19.084 Message relatif à l'approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et l'Indonésie du 13 décembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 4 février 2019 entre la Confédération suisse et la République d'Indonésie, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 décembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Le traité a pour but d'améliorer la coopération judiciaire en matière pénale avec l'Indonésie. Il contribue à renforcer la lutte contre la criminalité internationale.

La Suisse élargit ainsi son réseau mondial de traités dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale, dans l'intérêt d'une sécurité accrue.

Contexte Une bonne coopération avec les autorités judiciaires étrangères se révèle de plus en plus indispensable pour lutter efficacement contre le crime. Cette affirmation vaut spécialement pour les infractions à caractère transnational, auxquelles les autorités se trouvent de plus en plus souvent confrontées dans le contexte de la mondialisation croissante. Pour traiter ce type d'affaires avec succès, un État ne peut souvent pas se passer du soutien d'autres pays. Les traités d'entraide judiciaire constituent les bases de droit international public pour cette coopération. En outre, ils ont pour but d'éliminer les incertitudes et de combler les lacunes qui ont été constatées dans la pratique de la coopération bilatérale jusque-là.

La Suisse a déjà conclu de nombreux traités d'entraide de ce type avec des pays extra-européens et a pu élargir ce cercle à l'Indonésie. Ce traité permettra de mieux lutter contre des infractions telles que le blanchiment d'argent ou la corruption.

Contenu du projet Le traité crée une base de droit international public afin que les autorités judiciaires suisses et indonésiennes puissent coopérer en matière d'enquête et de poursuite d'infractions pénales. Il s'inscrit dans le droit fil des traités d'entraide conclus jusqu'ici par la Suisse. À l'instar de ces derniers, il reprend les grands principes énoncés dans la loi suisse sur l'entraide judiciaire et dans la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, qui constitue l'instrument multilatéral déterminant en la matière au sein du Conseil de l'Europe; ces principes sont complétés par des dispositions tirées d'autres instruments internationaux en la matière.

Les États contractants s'engagent à coopérer aussi largement que possible selon les termes du traité. À ce propos, le traité énumère des actes de soutien envisageables et fixe les conditions de la coopération ainsi que les modalités de l'exécution pratique.

Il établit clairement les exigences à remplir par une demande
d'entraide judiciaire et énumère tous les motifs pouvant justifier le refus de l'entraide. Aux fins de simplifier et d'accélérer la procédure, il désigne une autorité centrale compétente dans les deux États et élimine les formalités inutiles. Pour la première fois, une disposition traitant spécifiquement de la protection des données a été incluse dans un traité d'entraide judiciaire.

Le traité ne requiert pas de modifications du droit en vigueur.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Les relations entre la Suisse et l'Indonésie étaient jusqu'ici d'ordre essentiellement économique et commercial, ainsi que l'illustre notamment la signature de l'accord de partenariat économique de large portée entre les États de l'AELE et l'Indonésie du 16 décembre 20181. La Suisse et l'Indonésie souhaitent à présent coopérer aussi plus étroitement dans la lutte contre la criminalité. Il est dans l'intérêt des deux États d'améliorer l'efficacité de la coopération dans ce domaine. Actuellement, les points forts de cette lutte sont les infractions économiques, le blanchiment d'argent et la corruption. En l'occurrence, il y va non seulement du voeu des autorités de poursuite pénale de poursuivre et de réprimer les infractions aux fins d'améliorer la sécurité, mais encore des efforts visant à protéger l'intégrité de la place financière suisse, plus précisément à empêcher l'utilisation des instituts financiers suisses à des fins criminelles, ce qui nuit indéniablement à la réputation de notre place financière. Au-delà, il existe bien sûr aussi un besoin de coopération bilatérale efficace dans le domaine de la lutte contre la criminalité en général. Face à la mondialisation croissante et à la modernisation constante des technologies, dans les domaines de la communication et de la transmission des données notamment, les États se trouvent de plus en plus souvent confrontés en matière pénale à des faits qui ont un caractère transnational.

Pour traiter ce type d'affaires avec succès, un pays ne peut souvent se passer du soutien d'autorités partenaires à l'étranger. Or, cette coopération requiert des bases légales ad hoc.

Par le passé, la coopération avec l'Indonésie dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale s'est parfois révélée problématique. Les demandes indonésiennes ne correspondent en effet pas toujours aux normes usuelles dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale. En outre, la pratique a montré qu'il y avait régulièrement, du côté indonésien, des malentendus au sujet des conditions requises pour obtenir une entraide judiciaire de la part de la Suisse. Ce genre de malentendus et les attentes qui en résultent peuvent déboucher sur des frustrations, surtout dans des affaires pénales importantes pour l'autre État sur les plans politique et économique, à l'instar de celles
qui ont récemment amené l'Indonésie à adresser des demandes d'entraide judiciaire à la Suisse. Ces affaires peuvent, en fonction des circonstances, avoir des conséquences néfastes bien au-delà du cas particulier et affecter l'ensemble des relations bilatérales. Ce fut là une raison de plus pour la Suisse d'accepter d'entamer des négociations sur un tel traité avec l'Indonésie, qui insistait depuis longtemps pour qu'un tel accord soit conclu.

Ce traité d'entraide judiciaire moderne vise à remédier aux problèmes qui entachent les relations bilatérales dans ce domaine. À cet effet, il définit en détail les exigences que doit remplir une demande d'entraide judiciaire, précise les motifs de refus qui sont admissibles et décrit exactement la procédure à suivre. La présente base de droit 1

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international public garantit, outre les consultations entre les autorités concernées sur des affaires précises, la transparence et la sécurité du droit nécessaires aux futures relations entre les deux États.

1.2

Autres solutions étudiées

La loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP) 2 permet certes à la Suisse une vaste coopération avec d'autres États, sans que des traités spécifiques ne doivent être conclus. L'inverse n'est toutefois pas toujours vrai. Qui plus est, le droit interne n'oblige pas à la coopération. Il est par conséquent impératif de conclure un traité (à l'instar du présent accord) pour que la Suisse, en qualité d'État requérant, puisse profiter elle aussi d'une large coopération qui soit contraignante pour l'autre partie.

