20.090 Message relatif à l'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» et au contre-projet indirect (modification de la loi sur la transplantation) du 25 novembre 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter. Nous vous soumettons simultanément un contre-projet indirect sous la forme d'une modification de la loi sur la transplantation, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 novembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-2243

9231

Condensé L'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» vise à établir le principe du consentement présumé en matière de don d'organes, de tissus et de cellules. Le Conseil fédéral rejette cependant l'initiative au motif que le texte prévoit un modèle de consentement présumé au sens strict, qui ne tient pas explicitement compte du rôle des proches. Il considère en effet que ce n'est pas acceptable sur le plan éthique. Il présente donc un contre-projet indirect à l'initiative. Celui-ci prévoit d'inscrire dans la loi le principe du consentement présumé au sens large: quiconque ne souhaite pas faire don de ses organes à son décès devra désormais le faire savoir de son vivant. En l'absence de document attestant de la volonté de la personne décédée, les proches doivent être activement interrogés à ce sujet; ils peuvent prendre la décision concernant le prélèvement en tenant compte de la volonté présumée du défunt.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» a été déposée le 22 mars 2019. Elle propose d'ajouter un al. 4 à l'art. 119a de la Constitution relatif à la médecine de la transplantation. Celui-ci prévoit le passage au principe du consentement présumé: en cas d'adoption de l'initiative, toute personne décédée en Suisse deviendrait potentiellement donneuse d'organes à moins de s'y être opposée de son vivant.

Avantages et inconvénients de l'initiative Le Conseil fédéral est favorable sur le fond à l'objectif de l'initiative. Il estime en effet qu'une disponibilité accrue d'organes en provenance de dons revêt un intérêt public majeur. Il ressort de la littérature scientifique récente que le passage au principe du consentement présumé devrait permettre d'augmenter le taux de dons.

Le Conseil fédéral rejette cependant l'initiative au motif que son texte ne dit rien sur le rôle des proches. Il considère qu'un modèle au sens strict tel que celui proposé d'après le libellé de l'initiative n'est pas acceptable sur le plan éthique et lui préfère une forme de consentement plus large permettant aux proches d'être associés à la décision.

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire fédérale «Pour sauver des vies
en favorisant le don d'organes». Il présente un contre-projet indirect à l'initiative.

Le contre-projet indirect consiste en une adaptation de la loi sur la transplantation et prévoit l'introduction d'un consentement présumé au sens large. Il règle le rôle des proches et tous les autres aspects essentiels à la mise en oeuvre du consentement présumé.

9232

En l'absence d'une opposition de la personne concernée manifestée de son vivant, le prélèvement doit être autorisé. Les proches doivent cependant être associés à la réflexion et disposer d'un droit d'opposition subsidiaire. En l'absence d'une déclaration du défunt, ils sont consultés et il leur est demandé s'ils ont connaissance d'une volonté en la matière. Ils ont la possibilité de refuser le don d'organes lorsque cela correspond à la volonté présumée du défunt. Lorsqu'aucun proche n'est joignable, le prélèvement n'est pas autorisé.

9233

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Table des matières Condensé

9232

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

9236 9236 9236 9237

2

Contexte 2.1 Droit en vigueur 2.2 Plan d'action «Plus d'organes pour des transplantations» et évolution du don d'organes en Suisse 2.3 Position de la population 2.4 Situation dans les autres pays d'Europe 2.5 Nouveaux éclairages concernant l'influence des formes d'expression de la volonté sur le taux de dons 2.6 Positions précédemment défendues par le Conseil fédéral et le Parlement

9237 9237

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts visés 3.2 Réglementation proposée 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

9243 9243 9243 9244

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Conséquences en cas d'acceptation 4.2 Avantages et inconvénients de l'initiative 4.2.1 Nécessité de mesures supplémentaires 4.2.2 Rôle des proches 4.2.3 Aspects éthiques 4.3 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

9245 9245 9245 9245 9246 9246 9247

5

Conclusions

9247

6

Contre-projet indirect 6.1 Procédure préliminaire, consultation comprise 6.2 Présentation du contre-projet indirect 6.2.1 Conditions requises pour le prélèvement 6.2.2 Rôle et compétences des proches 6.2.3 Conditions relatives aux mesures médicales préliminaires 6.2.4 Constitution et fonctionnement du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus 6.2.5 Information de la population

9248 9248 9249 9250 9250 9251

9234

9238 9239 9240 9241 9242

9252 9252

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6.3 6.4

6.5

6.6

Commentaire des dispositions Solutions étudiées 6.4.1 Modèle de la déclaration avec consentement explicite 6.4.2 Obligation relative à la consignation et à la sauvegarde de la volonté sur la carte d'assuré 6.4.3 Principe de réciprocité Conséquences 6.5.1 Conséquences pour la Confédération 6.5.2 Conséquences pour les cantons 6.5.3 Conséquences sociales et, en particulier, pour les générations futures Aspects juridiques 6.6.1 Constitutionnalité 6.6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.6.3 Frein aux dépenses 6.6.4 Conformité à la loi sur les subventions 6.6.5 Délégation de compétences législatives 6.6.6 Protection des données

9253 9262 9263 9265 9267 9267 9267 9269 9269 9270 9270 9271 9272 9272 9274 9274

Annexe Vue d'ensemble des formes d'expression de la volonté en matière de don d'organes

9275

Loi fédérale sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules (loi sur la transplantation) (Projet)

9277

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» (Projet)

9281

9235

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 119a, al. 4 Le don d'organes, de tissus et de cellules d'une personne décédée, dans le but d'une transplantation, est basé sur le principe du consentement présumé de la personne à moins que celle-ci ait fait connaître, de son vivant, son refus.

4

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad. art. 119a, al. 4 (Médecine de la transplantation) Si la législation correspondante n'est pas entrée en vigueur trois ans après l'acceptation de l'art. 119a, al. 4, par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution nécessaires par voie d'ordonnance; ces dispositions s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation en question.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» a fait l'objet d'un examen préliminaire3 par la Chancellerie fédérale et a été déposée le 22 mars 2019 munie des signatures requises.

Le 18 avril 2019, la Chancellerie a constaté que l'initiative, munie de 112 633 signatures valables, avait abouti4.

L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet indirect. En vertu de l'art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral aurait dû soumettre à l'Assemblée fédérale le projet d'arrêté fédéral et accompagné du message jusqu'au au 22 septembre 2020 au plus tard.

En raison du coronavirus, le Conseil fédéral a toutefois décidé de suspendre les délais applicables aux initiatives populaires fédérales du 21 mars 2020 au 31 mai 1 2 3 4 5

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2017 6105 FF 2019 3079 RS 171.10

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2020 (art. 1, al. 1, let. b, en relation avec l'art. 5, de l'ordonnance du 20 mars 2020 sur la suspension des délais applicables aux initiatives populaires fédérales et aux demandes de référendum au niveau fédéral6). Le délai échoit ainsi 72 jours plus tard, ce qui reporte au 3 décembre 2020 la date limite pour soumettre le projet d'arrêté fédéral et le message à l'Assemblée fédérale.

En vertu de l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 3 décembre 2021 pour décider de sa recommandation en vue de la votation populaire, sauf si l'un des deux conseils prend une décision sur un contre-projet ou un projet d'acte en rapport étroit avec l'initiative populaire. Dans ce cas, l'Assemblée fédérale peut prolonger d'un an le délai imparti pour traiter l'initiative (art. 105, al. 1, LParl).

1.3

Validité

L'initiative est conforme aux exigences de validité énoncées à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a.

Elle respecte le principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé.

b.

Elle respecte le principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties.

c.

Elle respecte le principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Droit en vigueur

En Suisse, en vertu de la loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation7, le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules sur les personnes décédées est régi par le principe du consentement explicite au sens large*8: le prélèvement est soumis au consentement que la personne décédée a exprimé de son vivant. En l'absence de tout document attestant le consentement ou le refus de la personne décédée, il est demandé aux proches s'ils ont connaissance de sa volonté. Si la volonté du défunt n'est pas connue, un prélèvement ne peut être effectué que si les proches y consentent. En prenant leur décision, ils doivent respecter la volonté présumée de la personne décédée (art. 8, al. 3, de la loi sur la transplantation).

Il existe plusieurs moyens d'enregistrer sa volonté en matière de don d'organes, de tissus ou de cellules. Exemples: ­

6 7 8

carte de donneur telle que celle mise à disposition par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP); RO 2020 847 RS 810.21 La définition des termes suivis d'un astérisque est fournie en annexe.

9237

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­

inscription dans le registre de la fondation privée Swisstransplant;

­

directives anticipées;

­

dossier électronique du patient.

2.2

Plan d'action «Plus d'organes pour des transplantations» et évolution du don d'organes en Suisse

Le plan d'action «Plus d'organes pour des transplantations» a été lancé en 20139 par le Conseil fédéral en raison du faible nombre de dons d'organes. L'objectif était de porter ce nombre à 20 dons par million d'habitants (pmp) d'ici à fin 2018. Les différentes mesures prévues par le plan d'action reposent sur l'expérience de pays présentant un taux de dons élevé, qui ont investi principalement dans des mesures d'ordre organisationnel et structurel. Le plan d'action comprend quatre champs d'action: ­

formation du personnel médical dans le domaine du don d'organes;

­

processus et gestion de la qualité: harmonisation des processus à l'échelle du pays, optimisation de la saisie des données;

­

structures et ressources des hôpitaux: financement lié des personnes chargées de la coordination au sein des hôpitaux;

­

campagnes d'information et relations publiques.

Les mesures mises en oeuvre ont eu des effets positifs. Les donneurs potentiels sont aujourd'hui mieux identifiés. Les processus et les structures des hôpitaux ont par ailleurs été améliorés. Comme le montre la figure 1, le nombre de donneurs a augmenté depuis 2012 (passant de 96 à 157, soit 18,4 dons par million d'habitants contre 12,0 en 2012). En 2019, le nombre de dons post mortem (157) est resté quasiment inchangé par rapport à 2018. Au total, 472 personnes ont bénéficié d'un ou de plusieurs organes provenant de tels dons. Compte tenu de l'augmentation du nombre de dons, le nombre de personnes ayant besoin d'un organe et inscrites de ce fait sur la liste d'attente se stabilise depuis 2017. Fin 2019, cette liste comptait 1415 inscrits, dont 715 dans un état de santé permettant d'envisager une transplantation.

9

Le plan d'action est disponible ici: www.bag.admin.ch > Stratégie & politique > Mandats politiques & plans d'action > Transplantation d'organes.

9238

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Fig. 1: Évolution du nombre de dons d'organes post mortem en Suisse entre 2012 et 2019

L'objectif de 20 dons post mortem par million d'habitants n'a cependant pas été atteint au terme du plan d'action (en 2018). Dès début 2018, il est apparu que certaines mesures devaient être maintenues pour pouvoir déployer tous leurs effets. En mai 2018, le dialogue «Politique nationale de la santé»10 a donc décidé de prolonger le plan d'action jusqu'en 2021.

En dépit des succès du plan d'action, la Suisse manque toujours d'organes destinés à la transplantation. Jusqu'en 2017, le nombre de patients inscrits sur la liste d'attente a en outre connu une forte hausse, ce qui a allongé le temps d'attente moyen: de nombreuses personnes n'ont donc pas pu recevoir un organe à temps. C'est dans ce contexte que l'initiative entend accroître le nombre d'organes disponibles et améliorer ainsi la situation des patients en attente de transplantation.

2.3

Position de la population

L'expérience montre que les proches refusent souvent le prélèvement d'organes lorsqu'ils n'ont pas connaissance de la volonté de la personne décédée. Le taux de refus est d'environ 60 %, un chiffre élevé comparé à la moyenne européenne qui est de 30 %.

Il ressort cependant de plusieurs sondages qu'une majorité de la population suisse est fondamentalement favorable au don d'organes (81 % selon un sondage représentatif mené par Demoscope en 2015, 53 % selon l'Enquête suisse sur la santé 201711).

On constate donc un décalage entre la disposition individuelle au don d'organes et le taux effectif de dons. L'une des explications présumées est que les personnes décédées n'ont pas suffisamment, de leur vivant, documenté ou exprimé leur volonté de faire don de leurs organes. Dans le cadre de l'Enquête suisse sur la santé 2017, seuls 16,4 % des sondés ont indiqué avoir rempli une carte de donneur. Par ailleurs, 10 11

www.bag.admin.ch > Stratégie & politique > Politique nationale de la santé > Dialogue «Politique nationale de la santé»: plate-forme de la Confédération et des cantons Le rapport «Enquête suisse sur la santé 2017» est disponible ici: www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Santé > Publications > Enquête suisse sur la santé.

