTubeurs. Zurich: Haute école zurichoise de sciences appliquées ZHAW Genner / Suter / Waller / Schoch / Willemse / Süss (2017): MIKE. Medien / Interaktion / Kinder / Eltern. Rapport sur les résultats de l'étude MIKE 2017 (en allemand avec résumé en français). Zurich: Haute école zurichoise de sciences appliquées ZHAW

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S'agissant de l'âge auquel les enfants commencent à utiliser Internet, les tendances suivantes se dessinent: dans toute l'Europe, cet âge baisse continuellement. D'après des études allemandes23, un quart des enfants de 7 ans va déjà sur Internet plusieurs fois par semaine. L'utilisation d'Internet augmente progressivement avec l'âge: elle est de 2 % chez les enfants de 1 an, de 9 % à 2 ans, de 11 % à 3 ans, de 16 % à 4 ans et de 24 % à 5 ans. En outre, 11 % des enfants de 1 an, 26 % des enfants de 2 ans, 31 % des enfants de 3 ans et 37 % des enfants de 4 ans ont déjà utilisé des applications. En moyenne, les enfants allemands regardent la télévision pendant 43 minutes par jour (de 2 à 3 ans: 34 min, de 4 à 5 ans: 52 min).

Les tendances d'utilisation des médias par les enfants et les jeunes peuvent être résumées de la manière suivante24: l'âge auquel les enfants commencent à utiliser les médias électroniques baisse sans cesse. Cela vaut non seulement pour la télévision, mais aussi et surtout pour les ordinateurs (ou tablettes), les téléphones mobiles et tout ce qui permet d'accéder à Internet. Parallèlement, la durée d'utilisation quotidienne des médias augmente chez les enfants et les jeunes. L'utilisation des médias se déplace progressivement de la simple consommation de contenus standardisés vers les interactions et la communication, ainsi que la représentation de soi. L'importance de YouTube et des services à la demande comme Netflix ne cesse d'augmenter. YouTube est de loin le site web préféré des jeunes en Suisse et les vidéastes célèbres font partie intégrante de la culture des jeunes. Une tendance significative est l'utilisation mobile des médias, en particulier d'Internet. Les jeunes portent en permanence un smartphone sur eux. Étant donné qu'ils possèdent presque tous le leur, ils sont toujours plus autonomes dans l'usage qu'ils en font, ce qui limite les possibilités de contrôle de leurs parents.

Progrès technique L'évolution technique a favorisé l'apparition d'une offre multiple et variée de médias et de services de communication, que les enfants et les jeunes peuvent utiliser et auxquels ils peuvent participer de façon active:

23

24

­

Les appareils mobiles tels que smartphones et tablettes sont de plus en plus petits et performants, et leur nombre augmente de façon exponentielle.

­

Le volume de données croît également de façon constante. En outre, de plus en plus souvent, les données ne sont plus stockées sur des appareils locaux, mais dans des centres de calcul externes (cloud).

­

La convergence des appareils, des services et des contenus progresse. Aujourd'hui, le smartphone donne accès à Internet et fait office de téléphone, Enquête «Kinder am Tablet ­ Beobachtungen zur Medienaneignung zwei bis sechsjähriger Kinder» du Deutsches Jugendinstitut (DJI), 2016; sondage du DJI mené auprès de parents ayant des enfants âgés de 1 à 15 ans, 2015; Medienpädagogischer Forschungsverbund Südwest: miniKIM 2014 Cf. Dreyer / Hasebrink / Lampert / Schröder (2013): Entwicklungs- und Nutzungstrends im Bereich der digitalen Medien und damit verbundene Herausforderungen für den Jugendmedienschutz (Évolutions et tendances d'utilisation dans le domaine des médias numériques et défis qui en résultent pour la protection de la jeunesse face aux médias, rapport en allemand avec résumé en français). Berne: OFAS, p. 25; Waller / Willemse / Genner / Suter / Süss (2016): JAMES. Jeunes, activités, médias ­ enquête Suisse. Zurich: ZHAW.

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d'ordinateur, d'appareil photo, de caméra, de lecteur audio, de réveil, de calendrier, etc. Dans le même temps, différents appareils permettent d'accéder aux mêmes services (par ex. Facebook) et contenus (par ex. des films ou des jeux vidéo). Les appareils sont également toujours plus faciles à utiliser.

­

Un nombre croissant d'applications qui utilisent la technologie de géolocalisation est développé pour les appareils mobiles, ce qui permet de fournir aux utilisateurs des informations pertinentes en fonction de la zone géographique où ils se trouvent. Ainsi, les opérateurs et les fournisseurs de services techniques et de téléphonie mobile ont la possibilité non seulement d'enregistrer des données personnelles, mais aussi d'établir des profils de déplacement.

Les progrès techniques conduisent par conséquent à une «hyperconnexion» et garantissent une accessibilité numérique permanente ainsi qu'un accès aux données, aux informations et à la communication en tout temps et en tous lieux. Les possibilités de communication en temps réel et de transmission des données en direct entraînent une accélération générale25.

Problématiques propres aux enfants et aux jeunes et nécessité d'agir Les constats relatifs aux progrès techniques et aux tendances d'utilisation permettent d'identifier plusieurs problématiques concernant l'utilisation des médias numériques par les enfants et les jeunes. Force est de constater que ceux-ci ne sont plus seulement des récepteurs passifs qui visualisent des contenus standardisés (films, jeux vidéo, etc.), mais qu'ils participent aussi de plus en plus aux marchés et à la communication en tant qu'acteurs. Ils peuvent être confrontés à différents risques, qui sont illustrés de manière systématique dans le tableau 1.

Tableau 1 Problématiques et besoin d'intervention Contexte des problèmes

25

Violence

Types de risques Risques liés aux valeurs

Rôle de l'enfant

Problèmes liés aux fournisseurs de contenu

Problèmes liés au processus de communication

Contenus standardisés

Contacts directs avec le fournisseur

Contacts directs avec d'autres interlocuteurs

Action de l'enfant

Récepteur

Agent économique

Interlocuteur

Acteur

Contenus violents, effrayants, haineux

Pression (par ex.

financière), menace de sanctions contractuelles

Harcèlement, brimades, intimidation ou cyberintimidation (victime)

Harcèlement, intimidation ou cyberintimidation (auteur)

Genner Sarah (2017): Digitale Transformation. Auswirkungen auf Kinder und Jugendliche in der Schweiz ­ Ausbildung, Bildung, Arbeit, Freizeit. Zurich: ZHAW.

Éditeur: Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse, p. 14

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Contexte des problèmes

Problèmes liés aux fournisseurs de contenu

Problèmes liés au processus de communication

Contenus standardisés

Contacts directs avec le fournisseur

Contacts directs avec d'autres interlocuteurs

Action de l'enfant

Récepteur

Agent économique

Interlocuteur

Acteur

Contenus indésirables à caractère sexuel ou pornographique

Pourriels à contenu érotique

Réception de messages obscènes, contact avec des pédophiles

Harcèlement sexuel, réalisation et publication de matériel pornographique

Propos racistes, conseils et informations tendancieux ou trompeurs (par ex. sur les drogues, l'anorexie, l'automutilation)

Appels contraires aux moeurs adressés aux consommateurs ou aux clients

Incitation par des tiers à s'automutiler ou à adopter des comportements sociaux inadéquats ou criminels

Publication de contenus problématiques, par ex.

sur le suicide ou l'anorexie, incitation à l'imitation

Risques liés au système commercial

Publicité, sponsoring, publicité déguisée, pourriels

Micropaiements, achats intégrés, jeux de hasard, abonnements abusifs, escroqueries, tromperies

Pression du groupe, pression réciproque (jeux sociaux)

Téléchargements illégaux ou nuisibles, piratage, jeux de hasard

Risques liés à une utilisation excessive

Conception encourageant une utilisation excessive

Forfaits, bonus et rabais

Pression du groupe, compétition

Obsession de la performance, au détriment d'autres activités

Risques liés aux données personnelles

­

Opacité concernant l'utilisation ou la transmission des données personnelles

Espionnage et collecte des données personnelles par les autres interlocuteurs

Formes problématiques de représentation de soi (drogues, opinions politiques, orientation sexuelle)

Autres

Sexualité

Rôle de l'enfant

Légende:

= champs nécessitant une action urgente = autres champs d'action importants

Source: Dreyer / Hasebrink / Lampert / Schröder (2015): Entwicklungs- und Nutzungstrends im Bereich der digitalen Medien und damit verbundene Herausforderungen für den Jugendmedienschutz (Évolutions et tendances d'utilisation dans le domaine des médias numériques et défis qui en résultent pour la protection de la jeunesse face aux médias). Rapport partiel II.

Berne: OFAS

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Dans le rapport Jeunes et médias, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que quatre problématiques prioritaires devaient être traitées par des mesures d'ordre réglementaire pour protéger les enfants et les jeunes face aux médias: ­

contenus faisant l'objet d'une interdiction générale (pédopornographie, actes de cruauté, racisme, etc.);

­

contenus non adaptés à certaines catégories d'âge (pornographie douce, actes de violence légère, scènes effrayantes, etc.);

­

messages préjudiciables dans le cadre de la communication individuelle (calomnie, harcèlement, persécution et contrainte d'autres personnes via des moyens de communication électronique [cyberharcèlement], prise de contact avec des mineurs par des adultes dans une intention d'abus [cybergrooming], envoi de selfies érotiques ou de messages à caractère érotique ou pornographique [sexting], etc.);

­

manque de transparence dans le traitement des données personnelles, avec des conséquences difficiles à évaluer (obtention, utilisation et transmission des données de tiers, etc.).

Pour chacune de ces problématiques, le Conseil fédéral a présenté la réglementation existante en matière de protection des enfants et des jeunes: Les contenus médiatiques faisant l'objet d'une interdiction générale sont réglés dans le CP. L'art. 135 CP prévoit l'interdiction de toute représentation de violence perpétrée contre des êtres humains ou des animaux et ne présentant aucune valeur d'ordre culturel ou scientifique digne de protection. L'art. 197, al. 4 et 5, CP interdit également la pornographie dure, soit les objets et les représentations ayant comme contenu des actes d'ordre sexuel avec des animaux, ou des actes de violence entre adultes ou avec des mineurs. Les propos discriminatoires au sens de l'art. 261bis CP constituent également des contenus interdits. Les fournisseurs suisses d'accès à Internet sont soutenus par l'Office fédéral de la police (fedpol), qui les aide à repérer et à bloquer les sites web contenant de la pornographie enfantine, animale et violente.

fedpol met notamment à leur disposition une liste constamment mise à jour des sites web étrangers qui contiennent (vraisemblablement) de la pornographie interdite. Les fournisseurs d'accès à Internet peuvent ainsi bloquer l'accès aux pages criminelles et rediriger les utilisateurs vers une «page d'interdiction d'accès». L'initiative sectorielle de l'Association suisse des télécommunications (asut) prévoit la disposition suivante concernant cette liste: «Les signataires intègrent cette liste dans leurs systèmes, bloquent les adresses incriminées et empêchent leurs clients d'accéder depuis la Suisse à des pages internationales de pornographie enfantine»26. Outre les fournisseurs d'accès à Internet, les prestataires (hébergeurs) qui, contre rémunération, mettent à la disposition de tiers l'infrastructure technique (espace mémoire, capacité de calcul, capacité de transmission) pour la mise en ligne de données sont aussi concernés par la problématique des contenus potentiellement illicites. S'ils n'assument pas la responsabilité rédactionnelle des contenus mis en ligne, les hébergeurs 26

asut (2016): Nouvelle initiative sectorielle de l'asut pour la protection de la jeunesse dans les nouveaux médias, p. 4, soutenue par Sunrise Communications SA, UPC Suisse Sàrl, Salt Mobile SA et Swisscom SA. L'initiative sectorielle peut être consultée sur: https://asut.ch > Protection jeunesse médias (consulté le 6.4.2020).

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peuvent néanmoins bloquer l'accès aux contenus problématiques enregistrés sur leurs serveurs. Les directives «Code de conduite hébergement»27 de l'Association professionnelle pour le secteur des TIC et d'Internet (Swico) prévoient une procédure de notification et de retrait de contenu illicite par laquelle il est possible de signaler à un hébergeur que l'un de ses clients a publié un contenu réputé illicite.

Sont réputés illicites entre autres les contenus «qui portent atteinte à la loi (notamment dans les domaines de la pornographie, de la représentation de la violence, du racisme et de la diffamation)»28. S'il est très probable que la notification concerne des contenus illicites ou si l'hébergeur risque d'être tenu responsable sur le plan pénal ou civil, ce dernier peut décider librement de bloquer partiellement ou complètement l'accès au site Internet en question jusqu'à ce que l'affaire ait été réglée entre les personnes concernées ou par des tribunaux ou autorités.

Concernant les actes de harcèlement, d'intimidation ou de dénigrement à la base des phénomènes tels que le cyberharcèlement, le grooming et le sexting, l'instrumentaire pénal existant peut être utilisé, puisque les dispositions du CP s'appliquent aussi à Internet et aux réseaux sociaux en Suisse.

Les problématiques liées au manque de transparence dans l'obtention, l'utilisation et la transmission de données relèvent de la LPD. Cette loi sera adaptée aux progrès techniques et ses faiblesses seront éliminées dans le cadre de sa révision totale, qui est en cours de traitement au Parlement.

Reste la problématique des contenus médiatiques non adaptés à certaines catégories d'âge, en particulier dans des films ou des jeux vidéo, pour laquelle il est indispensable d'agir en raison des lacunes et des faiblesses des réglementations actuelles (cf. ch. 1.1.3).

Le rapport Jeunes et médias a en outre souligné que, dans certains domaines problématiques, la réglementation comporte des limites et que l'amélioration des compétences médiatiques (protection des enfants et des jeunes face aux médias par le biais de l'éducation) permettra davantage d'atteindre les objectifs escomptés. Il s'agit principalement des cas dans lesquels les enfants sont eux-mêmes actifs ou agissent en tant qu'agents économiques, par exemple lors de microtransactions ainsi que d'achats de biens et de services par le biais de jeux vidéo (achats intégrés dans des jeux) ou d'applications (achats intégrés dans des applications).

1.1.3

Réglementation actuelle en matière de films et de jeux vidéo en Suisse

Les secteurs du film et du jeu vidéo ont connu une évolution technique considérable ces dernières années. Il est aujourd'hui possible de diffuser et de consommer des films et des jeux vidéo sur les canaux les plus divers, ce qui pose de nouveaux défis

27 28

Les directives sont disponibles sur: www.swico.ch > Association > Comités spécialisés > Hébergement (consulté le 6.4.2020).

Code de conduite hébergement. Procédure de notification et de retrait de contenu illicite, ch. 4.1

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en matière d'accompagnement et de protection des enfants et des jeunes (cf. tableau 2).

Tableau 2

Types de médias et canaux médiatiques Canal Support audiovisuel médiatique

Réseau de données

Événement

Cinéma

Type de média Film

CD, DVD, autres supports audiovisuels

TV, services à la demande (vidéo à la demande), plateformes de partage de vidéos, téléchargement

Jeu vidéo

CD, DVD, autres supports audiovisuels

Jeux en ligne Salons, tournois (plateformes de jeux, de jeux vidéo, etc.

sur navigateur ou non), téléchargement

La réglementation dans les secteurs du film et du jeu vidéo se caractérise par une grande complexité: en fonction du média concerné, elle est soit du ressort de la Confédération (télévision), soit du ressort des cantons (cinéma, films, jeux vidéo).

Toutefois, la plupart des cantons renoncent à légiférer en la matière. Plusieurs organisations faîtières ont par ailleurs adopté des mesures d'autorégulation.

Réglementation en matière de supports audiovisuels Films sur support audiovisuel La compétence législative dans le domaine des films sur support audiovisuel (DVD, Blu-ray) appartient au premier chef aux cantons. Bien qu'en vertu de l'art. 95, al. 1, Cst., la Confédération ait la compétence de légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées (cf. ch. 7.1), elle n'en a pas fait usage à ce jour dans ce domaine. Il n'existe donc pas de règles de droit fédéral sur la protection des mineurs face aux films et aux jeux vidéo.

À l'échelon intercantonal, la Commission nationale du film et de la protection des mineurs (JIF) a été instituée le 18 septembre 201229. Tous les cantons ont signé la convention, à l'exception du Tessin. La commission a pour but d'émettre des recommandations aux cantons et à la branche au sujet de l'âge d'accès aux projections publiques de films et aux films sur support audiovisuel. Pour rendre ses décisions, elle se fonde sur les décisions prises par la Freiwilligen Selbstkontrolle der Filmwirtschaft (FSK, association d'autocontrôle volontaire) en Allemagne et sur les 29

Convention du 26 octobre 2011 sur une commission nationale du film et de la protection des mineurs, conclue entre la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), ProCinema, l'Association suisse du vidéogramme (ASV) et la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP): www.filmrating.ch > [Commission] > Convention (consulté le 6.4.2020)

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cinq catégories d'âge de cette dernière (à partir de 0, 6, 12, 16 ou 18 ans) (cf. ch. 3.2). Lorsqu'un film n'a pas encore été classifié par la FSK, comme c'est souvent le cas pour les films suisses, en italien ou en français, il est examiné par la JIF, sur la base notamment d'un visionnement. La JIF classe le film dans l'une des catégories suivantes: à partir de 0, 6, 8, 10, 12, 14, 16 et 18 ans. Elle peut également attribuer à un film une catégorie d'âge différente de celle fixée par la FSK.

Dans la pratique, elle ne le fait toutefois que pour les films projetés dans les salles de cinéma.

En matière de films sur support audiovisuel, seuls les cantons de Bâle-Campagne, de Bâle-Ville, de Neuchâtel, de Vaud, du Valais et de Zurich se sont dotés de dispositions légales de protection des mineurs.

L'adoption, en 2007, de la Charte de bonne conduite Movie Guide 30 par l'Association suisse du vidéogramme (ASV) constitue un exemple de mesure d'autorégulation de la branche dans le domaine de la vente et de la location de films sur support audiovisuel. Cette charte engage les signataires à signaler l'âge requis sur les supports numériques et à en contrôler la distribution. Pour la vente par correspondance et la distribution en ligne (Video on Demand [VoD]), le commerce de détail s'engage à introduire des instruments de contrôle appropriés. Ces mesures ne s'appliquent toutefois qu'aux produits classés 16 ans et plus. La charte contient en outre un dispositif de sanctions. D'après les estimations de l'ASV, l'autorégulation couvre 97 % du marché du DVD et de la vidéo en Suisse31.

Jeux vidéo La responsabilité de légiférer en matière de protection des mineurs en rapport avec les jeux vidéo appartient également au premier chef aux cantons. Il existe des dispositions de protection des mineurs réglant la vente et la location de jeux vidéo dans les cantons de Bâle-Campagne, de Bâle-Ville, de Neuchâtel, de Vaud, du Valais et de Zurich; aucune réglementation n'existe à l'échelon fédéral.

L'association suisse de l'industrie du jeu vidéo (Swiss Interactive Entertainment Association, SIEA) a adopté en 2006 le «Code de conduite SIEA/PEGI pour la protection des jeunes»32 à titre de mesure d'autorégulation. Les signataires de cette convention s'engagent à mettre en vente les produits pour lesquels il existe une
recommandation PEGI uniquement en indiquant cette dernière. Le code de conduite prévoit l'obligation de contrôler, au moyen d'une pièce d'identité, l'âge des acheteurs de jeux. Cette règle ne s'applique toutefois qu'aux jeux réservés aux plus de 16 ou de 18 ans. Le code de conduite prévoit également un dispositif de sanctions.

D'après les estimations de la SIEA, le système PEGI couvre 90 à 95 % des jeux en vente en Suisse33.

30 31

32 33

www.svv-video.ch > Prot. des mineurs (consulté le 6.4.2020) Latzer, Michael / Saurwein, Florian / Dörr, Konstantin / Just, Natascha / Wallace, Julian (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 28 Le code de conduite est disponible sur: www.siea.ch > Protection (consulté le 6.4.2020).

Latzer, Michael / Saurwein, Florian / Dörr, Konstantin / Just, Natascha / Wallace, Julian (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 42

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Les mesures d'autorégulation de la SIEA et de l'ASV en matière de films et de jeux vidéo ont été étendues en 2009 (SIEA) et en 2014 (ASV) aux contenus en ligne (Internet). Les dispositions relatives à l'indication de l'âge requis et aux contrôles lors de la distribution s'appliquent ainsi également à la vente en ligne et à la vente par correspondance des entreprises signataires. Sur ce point, le commerce de détail a l'obligation de mettre en place des instruments de contrôle de l'âge adaptés et suffisants.

La réglementation en matière de films et de jeux vidéo sur support audiovisuel repose donc sur l'autorégulation des associations des secteurs en question. Seuls quelques cantons ont adopté des dispositions légales dans ce domaine.

Réglementation en matière de télévision et de radio Sur le plan international, la Suisse a ratifié en 1991 la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière (CETT) 34 élaborée par le Conseil de l'Europe (cf. ch. 3.3).

En Suisse, la diffusion, le conditionnement technique, la transmission et la réception des programmes de radio et de télévision ­ également appelés «services de médias audiovisuels linéaires» dans la directive 2010/13/UE de l'Union européenne (directive SMA)35 ­ sont régis par la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV)36. L'art. 5 LRTV contient une disposition de protection des mineurs qui oblige les diffuseurs de programmes de radio et de télévision à veiller, en fixant l'horaire de diffusion de manière adéquate ou en prenant d'autres mesures, à ce que les mineurs ne soient pas exposés à des émissions susceptibles de porter préjudice à leur épanouissement.

En Suisse, il n'existe pas de convention sectorielle entre les diffuseurs de programmes de radio et de télévision.

Réglementation en matière de services à la demande et de services de plateforme La directive SMA ne présente pas de caractère contraignant pour la Suisse (cf.

ch. 3.3).

L'art. 93, al. 1, Cst. donne à la Confédération la compétence de légiférer sur la radio et la télévision ainsi que «sur les autres formes de diffusion de productions et d'informations ressortissant aux télécommunications publiques», dont Internet fait partie. La Confédération n'a encore jamais fait usage de cette compétence législative: il n'existe pas à ce jour de
réglementation légale spécifique, autre que les dispositions pénales, pour protéger les enfants et les jeunes contre les contenus inadéquats diffusés sur Internet ou via des services à la demande ou de plateforme.

34 35

36

RS 0.784.405 Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels), JO no L 095 du 15.4.2010, p. 1; modifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2018/1808, JO no L 303 du 28.11.2018, p. 69.

RS 784.40

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Services à la demande: en Suisse, les entreprises de télécommunication et les diffuseurs de programmes de télévision proposent des services de médias audiovisuels à la demande, notamment la VoD. La VoD permet de visionner des contenus après leur téléchargement ou de les lire en continu pendant le téléchargement (streaming).

Certaines entreprises étrangères proposent également des services à la demande sur Internet (par ex. Netflix). Enfin, le commerce de détail met aussi en ligne des vidéos à télécharger sur Internet. Il n'existe pas à ce jour en Suisse de dispositions légales de protection des mineurs visant les services à la demande.

Les services de plateforme (par ex. YouTube) offrent un support sur lequel sont hébergés et proposés au public un très grand nombre de jeux vidéo ou de vidéos créées par les utilisateurs. Le fournisseur de plateforme n'assume aucune responsabilité rédactionnelle. Il n'existe pas non plus de dispositions légales visant les services de plateforme à ce jour en Suisse, ni de mesures d'autorégulation.

Pour sa part, la branche des médias a adopté deux conventions d'autorégulation prévoyant des mesures dans le domaine d'Internet en général. L'initiative sectorielle de l'asut pour la protection de la jeunesse dans les nouveaux médias oblige les entreprises de télécommunication signataires à mettre à disposition des informations sur le thème de la protection des mineurs face aux médias «destinées à promouvoir les compétences médiatiques des jeunes, des parents, des éducateurs et des enseignants»37. Les entreprises signataires s'engagent par ailleurs à mettre à la disposition de leurs clients des filtres Internet efficaces et, si elles proposent une offre de VoD, à permettre à leurs clients de bloquer les films soumis à une limite d'âge à l'aide d'une fonctionnalité de protection de la jeunesse.

Les directives «Code de conduite hébergement» de Swico prévoient pour les hébergeurs suisses une procédure de notification et de retrait de contenu illicite, tel que la pédopornographie.

Réglementation en matière d'événements publics Comme pour les films sur support audiovisuel, la compétence de légiférer dans le domaine des projections publiques de films appartient au premier chef aux cantons.

Bien qu'en vertu de l'art. 95, al. 1, Cst., la Confédération ait la compétence de
légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées (cf. ch. 7.1), elle n'en a pas encore fait usage à ce jour dans ce domaine. Il n'existe donc pas de règles de droit fédéral sur la protection des mineurs lors de projections publiques.

La JIF formule des recommandations non seulement au sujet de l'âge d'accès aux films sur support audiovisuel, mais aussi au sujet de l'âge d'accès aux projections publiques de films.

37

asut (2016): Nouvelle initiative sectorielle de l'asut pour la protection de la jeunesse dans les nouveaux médias, p. 5, soutenue par Sunrise Communications SA, UPC Suisse Sàrl, Salt Mobile SA et Swisscom SA. L'initiative sectorielle peut être consultée sur: https://asut.ch > Protection jeunesse médias (consulté le 6.4.2020).

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La question de la protection des mineurs dans le cadre des projections publiques de films fait l'objet d'une réglementation dans 15 cantons38. 11 cantons obligent les organisateurs de projections publiques de films à indiquer l'âge requis pour les films proposés39. 6 cantons opèrent des contrôles afin de vérifier que les organisateurs de projections se conforment à la réglementation de protection des mineurs40.

L'organisation de salons ou de tournois de jeux vidéo publics, ou de tout autre événement apparenté, ne fait l'objet d'aucune réglementation.

Vue d'ensemble de la réglementation actuelle en matière de films et de jeux vidéo Tableau 3 Réglementation actuelle en matière de films et de jeux vidéo (pour les contenus non adaptés à certaines catégories d'âge) Films / jeux vidéo Bases

Supports audiovisuels (CD/DVD, etc.)

Droit international

Réseau de données TV et radio

TV uniquement: CETT (Conseil de l'Europe) Directive SMA (non contraignante pour la Suisse)

Constitution Art. 95, al. 1, Cst.

38

39

40

Art. 93, al. 1, Cst.

Services à la demande et services de plateforme

Événement (cinéma, salons de jeux vidéo, etc.)

Services à la demande: Directive SMA (non contraignante pour la Suisse)

Art. 93, al. 1, Cst.

Art. 95, al. 1, Cst.

Art. 95, al. 1, Cst.

Cf. Huegli, Eveline / Bolliger, Christian (2015): Erhebung und Überprüfung der Regulierungsaktivitäten der Kantone in Bezug auf den Jugendmedienschutz. Berne: OFAS, p. 13, actualisé par l'OFAS. Il s'agit des cantons suivants: BL, BS, FR, GE, GL, GR, JU, LU, NE, SG, SO, TI, VD, VS et ZH.

Il s'agit des cantons suivants: BL, BS, GE, GL, GR, LU, NE, SG, VD, VS et ZH.

Cf. rapport Jeunes et médias. La loi sur les films du canton de Zoug a été abrogée au 9 mai 2015.

Il s'agit des cantons suivants: BL, BS, GE, GL, VD et ZH. Cf. rapport Jeunes et médias.