1.3

Déroulement et résultat des négociations

Un premier cycle de négociations a eu lieu en avril 2015. Les négociations ont pu être menées sur la base d'un texte inspiré des traités bilatéraux conclus jusque-là par la Suisse. Il faut y voir un succès, car l'Indonésie avait soumis au préalable son propre projet à la Suisse, projet qui s'écartait en partie de la proposition suisse. Le premier cycle de négociations a fait ressortir des divergences sur différents points, notamment dans le domaine de l'entraide en matière fiscale et de la protection des données, sujets sur lesquels il n'a pas été possible de s'entendre ou qui requéraient un examen approfondi de la part des deux parties. Un deuxième cycle de négociations s'est tenu en août 2017. Celui-ci a permis de trouver des solutions pour éliminer les divergences. Dans le domaine fiscal, l'Indonésie a ainsi accepté le compromis proposé par la Suisse, qui prévoit que les deux parties s'engagent également à coopérer le plus largement possible sur les infractions fiscales, dans les limites de leur droit interne. Dans les traités d'entraide judiciaire conclus jusque-là, la coopération en la matière n'a pas de caractère contraignant: le caractère fiscal de l'infraction peut même être un motif de refus de l'entraide judiciaire. Une solution a aussi pu être trouvée pour le domaine de la protection des données. La Suisse a prêté une attention toute particulière aux droits de l'homme dans la négociation de l'accord.

Dès le préambule, les deux parties soulignent expressément leur volonté d'appliquer le traité en tenant compte des instruments existant en matière de protection des droits de l'homme et de coopérer dans le but de les promouvoir. Cette volonté est encore renforcée dans les motifs de refus de l'entraide judiciaire (art. 4, par. 1, let. c et e à g). Intéressée à conclure rapidement le traité, notamment pour des motifs de politique intérieure, l'Indonésie a aussi fait des concessions sur d'autres points. Les négociations ont ainsi pu être achevées le 31 août 2017.

2

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RS 351.1

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Le traité négocié repose sur les principes du droit suisse en matière d'entraide judiciaire et s'inscrit dans le droit fil des accords conclus jusqu'ici par la Suisse. Des dispositions de l'EIMP ont pu être reprises dans le traité, ce qui leur donne un caractère de droit international public et les rend contraignantes pour les deux parties.

Différentes réglementations permettent de simplifier et d'accélérer la procédure d'entraide judiciaire. Ce traité constitue un instrument moderne et maniable, qui tient compte des besoins de la pratique et constitue ainsi la base d'une lutte plus efficace contre les infractions transnationales.

Le Conseil fédéral a approuvé le traité le 14 septembre 2018. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter et le ministre indonésien de la justice Yasonna Laoly l'ont signé le 4 février 2019 à Berne.

1.4

Relation avec le programme de la législature et les stratégies du Conseil fédéral

Ce projet ne figure ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20193, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20194.

Il s'inscrit dans la politique suisse visant à étendre, au niveau mondial, le réseau d'instruments juridiques dans le domaine de la coopération internationale en matière pénale, aux fins de renforcer la lutte contre la criminalité, et dans la stratégie du Conseil fédéral consistant à garantir la sécurité par le biais de la coopération, élément central qui fait partie depuis toujours de la politique suisse (voir le rapport du 7 juin 1999 «La sécurité par la coopération»5). La coopération plus étroite qui a été convenue doit empêcher que des instituts financiers suisses soient utilisés à des fins criminelles. Le présent projet soutient donc également les efforts déployés par le Conseil fédéral pour assurer l'intégrité de la place financière suisse.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation (LCo)6, une consultation doit être organisée lors de la préparation de traités internationaux qui sont sujets au référendum prévu par l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution (Cst.)7. Le présent traité remplit cette condition.

L'art. 3a, al. 1, let. b, LCo permet de renoncer à la procédure de consultation lorsqu'aucune information nouvelle n'est à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues, notamment parce que l'objet dont traite le projet a déjà été mis en consultation précédemment. Dans le cas présent, on a renoncé à organiser une consultation en vertu de cette disposition.

3 4 5 6 7

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 1999 6903 RS 172.061 RS 101

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Le traité s'inscrit en effet dans le droit fil de la politique suivie de longue date par le Conseil fédéral visant à étendre le réseau d'accords dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale. Son contenu correspond dans une très large mesure à celui d'accords similaires déjà conclus par la Suisse. La nouvelle disposition sur la protection des données reprend pour sa part des exigences du droit européen en la matière. Les exigences en question qui n'étaient pas déjà remplies par le droit suisse sur l'entraide judiciaire ont été transposées dans l'EIMP8, sur la base de la directive UE 2016/6809, après une procédure de consultation10. Il n'y avait par conséquent pas lieu d'escompter de nouvelles informations d'une procédure de consultation.

Les cantons avaient été informés du présent projet en 2012, à l'occasion d'une consultation informelle des ministères publics cantonaux au sujet de la stratégie du Département fédéral de justice et police relative aux traités internationaux dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale; ils ont par conséquent eu la possibilité de prendre position. Ils ont ainsi fait état de l'intérêt, du point de vue des poursuites pénales, à élaborer rapidement un traité d'entraide judiciaire avec l'Indonésie, notamment en vue de lutter contre le blanchiment d'argent.

3

Présentation du traité

Le traité d'entraide judiciaire règle la coopération entre la Suisse et l'Indonésie en matière d'enquête, de poursuite et de répression des infractions. Les États contractants s'engagent à s'accorder l'entraide judiciaire la plus large possible dans ce domaine.

À l'instar des traités d'entraide judiciaire conclus jusqu'ici par la Suisse, le présent accord énumère les mesures pouvant être prises pour soutenir une procédure pénale dans l'autre État; il énonce les conditions requises pour fournir l'entraide, définit quelles informations doivent figurer dans une demande afin qu'elle puisse être traitée par l'État requis et arrête les modalités relatives à l'exécution de la demande.