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bien qu'elles y soient favorables sur le principe, il se pourrait que de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à prendre une décision concrète en la matière et à se confronter par là à l'idée même de leur propre mort. Par conséquent, dans les situations permettant d'envisager un don, ce sont souvent les proches habilités à le faire qui doivent choisir et qui, comme exposé plus haut, refusent souvent le prélèvement lorsqu'ils ne connaissent pas la volonté de la personne décédée.

2.4

Situation dans les autres pays d'Europe

Le consentement présumé constitue la norme dans la majorité des pays européens, notamment dans nos pays voisins, en France et en Italie (voir aussi ch. 2.5). La plupart ont même inscrit dans leur droit le principe du consentement présumé au sens strict*. Dans la pratique, le rôle des proches varie cependant d'un pays à l'autre.

Dans de nombreux pays, lorsque l'opposition de la personne décédée est connue, les proches ne sont pas consultés. Quand le défunt n'a pas exprimé sa volonté de son vivant, en revanche, les proches disposent généralement d'un droit de décision. La plupart des pays ayant opté pour le consentement présumé tiennent un registre permettant de consigner les refus, tout en acceptant d'autres formes écrites d'expression de la volonté (par ex. carte de donneur ou directives anticipées).

Outre la Suisse, l'Allemagne, entre autres, applique actuellement le principe du consentement explicite. Compte tenu de la faiblesse persistante du nombre de dons, des députés au Bundestag avaient proposé en septembre 2018 de passer au principe du consentement présumé12. En janvier 2020, le Bundestag a toutefois rejeté cette solution et adopté un autre projet de loi visant à favoriser l'expression de la volonté individuelle en matière de don d'organes13. Celui-ci prévoit la création d'un registre fédéral en ligne dans lequel les citoyens peuvent enregistrer leur position sur la question. Ils doivent notamment pouvoir le faire à l'occasion de l'établissement ou du renouvellement d'un document d'identité. Il est également prévu que les médecins de famille invitent régulièrement leurs patients à enregistrer leur volonté.

Dans de nombreux pays européens, la forme d'expression de la volonté fait l'objet d'une large discussion, voire d'une révision. En Angleterre, le principe du consentement présumé est en vigueur depuis mai 202014. Ce pays suit l'exemple du Pays de Galles qui a introduit ce système en 2015 déjà15. L'Écosse a quant à elle décidé en 2019 de passer au consentement présumé à l'automne 202016. Les Pays-Bas, enfin, appliquent ce modèle depuis juillet 202017.

12 13 14 15 16 17

Projet de loi, Bundestag allemand, n° 19/11096.

Gesetz zur Stärkung der Entscheidungsbereitschaft bei der Organspende du 16 mars 2020 ­ Bundesgesetzblatt I 2020 n° 13 du 19.03.2020, p. 497.

The Organ Donation (Deemed Consent) Act 2019, 2019 c. 7, disponible ici: www.legislation.gov.uk.

Section 4 Human Transplantation (Wales) Act 2013, 2013 anaw 5, disponible ici: www.legislation.gov.uk.

Human Tissue (Authorisation) (Scotland) Act 2019, 2019 asp 11, disponible ici: www.legislation.gov.uk.

Art. 10, al. 4, Wet van 24 mei 1996, houdende regelen omtrent het ter beschikking stellen van organen (Wet op de orgaandonatie). Seulement en néerlandais, disponible ici: https://wetten.overheid.nl/zoeken.

9240

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2.5

Nouveaux éclairages concernant l'influence des formes d'expression de la volonté sur le taux de dons

Une analyse de la littérature18 commandée par l'OFSP à l'automne 2017 et portant sur l'influence des formes d'expression de la volonté sur le taux de dons a débouché sur les résultats suivants: ­

Dans les pays ayant adopté le principe du consentement présumé, le taux de dons d'organes est en moyenne plus élevé que dans ceux où le consentement explicite est en vigueur.

­

On observe une accumulation d'indices laissant penser que le consentement présumé pourrait avoir une influence positive sur le taux de dons d'organes.

Le lien de cause à effet entre la forme d'expression de la volonté et le taux de dons ne peut cependant être clairement établi.

­

Le consentement présumé semble être un facteur parmi d'autres de l'augmentation du taux de dons. Les facteurs organisationnels tels que le processus d'identification des donneurs potentiels et, surtout, une attitude professionnelle envers les proches sont tout aussi importants.

Une seconde étude19 s'est intéressée à la manière dont la forme d'expression de la volonté est mise en oeuvre dans divers pays européens (Allemagne, Autriche, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni). Elle énonce les deux conclusions suivantes:

18

19

­

Les cinq pays affichant les taux de dons les plus élevés ont tous inscrit dans leur législation le principe du consentement présumé au sens strict*. La Suisse enregistre le deuxième taux de dons le plus faible parmi les pays étudiés en 2017, l'année sous revue, et occupe ainsi la queue du classement en compagnie des autres pays appliquant le principe du consentement explicite (Allemagne et Royaume-Uni). Les données les plus récentes, celles de 2019, confirment ce résultat (voir fig. 2 et 3).

­

Si la volonté de la personne décédée n'est pas connue, un droit de décision est conféré de facto aux proches dans tous les pays étudiés, y compris ceux qui ont inscrit dans leur loi le consentement présumé au sens strict.

Christen, Markus / Baumann, Holger / Spitale, Giovanni (2018): L'influence des modèles de consentement, des registres de donneurs et de la décision des proches sur le don d'organes: une évaluation de la littérature actuelle, disponible en allemand ici: www.bag.admin.ch/transplantation-fr > Expression de la volonté en matière de don d'organes, de tissus ou de cellules > Don d'organes: principe du consentement explicite ou présumé?

Gerber Michèle / Sager, Patricia / Rüefli, Christian (2019): Comparaison entre plusieurs pays sur les modèles d'expression de la volonté, disponible en allemand ici: www.bag.admin.ch/transplantation-fr > Expression de la volonté en matière de don d'organes, de tissus ou de cellules > Don d'organes: principe du consentement explicite ou présumé?

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* Pour tout le Royaume-Uni (du 1er avril 2019 au 31 mars 2020); le Pays de Galles est compté séparément, car il applique le principe du consentement présumé.

Fig. 2: Comparaison par pays des taux de dons en 2019, en pmp

Fig. 3: Évolution du taux de dons d'organes de plusieurs pays européens, en pmp

2.6

Positions précédemment défendues par le Conseil fédéral et le Parlement

En 2013, le Conseil fédéral avait présenté le rapport «Examen de mesures susceptibles d'augmenter le nombre d'organes disponibles pour une transplantation en

9242

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Suisse»20. La solution du consentement présumé y était rejetée en particulier pour des raisons éthiques et liées aux implications financières. En outre, à l'époque, il n'existait pas de preuves scientifiques suffisamment claires d'un effet causal entre le principe du consentement présumé et le taux de dons.

Le Parlement a débattu pour la dernière fois du principe du consentement présumé dans le cadre de la révision partielle du 19 juin 2015 de la loi sur la transplantation21, sur une proposition de Felix Gutzwiller, et l'a rejeté après des délibérations approfondies (Conseil des États: 24 voix contre 18; Conseil national: 108 voix contre 67 et 4 abstentions).

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

L'initiative, déposée en réaction au manque d'organes en Suisse, a pour but d'accroître le nombre de dons d'organes. Les auteurs de l'initiative ont également présenté d'autres objectifs dans un argumentaire22. Ils voient notamment dans le principe du consentement présumé un moyen de soulager à la fois les proches et le personnel hospitalier: si la personne décédée n'a pas consigné son refus dans un registre national et qu'elle n'a, à leur connaissance, pas fait part d'une autre manière de son opposition au don d'organes, les proches et le personnel hospitalier peuvent tabler sur l'accord du défunt. Ils avancent également l'argument selon lequel la volonté de la personne décédée est mieux respectée dans le cadre du principe du consentement présumé, puisqu'une fois consigné dans un registre national, le refus de donner des organes fait foi. Il a donc davantage de poids. Enfin, le comité d'initiative fait valoir qu'il est plus simple d'informer la population dans le cadre du principe du consentement présumé que dans celui du consentement explicite, car le message s'adresse alors avant tout à ceux qui ne souhaitent pas faire don de leurs organes.

3.2

Réglementation proposée

L'initiative propose de compléter l'art. 119a Cst. relatif à la médecine de la transplantation par un quatrième alinéa inscrivant le principe du consentement présumé en matière de don d'organes. Il s'agit donc de passer du principe du consentement explicite en vigueur au principe du consentement présumé: en cas d'adoption de 20

21 22

Examen de mesures susceptibles d'augmenter le nombre d'organes disponibles pour une transplantation en Suisse, Rapport en réponse aux postulats Gutzwiller (10.3703), Amherd (10.3701) et Favre (10.3711), Berne: mars 2013. Disponible ici: www.bag.admin.ch/transplantation-fr > Expression de la volonté en matière de don d'organes, de tissus ou de cellules > Don d'organes: principe du consentement explicite ou présumé?

RO 2016 1163 Arguments en faveur de l'initiative «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes», disponible ici: initiative-don-dorganes.ch > Arguments > Argumentaire complet (état au 1.9.2020).

9243

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l'initiative, toute personne décédée en Suisse deviendrait potentiellement donneuse d'organes pour autant qu'elle ne s'y soit pas opposée de son vivant.

Une disposition transitoire (prévue en tant qu'art. 197, ch. 12, Cst.) précise encore que si les dispositions d'exécution ne sont pas entrées en vigueur trois ans après l'acceptation de l'initiative par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral légifère par voie d'ordonnance.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

En vertu de l'art. 119a, al. 1, Cst., il revient à la Confédération de réglementer la médecine de la transplantation. Celle-ci tient compte, ce faisant, de la dignité humaine, de la personnalité et de la santé des personnes concernées. Le soin d'édicter des dispositions relatives au prélèvement d'organes, de tissus et de cellules fait indiscutablement partie de la compétence réglementaire de la Confédération. Les conditions requises pour le prélèvement sur les personnes décédées qu'elle a définies à l'art. 8 de la loi sur la transplantation sont celles du consentement explicite au sens large*. Pour autant qu'il respecte les droits fondamentaux et le droit international, libre au constituant, toutefois, d'inscrire le principe du consentement présumé dans la Constitution.

Le texte de l'initiative se présente sous la forme d'une disposition constitutionnelle concise qui laisse au législateur le soin de définir concrètement le principe du consentement présumé. Lors de l'interprétation de l'initiative et de sa mise en oeuvre ultérieure, il faudra identifier la ratio legis de la disposition émise par le constituant.

Les arguments du comité d'initiative, des opposants et des autorités énoncés durant la campagne précédant la votation ne sont pris en compte que dans le cadre de l'interprétation historique23.

Le texte de l'initiative ne dit rien du rôle des proches. Le prélèvement n'est par conséquent exclu que si la «personne concernée» (autrement dit la personne décédée) a manifesté son opposition de son vivant. Les auteurs du texte ne font pas mention d'un éventuel pouvoir décisionnel des proches. Il faut donc se demander s'il s'agit d'un silence qualifié de la norme constitutionnelle ou si cette dernière laisse la latitude au législateur de régler le rôle des proches. L'interprétation grammaticale de la disposition constitutionnelle proposée amène à la conclusion que les proches ne disposent d'aucun droit d'opposition. Au vu de sa teneur, l'initiative pourrait être comprise comme instituant le principe du consentement présumé au sens strict*, lequel ne laisse aucune marge de manoeuvre au législateur pour instaurer le principe du consentement présumé au sens large.

Outre le rôle des proches, les questions suivantes ne sont pas réglées explicitement dans le texte de l'initiative et devraient, en cas d'acceptation, être clarifiées par le législateur: ­

23

Exclusion de certains groupes de personnes du consentement présumé: le consentement au prélèvement est présumé pour toutes les personnes décéATF 139 II 243, consid. 8

9244

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dées, sauf si elles ont fait part de leur opposition de leur vivant. Le texte de l'initiative ne prévoit pas d'exception pour les personnes qui ne sont pas en mesure d'exprimer leur opposition de leur vivant. Cela peut être le cas de personnes qui en raison de leur âge (enfants) ou pour d'autres raisons sont jugées incapables de discernement sur la question d'un prélèvement en cas de décès. Cela peut aussi être le cas de personnes qui, en raison de leur éloignement de la Suisse, ne peuvent être informées de la règle de l'opposition explicite en vigueur en Suisse. Il faudra encore clarifier la question de la nécessité, en la matière, d'une disposition spécifique au niveau de la loi.

­

Exclusion de certains organes, tissus et cellules du principe du consentement présumé: des organes, des tissus et des cellules sont prélevés sur des personnes décédées non seulement pour être transplantés en tant que tels sur d'autres personnes, mais aussi en vue de la fabrication de transplants standardisés (art. 49 de la loi sur la transplantation). L'initiative ne fait pas de différence entre le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules soumis à l'interdiction du commerce (art. 7, al. 1, de la loi sur la transplantation) et le prélèvement en vue de la fabrication de transplants standardisés. Ces derniers ne sont soumis à l'interdiction du commerce que pour ce qui est du prélèvement, et non en eux-mêmes (art. 7, al. 2, let. b, de la loi sur la transplantation). On peut se demander ici encore si le législateur ne devrait pas prévoir des régimes d'autorisation spécifiques, sur le modèle des réglementations en vigueur dans d'autres pays.