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Lois

Art. 135 CP (Représentation de la violence) et art. 197 CP (Pornographie) Aucune réglementation fédérale Bases légales dans certains cantons concernant l'indication de l'âge requis et le contrôle de la distribution

LRTV: art. 5 (Émissions préjudiciables aux mineurs); art. 82 (Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radiotélévision [AIEP]);

Aucune réglementation fédérale

Aucune réglementation fédérale

Bases légales dans certains cantons concernant les jeux en ligne et la VoD

Bases légales dans certains cantons concernant l'indication de l'âge requis et le contrôle d'accès

Services à la demande: ASV/SIEA: systèmes de vérification de l'âge dans le commerce de détail en ligne (VoD)

JIF: convention (CCDJP, CDIP, ProCinema, ASV)

asut: fonction de protection des mineurs pour la VoD avec blocage des films soumis à une limite d'âge

Secteur du jeu vidéo: aucune initiative sectorielle

art. 91 (Organes de médiation); ORTV: art. 4 (signal acoustique, symbole optique) Autorégulation

JIF: convention (CCDJP DIP, ProCinema, ASV) ASV: reprise des limites d'âge FSK et des recommandations de la JIF et contrôle à la vente SIEA: reprise du système PEGI et/ou du système allemand d'auto-contrôle des logiciels de divertissement (USK) et contrôle à la vente

Mesures des unités d'entreprise régionales de la SSR

ProCinema: aucune initiative sectorielle

Services de plateforme: aucune initiative sectorielle

Les problèmes de la réglementation actuelle en matière de films et de jeux vidéo L'analyse de la réglementation dans le domaine de la protection des mineurs dans le secteur du film et celui du jeu vidéo en Suisse dans le rapport Jeunes et médias révèle non seulement une situation extrêmement fragmentée et hétérogène, mais également diverses lacunes et faiblesses de la réglementation, ainsi que des problèmes de mise en oeuvre. Les problèmes de la réglementation actuelle sont résumés ci-après pour chacun des secteurs (film et jeu vidéo).

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Les problèmes de la réglementation actuelle en matière de films Dans le domaine des projections publiques de film, la JIF émet des recommandations au sujet de l'âge requis pour l'accès aux films. La convention prévoit l'application nationale de ces recommandations. Cependant, très peu de cantons prescrivent une indication de l'âge requis et des contrôles d'accès lors des projections publiques de films. La branche du cinéma n'a pas non plus mis en place de mesures d'autorégulation. Cette situation se traduit à l'échelle nationale par une mise en oeuvre hétérogène de l'indication de l'âge requis et des contrôles d'âge. Selon les cantons, des catégories d'âge différentes peuvent ainsi être attribuées à un même film et il peut y avoir des différences dans l'utilisation de l'indication de l'âge requis ainsi que, en particulier, des contrôles d'accès. L'indication de l'âge requis ainsi que la réalisation de contrôles d'accès ne sont vérifiées que dans un petit nombre de cantons.

Concernant les films sur support audiovisuel, les entreprises signataires de la convention sectorielle de l'ASV s'engagent à indiquer l'âge requis pour les films et à en contrôler la distribution, y compris dans le cadre de la vente en ligne et de la vente par correspondance. Le contrôle de l'âge est obligatoire pour tous les films classés 16 ans et plus. La mise en oeuvre de ces mesures n'est pas contrôlée par la branche.

Les entreprises non signataires de la convention sectorielle ne sont par ailleurs pas concernées par ces règles. En effet, les organisations faîtières ne peuvent pas contraindre les acteurs du marché à participer aux initiatives d'autorégulation. Les possibilités de sanction en cas de violation de la convention sectorielle sont par ailleurs limitées. Certains acteurs du marché ne respectent pas les conventions sectorielles dans la mesure où ils n'indiquent pas l'âge requis ou n'en contrôlent pas le respect. Ces entreprises ne sont guère inquiétées, car l'indication de l'âge requis et les contrôles au moment de la vente ne sont obligatoires que dans un petit nombre de cantons. L'envoi direct, par des entreprises de vente en ligne étrangères, de films sur support audiovisuel à des consommateurs suisses pose également problème. Des achats-tests ont été réalisés pour examiner l'efficacité de l'initiative
d'autorégulation de l'ASV41. Des testeurs de 14 ans ont tenté d'acheter des films signalés «à partir de 16 ans» et «à partir de 18 ans». Ils ont pu se procurer un produit non adapté à leur âge dans 49 % des cas. Les mesures de protection des mineurs se sont révélées nettement plus efficaces lorsque la limite d'âge était élevée (18 ans) que lorsqu'elle était plus basse (16 ans). Avec la limite d'âge plus basse les produits ont pu être achetés dans 64 % des cas, alors qu'ils n'ont pu l'être que dans 32 % des cas avec la limite plus élevée. Cette étude montre clairement que le contrôle de l'âge doit être amélioré, de même que l'indication systématique de l'âge requis.

La protection est également lacunaire dans le domaine des services à la demande, qui ne font l'objet d'aucune réglementation en matière de protection des mineurs à ce jour en Suisse. En signant l'initiative d'autorégulation de l'asut, les entreprises de télécommunication qui proposent une offre de VoD doivent uniquement donner la possibilité à leurs clients de bloquer les films soumis à une limite d'âge à l'aide d'une fonctionnalité de protection de la jeunesse. Les fournisseurs de services à la 41

Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS (2015)

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demande ayant leur siège dans l'UE sont tenus d'appliquer les dispositions de protection des mineurs de la directive SMA.

S'agissant des films diffusés par des services de plateforme ou sur des sites Internet, il n'existe encore aucune disposition de protection des mineurs ni initiative d'autorégulation, que ce soit en Suisse ou à l'échelle internationale. Dans ce domaine, la protection des mineurs dépend de l'engagement des entreprises concernées. La directive SMA révisée réglementera à l'avenir également les services gérant des plateformes de partage de vidéos (telles que YouTube) au sein des pays de l'UE. De manière générale, il existe un potentiel de développement dans le domaine de la mise en oeuvre des systèmes de contrôle de l'âge, car les solutions techniques efficaces font encore défaut.

La réglementation fédérale dans le domaine de la télévision (LRTV) présente également certaines lacunes en matière de protection des mineurs, dans la mesure où aucune indication différenciée de l'âge requis n'est prescrite. La loi impose uniquement l'utilisation d'un signal acoustique ou d'un symbole optique pour signaler les émissions dangereuses pour les mineurs, ainsi qu'une heure de diffusion adéquate.

Tout comme les services à la demande, les nouvelles fonctionnalités techniques de la télévision (par ex. télévision en différé, ou replay) posent des défis supplémentaires en matière de protection des enfants et des jeunes.

Dans le secteur du film de manière générale, il manque un système de classification d'âge uniforme appliqué à tous les canaux médiatiques: dans les domaines des projections publiques de films et des films sur support audiovisuel, la classification se base dans certains cas sur le système de la JIF, dans d'autres sur celui de la FSK.

L'ASV reprend toujours la classification de la FSK et ne se réfère aux limites d'âge de la JIF que pour les films non classifiés. Pour les films de cinéma déjà classifiés selon la FSK, il arrive que la JIF fixe des limites d'âge différentes. En conséquence, les films en salle sont souvent classés différemment des films diffusés sur support audiovisuel ou via les services à la demande. Pour ces derniers comme pour la télévision, il n'existe aucune disposition contraignante en matière d'indication de l'âge requis.

Les problèmes de la réglementation
actuelle en matière de jeux vidéo Les événements publics dans le secteur du jeu vidéo font notamment référence aux tournois (e-sport) et aux salons de jeux vidéo, où des enfants et des jeunes consomment des jeux vidéo en tant que spectateurs ou en tant que participants. Il s'agit de phénomènes récents associés à un marché en forte croissance. La protection des mineurs n'y est nullement réglementée à ce jour, ni en Suisse ni dans aucun autre pays.

Concernant la protection des mineurs dans le domaine des jeux vidéo sur support audiovisuel, la réglementation sectorielle de la SIEA prévoit l'indication de l'âge requis sur les jeux vidéo en question, ainsi que des contrôles de l'âge au moment de la vente. Cependant, ces mesures ne sont obligatoires que pour les entreprises signataires. Seuls quelques cantons disposent d'une réglementation dans ce domaine.

Comme dans le secteur du film, les organisations faîtières du secteur du jeu vidéo ne peuvent pas contraindre les acteurs du marché à participer aux initiatives d'autorégulation. L'envoi direct, par des entreprises de vente en ligne étrangères, de jeux vidéo 7931

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sur support audiovisuel à des consommateurs suisses pose également problème. La problématique du manque d'uniformité dans la classification de l'âge se pose toutefois moins dans ce secteur que dans celui du film, puisque pratiquement tous les jeux vidéo reprennent la classification PEGI. La réglementation sectorielle ne prévoit un contrôle de l'âge que pour les jeux classés 16 ou 18 ans et plus, comme dans le secteur du film. Bien que la SIEA, contrairement à l'ASV, contrôle le respect de l'initiative sectorielle par les entreprises signataires, des achats-tests réalisés en 2013 sur mandat de l'OFAS n'ont pas donné de bien meilleurs résultats que dans le secteur du film. Dans le secteur du jeu vidéo, les testeurs de 14 ans ont pu se procurer en ligne et hors ligne des jeux vidéo non adaptés à leur âge dans 45 % des cas.

La protection des mineurs dans le domaine des jeux vidéo diffusés via les services à la demande ou les services de plateforme n'est réglementée ni en Suisse ni à l'échelle internationale. La directive SMA ne s'applique pas aux services à la demande ni aux services de plateforme dans le secteur du jeu vidéo, et aucune initiative d'autorégulation n'a été lancée à ce jour.

En résumé, on constate aujourd'hui que les enfants et les jeunes ne sont pas suffisamment protégés contre les contenus préjudiciables: ils peuvent en effet consommer des films ou des jeux vidéo sur de nombreux canaux (cinéma, support audiovisuel, ordinateur, console de jeu, smartphone, télévision), et parfois même indépendamment du lieu. L'accompagnement par des adultes n'est par conséquent pas toujours garanti. La problématique observée des contenus inadéquats pour certaines catégories d'âge met donc en évidence une nécessité d'agir dans le domaine de la protection des mineurs face aux médias. Le caractère très clairsemé de la réglementation et l'hétérogénéité des pratiques d'un canton à l'autre se traduisent par une protection légale lacunaire des mineurs face aux contenus inadéquats. Ce constat est particulièrement problématique dans un domaine comme celui de la protection de la jeunesse. Les mesures de protection prévues par les initiatives sectorielles ne sont pas contraignantes pour tous les acteurs du marché et présentent des problèmes de mise en oeuvre. S'ajoutent à cela les difficultés liées au caractère international d'Internet et du marché concerné.

1.1.4

Buts de la loi

Compte tenu de l'essor des médias numériques et de leur capacité de nuisance élevée par rapport aux médias imprimés, il est nécessaire de prendre des mesures pour protéger les enfants et les jeunes contre les risques et les dangers des médias numériques. L'avis des experts sur ce qui peut être qualifié de dangereux ou de préjudiciable pour les mineurs a certes évolué au cours des dernières décennies, dans la mesure où les jeunes sont jugés plus critiques et plus matures sur le plan politique que par le passé. Néanmoins, les études réalisées sur les effets des médias postulent que les enfants et les jeunes sont influençables, car leur psychisme et leur personna-

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lité sont encore en construction42. Les contenus violents, menaçants, haineux, à caractère sexuel ou à potentiel addictif peuvent nuire à leur développement. Ils peuvent avoir un impact direct sur leur bien-être s'ils génèrent des sentiments comme la peur, le dégoût et la tristesse ou entraînent des traumatismes et des troubles du sommeil. Ils peuvent également avoir des conséquences à moyen et à long terme sur la capacité des enfants concernés à agir de manière responsable et à vivre en communauté.

En comblant les lacunes et les faiblesses réglementaires décrites (cf. ch. 1.1.3), la réglementation proposée vise à garantir la protection des mineurs face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de porter préjudice à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social. Le secteur du film et celui du jeu vidéo s'emploient d'ores et déjà à s'autoréguler dans le domaine de la protection des mineurs. Le présent projet vise à inscrire cette autorégulation dans la loi et à la soumettre au contrôle de l'État. Elle constituera la première norme uniforme à l'échelon national destinée à protéger les enfants et les jeunes contre des contenus inadéquats de films ou de jeux vidéo. Le présent projet vise également à assurer une évaluation régulière et complète de l'efficacité de la protection des mineurs face aux médias prévue par la nouvelle loi en Suisse, en tenant compte des progrès techniques, des tendances dans l'utilisation des médias par les enfants et les jeunes et des évolutions sur le plan international.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

S'agissant de la réglementation de la protection des enfants et des jeunes face aux médias, il importe de prévenir l'usage abusif des médias, d'évaluer les dangers potentiels des contenus médiatiques et de limiter, si nécessaire, l'accès à ces contenus et leur disponibilité. Il existe différentes formes de réglementation permettant de poursuivre cet objectif.

1.2.1

Formes de réglementation possibles

Latzer et al. (2015) définissent la réglementation comme une intervention intentionnelle sur les marchés, qui limite le comportement des acteurs du marché afin d'atteindre des objectifs de nature publique, en l'occurrence la protection des mineurs43. Une distinction peut être faite entre la réglementation par l'État et d'autres formes de régulation (cf. tableau 4).

42

43

Hajok, D. et Hildebrandt, D. (2017): Jugendgefährdung im Wandel der Zeit: Perspektiven des Jugendmedienschutzes auf das Gefährdungspotenzial von Medien und den besonderen Schutzbedarf von Kindern und Jugendlichen. In: Diskurs Kindheits- und Jugendforschung Heft 1-2017, p. 83 Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 5

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Classification des formes de réglementation Réglementation Autres formes de régulation étatique Corégulation Autorégulation au sens large

Tableau 4

Autorégulation au sens strict

Source: Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS , p. 6, adapté par l'OFAS

On entend par réglementation étatique des mesures législatives prises par la Confédération ou par les cantons, ainsi que leur mise en oeuvre par les autorités compétentes. Les autres formes de réglementation se différencient de celle-ci en ce qu'elles impliquent des acteurs privés.

Selon Latzer et al. (2015), on parle de corégulation lorsque les arrangements d'ordre réglementaire sont fondés sur une base juridique unilatérale explicite44. Autrement dit, la solution adoptée pour la réglementation est définie dans la loi et les activités réglementaires des institutions prenant part à la corégulation sont surveillées par les pouvoirs publics. La corégulation est soumise à des prescriptions concernant la structure, les objectifs ou la transparence. En l'absence d'un arrangement inscrit dans la loi, les auteurs parlent d'autorégulation au sens large (en l'absence de prescriptions légales, les institutions étatiques interviennent dans des solutions d'autorégulation, par exemple par des aides financières ou par une participation en ressources humaines)45 ou au sens strict (association d'acteurs privés visant à atteindre un objectif commun, sans aucune participation de l'État)46.

Selon Müller/Uhlmann (2013), la corégulation (appelée également autorégulation contrôlée ou réglementée) signifie que les acteurs étatiques s'adressent à des acteurs privés (associations professionnelles ou organisations similaires) ou mènent des négociations avec eux pour mettre en place ou améliorer la réglementation47. Il est cependant souligné que la corégulation, qui implique généralement une délégation des pouvoirs législatifs de l'État à des personnes privées, n'est possible que dans des limites étroites. L'intérêt public et la proportionnalité doivent toujours être respectés.

En outre, la corégulation doit être soumise à une surveillance étatique. Il est exclu de

44

45

46

47

Cf. Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 6 et Latzer / Just / Saurwein / Slominski (2002): Selbst- und Ko-Regulierung im Mediamatiksektor. Alternative Regulierungsformen zwischen Staat und Markt. Wiesbaden: Westdeutscher Verlag, p. 4145.

Cf. Vgl. Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 7.

Cf. Latzer / Saurwein / Dörr / Just / Wallace (2015): Evaluation der Selbstregulierungsmassnahmen zum Jugendmedienschutz der Branchen Film, Computerspiele, Telekommunikation und Internet. Berne: OFAS, p. 7 s., et Latzer / Just / Saurwein / Slominski (2002): Selbst- und Ko-Regulierung im Mediamatiksektor. Alternative Regulierungsformen zwischen Staat und Markt. Wiesbaden: Westdeutscher Verlag, p. 45.

Cf. Müller / Uhlmann (2013): Elemente einer Rechtssetzungslehre. Zurich, Schulthess Verlag, 3e édition, p. 308.

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priver les citoyens du recours légal, ce qui signifie que les voies de droit et la nature des relations juridiques doivent être réglées dans la loi.

Le préfixe «co» de corégulation signifie que la réglementation implique des acteurs tant privés qu'étatiques48.

Les connaissances scientifiques et les résultats des études comparatives réalisées dans différents pays49 montrent que, dans le domaine de la protection des mineurs face aux médias, ce sont les systèmes d'autorégulation et de corégulation qui fonctionnent le mieux et peuvent être identifiés comme exemples de bonnes pratiques. Ils sont les plus à même de permettre de relever les défis liés à la réglementation des médias numériques, pour faire face à l'évolution fulgurante dans ce domaine et aux grands volumes de contenus, et pour s'adapter promptement aux changements. Une corégulation appropriée peut garantir le contrôle de l'État sur les acteurs, leurs processus ou leurs décisions, quand c'est nécessaire.

En vue de la révision de la directive SMA (cf. ch. 3.3), le European Regulators Group for Audiovisual Media Services (ERGA) a publié, fin 2015, un rapport qui aborde également les questions de l'autorégulation et de la corégulation. Pour réglementer les contenus inappropriés pour les mineurs, une large majorité des membres de l'ERGA préfère le système de corégulation, dont les avantages sont la flexibilité, une adaptation rapide aux changements, la sécurité juridique, l'efficacité de la mise en oeuvre et une meilleure adhésion aux réglementations. De l'avis général, l'interférence de l'État doit se limiter au strict nécessaire pour garantir les droits fondamentaux comme les libertés d'opinion et d'information.

1.2.2

Justification et appréciation de la solution retenue

La réglementation prévue dans le secteur du film et dans celui du jeu vidéo est fondée sur le principe de la corégulation. Le projet de loi fédérale sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et de du jeu vidéo (P-LPMFJ) formule les exigences minimales requises en matière de protection des mineurs et laisse aux différents acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo la responsabilité d'en organiser la mise en oeuvre. Pour autant qu'elles respectent les exigences légales, les réglementations relatives à la protection des mineurs de chaque secteur pourront être déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral afin d'être assimilées à des dispositions légales et de s'imposer par conséquent aussi aux acteurs qui ne sont pas membres d'une des organisations de protection des mineurs. La corégulation permet ainsi de fixer, au niveau étatique, les exigences minimales nécessaires pour garantir la protection des mineurs et de les imposer à tous les acteurs, mais aussi de veiller à ce que ces règles soient adaptées au terrain et faciles à mettre en oeuvre. Pour différentes raisons, il a été jugé qu'une réglementation purement étatique ne permettrait pas d'atteindre les objectifs. D'une part, si la classification d'âge obligatoire devait 48

49

Latzer / Just / Saurwein (2013): Self- and co-regulation. Evidence, legitimacy and governance choice. In: Price, Monroe E; Verhulst, Stefaan G; Morgan, Libby. Routledge Handbook of Media Law. Abingdon, Oxon, New York: Routledge, p. 377 Schulz / Dreyer / Dankert / Puppis / Künzler / Wassmer (2015): Identifikation von Good Practice im Jugendmedienschutz im internationalen Vergleich. Berne: OFAS

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être assurée par l'État, ce dernier supporterait des dépenses considérables et toujours plus importantes en raison du nombre croissant de produits. D'autre part, on suppose que des mesures réglementaires spécifiques à un secteur, fondées sur le principe d'une corégulation inscrit dans la loi, sont plus flexibles et donc mieux adaptées à ce domaine très dynamique. L'option de maintenir le statu quo caractérisé par une réglementation très fragmentée ne contraignant pas tous les acteurs du secteur du film et de celui du jeu vidéo n'est pas non plus jugée appropriée.

Le but du présent projet de loi est de protéger les mineurs contre les atteintes à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social que peuvent induire les contenus médiatiques non adaptés à leur âge, en comblant les lacunes et les faiblesses de la réglementation actuelle. Pour atteindre cet objectif, le présent projet prévoit une obligation d'indiquer l'âge requis, de fournir des descripteurs de contenu et de contrôler l'âge, une surveillance du respect de ces obligations et des possibilités de sanction en cas de violation des dispositions légales dans les secteurs du film et du jeu vidéo, dont les contenus sont rendus accessibles lors d'événements publics, sur des supports audiovisuels ou par des services à la demande. Le secteur du film et celui du jeu vidéo devront créer chacun un système de classification d'âge valable dans toute la Suisse et pour tous les types de médias. Ce système sera fixé dans une réglementation de protection des mineurs propre à chaque secteur, que le Conseil fédéral pourra déclarer de force obligatoire pour tous les acteurs. Les systèmes de classification serviront de base à l'indication de l'âge requis et des descripteurs de contenu prescrits par la loi. En outre, tous les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements auront désormais l'obligation légale de contrôler l'âge des enfants et des jeunes avant de leur rendre accessible un film ou un jeu vidéo. Ils devront refuser l'accès au film ou au jeu vidéo aux mineurs qui n'auront pas l'âge requis. Une exception à cette règle sera possible pour un mineur accompagné d'une personne majeure. Les organisations de protection des mineurs, les cantons et la Confédération surveilleront la mise en oeuvre des dispositions légales
et les infractions seront sanctionnées les acteurs qui les enfreignent. Il est également prévu de renforcer la protection des mineurs dans le domaine télévisuel en y adaptant les dispositions aux mesures ci-dessus. Les dispositions nécessaires, concernant en particulier l'indication de l'âge requis et le système de classification d'âge applicable, seront intégrées dans l'ordonnance du 9 mars 2007 sur la radio et la télévision (ORTV)50 à l'occasion de sa prochaine révision, raison pour laquelle elles ne figurent pas dans le présent projet.

La nouvelle réglementation prévue n'offrira cependant pas de réponse à la problématique du commerce en ligne de films et de jeux vidéo sur supports audiovisuels à des consommateurs en Suisse par des entreprises établies à l'étranger. En raison du principe de territorialité, de manière générale, les normes nationales ne sont applicables et ne peuvent être imposées que sur le territoire de l'État qui les a édictées.

Dans les situations transfrontalières ­ comme la vente à des consommateurs en Suisse de films et de jeux vidéo sur des supports audiovisuels provenant de l'étranger ­, une norme peut néanmoins avoir une incidence à l'étranger et déployer ses effets au-delà du territoire suisse. Étant donné que la vente de films et de jeux vidéo sur des supports audiovisuels n'indiquant pas d'âge requis et n'étant soumis à aucun 50

RS 784.401

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contrôle de l'âge peut nuire à la santé et au développement des enfants et des jeunes en Suisse, les prestataires étrangers seront également tenus de respecter les règles de protection des mineurs en vigueur dans notre pays. Par analogie avec la mise en oeuvre de l'ordonnance du 11 décembre 1978 sur l'indication des prix (OIP)51, les indices suivants pourront être utilisés pour déterminer si un fournisseur vend des produits à des consommateurs en Suisse: indication des prix en francs suisses; envoi depuis ou à une adresse en Suisse; adresse URL se terminant par «.ch». Pour soumettre expressément les fournisseurs étrangers de films et de jeux vidéo à l'obligation d'indiquer l'âge requis conformément à la réglementation en vigueur en Suisse, il faudra aussi examiner l'opportunité d'une dérogation au principe du Cassis de Dijon pour protéger la santé des enfants et des jeunes. Lors des requêtes visant à l'obtention de la déclaration de force obligatoire des réglementations relatives à la protection des mineurs instaurant les systèmes de classification d'âge, il sera donc demandé au Conseil fédéral de prévoir une dérogation à ce principe conformément à l'art. 16a, al. 2, let. e, de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC)52 pour les films et les jeux vidéo sur supports audiovisuels et, dans la mesure du possible, pour ceux qui peuvent être téléchargés en ligne. La difficulté consistera à faire appliquer le droit par les entreprises étrangères de commerce en ligne ainsi que par les services à la demande et les services de plateforme établis à l'étranger. La motion Glättli 18.3306 «Renforcer l'application du droit sur Internet en obligeant les grandes plateformes commerciales à avoir un domicile de notification» charge le Conseil fédéral de renforcer l'application du droit sur Internet. Le Conseil fédéral a proposé l'acceptation de cette motion, tout en estimant que l'obligation juridique de désigner une représentation ou d'indiquer un domicile de notification ne règlerait pas le problème de l'applicabilité du droit. Il a néanmoins considéré qu'il était probable que de telles mesures facilitent la communication avec les entreprises sises à l'étranger aussi bien pour les autorités que pour les consommatrices et les consommateurs en Suisse. La motion a été acceptée
le 19 juin 2019 par le Conseil des États en tant que second conseil. Les expériences faites lors de l'application d'autres lois montrent qu'il suffit souvent de communiquer proactivement aux prestataires étrangers des informations transparentes sur la situation juridique en Suisse, de sorte qu'il n'est plus nécessaire d'imposer une application formelle du droit. Concernant l'application du droit, en dernier recours, il serait envisageable de bloquer des sites Internet, pour empêcher l'accès à des offres de fournisseurs étrangers de films et de jeux vidéo qui ne respectent pas les réglementations suisses de protection des mineurs et mettent ainsi en danger la santé des enfants et des jeunes. La même mesure pourrait être prise à l'encontre des prestataires suisses qui, malgré une contravention, enfreignent de manière répétée les dispositions de protection des mineurs. Lors de l'élaboration du présent projet, il a cependant été décidé de renoncer à ces mesures pour des motifs de proportionnalité et en raison des possibilités de contournement de tels blocages.

Il est très difficile de réglementer le domaine d'Internet en raison de l'énorme volume des contenus en ligne et de sa dimension internationale. Grâce à l'alignement de la réglementation suisse sur la directive SMA, il sera possible de garantir un 51 52

RS 942.211 RS 946.51

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niveau de protection comparable en Europe au moins dans le secteur du film pour les services à la demande et les services de plateforme. Ce faisant, on évite que des prestataires étrangers tentent de contourner les nouvelles dispositions plus strictes de l'UE en s'établissant en Suisse. Dans le cadre des travaux préparatoires relatifs au présent projet, l'opportunité d'inclure dans les dispositions légales une réglementation des sites Internet ayant des contenus (images, textes, sons) inadéquats pour les enfants et les jeunes a été examinée. Toutefois, compte tenu du caractère international d'Internet, ce n'est pas faisable. En raison du principe de territorialité du droit suisse, il serait difficile d'appliquer ou de faire exécuter de telles dispositions légales puisque le fournisseur n'intervient pas activement en Suisse pour y rendre accessible ou y diffuser ses contenus. D'ailleurs, en raison de l'énorme quantité de contenus sur Internet, une telle régulation serait impossible à mettre en oeuvre en pratique.

S'agissant des hébergeurs de sites Internet, il a été examiné dans quelle mesure ils pourraient être tenus pour responsables. La procédure de notification et de retrait instaurée par les directives «Code de conduite hébergement» constitue déjà une mesure efficace pour protéger les enfants et les jeunes contre les contenus illicites tels que la pédopornographie ou la pornographie violente (cf. ch. 1.1.2). Cependant, les hébergeurs Internet ne font que fournir l'infrastructure technique (espace mémoire, capacité de calcul, etc.) pour la mise en ligne automatisée de données et n'assument pas la responsabilité (rédactionnelle) des contenus enregistrés ni celle du contrôle d'accès aux données en fonction de l'âge. Il ne leur incombe donc pas d'indiquer l'âge requis pour l'accès à des contenus qui ne sont pas en soi interdits, mais seulement non adaptés à certaines catégories d'âge.