Il énonce des principes qui sont importants pour la Suisse, tels que l'exigence de la double incrimination ou le principe de spécialité, qui prévoit des restrictions pour 8

9

10

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Chapitre 1b EIMP, inséré dans le cadre de la loi fédérale du 28 septembre 2018 mettant en oeuvre la directive (UE) 2016/680 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, RO 2019 625.

Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil, JO L 119 du 4 mai 2016, p. 89.

Procédure de consultation du 21 décembre 2016 au 4 avril 2017 relative à l'avant-projet de loi fédérale sur la révision totale de la loi sur la protection des données et sur la modification d'autres lois fédérales. Une synthèse des résultats de la procédure de consultation peut être consultée à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation terminées > 2016 > DFJP

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l'utilisation d'informations ou de moyens de preuve. Les motifs de refus de l'entraide judiciaire sont énumérés de manière exhaustive. Enfin, le présent traité contient une nouveauté par rapport aux traités d'entraide judiciaire conclus jusqu'ici, à savoir une disposition sur la protection des données.

Le traité ne requiert pas de transposition dans le droit suisse. Il repose en effet sur les principes en vigueur dans ce domaine. Ses dispositions sont formulées d'une manière suffisamment détaillée pour être considérées comme directement applicables.

Le traité a été conclu en langues allemande, anglaise et indonésienne, les trois versions faisant également foi. En cas de divergences d'interprétation, la version anglaise est déterminante.

4

Commentaire des dispositions de l'accord

Art. 1

Obligation d'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale

Le traité crée une obligation de droit international public pour les deux États de s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale. Conformément aux dispositions du traité, la coopération doit être la plus large possible. L'État requis est tenu de donner suite à une demande d'entraide judiciaire qui s'inscrit dans le cadre du traité, s'il n'y a pas de motifs d'inapplicabilité ou de refus au sens des art. 3 et 4 et que les autres conditions énoncées dans le traité sont remplies, telles que la double incrimination dans le cas d'actes de soutien requérant des mesures de contrainte (art. 6).

Art. 2

Étendue de l'entraide

Le par. 1 énumère les mesures d'entraide judiciaire qui peuvent être prises à l'appui de l'État requérant. Il s'agit de mesures courantes, qui sont bien connues dans le droit suisse en matière d'entraide judiciaire. Une clause générale (let. k) a été incluse, qui permet de prendre des mesures autres que celles qui sont expressément énumérées à condition que ces mesures soient conformes aux objectifs du traité et au droit de l'État requis. Cette disposition autorise une certaine souplesse dans le cas particulier afin de pouvoir tenir compte de circonstances spéciales ou de futurs développements.

La précision intégrée à la demande de l'Indonésie au par. 2 et prévoyant que le traité peut, sur requête, s'appliquer également à des infractions antérieures à l'entrée en vigueur de l'accord, correspond à un principe connu de l'entraide judiciaire suisse.

Une telle disposition figure déjà explicitement dans les traités d'entraide judiciaire conclus avec les États-Unis d'Amérique11 et avec l'Australie12. Elle n'est toutefois pas applicable à des procédures d'entraide judiciaire closes, ni aux demandes d'entraide déclinées définitivement.

11 12

Traité du 25 mai 1973 entre la Confédération Suisse et les États-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.933.6); art. 41, par. 2.

Traité du 25 novembre 1991 entre la Suisse et l'Australie sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.915.8); art. 22, par. 2.

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L'entraide judiciaire dans le domaine fiscal revêt une grande importance pour l'Indonésie. Il était par conséquent essentiel d'inscrire au par. 3 l'obligation d'accorder également l'entraide judiciaire la plus large possible dans les affaires fiscales, dans le respect du droit interne de l'État requis. Dans les traités d'entraide judiciaire conclus jusqu'ici par la Suisse, le caractère fiscal de l'infraction peut constituer un motif de refus de l'entraide. Étant donné que l'EIMP reste déterminante pour la Suisse, l'art. 2, par. 3, du traité n'a pas de signification spécifique pour notre pays: la disposition ne va pas au-delà de ce qui est admissible en vertu de l'EIMP au moment déterminant (les conditions applicables selon le droit en vigueur sont énoncées à l'art. 3, al. 3, EIMP). Du point de vue de ses conséquences concrètes, cette disposition ne présente donc aucune différence par rapport aux formulations usuelles figurant dans les traités d'entraide judiciaire conclus jusqu'ici.

Art. 3

Inapplicabilité

À l'instar de tous les traités d'entraide judiciaire conclus jusqu'ici par la Suisse, le présent accord passé avec l'Indonésie se limite à l'entraide judiciaire accessoire en matière pénale. Les autres domaines de la coopération judiciaire en matière pénale sont exclus du champ d'application du traité, à savoir la recherche, l'arrestation et la détention de personnes aux fins d'extradition, l'exécution de jugements pénaux, y compris le transfèrement de personnes condamnées afin qu'elles purgent leur peine, ainsi que la délégation de la poursuite pénale.

La restitution de valeurs prévue à l'art. 15, qui s'appuie en règle générale sur un jugement prononcé dans l'État requérant, n'est pas exclue par la let. b.

Art. 4

Motifs de refuser ou de différer l'entraide judiciaire

Le par. 1 dresse une liste exhaustive des motifs pouvant être invoqués pour refuser l'entraide judiciaire. Il s'agit des motifs de refus usuels pour la Suisse, tels qu'ils figurent dans des traités conclus précédemment. Ils concernent des infractions de nature politique ou militaire (let. a et b), des cas où l'exécution de la demande porterait atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts nationaux (let. c), des faits qui ont déjà fait l'objet d'un jugement définitif (let. d) ainsi que différents cas de figure dans le domaine des droits de l'homme (let. e à g).