­

Forme de l'opposition: le texte de l'initiative prévoit que l'opposition consiste pour la personne concernée à faire connaître son refus. On pourrait dès lors envisager que seule une expression explicite de cette volonté, par exemple sous la forme d'un refus consigné dans un registre, constitue une opposition juridiquement valable au prélèvement. L'initiative laisse au législateur le soin de définir ce que l'on entend par faire connaître son refus.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Conséquences en cas d'acceptation

Les conséquences résultant de la mise en oeuvre de l'initiative sont identiques aux conséquences du contre-projet indirect présentées au ch. 6.5. À terme, l'acceptation de l'initiative entraînerait également une augmentation des coûts, en particulier eu égard à la nécessité d'informer davantage, mais aussi en raison de la constitution et de la tenue d'un registre.

4.2

Avantages et inconvénients de l'initiative

4.2.1

Nécessité de mesures supplémentaires

Le Conseil fédéral soutient l'objectif de l'initiative, à savoir augmenter le nombre de dons d'organes. Avec le plan d'action «Plus d'organes pour des transplantations», la 9245

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Suisse s'est doté d'un instrument performant, qui a entraîné une amélioration des processus, des structures, de la formation et de l'information sur le don d'organes.

En comparaison européenne, les chiffres relatifs aux dons d'organes en Suisse demeurent cependant bas. Il semble ainsi opportun de prendre de nouvelles mesures pour augmenter les chances des personnes sur la liste d'attente.

Aujourd'hui, le contexte se prête en outre mieux à un changement de modèle qu'il y a quelques années: comme mentionné précédemment, les résultats publiés dans la littérature scientifique récente permettent de supposer qu'un changement de système aurait une influence positive sur le taux de dons. L'expérience d'autres pays montre que le consentement présumé est un facteur parmi d'autres de l'augmentation du taux de dons. En association avec les mesures prises dans le cadre du plan d'action, il devrait donc produire des effets positifs en Suisse.

4.2.2

Rôle des proches

Une interprétation littérale du texte de l'initiative permet de conclure que le modèle proposé est celui du consentement présumé au sens strict*: seule la «personne concernée» (autrement dit la personne décédée) a la possibilité d'opposer son refus de son vivant. Si elle ne le fait pas, ses organes, tissues ou cellules pourraient théoriquement être prélevés à son décès sans que les proches disposent d'un droit de regard sur cette décision. Le Conseil fédéral estime qu'un tel système soulève des problèmes éthiques. Sur un sujet aussi sensible, les proches doivent avoir voix au chapitre. Ailleurs qu'en Suisse, on voit que presque aucun pays n'applique réellement le consentement présumé au sens strict. Même dans les pays où il est en vigueur de jure, les proches disposent généralement d'un droit de décision subsidiaire.

4.2.3

Aspects éthiques

L'introduction du consentement présumé soulève des questions et des préoccupations éthiques. Le droit à l'autodétermination et à l'intégrité physique des donneurs s'oppose à l'aspiration au rétablissement de la santé et de la qualité de vie des receveurs. Il convient de mettre en balance ces différentes valeurs.

Dans sa prise de position de 2012 (n° 19/2012)24, la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) s'opposait au principe du consentement présumé. Pour elle, un prélèvement d'organes ne pouvait être autorisé sans le consentement du donneur ou, à titre subsidiaire et dans le respect de la volonté présumée de celui-ci, sans le consentement de ses proches. Afin de garantir qu'aucun prélèvement ne soit effectué sans le consentement explicite de la personne concernée, l'introduction du principe du consentement présumé exigerait d'obliger chacun à se déterminer sur la question du don d'organe et à faire part de sa volonté en la matière. Une telle obligation aurait toutefois des conséquences que la CNE 24

Le consentement présumé en matière de don d'organes. Considérations éthiques.

Disponible ici: www.nek-cne.admin.ch > Publications > Prises de position > N° 19/2012 (état au 1.4.2020).

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jugeait problématiques du point de vue éthique. Elle estimait que la question du don d'organes était une décision privée à l'égard de laquelle l'État devait conserver sa neutralité.

La CNE a également défini les conditions éthiques auxquelles l'application du consentement présumé devrait satisfaire: pour préserver les droits de la personnalité des donneurs, il faudrait veiller à ce que toute personne soit informée de son vivant de la réglementation en vigueur. L'État devrait aussi offrir à chacun la possibilité d'enregistrer son opposition au don d'organes de manière fiable et de modifier à tout moment sa décision. De plus, les proches devraient être consultés de façon systématique, avec le risque toutefois qu'ils outrepassent la volonté de la personne décédée.

En septembre 2019, la CNE a pris une nouvelle fois position25 sur les différentes formes d'expression de la volonté. Elle estime que la situation actuelle en matière de don d'organes est insatisfaisante. Elle continue cependant de s'opposer au consentement présumé, arguant qu'il ne contribue pas davantage à établir la volonté de la personne décédée que le consentement explicite et que ce dernier porte moins atteinte aux droits de la personnalité du défunt.

La CNE recommande essentiellement l'introduction du modèle de la déclaration (cf. à ce sujet aussi ch. 6.4.1), selon lequel toute personne résidant en Suisse serait régulièrement invitée à réfléchir à la question du don d'organes et à consigner sa volonté, par exemple dans un registre. Chacun devrait également conserver la possibilité de ne pas avoir à se prononcer et de notifier ce choix. Dans sa prise de position, la CNE ne dit rien de la mise en oeuvre du modèle de la déclaration qu'elle soutient.

4.3

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse est abordée dans le cadre de l'examen du contre-projet indirect. L'initiative populaire est elle aussi compatible avec les obligations internationales de la Suisse (voir ch. 6.6.2).

5

Conclusions

Sur le fond, le Conseil fédéral soutient l'objet de l'initiative. Si le plan d'action a enregistré certains succès, de nombreuses personnes sont encore en attente d'un don d'organes en Suisse. Au vu de l'expérience d'autres pays, on peut supposer que le passage au principe du consentement présumé permettrait d'accroître le nombre d'organes disponibles. Il est possible que les besoins en matière de transplantation continuent d'excéder le nombre d'organes à disposition, même avec un taux de dons nettement plus élevé. Le principe du consentement présumé devrait néanmoins 25

Don d'organes. Considérations éthiques sur les modèles d'autorisation du prélèvement d'organes. Disponible ici: www.nek-cne.admin.ch > Publications > Prises de position > N° 31/2019 (état au 1.4.2020).

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améliorer quelque peu la situation des personnes figurant sur la liste d'attente. Un passage à ce principe semble par conséquent indiqué.

Le Conseil fédéral n'est pas favorable au consentement présumé au sens strict*, qui fait l'impasse sur l'implication des proches. Il propose par conséquent, par la voie d'un contre-projet indirect sous la forme d'une loi, l'adoption du principe du consentement présumé au sens large*, qui préserve aussi bien les droits des proches que ceux des donneurs potentiels. Les proches peuvent refuser le prélèvement si cela correspond à la volonté présumée de la personne décédée.

Le Conseil fédéral est conscient des problèmes éthiques soulevés par la consécration du principe du consentement présumé. Le contre-projet en tient compte dans la plus large mesure possible. Le Conseil fédéral considère par ailleurs le don d'organes comme un sujet sensible et complexe. Il est par conséquent favorable à un vaste débat public qui permettra de faire valoir les différents points de vue sur le sujet.

6

Contre-projet indirect

6.1

Procédure préliminaire, consultation comprise

Le 14 juin 2019, le Conseil fédéral a décidé de proposer le rejet de l'initiative et de lui opposer un contre-projet indirect. L'avant-projet de modification de la loi sur la transplantation élaboré à cet effet a été mis en consultation du 13 septembre au 13 décembre 201926.

Elle a donné lieu à 81 prises de position, dont 3 de participants qui ont explicitement renoncé à se prononcer. Compte tenu du taux de dons d'organes comparativement bas enregistré en Suisse, la nécessité d'un ajustement n'est pas contestée sur le fond.

La grande majorité des participants soutiennent les mesures destinées à améliorer ce taux.

Le contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» a été globalement bien accueilli: 53 participants approuvent le projet sans réserve ou sur le fond. 16 participants le rejettent clairement, parmi lesquels 7 disent préférer le modèle de la déclaration à celui du consentement présumé au sens large. Le Parti écologiste suisse (PES) et le Parti vert'libéraux (PVL) l'approuvent dans les grandes lignes. Le PLR.Les Libéraux-Radicaux (PLR) et d'autres participants évoquent la possibilité de faire figurer sa volonté sur la carte d'assuré (voir aussi à ce propos l'iv. pa. Nantermod 18.443 «Renforcer le don d'organes grâce à la carte d'assuré»). D'autres participants ­ parmi lesquels le Parti Démocrate-Chrétien (PDC), le Parti Évangélique Suisse (PEV), le parti écologiste suisse (PES), le Parti socialiste suisse (PS) et l'Union démocratique du centre (UDC) ­ sont plus favorables au modèle de la déclaration qu'à celui du consentement présumé ou souhaiteraient une réflexion approfondie sur les différents modèles.

26

Le dossier soumis à consultation et le rapport sur les résultats de la consultation sont disponibles ici: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFI.

9248

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Quelques participants font part de leurs préoccupations éthiques et pointent en particulier le fait que le principe du consentement présumé porterait atteinte aux droits de la personnalité.

Dans leur majorité, les participants approuvent expressément l'implication des proches telle qu'elle est prévue dans le projet. Plusieurs participants soulignent le fait que les proches devraient faire exclusivement part de la volonté connue ou présumée de la personne décédée, et non de leur propre avis sur la question. Plusieurs participants demandent que le prélèvement ne soit pas autorisé si aucun proche n'est joignable.

Bien que l'inscription d'un registre dans la loi suscite l'adhésion de la majorité des participants, son aménagement concret donne lieu à diverses propositions de modification. L'une d'elles demande que le registre permette de consigner aussi bien un refus qu'un consentement. Plusieurs participants réclament que la tenue du registre soit confiée à la fondation Swisstransplant, puisque celle-ci tient déjà un tel registre.

Enfin, plusieurs participants ont demandé que l'accès technique au registre soit centralisé par le service national des attributions: le corps médical et le personnel soignant des hôpitaux où sont effectués les prélèvements devraient pouvoir adresser leurs demandes au service national des attributions.

Quelques participants souhaitent l'introduction de règles plus rigoureuses concernant les mesures médicales préliminaires, par exemple leur soumission au consentement explicite.

S'agissant du principe du consentement présumé, l'information de la population est jugée fondamentale. Quelques participants sont d'avis que celle-ci devrait même être renforcée par rapport à ce qui est prévu. D'autres estiment qu'il est tout simplement impossible d'informer suffisamment toutes les catégories de population.

D'autres prises de position et propositions seront abordées plus loin, dans le cadre du commentaire des dispositions.

6.2

Présentation du contre-projet indirect

Compte tenu de la situation difficile pour les personnes en liste d'attente et vu le résultat de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a décidé de présenter un projet proposant le principe du consentement présumé au sens large*. Cette décision repose sur un examen approfondi des différentes options et des mesures envisageables.

Le contre-projet présenté règle à l'échelon de la loi tous les aspects essentiels du consentement présumé concernant le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules sur des personnes décédées.

En plus des conditions requises pour le prélèvement, il précise en particulier: ­

le rôle et les compétences des proches;

­

les conditions relatives aux mesures médicales préliminaires;

9249

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­

la constitution et le fonctionnement du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus;

­

l'information de la population.

6.2.1

Conditions requises pour le prélèvement

Il est prévu de ne plus faire dépendre le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules d'un consentement explicite: il suffirait que la personne décédée n'ait pas manifesté son opposition. À noter que, bien entendu, l'absence d'opposition découle également d'un consentement explicite.

Le consentement reste nécessaire pour le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules destinés à la fabrication de transplants standardisés. De plus, le Conseil fédéral est habilité à assujettir dans certains cas le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules au consentement explicite au sens large*.

L'opposition peut être documentée de différentes façons. Le moyen le plus sûr est de l'inscrire au registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus. On peut cependant envisager qu'il soit toujours possible, même après l'introduction du consentement présumé, de porter une carte de donneur sur soi ou d'exprimer sa volonté via des directives anticipées ou une mention dans le dossier électronique de patient. Si la personne décédée a fait plusieurs déclarations contradictoires, la volonté exprimée en dernier lieu fait foi.