À elles seules, les mesures réglementaires n'offrent pas de protection suffisante des enfants et des jeunes contre les contenus inadéquats. En complément, il est donc nécessaire de prévoir des mesures préventives de promotion des compétences médiatiques, pour permettre aux enfants et aux jeunes d'utiliser les médias de manière sûre, responsable et adaptée à leur âge. Ces mesures visent aussi à sensibiliser les parents,
les enseignants et les adultes de référence (par ex. sur les différents systèmes de classification d'âge existant en Suisse) et à les soutenir afin qu'ils endossent un rôle d'accompagnement actif et sachent utiliser les instruments techniques de protection des mineurs à leur disposition (par ex. système de contrôle parental sur un service à la demande). Les mesures de prévention qui existent au niveau fédéral (cf.

ch. 1) sont maintenues en parallèle des mesures réglementaires prévues.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est pas annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202353. L'objectif 8 du programme de la législature 2019 à 2023 consiste à encourager la cohésion sociale et l'égalité entre les sexes. Assurer la cohésion sociale sur le long terme en Suisse présuppose de veiller à un développement sain des enfants et des jeunes. La réglementation proposée en vue de protéger 53

FF 2020 1777

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les mineurs contre des contenus de films et de jeux vidéo non adaptés à leur âge contribue dès lors à la réalisation de cet objectif du programme de la législature.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a intégré leur mise en oeuvre dans ses objectifs pour l'année 202054.

Le projet a été pris en compte dans les chiffres du budget avec plan intégré des tâches et des finances concernant les projets 2020 de l'OFAS.

Le P-LPMFJ fait en outre partie intégrante de la stratégie Suisse numérique de septembre 201855. Le but prioritaire de la stratégie est de saisir toutes les opportunités offertes par la numérisation afin de positionner la Suisse comme un espace de vie attractif et un pôle économique et scientifique innovant tourné vers l'avenir. Pour y parvenir, la stratégie fixe les lignes directrices régissant l'action de l'État. Elle indique comment les autorités, l'économie, les milieux scientifiques et la recherche ainsi que la société civile doivent collaborer afin que la Suisse puisse tirer pleinement profit du processus de transformation que constitue la numérisation.

Le plan d'action Stratégie Suisse numérique du 5 septembre 201856 recense les mesures que l'administration fédérale compte prendre pour appliquer la stratégie. Le projet de corégulation dans le secteur du film et dans celui du jeu vidéo doit contribuer à la réalisation de l'objectif principal «Garantir la sécurité, la confiance et la transparence».

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Proposition est faite de classer les interventions parlementaires suivantes: 2010

Mo. 07.3870

Interdiction des jeux électroniques violents (CN 3.6.09, Hochreutener; CE 18.3.10)

La motion charge le Conseil fédéral de soumettre au Parlement un message visant à barrer l'accès des enfants et des adolescents aux jeux d'ordinateur à contenu violent (jeux où le joueur peut tirer lui-même sur des cibles, réservés à des classes d'âge 16+ ou 18+ d'après la classification PEGI) en interdisant les ventes. Par la nouvelle loi, le Conseil fédéral veut protéger les enfants et les jeunes face aux jeux vidéo susceptibles de nuire à leur développement. À cette fin, il définit les exigences minimales que doivent remplir les réglementations proposées par les organisations de protection des mineurs et il exige non seulement un système de classification d'âge, mais aussi l'indication de l'âge requis et un contrôle de l'âge pour l'accès aux jeux vidéo. Outre les mesures visant à protéger les enfants et les jeunes imposées aux membres des organisations de protection des mineurs, la loi prévoit des dispositions pénales. En cas d'infraction commise par un vendeur ou un autre acteur du 54 55 56

Cf. objectif 8: La Suisse encourage la cohésion sociale et l'égalité entre les sexes, in: Objectifs 2020 du Conseil fédéral, volume I, p. 24.

La stratégie peut être consultée sur: www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Suisse numérique > Stratégie > Stratégie Suisse numérique.

Le plan d'action est disponible sur: www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Suisse numérique > Plan d'action > Plan d'action Suisse numérique.

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secteur, la loi prévoit des sanctions efficaces. Les propositions formulées par le Conseil fédéral dans le présent projet répondent ainsi aux demandes de la motion.

2010

Mo. 09.3422

Interdiction des jeux violents (CN 3.6.09, Allemann; CE 18.3.10)

La motion charge le Conseil fédéral de présenter au Parlement une base légale permettant d'interdire la production, la publicité, l'importation, la vente et la diffusion de programmes de jeux dans lesquels de terribles actes de violence commis contre des êtres humains ou humanoïdes contribuent au succès du jeu. Dans son rapport du 15 février 2010, la CAJ-E émet des réserves quant à l'efficacité d'une interdiction générale de ces jeux. Elle estime néanmoins que la vente de jeux violents à des jeunes de moins de 16 ou de 18 ans doit être interdite au moyen d'une classification contraignante. Elle considère qu'il convient de poser des conditions claires à l'échelle nationale et de prévoir des réglementations contraignantes concernant les jeux électroniques violents. Les propositions formulées par le Conseil fédéral dans le présent projet remplissent ces exigences et satisfont aux demandes de la motion.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Groupe d'accompagnement

Conformément au mandat du Conseil fédéral, un groupe d'accompagnement composé de représentants de la Confédération, des cantons, des principales associations des secteurs du film et du jeu vidéo ainsi que des organisations de consommateurs a été institué afin d'élaborer l'avant-projet de loi (AP-LPMFJ) sous l'égide de l'OFAS.

­

Confédération: OFAS, Office fédéral de la justice, Office fédéral de la communication, fedpol, Office fédéral de la culture, Bureau fédéral de la consommation;

­

cantons: Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) ainsi qu'un représentant de chacun des cantons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Vaud et Zurich;

­

associations et organisations des secteurs du film et du jeu vidéo: ProCinema, filmdistribution suisse, Association suisse du vidéogramme (ASV), Association cinématographique suisse, Swiss Interactive Entertainment Association (SIEA), Association suisse des télécommunications (asut), Swiss Internet Industry Association (simsa), Swiss Game Developers Association (association indépendante des développeurs de jeux suisses SGDA), Radio Télévision Suisse;

­

consommateurs: GameRights, Swiss Gamers Network, Fédération romande des consommateurs.

Les membres du groupe d'accompagnement ont eu la possibilité, lors de plusieurs séances et d'une consultation écrite, d'exposer leurs avis et leurs préoccupations 7940

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concernant la forme que prendra la corégulation, ce qui a également permis d'obtenir de précieuses indications sur les questions d'exécution concrètes.

Lors de la procédure préliminaire, les effets de la nouvelle loi ont en outre été évalués par un institut privé dans le cadre d'une analyse d'impact (cf. ch. 6).

2.2

Résumé des résultats de la consultation

Les résultats de la consultation sont détaillés dans le rapport ad hoc57.

La grande majorité des 88 participants approuvent l'orientation et les objectifs du projet de loi. Ils estiment qu'une réglementation relative à la protection des mineurs obligatoire à l'échelle nationale permet de préserver les enfants et les jeunes des conséquences négatives d'une consommation de contenus médiatiques non adaptés à leur âge ainsi que d'assurer une régulation efficace. Une large majorité souscrit aussi au principe de base d'une corégulation par la branche et par l'État, qui garantit que les acteurs des secteurs sont activement impliqués dans la protection des mineurs et peuvent réagir rapidement à l'évolution des conditions grâce à leurs connaissances des développements actuels.

Plus de 50 % des participants à la consultation approuvent l'obligation légale imposée aux organisateurs d'événements et aux prestataires de supports audiovisuels de contrôler l'âge des mineurs avant de leur rendre accessible un film ou un jeu vidéo.

La plupart d'entre eux adhèrent également aux prescriptions de contrôle de l'âge et de mise à disposition d'un système de contrôle parental applicables aux prestataires de services à la demande ainsi qu'à l'obligation, pour les prestataires de services de plateforme, de fournir un système de contrôle de l'âge et de notification des contenus non adaptés. Plus de la moitié des participants à la consultation approuvent en outre les dispositions proposées concernant les tests (achats-tests, entrées-tests et comptes-tests), de même que la possibilité d'exploitation des résultats des tests dans des procédures pénales. Les dispositions pénales envisagées rencontrent aussi un accueil largement favorable.

Par ailleurs, diverses dispositions font l'objet de critiques et des adaptations sont demandées.

Les dérogations proposées au principe du contrôle de l'âge dans le cas de mineurs qui sont accompagnés d'une personne majeure ou qui ont reçu le consentement écrit d'une personne détentrice de l'autorité parentale sont largement critiquées, et notamment par 21 cantons. Les participants craignent que des mineurs puissent ainsi consommer des films ou des jeux vidéo non adaptés à leur âge et donc que leur protection ne soit plus garantie.

Certains désapprouvent également le fait que l'élaboration
des réglementations relatives à la protection des mineurs soit laissée au soin des acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo, jugeant que les organisations de protection des mineurs à créer 57

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation peut être consulté sur: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFI.

7941

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doivent faire appel à des experts indépendants (issus par ex. des sciences de l'éducation, de la pédagogie, de la psychologie, du travail social et de la santé). Ils estiment en outre que l'OFAS doit aussi être tenu de s'adjoindre le concours d'experts ainsi que des cantons pour l'examen des réglementations relatives la protection des mineurs et l'exécution des tâches de surveillance qui lui incombent.

Quelques participants à la consultation exigent que les médias journalistiques, la publicité et la communication d'entreprise soit explicitement exclus du champ d'application du P-LPMFJ. Les fournisseurs de services de télécommunication (Salt, Sunrise, Swisscom, UPC) et leur association faîtière, l'asut, sont opposés à une régulation des services à la demande. Ils évoquent en particulier le fait que les prestataires de tels services ne pourraient jamais contrôler qui consomme quels films dans quels ménages. À l'instar de plusieurs associations du secteur du film, ils s'expriment en outre contre l'obligation d'introduire des descripteurs de contenu dès lors qu'aucune réglementation uniforme à cet égard n'existe dans l'UE.

Par ailleurs, des questions se posent encore pour certains participants à la consultation s'agissant de la mise en oeuvre du projet de loi et ­ notamment ­ des responsabilités assumées par les acteurs concernés, par exemple en relation avec les tournois d'e-sport, les salons de jeux vidéo, les parties en réseau local (jeux sur ordinateurs privés reliés entre eux par un réseau local) et les projections de films dans le cadre d'activités de jeunesse extra-scolaires.

Quelques acteurs critiquent la répartition proposée des tâches entre les organisations de protection des mineurs, les cantons et la Confédération. Ils sont opposés à l'idée d'une délégation des mesures de contrôle et des sanctions de l'État à des organisations privées. D'autres acteurs (en particulier de la branche du commerce de détail) émettent des réserves au sujet des achats-tests, craignant un manque d'uniformité dans l'application à l'échelle nationale.

Enfin, certains participants à la consultation demandent des dispositions plus sévères en matière de protection des données pour les services à la demande et les services de plateforme, l'inscription des compétences médiatiques dans le P-LPMFJ ainsi que l'ajout du potentiel addictif et des achats intégrés dans des jeux ou applications dans la définition des contenus dangereux de films et de jeux vidéo.

2.3

Evaluation des résultats de la procédure de consultation

Les résultats de la consultation sont globalement positifs. Aucune adaptation fondamentale du projet de loi ne s'impose. Il convient notamment de souligner qu'il a été salué par 24 cantons, la CCDJP, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et sa conférence technique, la Conférence pour la politique de l'enfance et de la jeunesse (CPEJ), ainsi que par la majorité des associations de l'économie et des organisations professionnelles des secteurs du film et du jeu vidéo. Seuls les cantons de Schwytz et de Zoug sont opposés au projet de loi, au motif que le domaine où le besoin d'intervention est le plus urgent (commerce en ligne, services à la demande et services de plateforme) ne peut pas être efficacement régulé. De même, le PLR, l'UDC et l'Union suisse des arts et métiers rejettent par 7942

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principe le projet, estimant que le thème considéré relève au premier chef de la responsabilité des parents, tandis que le PDC émet des doutes quant à la possibilité d'atteindre le but visé. Le PS soutient le projet, mais demande une réglementation étatique accrue.

Différentes dispositions ont fait l'objet d'adaptations mineures fondées sur les retours des participants à la consultation et sont présentées ci-après.

Dans un souci de précision, le champ d'application de la loi a été scindé en un champ d'application personnel et un champ d'application matériel. Les films publicitaires et les contributions journalistiques sont explicitement exclues de ce dernier.

Les notions d'absence de «responsabilité rédactionnelle» et de «contenus [...] générés par les utilisateurs» ont été introduites dans la définition des services de plateforme (art. 5, let. e, P-LPMFJ), satisfaisant ainsi la demande de certains participants à la consultation que cette définition soit précisée.

La disposition dérogatoire pour les organisateurs d'événements concernant l'accès aux mineurs accompagnés d'une personne majeure (art. 7 al. 2, let. a, P-LPMFJ) a été adaptée en ce sens que l'écart entre l'âge du mineur et l'âge requis ne peut excéder deux ans (par analogie avec les dispositions existant dans différents cantons). En outre, la personne majeure doit avoir au moins dix ans de plus que le mineur qu'elle accompagne. Il a en revanche été renoncé à l'exception prévue à l'art. 6, al. 2, let. a, l'AP-LPMFJ pour les prestataires de supports audiovisuels, celle-ci étant trop éloignée de la pratique. Si un mineur accompagné d'une personne majeure souhaite par exemple acheter dans point de vente un film ou un jeu vidéo pour lequel il n'a pas l'âge requis, il faudrait procéder à un contrôle de l'âge et la vente au mineur devrait être refusée. Dans les faits, la personne majeure achèterait tout simplement le film ou le jeu vidéo en question pour le remettre ensuite au mineur. Pour les employés du point de vente, cela entraînerait des charges inutiles pour un résultat nul, d'où la suppression de cette exception.

Dans la version allemande du projet de loi, les obligations imposées aux prestataires de services à la demande (art. 8 P-LPMFJ) et aux prestataires de services de plateforme (art. 19 P-LPMFJ) ont été reformulées de manière
un peu moins restrictive; le nouveau libellé est «prennent les mesures nécessaires». Certains participants à la consultation s'étaient à juste titre plaints que les prestataires de tels services ne pouvaient pas garantir absolument que les mineurs n'aient pas accès à des contenus non adaptés à leur âge. La responsabilité incombe ici en partie aux titulaires de l'autorité parentale, qui décident par exemple d'utiliser ou non le système de contrôle parental mis à leur disposition par les prestataires de services à la demande.

Dans le cas des services à la demande et des services de plateforme, il a en outre été précisé que l'âge devait être contrôlé uniquement avant la première utilisation du service. Par ailleurs, les modalités d'utilisation des données ont encore été restreintes dans les art. 8, al. 3, et 19, al. 3, P-LPMFJ, selon lesquels les prestataires de services à la demande et de services de plateforme ne peuvent utiliser les données recueillies sur des mineurs qu'à des fins de contrôle de l'âge. En cas d'infraction, ils peuvent être punis d'une amende de 40 000 francs au plus (art. 32).

L'obligation de faire appel à des experts externes pour l'élaboration des réglementations relatives à la protection des mineurs a été introduite à l'art. 10 (Exigences que 7943

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doivent remplir les organisations de protection des mineurs), répondant ainsi à la demande de 15 cantons, de la CCDJP, de la CPEJ, de la CDAS et d'autres organisations. De même, l'OFAS est tenu de s'adjoindre le concours d'experts ainsi que des cantons pour l'évaluation des mesures (art. 29 P-LPMFJ). Il n'a en revanche pas été donné suite à la demande d'impliquer aussi des parents, des organisations de parents, des mineurs ou des éducateurs dans l'élaboration des réglementations.

L'une des exigences à remplir par les réglementations relatives à la protection des mineurs a été précisée: si la création de descripteurs de contenu dans une réglementation devait générer une charge disproportionnée pour l'organisation de protection des mineurs ou les acteurs du secteur concerné, il est possible d'y renoncer (art. 11, let. c, P-LPMFJ). Cette formulation empêche que le choix d'un système de classification d'âge (par ex. FSK) soit rendu impossible en raison d'une obligation relative aux descripteurs de contenu.

L'art. 11, al. 2, let. c, AP-LPMFJ, qui imposait la classification automatique d'un film ou d'un jeu vidéo non classifié dans la catégorie d'âge la plus restrictive, a en revanche été supprimée. La critique portait ici à raison sur le fait que cette prescription risquerait d'être source de confusion pour les parents. Une classification distincte est désormais prévue pour de tels films ou jeux vidéo (art. 11, let. d, PLPMFJ).

Enfin, les dispositions relatives à la coordination (ont été complétées par un nouvel alinéa, selon lequel le Conseil fédéral peut imposer certaines mesures aux cantons en vue de garantir une application uniforme (art. 27, al. 4, P-LPMFJ). Cela permet d'assurer une mise en oeuvre uniforme des achats-tests.

2.4

Points de friction non résolus

Il n'a pas été donné suite à la demande d'exclure les services à la demande, et donc leurs prestataires, du champ d'application du P-LPMFJ. Les services à la demande représentant aujourd'hui une part importante de la consommation de films et de jeux vidéo, il est donc naturellement attendu d'eux qu'ils contribuent à la protection des mineurs.

La demande concernant l'ajout du potentiel addictif dans le P-LPMFJ n'a pas non plus été satisfaite. On peut certes supposer que les jeux vidéo exposent les enfants et les jeunes à un certain risque de développer un comportement addictif. À l'heure actuelle, la recherche sur les facteurs favorisant la dépendance est toutefois encore trop lacunaire pour permettre de classifier les jeux vidéo selon leur potentiel addictif.

Davantage de connaissances scientifiquement fondées sur les contenus et les mécanismes des jeux vidéo susceptibles d'induire une maladie ou une dépendance sont ici requises. Le Conseil fédéral suit les travaux correspondants à l'échelle internationale.

L'aspect relatif aux microtransactions et aux achats intégrés dans des jeux ou des applications n'a pas non plus été introduit dans le projet comme certains participants le souhaitaient. Dans son rapport Jeunes et médias, le Conseil fédéral a estimé que les microtransactions constituaient un problème, auquel il convenait de remédier en 7944

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premier lieu par l'amélioration des compétences médiatiques, de sorte qu'il ne l'a pas considéré comme prioritaire s'agissant des risques pesant sur le développement des mineurs. Par ailleurs, le système PEGI prévoit déjà un descripteur pour les achats intégrés dans les jeux et les applications. De même, les plateformes de jeu (dont Sony, Nintendo et Microsoft) s'efforcent actuellement d'interdire ou de mieux indiquer ce type de fonctionnalités.

La demande de certains cantons et organisations quant à la création d'un groupe d'experts permanent chargé d'accompagner l'OFAS dans ses travaux n'a pas été reprise dans le projet. Le recours à des experts externes prévu dans le P-LPMFJ pour l'examen des réglementations relatives la protection des mineurs et l'évaluation de l'efficacité des mesures ad hoc a été jugé suffisant.

Il n'a pas non plus été donné suite à la demande concernant l'intégration des compétences médiatiques dans le projet de loi. Le Conseil fédéral estime que la promotion des compétences médiatiques constitue sans aucun doute une tâche très importante.

C'est pourquoi il a, en 2015, chargé l'OFAS de poursuivre les mesures de sensibilisation et de soutien dans le cadre de la plateforme Jeunes et médias, en lui allouant à cet effet des ressources financières et humaines pour une durée illimitée. Dans le domaine de la protection des enfants et des jeunes face aux médias par le biais de l'éducation, la Confédération peut, en s'appuyant sur les dispositions légales existantes, assurer une fonction subsidiaire d'aide et de soutien aux cantons et aux acteurs privés. Les bases à cet effet sont la loi du 30 septembre 2011 sur l'encouragement de l'enfance et de la jeunesse (LEEJ) 58 et l'ordonnance du 11 juin 2010 sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant59. Le présent projet de loi se limite en revanche spécifiquement à la protection des mineurs face aux contenus de films et de jeux vidéo non adaptés à leur âge. En outre, le P-LPMFJ devrait s'appuyer sur des bases constitutionnelles supplémentaires puisque la promotion des compétences médiatiques ne peut être fondée sur l'art. 95, al. 1, Cst. (cf. ch. 7.1).

À l'occasion de la consultation, les représentants de la branche du commerce de détail ont notamment critiqué le fait que les
dispositions pénales étaient applicables à l'encontre de personnes physiques. En réalité, selon le droit pénal administratif, seules des personnes physiques peuvent en principe se rendre punissables pénalement. Le comportement d'une personne physique ne peut être imputé à une entreprise que pour certains délits et à des conditions très précises (cf. ch. 5, commentaire de l'art. 33), ce qui est toutefois exclu dans le cas de contraventions (cf.

art. 102 ss CP). C'est pourquoi il a été renoncé à adapter les dispositions pénales dans le P-LPMFJ.

58 59

RS 446.1 RS 311.039.1

7945

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3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

3.1

Régulation propre à chaque pays

Les auteurs d'une comparaison internationale des systèmes de régulation60 ont mis en évidence la dimension politique et sociétale de la protection des mineurs face aux médias dans les quatorze pays examinés (Allemagne, Australie, Autriche, Danemark, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse). Tous les États étudiés s'engagent tant sur le volet réglementaire que sur le volet éducatif de la protection des mineurs. Aucun d'entre eux ne dispose néanmoins d'un cadre général de protection des mineurs englobant tous les types de médias, ni n'envisage de mettre en place une telle stratégie de régulation. Les mesures réglementaires introduites par les États membres de l'UE portent principalement sur les types de médias au sujet desquels des directives européennes ont été édictées. Citons en particulier la directive SMA, qui jusqu'à présent réglementait la télévision linéaire et les services à la demande, mais intègre désormais aussi les plateformes de partage de vidéos. Les autres contenus diffusés par voie électronique qui ne relèvent pas du champ d'application de la directive SMA sont rarement réglementés. Les projections publiques de films constituent la seule exception, puisqu'elles font depuis de nombreuses années l'objet de la législation nationale de beaucoup d'États européens.

Des formes de corégulation existent dans plusieurs pays européens, parmi lesquels les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, la Slovénie, la Turquie et l'Italie.

Aux Pays-Bas a été créé un institut de droit privé qui couvre l'ensemble du paysage médiatique, nommé l'Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (Netherlands Institute for the Classification of Audiovisual Media, NICAM). Il forme les codeurs qui procèdent aux classifications en fonction d'un questionnaire établi sur des bases scientifiques (catégories d'âge: 0, 6, 9, 12 et 16 ans). Le NICAM est financé conjointement par le gouvernement néerlandais et l'industrie audiovisuelle. Des mécanismes de contrôle sont prévus à plusieurs niveaux: le NICAM effectue des contrôles aléatoires, la surveillance est du ressort de l'organisme néerlandais responsable des médias (Commissariat voor de Media) et les consommateurs ont la possibilité de déposer un recours contre des
classifications. D'après les chiffres actuels, plus de 95 % des parents néerlandais utilisent le système développé par le NICAM, nommé «Kijkwijzer», et le trouvent utile. Ce système a été repris par l'Islande, la Slovénie (sous une forme légèrement adaptée) et la Turquie (version adaptée). Pour les fournisseurs de films destinés au cinéma, de contenus télévisuels, de jeux vidéo et de contenus mobiles, le cadre légal néerlandais prévoit l'indication d'un âge minimal par le NICAM. Pour les jeux vidéo, le NICAM se base sur le système PEGI. Pour les services à la demande, la règle est la suivante: les contenus susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, psychique ou moral 60

Schulz / Dreyer / Dankert / Puppis / Künzler / Wassmer (2015): Identifikation von Good Practice im Jugendmedienschutz im internationalen Vergleich. Berne: OFAS.

Cf. Observatoire européen de l'audiovisuel (2012): La protection des mineurs et les contenus audiovisuels à la demande. IRIS plus 2012-6, pp. 14 à 17.

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des personnes de moins de 16 ans ne doivent en principe pas être vus ni entendus par ces dernières61.

Au Royaume-Uni, une loi donne la possibilité au ministre compétent de désigner un organe de classification. La classification des films destinés au cinéma et des DVD est aujourd'hui assurée par le British Board of Film Classification, un organisme de droit privé créé dans le sillage de cette loi. Les catégories d'âge sont: U (universel), PG (universel, précisant que certaines scènes ne sont pas adaptées aux enfants de moins de 8 ans), 12A (autorisé à partir de 12 ans, les enfants de moins de 12 ans étant acceptés dans les cinémas s'ils sont accompagnés d'un adulte), 12, 15 et 18 ans. Exclusivement financé par les taxes perçues pour assurer son fonctionnement, le British Board of Film Classification doit régulièrement établir des rapports sur son activité. Dans le secteur du jeu vidéo, une corégulation est également pratiquée: un organisme non gouvernemental reconnu par l'État décide des classifications ayant force obligatoire sur la base du système PEGI. La télévision est soumise à la surveillance de l'État. En ce qui concerne les services à la demande, jusqu'à la fin 2015, l'État pouvait déléguer certaines tâches à une autorité de corégulation ad hoc. Depuis 2016, ce secteur relève exclusivement de la responsabilité de l'État62.

L'accès, via les services à la demande, à des films susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, psychique ou moral de mineurs doit être contrôlé par un système de contrôle d'accès et interdit aux moins de 18 ans.

En Allemagne, une forme de corégulation est également pratiquée. Pour la classification des films destinés au cinéma, des DVD et des jeux vidéo, les Länder allemands ont conclu, via le Staatsvertrag über den Schutz der Menschenwürde und den Jugendschutz in Rundfunk und Telemedien (traité sur la protection de la dignité humaine et la protection de la jeunesse à la radio et dans la télémédias), un accord avec des structures d'autorégulation de l'industrie du film et du jeu vidéo (FSK et Unterhaltungssoftware-Selbstkontrolle [USK]). Les classifications par âge sont réalisées par des bénévoles sur mandat de la FSK et de l'USK, sous la surveillance de la commission de protection des jeunes face aux médias, l'organisme de régulation étatique. Dans
les secteurs de la télévision, des services à la demande et d'Internet, l'autorégulation est surveillée par l'État. Les services à la demande ne peuvent diffuser des contenus préjudiciables aux mineurs qu'à la condition que l'horaire de diffusion soit approprié (par ex. à partir de 22 h pour les films autorisés aux 16 ans et plus) ou que des moyens techniques soient mis en place (cryptage, blocage ou utilisation de programmes de protection des mineurs) pour éviter que des enfants ou des adolescents des classes d'âge non autorisées puissent, dans des conditions normales, y être exposés.

En Finlande, dans les secteurs de la télévision, des services à la demande, du cinéma et des films sur support audiovisuel, l'autorité de régulation (National Audiovisual Institute) contrôle directement les personnes en charge de la classification des programmes chez les différents fournisseurs privés. Elle assure même la formation des personnes responsables de la classification, qui accomplissent leur travail sur la base 61 62

www.kijkwijzer.nl > NICAM > Legislation (consulté le 6.4.2020) Cabrera Blázquez F. / Cappello M. / Fontaine G. / Valais S. (2016). Services à la demande et champ d'application matériel de la Directive SMAV. IRIS Plus, Observatoire européen de l'audiovisuel, Strasbourg, p. 38

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de directives. Pour les films, les classes d'âge en vigueur sont les suivantes: 0, 7, 12, 16 et 18 ans. Les services à la demande sont également soumis aux classifications et à d'autres mesures de protection des mineurs. Ils doivent en outre veiller à la nonaccessibilité des contenus par les enfants n'ayant pas atteint l'âge requis. Dans le secteur du jeu vidéo, un organisme non gouvernemental est habilité par l'État à procéder aux classifications, qui ont force obligatoire. En Finlande également, cette classification s'effectue sur la base du système PEGI.