Lorsqu'il existe un tel motif de refus dans un cas concret, c'est le droit interne de l'État requis qui est déterminant pour la décision de décliner la demande d'entraide judiciaire. Pour la Suisse, ce sont avant tout les art. 1a, 2, 3 et 5 EIMP qui sont alors applicables. En présence d'un tel motif, l'entraide judiciaire doit être refusée. Selon la conception juridique suisse, la notion d'ordre public (voir let. c) comprend le respect des droits fondamentaux. En font partie entre autres le droit à la vie, l'interdiction de la torture ou de tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou humiliant, ainsi que les garanties fondamentales de procédure telles qu'elles sont inscrites au niveau universel, notamment dans le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques13 (Pacte ONU II). La mention explicite des motifs de refus liés au respect des droits de l'homme aux let. e à f augmente la 13

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RS 0.103.2

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sécurité du droit et souligne l'importance que revêtent les droits de l'homme. Étant donné que l'Indonésie connaît encore la peine de mort pour certaines infractions, une disposition a été insérée à la let. g en vertu de laquelle l'État requérant (concrètement l'Indonésie) doit fournir une garantie suffisante que la peine capitale ne sera pas requise, ni prononcée ni exécutée dans le cas concret. Des dispositions analogues figurent dans des traités d'entraide judiciaire conclus avec des partenaires qui avaient déjà aboli la peine de mort; une clause à ce sujet a été maintenue à titre de sécurité pour parer à tout développement. C'est le cas des traités passés avec Hong Kong14, le Mexique15 et la Colombie16.

Art. 5

Droit applicable

En principe, c'est le droit de l'État requis qui est déterminant pour l'exécution des demandes d'entraide judiciaire (par. 1). En Suisse, il s'agit de l'EIMP ainsi que, accessoirement, du code de procédure pénale (CPP)17.

Le par. 2 autorise des dérogations à ce principe. À la demande expresse de l'État requérant, la procédure peut ainsi être exécutée selon ses dispositions légales, à condition que le droit de l'État requis ne s'y oppose pas. Cette possibilité vise à éviter que l'utilisation d'informations obtenues par le biais de l'entraide judiciaire à titre de moyens de preuve n'échoue dans la procédure pénale de l'État requérant ou ne soit rendue démesurément compliquée par le fait qu'une procédure inscrite dans son droit n'a pas été respectée. Il existe des réglementations similaires à l'art. 65 EIMP et à l'art. 8 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 200118 (Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire).

Art. 6

Double incrimination et mesures de contrainte

Si l'exécution d'une demande d'entraide judiciaire implique des mesures de contrainte, les faits incriminés doivent constituer une infraction non seulement au regard du droit de l'État requérant, mais aussi au regard du droit de l'État requis (par. 1). Il importe que les caractéristiques objectives du comportement incriminé correspondent à une infraction dans les deux États, et non que la désignation de l'acte ou son attribution à une catégorie d'infractions soient équivalentes ou non (par. 2).

L'exigence de la double incrimination pour ordonner des mesures de contrainte fait partie des règles-clés du droit suisse en matière d'entraide judiciaire. Elle est inscrite

14

15 16 17 18

Accord du 15 mars 1999 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.941.6); art. 3, par. 2, let. c.

Traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 11 novembre 2005 entre la Confédération Suisse et les États-Unis du Mexique (RS 0.351.956.3); art. 3, par. 1, let. h.

Traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 27 janvier 2011 entre la Confédération Suisse et la République de Colombie (RS 0.351.926.3); art. 4, par. 1, let. h.

RS 312.0 RS 0.351.12

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à l'art. 6419 EIMP et dans la déclaration de la Suisse relative à l'art. 5, par. 1, de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 195920 (Convention européenne d'entraide judiciaire). Le par. 4 précise que la condition de la double incrimination ne doit pas être remplie si l'exécution de la demande ne requiert pas de mesures de contrainte, par exemple une demande de notification d'actes de procédure.

Art. 7

Mesures provisoires

Cette disposition importante dans la pratique repose sur l'art. 18, al. 1, EIMP et elle se retrouve également à titre de principe dans l'art. 24 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire. Elle permet, à la demande de l'État requérant, d'ordonner des mesures provisoires pour sauvegarder des preuves, pour maintenir un état de fait ou pour protéger des intérêts juridiques menacés. L'autorité compétente de l'État requis ordonne les mesures nécessaires, par exemple le blocage de comptes, pour autant qu'aucun motif manifeste ne s'oppose dans le cas concret à l'octroi de l'entraide judiciaire.

Art. 8

Utilisation restreinte de renseignements, de documents et d'objets

Le principe de spécialité, qui joue un rôle important dans le droit suisse, restreint l'utilisation par l'État requérant des informations et des documents qui lui sont transmis dans le cadre de l'entraide judiciaire et la soumet au contrôle par l'autorité centrale de l'État requis (par. 1). Le par. 2 définit deux exceptions précises dans lesquelles l'approbation préalable de l'autorité centrale n'est pas nécessaire: lorsque la procédure pénale étrangère est dirigée contre d'autres personnes ayant participé à la commission de l'infraction (let. a) ou lorsque le matériel est utilisé pour une enquête ou une procédure concernant le versement de dommages-intérêts qui a un lien avec une procédure pour laquelle l'entraide judiciaire a été accordée (let. b).

Art. 9

Données à caractère personnel

Pour la première fois, un traité d'entraide judiciaire conclu par la Suisse comprend un article visant à protéger les données à caractère personnel appelées à être transmises en vertu de l'accord. Cette nouveauté découle de la récente législation de l'UE, notamment celle dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (voir la directive [UE] 2016/680), dont la Suisse doit tenir compte en vertu de son association à Schengen. Cette législation sur la protection des données formule certaines exigences, notamment au sujet du traitement, de la transmission et de l'utilisation des données à caractère personnel dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale. La directive (UE) 2016/680 contient différentes dispositions dont il faut tenir compte lors de la communication de données à caractère personnel à des États tiers ou à des organisations internationales (en parti19

20

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L'art. 64, al. 2, EIMP prévoit deux exceptions permettant d'ordonner des mesures de contrainte même en l'absence de la double incrimination. Cette disposition vise des mesures tendant à disculper la personne poursuivie ou à poursuivre des actes d'ordre sexuel avec des mineurs.

RS 0.351.1

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culier ses art. 35 et 37). L'art. 11f EIMP transpose ces exigences dans le droit suisse, en prévoyant qu'un niveau de protection adéquat des données personnelles peut être assuré notamment par le biais d'un traité international (art. 11f, al. 2, let. b, EIMP).