6.2.2

Rôle et compétences des proches

La question de savoir si un don d'organes entre en ligne de compte n'est pertinente que pour les patients hospitalisés. De plus, si des mesures de maintien en vie ont été prises, il faut que la décision de les arrêter ait été prise. Ces conditions remplies, l'hôpital doit tout d'abord établir si la personne concernée s'est opposée au don d'organes ou a exprimé une autre volonté en la matière (par exemple son accord).

Pour cela, il faut impérativement consulter le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus, mais aussi vérifier l'existence d'autres documents directement disponibles (par ex. carte de donneur, directives anticipées).

Si une déclaration par laquelle la personne concernée exprime son refus du don d'organes ou toute autre volonté en la matière est retrouvée, elle est déterminante et les proches en sont informés. Lorsque les recherches menées par l'hôpital ne permettent pas de déterminer la volonté de la personne concernée, les proches interviennent en qualité de personnes de référence: il convient de leur demander par exemple s'ils ont eu connaissance, à la faveur de discussions passées ou à la lecture de documents auxquels l'hôpital n'a pas accès, d'une volonté exprimée par la personne concernée en matière de don d'organes. Dans l'affirmative, l'expression de cette volonté fait foi, en vertu du principe découlant des droits fondamentaux de la personne décédée, selon lequel sa volonté doit s'imposer.

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Si, a contrario, ni les recherches de l'hôpital ni les informations fournies par les proches ne permettent d'établir la position de la personne concernée en matière de don, les proches disposent d'un droit d'opposition subsidiaire: après avoir été dûment informés par l'hôpital, ils peuvent s'opposer au prélèvement, une décision pour laquelle ils disposent d'un délai de réflexion approprié. Leur réflexion doit être guidée par la volonté présumée de la personne concernée, résultant de ses valeurs, par exemple.

Dans une situation aussi délicate, l'implication active des proches et, en particulier, la conduite des entretiens sont confiées à des professionnels qualifiés. Si en dépit des recherches effectuées, aucune déclaration d'opposition ou de consentement au don d'organes n'est retrouvée et qu'aucun proche ne peut être localisé, les organes ne peuvent pas être prélevés.

L'avant-projet mis en consultation prévoyait encore que le prélèvement est autorisé lorsqu'il n'est pas possible de déterminer la volonté de la personne décédée et que les proches ne sont pas joignables. Cette règle a suscité de nombreuses critiques, notamment du fait qu'elle aurait touché avant tout les requérants d'asile, les sanspapiers et d'autres groupes vulnérables tels que les personnes âgées sans proches.

Or, ces personnes font typiquement partie de celles qui ne sont peut-être pas informées du principe en vigueur en matière de don d'organes. Il y aurait donc un risque que des prélèvements soient effectués sans que le consentement puisse effectivement être présumé. La nouvelle réglementation se justifie par le fait que lorsqu'il n'existe pas de déclaration connue en la matière et que les proches ne peuvent pas être interrogés, la volonté de la personne décédée ne peut pas toujours être déterminée.

La nouvelle réglementation profite également aux autres catégories de personnes qui ne sont pas en mesure d'opposer un refus éclairé au prélèvement de leur vivant. De fait, on ne saurait conclure de l'absence d'opposition de ces personnes qu'elles consentent à un prélèvement. Il s'agit, d'une part, des enfants et des adolescents de moins de 16 ans et des personnes durablement incapables de discernement avant leur décès. D'autre part, les personnes domiciliées à l'étranger, qui ne connaissent pas forcément le droit en vigueur en Suisse, peuvent dans une certaine mesure également être concernées.

6.2.3

Conditions relatives aux mesures médicales préliminaires

Les mesures médicales préliminaires sont des mesures qui, pour certaines, sont mises en oeuvre avant le constat du décès du donneur potentiel et poursuivies après son décès; elles ont pour but exclusif la conservation des organes et sont indispensables au succès d'une transplantation ultérieure. Selon la situation, des mesures différentes sont nécessaires: par exemple, la respiration artificielle est maintenue, des échantillons sont prélevés pour des examens en laboratoire ou des médicaments régulant la circulation et l'équilibre hormonal sont administrés.

Pour des raisons de cohérence, l'adoption du principe du consentement présumé implique que les règles applicables à la réalisation de ces mesures soient adaptées: alors que celles-ci exigent actuellement le consentement du donneur ou de ses 9251

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proches, il est prévu qu'elles seront autorisées dès lors qu'il n'existe pas d'opposition au prélèvement.

Étant donné que ­ comme pour le prélèvement ­ l'absence d'opposition est suffisante pour permettre la réalisation des mesures médicales préliminaires, celles-ci seront limitées aux mesures indispensables au succès d'une transplantation et associées à un minimum de risques et de contraintes pour le donneur. En outre, alors que des mesures supplémentaires sont aujourd'hui autorisées si la personne décédée y a consenti, le projet les interdit. Demeurent interdites, les mesures médicales préliminaires susceptibles d'accélérer le décès du donneur ou de provoquer un état végétatif permanent de ce dernier.

6.2.4

Constitution et fonctionnement du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus

Quiconque ne souhaite pas faire don de ses organes, tissus ou cellules à son décès doit avoir la possibilité de consigner son opposition de son vivant de manière à ce que celle-ci fasse foi. Il est donc prévu de créer à cette fin un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus. Celui-ci devra permettre de consentir au don d'organes de manière générale, mais aussi d'exclure certains organes du don. Il est essentiel que le registre soit aisément accessible et facile à utiliser par les personnes désireuses de faire part de leur volonté: il doit donc permettre d'enregistrer sa décision sans trop de difficultés et de la modifier à tout moment. Toute personne inscrite au registre doit par ailleurs pouvoir être identifiée de manière certaine et en excluant la moindre erreur. Les personnes handicapées doivent en outre pouvoir accéder sans entrave au registre. L'enregistrement doit être possible, outre dans les langues nationales, également dans les langues des communautés migrantes les plus répandues. Enfin, l'accès au registre doit aussi être offert aux personnes qui ne sont pas en mesure de s'inscrire seules (notamment aux personnes ne disposant pas d'un accès Internet privé ou qui ont des difficultés de langage), par exemple par l'intermédiaire de leur généraliste ou avec le concours d'un membre de la famille.

Le registre doit être accessible 24 heures sur 24. Les personnes chargées de clarifier l'existence d'une disposition au don dans les hôpitaux doivent pouvoir au besoin y accéder immédiatement et de manière décentralisée.

Il est prévu que le Conseil fédéral puisse déléguer la tenue du registre à des tiers.

6.2.5

Information de la population

Une information soutenue de la population est indispensable pour garantir la constitutionnalité du principe du consentement présumé27. Il y a lieu de veiller à ce que toutes les catégories de la population soient informées du droit d'opposition par la mise en oeuvre d'une stratégie de communication globale. Celle-ci devra préciser très clairement qu'en l'absence d'opposition, le prélèvement d'organes, de tissus ou 27

ATF 123 I 112

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de cellules et les mesures médicales préliminaires associées sont autorisés. Elle devra également mentionner qu'un refus éventuel doit être inscrit dans le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus, où il peut être modifié à n'importe quel moment.

6.3

Commentaire des dispositions

Art. 5, al. 1 Les art. 8 à 8b proposés inscrivent dans la loi le consentement présumé au sens large*. Cette modification nécessite une adaptation linguistique de l'art. 5, al. 1, de la loi sur la transplantation.

Art. 8

Conditions requises pour le prélèvement

Al. 1 Des organes, des tissus ou des cellules peuvent être prélevés sur une personne décédée si le décès de la personne a été constaté (let. a) et si celle-ci ne s'est pas opposée à un tel prélèvement de son vivant (let. b). Le passage du principe du consentement explicite à celui du consentement présumé est ainsi réalisé. Si un consentement au prélèvement exprimé activement était jusqu'ici nécessaire, l'absence de déclaration suffira désormais, conformément au principe du consentement présumé. Il reste cependant possible de faire connaître expressément son consentement au prélèvement d'organes, de tissus et de cellules à son décès, par exemple en le mentionnant dans des directives anticipées ou en le consignant dans le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus.

La déclaration d'opposition n'est soumise à aucune exigence particulière de forme (forme écrite, par ex.). Une opposition au don d'organes exprimée oralement, mais connue doit être prise en compte par le médecin au même titre qu'un refus consigné dans le registre, par exemple. Mais sachant que l'hôpital est tenu de consulter ledit registre, y enregistrer son refus, c'est s'assurer qu'il sera pris en compte si la question du don d'organes se pose.

Al. 2 En détaillant les droits des proches, l'al. 2 clarifie également leur rôle. Le texte précise que si la volonté de la personne décédée en matière de don d'organes n'est pas connue, les proches disposent d'un droit d'opposition subsidiaire. Ils doivent cependant exercer ce droit en se conformant à la volonté présumée de la personne décédée.

La personne de confiance n'est plus mentionnée explicitement dans la loi sur la transplantation. Selon le droit en vigueur, le donneur peut désigner comme personne de confiance la personne à laquelle il est le plus étroitement lié ou à laquelle il fait le plus confiance pour défendre ses intérêts en matière de prélèvement d'organes, de tissus et de cellules. Cette personne agit alors en lieu et place des proches et dispose des mêmes droits que ces derniers (art. 8, al. 6, et 10, al. 9, de la loi sur la transplantation en vigueur). Jusqu'à présent seule habilitée à donner un consentement, elle 9253

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sera désormais considérée comme faisant partie des proches. Les dispositions d'exécution maintiendront toutefois son droit prioritaire par rapport à celui des proches. S'il n'est pas possible de joindre la personne de confiance, les proches seront également impliqués.

Al. 3.

Différents groupes de personnes n'ont pas la possibilité, au cours de leur vie, de s'opposer à un prélèvement au moyen d'une décision éclairée faisant foi. On ne peut donc pas présumer de leur consentement dès lors qu'il n'existe pas d'opposition (ch. 6.2.2). Pour les raisons exposées, il n'est pas possible dans tous les cas de déterminer avec certitude la volonté d'une personne décédée lorsque celle-ci n'a pas laissé de déclaration et que ses proches ne peuvent pas être joints. C'est pourquoi le prélèvement est interdit lorsque les proches ne peuvent pas être joints.

Al. 4 Le principe du consentement présumé porte atteinte au droit fondamental à l'autodétermination de la personne décédée (art. 10, al. 2, Cst.; voir ch. 6.6.1). Pour des raisons de proportionnalité, le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules en vue de la fabrication de transplants standardisés (art. 49 de la loi sur la transplantation) commercialisables (art. 7, al. 2, let. b, de la loi sur la transplantation), par exemple des substituts cutanés, doivent être exclus du principe du consentement présumé. L'exigence d'un consentement au prélèvement respecte en outre la nouvelle disposition de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques (LPTh)28, selon laquelle des tissus humains et des cellules humaines ne peuvent être prélevés ou utilisés pour fabriquer des produits thérapeutiques qui contiennent des tissus humains dévitalisés, des cellules humaines dévitalisées ou leurs dérivés, ou qui en sont constitués, sans le consentement explicite de la personne concernée.

La solution du consentement présumé s'appliquera au moins à tous les organes dont l'attribution est réglée (soit, conformément au droit actuel: coeur, poumons, foie, reins, pancréas et îlots pancréatiques ainsi qu'intestin grêle; cf. art. 16, al. 2, de la loi sur la transplantation et 1 de l'ordonnance du 16 mars 2007 sur l'attribution d'organes29). Le Conseil fédéral peut exclure du consentement présumé les organes, tissus ou cellules dont l'attribution n'est pas déterminée et
qui ne sont pas vitaux pour leur receveur; dans un tel cas, le droit de prélever reste soumis au consentement exprimé par la personne décédée ou par ses proches. Cette exception concerne, par exemple, le visage, la main, l'utérus ou le pénis.

Art. 8a

Âge minimum et refus

Al. 1 À partir de 16 ans, toute personne est habilitée à s'opposer au prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules, ainsi que le prévoit l'art. 8, al. 1, let. b, ou à y consentir. Cette décision, prise de manière autonome, fait alors foi; elle peut être révoquée en tout temps. Comme jusqu'ici, on estime qu'une personne âgée de 28 29

Art. 2a, al. 3, LPTh (RS 812.21); modification du 22 mars 2019, RS 2020 2961.

RS 810.212.4

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16 ans est apte à mesurer la portée de l'expression de sa volonté en matière d'un prélèvement en cas de décès30. Cela permet, dans l'intérêt de la sécurité juridique, d'éviter d'avoir à vérifier systématiquement, même en l'absence d'indices contraires, qu'un adolescent était capable de discernement au moment où il a fait sa déclaration d'opposition.

Cette disposition n'empêche toutefois pas les enfants et les adolescents âgés de moins de 16 ans ou d'autres personnes incapables de discernement d'exprimer un avis. Mais celui-ci sert plutôt à l'évaluation appropriée de leur volonté présumée par les proches, en général les parents pour les enfants et les adolescents de moins de 16 ans.