En Italie, les projections de films sont contrôlées par un organisme de classification institué par l'État. La télévision et les services à la demande sont réglementés par un organisme d'autorégulation surveillé par l'État. Une distinction est établie entre les contenus tous publics, les contenus destinés aux enfants, les contenus pour lesquels un accompagnement parental est recommandé et les contenus inappropriés pour les enfants. Les secteurs du film sur support audiovisuel et du jeu vidéo ne sont pas réglementés.

En France, les projections de films et les jeux vidéo sont réglementés, les premières par un organisme de classification institué par l'État, les seconds par la validation du système PEGI. La télévision est également soumise à une surveillance étatique exercée par une autorité de régulation établie par la loi. S'agissant des services à la demande, la classification des contenus audiovisuels en différentes catégories d'âge et l'affichage de cette classification sont obligatoires. Les horaires de diffusion des contenus non adaptés à certaines catégories d'âge sont restreints ou l'accès à ces contenus s'effectue à l'aide d'un code personnel. Les films sur support audiovisuel doivent également faire l'objet d'une classification. Les catégories d'âge suivantes sont définies: tous publics, 12, 16 et 18 ans.

3.2

Collaboration internationale dans le cadre de l'autorégulation et de la corégulation

Étant donné que les médias numériques peuvent être diffusés à l'échelle planétaire, des coopérations internationales et supranationales ont vu le jour dans le cadre d'un système d'autocontrôle volontaire destiné à protéger les mineurs et sur lequel repose partiellement la réglementation de plusieurs États.

Secteur du film Il n'existe pas de système commun à l'échelle européenne dans le secteur du film.

Un grand nombre de pays européens ont développé leur propre système basé sur des classes d'âge différentes. Dans le cadre de l'autorégulation de l'ASV, la Suisse a déjà partiellement recours au système allemand développé par la FSK (cf. ch. 1.1.3).

La FSK est une institution gérée par la Spitzenorganisation der Filmwirtschaft e.V.

(SPIO), organisation faîtière des associations allemandes de l'industrie du film, de la télévision et de la vidéo. Les organisations professionnelles appartenant à la SPIO exigent de leurs membres qu'ils n'offrent au public que des produits examinés par la FSK. La FSK contrôle bénévolement les limites d'âge pour les films et les supports audiovisuels destinés à être distribués ou projetés en Allemagne. Ces limites sont fixées, sur demande, en fonction de cinq catégories d'âge (à partir de 0, 6, 12, 16 ou 7948

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18 ans). La FSK développe actuellement en Allemagne un système en ligne d'autoclassification pour les contenus audiovisuels. Ce système permet aux titulaires des droits d'obtenir en quelques minutes des classifications d'âge valides pour tous les contenus cinématographiques. Il se base sur un questionnaire multilingue composé de questions identiques, qu'il suffit de remplir une fois par contenu (single input) pour qu'il génère des classifications d'âge adaptées à chaque pays (multiple output), de sorte que le système puisse également être utilisé dans d'autres pays européens.

Parmi les systèmes utilisés dans plusieurs pays (Pays-Bas, Islande, Slovénie, Turquie) figure par ailleurs le système Kijkwijzer, développé par le NICAM (cf.

ch. 3.1).

Secteur du jeu vidéo Dans le secteur du jeu vidéo, le système européen PEGI est en vigueur depuis 2003.

Élaboré par la Fédération européenne des logiciels de loisirs (Interactive Software Federation of Europe), il fournit des indications sur le caractère approprié, eu égard à la protection des mineurs, des jeux vidéo en fonction des différentes classes d'âge.

Les symboles PEGI sont imprimés sur le devant et au dos de l'emballage et font référence aux catégories d'âge suivantes: 3, 7, 12, 16 ou 18 ans. Des descripteurs de contenu indiquent par ailleurs si le jeu comporte certains types de scènes (violence, langage grossier, contenus effrayants, discrimination, drogues ou représentations sexuelles) ou de fonctions (jeu de hasard, achats intégrés) ne convenant pas pour tous les âges. Le système PEGI est appliqué dans les 38 pays européens suivants: Albanie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Moldavie, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse. Le système bénéficie de l'appui des principaux fabricants de consoles (Sony, Microsoft, Nintendo, etc.) ainsi que des distributeurs, éditeurs et développeurs de jeux à travers toute l'Europe.

Le système PEGI repose sur le principe de l'auto-classification effectuée par les développeurs de jeux sur la base d'un questionnaire. Ces auto-classifications
sont examinées par deux organes de surveillance indépendants: l'institut néerlandais NICAM (pour les jeux destinés aux classes d'âge 3 et 7 ans) et le Video Standards Council britannique (pour les jeux destinés aux classes d'âge 12, 16 et 18 ans). Le système PEGI est repris par le droit interne de plusieurs pays européens, dans lesquels il revêt ainsi un caractère obligatoire. En Suisse, il sert également de base à l'autorégulation de la SIEA (cf. ch. 1.1.3). Là où il est juridiquement repris, le système PEGI constitue un exemple d'harmonisation européenne dans le domaine de la protection de la jeunesse ainsi qu'un modèle de corégulation aboutie.

Le Conseil du PEGI émet des recommandations pour que les évolutions du système PEGI soient communiquées et mises en application. Les membres du conseil sont issus des pays utilisant le système PEGI, et sont nommés pour un mandat de deux ans. Il s'agit essentiellement de professionnels issus des domaines de la psychologie, des médias, de l'administration et du conseil juridique spécialisés dans la protection

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des mineurs en Europe. Depuis 2009, la Suisse est représentée au Conseil du PEGI par une personne de l'OFAS.

L'Allemagne est l'un des rares pays européens qui n'a pas adhéré au système PEGI.

Cela s'explique toutefois par des raisons historiques: le système USK y a en effet été mis en place dès 1994, soit bien avant la création du PEGI. L'USK est un système d'autorégulation volontaire de l'industrie du jeu vidéo, et l'organe compétent pour examiner les jeux vidéo en Allemagne.

À l'échelle internationale, l'International Age Rating Coalition (IARC) a été créée en 2013. Dans le cadre de cette coalition, les principales institutions de classification par âge des médias de divertissement interactifs d'Europe (PEGI, USK) et d'Amérique du Nord (Entertainment Software Rating Board), ainsi que les organes de classification brésilien, sud-coréen et australien ont uni leurs forces pour proposer ensemble une solution destinée au marché mondial des applications et des jeux.

Elles ont mis au point une procédure permettant aux développeurs d'applications et de jeux qui diffusent leurs produits sur des plateformes numériques d'obtenir des classifications par âge pour plusieurs territoires et plateformes en complétant un questionnaire. Tous les développeurs qui distribuent leurs jeux ou applications sur une plateforme participante ont accès au système. À l'heure actuelle, les plateformes de vente en ligne suivantes ont introduit le système de l'IARC: Google Play Store, Microsoft Windows Store, Nintendo eShop et Sony PlayStation Store.

Services à la demande et services de plateforme Il n'existe pas encore de système européen ou international pour les services à la demande et les services de plateforme (par ex. Netflix et YouTube). Plusieurs fournisseurs ont déjà introduit des instruments de contrôle (par ex. systèmes de notification) et mis en place diverses mesures (classes d'âge, rubrique 18+, visibilité restreinte, suppression de contenus). En outre, la directive SMA contraint désormais les services gérant des plateformes de partage de vidéos à introduire des mesures appropriées, telles que des systèmes de vérification de l'âge et de notification.

3.3

Régulation à l'échelle européenne

Directive «Services de médias audiovisuels» (directive SMA) La directive SMA régit la mise à disposition de services de médias audiovisuels.

L'Union européenne l'a modifiée le 14 novembre 2018 par la directive (UE) 2018/180863. Elle crée un cadre légal harmonisé qui permet de lever les obstacles à la production et à la distribution de médias audiovisuels, de garantir des conditions de concurrence loyale et de veiller à la libre circulation des informations et à l'échange des points de vue au sein de la communauté. La directive s'appliquait initialement autant aux services de médias audiovisuels linéaires (programmes 63

Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, JO L 303 du 28.11.2018, p. 69

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télévisuels) qu'aux services de médias audiovisuels à la demande non linéaires (services à la demande). Elle prescrit que des mesures appropriées doivent être prises pour garantir que les contenus qui pourraient nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à disposition que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement pas les entendre ni les voir. Ces mesures peuvent comprendre le choix de l'heure de l'émission, l'utilisation d'outils permettant de vérifier l'âge ou d'autres mesures techniques (art. 6a, directive SMA).

Les contenus les plus préjudiciables, tels que la pornographie et la violence gratuite, doivent faire l'objet des mesures les plus strictes. La directive révisée réglemente désormais aussi les services gérant des plateformes de partage de vidéos (telles que YouTube), sur lesquelles un très grand nombre de vidéos d'utilisateurs sont enregistrées et mises à la disposition du grand public. Les fournisseurs de telles plateformes n'ont certes pas de décisions rédactionnelles à prendre, ce qui correspond aussi aux principes inscrits aux art. 12 à 15 de la directive 2000/31/EU64 sur le commerce électronique, qui prévoient que les prestataires d'une société de l'information ne peuvent être tenus pour responsables du simple transport, du stockage dit «caching» ou de l'hébergement d'informations sans en être conscients. Cependant, les fournisseurs de plateformes doivent mettre en place des mesures appropriées pour protéger les mineurs. Les mesures prévues dans la directive SMA vont de la formulation de conditions générales à des mécanismes de signalement, en passant par des systèmes de vérification de l'âge et des systèmes de contrôle parental (art. 28ter, par. 3, let. a à j, directive SMA). Les services à la demande et les services de plateforme dans le secteur du jeu vidéo ne sont pas concernés par la directive SMA.

Les États membres de l'UE sont tenus de transposer la directive SMA dans leur droit national. Ils peuvent également édicter des règles plus détaillées ou plus strictes que les normes minimales de la directive SMA (art. 4, par. 1, directive SMA). La directive se base sur le principe du pays d'origine, c'est-à-dire que les fournisseurs de services sont soumis aux prescriptions de l'État membre dans lequel se trouve leur siège
principal. Les fournisseurs qui, comme Netflix ou Amazon, ont leur siège principal en dehors de l'UE mais des filiales établies sur le territoire de l'UE sont également concernés par la directive SMA.

La révision de la directive SMA s'inscrit dans le cadre de la stratégie de l'UE pour un marché numérique unique. Le but était d'en élargir le champ d'application et de renforcer les obligations en matière de protection des mineurs. Les fournisseurs ne peuvent par exemple pas utiliser à des fins commerciales les données de mineurs collectées dans le cadre des mesures de protection de la jeunesse. En outre, il est recommandé de recourir à la corégulation et de promouvoir l'autorégulation en matière de protection des mineurs face aux médias.

Les États membres de l'UE doivent transposer les nouvelles dispositions dans leur droit national d'ici au 19 septembre 2020. La directive SMA ne présente actuellement pas de caractère contraignant pour la Suisse (cf. ch. 7.2). Toutefois, le

64

Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), JO L 178, 17.7.2000, p. 1

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P-LPMFJ se fonde dans une large mesure sur cette directive, ce qui est judicieux pour assurer un niveau de protection des mineurs similaire dans toute l'Europe.

Sur le fond, les dispositions prévues par le P-LPMFJ pour protéger les mineurs utilisant des services à la demande et des services de plateforme sont en grande partie conformes à celles de la directive SMA. La réglementation de la directive SMA applicable à l'utilisation des données est un peu moins stricte que celle prévue par le P-LPMFJ: la première prescrit uniquement une interdiction d'utiliser les données personnelles de mineurs à des fins commerciales, alors que le second limite leur utilisation au seul contrôle de l'âge. Une différence existe également au niveau des chaînes diffusées via les services de plateforme, notamment sur YouTube. En vertu de la directive SMA, celles-ci peuvent constituer des services de médias audiovisuels à part entière, même si elles sont proposées par l'intermédiaire d'un service de plateforme. Dans le P-LPMFJ, elles ne sont en revanche pas considérées comme des services à la demande autonomes, mais font partie des services de plateforme. Les vidéos diffusées sur ces chaînes (par ex. conseils en maquillage, tutoriels de bricolage), qui sont fréquemment autoproduites, devraient sinon être soumises à une indication de l'âge requis, ce qui ne semble pas proportionné.

Le projet présente une autre différence par rapport aux dispositions de la directive SMA révisée en ce qui concerne le champ d'application des dispositions visant à protéger les mineurs. Les films publicitaires sont exclus du champ d'application matériel du P-LPMFJ (art. 3, al. 1). Dans la directive SMA en revanche, certaines dispositions de protection des mineurs s'appliquent aussi aux communications commerciales diffusées par les services à la demande et les plateformes de partage de vidéos, notamment en ce qui concerne la publicité pour l'alcool ou la manière dont on s'adresse aux mineurs.

Contrairement à la directive SMA, le champ d'application du P-LPMFJ ne s'étend pas aux services à la demande qui ne fournissent que des contenus audiovisuels sous la forme de contributions journalistiques. Cela signifie, par exemple, qu'un sousdomaine du site web d'un journal ou d'un portail d'informations proposant de courtes vidéos sur des thèmes de
politique, de sport ou de divertissement ne tombe pas sous le coup du P-LPMFJ, puisque les contributions qui ont fait l'objet d'un traitement journalistique en sont exclues. Ainsi, les fournisseurs de médias journalistiques ne sont pas soumis aux dispositions de protection des mineurs du P-LPMFJ.

Les contributions qui ont fait l'objet d'un traitement journalistique n'ont pas été évoquées dans les motions et initiatives cantonales à l'origine du P-LPMFJ, c'est pourquoi elles n'y sont pas réglementées.

Convention européenne sur la télévision transfrontière La Suisse a ratifié en 1991 la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière65 du Conseil de l'Europe. Cette convention établit que tous les éléments des services de programmes doivent, par leur présentation et leur contenu, respecter la dignité de la personne humaine et les droits fondamentaux d'autrui. Ils ne doivent pas contenir de pornographie, ni mettre en valeur la violence, ni inciter à la haine raciale. De plus, les éléments des services de programmes qui sont suscep65

RS 0.784.405

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tibles de porter préjudice à l'épanouissement physique, psychique et moral des enfants ou des adolescents ne doivent pas être transmis lorsque ces derniers sont susceptibles, en raison de l'horaire de transmission et de réception, de les regarder.

La plupart des programmes télévisuels européens qui peuvent être captés en Suisse sont soumis aux dispositions de cette convention.

Le P-LPMFJ ne contenant pas de dispositions relatives à la télévision, il n'entre pas dans le champ d'application de cette convention.

Activités du Conseil de l'Europe Le Conseil de l'Europe est également devenu actif dans le domaine de la protection des mineurs face aux médias. En mars 2016, il a défini sa stratégie pour les droits de l'enfant (2016­2021)66, dans laquelle les droits de l'enfant dans l'environnement numérique constituent un domaine prioritaire à part entière. Les États membres et les autres groupes cibles sont appelés à modifier leur législation et leurs politiques pour mieux protéger les enfants dans l'environnement numérique. Le 4 juillet 2018, le Comité des Ministres des États membres a par ailleurs adopté la recommandation CM/Rec(2018)7 sur les Lignes directrices relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l'enfant dans l'environnement numérique67. Ce texte recommande aux États membres d'encourager entre autres le développement et la production de systèmes de contrôle parental (ch. 54 de la recommandation) et de promouvoir l'utilisation de systèmes de vérification de l'âge (ch. 56 de la recommandation).

Bien que ces recommandations ne soient pas juridiquement contraignantes, elles sont soutenues par la Suisse en tant que membre du Conseil de l'Europe et lui servent de guide.

Pas de réglementation européenne dans le secteur du jeu vidéo Dans le secteur du jeu vidéo, il n'existe pas encore de réglementation légale ni de directive applicable à l'échelle européenne. Le mécanisme d'autorégulation PEGI s'est toutefois établi dans toute l'Europe (cf. ch. 3.2).

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Les mesures ci-après doivent permettre de garantir la protection des mineurs face aux contenus de films et de jeux vidéo non adaptés à leur âge. Tous les films et les jeux vidéo qui, dans le cadre d'une activité économique, sont rendus accessibles sur des supports audiovisuels, à l'occasion d'événements publics ou via un service à la demande doivent être munis d'une indication clairement visible de l'âge requis et 66 67

La stratégie peut être consultée en français sur: www.coe.int > Droits de l'homme > Droit des enfants > En bref > Stratégie sur les droits de l'enfant (consulté le 6.4.2020).

La recommandation est disponible en français sur: www.coe.int > Droits de l'homme > Droits des enfants > Droits de l'enfant > L'environnement numérique (consulté le 6.4.2020).

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d'éventuels descripteurs de contenu (art. 6). L'âge requis est celui à partir duquel le film ou le jeu vidéo est autorisé et son indication est complétée par des descripteurs de contenu renseignant sur les types de contenus susceptibles de représenter une menace pour le développement des mineurs. Ces indications permettent aux parents ainsi qu'aux enfants et aux jeunes de savoir si le film ou le jeu vidéo en question est adapté à leur âge. Les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements qui rendent accessibles un film ou un jeu vidéo doivent procéder à un contrôle de l'âge (art. 7). Cette obligation s'applique à toutes les catégories d'âge et à tous les points de vente. Les mineurs n'ayant pas encore l'âge requis ne doivent pas avoir accès au film ou au jeu vidéo. Le contrôle de l'âge n'est pas nécessaire pour les mineurs accompagnés d'une personne majeure d'au moins dix ans de plus qu'eux, pour autant que leur l'écart d'âge avec l'âge requis n'excède pas deux ans, sauf pour les films ou les jeux vidéo comportant des scènes à caractère pornographique ou pour les événements publics rendant accessibles des films ou des jeux vidéo destinés aux seules personnes majeures. Les prestataires de services à la demande prennent des mesures appropriées (système de contrôle de l'âge, système de contrôle parental) afin que les mineurs n'aient pas accès à des contenus non adaptés à leur âge (art. 8). Le P-LPMFJ oblige donc toutes les personnes physiques et morales qui, dans l'exercice de leur activité économique, sont directement en contact avec les consommateurs, à mettre en place les mesures de protection des mineurs susmentionnées. Ces personnes physiques et morales sont les prestataires de supports audiovisuels (par ex. commerce de détail), les prestataires de services à la demande (par ex. entreprises de télécommunication ou services de streaming comme Netflix) et les organisateurs d'événements publics (par ex. exploitants de cinéma, organisateurs de salons de jeux vidéo).

Ces mesures sont mises en oeuvre dans le cadre d'une corégulation, par laquelle les acteurs du secteur du film et ceux du secteur du jeu vidéo peuvent développer chacun un système de classification d'âge ainsi que des règles relatives à l'indication de l'âge requis, aux descripteurs de contenu et au contrôle
de l'âge. Il est important que toute la chaîne de création de valeur des secteurs du film et du jeu vidéo soit associée à ce processus. Les acteurs concernés, personnes physiques ou morales, sont les suivants: ­

Producteurs (producteurs de films et développeurs de jeux vidéo): ils produisent des films ou des jeux vidéo et assument la responsabilité de leur contenu, y compris des scènes présentant un caractère violent ou sexuel. Ils décident de la catégorie d'âge à laquelle s'adresse le film ou le jeu vidéo et peuvent se référer aux systèmes de classification d'âge en vigueur dès le processus de production. Les producteurs suisses, en particulier, pourraient déjà (faire) procéder à une classification selon le système en vigueur en Suisse. Au terme du processus de production, ils transmettent les droits d'exploitation des films ou des jeux vidéo aux distributeurs de films ou aux éditeurs de jeux vidéo.

­

Distributeurs et éditeurs: il s'agit de sociétés internationales de distribution (de films produits par des studios américains par ex.), de leurs succursales situées en Suisse ou de preneurs de licence nationaux qui achètent les droits des films ou des jeux vidéo, commercialisent des films ou des jeux vidéo,

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établissent des copies et les distribuent à des entreprises qui rendent des films ou des jeux vidéo accessibles aux consommateurs sur différents canaux d'exploitation. Ces entreprises peuvent être des organisateurs d'événements (par ex. des exploitants de cinéma), des prestataires de supports audiovisuels (commerce de détail) ou des prestataires de services à la demande. Certains distributeurs et éditeurs participent à la production dans la mesure où ils la cofinancent. Ils peuvent donc souvent avoir une influence sur le processus de production et intervenir si nécessaire sur les questions relatives à la protection des mineurs. Ils jouent en outre un rôle important dans la détermination de la catégorie et dans l'indication de l'âge requis applicable au film ou au jeu vidéo. Dans ce contexte, ils sont tenus de respecter le système de classification d'âge en vigueur dans le pays d'exploitation.

­

Organisateurs d'événements, prestataires de supports audiovisuels, prestataires de services à la demande: ils rendent des films ou des jeux vidéo accessibles aux consommateurs et doivent donc respecter les dispositions en vigueur en matière de protection des mineurs.

D'autres acteurs de la chaîne de création de valeur, qui commercialisent des films ou des jeux vidéo, par exemple dans le cadre de l'importation, du commerce de gros ou du commerce intermédiaire, peuvent également contribuer à la mise en oeuvre des mesures de protection des mineurs. Il arrive également qu'une même entreprise endosse plusieurs rôles dans la chaîne de création de valeur.

Les acteurs du secteur du film et ceux du secteur du jeu vidéo peuvent s'associer pour former une organisation de protection des mineurs dans leur secteur respectif et pour élaborer une réglementation relative à la protection des mineurs. Dans ce cadre, ils doivent faire appel à des experts (art. 9 et 10). Ces organisations peuvent déposer auprès de l'OFAS une requête visant la déclaration de force obligatoire de leur réglementation (art. 14). Pour être déclarées de force obligatoire, les réglementations doivent prévoir non seulement le système de classification de l'âge applicable, mais également des règles d'indication de l'âge requis et de contrôle de l'âge ainsi que des règles relatives aux descripteurs de contenu. Elles doivent donc définir les rôles des différents acteurs participant à la mise en oeuvre des dispositions de protection des mineurs. Elles doivent par ailleurs comprendre l'institution d'un référent pour la protection des mineurs ainsi que la définition de ses tâches et la manière dont le public sera informé du contenu de la réglementation. Enfin, elles doivent porter sur la répartition des frais de leur élaboration et de leur mise en oeuvre, sur le contrôle de leur mise en oeuvre et sur les mesures applicables en cas de violation par les membres des organisations de protection des mineurs (art. 11). La décision concernant la déclaration de force obligatoire des réglementations relatives à la protection des mineurs pour les acteurs qui ne sont pas membres d'une organisation revient au Conseil fédéral (art. 16).

Le P-LPMFJ définit les exigences minimales que doivent remplir les réglementations des secteurs, dont entre autres: ­

Une classification d'âge (art. 12): un système uniforme de classification d'âge doit être mis en place dans chaque secteur (film et jeu vidéo), avec au moins cinq catégories d'âge différentes, la plus élevée prévoyant obligatoi7955

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rement d'autoriser l'accès uniquement aux personnes majeures. La notion d'uniformité signifie que dès lors qu'un âge minimal est requis pour un film, il doit s'appliquer à la projection en salle de cinéma, à la diffusion sur DVD ou tout autre support audiovisuel et via les services à la demande. La classification d'un film ou d'un jeu vidéo doit être identique dans tous les cantons de Suisse. Les lois cantonales prévoyant des dispositions divergentes concernant la classification d'âge de films et de jeux vidéo ne seront plus admises, pas plus que le système actuellement utilisé dans le secteur du film qui se base sur la classification d'âge de la FSK et, en partie, sur une classification différente issue de la JIF. Pour le reste, les dispositions de la LETC doivent être respectées pour la mise en place des systèmes de classification d'âge. Elles doivent, à cette fin, si possible être compatibles avec les prescriptions des principaux partenaires commerciaux de la Suisse (art. 4, al. 2, LETC).

­

Un référent en matière de protection des mineurs (art. 13): chaque organisation de protection des mineurs doit instituer un référent chargé de traiter les contestations portant sur la classification d'un film ou d'un jeu vidéo, ou sur le non-respect de la réglementation. Le référent répond par ailleurs aux questions d'ordre général sur la protection des mineurs. Les organisations rapportent à l'OFAS le nombre, le contenu et les résultats des contestations traitées ainsi que leurs éventuelles conséquences.

Si aucune réglementation n'a été déclarée de force obligatoire dans un délai de deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, ou si la déclaration de force obligatoire a été révoquée ou est caduque, il revient au Conseil fédéral d'édicter, dans le sens d'un scénario de repli, une réglementation dans le secteur concerné afin que les objectifs réglementaires soient atteints (art. 18). Là aussi, les dispositions de la LETC doivent être respectées.

De plus en plus de films et de jeux vidéo sont rendus accessibles via des services à la demande ou des services de plateforme ayant leur siège en Suisse ou à l'étranger. Le P-LPMFJ vise à tendre vers le niveau de protection assuré par la directive SMA révisée de l'UE (cf. ch. 3.3). L'objectif est que les prestataires de services à la demande et de services de plateforme ayant leur siège en Suisse doivent se conformer à des obligations légales comparables à celles qui concernent les exploitants ayant leur siège au sein de l'UE. Ils doivent prendre des mesures appropriées afin que les mineurs n'aient pas accès aux contenus non adaptés à leur âge. Par analogie à la directive SMA, les prestataires de services à la demande doivent non seulement indiquer l'âge requis, mais aussi mettre en place un système de contrôle de l'âge ainsi qu'un système de contrôle parental (art. 8). Il peut être judicieux de contrôler l'âge de l'utilisateur lors de la conclusion du contrat ou de la création du compte d'utilisateur, lequel est indispensable pour pouvoir utiliser un service à la demande.

Le P-LPMFJ oblige également les prestataires de services de plateforme (par ex.

YouTube) à introduire au moins un système de contrôle de l'âge ainsi qu'un système permettant aux utilisateurs de signaler un contenu non adapté aux mineurs (art. 19).

Selon le type de service de plateforme, on peut aussi imaginer d'autres mesures, telles que l'instauration d'un système de contrôle parental ou d'un système de classification automatique. Contrairement à celui de la directive SMA, le champ 7956

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d'application du P-LPMFJ s'étend aussi aux services à la demande et aux services de plateforme qui rendent accessibles des jeux vidéo.

Il découle du principe de corégulation que la surveillance du respect des réglementations relatives à la protection des mineurs est prioritairement assurée par les organisations de protection des mineurs elles-mêmes, qui doivent par ailleurs prendre les mesures nécessaires en cas de violation de leur réglementation par l'un de leurs membres (art. 25). Ces sanctions de droit privé pourraient par exemple prendre la forme de peines conventionnelles. Toutefois, le respect des obligations concernant l'indication de l'âge, les descripteurs de contenu et le contrôle de l'âge eu égard à l'accès aux films ou aux jeux vidéo est aussi soumis au contrôle des cantons (sur leur territoire, art. 26) et à celui de l'OFAS (commerce en ligne, services à la demande et services de plateforme, art. 27). Dans le cadre de leurs tâches de surveillance, les organisations de protection des mineurs, les cantons et l'OFAS peuvent réaliser ou faire réaliser des achats-tests et des entrées-tests, et créer ou faire créer des comptes-tests (art. 20 à 22).