L'art. 9 du traité énonce donc des principes généraux qui sont valables également pour l'entraide pénale et oblige les parties à protéger les données traitées dans le cadre de l'entraide judiciaire ainsi qu'à octroyer aux personnes qui sont concernées par la transmission des données les droits qui sont les leurs dans un tel cas de figure.

Ces dispositions sont déjà applicables aujourd'hui en Suisse21. Si elles figurent dans le traité, c'est notamment pour que l'Indonésie applique également ces principes. La Suisse se félicite d'avoir pu les inscrire dans le traité.

Les points suivants méritent d'être relevés.

Le principe de finalité inscrit au par. 1 reprend, du point de vue de la protection des données, la restriction de l'utilisation énoncée à l'art. 8 sous l'angle de l'entraide judiciaire. L'État requis peut ainsi fixer des conditions relatives à l'utilisation des documents qu'il transmet et l'État requérant doit respecter ces conditions. Si l'État destinataire souhaite utiliser les données à d'autres fins, il doit au préalable obtenir l'autorisation de l'État qui les a transmises. Cette condition n'est pas applicable dans les cas prévus à l'art. 8, par. 2, let. a et b.

Le par. 2, let. a, dispose que seules des données ayant un rapport avec la demande peuvent être transmises dans le cadre de l'entraide judiciaire. D'autres principes de protection des données arrêtés au par. 2 correspondent également aux dispositions du droit suisse, tels que la rectification de données erronées ou la possibilité de vérifier la transmission des données, ce qui peut être assuré par la documentation de ces transmissions dans le système de gestion des affaires (let. d). Il en va de même de l'obligation de protéger les données contre la perte, la destruction, la modification, l'accès ou l'utilisation non autorisés (par. 3), ce qui est assuré notamment par des précautions techniques.

Le par. 4 dispose que les Parties contractantes doivent garantir les droits de la personne concernée par la transmission des données, à savoir l'accès aux données la concernant,
la suppression ou la rectification de celles-ci ainsi que les restrictions de leur traitement. Ces droits peuvent cependant être restreints ou leur exercice être différé, en tenant dûment compte des droits fondamentaux de la personne, si la protection d'intérêts légitimes le requiert, notamment pour protéger la sécurité publique et nationale, pour empêcher des infractions et les poursuivre ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui (par. 5). Les art. 15 et 16 de la directive (UE) 2016/680 prévoient des motifs identiques pour la restriction des droits de la personne concernée par la transmission des données. En Suisse, les art. 11b, 11d et 80b EIMP sont déterminants; ils sont complétés par les dispositions spécifiques concernant la procédure de recours énoncées aux art. 80e ss EIMP.

21

Voir notamment les dispositions pertinentes de la loi du 28 septembre 2018 sur la protection des données Schengen (RS 235.3) en relation avec la première partie, chapitre 1b, de l'EIMP, ainsi que l'art. 11a EIMP déjà en vigueur auparavant et concernant le système de gestion de personnes, de dossiers et d'affaires de l'Office fédéral de la justice, en relation avec l'ordonnance de même nom du 23 septembre 2016 (RS 351.12), l'art. 80b EIMP (Participation à la procédure et consultation du dossier) et les art. 80e ss EIMP (Voies de recours).

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FF 2020

Art. 10

Présence de personnes participant à la procédure

Cette disposition permet à des personnes qui participent à la procédure ouverte dans l'État requérant (juges d'instruction, procureurs, défenseurs, etc.) d'assister à l'exécution des actes d'entraide, à condition que l'État requis y ait consenti. La mise en oeuvre est régie par l'art. 65a EIMP lorsque la Suisse est l'État requis. Les personnes étrangères n'ont pas le droit d'intervenir activement dans la procédure, qui demeure à tout moment sous la direction de l'autorité suisse compétente; il faut empêcher également que des faits ressortissant au domaine secret ne soient prématurément portés à leur connaissance. L'autorité compétente doit s'assurer que ces personnes n'ont pas accès à des informations juridiquement protégées, telles que des documents bancaires, tant que leur remise n'a pas été autorisée de manière définitive. Si ces exigences ne sont pas respectées, la présence des participants étrangers reviendrait dans les faits à contourner la procédure d'entraide judiciaire.

Art. 11

Dépositions de témoins sur le territoire de l'État requis

Cette disposition définit la procédure à suivre lorsqu'une personne doit être entendue en qualité de témoin sur le territoire de l'État requis. L'audition est régie par le droit de cet État. La personne concernée peut toutefois également invoquer le droit de l'État requérant pour refuser de témoigner (par. 1). Si elle fait valoir ce droit, les autorités de l'État requérant doivent communiquer à leurs homologues de l'État requis si ce refus est licite en vertu du droit interne du pays (par. 2). En tout état de cause, la personne qui fait valoir le droit de refuser de témoigner n'encourt aucune sanction légale (par. 3).

Art. 12 à 14

Remise d'objets, de documents, de dossiers ou d'éléments de preuve; dossiers de tribunaux ou d'instruction; casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

L'art. 12 touche à un élément central de l'entraide judiciaire, à savoir la remise de documents, de dossiers, d'éléments de preuve et d'objets que l'État requérant sollicite pour les besoins d'une procédure pénale. Les modalités de la remise correspondent en substance à la réglementation figurant à l'art. 74 EIMP. L'art. 13 précise les conditions auxquelles des actes de tribunaux ou d'instruction doivent également être mis à la disposition de l'État requérant. Toutefois, ces actes ne peuvent être remis que s'ils se rapportent à une procédure close; s'ils se rapportent à une procédure pendante, l'autorité compétente de l'État requis décide de l'admissibilité de la remise. L'art. 14 prévoit la possibilité de transmettre également des extraits de casiers judiciaires, dans la mesure acceptable par le droit interne. En Suisse, la base légale pertinente est l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire22. Au vu de la refonte du casier judiciaire qui est en cours, le simple renvoi au droit interne garantit la souplesse nécessaire à l'avenir. Actuellement, la remise de ces informations repose sur la norme définie à l'art. 13 de la Convention européenne d'entraide judiciaire, qui est transcrite dans les traités d'entraide judiciaire existants.