Al. 2 Quiconque a manifesté son opposition au don d'organes ou une autre volonté en la matière doit avoir la possibilité de revenir en tout temps sur sa décision. Conformément à la pratique actuelle, toute personne doit par ailleurs pouvoir s'opposer spécifiquement au prélèvement de certains organes, tissus ou cellules.

Art. 8b

Clarification de l'existence d'un refus

Les al. 1 à 4 décrivent les différentes étapes du processus à suivre pour établir la licéité du prélèvement avant une transplantation.

Al. 1 Les destinataires de cette disposition sont les professionnels qui prennent en charge les donneurs potentiels dans les hôpitaux. La première chose à faire consiste pour eux à consulter le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus.

Al. 2 Conformément au droit en vigueur, il convient de déterminer à partir de quel moment les clarifications relatives à un don potentiel peuvent être entamées. Il est important de traiter la question de la licéité du prélèvement indépendamment de la décision relative à l'interruption des mesures de maintien en vie. C'est pourquoi la consultation du registre n'est autorisée qu'une fois prise la décision d'interrompre les mesures de maintien en vie.

Al. 3 Il est probable qu'après le passage au principe du consentement présumé, certaines personnes continueront de porter sur elles une carte de donneur ou d'inscrire leur volonté en matière de don d'organes dans des directives anticipées. Il sera en outre possible à chacun d'enregistrer sa volonté dans son dossier électronique (art. 8, al. 2, de la loi fédérale du 19 juin 2015 sur le dossier électronique du patient [LDEP]31).

Pour la pratique, il est toutefois essentiel qu'un refus puisse être trouvé facilement, par exemple en parcourant les effets personnels de la personne concernée, ou que si celle-ci a rempli des directives anticipées, cela soit indiqué dans son dossier médical.

30 31

Cf. message du 12 septembre 2001 relatif à la loi sur la transplantation, FF 2002 19 136 s.

RS 816.1

9255

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En l'absence d'une exigence de forme, toute volonté exprimée d'une manière similaire, documentée sous une autre forme ou identifiable comme telle, équivaut à une inscription au registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus. Si la personne décédée a exprimé des volontés contradictoires, la plus récente fait foi.

Si la volonté de la personne décédée ne peut être déterminée, il est demandé aux proches s'ils ont connaissance d'une opposition au don d'organes ou d'une autre volonté en la matière qu'elle aurait documentée ou exprimée oralement. Les proches font donc ici office de personnes de référence.

Al. 4 Si les proches n'ont connaissance ni d'une opposition au don d'organes ni d'une autre volonté en la matière, ils peuvent s'opposer au prélèvement dans le cadre de leur compétence décisionnelle subsidiaire, pour autant que cela corresponde à la volonté présumée de la personne décédée. Si elle peut être déterminée de façon suffisamment claire, la volonté de la personne décédée prime celle des proches.

Comme l'exige le Tribunal fédéral, la présente disposition prévoit que les proches soient impérativement informés de leur droit d'opposition subsidiaire32.

Al. 5 Le Conseil fédéral précisera la notion de consentement présumé au sens large* dans l'ordonnance. Comme jusqu'à présent, il est prévu d'y définir le cercle des proches, mais en l'élargissant à la personne de confiance. De même, l'ordonnance réglera le rapport entre la personne de confiance et le représentant désignée dans les directives anticipées ou dans un mandat pour cause d'inaptitude au sens de l'art. 378, al. 1, ch. 1, du code civil (CC)33. Ces deux personnes seront prises en considération de manière équivalente, à moins que la personne concernée n'ait désigné à la fois un représentant et une personne de confiance au sens du droit de la transplantation. Si la personne décédée a désigné une personne de confiance ou un représentant au sens de l'art. 378, al. 1, ch. 1, CC, l'avis de cette personne prime celui des autres proches prévus par la loi (let. a).

Afin d'offrir aux professionnels chargés de la prise en charge des donneurs la sécurité juridique nécessaire, le Conseil fédéral devra préciser le délai dont disposent les proches pour s'opposer à un prélèvement. Pour des considérations à la fois éthiques et de sécurité
juridique, ce délai sera suffisamment long pour que les proches puissent prendre congé de la personne et réfléchir à la décision qu'ils vont prendre. Le délai actuellement envisagé est de 12 à 24 heures à compter de la formulation de la demande par le personnel hospitalier. Le prélèvement est autorisé ­ en l'absence d'une opposition de la personne décédée ­ si les proches ne s'y sont pas opposés dans le délai imparti. La définition précise de la procédure est également exigée par l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)34 (let. b; voir aussi ch. 6.6.2).

32 33 34

ATF 123 I 112, consid. 9e bb.

RS 210 RS 0.101

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FF 2020

Art. 10

Mesures médicales préliminaires

Al. 1 Les mesures médicales préliminaires sont appliquées en amont du prélèvement dans le seul but de conserver les organes, les tissus et les cellules. Elles sont indispensables à la réussite de la transplantation. Le passage au principe du consentement présumé implique qu'elles puissent être réalisées dès lors que personne ne s'est opposé au prélèvement. Le cas échéant, ces mesures médicales sont prises sur un donneur potentiel encore en vie; servant uniquement à maintenir la qualité de l'organe, elles n'apportent aucun bénéfice à cette personne et peuvent en outre présenter certains risques.

Dans la plupart des cas, il sera possible de clarifier avant de prendre des mesures médicales préliminaires si un refus ou toute autre déclaration concernant la disposition à faire un don ont été exprimés. Cependant, si cette question n'a pu être clarifiée définitivement au préalable faute de temps, des mesures médicales préliminaires peuvent déjà être entreprises durant cette clarification. Les mesures médicales préliminaires restent autorisées une fois prise la décision d'interrompre les mesures de maintien en vie ou après le décès du donneur potentiel, jusqu'à ce qu'il soit établi qu'une opposition a été inscrite au registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus ou qu'il existe une opposition sous une autre forme immédiatement identifiable. Si aucune déclaration d'opposition n'a été inscrite au registre, les mesures médicales préliminaires restent autorisées jusqu'à ce que les proches puissent être joints et que, le cas échéant, ils se soient opposés aux mesures ou au prélèvement. Elles doivent être interrompues dès qu'il apparaît que la personne décédée s'était opposée au prélèvement ou que ses proches s'y opposent. Le Conseil fédéral détermine le laps de temps maximum durant lequel de telles mesures peuvent être appliquées (voir commentaire de l'al. 5).

La mise en oeuvre des mesures médicales préliminaires sur une personne encore en vie sans information ni consentement éclairé de cette dernière constitue une atteinte à l'intégrité physique (art. 10, al. 2, Cst.). Cette atteinte à un droit fondamental doit être examinée avec soin sur la base des critères de l'art. 36 Cst.

La présente disposition inscrit dans le droit fédéral la base légale de cette atteinte.

L'introduction du
consentement présumé vise à ce qu'à l'avenir des organes en nombre suffisant soient disponibles à des fins thérapeutiques pour des personnes gravement malades qui, sans don d'organes, ne peuvent être soignées efficacement.

Pour atteindre ce but, il est nécessaire de disposer d'organes de qualité suffisante et donc d'avoir la possibilité de réaliser les mesures médicales correspondantes.

L'intérêt public réside ainsi dans la nécessité d'offrir les meilleurs soins médicaux possible à la population en général et aux patients pouvant être soignés au moyen d'une transplantation en particulier.

La mesure ­ c'est-à-dire l'application du principe du consentement présumé pour les mesures visant à maintenir la qualité des organes ­ semble en outre proportionnée au but visé: l'adoption du principe du consentement présumé pour les prélèvements d'organes, de tissus et de cellules impose que les mesures médicales préliminaires soient elles aussi autorisées si la personne décédée ne s'y est pas opposée. Les mesures qui pourront désormais être appliquées sans le consentement explicite de la 9257

FF 2020

personne concernée ont cependant été limitées aux formes les moins invasives. Les mesures plus invasives (voir art. 10, al. 1, de la loi sur la transplantation en vigueur) ne sont plus autorisées, même si la personne décédée y a consenti. Enfin, l'atteinte aux droits fondamentaux du donneur est considérée comme acceptable dans la mesure où elle permet de réduire la souffrance des personnes en attente d'organes, de tissus et de cellules.

Al. 2 Les mesures médicales préliminaires restent en principe interdites lorsqu'elles sont susceptibles d'accélérer la survenue du décès du donneur ou de provoquer chez lui un état végétatif durable (let. a et b).

Selon le droit en vigueur, les proches ne peuvent consentir qu'aux mesures médicales préliminaires répondant aux exigences de l'art. 10, al. 3, de la loi sur la transplantation. Les mesures en question doivent être indispensables à la réussite d'une transplantation et présenter un minimum de risques et de contraintes pour le donneur. Les médecins doivent apporter dans chaque cas la preuve que ces conditions sont remplies35. Le Conseil fédéral détermine les mesures qui ne remplissent jamais les exigences énoncées (art. 8a en relation avec l'annexe 1 de l'ordonnance du 16 mars 2007 sur la transplantation36). À l'heure actuelle, deux mesures ne remplissent jamais ces exigences: la pose d'un cathéter artériel permettant d'administrer un liquide froid et la réalisation d'une réanimation mécanique.

Jusqu'ici, la loi sur la transplantation autorisait les mesures dépassant le cadre admis par l'art. 10, al. 3, si la personne concernée y avait consenti (art. 10, al. 1, de la loi sur la transplantation). Dans la pratique actuelle, cependant, de telles mesures ne sont pas appliquées, même si le donneur y a explicitement consenti. La présente modification propose par conséquent de renoncer aux mesures médicales préliminaires qui présentent des risques et des contraintes plus que minimaux pour la personne concernée ou qui ne sont pas indispensables à la réussite de la transplantation.

Celles-ci seront donc désormais considérées de manière générale comme illicites (let. c et d). Les cas énumérés aux let. a à d s'appliquent cumulativement.

Al. 3 L'interruption des mesures de maintien en vie et l'application de mesures médicales préliminaires doivent continuer à être
envisagées séparément.

Al. 4 Le Conseil fédéral a la possibilité, dans les cas prévus à l'art. 8, al. 4, de continuer à subordonner le caractère licite du prélèvement d'organes, de tissus et de cellules à l'expression active du consentement de la personne concernée ou de ses proches. Si le prélèvement requiert un tel consentement, l'application des mesures médicales préliminaires le requiert logiquement elle aussi.

Fait exception le cas où il est envisagé, chez un donneur potentiel, de prélever à la fois des organes, tissus ou cellules soumis au consentement présumé et des organes, 35 36

Cf. message du 8 mars 2013 concernant la modification de la loi sur la transplantation, FF 2013 2057 2079.

RS 810.211

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FF 2020

tissus ou cellules exigeant un consentement explicite. Les mesures médicales préliminaires sont alors en principe elles aussi admises si les conditions des al. 1 à 3 sont remplies. Cette disposition ne s'applique en revanche pas si les mesures visent exclusivement à conserver les organes, tissus ou cellules dont le prélèvement requiert un consentement: dans ce cas, le consentement préalable du donneur ou de ses proches est indispensable (let. a).

S'il n'existe pas de déclaration relative au don, il doit tout de même être possible, ainsi que le prévoit le droit en vigueur, de réaliser des mesures médicales préliminaires après le décès du donneur jusqu'à ce que les proches aient pris une décision.

Le Conseil fédéral détermine le laps de temps maximum durant lequel de telles mesures peuvent être appliquées (voir commentaire de l'al. 5) (let. b).

Al. 5 Comme jusqu'ici, le Conseil fédéral détermine les mesures qui ne sont pas indispensables à la réussite d'une transplantation ou qui présentent pour le donneur des risques et des contraintes ne pouvant être qualifiés de minimaux (al. 1, let. c et d). Si une mesure ne figure pas dans la liste établie par le Conseil fédéral, cela ne signifie pas pour autant qu'elle est autorisée. Les médecins restent tenus de vérifier la compatibilité de toutes les mesures prises avec les dispositions en vigueur (let. a).

Le Conseil fédéral détermine en outre dans l'ordonnance la durée maximale des mesures médicales préliminaires autorisées dans l'attente de la décision des proches de la personne décédée (al. 4, let. b) ou avant et après le décès de celle-ci (al. 1). Ce faisant, il tiendra compte du délai de 72 heures déjà en vigueur pour les mesures appliquées après le décès du donneur potentiel (art. 8 de l'ordonnance sur la transplantation) (let. b).

Art 10a

Registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus

Al. 1 Quiconque refuse de faire don de ses organes, tissus ou cellules doit disposer d'un instrument pratique pour enregistrer son opposition de manière à ce qu'elle soit prise en compte en cas de décès. L'introduction du principe du consentement présumé implique donc la création d'un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus.

