19.073 Message visant à compléter la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme en vue de la création d'une institution nationale des droits de l'homme (INDH) du 13 décembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet visant à compléter la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 décembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-3290

493

Condensé Le présent projet vise la création d'une institution nationale des droits de l'homme (INDH) chargée de renforcer la protection et la promotion des droits de l'homme en Suisse. Il est prévu de créer l'institution sous la forme d'une corporation de droit public et de l'inscrire dans la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme.

Contexte La création d'une INDH pour la Suisse répond à une exigence largement soutenue en politique intérieure, se trouvant depuis longtemps sur l'agenda politique. Dans les enceintes internationales aussi, la Suisse reçoit régulièrement des recommandations allant dans ce sens. Plus de 120 États, dont presque tous les États membres de l'Union européenne, se sont dotés d'une telle institution.

La résolution 48/134 sur les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Principes de Paris) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1993 encourage les États membres à créer des INDH. Une INDH se caractérise par son indépendance et par son statut particulier, à mi-chemin entre l'État et la société civile, qui lui permet de collaborer avec les autorités de tous les niveaux de l'État, les organisations non gouvernementales, l'économie privée, les milieux de la recherche et les organisations internationales, et de soutenir leurs activités dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'homme. L'INDH permettra ainsi de combler une lacune institutionnelle.

En 2011, la Suisse a lancé le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), un projet-pilote limité dans le temps en vue de la création d'une institution nationale des droits de l'homme (INDH). Il s'agit d'un réseau universitaire auprès duquel la Confédération achète des prestations à hauteur de 1 million de francs par an. Une évaluation externe du projet-pilote a confirmé l'utilité d'une INDH pour la Suisse et l'existence d'une demande pour les prestations d'une institution de cette nature.

Contenu du projet Le projet vise à remplacer le projet-pilote par une INDH durable et inscrite dans la loi sous la forme d'une corporation de droit public. Ce modèle tient dûment compte des résultats de la consultation et des prescriptions internationales.
Cette institution contribue à la protection et à la promotion des droits de l'homme.

Son mandat recouvre tant des questions intérieures en lien avec la situation des droits de l'homme que des questions relatives à la mise en oeuvre en Suisse des engagements internationaux pris en la matière. Ses tâches comprennent l'information et la documentation, la recherche, le conseil ainsi que l'éducation aux droits de l'homme et des activités de sensibilisation. Elle s'attache en outre à promouvoir la collaboration entre les différents acteurs et peut coopérer avec des organisations

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internationales et des institutions des droits de l'homme d'autres pays. L'INDH ne traite toutefois pas de cas d'espèce et ses recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes.

Inscrite dans la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme, l'INDH, contrairement au CSDH, est dotée de la personnalité juridique et jouit de l'indépendance requise. Cela signifie notamment qu'elle peut définir ses propres activités dans le cadre de son mandat et réagir rapidement aux développements qui se présentent. La Confédération et les cantons sont représentés au sein de l'institution par des personnes avec voix consultative.

Comme pour le projet-pilote, il est prévu que la Confédération soutienne l'INDH par une aide financière de 1 million de francs par an. Ces coûts sont compensés à l'interne. L'objectif est également de maintenir l'ancrage universitaire, c'est-à-dire que l'INDH devrait être située dans une ou plusieurs universités. L'ancrage universitaire doit être conçu de manière à ce que les cantons, partenaires de ce projet, continuent à supporter les coûts de l'infrastructure de l'INDH.

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Message 1

Contexte

1.1

Genèse du projet

Les institutions nationales des droits de l'homme (INDH) sont des institutions indépendantes financées par les pouvoirs publics, dont le mandat consiste à protéger et à promouvoir les droits de l'homme. Elles s'en acquittent en particulier par des activités de recherche, de monitorage, de conseil politique, d'éducation aux droits de l'homme et de sensibilisation. Les INDH se caractérisent par leur statut particulier: elles sont indépendantes de l'État et ne sont pas issues de la société civile (organisations non gouvernementales, groupes d'intérêts, communautés religieuses, milieux universitaires, médias, etc.). Ce statut leur permet de collaborer avec tous les acteurs en présence ­ autorités de tous les niveaux de l'État, ONG, associations, syndicats, économie privée, universités et organisations internationales ­ et d'encourager leurs échanges.