22

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RS 331

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Art. 15

Restitution d'objets et de valeurs

Cette disposition constitue une autre règle-clé de l'entraide judiciaire. Elle complète la transmission de moyens de preuve réglée aux art. 12 ss et revêt une grande importance dans la pratique. La réglementation est conforme à l'art. 74a EIMP.

Le par. 1 crée la base légale nécessaire pour que les objets ou les valeurs saisis provenant d'une infraction puissent être remis à l'État requérant, en vue de leur restitution à l'ayant droit ou de leur confiscation. La disposition s'applique aussi bien aux instruments qu'aux produits de l'infraction, lesquels englobent également d'éventuelles valeurs de remplacement. Avant que la restitution n'ait lieu, il importe de satisfaire les tiers qui feraient valoir des droits de bonne foi. Dans la pratique, les demandes porteront le plus souvent sur la restitution de fonds qui auront été saisis dans le cadre de l'entraide.

En vertu du par. 2, la restitution requiert en règle générale une décision de confiscation définitive et exécutoire de l'État requérant. À titre exceptionnel, des objets ou des valeurs peuvent toutefois être restitués à un stade antérieur de la procédure, sur la base du droit interne. La remise anticipée peut se justifier lorsqu'il existe des indices qui donnent clairement à penser que les objets et valeurs saisis ont été acquis délictueusement et que ceux-ci peuvent être attribués sans doute possible à une personne ou à un groupe de personnes déterminés. En pareil cas, la jurisprudence du Tribunal fédéral établit qu'il n'est pas indiqué que la Suisse attende la clôture de la procédure pénale pour restituer à l'État requérant les biens provenant de l'infraction23.

Art. 16

Partage de valeurs confisquées

Le partage des valeurs confisquées est de plus en plus admis comme moyen d'améliorer l'efficacité de la coopération. Donner une part à un État qui, par sa coopération, a contribué au succès d'une procédure de confiscation doit également encourager l'État coopérant à garantir un soutien efficace à l'avenir.

Le par. 1 arrête le principe du partage des valeurs confisquées. Un accord régissant les modalités du partage ­ telles que les conditions ou la clé de répartition ­ est conclu dans chaque cas particulier (par. 2). Si la Suisse est l'État confiscateur, c'est la loi fédérale du 19 mars 2004 sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées24 qui s'applique.

Art. 17

Livraisons surveillées

La livraison surveillée est une méthode d'investigation inscrite dans le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire. Elle s'est révélée particulièrement efficace dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et d'autres formes de criminalité grave. Concrètement, les autorités peuvent ordonner par exemple qu'un envoi illicite ou suspect ne soit pas saisi, mais qu'il soit surveillé jusqu'à sa destination dans un autre État, soit avec son contenu initial intact, soit 23 24

ATF 131 II 169, consid. 6 (entraide judiciaire au Nigeria) RS 312.4 (art. 11 à 13)

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après soustraction ou remplacement de tout ou partie de celui-ci. Cet instrument aide les autorités concernées à identifier plus rapidement les auteurs d'une infraction. La livraison surveillée n'est possible que si l'un des États contractants a présenté une demande d'entraide. Elle est soumise à la législation de l'État requis.

Le par. 1 oblige chaque État à créer les conditions garantissant que, lorsque l'autre partie le lui demande, il puisse autoriser une livraison surveillée sur son territoire.

Les infractions concernées doivent être susceptibles de donner lieu à une extradition et donc être d'une certaine gravité. En vertu du droit suisse, il s'agit d'infractions qui sont passibles, aux termes des législations des deux parties, d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins un an25. Cette disposition ne fonde cependant pas une obligation d'autoriser une livraison surveillée. La décision est prise dans chaque cas d'espèce par les autorités de l'État requis, dans le respect du droit interne (par. 2). Les autorités de cet État sont chargées de l'exécution (par. 3).

Art. 18 à 21

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires; comparution de témoins ou d'experts sur le territoire de l'État requérant

Ces dispositions sont très largement reprises de la réglementation de la Convention européenne d'entraide judiciaire (art. 7 à 10 et 12). Il y a cependant une divergence concernant le sauf-conduit prévu à l'art. 21 pour les personnes citées à comparaître dans l'État requérant. En effet, la personne citée à comparaître jouit pendant 30 jours d'une immunité sur le territoire de l'État requérant contre toute poursuite ou restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ de l'État requis; pour les personnes accusées qui sont citées à comparaître, une immunité analogue est prévue pour les faits ou les condamnations qui ne sont pas visés par la citation (par. 1 et 2, en relation avec le par. 4). Le délai de 30 jours est plus long que les 15 jours qui sont usuels dans les relations avec les États européens. Il est en revanche courant dans les relations avec les pays extra-européens et se retrouve dans plusieurs traités d'entraide judiciaire conclus par la Suisse.

Comme dans des accords antérieurs, la réglementation relative au sauf-conduit a été complétée pour protéger la personne citée à comparaître. Celle-ci ne peut être appelée à témoigner dans le cadre d'une procédure autre que celle qui est visée dans la demande d'entraide, à moins qu'elle n'y consente par écrit (par. 3).

Art. 22

Étendue du témoignage dans l'État requérant

L'art. 22 précise qu'une personne que l'État requérant cite à comparaître en qualité de témoin peut être obligée de témoigner ou de produire des preuves, à moins que la législation de l'un des deux États ne prévoie un droit de refuser de témoigner (par. 1).

25

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Voir art. 35, al. 1, let. a, EIMP.

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Art. 23

Remise temporaire de personnes détenues

La détention résultant de la remise temporaire à l'État requérant doit être prise en compte dans la durée de la peine privative de liberté que la personne concernée doit purger dans l'État requis et être imputée sur celle-ci (par. 4). Cette disposition, que l'on retrouve dans des traités d'entraide judiciaire antérieurs, complète la réglementation fondée sur l'art. 11 de la Convention européenne d'entraide judiciaire.