La Confédération est chargée de la constitution et de la tenue d'un registre dans lequel chacun peut consigner son opposition au prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules.

Il doit être conçu de façon à permettre de consigner également d'autres volontés en matière de don d'organes. Ainsi, aussi bien une opposition qu'un consentement au prélèvement doivent pouvoir y être inscrits, le cas échéant de manière spécifique aux différents organes, tissus et cellules. Le registre doit en outre permettre de déclarer son consentement au prélèvement d'organes, de tissus et de cellules soumis par le Conseil fédéral au principe du consentement présumé (en particulier les organes, tissus et cellules dont l'attribution n'est pas obligatoire) ou de ceux destinés à la fabrication de transplants standardisés (art. 8, al. 4, du projet). Les déclarations enregistrées doivent pouvoir être modifiées à tout moment.

9259

FF 2020

Le registre doit contenir des informations concrètes formulées de manière simple, afin que les personnes puissent enregistrer une décision éclairée. La saisie de données personnelles dans le registre a pour but exclusif de permettre une clarification rapide et fiable de la volonté d'un donneur potentiel en matière de don d'organes.

Il est prévu que le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus soit facile à utiliser pour l'ensemble de la population et accessible en ligne. Cette seconde condition a cependant pour effet que les personnes ne disposant pas d'un accès privé à Internet ou qui ont des difficultés linguistiques ou d'autre nature pourraient être empêchées de faire leur déclaration elles-mêmes. D'autres solutions doivent être prévues pour elles. Il faut également garantir un accès sans entrave aux personnes en situation de handicap. Il est en outre prévu que le registre soit disponible dans les langues des principales communautés immigrées et que l'enregistrement puisse aussi être fait par l'intermédiaire d'un tiers au bénéfice d'une procuration, que ce soit le médecin de famille, un parent ou un membre du personnel hospitalier. Dans le cas d'une personne incapable de discernement, l'enregistrement est effectué par la personne habilitée à la représenter (art. 304 et 378 CC), qui tient compte de son avis. Le Conseil fédéral clarifiera ces points dans le droit d'exécution.

Al. 2 Les professionnels susceptibles d'agir rapidement en cas de décès, bien que ne faisant pas partie de l'équipe de prélèvement ou de transplantation, doivent avoir accès au système. Il s'agit ici des professionnels chargés de clarifier l'existence d'une disposition au don dans les hôpitaux où les donneurs potentiels sont identifiés et pris en charge (art. 56, al. 1, let. a, de la loi sur la transplantation). Leur droit d'accès est limité à la consultation du registre.

Al. 3 à 5 La fiabilité de l'identification de la personne concernée dans le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus est essentielle à différentes étapes: ­

Au moment de l'inscription dans le registre, il est impératif de s'assurer que c'est bien la «bonne» personne qui enregistre sa déclaration. Il faut éviter qu'une personne se fasse passer pour une autre.

­

En cas de modification d'une déclaration, il faut s'assurer qu'elle est effectuée par la personne autorisée ou par son représentant autorisé.

­

Enfin, en cas de décès, la déclaration doit pouvoir être indubitablement attribuée à la personne décédée.

Ces conditions réclament différentes solutions d'authentification de la personne concernée.

L'identification au moment de la déclaration et de l'éventuelle modification de cette dernière doit être à la fois simple et suffisamment fiable. Il est prévu d'utiliser l'identité électronique (e-ID) qui permettra à l'avenir de s'identifier sur Internet avec des moyens reconnus par l'État. Le référendum contre la loi du 27 septembre 2019 sur les services d'identification électronique (LSIE)37 ayant abouti38, l'incertitude 37 38

FF 2019 6227 FF 2020 1231

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règne encore sur cette possibilité. Si l'e-ID n'est pas encore entérinée au moment de l'entrée en vigueur de la présente modification de la loi, il est envisageable d'utiliser dans un premier temps l'identité électronique au sens de l'art. 7 LDEP. Seule serait alors retenue la procédure d'identification énoncée dans la LDEP. La reprise des dispositions de la LDEP portant sur l'identité électronique n'entraînerait pas plus d'obligation qu'aujourd'hui à constituer ou à utiliser un dossier électronique du patient (voir art. 3 LDEP).

Il y a lieu également de garantir l'exactitude de l'identification au moment du décès.

Le numéro AVS (NAVS13), qui figure également sur la carte d'assuré (art. 42a, al. 1, de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie [LAMal]39), est déjà couramment utilisé dans le milieu hospitalier. En lien avec le nom et le prénom, il permet d'identifier avec fiabilité la personne concernée. Il convient donc de l'enregistrer dans le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus et de l'utiliser comme indication complémentaire pour l'identification des donneurs.

En application de l'art. 50e, al. 1, de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)40, le numéro AVS peut être utilisé en dehors des assurances sociales fédérales à titre exceptionnel, si une loi fédérale le prévoit et que le but de l'utilisation et les utilisateurs légitimés sont définis. Conformément à l'art. 134ter, al. 1, du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS)41, l'utilisation systématique du numéro AVS par des services et institutions dont les activités sont extérieures aux assurances sociales fédérales doit également être annoncée à la Centrale de compensation.

Le Conseil fédéral peut prévoir un autre moyen d'identification complémentaire pour les personnes qui n'ont pas de numéro AVS. Il peut, par exemple, s'agir d'un autre identifiant ou du lieu de naissance. Les touristes, notamment, pourront ainsi eux aussi s'enregistrer et s'assurer d'être identifiés de manière fiable en cas de décès.

Art. 54, al. 2 Il incombe au Conseil fédéral de décider à qui confier la tenue du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus visé à l'art. 10a. En fonction des exigences spécifiques et des charges
de personnel qui en découlent (voir ch. 6.5.1), il déterminera s'il est approprié de confier cette tâche à une organisation ou à une personne de droit public ou privé. Il pourvoit à la rémunération des tâches déléguées (art. 54, al. 3, de la loi sur la transplantation en vigueur).

Art. 61, al. 2 et 3 Al. 2 Conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral, l'introduction du principe du consentement présumé ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées, à condition de faire en sorte que tous les donneurs potentiels en soient infor39 40 41

RS 832.10 RS 831.10 RS 831.101

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més et que les informations fournies soient répétées régulièrement42. De même, l'art.

8 du Protocole additionnel du 24 janvier 2002 à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation43 impose aux États d'informer les professionnels de la santé et le public des conditions du prélèvement sur des personnes décédées, y compris des régimes de consentement. L'instauration du principe du consentement présumé suppose donc une information régulière et à large échelle de la population. Il convient en particulier de s'assurer que toutes les catégories de personnes sont informées de la réglementation en vigueur, notamment les frontaliers et les touristes. Ces informations doivent aussi être accessibles aux personnes en situation de handicap ou rencontrant des difficultés de langage. En outre, elle doit parvenir aux personnes de langue étrangère. Pour atteindre ce but, il est envisageable de recourir à un réseau des personnes clés, comme cela a été fait durant de l'épidémie de coronavirus pour informer les communautés immigrées.

L'information désormais exigée doit préciser clairement qu'en l'absence d'opposition de la personne concernée ou de ses proches, les mesures médicales préliminaires sont autorisées et qu'elles peuvent présenter des risques et des contraintes pour le donneur. Cette obligation d'informer est d'autant plus importante à l'heure où il est prévu d'inscrire dans la loi le principe du consentement présumé pour les mesures médicales préliminaires. Enfin, il y a lieu de mentionner que l'inscription dans le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus est le moyen le plus fiable pour déclarer sa volonté et que celle-ci peut en tout temps être modifiée.

Al. 3 Selon le droit en vigueur, le Conseil fédéral peut prévoir la possibilité de faire figurer la volonté d'une personne dans un document ou un support de données appropriés. Une fois le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus inscrit dans la loi, cette délégation de compétences n'a plus lieu d'être.

Art. 69, al. 1, let. cbis et cter Le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules sur une personne décédée est punissable en cas de non-respect des conditions légales énoncées aux art. 8 à 8b.

Compte tenu de l'instauration du consentement présumé, le terme «consentement» doit être complété par celui de «refus». Les articles auxquels il est fait référence doivent par ailleurs être adaptés.

6.4

Solutions étudiées

Outre le principe du consentement présumé, le Conseil fédéral a étudié de manière approfondie plusieurs solutions en la matière. Celles-ci sont présentées ci-après.

42 43

ATF 123 I 112, consid. 9e aa RS 0.810.22

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FF 2020

6.4.1

Modèle de la déclaration avec consentement explicite

Cette solution correspond au modèle préconisé par la CNE. La loi sur le renforcement de la décision en matière de don d'organe (Gesetz zur Stärkung der Entscheidungsbereitschaft bei der Organspende) adoptée par le Bundestag allemand en janvier 2020 présente des similarités44.

Le modèle de la déclaration resterait fidèle au principe du consentement explicite en vigueur. Afin d'augmenter le taux de dons, il donnerait cependant aux autorités un rôle plus actif dans l'encouragement de l'expression d'une volonté en matière de don d'organes. Divers points sont toutefois encore en suspens quant à sa mise en oeuvre.

Information de la population et encouragement à se déterminer sur le don d'organes Le principal élément du modèle de la déclaration est une information soutenue et régulière du public, associée à un appel à déclarer sa volonté en matière de don d'organes. L'objectif est ici d'obtenir, autant que possible, de toute personne qu'elle se prononce sur cette question. Pour y parvenir, chacun doit être régulièrement informé et invité à consigner sa volonté en la matière.

La Confédération s'acquitte déjà de nombreuses tâches d'information dans le domaine de la médecine de transplantation et est par exemple depuis 2007 à l'origine des campagnes de sensibilisation dans les médias (actuellement «Dites-le à votre façon, mais dites-le»). Cependant, les instruments existants ne sont pas suffisants pour informer régulièrement tous les habitants de Suisse ainsi que l'exigerait le modèle de la déclaration. Il faudrait prévoir des moyens d'information plus étendus, permettant d'atteindre l'ensemble des habitants ou des ménages. On pourrait envisager que l'OFSP envoie régulièrement un courrier à tous les ménages ou que des informations soient jointes à la communication des primes par les institutions de l'assurance obligatoire des soins.

Une information régulière transmise par les gynécologues ou les généralistes pourrait également être utile. Ceux-ci pourraient périodiquement sensibiliser leurs patients au don d'organes et les encourager à consigner leur volonté en la matière.

L'avantage de cette formule réside dans le fait que l'information est transmise à un moment où le patient s'attend à être interrogé sur des questions médicales. Elle serait cependant moins adaptée pour informer les jeunes hommes en
bonne santé, dans la mesure où l'expérience montre que ceux-ci se rendent assez rarement chez le médecin. Cette prestation des médecins devrait en outre être rémunérée soit par des subsides de la Confédération, soit par la caisse-maladie, ce qui nécessiterait une base légale. On a par ailleurs constaté dans le cadre du plan d'action que contrairement à ce qu'on pouvait penser, les généralistes n'étaient pas tous suffisamment informés sur le sujet et devraient d'abord être formés à cette tâche.

Outre les possibilités mentionnées, il est aussi envisageable de charger les autorités cantonales d'informer régulièrement les habitants sur la question du don d'organes et de les encourager à exprimer leur volonté sur le sujet, par exemple lorsqu'ils 44

Voir ch. 2.4.

9263

FF 2020

établissent pour eux des documents officiels tels que cartes d'identité ou titres de séjour pour étrangers, ou lorsqu'ils leur envoient la déclaration fiscale. Cette option est toutefois jugée moins appropriée que les autres en raison de l'absence de lien thématique avec le don d'organes ou avec des aspects médicaux. Les autorités cantonales ne seraient en particulier pas en mesure de répondre aux questions que les personnes auxquelles ils transmettent l'information leur posent directement et elles ne sauraient ainsi constituer une aide pour une prise de décision éclairée, concrétisée sur place.

Enregistrement de la volonté Si l'on demande à chacun de faire connaître sa volonté en matière de don d'organes, il faut offrir un moyen simple mais fiable de le faire. Et il est essentiel qu'en cas de décès, la décision correspondante puisse être effectivement retrouvée et attribuée sans doute possible à la personne concernée.

Un registre en ligne officiel serait donc également indispensable pour consigner les décisions en matière de don d'organes si la solution retenue était celle du modèle de la déclaration. Les exigences auxquelles il devrait satisfaire seraient les mêmes que celles qui s'appliqueraient si le principe du consentement présumé était adopté. Il devrait en particulier être simple à utiliser et offrir toutes les garanties de sécurité.

Avantages et inconvénients Une information sur le don d'organes et une invitation à exprimer sa volonté en la matière rappelées de manière récurrente permettrait probablement d'amener un plus grand nombre de personnes à se poser cette question et à prendre une décision en connaissance de cause. Puisqu'une majorité de la population est favorable au don d'organes, ce modèle permettrait de réduire le décalage entre la disposition individuelle au don d'organes et le taux effectif de dons.