Les contraventions décrites à l'art. 32 relèvent du droit pénal. Le projet de loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 40 000 francs. Pour déterminer le montant de l'amende, il faut examiner s'il s'agit d'un contournement systématique de la réglementation relative à la protection des mineurs, par exemple si aucun système de contrôle de l'âge ou aucun système de contrôle parental n'est mis en place, ou si le non-respect des obligations en matière d'indication de l'âge requis ou de contrôle de l'âge ne concerne qu'un cas isolé. Les cantons poursuivent et jugent les infractions visées à l'art. 32 (art. 34). Dans leurs réglementations respectives, les organisations de protection des mineurs peuvent prévoir de renoncer à la sanction de droit privé ou de la rembourser ultérieurement si l'État a prononcé une amende, afin d'éviter que les membres des organisations de protection des mineurs soient sanctionnés deux fois, contrairement aux non-membres.

Enfin, le projet de loi règle également la coordination des mesures prises dans le domaine de la protection des mineurs (art. 27). L'OFAS coordonne les mesures et veille à l'échange d'informations et
d'expériences entre les acteurs impliqués. Il est également chargé de surveiller l'exécution de la loi par les cantons. S'il s'avère nécessaire de conclure un traité international, par exemple pour participer à un système de classification international ou à toute autre mesure équivalente, le Conseil fédéral peut habiliter l'OFAS à conclure un tel traité en vertu des art. 7a et 48a de la loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)68, à condition qu'il s'agisse d'un traité international de portée mineure servant à clarifier des questions administratives et techniques, ce qui semble être le cas ici. L'OFAS est également tenu de publier un rapport annuel sur les activités de surveillance de la Confédération et des cantons ainsi que sur les peines prononcées par les cantons (art. 28). Les organisations de protection des mineurs publient chaque année un rapport portant sur les contestations traitées par les référents, sur la surveillance qu'elles ont exercée et sur les mesures prises en cas de violation de la réglementation par leurs membres. Enfin, l'OFAS doit régulièrement évaluer l'efficacité des mesures de protection des mineurs prévues dans le 68

RS 172.010

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P-LPMFJ et faire rapport tous les cinq ans sur les résultats de cette évaluation au Conseil fédéral (art. 29). Les médias numériques ne cessent de se développer et offrent des fonctionnalités toujours plus étendues. Il s'ensuit que les habitudes d'utilisation des enfants et des jeunes évoluent elles aussi constamment, de même que les risques et les problèmes qui y sont liés. Pour assurer une protection efficace des enfants et des jeunes face aux médias, il est donc nécessaire d'observer les évolutions techniques et les tendances dans l'utilisation des médias, d'examiner périodiquement si la réglementation en matière de protection des mineurs dans les domaines du film et du jeu vidéo permet toujours d'atteindre l'objectif visé et si elle protège suffisamment les enfants et les jeunes en Suisse face aux problèmes connus et aux problèmes émergents.

4.2

Adéquation des moyens requis

Selon le projet, les coûts engendrés par l'édiction et l'application des réglementations visant à protéger les mineurs et par la mise en oeuvre de l'obligation d'indiquer l'âge requis et de contrôler l'âge sont à la charge des acteurs du secteur du film et de celui du jeu vidéo ainsi que des prestataires de services de plateforme. La Confédération et les cantons prennent à leur charge les frais d'exécution de la loi dans leurs domaines de compétence respectifs (surveillance, contrôle, sanctions, coordination, évaluation). Les conséquences financières du projet sont présentées au ch. 6. Les moyens requis pour mettre en oeuvre le projet sont en adéquation avec les objectifs visés, en particulier si les organisations de protection des mineurs à constituer se fondent sur un système de classification d'âge existant, ce qui semble fort probable.

4.3

Mise en oeuvre

4.3.1

Modalités de mise en oeuvre prévues

Différents éléments du P-LPMFJ devront être concrétisés au niveau réglementaire (cf. ch. 7.6).

En outre, ce seront principalement les organisations de protection des mineurs qui répondront de l'aménagement concret et de la mise en oeuvre des dispositions légales. Le présent projet de loi exige la coopération active des acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo. À défaut, le Conseil fédéral pourra édicter les prescriptions nécessaires.

Dans le cadre de la consultation, quelques cantons, la CCDJP, la CPEJ et la CDAS ont exprimé le souhait que soient réglées par voie d'ordonnance des consignes plus précises, sur lesquelles les organisations de protection des mineurs et les cantons pourraient s'appuyer. Dans ce contexte, un canton a en particulier mentionné le financement des activités de surveillance incombant aux autorités étatiques, l'organisation des contrôles et la sanction des infractions.

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4.3.2

Évaluation de l'exécutabilité au cours de la procédure pré-parlementaire

L'exécutabilité des mesures proposées a été évaluée à plusieurs reprises lors de la procédure pré-parlementaire. Dès l'élaboration de l'avant-projet de loi, les mesures envisagées ont ainsi fait l'objet de discussions dans le cadre de nombreuses séances avec le vaste groupe d'accompagnement ainsi que d'une consultation écrite (cf.

ch. 2.1). La question de l'exécution a également été abordée lors de la procédure de consultation (cf. ch. 2.2).

Sur la base de l'analyse d'impact, les modalités les plus efficaces de mise en oeuvre de la corégulation ont en outre été examinées lors de la procédure préliminaire 69.

Des enquêtes téléphoniques et écrites menées auprès des principaux acteurs concernés par la mise en oeuvre (associations des secteurs du film et du jeu vidéo, exploitants de cinéma, distributeurs de films pour le cinéma et de vidéos, prestataires de services à la demande, organisateurs d'événements de jeux vidéo, représentants du commerce de détail de films et de jeux vidéo ainsi que six cantons) ont permis de tirer d'importants enseignements.

Les points suivants ont été évoqués: ­

Corégulation: les branches doivent assumer un rôle actif dans la corégulation, ce qui permet de soutenir le respect des règles. Différents participants interrogés souhaitent se voir accorder des délais et dispositions transitoires adéquats avant l'entrée en vigueur proprement dite de la nouvelle loi.

­

Répartition des rôles: certains participants interrogés ont constaté qu'un rôle marginal était dévolu aux autorités fédérales dans le cadre de la corégulation prévue, et ce, également en comparaison avec d'autres pays européens, et craignent que l'efficacité puisse s'en trouver réduite.

­

Classification d'âge: de l'avis de plusieurs acteurs des branches concernées, l'auto-classification de films et de jeux vidéo non classés par la FSK ou le PEGI pourrait constituer un défi à mettre en oeuvre. Elle entraîne selon eux d'importantes charges et risque de créer une pratique de classification non homogène.

­

Dimension internationale: la loi touche à ses limites pour diverses questions en relation avec l'étranger. En vue d'une bonne exécution, il conviendrait d'identifier les possibilités qui permettent d'assurer l'égalité de traitement entre les acteurs suisses soumis à la réglementation et les acteurs étrangers.

Cela inclut un suivi étroit des évolutions au sein de l'UE en matière de protection des mineurs face aux médias.

Les autres propositions formulées dans le cadre de l'analyse d'impact sont notamment les suivantes: désignation obligatoire de responsables de la protection des 69

Cf. Meier et al. (2018): Regulierungsfolgenabschätzung (RFA) zum Vorentwurf für eine Ko-Regulierung im Film- und Videospielbereich. Rapport final du 31 mai 2018 à l'intention de l'OFAS. Bâle: B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung AG (en allemand avec résumée en français). Le rapport final est disponible sur: www.ofas.ch > Politique sociale > Politique de l'enfance et de la jeunesse > Protection de la jeunesse > Protection des mineurs en matière de films et de jeux vidéo.

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mineurs au sein des entreprises, garantie qu'il ne soit pas possible de contourner les mesures de protection des enfants et des jeunes à l'aide de cartes de crédit prépayées, définition légale d'exigences minimales pour les contrôles à effectuer par les organisations sectorielles, définition des tâches incombant aux référents ainsi que poursuite de la promotion des compétences médiatiques, notamment parmi les catégories socio-économiques défavorisées, et des actions ciblées d'information sur la corégulation.

Les objections émises à propos de l'exécutabilité ont été systématiquement étudiées et prises en compte dans toute la mesure du possible.

4.3.3

Mesures prévues pour évaluer l'exécution

En vertu de l'art. 29 P-LPMFJ, l'OFAS évalue régulièrement l'efficacité des mesures de protection des mineurs prévues par la loi avec le concours des cantons et d'experts externes, et fait rapport au Conseil fédéral tous les cinq ans. Il est prévu de commander une évaluation externe tous les cinq ans afin d'examiner les mesures et de proposer d'éventuelles améliorations en matière d'exécution. Dans ce cadre, des enquêtes seront menées auprès des acteurs concernés et les résultats des achats-tests seront analysés.

5

Commentaire des dispositions

Préambule Le P-LPMFJ se fonde sur l'art. 95, al. 1, Cst., qui autorise la Confédération à légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées.

Art. 1

But

Le projet de loi vise à protéger le développement des mineurs. Lorsque le projet parle de «protection des mineurs», cela concerne donc aussi bien les enfants que les jeunes mineurs.

Le P-LPMFJ se limite aux deux types de médias audiovisuels suivants: les films et les jeux vidéo. Il ne porte donc pas sur de simples images, textes, enregistrements sonores ou combinaisons de tels contenus, car ces derniers, du fait de leur caractère moins direct, risquent moins de porter préjudice au développement des mineurs.

Les différents aspects pouvant être préjudiciables correspondent sur le plan matériel à ceux visés à l'art. 5 LRTV en vigueur, qui règle aussi la protection des mineurs dans le domaine de la télévision en s'inspirant de la CETT. La formule «porter préjudice à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social» apporte une précision d'ordre sémantique; elle s'applique dans toute l'Europe pour le domaine télévisuel sous une forme identique ou similaire.

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Art. 2

Champ d'application personnel

Al. 1: Le présent projet vise deux principaux destinataires: d'une part, les acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo (cf. art. 5, let. a) et, d'autre part, les prestataires de services de plateforme (cf. art. 5, let. e), toujours dans l'exercice de leur activité économique.

L'exigence d'un lien avec une activité économique limite le champ d'application: c'est seulement lorsqu'il rend des films ou des jeux vidéo accessibles dans l'exercice de son activité économique que le prestataire est soumis aux exigences du P-LPMFJ.

Par contre, le prêt entre particuliers par exemple n'engage pas la moindre intention économique, ce qui l'écarte du champ d'application de la disposition constitutionnelle sur laquelle se fonde le projet (art. 95 Cst., activité économique lucrative privée; cf. ch. 7.1). Si les films ou les jeux vidéo sont rendus accessibles sans lien avec une activité économique, c'est en principe aux parents qu'incombe la responsabilité de protéger leurs enfants mineurs.

Les projections de films dans le cadre d'offres extrascolaires n'entrent par exemple pas dans le champ d'application, en l'absence en principe d'activité économique. Ce n'est que si ces offres commençaient à revêtir une certaine régularité et que l'entité organisatrice entendait en retirer des revenus que la question se poserait de savoir s'il faut présumer une activité économique. Il en va de même pour les bibliothèques, qui ne poursuivent en principe pas de but économique, et ne tombent par conséquent pas sous le coup de la loi.

Le champ d'application personnel est résolument vaste, étant donné que l'objectif visé est d'établir un principe de corégulation: les personnes physiques et morales en contact direct avec les consommateurs, qui se trouvent à la fin de la chaîne de valeur, ne sont pas les seules à devoir jouer un rôle dans la protection des mineurs.

Celles qui interviennent dans le processus de création peuvent et doivent, en raison de leur proximité avec les milieux du film et du jeu vidéo, faciliter l'élaboration et l'application d'une réglementation sur la protection des mineurs dans ces deux secteurs.

Par ailleurs, les prestataires de services de plateforme entrent aussi dans le champ d'application de la loi. Du fait de l'immense quantité de contenus qu'ils proposent, il leur est certes impossible d'indiquer
un âge requis pour tous les films et tous les jeux vidéo et de se baser dessus pour réaliser un contrôle de l'âge, mais ils n'en restent pas moins tenus de respecter certaines exigences minimales.

Al. 2: Depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2019, les prestataires de jeux d'argent sont soumis à la loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent 70, qui règle notamment la situation des jeux d'argent sur Internet. Ce type de jeux (poker, blackjack ou roulette en ligne par ex.) peuvent aussi en principe être assimilés aux jeux vidéo, ils sont cependant soumis exclusivement à la législation spécifique sur les jeux d'argent.

70

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À ce jour, la législation suisse applicable aux jeux d'argent n'a pas encore réglé de manière définitive la question des «coffres au trésor virtuels» (loot boxes)71, qu'il est possible d'acheter avec de l'argent réel dans des jeux vidéo. Dès lors que de tels contenus de jeu ne sont pas soumis à la loi sur les jeux d'argent, les dispositions du P-LPMFJ doivent s'appliquer. En particulier, la présence de coffres au trésor pourrait nécessiter que l'âge requis soit relevé et impliquer l'obligation de fournir des descripteurs de contenu informant de l'existence de microtransactions dans le jeu.

Art. 3

Champ d'application matériel

Al. 1: Le champ d'application matériel ne regroupe pas l'ensemble des films. D'une part, toutes les formes de communication commerciale (films publicitaires) en sont exclues. Le P-LPMFJ ne concerne qu'indirectement ces films, la procédure à suivre quant à la publicité qui apparaît en lien avec des films ou des jeux vidéo (cf. art. 11, let. b) devant être réglée dans les réglementations relatives à la protection des mineurs.

D'autre part, les contributions qui ont fait l'objet d'un traitement journalistique sont également exclues du champ d'application matériel. De telles contributions portent par exemple sur les contenus suivants: informations politiques, culture, économie, reportages sur la Suisse et d'autres pays, religion, sport, sujets de société et histoire contemporaine. Les films ­ notamment les fictions, les films d'animation et les documentaires ­ de même que les séries doivent a contrario être inclus. Peu importe ici qu'il s'agisse de courts ou de longs métrages ou encore qu'ils soient diffusés intégralement ou en partie.

Cette délimitation ne concerne pas le secteur du jeu vidéo. Contrairement aux films, les jeux vidéo présentent la plupart du temps un but de divertissement pur, et ne font pas l'objet d'un traitement journalistique.

Al. 2: La LRTV prévoit déjà des dispositions de protection des mineurs pour les diffuseurs suisses et leurs programmes télévisés. Afin d'éviter toute redondance, le P-LPMFJ définit les dispositions de la LRTV comme étant exclusivement applicables dans ce domaine. Les mêmes dispositions s'appliquent à la télévision en différé. La LRTV règle également le «contenu des autres services journalistiques de la SSR», qui doit continuer à relever exclusivement de cette loi. Ces autres services, tout comme les programmes télévisuels de la SSR, sont financés par des émoluments et réglés explicitement dans la concession. Le «contenu des autres services journalistiques de la SSR» inclut par exemple les contenus en ligne de la SSR ou le télétexte.

Sur la base des art. 5 LRTV (pour la télévision linéaire) et 61a, al. 3, LRTV prévu au ch. II. 6 de la modification du 22 mars 201972 de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications73 (pour la télévision en différé), les dispositions de protection des mineurs de l'ORTV ­ concernant notamment l'indication de l'âge requis et du système de classification d'âge applicable selon le P-LPMFJ­ doivent être adaptées 71

72 73

Cf. mémento du 31 juillet 2019 de l'Office fédéral de la justice: Les microtransactions: loot boxes et skin gambling; disponible sur: www.ofj.admin.ch > Économie > Jeux d'argent > Mémentos > Microtransactions.

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dans un avenir proche. Cela répond au souhait exprimé par plusieurs participants à la consultation, selon lequel les dispositions de protection des mineurs devaient être les mêmes pour le secteur du film et celui de la télévision.

Art. 4

Objet

Let. a: le P-LPMFJ prévoit des dispositions contraignantes en matière d'indication de l'âge requis, de descripteurs de contenu et de contrôle de l'âge pour les films et les jeux vidéo rendus accessibles par des prestataires de supports audiovisuels, des services à la demande ou des organisateurs lors d'événements publics (art. 6 à 8).

Let. b: Une réglementation spécifique est en revanche nécessaire pour les prestataires de services de plateforme. En effet, en raison du nombre incalculable de contenus générés par les utilisateurs et du fait de leur positionnement, leurs responsabilités ne sont pas identiques à celles des autres acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo visés par la let. a (cf. art. 19). La réglementation proposée doit toutefois créer une norme minimale analogue à celle qui s'applique au sein de l'UE.

Let. c: Le principe de corégulation prend tout son sens au regard de l'élaboration d'une réglementation relative à la protection des mineurs: la Confédération fournit le cadre à respecter pour certains domaines (art. 11 à 13) et, dans ce cadre, les organisations de protection des mineurs sont libres d'organiser leur propre réglementation.

Let. d: Le P-LPMFJ répartit les compétences entre différentes instances, en particulier en raison du principe de corégulation qui sous-tend l'organisation de la protection des mineurs. Ainsi, acteurs privés (organisations de protection des mineurs) et acteurs étatiques (Confédération et cantons) ont un rôle propre à jouer (art. 25 à 27 et 32 à 34). Il revient à l'OFAS d'assurer la coordination dans le cadre de la présente loi (art. 27).

Art. 5

Définitions

Let. a: Le terme « acteur » fait référence à plusieurs groupes de personnes: d'une part, il vise les personnes physiques et morales qui participent directement au processus de fabrication ou de distribution; il s'agit en général des ayants droit (du moins à des fins d'exploitation) des films ou des jeux vidéo. On entend par là en particulier les fabricants (producteurs de films et développeurs de jeux vidéo), les distributeurs de films et les éditeurs de jeux vidéo. D'autre part, il vise les personnes physiques et morales qui participent au marché dans le secteur du film ou dans celui du jeu vidéo, qu'elles prennent part à l'importation ou au commerce intermédiaire ou qu'il s'agisse de prestataires de supports audiovisuels, de prestataires de services à la demande ou d'organisateurs d'événements rendant des contenus directement accessibles aux consommateurs. Sont donc incluses toutes les personnes physiques et morales impliquées dans la chaîne de valeur, de la fabrication à la mise à disposition des contenus.

Par supports audiovisuels, on entend, dans le P-LPMFJ, les dispositifs de stockage physiques courants qui se trouvent dans le commerce. Aujourd'hui, cela concerne principalement les DVD et les Blu-ray. Cette définition exclut les supports sur lesquels sont enregistrés exclusivement des contenus audio (CD de musique, livres 7963

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audio). Tout film ou jeu vidéo acheté ou loué via un service à la demande est enregistré, au moins pour une courte durée, sur un support ­ en l'occurrence un disque dur. Mais ce qui est déterminant ici, c'est que le contenu acheté ou loué soit rendu accessible uniquement sous forme numérique, sans qu'un objet physique fasse partie de la transaction. Lorsqu'un consommateur enregistre lui-même sur un support audiovisuel (par ex. un DVD) un contenu qu'il a obtenu sur un service à la demande, ce contenu relève du champ d'application concernant les services à la demande, étant donné que le support audiovisuel ne faisait pas partie de la transaction.

Let. b: Un prestataire est une personne physique ou morale qui est en contact direct avec les consommateurs et qui leur permet d'accéder à un film ou un jeu vidéo. Par «contact direct», on n'entend pas seulement un contact personnel, en face à face, on fait aussi et surtout référence au commerçant qui propose par exemple le support audiovisuel sur Internet.

Dans le P-LPMFJ, l'action de rendre accessible est systématiquement constitutive de la dernière étape de la chaîne de valeur menant au consommateur, c'est-à-dire à la personne qui consommera le produit pour son usage personnel. Les consommateurs sont les personnes qui se trouvent à la toute fin de la chaîne de valeur. Cette précision doit permettre de clarifier le fait que, par exemple, la vente à un intermédiaire n'est pas soumise aux exigences du P-LPMFJ concernant l'indication de l'âge requis, la classification et le contrôle de l'âge pour un film ou un jeu vidéo. Les intermédiaires achètent en effet des films et des jeux vidéo non pour leur consommation personnelle, mais en vue de les revendre; c'est la raison pour laquelle il est inutile d'exiger que ces supports audiovisuels indiquent l'âge requis à ce stade de la chaîne de valeur. On peut cependant envisager que les réglementations relatives à la protection des mineurs imposent aux intermédiaires de vendre uniquement des films et des jeux vidéo indiquant l'âge requis de leurs destinataires finaux.

Sont inclus dans cette définition les prestataires de services à la demande (let. d) ainsi que les prestataires de services de plateforme (let. e) qui rendent accessibles des contenus audiovisuels via des réseaux de données, c'est-à-dire sans composante
physique. Toutefois, les prestataires de supports audiovisuels qui proposent aussi une offre à la demande sur Internet entrent dans la catégorie des prestataires de services à la demande. Pour eux, la réglementation applicable dépend du canal de distribution utilisé.

Let. c: Un organisateur d'événements, au sens du présent projet, rend un contenu audiovisuel accessible à un grand nombre de personnes dans le cadre de son activité économique. Cette catégorie d'acteurs comprend en premier lieu les entreprises et les festivals de cinéma suisses, mais aussi un nombre croissant de salons et de tournois de jeux vidéo. Dans les salons, le public peut tester lui-même un jeu vidéo ou assister à la présentation d'extraits d'un jeu sous forme de film. Dans les tournois, il peut, comme dans les manifestations sportives classiques, regarder des joueurs professionnels ou expérimentés s'affronter lors de compétitions.

Les événements pris en considération ont pour point commun leur caractère public: ils sont en principe ouverts à un grand nombre de personnes, sous réserve des restrictions fixées par le P-LPMFJ.

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Cependant, si le cercle des participants est fixe et limité et si ces participants ont des liens personnels entre eux ou avec l'organisateur (ce qui est le cas, par ex., lors de fêtes d'association, de rencontres de famille ou de projections faites en classe), d'autres règles s'appliquent. Les films et les jeux vidéo qui sont rendus accessibles dans un cercle privé ou dans le cadre de rapports personnels ou de confiance ne sont donc pas visés par le P-LPMFJ.

Les organisateurs de parties en réseau local ne sont pas considérés comme des organisateurs d'événements au sens du P-LPMFJ, puisqu'ils ne mettent généralement que l'infrastructure à disposition (par ex. locaux, alimentation électrique, connexion Internet). On ne peut en principe pas estimer qu'ils rendent un contenu accessible étant donné que les joueurs qui participent à ces parties amènent leurs propres ordinateurs et jeux vidéo. Des dispositions différentes s'appliquent en revanche si les organisateurs mettent également à disposition des consoles ou des ordinateurs et tous les jeux vidéo.

Let. d: Un service à la demande permet à un prestataire de rendre un film ou un jeu vidéo accessible au public via un réseau de données. Il s'agit soit de téléchargement (sur un support de données), soit de streaming (téléchargement et lecture simultanés: les données téléchargées sont supprimées dès qu'elles ne sont plus nécessaires pour la lecture).

Afin de faire la distinction avec les offres de NVOD (near video on demand), des offres linéaires de films diffusés en différé et à intervalles fixes sur plusieurs canaux, la présente disposition introduit la condition selon laquelle le consommateur doit être en mesure de choisir librement le moment où il regarde un film ou joue à un jeu vidéo. Les offres de NVOD sont actuellement réglées dans la LRTV.

L'offre de télévision de rattrapage (catch-up TV), ou télévision en rediffusion (replay TV), qui permet de visionner pendant un certain temps des programmes de télévision intégralement et en différé, n'entre pas non plus dans le champ d'application du P-LPMFJ. Ce domaine est aussi exclusivement réglé par la LRTV.

Une question de délimitation se pose concernant les chaînes (channels) proposées via les services de plateforme: les personnes qui gèrent leurs propres chaînes (par ex.

sur YouTube) et y diffusent
régulièrement leurs propres films n'entrent pas dans la définition de services à la demande au sens du P-LPMFJ. En effet, elles ne mettent pas directement les films à disposition du public, mais le font indirectement par l'intermédiaire d'un service de plateforme. Dans cette configuration, seul le service de plateforme, qui rend les films accessibles aux utilisateurs sur sa plateforme électronique et sans lequel le propriétaire d'une chaîne ne pourrait pas diffuser ses films, est par conséquent tenu de respecter les obligations lui incombant.

Par «partie dissociable d'un service», on entend par exemple une rubrique ou un sous-domaine de site web. La condition selon laquelle l'objet principal est de mettre à la disposition du public des films ou des jeux vidéo ne se réfère dans ce cas qu'à la partie dissociable du service, et non au service dans son ensemble.

Let. e: Comme pour les services à la demande, les prestataires de services de plateforme ne rendent des films et des jeux vidéo accessibles que sous forme numérique (en téléchargement ou en streaming). Cependant, un service de plateforme met à disposition uniquement une plateforme électronique sur laquelle les contenus audio7965

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visuels doivent être téléchargés par les utilisateurs. Le prestataire du service de plateforme ne gère que l'organisation de l'offre (l'agencement visuel), par exemple au moyen de systèmes automatiques ou d'algorithmes. Ainsi, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui sont responsables des contenus disponibles, le prestataire du service de plateforme n'assumant quant à lui aucune responsabilité rédactionnelle. Parmi les services de plateforme les plus connus, on peut citer YouTube.

Les fournisseurs d'hébergement, c'est-à-dire les prestataires d'infrastructures qui, par exemple, entretiennent les serveurs sur lesquels les contenus audiovisuels sont enregistrés, ne sont pas considérés comme des prestataires de services de plateforme.

Seuls les exploitants des sites Internet concernés en Suisse sont visés.

S'agissant de la partie dissociable d'un service, il est renvoyé aux considérations relatives aux services à la demande (let. d).

Let. f: Un descripteur de contenu est la représentation d'un symbole correspondant à un type de contenu susceptible de menacer le développement des mineurs et signalant la présence d'un tel contenu dans un film ou un jeu vidéo. Il peut par exemple indiquer qu'un film ou un jeu vidéo contient des représentations d'actes violents ou sexuels.

Art. 6

Indication de l'âge requis et descripteurs de contenu

Al. 1: Les indications concernant l'âge requis ont pour fonction de faire apparaître clairement la catégorie d'âge à laquelle est destiné un film ou un jeu vidéo particulier. L'utilisation de descripteurs de contenu permet d'indiquer précisément pour quelles raisons un film ou un jeu vidéo n'est pas soumis à une limite d'âge plus basse. Les descripteurs peuvent être particulièrement utiles pour aider les parents.

Ainsi, les systèmes PEGI ou Kijkwijzer utilisent d'ores et déjà divers descripteurs (cf. ch. 3.1).

L'indication de l'âge requis et les descripteurs de contenu peuvent par exemple prendre la forme d'une étiquette imprimée ou collée sur des supports audiovisuels ou d'une indication de la catégorie d'âge et des descripteurs de contenu à côté du produit dans le cas d'offres en ligne. Concernant les supports audiovisuels, il faut indiquer un âge requis et des descripteurs de contenu sur chaque film et chaque jeu vidéo, sans quoi ceux-ci seront interdits aux mineurs.

L'indication de l'âge requis et les descripteurs de contenu doivent être clairement visibles sur l'emballage du film ou du jeu vidéo. En d'autres termes, ils doivent permettre de savoir au premier coup d'oeil à quelle catégorie d'âge le produit est destiné et quels types de contenus justifient cette catégorie. Une indication discrète au dos de la jaquette d'un DVD ne suffit pas. Dans un souci de lisibilité, il serait judicieux que les organisations de protection des mineurs créent ou reprennent des symboles visuels pour chaque catégorie d'âge et les distinguent aussi par des couleurs différentes. Les indications utilisées actuellement par la FSK ou le système PEGI peuvent servir de modèles Al. 2: Les films et les jeux vidéo qui sont rendus accessibles lors d'événements publics ne disposent pas de supports audiovisuels sur lesquels l'âge requis et les descripteurs de contenu peuvent être indiqués. C'est pourquoi les organisateurs 7966

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d'événements sont tenus de communiquer clairement cet âge requis d'une autre manière.