Art. 24

Audition par vidéoconférence

Cette disposition reprend les principes énoncés à l'art. 9 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire. À l'instar de la réglementation incluse dans des traités d'entraide conclus précédemment avec des États extra-européens, cet article définit les conditions et les modalités pour qu'une personne puisse être entendue directement dans l'État requis par vidéoconférence, au lieu de devoir se rendre dans l'État requérant. Cette disposition s'applique lorsqu'une comparution personnelle dans l'État requérant n'est pas opportune ou impossible (par. 1). L'âge et l'état de santé de la personne concernée peuvent être déterminants, au même titre que des considérations sur la protection des témoins ou encore un risque de fuite ou de collusion. D'autres justifications envisageables sont par exemple que la personne concernée soit partie à l'étranger, car elle risque des poursuites pénales dans l'État requérant, que sa présence dans l'État requis soit nécessaire pour les besoins d'une autre procédure ou qu'une procédure d'extradition en faveur d'un État tiers soit en cours. Les grandes distances, comme entre la Suisse et l'Indonésie, peuvent également soulever la question de la proportionnalité de la comparution personnelle sur place.

Si les conditions requises pour une audition par vidéoconférence sont réunies, l'État requis doit l'autoriser dès lors que cette méthode ne s'oppose pas à ses principes fondamentaux (par. 2). Pour la Suisse, cette exigence signifie en particulier que le recours à la vidéoconférence ne doit pas entraîner de violation du droit à un procès équitable. La base légale suisse relative à la vidéoconférence est l'art. 144, al. 1, CPP.

Une des règles de procédure les plus importantes est que l'audition effectuée par un représentant de l'État requérant doit respecter les principes fondamentaux de l'ordre juridique de l'État requis (par. 4, let. a). Si l'État requis est la Suisse, l'autorité judiciaire suisse qui assiste à l'audition a l'obligation d'intervenir en particulier si son homologue étrangère a recours à des moyens déloyaux ou peu scrupuleux pour influer sur l'audition.

Le procès-verbal prescrit par le par. 5 se limite aux circonstances de l'audition (lieu, date, personnes ayant participé, etc.). La teneur du témoignage ne doit pas y figurer.
Il est également possible en principe d'entendre par vidéoconférence des suspects ou des prévenus, à condition qu'ils y consentent. L'État requis peut décider librement s'il veut donner suite à une telle demande ou non (par. 7).

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Art. 25 à 31

Procédure: autorité centrale; forme de la demande et voies de transmission; contenu et exécution de la demande; légalisation; langue; frais liés à l'exécution de la demande

La réglementation relative à la procédure d'entraide judiciaire à proprement parler correspond pour l'essentiel à celle des traités en la matière conclus jusqu'ici. Elle s'inspire de la Convention européenne d'entraide judiciaire (art. 14 à 17 et 20) et du Deuxième Protocole additionnel à cette convention (art. 4 et 5). Les dispositions qui suivent méritent d'être relevées.

Art. 25 et 28

Autorité centrale; exécution de la demande

Les autorités centrales jouent un rôle primordial dans une procédure d'entraide judiciaire: ce sont elles qui transmettent et qui reçoivent les demandes d'entraide (art. 25, par. 2). Elles sont ensuite chargées de procéder à un premier examen des demandes, puis, si elles ne les traitent pas elles-mêmes en vertu du droit interne, de les transmettre à l'autorité nationale compétente; elles assurent dans tous les cas la coordination de l'exécution (art. 25, par. 3, et 28, par. 2). Si l'examen préliminaire révèle que la demande présente des lacunes, l'autorité centrale invite l'État requérant à la compléter (art. 28, par. 1). Une fois que l'autorité d'entraide judiciaire compétente a exécuté la demande, l'autorité centrale vérifie que l'exécution est complète et fidèle avant de transmettre les informations et éléments de preuve récoltés dans la procédure d'entraide à l'autorité centrale de l'État requérant (art. 28, par. 3). D'une manière générale, les autorités centrales assument en outre un rôle d'intermédiaire, par exemple si des difficultés se présentent dans la coopération entre autorités requérante et requise.

L'autorité centrale suisse est l'Office fédéral de la justice (art. 25, par. 1), qui est chargé, en vertu de l'EIMP, de l'examen sommaire, de la transmission et du contrôle (p. ex. art. 17, al. 2 à 4, 29, 78 et 79 EIMP). En règle générale, l'exécution des demandes d'entraide émanant de l'étranger est transférée au ministère public cantonal compétent ou aux autorités fédérales (p. ex. le Ministère public de la Confédération ou l'Administration fédérale des douanes), mais dans certains cas, l'Office fédéral de la justice peut, en s'appuyant sur l'art. 79a EIMP, statuer lui-même sur l'exécution d'une demande.

Art. 27

Contenu de la demande

Cette disposition dresse la liste détaillée des indications devant figurer dans une demande d'entraide judiciaire. Il ne faut pas sous-estimer son importance pour la pratique. Par souci de transparence et de clarté, l'énumération est plus complète que dans les traités d'entraide antérieurs. Le but est d'éviter autant que possible les pertes de temps liées au renvoi des demandes à l'État requérant pour qu'il les complète ou les rectifie.

Art. 29

Dispense de légalisation, d'authentification et d'autres formalités

La dispense de la légalisation, qui est une évidence depuis longtemps entre les États contractants à la Convention européenne d'entraide judiciaire, constitue un impor850

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tant progrès dans les relations avec des pays extra-européens, puisque ces derniers attachent souvent une grande importance au respect des formalités de procédure.

Ainsi, les moyens de preuve transmis par l'Office fédéral de la justice en sa qualité d'autorité centrale seront acceptés comme tels en Indonésie, sans autre formalité, justification ou attestation d'authenticité.

Art. 32

Transmission spontanée d'informations ou de moyens de preuve

Il peut arriver que, dans le cadre d'investigations ou de poursuites pénales, les autorités d'un État aient connaissance d'informations qui pourraient être importantes pour les autorités judiciaires d'un autre État. En pareil cas, il est dans l'intérêt de la poursuite pénale que de telles informations puissent, à certaines conditions, être transmises aux autorités de l'autre État, avant même qu'il n'ait présenté une demande d'entraide judiciaire. En effet, l'échange d'informations, le plus tôt et le plus rapidement possible, peut jouer un rôle décisif dans la lutte contre la criminalité.