Selon le principe du consentement explicite en vigueur, l'absence de déclaration interdit le prélèvement, à moins que les proches y consentent en s'appuyant sur la volonté présumée de la personne décédée. Selon le principe du consentement présumé, en revanche, le prélèvement est en règle générale possible en l'absence de déclaration. Le fait que le modèle de la déclaration ne s'écarte pas du principe en vigueur pourrait susciter une certaine adhésion de la population. La
principale différence par rapport au modèle actuel résiderait dans le rôle plus actif joué par l'État sur le plan de l'expression de la volonté, lequel se traduirait en particulier par une activité d'information plus soutenue et un encouragement appuyé et régulier à faire connaître sa volonté en matière de don d'organes.

Cependant, dans ce domaine particulièrement sensible, un appel répété à exprimer sa volonté peut également poser problème. Il peut d'une part être perçu comme une ingérence dans une liberté individuelle, équivalant de fait à une injonction à se déterminer sur la question du don d'organes et, par conséquent, à affronter l'idée de sa propre mort. Il peut d'autre part conduire au fil du temps à lasser la population et perdre ainsi de son efficacité.

Assurer une information régulière et soutenue de la population est en outre une tâche exigeante qui nécessite d'importants moyens. Chaque canal d'information potentiel

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présente des inconvénients qui lui sont propres: un envoi postal à intervalle régulier n'est pas assez incitatif. On peut donc douter que cette mesure suffise à elle seule à obtenir l'effet escompté. La solution consistant à déléguer cette mission de sensibilisation aux autorités cantonales pourrait elle aussi manquer son objectif, puisque celles-ci n'ont pas forcément des connaissances spécifiques suffisantes en la matière et que le rapport thématique avec la santé fait défaut. La confrontation avec la question du don d'organes lors de l'établissement d'une carte d'identité ou d'un passeport pourrait donc déconcerter beaucoup de gens. Dans de telles circonstances, prendre une décision en toute connaissance de cause paraît difficile. Enfin, l'option revenant à confier cette tâche aux médecins ne permettrait quant à elle que difficilement d'atteindre les personnes qui ne recourent jamais ou que très rarement à des conseils médicaux. En outre, l'adoption du modèle de la déclaration exigerait également la création d'un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus, ce qui a un coût.

L'effet positif attendu de ce modèle sur le taux de dons étant vraisemblablement inférieur à celui du principe du consentement présumé, cette solution n'a finalement pas été retenue.

6.4.2

Obligation relative à la consignation et à la sauvegarde de la volonté sur la carte d'assuré

Le modèle préconisé par l'initiative parlementaire 18.443 Nantermod «Renforcer le don d'organes grâce à la carte d'assuré» constitue une autre variante. Selon ce modèle, toute personne est tenue d'indiquer son consentement sur la carte d'assurance maladie. Il s'agit là d'un modèle de déclaration avec obligation d'exprimer sa volonté.

Depuis 2010, les assureurs sont tenus de délivrer une carte d'assuré munie d'une puce à toute personne assurée chez eux au titre de l'assurance obligatoire des soins (art. 42a LAMal, en relation avec l'art. 1 de l'ordonnance du 14 février 2007 sur la carte d'assuré pour l'assurance obligatoire des soins45). À de rares exceptions près, tous les habitants de Suisse disposent donc d'une carte d'un assureur suisse. Les données qui doivent être stockées sur la carte d'assuré servent essentiellement à simplifier les procédures administratives entre les assureurs, les assurés et les fournisseurs de prestations. D'autres données personnelles et médicales peuvent également être enregistrées sur cette carte, pour autant que l'assuré ait donné son accord.

Il est ainsi déjà possible d'y mentionner l'existence de directives anticipées ou d'une carte de donneur d'organes et d'indiquer où celles-ci sont conservées46.

Si cette solution était retenue, les assureurs seraient tenus de prévoir sur la carte d'assuré elle-même des champs pour la consignation et la sauvegarde de la volonté en matière de don d'organes.

45 46

RS 832.105 Voir annexe 2, ch. 2.9, de l'ordonnance du DFI du 20 mars 2008 concernant les exigences techniques et graphiques relatives à la carte d'assuré pour l'assurance obligatoire des soins, RS 832.105.1.

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La sauvegarde de la volonté en matière de don d'organes sur la carte d'assuré présente certes des avantages, puisque toute personne assurée en Suisse en possède une et peut y faire enregistrer des données personnelles accessibles en cas d'urgence.

Cependant, cette solution comporte aussi d'importants inconvénients. Par exemple, les réserves concernant le modèle de la déclaration décrit au ch. 6.4.1 s'appliquent ici dans une plus large mesure encore: l'obligation prévue d'indiquer sa volonté en matière de don d'organes risque d'être perçue comme une atteinte à la liberté individuelle encore plus importante que dans le cas du modèle de la déclaration sans obligation d'exprimer sa volonté.

D'autres raisons s'opposent également à cette variante: selon ce modèle, les assureurs de l'assurance obligatoire des soins seraient tenus d'appliquer l'obligation d'inscrire la volonté en matière de don d'organes sur la carte d'assuré. De plus, cette information devrait être communiquée à chaque nouvel assureur. Le travail administratif qui en résulterait pour les assureurs serait considérable.

Par ailleurs, lorsqu'elles sont enregistrées sur la carte d'assuré, les données ne sont pas centralisées. Ainsi, si la personne ne porte pas sa carte d'assurance sur elle, il n'est pas possible de reconnaître sa volonté de faire un don d'organes. Par rapport à un enregistrement centralisé dans un registre, cette solution représente donc un désavantage.

Le Conseil fédéral estime également que les autres raisons qui ont été avancées jusqu'à présent sont toujours valables:47l'enregistrement sur la carte d'assuré de la volonté de faire un don d'organes ne permet pas à l'intéressé de consigner lui-même sa volonté ni de la modifier. Les assurés devraient demander au généraliste, au dentiste ou au chiropraticien d'inscrire et d'enregistrer leurs données personnelles et médicales, ainsi que la volonté de faire un don d'organes, sur leur carte d'assuré. La pratique montre toutefois que seul un petit nombre de médecins, particulièrement à l'aise avec la procédure, le font. Si les assureurs étaient désormais tenus d'effectuer eux-mêmes l'enregistrement, cela ne changerait rien au fait que les assurés n'auraient toujours pas la possibilité de modifier en tout temps leur enregistrement.

Contrairement à la solution du registre,
la carte d'assuré ne permet pas de mettre en application le principe selon lequel la question du don d'organes ne peut être abordée qu'une fois prise la décision d'interrompre les mesures de maintien en vie (art. 8, al. 3bis, de la loi sur la transplantation en vigueur). Les accès aux données de la carte d'assuré n'étant pas consignés, il est impossible d'établir après coup que la volonté en matière de don d'organes a été vérifiée de manière prématurée. Il est en outre problématique, pour des questions de protection des données, que les assureurs puissent avoir accès au choix de leurs assurés en matière de don d'organes.

De plus, les informations pourraient à l'avenir être enregistrées sur d'autres supports de données que la carte d'assuré, de sorte qu'à terme celle-ci serait remplacée.

47

Voir en particulier: Examen de mesures susceptibles d'augmenter le nombre d'organes disponibles pour une transplantation en Suisse, rapport en réponse aux postulats Gutzwiller (10.3703), Amherd (10.3701) et Favre (10.3711), Berne: mars 2013, p. 37 s.

Disponible ici: www.bag.admin.ch/transplantation-fr > Expression de la volonté en matière de don d'organes, de tissus ou de cellules > Don d'organes: principe du consentement explicite ou présumé?

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Enfin, cette solution entraînerait des coûts élevés puisque tant les assureurs que les médecins appelés à enregistrer la volonté de leurs clients en matière de don d'organes devraient être rémunérés pour cette prestation.

Pour les raisons exposées, le Conseil fédéral reste d'avis que l'enregistrement de la volonté en matière de don d'organes sur la carte d'assuré n'est pas une solution appropriée.

6.4.3

Principe de réciprocité

Selon le principe de réciprocité, quiconque déclare être disposé à faire don de ses organes serait favorisé lors de l'attribution d'un organe.

Dans sa réponse au postulat 10.4015 Favre «Don d'organes. Introduction du principe de prévoyance», le Conseil fédéral juge le principe de réciprocité anticonstitutionnel.

Utiliser la disposition au don comme critère d'attribution contrevient en outre aux obligations internationales de la Suisse: le protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation précise à l'art. 3 que l'attribution des organes doit s'appuyer sur des critères transparents, objectifs et médicalement fondés. Or la disposition au don ne saurait être considérée comme un critère médical. De plus, ce principe pose des problèmes pratiques inhérents à la gestion des déclarations ou révocations effectuées à court terme par intérêt personnel. Par conséquent, la décision a été prise de renoncer à approfondir l'examen de cette variante.

6.5

Conséquences

6.5.1

Conséquences pour la Confédération

Conséquences financières L'acceptation de l'initiative ou du contre-projet indirect nécessiterait d'une part une intensification de l'information de la population et d'autre part la constitution et la tenue d'un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus.

Information de la population Le processus législatif suisse garantit l'implication de large catégories de la population et une information soutenue de cette dernière pendant la procédure de consultation, ainsi qu'en cas de votation populaire. Il accorde donc une place de choix à l'information nécessaire de la population.

La conduite du processus législatif ne dispense cependant pas la Confédération d'informer la population en continu et le plus largement possible. Il s'agit notamment d'expliquer clairement les conséquences de l'absence d'opposition à toutes les personnes concernées et en particulier aussi aux groupes de population qui parlent une langue étrangère.

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Un budget annuel de 1,5 million de francs est actuellement alloué à la campagne sur le don d'organes. Ce montant comprend notamment les spots télévisés, mais aussi l'impression de brochures et de cartes de donneur. Pour permettre d'atteindre l'ensemble de la population, il devrait être relevé de 1 million de francs au cours des trois premières années suivant l'introduction du principe du consentement présumé et passer ainsi à 2,5 millions de francs. À l'issue de cette phase d'introduction de 3 ans, il pourrait être ramené à 1,5 million de francs.

Registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus Un changement de modèle exige, en plus du devoir d'information, la constitution d'un registre national des déclarations relatives au don d'organes et de tissus. En effet, quiconque ne souhaite pas faire don de ses organes, tissus ou cellules doit disposer d'un moyen de consigner son opposition de manière à ce qu'elle soit prise en compte en cas de décès.

La constitution et la tenue de ce registre constitueraient des tâches nouvelles pour la Confédération. Il est prévu de déléguer toutes les tâches liées au registre.

Le registre doit être simple à utiliser, en particulier pour les personnes présentant des difficultés linguistiques, cognitives ou autres, ainsi que pour les personnes n'ayant pas accès à Internet. Il devra également servir de plateforme d'information et apporter une aide à toute personne désireuse de prendre une décision. Il fournira par exemple des réponses à des questions essentielles sur le don d'organes, ainsi que d'autres renseignements. Les données spécifiques nécessaires à cette fin pourraient être mises à disposition via un lien menant au site Internet de l'OFSP. Celui-ci constitue d'ores et déjà une plateforme d'information détaillée sur le don et la transplantation d'organes, de tissus et de cellules.

La constitution d'un registre numérique accessible en ligne devrait occasionner un coût unique de 500 000 francs. Les coûts récurrents de la maintenance, de l'exploitation et de la tenue administrative du registre sont quant à eux estimés à 500 000 francs par an.

La tâche légale de la tenue du registre fera l'objet d'un appel d'offres, conformément aux dispositions du droit des subventions (voir ch. 6.6.4).

Conséquences sur l'état du personnel L'information de la
population ne constitue pas une nouvelle tâche d'exécution pour la Confédération. Les activités supplémentaires seront absorbées dans le cadre des tâches d'exécution ordinaires de l'OFSP.

La constitution et la tenue d'un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus constituerait certes une nouvelle tâche pour la Confédération, mais on estime que la fonction de surveillance découlant de la délégation de cette tâche pourra être maîtrisée avec les ressources en personnel existantes.

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6.5.2

Conséquences pour les cantons

La Confédération et les cantons se partagent la responsabilité d'informer le public sur les questions liées à la médecine de la transplantation (art. 61 de la loi sur la transplantation). Le passage au principe du consentement présumé exigerait par conséquent des cantons qu'ils adaptent et intensifient leurs activités de communication.

Le projet n'a pas de conséquences spécifiques pour les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne. Aussi ces aspects n'ont-ils pas fait l'objet d'une analyse approfondie.

6.5.3

Conséquences sociales et, en particulier, pour les générations futures

Le passage au principe du consentement présumé permettra de créer les conditions d'une amélioration du taux de dons en Suisse. Il aura également une incidence sur les soins médicaux offerts à la population, puisqu'au vu de l'évolution démographique, force est de considérer que les besoins en organes vont aller croissant.