La résolution 48/134 Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme1 (Principes de Paris) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 1993 encourage les États membres à créer des INDH.

Les Principes de Paris laissent une grande latitude à chaque État quant à la conception de son institution, tant en ce qui concerne sa forme juridique et son organisation que son mandat, sa taille et ses priorités d'action. Les INDH doivent en particulier satisfaire aux critères suivants: ­

inscription dans la constitution ou dans une loi;

­

mandat étendu de protection et de promotion des droits de l'homme;

­

indépendance institutionnelle à l'égard du gouvernement et du parlement;

­

composition pluraliste;

­

infrastructure adaptée et financement suffisant;

­

pouvoir de formuler des avis et des recommandations et de les rendre publics;

­

possibilité de s'adresser directement à l'opinion publique et d'instaurer des échanges avec d'autres institutions.

Les 123 INDH existantes se sont regroupées pour former l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (Global Alliance of National Human Rights Institutions, GANHRI). Les 79 INDH créditées du statut A sont membres de la GANHRI, tandis que les 34 organisations ayant le statut B y occupent le rang d'observateurs. Les dix institutions disposant du statut C n'exercent aucune fonction officielle. Constituée en association de droit suisse sise à Genève, la GANHRI a été fondée en 1993, lors d'une conférence internationale à Tunis. Elle a pour mission de coordonner les activités des INDH à l'échelle internationale. Un sous-comité est 1

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www.undocs.org/fr/A/RES/48/134

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chargé de l'accréditation des INDH et de l'attribution du statut conformément aux Principes de Paris.

1.1.1

Projet-pilote

En exécution du postulat 02.3394 9 octobre 2002 de la Commission de politique extérieure du Conseil des États («Commission fédérale des droits de l'homme»), le Conseil fédéral a adopté le 1er juillet 2009 le rapport «Création d'une commission fédérale des droits de l'homme: possibilités, opportunité et alternatives»2. Il y constatait l'existence, parmi les milieux intéressés, d'un besoin de soutien et de prestations complémentaires dans le domaine des droits de l'homme, tout en étant d'avis qu'il était trop tôt pour créer une INDH au vu des divergences identifiées.

Le Conseil fédéral a par conséquent décidé de mener un projet-pilote d'une durée de cinq ans, dans le cadre duquel la Confédération achèterait à un centre universitaire nommé Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) des prestations pour un montant de 1 million de francs par an. L'évaluation de ce projet devait permettre de répondre à la question de l'opportunité de créer une institution permanente. En sa qualité de centre de prestations, le CSDH devait contribuer à renforcer les capacités des autorités à tous les échelons de l'État, de la société civile et de l'économie en vue de la mise en oeuvre par la Suisse de ses engagements internationaux en matière de droits de l'homme.

Le projet-pilote a été mis au concours auprès de toutes les universités suisses. C'est une offre des universités de Berne, Fribourg et Neuchâtel, en collaboration avec l'Institut Kurt Bösch de Sion, la Haute école pédagogique de Lucerne et l'association Humanrights.ch, qui a obtenu l'adjudication; l'université de Zurich a rejoint le projet ultérieurement. Le CSDH a commencé son travail au printemps 2011.

Les fonctions et les tâches du CSDH décrites dans le contrat-cadre passé entre la Confédération (représentée par le Département fédéral des affaires étrangères [DFAE] et le Département fédéral de justice et police [DFJP]) et le CSDH sont les suivantes:

2

­

offrir une expertise à caractère pratique dans le domaine des droits de l'homme;

­

effectuer des recherches et des évaluations sur la portée pratique et l'application concrète des normes relatives aux droits de l'homme;

­

analyser et documenter la situation des droits de l'homme en Suisse, et proposer aux autorités une assistance technique, méthodologique et matérielle dans la collecte d'informations ainsi que dans l'élaboration de rapports;

­

encourager l'échange systématique de savoir-faire et offrir une plateforme de dialogue; Conseil fédéral (2009): Création d'une commission fédérale des droits de l'homme: possibilités, opportunité et alternatives. Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 02.3394 du 9 octobre 2002 de la CPE-E (Berne, 1er juillet 2009); disponible sous www.biblio.parlament.ch/e-docs/344947_2.pdf

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­

préparer des outils de sensibilisation aux droits et obligations en matière de droits de l'homme et contribuer, à la demande, au renforcement de l'éducation aux droits de l'homme.