Cette disposition s'appuie sur l'art. 11 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire et figure dans les instruments bilatéraux que la Suisse a conclus précédemment en matière d'entraide judiciaire26. La réglementation s'inspire de l'art. 10 de la Convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime 27.

Cette transmission spontanée d'informations et de moyens de preuve vise trois objectifs: (1) permettre à l'autre État de présenter une demande d'entraide sur la base de ces indications, (2) ouvrir une poursuite pénale, (3) faciliter le déroulement d'une enquête pénale en cours (par. 1). Les informations doivent être échangées par le canal des autorités centrales et dans les limites fixées par le droit interne.

L'art. 67a EIMP régit la transmission d'informations et de moyens de preuve par les autorités suisses à un État étranger. Comme il s'agit d'une disposition potestative, les États contractants ne sont pas tenus d'en faire application.

L'autorité qui communique les informations peut soumettre leur utilisation à des conditions dérivées de son droit interne, conditions que l'État destinataire est tenu de respecter (par. 2).

Art. 33

Dénonciation aux fins de poursuite ou de confiscation

La dénonciation aux fins de poursuite vise à empêcher que des infractions qui ne peuvent pas être poursuivies dans l'un des États contractants restent sans suite. Cette disposition permet à une partie qui a des motifs sérieux de penser qu'une infraction a été commise d'adresser une dénonciation à l'autre partie et de lui fournir d'éventuels moyens de preuve. Cette procédure peut être utile lorsqu'une partie ne peut pas ellemême engager une procédure pénale, car elle n'a pas la compétence juridictionnelle pour le faire.

26

27

Voir notamment les traités d'entraide avec le Brésil (RS 0.351.919.81; art. 29), le Mexique (RS 0.351.956.3; art. 30), le Chili (RS 0.351.924.5; art. 32) et l'Argentine (RS 0.351.915.4; art. 30).

RS 0.311.53

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Cette disposition est également applicable lorsqu'une des parties détient des informations indiquant que des valeurs ou des objets issus d'actes illicites se trouvent dans l'autre État.

Les dénonciations doivent être faites par le canal des autorités centrales des parties.

5

Conséquences

5.1

Conséquences financières, effets sur l'état du personnel et autres conséquences pour la Confédération

Le traité crée de nouvelles obligations pour la Suisse. Cette affirmation vaut spécialement pour l'Office fédéral de la justice, qui est l'autorité centrale par laquelle transiteront les demandes d'entraide judiciaire entre la Suisse et l'Indonésie. Le Ministère public de la Confédération et l'Office fédéral de la police, auquel des tâches d'exécution peuvent être confiées, sont également concernés.

La charge de travail supplémentaire qui en résultera pour ces autorités dépendra du nombre de demandes à traiter et de la complexité des cas, aussi ne peut-elle être quantifiée exactement. Sur la base des éléments disponibles, le traité ne devrait pas entraîner des coûts supplémentaires ni nécessiter un accroissement des effectifs au niveau fédéral. Cette appréciation s'appuie sur le fait que l'entraide judiciaire est possible en vertu de l'EIMP et qu'elle est déjà une réalité. Le traité n'a pas d'autres conséquences au niveau fédéral, que ce soit sur le plan de l'organisation ou de l'informatique.

5.2

Conséquences pour les cantons

Il n'est pas possible d'exclure entièrement une charge de travail supplémentaire pour l'une ou l'autre autorité cantonale d'entraide judiciaire, car elle dépend de l'étendue des demandes et des tâches requises pour y répondre. Comme relevé au ch. 5.1 pour les autorités fédérales, il convient de noter que l'entraide judiciaire est déjà une réalité.

Il est évident que le projet n'aura pas de répercussions spécifiques sur les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne. Ces questions n'ont par conséquent pas été approfondies.

5.3

Conséquences pour l'économie, la société, l'environnement et autres conséquences

Il semble évident que le traité ne devrait avoir aucune conséquence dans les domaines de l'économie, de la société ou de l'environnement, raison pour laquelle ces questions n'ont pas été examinées.

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6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui dispose que la Confédération est compétente en matière d'affaires étrangères. L'art. 184, al. 2, Cst. habilite le Conseil fédéral à signer et à ratifier des traités internationaux. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., il incombe à l'Assemblée fédérale d'approuver ces traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl]28; art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration29). Nous ne sommes pas en présence de ce dernier cas de figure.

6.2

Compatibilité avec les autres obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec les obligations internationales de la Suisse. Son préambule et ses motifs de refus de la coopération assurent en effet le respect des droits de l'homme, notamment des garanties procédurales essentielles que la Suisse s'est engagée à respecter dans différents traités internationaux, par exemple la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe du 4 novembre 195030 ou le Pacte ONU II. L'obligation inscrite à l'art. 1 de s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible reflète les engagements pris par la Suisse dans plusieurs instruments internationaux dans le domaine pénal, à l'instar de la Convention de l'ONU du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée31 ou la Convention de l'ONU du 31 octobre 2003 contre la corruption32. Dans le domaine de la protection des données, le projet tient compte d'exigences de l'UE que la Suisse se doit de respecter dans ses relations avec des États tiers en raison de son association à la coopération Schengen selon la directive (UE) 2016/680.

6.3

Forme de l'acte à adopter

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Aux termes de l'art. 22, al. 4, LParl, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou

28 29 30 31 32

RS 171.10 RS 172.010 RS 0.101 RS 0.311.54 RS 0.311.56

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attribuent des compétences. Sont importantes les dispositions qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale selon les critères énoncés à l'art. 164, al. 1, Cst.

Le présent traité d'entraide judiciaire contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Il crée pour les États contractants l'obligation de s'accorder une entraide judiciaire aussi large que possible. Or, cette obligation a des incidences sur les droits et les devoirs des individus. Ces dispositions doivent par conséquent être considérées comme importantes dans la mesure où, si elles devaient être édictées sur le plan national, elles le seraient sous la forme d'une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst.

L'arrêté fédéral portant approbation du traité est donc sujet au référendum prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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