L'amélioration du taux de dons peut avoir des répercussions sur l'évolution des coûts de la santé. L'exemple des reins, l'organe qui donne lieu ­ et de loin ­ au plus grand nombre de transplantations, le montre bien. La prévalence des maladies rénales chroniques ne cesse de s'élever en raison de l'augmentation de l'espérance de vie, de l'incidence du diabète et du contrôle des facteurs de risques de mortalité cardiovasculaire. Face à l'insuffisance rénale chronique et comparée à la dialyse, la transplantation rénale améliore l'espérance de vie et la qualité de vie, mais elle est aussi moins coûteuse pour la société48.

En outre, grâce au changement de modèle et au développement de l'information, chacun sera davantage incité à réfléchir à sa propre mort et à examiner la question du don de ses organes une fois celle-ci advenue. Cela devrait permettre de soulager les proches, notamment par-delà les générations.

48

Thuret, Timsit, Kleinclauss (2016): Insuffisance rénale chronique et transplantation rénale. In: Prog Urol. 2016;26(15): 882­908.

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6.6

Aspects juridiques

6.6.1

Constitutionnalité

Ce projet s'appuie sur l'art. 119a, al. 1, Cst. qui confère à la Confédération une compétence globale pour ce qui est de la réglementation de la médecine de la transplantation. Cet article n'indique pas si la Confédération doit appliquer le principe du consentement explicite ou celui du consentement présumé en matière de don d'organes. Le passage du premier au second implique cependant plusieurs atteintes au droit fondamental à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.) du donneur et de ses proches: ­

Droit à l'autodétermination: toute personne a le droit de décider de son vivant ce qu'il adviendra de son corps après son décès. En ce sens, le principe du consentement présumé, selon lequel le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules est autorisé à condition que la personne décédée ne s'y soit pas opposée de son vivant, porte atteinte au droit à l'autodétermination.

­

Intégrité psychique: le principe du consentement présumé engage de fait toute personne séjournant en Suisse à s'interroger sur le don d'organes et, en cas d'opposition, à enregistrer sa déclaration de manière à ce qu'elle soit prise en compte en cas de décès. En ce sens, il porte atteinte à l'intégrité psychique de l'intéressé.

­

Lien émotionnel entre les proches et la personne décédée: les proches ont le droit de s'opposer, subsidiairement à la volonté de la personne décédée, à toute intervention injustifiée sur le corps du défunt49. Selon le principe du consentement présumé, l'acceptation du prélèvement sera légalement présumée en l'absence d'une opposition exprimée par le donneur potentiel de son vivant. Une mise en oeuvre cohérente du principe du consentement présumé suppose donc aussi que les proches ne puissent refuser le prélèvement que si cela correspond à la volonté présumée de la personne décédée. La solution proposée porte donc également atteinte aux droits des proches.

­

Intégrité physique: une mise en oeuvre cohérente et efficace du principe du consentement présumé suppose en outre que la loi prévoie aussi le consentement présumé pour les mesures médicales préliminaires indispensables à la réussite de la transplantation, à condition que l'on n'ait connaissance d'aucune opposition au don d'organes. Il s'agit là d'une atteinte à l'intégrité physique (pour l'examen de cette atteinte, voir ch. 6.3, commentaire à l'art. 10).

Le droit à la liberté personnelle n'est pas un droit absolu, mais peut être restreint dans les limites énoncées à l'art. 36 Cst. L'introduction du principe du consentement présumé vise à offrir les meilleurs soins médicaux possibles à la population. Dans un arrêt de 1997, le Tribunal fédéral est lui aussi parvenu à la conclusion que le principe du consentement présumé pouvait être organisé sans remettre en cause les droits fondamentaux. Il y a toutefois deux conditions à cela, la première étant que les droits du donneur priment systématiquement ceux du bénéficiaire, même sous le 49

ATF 129 I 173 consid. 2.1

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régime du consentement présumé, la seconde étant d'informer la population régulièrement et de manière parfaitement compréhensible pour tous sur le droit en vigueur et sur la possibilité de s'opposer au don d'organes. Enfin, lorsque la situation se présente, les proches doivent être informés de leur droit d'opposition subsidiaire50.

6.6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Convention européenne des droits de l'homme La Cour européenne des droits de l'homme n'a apparemment jamais pris explicitement position sur la question de la compatibilité du consentement explicite ou du consentement présumé avec la CEDH.

Elle a cependant examiné les droits des proches dans le cadre de deux jugements. Le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) entraîne le droit des proches de la personne décédée de se prononcer pour ou contre le prélèvement d'organes ou de tissus. Ce droit peut être limité. Mais si la législation nationale prévoit d'accorder ce droit aux proches, elle doit aussi indiquer clairement comment ils doivent être impliqués51.

L'introduction du principe du consentement présumé au sens large* suppose dès lors que les obligations relatives à la consultation des proches soient définies avec clarté.

Le Conseil fédéral procédera à cette clarification dans l'ordonnance (cf. art. 8b, al. 5, let. b, du projet).

Pacte II de l'ONU Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies ne s'est encore jamais penché sur les questions de consentement au prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules. Les droits énoncés dans le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)52 sont cependant largement identiques à ceux prévus par la CEDH. L'introduction du principe du consentement présumé semble par conséquent compatible avec les engagements de la Suisse découlant du Pacte II de l'ONU.

Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation Par la Convention du 4 avril 1997 sur les droits de l'homme et la biomédecine53, le Conseil de l'Europe a fixé des règles relatives à l'application de la médecine et de la recherche en biomédecine. Le protocole additionnel à cette convention qui concerne la transplantation aborde quant à lui les questions spécifiques du prélèvement et de 50 51

52 53

ATF 123 I 112, consid. 9d et e Cour européenne des droits de l'homme, Elberte c. Lettonie, n°61243/08, jugement du 13.1.2015, ch. 111­115; Petrova c. Lettonie, n°4605/05, jugement du 24.6.2014, ch. 90­96.

RS 0.103.2 RS 0.810.2

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la transplantation d'organes et de tissus sur des personnes vivantes et décédées. Ces deux textes ont été ratifiés par la Suisse.

Le protocole additionnel permet aux États de définir librement dans leur droit national les conditions applicables au prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules sur une personne décédée. L'art. 17 du protocole additionnel se contente de préciser que le principe du consentement doit être inscrit dans la loi et que le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules n'est pas admis s'il est contraire à la volonté de la personne décédée. Le rapport explicatif du protocole additionnel54 souligne toutefois l'importance du respect des droits des personnes ne résidant pas dans l'État concerné: pour celles-ci, le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules n'est admis que si leur consentement est clairement établi. En cas de doute, il est prévu que le respect de la loi pertinente applicable dans le pays de résidence de la personne décédée s'impose. Ces exigences sont prises en compte dans le projet de loi par la disposition selon laquelle le prélèvement n'est pas admis lorsqu'il n'est pas possible de joindre les proches.

Il ressort également du protocole additionnel la nécessité d'informer la population sur les conditions légales du prélèvement et sur le régime du consentement (art. 8 du protocole additionnel). Ces exigences sont elles aussi prises en compte dans le projet de loi (voir art. 61, al. 2, du projet).

6.6.3

Frein aux dépenses

Aux termes du projet de loi, le Conseil fédéral est chargé d'examiner si la constitution du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus (art. 10a), sa tenue et sa maintenance doivent être déléguées à des organisations ou à des personnes de droit public ou privé (art. 54, al. 2, let. a). Il est prévu de rémunérer les tâches déléguées (art. 54, al. 3, de la loi sur la transplantation en vigueur). La constitution du registre devrait occasionner un coût unique de 500 000 francs. Les coûts récurrents de la tenue et de la maintenance du registre sont quant à eux estimés à 500 000 francs par an. L'art. 54 n'impose donc aucune nouvelle subvention susceptible de générer des dépenses de plus de 20 millions de francs, ni de nouvelles dépenses récurrentes supérieures à 2 millions de francs. Le projet n'est par conséquent pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

6.6.4

Conformité à la loi sur les subventions

Importance de la subvention pour les objectifs visés par la Confédération En vertu de l'art. 10a du présent projet, la Confédération tient un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus. Le Conseil fédéral peut déléguer la tenue du registre à des organisations et à des personnes de droit public ou privé 54

Rapport explicatif du protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine, Strasbourg, 24.I.2002.

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(art. 54, al. 2, let. a). La rémunération de ces tâches revêt la forme d'une indemnité (art. 54, al. 3, de la loi sur la transplantation en vigueur).

Les personnes chargées de clarifier l'existence d'une disposition au don dans les hôpitaux doivent pouvoir accéder au registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus 24 heures sur 24. Le registre est par ailleurs conçu comme une plateforme d'information proposant au public des renseignements sur la question du consentement ou de l'opposition au prélèvement post mortem. L'objectif de la délégation des tâches relatives au registre est d'assurer que celles-ci puissent être remplies le plus efficacement possible à l'échelle de la Suisse.

Gestion matérielle et financière de la subvention Aucune décision relative à l'éventuelle délégation des tâches de la Confédération liées à la tenue du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus, comme le prévoit l'art. 54, al. 2, let. a, n'a encore été prise. Le Conseil fédéral prévoit cependant de déléguer ces tâches à une organisation ou à une personne compétente de droit public ou privé. La surveillance de cette organisation ou de cette personne doit reposer sur des conventions de prestations et sur les objectifs détaillés qui y sont définis.

Procédure d'allocation de la subvention Conformément à l'art. 54, al. 3, de la loi sur la transplantation, les organisations et les personnes chargées de tâches d'exécution peuvent prétendre à la rémunération de leurs prestations. Cette indemnisation s'effectue sur la base de conventions de prestations à renouveler périodiquement.

Dans le cadre de la création de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP)55 (révision totale), la procédure de délégation des tâches découlant de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions (LSu)56 a elle aussi été revue et doit être prise en compte dans la loi sur la transplantation. En vertu des nouvelles dispositions de la LSu, la délégation des tâches de la Confédération doit ­ pour autant qu'il y ait plusieurs bénéficiaires potentiels ­ être réglée dans une loi spéciale (nouvel art. 10, al. 1, let. e, ch. 1, LSu). Si la loi spéciale ne prévoit pas de réglementation particulière de la procédure de sélection, celle-ci obéit, à quelques exceptions près, aux règles de la LMP (nouvel
art. 15b LSu). La délégation de la tenue du registre sera conforme aux dispositions révisées.

Limitation dans le temps et dégressivité de la subvention La tenue du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus est une tâche permanente. La subvention n'est par conséquent ni limitée dans le temps ni dégressive.

55 56

RO 2020 641 RS 616.1

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6.6.5

Délégation de compétences législatives

Le projet de loi prévoit plusieurs délégations au Conseil fédéral. Celles-ci l'autorisent à prévoir certaines exceptions au principe du consentement présumé (art. 8, al. 4). Le Conseil fédéral peut, de plus, confier la tenue du registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus à des organisations et à des personnes de droit public ou privé (art. 54, al. 2, let. a) et définir les identifiants permettant d'entrer dans le registre (art. 10a, al. 4). En outre, le Conseil fédéral est tenu d'édicter des dispositions d'exécution relatives à certains aspects du consentement présumé (art. 8b, al. 5, 10, al. 5, et 10a, al. 5). Les délégations se limitent à un objet de la réglementation et sont suffisamment concrétisées du point de vue du contenu, de la finalité et de l'étendue de la tâche à accomplir.

6.6.6

Protection des données

Pour permettre l'enregistrement centralisé et sécurisé des déclarations d'opposition au prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules, la Confédération doit créer un registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus (art. 10a du projet).

L'art. 17 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données57 soumet le traitement des données personnelles à l'existence d'une base légale; la présente modification de la loi sur la transplantation crée cette base pour le registre des déclarations relatives au don d'organes et de tissus.

En plus de son nom, de son prénom et de sa date de naissance, il est prévu d'identifier le donneur à l'hôpital à l'aide de son numéro AVS. L'art. 50e, al. 1, LAVS exige à cet effet que les droits d'accès et de l'utilisation des données soient réglés dans une loi fédérale. La base légale nécessaire est créée avec l'art. 10a, al. 4.

57

RS 235.1

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Annexe

Vue d'ensemble des formes d'expression de la volonté en matière de don d'organes Modèle

Principe du consentement explicite

Principe du consentement présumé

Autres dénominations

Opt-in

Opt-out, modèle de l'opposition

Sens strict

Le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules n'est permis que si la personne décédée y a consenti de son vivant. L'absence de consentement équivaut à un refus.

Le prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules est permis, sauf si la personne décédée s'y est opposée de son vivant. L'absence d'opposition équivaut à un consentement.

Sens large

Si l'on ne connaît pas la volonté de la personne décédée, les proches sont associés à la décision.

Si l'on ne connaît pas la volonté de la personne décédée, les proches sont associés à la décision.

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