L'âge requis et les descripteurs de contenu doivent être indiqués non seulement sur les lieux des événements, mais aussi dans les points de vente. Les points de vente comprennent les caisses physiques et les guichets en ligne. En l'occurrence, peu importe qu'il s'agisse d'effectuer juste une réservation en ligne ou d'acheter un ticket.

Al. 3: Les films et les jeux vidéo sur lesquels est indiqué l'âge le plus bas possible ne comportent pas de descripteurs de contenu, car ils ne représentent aucune menace pour le développement des mineurs.

Art. 7

Contrôle de l'âge par les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements

Al. 1: L'alinéa crée l'obligation, pour les prestataires de supports audiovisuels ainsi que les organisateurs d'événements, de réaliser un contrôle de l'âge auprès des mineurs avant de pouvoir leur rendre accessible un film ou un jeu vidéo. Si un mineur n'a pas l'âge requis, l'accès au film ou au jeu vidéo en question doit lui être refusé. Là où différents contenus sont rendus accessibles, par exemple dans un salon de jeux vidéo, il faut s'assurer que tous les visiteurs ne peuvent pas avoir accès librement à toutes les parties du salon: les mineurs doivent pouvoir accéder uniquement à celles pour lesquelles ils ont l'âge requis.

S'agissant des tournois de jeux vidéo, de plus en plus nombreux aujourd'hui et qui sont aussi fréquemment retransmis en direct sur grand écran (par ex. lors de salons de jeux vidéo), il convient de veiller à ce que les limites d'âge pour les spectateurs reflètent celles applicables aux joueurs: un jeu dont la vente est réservée aux plus de 16 ans ne doit par conséquent pas être activement rendu visible pour des spectateurs qui n'ont pas atteint cet âge. Si un tournoi a lieu dans une partie à accès restreint du salon, l'organisateur du tournoi est alors responsable du contrôle de l'âge. Si le tournoi est également retransmis en dehors du lieu où il se déroule, par exemple sur des écrans installés sur tout le site du salon, la responsabilité incombe en revanche à l'organisateur du salon.

Al. 2: Des exceptions à l'obligation de contrôle s'appliquent dans certaines conditions: Let. a: Dans des événements publics, les mineurs peuvent sous certaines conditions être autorisés à avoir accès à des contenus pour lesquels ils n'ont pas l'âge requis, sous réserve que les exigences suivantes soient remplies: la personne accompagnante est adulte et a au moins dix ans de plus que la personne mineure (ch. 1); l'écart entre l'âge de la personne mineure et l'âge requis n'excède pas deux ans (ch. 2); il ne s'agit pas de contenus réservés aux adultes (ch. 3).

Ces dispositions visent en particulier à empêcher qu'un mineur puisse être accompagné au cinéma par une personne qui a presque le même âge que lui. Il ne sera par exemple pas possible qu'un jeune de 18 ans emmène un camarade âgé de 15 ans voir un film interdit aux moins de 16 ans, puisqu'ils n'ont que trois ans d'écart.

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Cette formulation tient compte des réserves exprimées à l'occasion de la consultation et durcit la disposition dérogatoire en conséquence. Grâce à la modification de la formulation, la possibilité que des jeunes accompagnés d'une personne à peine majeure assistent à des projections de films pour lesquels ils n'ont pas l'âge requis est désormais écartée.

Pour ces deux dispositions dérogatoires, on a volontairement renoncé à l'obligation d'accompagnement par les parents du mineur, car ce dernier peut aussi bien être accompagné d'une tante, d'un grand-père ou d'une autre personne proche dont on peut supposer qu'elle assume la responsabilité en matière de protection des mineurs.

En pratique, il est impossible pour le prestataire de vérifier si la personne est véritablement investie de l'autorité parentale vis-à-vis du mineur. C'est la raison pour laquelle seul l'accompagnement d'une personne adulte est requis.

D'aucuns soutiendront que l'objectif de protection des mineurs n'est pas atteint du fait de cette dérogation. Des adultes qui ne s'intéressent pas aux réglementations en matière de protection des mineurs ou qui n'en ont pas ou que peu connaissance pourraient emmener leurs enfants voir des contenus pour lesquels ces derniers n'ont pas l'âge requis. En même temps, la réglementation proposée semble plus conforme à la réalité et à la pratique que l'interdiction ferme de tout accès malgré la présence d'un adulte.

Dans le domaine de la pornographie, les dispositions du code pénal vont plus loin, c'est pourquoi il est renvoyé à l'art. 197 CP.

Let. b: Les participants à des tournois de jeux vidéo représentent un cas spécial: Puisqu'ils ont déjà passé d'innombrables heures à jouer aux jeux en question, on peut supposer qu'ils ont pour cela reçu l'aval de la personne investie de l'autorité parentale. Il serait donc injustifié de leur refuser l'accès à un tournoi au simple motif qu'ils n'ont pas l'âge requis. Toute personne mineure peut accéder au tournoi pour autant qu'elle remette à l'organisateur le consentement écrit d'une personne investie de l'autorité parentale. C'est à l'organisateur de décider s'il souhaite exclure totalement les trop jeunes joueurs du tournoi. Cette exception s'applique toutefois uniquement aux participants, et non aux éventuels spectateurs du tournoi. Le cas échéant, la réglementation relative à la protection des mineurs peut prévoir d'autres exigences plus détaillées.

Art. 8

Contrôle de l'âge par les prestataires de services à la demande

Al. 1 et 2: Les prestataires de services à la demande doivent contrôler l'âge d'une manière différente de celle utilisée par les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements. Ils sont tenus, à l'aide des moyens techniques dont ils disposent, de prendre des mesures appropriées pour que les mineurs n'aient pas accès aux contenus non adaptés à leur âge (al. 1). L'al. 2 pose deux prescriptions cumulatives comme exigence minimale: la création et l'exploitation d'un système de contrôle de l'âge, à appliquer lors de la première utilisation du service (let. a), et la mise à disposition d'un système de contrôle parental (let. b).

Let. a: Un système permettant de vérifier l'âge de l'utilisateur avant la première connexion au service à la demande doit être mis en place. Il peut être judicieux de procéder à ce contrôle lors de la conclusion du contrat ou de la création du compte, 7968

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lequel est indispensable pour pouvoir utiliser un service à la demande. Le système requis ne s'entend pas ici exclusivement d'un point de vue technique. Il est par exemple également possible d'opérer le contrôle sur la base d'une copie de pièce d'identité de l'utilisateur au moment de l'ouverture du compte. Si l'utilisation d'un service à la demande est subordonnée à la souscription d'un abonnement payant par une personne majeure, l'obligation du contrôle de l'âge par le prestataire est remplie avec la vérification de la majorité à la conclusion du contrat. À compter de ce moment, la responsabilité quant à l'utilisation du service à la demande et à l'accès aux films ou aux jeux vidéo incombe à la personne majeure.

Si l'utilisation d'un tel service est autorisée aux mineurs, il faut s'assurer que ces derniers n'auront pas accès aux contenus qui sont répertoriés comme n'étant pas adaptés à leur âge. Au regard de la protection des mineurs, rien ne s'oppose à ce qu'un jeune de 14 ans ait par exemple accès à un service à la demande, pour autant que les contenus signalés comme non adaptés à son âge ne lui soient pas accessibles.

Cela permettra de garantir l'égalité de traitement avec les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements, qui sont soumis aux mêmes restrictions. La loi fédérale du 27 septembre 2019 sur les services d'identification électronique (LSIE)74 pourrait créer une base permettant, à l'avenir, de procéder relativement facilement à une vérification de l'âge en ligne. Il n'est pas prévu d'imposer un contrôle de l'âge avant chaque visionnage d'un film ou chaque utilisation d'un jeu vidéo puisque l'âge de l'utilisateur doit déjà être préalablement vérifié lors de l'inscription auprès du service concerné.

Let. b: Le système de contrôle parental exigé doit permettre aux parents (ou aux personnes investies de l'autorité parentale) de remplir plus facilement leurs obligations en matière d'éducation en mettant à la disposition des mineurs uniquement des contenus adaptés à leur âge. À cet effet, le service à la demande peut par exemple aménager un système de saisie d'un numéro d'identification personnelle (NIP, ou PIN en anglais) ou d'un mot de passe sans lequel certains contenus resteraient inaccessibles. C'est au prestataire du service à la demande de régler
l'aménagement concret de ce système.

L'utilisation effective du système de contrôle mis en place reste de la responsabilité des parents. S'ils décident volontairement de ne pas utiliser ce système, cette décision doit être acceptée et, in fine, ne peut pas être reprochée au prestataire du service à la demande. Cela correspond au cas des parents qui se procurent un film ou un jeu vidéo sur un support audiovisuel et qui le mettent à la disposition de leur enfant, sans que ce dernier ait l'âge requis.

Al. 3: Tout comme la directive SMA révisée, le P-LPMFJ prévoit une protection des mineurs en matière de protection du traitement de leurs données. Ainsi, les services à la demande ont en particulier l'interdiction d'utiliser à des fins commerciales les données recueillies sur des mineurs. Il est inévitable que de telles données soient traitées dans le cadre de l'utilisation d'un service à la demande, mais leur exploitation doit être strictement limitée au contrôle de l'âge.

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Art. 9

Principe

Cet article pose le principe de la corégulation. Avec le présent projet, la Confédération fixe le cadre légal, tandis quel les organisations de protection des mineurs sont responsables de l'élaboration des dispositions d'exécution sous la forme de réglementations relatives à la protection des mineurs. Ces dernières peuvent ensuite être déclarées de force obligatoire, pour autant qu'elles satisfassent aux exigences de la loi.

Art. 10

Exigences que doivent remplir les organisations de protection des mineurs

Al. 1: Cet alinéa règle les conditions cumulatives que doivent remplir les organisations de protection des mineurs afin que les réglementations qu'elles élaborent puissent être déclarées de force obligatoire. Dans le but de renforcer la protection des mineurs, il est attendu des différents acteurs qu'ils s'associent pour former deux organisations de protection des mineurs, soit une dans le secteur du film et une autre dans celui du jeu vidéo.

Let. a: Afin de pouvoir poursuivre l'objectif de renforcer la protection des mineurs de manière crédible, il est nécessaire que les organisations exercent principalement des activités dédiées à la protection des mineurs.

Let. b et c: L'intention visée par l'objectif de représentativité est claire: il n'est pas souhaitable que la réglementation, qui sera déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral et s'appliquera à tout un secteur, soit le fait d'un groupe restreint d'acteurs. Il faut qu'un maximum d'acteurs des secteurs concernés prennent directement part à la réflexion dès le départ. Par conséquent, les organisations de protection des mineurs doivent être ouvertes à tous les acteurs qui seront soumis aux réglementations lorsque ces dernières auront été déclarées de force obligatoire. Cela présuppose une bonne communication et une grande coordination entre les acteurs, sans quoi plusieurs organisations parallèles risqueraient d'être mises sur pied. Il incombe au Conseil fédéral de définir dans une ordonnance la représentativité souhaitée (al. 2). La priorité est de couvrir les marchés actuels du film et du jeu vidéo.

Let. d: Étant donné que les réglementations ont vocation à être appliquées sur l'ensemble du territoire national, les deux organisations doivent être actives dans toute la Suisse. Les différences culturelles dans notre pays ne sont pas suffisamment marquées pour justifier des solutions diverses. C'est pour cette raison que les organisations doivent aussi être établies à l'échelle nationale.

Let. e: Les organisations de protection des mineurs doivent chacune instituer un référent. Les modalités à cet égard sont détaillées à l'art. 13.

Let. f: Les acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo regroupés au sein des deux organisations de protection des mineurs peuvent poursuivre des objectifs avant tout financiers du fait de leur activité
économique. Ces objectifs n'entrent certes pas en contradiction directe avec une réglementation efficace en matière de protection des mineurs. Afin de garantir l'élaboration d'une telle réglementation, il convient néanmoins de faire appel à des experts de la protection des mineurs (issus par ex. des disciplines des sciences de l'éducation, de la pédagogie, de la psychologie, du travail 7970

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social et de la santé). Cela ne signifie pas pour autant que les organisations de protection des mineurs doivent créer une structure permanente à cet effet. Le recours à ces experts est requis uniquement pour l'élaboration des réglementations et, ultérieurement, leur éventuelle adaptation.

Par experts dans le domaine concerné, on entend des personnes possédant des connaissances spécialisées des questions liées à la protection des jeunes faces aux médias, attestées par des publications ou des activités d'enseignement correspondantes.

Art. 11

Exigences générales que doivent remplir les réglementations

Cet article définit ce que doivent au moins contenir les réglementations relatives à la protection des mineurs. La responsabilité quant à l'élaboration et au contenu de ces réglementations relève exclusivement des organisations de protection des mineurs ­ dans le cadre des prescriptions du P-LPMFJ. Par ailleurs, en dehors de cette disposition, il est laissé au soin de chaque organisation de rédiger d'éventuelles règles plus poussées dans sa réglementation. De telles règles s'imposeraient toutefois uniquement aux membres affiliés à l'organisation en question, car seuls les points listés ciaprès pourront être déclarés de force obligatoire.

Let. a: L'une des pierres angulaires de la réglementation visée est le système de classification d'âge qui permet de déterminer la classification d'âge et les descripteurs de contenu. C'est aux organisations de protection de mineurs de décider quel système elles souhaitent reprendre. Le commentaire de l'art. 12 donne plus d'informations sur le système de classification d'âge.

Let. b: Les réglementations devront régler en détail les questions de l'indication de l'âge requis et du contrôle de l'âge. Sur ce point, le projet de loi ne fixe que les exigences minimales (art. 6 à 8). Il revient aux organisations de créer des codes visuels pour indiquer clairement l'âge requis, mais aussi de décider comment et à quel moment (dès la caisse ou à l'entrée?) l'âge des consommateurs doit être contrôlé.

Les organisations de protection des mineurs doivent aussi régler la procédure à suivre concernant les bandes-annonces (trailers) des films et des jeux vidéo, en particulier lors de la projection d'un film et du déroulement d'un événement. On peut par exemple imaginer une obligation de choisir les bandes-annonces en fonction de la catégorie d'âge correspondant au film ou au jeu vidéo qu'elles accompagnent. Il en va de même pour les publicités présentées avec un film ou un jeu vidéo, par exemple au cinéma, où des publicités sont généralement diffusées à l'écran avant la projection des bandes-annonces et du film, ou à l'occasion de salons de jeux vidéo, où différentes formes de publicité sont visibles. Les films publicitaires sont certes exclus du champ d'application matériel du P-LPMFJ (art. 3), de sorte que les obligations concernant l'indication de l'âge requis et les descripteurs
de contenus ne leur sont pas applicables. Certaines publicités, quelle que soit leur forme (image, texte ou film), ne sont toutefois pas adaptées à tous les publics. C'est pourquoi les réglementations relatives à la protection des mineurs doivent régler la procédure à suivre en ce qui concerne la publicité.

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Chaque réglementation doit aussi prévoir l'approche à adopter au sujet des films et des jeux vidéo qui étaient déjà accessibles avant son entrée en vigueur. S'agissant en particulier de la classification d'âge, il est possible, au vu du très grand nombre de films et de jeux vidéo sur le marché, que l'âge requis ne soit pas encore correctement indiqué sur certains supports de films et jeux vidéo au moment de l'entrée en vigueur de la déclaration de force obligatoire. Par conséquent, les réglementations doivent également fixer par exemple une date butoir au-delà de laquelle le commerce de tels films et jeux vidéo ne sera plus autorisé sans indication de l'âge requis ou décider s'il faut aussi s'appuyer sur d'autres classifications d'âge durant une période transitoire. Ces dispositions transitoires ne pourront pas s'appliquer aux films et aux jeux vidéo qui n'arrivent sur le marché qu'après l'entrée en vigueur de la déclaration de force obligatoire.

Let. c: Outre l'indication de l'âge requis, les films et les jeux vidéo doivent en principe être dotés de descripteurs de contenu. Les dispositions correspondantes doivent par conséquent être fixées dans les réglementations relatives à la protection des mineurs. Si le système PEGI, qui prévoit des descripteurs de contenu, est par exemple retenu pour le secteur du jeu vidéo, ces descripteurs devront alors être aussi utilisés en Suisse. Si le choix se porte sur un système de classification d'âge qui ne prévoit actuellement pas de tels descripteurs (par ex. la FSK dans le secteur du film), il faudra en principe quand même en introduire un. Les organisations de protection des mineurs peuvent renoncer aux descripteurs de contenu uniquement si elles sont en mesure de prouver que leur introduction entraîne des charges disproportionnées.

Cette procédure répond au souhait de différents participants à la consultation, qui étaient opposés à l'obligation absolue d'utiliser des descripteurs de contenu.

Let. d: En vertu de l'art. 6, seuls les films et jeux vidéo munis d'une indication de l'âge requis peuvent être rendus accessibles. Dans la pratique, il existe des films et des jeux vidéo qui ne se sont pas ou pas encore vu attribuer de catégorie d'âge. Il faut par conséquent veiller à interdire l'accès des mineurs à de tels films et jeux vidéo dont les contenus
pourraient nuire à leur développement. Au lieu de les frapper d'une interdiction générale et ainsi de créer une forme de censure, les organisations de protection des mineurs sont tenues d'élaborer une indication de l'âge signalant que le film ou le jeu vidéo en question est réservé aux adultes indépendamment de son contenu. On peut par exemple envisager une indication de type «non contrôlé» ou une formulation similaire. Si le film ou le jeu vidéo concerné est classifié ultérieurement, il pourra à ce moment être doté d'une indication de l'âge requis «classique». Ainsi, un soutien est apporté en particulier aux parents qui souhaitent montrer à leurs enfants exclusivement des films adaptés à leur âge. Une indication indifférenciée de type «accessible à partir de 18 ans» ne permettrait en effet pas d'évaluer le contenu dans ce cas. Même si un tel film ou jeu vidéo se voit par la suite attribuer une classification, cela ne soulèvera pas de questions (par ex., pourquoi un contenu estampillé «à partir de 18 ans» est soudainement autorisé dès 12 ans?).

Let. e et f: Cf. commentaire de l'art. 13.

Let. g: Les organisations de protection des mineurs et leurs membres doivent, avec les moyens qui s'imposent et surtout juste après l'entrée en vigueur de leurs nouvelles réglementations, faire connaître au grand public en priorité le système de classification appliqué, ainsi que les catégories d'âge, les indications relatives à l'âge 7972

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requis et les descripteurs de contenu qui en découlent. Il appartient aux organisations de définir la manière dont ces informations seront transmises, mais on peut s'attendre à ce qu'elles leur consacrent un site Internet.

Let. h et i: En vertu du principe de corégulation que le projet vise à mettre en place, les organisations de protection des mineurs sont coresponsables de la mise en oeuvre, du contrôle et de l'application de leurs réglementations respectives. Elles doivent donc mentionner dans chacune de leur réglementation la manière dont elles entendent l'appliquer, ainsi que les mesures qu'elles pourraient prendre contre leurs membres qui y contreviendraient. On peut imaginer par exemple des sanctions relevant du droit privé. Les réglementations peuvent aussi prévoir qu'il soit renoncé aux sanctions de droit privé ou que le montant versé soit remboursé après coup lorsque l'État prononce une amende, afin d'éviter qu'un membre d'une organisation de protection des mineurs soit sanctionné deux fois.

En revanche, aucune sanction de droit privé ne peut être prononcée à l'encontre d'acteurs non affiliés à une organisation. Dans ce cas, seul un signalement aux services étatiques compétents est possible.

Il incombe par conséquent aux organisations de protection des mineurs de faire en sorte que les acteurs de leur secteur respectent leurs propres règles. De leur côté, la Confédération et les cantons réalisent des contrôles; les cantons infligent des amendes si nécessaire (art. 32 à 34). La Confédération et les cantons agissent également de leur propre initiative pour effectuer des tests (achats, entrées et comptestests).

Let. j: Les réglementations relatives à la protection des mineurs établissent de quelle manière sont répartis les frais que leur mise en oeuvre occasionne pour les organisations de protection des mineurs. Étant donné que même les acteurs non affiliés à une organisation doivent participer aux frais (art. 30, al. 2), cette répartition est un moyen de les inciter à s'impliquer activement dans les organisations et à participer à l'élaboration des réglementations.

Art. 12

Systèmes de classification d'âge

Al. 1: À l'heure actuelle, le secteur suisse du film utilise différents systèmes de classification d'âge. Avec l'introduction de la présente loi, les acteurs du secteur du film et ceux du secteur du jeu vidéo doivent chacun se mettre d'accord sur leur propre et unique système de classification d'âge. Ainsi, il ne sera plus possible d'utiliser un système pour les films accessibles sur supports audiovisuels et un autre pour les films projetés en salle. L'essentiel reste que le système choisi tienne compte des connaissances les plus récentes en matière de protection des mineurs et respecte les exigences qui en découlent.

La classification d'un film ou d'un jeu vidéo doit toujours être basée sur des critères et des procédures clairement définis et comprend à la fois l'âge minimum et les descripteurs de contenu. Dans chaque cas d'espèce, les personnes chargées de la classification doivent être capables de justifier les raisons pour lesquelles un film ou un jeu vidéo est classé dans une catégorie plutôt que dans une autre et pourquoi un ou plusieurs descripteurs de contenu sont attribués. Les résultats doivent être reproductibles; autrement dit, reproduite, la procédure de classification doit toujours 7973

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attribuer le même âge requis et le même descripteur de contenu au même film ou au même jeu vidéo.

Les organisations sont libres d'adopter les modalités d'organisation du système qui leur conviennent, sous réserve des prescriptions de la LETC: elles peuvent avoir recours à des personnes pour procéder à la classification, pour autant que ces personnes se conforment à un protocole donné et prennent leurs décisions sur la base de certains critères. On peut aussi envisager un système de classification automatique: un système peut être repris et «calculer» automatiquement la catégorie d'âge au moyen d'un algorithme et sur la base d'un questionnaire à remplir. Le fabricant pourrait ainsi indiquer lui-même les catégories d'âge. Dans ce cas, les organisations de protection des mineurs doivent employer les moyens nécessaires pour s'assurer qu'un tel système ne puisse pas faire l'objet d'abus. À cet effet, il faut créer une possibilité d'intervenir et de corriger la classification au besoin, d'une part, et prendre des mesures de prévention, d'autre part, afin de cela ne se produise pas ou du moins ne se reproduise plus. Un système de classification automatique présenterait en outre l'avantage de définir facilement les catégories d'âge, sans charges excessives, ce qui serait appréciable pour les plus petites entreprises du secteur du jeu vidéo.

Al. 2 Let. a: Les systèmes de classification doivent remplir plusieurs exigences: ils doivent fixer des critères clairement définis, qui indiquent quels types de contenus mènent à quelle catégorie d'âge et à quels descripteurs de contenu. Cela permet de garantir la transparence quant aux raisons et aux représentations qui entraînent l'attribution d'une catégorie d'âge à un film ou à un jeu vidéo spécifique. Des critères uniformes permettront en particulier d'évaluer de la même manière un film ou un jeu vidéo sur tous les canaux de distribution. Un film ne doit plus pouvoir être classé différemment selon qu'il est projeté au cinéma ou vendu sur un support audiovisuel. De même, il ne doit plus être possible qu'un film projeté en salles soit destiné à des catégories d'âge différentes selon les cantons. Cela garantira le principe selon lequel une seule catégorie d'âge vaut pour un même film ou un même jeu vidéo. Il est possible de déroger à ce principe uniquement lorsqu'il
existe, en plus de la version originale, une version proposant un montage différent et expurgée des scènes sensibles du point de vue de la protection des mineurs, permettant d'abaisser l'âge requis. Dans ce cas, on peut d'une certaine manière estimer qu'il s'agit d'un autre film ou d'un autre jeu vidéo, ce qui justifie l'attribution d'une nouvelle catégorie d'âge et l'indication d'un autre âge requis.

Let. b: Le P-LPMFJ prévoit que les systèmes de classification comprennent au moins cinq catégories d'âge différentes. Les organisations de protection des mineurs sont libres de décider si elles souhaitent en créer davantage. Toutefois, plus les catégories seront petites, plus il sera difficile de les délimiter et de les justifier clairement. Le projet exige par ailleurs que la catégorie la plus élevée soit obligatoirement «à partir de 18 ans» afin d'interdire l'accès des mineurs aux contenus qui, bien que légaux, sont le moins adaptés à leur âge. Il va de soi que les catégories choisies seront soumises à l'objectif général de protection des mineurs afin d'être ensuite déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral.

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Les deux organisations de protection des mineurs ne sont pas tenues de se concerter et de se mettre d'accord sur un système de classification d'âge commun. Ainsi, il est possible qu'un secteur définisse une catégorie «à partir de 15 ans», tandis que l'autre choisira «à partir de 16 ans».

Al. 3: Les systèmes de classification d'âge doivent être adaptés en permanence aux connaissances les plus récentes en la matière. Si l'organisation de protection des mineurs constate qu'un système ne respecte plus les exigences actuelles, par exemple à la suite d'évolutions sociétales ou de nouvelles découvertes scientifiques, elle doit être chargée de procéder à son adaptation.

Art. 13

Référents en matière de protection des mineurs et contestations

Al. 1: Chaque organisation doit mettre en place un référent pour la protection des mineurs. Il s'agit d'un interlocuteur compétent pour toutes les demandes qui portent sur la protection des mineurs dans le secteur concerné. Toute personne se posant une question d'ordre général sur la protection des mineurs dans le domaine du film ou du jeu vidéo, n'étant pas d'accord avec une certaine catégorie d'âge ou souhaitant signaler une infraction aux réglementations peut s'adresser à ce référent. Elle peut pour cela émettre une contestation, que le référent doit impérativement traiter selon une procédure standardisée, ou soumettre une question de manière informelle.

Aucun frais ne sera exigé, que ce soit en cas de contestation ou d'une question formelle. Les référents font office d'intermédiaires principaux entre chaque organisation et les consommateurs.

Les expériences faites à l'étranger montrent que la création d'une telle structure, accessible facilement et compétente pour répondre aux questions sur la protection des mineurs, permet de régler un très grand nombre de cas sans ouvrir de procédure formelle. En effet, il s'agit dans la plupart des cas non pas de critiques concrètes portant sur un cas précis, mais de questions de compréhension ou de demandes d'explication du système de classification ou d'une catégorie d'âge en particulier. Et bien que, par exemple, le système PEGI prévoie déjà une procédure de recours, à l'échelle européenne, seul un très faible nombre de cas doivent effectivement être traités par les organes de recours compétents.

Al. 2 et 3: La possibilité d'émettre une contestation via une procédure standardisée est pourtant nécessaire, car tous les cas ne peuvent être résolus moyennant un simple courrier. Une contestation exprime le désaccord de son auteur concernant un cas particulier concret. Ces contestations doivent toutefois être envoyées par écrit et dûment motivées, afin que les référents ne soient pas submergés par quantité de demandes irréfléchies qui pourraient d'une certaine manière paralyser le système.

De son côté, le référent est tenu de faire parvenir une réponse écrite à l'auteur de la contestation dans un délai de 30 jours au plus, réponse dans laquelle il communique le résultat de son investigation et le justifie. Dans le même temps, il informe l'auteur de la
contestation des prochaines étapes. Si le référent conclut que la contestation n'est pas fondée, il doit informer son auteur qu'il a la possibilité de faire un signalement à l'OFAS. S'il estime que la teneur de la contestation est justifiée, il doit également informer l'auteur des mesures que l'organisation de protection de la jeunesse entend prendre à cet égard. On pourrait envisager de soumettre une contes7975

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tation à l'organe compétent pour que la classification d'âge soit examinée. Le système PEGI prévoit par exemple d'ores et déjà une telle procédure de recours (Commission des plaintes PEGI).

Al. 4 et 5: Aucune instance étatique n'est compétente pour corriger la réponse que le référent a rendue à propos des cas traités. Toutefois, plusieurs garanties sont prévues afin que les secteurs du film et du jeu vidéo ne soient pas intégralement livrés à euxmêmes: d'une part, le référent rédige chaque année un rapport à l'intention de l'OFAS indiquant toutes les informations pertinentes concernant les contestations traitées. D'autre part, l'OFAS peut en tout temps exiger de consulter les documents ayant été soumis ou traités à l'occasion d'une contestation. Ainsi, l'OFAS peut se faire une idée de l'application du système de classification et de ses éventuels points faibles, ce qui lui permettra d'intervenir à bon escient, le cas échéant.

Au reste, le référent ne peut aucunement agir au niveau de l'exécution de la réglementation relative à la protection des mineurs. S'il estime qu'une contestation a été envoyée à juste titre, c'est à l'organisation de protection des mineurs compétente de prendre les mesures qui s'imposent.

Par ailleurs, toutes les personnes ayant envoyé une contestation à un référent et n'étant pas d'accord avec les résultats de ses investigations peuvent se tourner vers l'OFAS (art. 27, al. 2). L'OFAS ne peut pas intervenir dans des cas d'espèce. Toutefois, si le cumul des cas d'espèce devait faire apparaître un problème majeur au niveau de la classification ou, plus généralement, de la réglementation, l'OFAS peut examiner les points problématiques de la réglementation et, le cas échéant, faire révoquer la déclaration de force obligatoire (art. 17, al. 1).

Art. 14

Requête visant la déclaration de force obligatoire d'une réglementation

Chaque organisation de protection des mineurs doit élaborer une réglementation relative à la protection des mineurs, puis demander par écrit à l'OFAS que celle-ci soit déclarée de force obligatoire. Les réglementations doivent être fournies dans les trois langues officielles, à savoir l'allemand, le français et l'italien, étant donné qu'elles s'appliqueront partout en Suisse et prendront ainsi la qualité d'ordonnances du Conseil fédéral, une fois déclarées de force obligatoire.

Art. 15

Vérification de la réglementation

Al. 1: L'OFAS examine de manière approfondie si les réglementations respectent les prescriptions légales. Outre cette vérification matérielle, il vérifie aussi que les organisations remplissent les exigences posées à l'art. 10.

Al. 2: Au cours de l'examen, les cantons sont invités à faire connaître leur position par la voie la plus appropriée, par exemple en consultant la CCDJP. L'OFAS fait également appel à des experts indépendants, qui apportent leurs connaissances spécialisées lors de l'examen des réglementations soumises.

Al. 3 et 4: Au cours de son examen, l'OFAS peut prendre contact avec les organisations de protection des mineurs et les charger de retravailler les dispositions qu'il juge incomplètes ou entachées d'erreurs. C'est seulement lorsqu'une réglementation 7976

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satisfait à toutes les exigences du P-LPMFJ qu'elle est soumise au Conseil fédéral pour déclaration de force obligatoire.

Art. 16

Déclaration de force obligatoire et publication de la réglementation

Al. 1 et 2: Une fois la vérification de l'OFAS terminée, le Conseil fédéral décide s'il déclare ou non de force obligatoire la réglementation qui lui est soumise et, le cas échéant, fixe la date de son entrée en vigueur. Étant donné que les mesures prévues en cas de violation des réglementations par les membres d'une organisation ne s'étendent pas aux acteurs non affiliés à celle-ci, ce point échappe à la déclaration de force obligatoire.

Al. 3: En cas de décision positive, la réglementation est publiée dans la Feuille fédérale, car elle institue des règles de droit et signalée dans la Feuille officielle suisse du commerce.

Art. 17

Révocation et caducité de la déclaration de force obligatoire

Al. 1: Si une réglementation déjà déclarée de force obligatoire ne respectait plus toutes les prescriptions de la présente loi (par ex. en raison de modification de celleci, ou si le système de classification d'âge ne correspond plus aux connaissances actuelles en matière de protection des mineurs), le Conseil fédéral en révoque la déclaration de force obligatoire.

Al. 2: Pour qu'une adaptation d'une réglementation puisse être déclarée de force obligatoire, il faut soumettre à nouveau cette réglementation modifiée au Conseil fédéral. La déclaration de force obligatoire initiale est caduque si la modification de la réglementation entre en vigueur sans avoir été, au préalable, déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral.

Art. 18

(Réglementation subsidiaire du Conseil fédéral)

Al. 1: Si le Conseil fédéral n'a déclaré aucune réglementation de force obligatoire dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, ou si la réglementation déclarée de force obligatoire a été révoquée ou est caduque, cet article prévoit un scénario de repli. Dans de tels cas, il revient au Conseil fédéral d'édicter dans une ordonnance la réglementation nécessaire pour garantir la protection des mineurs. Concrètement, il édicte les dispositions d'exécution conformément aux éléments mentionnés à l'art. 11 (exceptées les let. i et j). Cette ordonnance devra comporter, outre l'application d'un certain système de classification d'âge, des règles concernant l'indication de l'âge requis, les descripteurs de contenu et le contrôle de l'âge.

Al. 2: L'exécution des dispositions que le Conseil fédéral doit le cas échéant édicter peut être déléguée à des tiers. De toute évidence, il convient dans ce cas aussi d'avoir recours aux connaissances spécialisées disponibles ­ qui ne se trouvent pas nécessairement au sein de l'administration fédérale ­, en particulier en ce qui concerne le référent.

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Art. 19

(Films et jeux vidéo proposés par l'intermédiaire de services de plateforme)

Al. 1: Tout comme les services à la demande, les services de plateforme sont accessibles uniquement via un réseau de données. Cependant, à de très rares exceptions près et contrairement aux services à la demande, ce ne sont pas de grandes entreprises qui mettent des films et des jeux vidéo à disposition sur un service de plateforme, mais les utilisateurs du service eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle, selon la taille de la plateforme électronique, il devient impossible de connaître la quantité de contenus, ce qui fait qu'on ne peut pas appliquer la même réglementation aux services de plateforme que celle appliquée aux services à la demande. En l'occurrence, il est impossible d'appliquer une classification d'âge à tous les contenus d'un service de plateforme. Les prestataires doivent cependant prendre des mesures appropriées pour garantir une protection des mineurs efficace et faire en sorte que les services de plateforme remplissent aussi les exigences minimales en la matière. Par rapport à la version allemande de l'AP-LPMFJ, la prescription a été reformulée de manière un peu moins restrictive (de «dafür sorgen» à «geeignete Massnahmen treffen»). Différents participants à la consultation avaient en effet souligné qu'il n'était dans la pratique pas possible d'exercer un contrôle absolu sur les contenus, comme le suggérait le précédent libellé.

Al. 2: Afin de pouvoir atteindre cet objectif, le projet prévoit deux mesures de protection des mineurs comme exigences minimales: le prestataire doit mettre en place et exploiter un système de contrôle de l'âge (let. a; correspond globalement aux exigences concernant les services à la demande posées à l'art. 8, al. 2, let. a) d'une part, et un système de signalement des contenus inappropriés (let. b), d'autre part.

Comme il n'est pas possible d'instaurer un système de classification d'âge, le contrôle de l'âge ne saurait porter sur les mêmes catégories que celles instaurées par les systèmes de classification retenus par les organisations de protection des mineurs.

Le système de signalement doit permettre aux utilisateurs du service de plateforme d'assumer eux-mêmes une certaine responsabilité concernant la protection des mineurs en ayant la possibilité de signaler les contenus non adaptés aux mineurs.

L'autorégulation est ainsi étendue au niveau
des citoyens.

Dans l'ensemble, ces exigences concernant les services de plateforme s'alignent sur les dispositions de la directive SMA.

Al. 3: À l'instar des prestataires de services à la demande, les prestataires de services de plateforme sont autorisés à utiliser les données recueillies sur des mineurs uniquement pour le contrôle de l'âge. Toute utilisation sortant de ce cadre, en particulier à des fins commerciales, est interdite.

Art. 20

Achats-tests et entrées-tests

Al. 1: Cet article permet aux différentes parties prenantes, dans le cadre de leurs activités de surveillance respectives, de réaliser des achats-tests et des entrées-tests avec le concours de mineurs. Ces tests peuvent être effectués ou commandés aussi bien par les organisations de protection des mineurs que par la Confédération ou les cantons. Ils prennent la forme de contrôles aléatoires; il n'est pas prévu d'effectuer des achats-tests sur l'ensemble du territoire.

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Al. 2: Les achats-tests consistent uniquement à tenter de faire acheter par un mineur des films ou des jeux vidéo sur support audiovisuel. Les achats sont effectués chez des commerçants sur le terrain (sous la compétence des cantons) ou dans des boutiques en ligne (sous la compétence de l'OFAS).

Pour une meilleure lisibilité, le terme d'achat-test a été retenu, même s'il vise en réalité tout type d'acquisition d'un support audiovisuel, y compris la location.

Al. 3: Les entrées-tests sont régies par les mêmes règles que les achats-tests: sans la présence d'une personne mineure, aucune vérification du respect du contrôle de l'âge n'est raisonnablement possible.

Ces tests sont réalisés sur mandat de la Confédération, d'un canton ou de l'une des deux organisations de protection des mineurs.

Art. 21

Création de comptes-tests

Al. 1 et 2: Contrairement aux achats-tests et aux entrées-tests, la création de comptes-tests n'est pertinente que pour les organisations de protection des mineurs et pour la Confédération, car les cantons n'assument aucune tâche dans le domaine d'Internet. La possibilité offerte aux organisations de protection des mineurs de créer des comptes-tests ne s'applique qu'aux services à la demande, tandis que la Confédération peut en plus ouvrir des comptes-tests sur les services de plateforme.

Al. 3: Contrairement aux achats-tests et aux entrées-tests, la création d'un comptetest ne nécessite pas systématiquement l'intervention d'une personne mineure, car Internet ne requiert pas de contact en personne. Les comptes-tests peuvent donc être créés par des adultes indiquant un âge fictif dans le but de vérifier si les restrictions d'accès sont appliquées et si les mesures de protection des mineurs prévues par la loi sont prises. La présence d'un mineur peut toutefois être parfois nécessaire, par exemple lorsqu'un prestataire de service à la demande exige une copie d'une pièce d'identité.

Art. 22

Coordination des tests

Al. 1: Afin d'éviter les redondances et la répétition des mêmes actes l'OFAS coordonnera ses achats-tests avec ceux des cantons.

Al. 2: Les organisations de protection des mineurs doivent au préalable annoncer aux autorités étatiques (au canton concerné ou à la Confédération, selon le test envisagé) les tests qu'elles comptent réaliser, afin d'éviter que le même acteur soit contrôlé plusieurs fois. L'OFAS ou les autorités cantonales d'exécution peuvent, le cas échéant, se joindre aux achats-tests prévus, ce qui permettrait de maintenir au plus bas la charge des entreprises sans pour autant négliger la surveillance. Par contre, la Confédération et les cantons ne communiquent pas leurs propres tests aux organisations de protection des mineurs afin de préserver leur fonction de surveillance: il importe qu'ils puissent en tout temps réaliser un test auprès d'un prestataire ou d'un organisateur d'événements sans l'en avertir au préalable.

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Art. 23

Exploitation des résultats des tests dans des procédures pénales

En fonction des résultats des achats-tests, des entrées-tests et des comptes-tests, il doit être possible d'infliger des amendes en vertu de l'art. 32. Les résultats de ces tests doivent donc pouvoir être exploités comme moyens de preuve dans des procédures pénales.

La jurisprudence a toutefois mis en doute l'admissibilité de telles preuves: dans plusieurs arrêts rendus en 2012, le Tribunal fédéral a qualifié les achats-tests d'alcool d'«investigation secrète»75. Les résultats d'un achat-test ne seraient exploitables dans une procédure pénale que si les conditions fixées par l'ancienne loi fédérale sur l'investigation secrète étaient remplies. Depuis 2013, la conclusion de transactions fictives dans le cadre d'une enquête pénale est réglée dans le code de procédure pénale (CPP)76. Les «recherches secrètes» ne sont licites qu'en cas de soupçon de crime ou de délit. En outre, elles ne peuvent être menées que par les membres d'un corps de police (art. 298a, al. 1, CPP). Les tests prévus aux art. 20 et 21 n'ont pas lieu dans le cadre d'une enquête pénale. Les personnes testées ne le sont pas sur la base de soupçons d'actes punissables; il s'agit simplement de vérifier si elles se conforment à la loi. Les tests constituent donc une mesure préventive visant à collecter des informations. La présente disposition va loin: elle déclare licite l'exploitation des résultats de tests préventifs menés avec le concours de mineurs pour apporter la preuve d'une contravention (qui correspond à la catégorie d'infractions la moins grave).

Toutefois, dans ses arrêts mentionnés précédemment, le Tribunal fédéral a aussi précisé que les achats-tests en tant que mesure de prévention jouaient un rôle important dans la protection des mineurs. Il appartient au législateur de décider si une réglementation spécifique pour les achats-tests (d'alcool ou d'autre chose) est justifiée. Une telle réglementation devrait fixer non seulement les conditions et les modalités des achats-tests, mais aussi les conditions auxquelles les résultats obtenus par ce biais pourraient être utilisés dans des procédures pénales. Le Conseil fédéral estime que les tests ne peuvent déployer leurs effets bénéfiques en matière de protection des mineurs que si leurs résultats peuvent aussi être exploités dans des procédures pénales. La même réglementation
est également prévue dans le message du 30 novembre 2018 concernant la loi fédérale sur les produits du tabac77 et dans le projet de loi en question (P-LPTab)78, qui est actuellement discuté au Parlement79.

Al. 1: Sont exploitables uniquement les résultats des tests qui ont été réalisés ou commandés soit par les cantons, soit par l'OFAS ­ donc par des autorités étatiques.

Par contre, les résultats des tests réalisés ou commandés par les organisations de protection des mineurs ne peuvent pas être utilisés comme moyen de preuve dans une procédure pénale.

75 76 77 78 79

Arrêts du Tribunal fédéral 6B_334/2011, 6B_335/2011, 6B_336/2011 et 6B_337/2011 du 10 janvier 2012 RS 312.0 FF 2019 899 FF 2019 977 Objet no 15.075

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Al. 2: Les let. a à f contiennent les conditions devant être remplies pour pouvoir procéder à des tests. Elles reprennent la teneur de dispositions prévues à l'art. 22 PLPTab. Ces conditions visent à garantir la protection des mineurs qui participent aux tests, mais aussi les droits des prestataires et des organisateurs d'événements testés qui peuvent se voir infliger une amende à la suite d'un test. Par exemple, aucune mesure ne peut être prise pour dissimuler l'âge véritable des mineurs (let. e).

L'encadrement par un adulte ne signifie pas que l'adulte doit se trouver à proximité immédiate du mineur, car cela pourrait fausser le test: en vertu de l'art. 7, al. 2, let. a et b, le personnel de vente est autorisé à rendre accessibles certains contenus aux mineurs accompagnés de personnes majeures (cf. commentaire de l'art. 7).

L'encadrement du mineur pendant les achats-tests doit se faire de manière à ne pas compromettre le test.

Art. 24

Dispositions d'exécution concernant les tests

Cet article reprend l'art. 22, al. 4, P-LPTab. Il fixe ce que le Conseil fédéral peut régler par voie d'ordonnance. Le Conseil fédéral est chargé de définir en particulier les critères que doit remplir une personne mineure pour pouvoir participer aux tests, et dans quelle mesure elle doit être au préalable préparée et informée. Il doit également fixer les conditions permettant de garantir l'anonymat des personnes effectuant les tests. Concernant leur protection, le Conseil fédéral règle en particulier la manière dont les organisations spécialisées ou les autorités doivent préparer les personnes mineures avant que ces dernières ne participent effectivement aux tests. Il doit également préciser dans quel délai et sous quelle forme les prestataires et les organisateurs d'événements testés doivent être informés des résultats du test.

Art. 25

Tâches de surveillance des organisations de protection des mineurs

Les organisations de protection des mineurs sont en premier lieu responsables du respect de leurs propres réglementations relatives à la protection des mineurs. Concernant leur activité de surveillance, elles doivent chacune prévoir dans leur réglementation la manière dont elles procéderont aux contrôles et les mesures qu'elles prendront en cas d'infraction (art. 11, let. h et i).

Étant donné que les réglementations sont des conventions de droit privé et que les organisations de protection des mineurs n'ont pas les compétences de la puissance publique, seuls les acteurs affiliés à une organisation de protection des mineurs peuvent être l'objet de mesures prises par celle-ci. L'organisation de protection des mineurs peut par exemple prévoir des sanctions relevant du droit privé.

Art. 26

Tâches de surveillance des cantons

Al. 1: Les cantons sont responsables sur leur territoire de veiller au respect des obligations inscrites dans la présente loi. Cela inclut la surveillance des prestataires locaux de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements qui rendent des films et des jeux vidéo accessibles dans un lieu physique (par ex. un magasin ou un cinéma).

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Al. 2: La Confédération et les cantons exercent leur activité de surveillance en parallèle; les cantons doivent rapporter chaque année leur activité de surveillance à l'OFAS. Ce dernier publie ensuite un rapport annuel qui rend notamment compte des activités de surveillance effectuées par les autorités étatiques (art. 28).

Art. 27

Tâches de surveillance et de coordination de l'OFAS

Al. 1: L'OFAS est compétent pour la surveillance dans les domaines où les films et les jeux vidéo ne sont pas rendus accessibles sur un lieu physique. Cela concerne, d'une part, les boutiques en ligne (let. a), qui rendent certes aussi accessibles des supports audiovisuels, mais qui réalisent des transactions avec des consommateurs indépendamment du lieu où ils se trouvent. L'accès par Internet ne relevant pas directement de la compétence d'un canton en particulier, l'OFAS est chargé de la surveillance de ces prestataires. Il est également compétent pour la surveillance des prestataires de services à la demande (let. b), via lesquels des films et des jeux vidéo sont rendus accessibles indépendamment du lieu où se trouvent le service lui-même et le consommateur, comme c'est le cas avec les boutiques en ligne. Enfin, l'OFAS est aussi compétent pour la surveillance des services de plateforme (let. c), pour la même raison qu'il est chargé de surveiller les services à la demande.

Al. 2: Toute personne qui, ayant déposé une contestation auprès d'un référent en matière de protection des mineurs, n'est pas satisfaite des résultats des investigations de ce dernier peut se tourner vers l'OFAS, qui met à disposition un formulaire à cet effet.

Cette disposition a pour but de permettre à l'OFAS d'être informé des éventuels problèmes que posent les réglementations relatives à la protection des mineurs et de demander aux organisations de protection des mineurs, le cas échéant, de les adapter. L'OFAS n'a toutefois pas la compétence de vérifier les résultats que le référent a communiqués dans les cas d'espèce, ni même les annuler. Ses compétences vis-à-vis des référents se limitent ici à une stricte activité de surveillance (cf. commentaire de l'art. 13).

Al. 3: Il revient à l'OFAS d'assurer la coordination dans le domaine de la protection des mineurs en matière de films et de jeux vidéo. Outre la coordination dans l'exécution immédiate du présent projet, le rôle de coordinateur doit porter sur tous les domaines de la protection des mineurs face aux films et aux jeux vidéo. L'OFAS a notamment pour tâche d'inciter tous les services de la Confédération et les instances privées à échanger davantage au sujet des dispositions sur la protection des mineurs dans le domaine d'Internet.

Al. 4: L'OFAS exerce également
une fonction de surveillance concernant l'exécution de la loi par les cantons. En vue de garantir une application la plus uniforme possible de la loi sur l'ensemble du territoire suisse, l'OFAS peut édicter certaines mesures sous la forme d'une directive. On peut par exemple envisager des exigences minimales quant au nombre de contrôles à réaliser par chaque canton, ou encore la proportion des contrôles de prestataires ou d'organisateurs d'événements qui lui incombe.

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Art. 28

Rapports annuels

Les organisations de protection des mineurs et l'OFAS publient chaque année un rapport en vue d'informer le grand public des actions entreprises dans le domaine de la protection des mineurs face aux films et aux jeux vidéo.

Al. 1: Le rapport de l'OFAS concerne la surveillance exercée par la Confédération et par les cantons. Il indique entre autres le nombre de contrôles, d'achats-tests et d'entrées-tests effectués. Il mentionne également les amendes infligées par les cantons en vertu des dispositions de loi.

Al. 2: Les organisations de protection des mineurs rédigent chaque année un rapport sur leur activité de surveillance. Ce rapport indique, d'une part, les contestations traitées par les référents et leurs suites éventuelles. Il précise, d'autre part, le nombre de contrôles effectués, le nombre d'infractions traitées et les mesures prises. Les organisations n'ont pas à y consigner les noms des personnes physiques et morales ayant enfreint leur réglementation.

Art. 29

Évaluation et rapport destiné au Conseil fédéral

Afin d'avoir une idée de l'efficacité du présent projet, l'OFAS doit mener régulièrement des évaluations et faire rapport au Conseil fédéral. Dans ce domaine très jeune et dynamique qui évolue en permanence, il importe d'avoir régulièrement un aperçu de l'application des dispositions de la loi afin de pouvoir, si nécessaire, réagir rapidement aux défis qui se posent. L'OFAS doit réaliser ces évaluations avec le concours des cantons et d'experts indépendants.

Art. 30

Partage des frais

Al. 1: Cet alinéa pose le principe selon lequel toutes les entités prenant part à l'exécution (acteurs des secteurs du film et du jeu vidéo, prestataires de services de plateforme, cantons et Confédération) doivent assumer elles-mêmes leurs propres dépenses, y compris les frais dus à la création des organisations de protection des mineurs, à l'élaboration des réglementations relatives à la protection des mineurs et au contrôle de leur respect. Les cantons assument les coûts de leurs propres activités de surveillance et de contrôle, et la Confédération, ses propres frais, sauf pour la perception des émoluments visés à l'art. 31, al. 1.

Al. 2: Une fois déclarée de force obligatoire, la réglementation engagera tous les acteurs; ces derniers devront donc eux aussi participer de manière adaptée à ses frais d'élaboration et de mise en oeuvre. Rien ne saurait justifier le fait qu'un acteur ne faisant pas partie d'une organisation de protection des mineurs ait à supporter moins de frais qu'un acteur qui en est membre. Il convient donc de définir, dans chaque réglementation, de quelle manière les frais sont répartis au sein de chaque secteur.

Al. 3: Compte tenu du scénario de repli prévu à l'art. 18, les acteurs de chaque secteur sont tenus d'assumer les frais de mise en oeuvre des réglementations relatives à la protection des mineurs, quand bien même le Conseil fédéral règle les dispositions à leur place. Cela se justifie par le fait que les acteurs ont toute latitude pour rédiger une réglementation relative à la protection des mineurs via une organisation de protection des mineurs. De plus, s'ils n'utilisent pas ou pas suffisamment cette 7983

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possibilité, ils ne peuvent et ne doivent pas non plus être libérés de leur obligation d'appliquer correctement la réglementation. Il est évident que le fait de ne pas élaborer de réglementation relative à la protection des mineurs ne peut dispenser les acteurs de participer au financement des frais occasionnés, de fait, par sa mise en oeuvre.

Art. 31

Émoluments

Pour les tests effectués par l'OFAS ou les cantons dans le cadre de la surveillance prévue par les dispositions du projet, des émoluments peuvent être réclamés aux entreprises et aux personnes contrôlées. Le montant de ces émoluments est fixé par le Conseil fédéral, mais il est perçu uniquement dans les cas où une infraction a été constatée. Il n'est pas opportun de répercuter les coûts d'un test réalisé chez un acteur s'il se conforme intégralement aux prescriptions de la loi.

Art. 32

Contraventions

Al. 1: L'article énonçant le but de la loi décrit le bien juridique protégé par l'art. 32: il s'agit du développement physique, mental, psychique, moral et social des mineurs, auquel des contenus inappropriés de certains films et jeux vidéo peuvent porter préjudice (art. 1). Il est alors question d'une mise en danger abstraite du bien juridique protégé.

L'al. 1 décrit les actes punissables. Il s'agit d'omissions: il y a violation des obligations lorsque les mesures prescrites par la loi ne sont pas mises en oeuvre. Conformément au principe de la corégulation, chaque organisation de protection des mineurs élabore une réglementation relative à la protection des mineurs. La loi fixe cependant des exigences minimales en la matière: ainsi, les prestataires de supports audiovisuels et les services à la demande ne peuvent rendre des films ou des jeux vidéo accessibles que si ces derniers indiquent clairement un âge requis ainsi que les descripteurs de contenu (art. 6, al. 1); les organisateurs d'événements doivent faire de même dans les points de vente et sur les lieux des événements publics (art. 6, al. 2). La let. a précise qu'est punissable la personne physique qui omet de munir d'une indication de l'âge requis et de descripteurs de contenu clairement visibles le produit qui sera vendu par un prestataire ou un organisateur d'événements.

Les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements ont également l'obligation de procéder à un contrôle de l'âge avant de rendre accessible un film ou un jeu vidéo à un mineur (art. 7). Les prestataires de services à la demande ou de services de plateforme doivent créer et exploiter un système de contrôle de l'âge à appliquer avant la première utilisation du service (art. 8, al. 2, let. a, et 19, al. 2, let. a). Toute violation des obligations concernant le contrôle de l'âge en vertu de la let. b est passible d'amende.

La loi définit par ailleurs des exigences spécifiques à remplir par les prestataires de services à la demande et les prestataires de services de plateforme. En vertu de la let. c sont punissables les personnes qui omettent de mettre à disposition un système de contrôle parental sur un service à la demande (art. 8, al. 2, let. b) et, en vertu de la let. d, est punissable quiconque omet de créer et d'exploiter, sur un service de plate-

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forme, un système permettant de signaler les contenus non adaptés aux mineurs (art. 19, al. 2, let. b).

Selon le principe de la légalité en matière pénale posé à l'art. 1 CP, un acte ne peut donner lieu à une peine ou à une mesure que s'il est expressément réprimé par la loi.

Les comportements interdits ou requis à l'al. 1 doivent être décrits de manière suffisamment précise dans la loi. La définition des omissions pénalement répréhensibles se rattache aux exigences minimales fixées dans le présent projet concernant les réglementations relatives à la protection des mineurs. Pourtant, les dispositions pertinentes en matière de punissabilité seront celles des réglementations relatives à la protection des mineurs élaborées par les organisations de protection des mineurs et déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral. Ce sont elles qui décriront avec exactitude et précision le système de classification d'âge retenu, ainsi que les règles relatives à l'indication de l'âge requis et au contrôle de l'âge.

Al. 2: Outre la violation des obligations applicables à la mise à disposition de films et de jeux vidéo selon l'al. 1, le traitement illicite de données de mineurs doit également être interdit sous peine d'amende. Cette disposition se réfère directement à l'art. 8, al. 3, pour les services à la demande, et à l'art. 19, al. 3, pour les services de plateforme. L'utilisation des données recueillies sur des mineurs à des fins autres que le contrôle de l'âge est par conséquent illicite. Le montant maximal élevé de l'amende doit permettre de tenir compte de l'importance particulière que revêtent les données personnelles des mineurs.

En cas d'infraction, les dispositions générales du CP s'appliquent, ainsi que son système de sanctions (art. 333, al. 1, CP). En l'occurrence, la sanction prend la forme d'une contravention (art. 103 CP): la peine encourue est une amende pouvant aller jusqu'à 40 000 francs. La tentative et la complicité sont également punissables (al. 3).

Art. 33

Infractions commises dans une entreprise

La loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA)80 n'est directement applicable que lorsqu'une autorité administrative fédérale est chargée de poursuivre et de juger des infractions (art. 1 DPA). Le présent article définit deux dispositions de la DPA comme étant aussi applicables aux procédures menées devant les autorités pénales cantonales. Il s'agit des dispositions pénales relatives aux infractions commises dans une entreprise, visées aux art. 6 et 7 DPA.

En vertu de l'art. 6, al. 1, DPA, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont failli à leur obligation, ici en violant l'obligation d'indiquer l'âge requis, de contrôler l'âge des clients ou de créer les systèmes requis. L'art. 6, al. 2, DPA autorise l'autorité administrative à infliger une sanction pénale au chef d'entreprise, à l'employeur, au mandant ou à la personne représentée. En effet, il incombe au personnel dirigeant de garantir le respect des obligations prévues par le droit administratif au sein de l'entreprise. Ces personnes sont punissables au sens de l'art. 6, al. 2, DPA lorsqu'elles omettent de prendre les mesures nécessaires ou d'émettre des instructions en la matière.

80

RS 313.0

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En vertu de l'art. 7 DPA, lorsque l'enquête à l'égard de la personne physique punissable rendrait nécessaire des mesures hors de proportion avec la peine encourue, et en cas d'amende d'un faible montant, il est possible de condamner l'entreprise à payer cette amende à la place de cette personne.

Art. 34

Poursuite pénale

L'al. 1 prévoit que la poursuite pénale est assurée par les cantons. La surveillance sur Internet relève quant à elle de la compétence de l'OFAS (art. 27). Pour cette raison, il est logique que l'OFAS dénonce auprès de l'autorité de poursuite pénale cantonale compétente les infractions qu'il constate dans le cadre de son activité de surveillance et qui sont susceptibles de constituer des contraventions. L'al. 2 institue donc un droit de dénonciation.

Art. 35

Dispositions cantonales

Les cantons doivent édicter ou adapter leurs dispositions d'exécution dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du P-LPMFJ. Les lois sur le cinéma qui existent déjà au niveau cantonal et qui contiennent des dispositions sur la protection des mineurs, désormais réglée au niveau fédéral, doivent être adaptées dans le même délai.

Les cantons n'ont pas la possibilité d'édicter des réglementations plus restrictives, telles qu'une obligation d'indiquer un «âge recommandé» en plus de l'âge requis.

Les exigences relatives à l'âge requis relèvent exclusivement de la compétence des organisations de protection des mineurs.

Art. 37

Dispositions d'exécution

Cet article souligne la compétence générale du Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution de la loi qui sont nécessaires.

Art. 38

Référendum et entrée en vigueur

Al. 2: La loi entrera en vigueur de façon échelonnée, car la plupart des dispositions ne pourront s'appliquer que lorsque les réglementations relatives à la protection des mineurs auront été déclarées de force obligatoire. Doivent donc être mises en vigueur dans un premier temps les dispositions relatives à la déclaration de force obligatoire des réglementations puis, dans un second temps, celles relatives à l'indication de l'âge requis et au contrôle de l'âge.

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6

Conséquences

Les effets du P-LPMFJ sur la Confédération, les cantons, l'économie et la société ont été évalués lors de la procédure préliminaire par un institut privé 81 dans le cadre d'une analyse d'impact simplifiée. L'évaluation des effets d'un projet de loi à un stade précoce est toujours délicate, mais elle est ici rendue encore plus difficile par le principe de corégulation, qui fait que certaines obligations en matière de portée, de contenu, de fréquence et d'intensité ne seront concrétisées que dans les futures réglementations relatives à la protection des mineurs, d'où la difficulté d'en évaluer les conséquences. Pour cette raison, les effets rapportés doivent être compris dans le sens d'une première estimation sommaire.

6.1

Conséquences pour la Confédération

En vertu du projet de loi, la Confédération devra assumer de nouvelles tâches liées à l'examen des réglementations relatives à la protection des mineurs, au contrôle du respect des obligations par les acteurs concernés et de l'exécution de la loi par les cantons, à la rédaction d'un rapport annuel ainsi qu'à l'évaluation régulière de l'efficacité des mesures de protection des mineurs prévues par le P-LPMFJ.

Selon l'analyse d'impact, la Confédération doit s'attendre à supporter des frais courants de près de 75 000 francs par an pour la mise en oeuvre du P-LPMFJ. S'y ajoutera un montant unique de 40 000 francs pour le premier examen des réglementations relatives à la protection des mineurs élaborées par les organisations de protection des mineurs. S'agissant de la question du personnel, la mise en oeuvre devrait correspondre à un poste de travail à l'OFAS. Ce chiffre découle d'une première estimation grossière fondée sur l'analyse d'impact. Les besoins supplémentaires en personnel et leur financement seront attentivement réexaminés en vue de l'entrée en vigueur de la LPMFJ.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

En vertu du P-LPMFJ, les cantons seront chargés de veiller, sur leur territoire, à ce que les prestataires de supports audiovisuels et les organisateurs d'événements respectent leurs obligations en ce qui concerne l'indication de l'âge requis et le contrôle de l'âge. Les cantons seront aussi compétents pour sanctionner les acteurs qui enfreignent les dispositions, et rédigeront chaque année un rapport à l'intention de l'OFAS sur leur activité de contrôle et sur les mesures ou sanctions prononcées.

81

Meier et al. (2018): Regulierungsfolgenabschätzung (RFA) zum Vorentwurf für eine Ko-Regulierung im Film- und Videospielbereich. Rapport final du 31 mai 2018 à l'intention de l'OFAS. Bâle: B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung AG. Le rapport final est disponible sur: www.bsv.admin.ch > Politique sociale > Politique de l'enfance et de la jeunesse > Rapports d'experts «Prévention de la violence juvénile» et «Nouveaux médias et violence» (allemand, préface et résumé en français).

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L'accomplissement de ces activités devrait occasionner des frais initiaux uniques de 6000 francs ainsi que des frais annuels courants de biens et services et de personnel de 9000 francs par canton, selon l'analyse d'impact. Pour l'ensemble des cantons, les frais uniques se chiffreront donc à environ 160 000 francs et les charges administratives annuelles à environ 230 000 francs.

6.3

Conséquences économiques

Conséquences économiques pour des catégories spécifiques d'acteurs Organisations de protection des mineurs À l'avenir, deux organisations de protection des mineurs assumeront d'importantes tâches d'exécution, l'une dans le secteur du film, l'autre dans le secteur du jeu vidéo, par exemple pour élaborer leur propre réglementation relative à la protection des mineurs, pour contrôler le respect de cette réglementation, pour prendre des mesures contre leurs membres ne l'ayant pas respectée, pour instituer et rémunérer un référent et pour rédiger des rapports. L'analyse d'impact prévoit un montant initial de 150 000 francs pour chacune des organisations de protection des mineurs (principalement pour la création de l'organisation et pour l'élaboration de la réglementation).

Ensuite, toujours selon l'analyse d'impact, les frais administratifs annuels se chiffreront à environ 135 000 francs par organisation. Viendront s'y ajouter le remboursement des dépenses des experts (frais de déplacement et indemnités de séance notamment) engagées pour les experts auxquels il sera fait appel, qui ne devraient cependant pas représenter un poste de coûts très important.

Distributeurs et éditeurs Les tâches les plus importantes qui incomberont aux distributeurs de films et aux éditeurs de jeux vidéo selon le P-LPMFJ seront le classement des films et des jeux vidéo selon le système de classification d'âge défini dans la réglementation propre à chaque secteur, l'indication de l'âge requis pour des films et des jeux vidéo ainsi que celle des descripteurs de contenus. Les acteurs de ce domaine d'activité interrogés dans le cadre de l'analyse d'impact supposent que les futures réglementations relatives à la protection des mineurs continueront de s'appuyer sur les systèmes de classification FSK ou PEGI.

Dans le secteur du film, les acteurs interrogés s'attendent à des coûts initiaux uniques de 10 000 francs par entreprise pour l'instauration des processus liés au système de classification d'âge. Par extrapolation, les coûts initiaux devraient se chiffrer à environ 500 000 francs pour l'ensemble de ce secteur. Les coûts annuels récurrents dus à la classification des films selon les catégories d'âge sont estimés à 156 000 francs; ils concernent les films qui n'ont pas été classés par la FSK. Si la future réglementation relative
à la protection des mineurs renonce au visionnement des films, il pourrait en résulter une économie de 54 000 francs par an, ce qui porterait les coûts annuels à 102 000 francs. Par contre, si la future réglementation relative à la protection des mineurs dans le secteur du film devait ne pas s'appuyer sur la FSK, mais créer un système de classification propre à la Suisse, les entreprises

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interrogées estiment qu'il en résulterait des coûts considérables, susceptibles d'avoir un impact négatif sur le plan économique.

Dans le secteur du jeu vidéo, on part de l'idée que la grande majorité des éditeurs n'auraient pas à supporter de grandes dépenses administratives supplémentaires, parce que la plus grande partie des jeux vidéo vendus en Suisse disposent déjà d'une classification d'âge du système PEGI.

Cinémas et organisateurs d'événements publics dans le secteur du jeu vidéo Toutes les entreprises de cinéma interrogées, quels que soient leur taille, le nombre de cinémas exploités ou l'emplacement des salles, supposent que la nouvelle loi n'occasionnera pas de coûts supplémentaires, étant donné qu'il existe déjà un contrôle de l'âge et que l'accès au cinéma sans contrôle de l'âge est admis pour les mineurs accompagnés d'un adulte. Toutefois, cette disposition prévue par l'APLPMFJ a été légèrement durcie à l'issue de la consultation, en cela que les contrôles de l'âge sont supprimés uniquement si la personne adulte a au moins dix ans de plus que le mineur.

Dans le secteur du jeu vidéo, un seul organisateur d'événements publics a participé à l'enquête menée pour l'analyse d'impact. Cette entreprise, qui organise des salons de jeux vidéo, n'a pas pu quantifier les coûts supplémentaires attendus. Elle estime cependant qu'un contrôle d'accès rigoureux pour toutes les catégories d'âge occasionnerait énormément de travail et donc des coûts élevés. La mise en oeuvre d'une telle réglementation exigerait l'installation d'une zone de projection avec contrôle d'accès pour chaque jeu vidéo, alors que, jusqu'à présent, ce n'était nécessaire que pour les jeux vidéo de la catégorie d'âge 18+. Selon l'organisateur, il ne serait plus possible de tenir des salons de jeux vidéo dans de telles conditions. L'impact sur ce secteur d'activités serait donc très important.

Commerce de détail du secteur du film et du secteur du jeu vidéo En vertu du P-LPMFJ, les détaillants qui vendent des films et des jeux vidéo doivent veiller à ce que tous leurs produits indiquent clairement un âge requis. En outre, ils doivent effectuer des contrôles lors de la vente. La plupart des grandes entreprises interrogées dans le cadre de l'analyse d'impact ne s'attendent pas pour autant à des frais d'investissement. Une entreprise
estime néanmoins devoir adapter son système de caisses pour permettre d'assurer un contrôle de l'âge, ce qui occasionnerait une dépense unique de 240 000 francs. Les coûts annuels récurrents pour le contrôle de l'âge, qui serait obligatoire pour toutes les catégories d'âge (alors qu'il ne l'est que pour les catégories 16+/18+ à l'heure actuelle), sont estimés à environ 15 000 francs par entreprise et par secteur (frais de formation du personnel et frais de contrôle).

Pour six grands détaillants en Suisse, cela représentera un coût total d'environ 180 000 francs par an.

L'analyse d'impact n'a pas permis d'évaluer les coûts supplémentaires qui découleront de la nouvelle loi pour les détaillants de taille moyenne ou petite.

Prestataires de services à la demande En vertu du P-LPMFJ, les prestataires de services à la demande seront obligés d'instaurer des systèmes de contrôle de l'âge et de contrôle parental. Selon l'analyse 7989

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d'impact, les principales entreprises de télécommunication suisses proposant des services à la demande supposent que leurs systèmes actuels répondent déjà aux exigences de la future loi et qu'elles n'auront donc pas de coûts supplémentaires à supporter ou, le cas échéant, que des coûts modestes.

Il n'existe pas d'estimations concernant les coûts supplémentaires attendus pour les services de plateforme. Tous les leaders de ce marché sont situés à l'étranger. Il n'est pas non plus possible d'indiquer un coût pour les acteurs qui fabriquent des films ou des jeux vidéo (producteurs de films et développeurs de jeux vidéo), puisque la plupart sont également basés à l'étranger. La nouvelle loi ne devrait pas entraîner de coûts supplémentaires pour eux, surtout si la réglementation relative à la protection des mineurs, qui sera désormais obligatoire en Suisse, se fonde sur des systèmes de classification d'âge existants (tels que la FSK ou le PEGI). Dans l'hypothèse d'une réglementation propre à la Suisse, les acteurs qui distribuent des films ou éditent des jeux vidéo en Suisse seraient chargés d'établir la classification d'âge pour les films et les jeux vidéo produits à l'étranger. Les fabricants suisses pourraient aussi classifier eux-mêmes leurs films et jeux vidéo. Dans ce cas, une partie des coûts encourus actuellement par les distributeurs et les éditeurs susmentionnés seraient alors à la charge des fabricants suisses.

Conséquences pour l'économie dans son ensemble Conséquences sur la concurrence Lors de l'enquête menée pour l'analyse d'impact, certains acteurs interrogés ont déclaré qu'en raison de la future LPMFJ et des coûts qui en découleront, ils s'attendaient à subir des désavantages concurrentiels par rapport aux entreprises étrangères, si celles-ci n'étaient pas soumises à la réglementation. Ce serait notamment le cas pour le secteur des services en ligne (commerce en ligne, services à la demande et services de plateforme), où les offres étrangères sont facilement accessibles. De telles craintes ont surtout été exprimées par les représentants du secteur du jeu vidéo.

Conséquences pour les prix des films et des jeux vidéo Les acteurs interrogés dans le cadre de l'analyse d'impact estiment que les coûts supplémentaires de la nouvelle réglementation se traduiront principalement par une baisse
des bénéfices et non par une hausse des prix des produits ­ qui serait contreproductive ­ parce que, notamment dans le domaine numérique, les consommateurs peuvent facilement se tourner vers des offres étrangères en cas d'augmentation des prix en Suisse. Les auteurs de l'analyse d'impact relativisent quelque peu ces craintes, car les entreprises suisses, ne connaissant pas encore la forme concrète que prendra la corégulation, envisagent le pire en faisant l'hypothèse d'un impact maximal. En revanche, si la corégulation se contente de maintenir de nombreuses exigences du principe actuel d'autorégulation, les retombées de la nouvelle réglementation sur les bénéfices des entreprises devraient être beaucoup moins importantes.

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6.4

Conséquences sociales

L'objectif du P-LPMFJ est de protéger les mineurs contre les contenus non adaptés à leur âge, susceptibles de nuire à leur développement physique, mental, psychique, moral ou social, et donc à leur santé. Dans le cadre de l'analyse d'impact, une enquête a été menée auprès des représentants des cantons, des associations professionnelles et des entreprises concernant l'efficacité de la réglementation prévue. De manière générale, les acteurs interrogés sont d'avis que la corégulation prévue permettra de combler certaines lacunes dans la protection actuelle des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo, en particulier celles dues à l'absence de réglementation, à une réglementation incohérente ou à des règles qui ne sont pas contraignantes pour tous. Une classification d'âge et une indication de l'âge requis uniformes permettront par ailleurs d'accroître la transparence pour les consommateurs.

Les enfants, les adolescents, les parents et les autres personnes investies de l'autorité parentale sauront plus facilement si un film ou un jeu vidéo est adapté ou non à l'âge de l'enfant. Les acteurs interrogés doutent davantage de l'efficacité de la protection dont bénéficieront réellement les mineurs. Ces doutes s'expliquent notamment par le fait que les enfants et les jeunes utilisent de plus en plus de médias (comme les services de plateforme) domiciliés à l'étranger, qui pour certains échappent à la législation suisse.

Selon l'analyse d'impact, il est donc très important d'identifier toutes les possibilités qui permettent d'assurer l'égalité de traitement entre les acteurs suisses soumis à la réglementation et les acteurs étrangers. Il faudrait fournir des efforts supplémentaires pour garantir une protection efficace des mineurs, notamment en collaborant avec les acteurs étrangers, en participant aux mesures de protection des mineurs européennes et internationales et en améliorant les compétences médiatiques des parents, des enfants et des jeunes.

6.5

Conséquences environnementales

Le présent projet n'a aucune incidence sur l'environnement, les paysages et la biodiversité, ou encore l'utilisation de ressources renouvelables ou non renouvelables.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le P-LPMFJ se fonde sur l'art. 95, al. 1, Cst., qui autorise la Confédération à légiférer sur l'exercice des activités économiques lucratives privées. En règle générale, les films et les jeux vidéo sont rendus accessibles dans le cadre d'une activité économique privée qui est couverte par le champ d'application de la disposition constitutionnelle susmentionnée.

Le libellé de l'art. 95, al. 1, Cst. n'étant soumis à aucune restriction en termes de contenu, la Confédération est libre de définir ses objectifs législatifs. L'obligation inscrite dans le P-LPMFJ d'indiquer l'âge requis et de contrôler l'âge constitue une 7991

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restriction de la liberté économique, restriction qui est cependant proportionnée et justifiée par un intérêt public prépondérant. La loi prévue a une incidence sur les libertés d'opinion et d'information (art. 16 Cst.) et sur le droit à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.). Ces restrictions peuvent être justifiées par le droit des enfants et des jeunes à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement (art. 11 et 36, al. 2, Cst.). L'intervention de la Confédération se justifie en particulier dans les domaines où une harmonisation du droit est nécessaire pour des raisons admissibles, parce que les cantons n'ont pas pris de mesures, que celles-ci sont restées inefficaces ou que la réglementation cantonale n'est pas judicieuse sur le plan technique. En l'occurrence, il semble indiqué d'apporter une solution fédérale fondée sur l'art. 95, al. 1, Cst. pour combler les lacunes de la législation cantonale et pour instaurer des règles uniformes pour toute la Suisse.

En tant que compétence fédérale avec effet dérogatoire rétroactif, la compétence réglementaire découlant de l'art. 95, al. 1, Cst. est en concurrence avec la compétence cantonale: les cantons peuvent exercer leurs compétences dans la mesure où celles-ci ne s'opposent pas à la législation fédérale. Dès que la Confédération fait usage de sa compétence réglementaire, elle se substitue aux compétences cantonales ou déroge à toute réglementation cantonales existante.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Actuellement, aucune obligation de réglementer l'accès des mineurs aux films et aux jeux vidéo ne découle du droit international pour la Suisse. Les mesures prévues dans le P-LPMFJ permettront une harmonisation avec le niveau de protection de la jeunesse existant dans l'UE (cf. ch. 3.3). Toute renonciation à ces mesures ferait de la Suisse le seul pays au centre de l'Europe sans réglementation en matière de protection des mineurs face aux films et aux jeux vidéo dans le domaine des services à la demande et des services de plateforme. Une telle lacune rendrait notre pays attrayant aux yeux des prestataires étrangers qui, en s'établissant en Suisse, tenteraient de contourner les dispositions plus strictes des pays de l'UE.

Par contre, si elle participait au programme de l'UE «Europe créative» 2021­2027, la Suisse devrait probablement aligner ses dispositions relatives au droit des médias sur la directive SMA révisée. Il faudrait alors aussi examiner dans quelle mesure le P-LPMFJ serait concerné. En 2007, pour la première fois, la Suisse a conclu avec l'UE, dans le cadre des bilatérales II, l'Accord du 11 octobre 2007 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne dans le domaine de l'audiovisuel, établissant les termes et conditions pour la participation de la Confédération suisse au programme communautaire MEDIA 200782. MEDIA est aujourd'hui un sousprogramme du programme «Europe créative», qui promeut l'audiovisuel et la culture. Depuis 2014, «Europe créative» comprend deux sous-groupes, MEDIA (pour

82

RS 0.784.405.226.8

7992

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encourager les films) et Culture (pour encourager la culture et la créativité). La Suisse a participé au sous-programme MEDIA de 2007 à 2013.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le P-LPMFJ contient des dispositions importantes sur les droits et les obligations des personnes physiques et morales qui, dans les secteurs du film et du jeu vidéo, fabriquent, louent, distribuent ou sont actives dans le domaine de l'importation, du commerce de gros et du commerce intermédiaire, ainsi que des prestataires et des organisateurs d'événements. Lorsque ces acteurs lanceront leurs produits ou services sur le marché, ils devront satisfaire aux exigences fixées, notamment en ce qui concerne l'indication de l'âge requis et le contrôle de l'âge. La nouvelle loi reposera sur le principe de la corégulation. Sa mise en oeuvre incombera en grande partie aux deux organisations de protection des mineurs, et elle fixera les exigences minimales que devront remplir les réglementations relatives à la protection des mineurs élaborées par ces organisations pour qu'elles puissent être déclarées de force obligatoire. La surveillance du respect des réglementations relatives à la protection des mineurs relèvera en premier lieu des organisations de protection des mineurs. Les cantons et la Confédération procéderont à des contrôles supplémentaires. La création d'une nouvelle loi est justifiée par le fait qu'il n'existe pas actuellement à l'échelle fédérale de réglementation qui protège les mineurs dans le secteur du film et dans celui du jeu vidéo.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne contient pas de dispositions relatives aux subventions qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs. En outre, les nouvelles dépenses courantes de la Confédération engendrées par l'application de la LPMJF (en particulier l'application des art. 15 à 18 et 27 à 29 P-LPMJF) n'atteindront de loin pas la limite de deux millions de francs par année. La loi ne doit donc pas être soumise au frein aux dépenses en vertu de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst.

7.5

Respect des principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

L'évolution rapide du secteur du film et de celui du jeu vidéo, les immenses quantités de contenus et le caractère international des médias numériques posent des défis majeurs à la réglementation, défis qui ne sauraient être relevés qu'au niveau national et par une coopération internationale. Confier la régulation dans ce domaine aux cantons n'est ni judicieux ni efficace et conduit à une réglementation incohérente de la protection des mineurs en Suisse, comme le montre l'analyse de la situation

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actuelle. La réglementation fédérale proposée dans le P-LPMFJ repose sur le principe de subsidiarité (art. 5a et 43a, al. 1, Cst.).

Conformément au principe de corégulation, les acteurs du secteur du film et de celui du jeu vidéo élaborent les réglementations relatives à la protection des mineurs. Ils sont également responsables de leur mise en oeuvre (indication de l'âge requis, contrôle de l'accès, contrôle du respect des réglementations) et supportent les coûts qui en découlent. Cette autorégulation des secteurs se fonde sur une base légale étatique et est supervisée par la Confédération (commerce en ligne, services à la demande et services de plateformes) et par les cantons (sur leur territoire). La Confédération est chargée de l'examen des réglementations relatives à la protection des mineurs et les déclare de force obligatoire, tandis que les cantons sont responsables des poursuites pénales. Les acteurs du secteur du film et de celui du jeu vidéo, les prestataires de services de plateforme, la Confédération et les cantons supportent chacun dans leur domaine de compétence les coûts engendrés par l'application de la loi et contribuent ensemble à la protection des mineurs contre les contenus de film et de jeux vidéo qui pourraient nuire à leur développement. Ainsi, le principe d'équivalence fiscale (art. 43a, al. 2 et 3, Cst.) est respecté.

7.6

Délégation de compétences législatives

Le présent projet confère au Conseil fédéral les compétences législatives suivantes: ­

définition des exigences que doivent remplir les systèmes de contrôle de l'âge et de contrôle parental requis des prestataires de services à la demande (art. 8, al. 4);

­

définition des conditions que doivent remplir les organisations de protection des mineurs (art. 10, al. 2);

­

définition des exigences que doivent remplir les systèmes de contrôle de l'âge et de signalement des contenus inappropriés requis des prestataires de services de plateforme (art. 19, al. 4);

­

réglementation des dispositions d'exécution concernant les tests (art. 24);

­

fixation du montant des émoluments perçus par l'OFAS pour les tests exécutés et limitation du montant des émoluments cantonaux (art. 31).

En outre, le Conseil fédéral est compétent pour se prononcer sur la requête visant la déclaration de force obligatoire des réglementations relatives à la protection des mineurs (art. 16) ainsi que pour édicter les dispositions nécessaires si, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, aucune réglementation pour le secteur du film ou celui du jeu vidéo n'a été déclarée de force obligatoire (art. 18, al. 1, let. a), ou si une déclaration de force obligatoire a été révoquée ou si elle est devenue caduque (art. 18, al. 1, let. b).

La délégation de ces compétences législatives est en principe motivée par la nécessité de trouver rapidement des solutions appropriées dans un domaine aussi dynamique et technique que les médias numériques. La forme retenue de corégulation exige en outre de pouvoir agir rapidement.

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7.7

Protection des données

L'utilisation de systèmes de contrôle de l'âge en ligne peut soulever des questions liées au droit de la protection des données pour les fournisseurs. Dans ce domaine, les dispositions de la LPD et de la loi e-ID seront applicables. Ces dispositions sont suffisantes pour assurer la protection des données dans le domaine du contrôle de l'âge pour l'accès aux films et aux jeux vidéo. En outre, le P-LPMFJ dispose que les prestataires de services à la demande et de services de plateforme qui recueillent des données de mineurs dans le cadre de la protection des mineurs conformément à la présente loi ne peuvent les utiliser qu'à des fins de contrôle de l'âge (art. 8 et 19).

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Liste des abréviations utilisées AP-LPMFJ

Avant-projet de loi fédérale sur la protection des mineurs en matière de film et de jeu vidéo

asut

Association suisse des télécommunications

ASV

Association suisse du vidéogramme

CAJ-E

Commission des affaires juridiques du Conseil des États

CCDJP

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

CDIP

Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique

CETT

Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière (RS 0.784.405)

CP

Code pénal (RS 311.0)

Cst.

Constitution (RS 101)

DFI

Département fédéral de l'intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

Directive SMA Directive 2010/13/UE sur les services de médias audiovisuels FSK

Freiwillige Selbstkontrolle der Filmwirtschaft GmbH (système allemand d'auto-contrôle du secteur du film)

JIF

Commission nationale du film et de la protection des mineurs

LETC

Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (RS 946.51)

Loi e-ID

Loi fédérale du 27 septembre 2019 sur les services d'identification électronique (FF 2019 6227)

LPD

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (RS 235.1)

LRTV

Loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (RS 784.40)

LTC

Loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (RS 784.10)

OFAS

Office fédéral des assurances sociales

PEGI

Pan European Game Information

P-LPMFJ

Projet de loi fédérale sur la protection des mineurs en matière de film et de jeu vidéo

P-LPTab

Projet de loi fédérale sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques (FF 2019 977)

SIEA

Association suisse de l'industrie du jeu vidéo (Swiss Interactive Entertainment Association)

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Swico

Association professionnelle pour le secteur des TIC et d'Internet

USK

Unterhaltungssoftware Selbstkontrolle (système allemand d'auto-contrôle des logiciels de divertissement)

VoD

Video on Demand (vidéo à la demande)

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