En plus des activités menées dans le cadre des contrats de prestations, le CSDH fournit des prestations, rémunérées séparément, aux autorités de la Confédération et des cantons ainsi qu'à d'autres mandataires, en particulier des organisations non gouvernementales et l'économie privée.

1.1.2

Évaluation du projet-pilote

Le projet-pilote a été évalué comme prévu au bout de quatre ans, au printemps 2015.

La qualité des prestations du CSDH a été jugée «bonne» à «très bonne». L'évaluation externe a confirmé l'existence d'une demande pour des prestations d'une INDH. La grande majorité des parties interrogées a approuvé la création d'une institution permanente dans la continuité du centre. L'évaluation a, dans le même temps, identifié le manque d'indépendance formelle du CSDH comme le principal problème du projet-pilote. Les aspects jugés importants ont été, notamment, la possibilité pour une INDH d'aborder des thèmes d'actualité de sa propre initiative, la proximité avec la pratique, la dimension scientifique des travaux et la possibilité de traiter les projets de manière confidentielle.

1.1.3

Options pour une solution durable

Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de l'évaluation le 1 er juillet 2015 et prolongé la solution pratiquée dans le cadre du projet-pilote d'une durée de cinq ans au maximum ou jusqu'à l'instauration d'une institution à même de lui succéder. Il a parallèlement chargé les départements responsables du projet (DFAE et DFJP) de lui soumettre plusieurs options en vue d'une règlementation durable.

Le 29 juin 2016, le Conseil fédéral a pris acte de la note de discussion lui exposant plusieurs options en vue de la création d'une INDH. Il s'est prononcé en faveur de l'établissement d'une INDH en Suisse dans le sens d'un développement de la solution adoptée dans le cadre du projet-pilote (option «Status Quo+») et a chargé le DFAE et le DFJP d'élaborer un projet de loi dans ce sens. Cette option prévoit que les tâches d'une INDH continuent d'être remplies par un centre universitaire, qui bénéficierait d'une aide financière de la Confédération au sens de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions3. L'avant-projet pertinent a fait l'objet d'une consultation du 28 juin au 31 octobre 2017 (cf. ch. 2).

3

498

RS 616.1

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1.2

Solution retenue

1.2.1

Modèle

Eu égard aux résultats de la consultation, le DFAE a examiné en profondeur divers aspects et modèles que pourrait revêtir l'INDH suisse et les a comparés aux solutions appliquées par d'autres pays (cf. ch. 3). L'objectif de cette analyse consistait à adapter le projet de manière à ce qu'il tienne compte des critiques exprimées, se conforme le plus possible aux Principes de Paris et s'insère dans le contexte suisse.

Il s'agissait avant tout de clarifier la forme juridique applicable et d'inscrire les dispositions requises dans la loi.

La solution préconisée est une INDH revêtant la forme d'une corporation de droit public (association). Contrairement à la solution de subventionnement prévue dans l'avant-projet mis en consultation, l'inscription de l'institution dans la loi correspond aux directives des Principes de Paris. La forme juridique choisie laisse en outre une large marge de manoeuvre quant à l'intégration des acteurs concernés au sens de ces principes. Elle permet en outre d'y associer la Confédération et les cantons d'une manière qui préserve l'indépendance de l'INDH. Une deuxième nouveauté que consacre le projet par rapport au texte mis en consultation est l'inscription de l'INDH dans la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme 4.

À l'instar du texte mis en consultation, le modèle prévoit que la Confédération soutiendra l'INDH avec une aide financière de 1 million de francs par an. L'idée est également de maintenir l'ancrage universitaire, c'est-à-dire d'implanter l'INDH dans une ou plusieurs universités. Cette solution permet la mise à profit de synergies, sans entraver l'indépendance de l'institution. À la différence du projet-pilote, l'INDH ne n'aura toutefois pas la forme d'un réseau universitaire, mais sera une institution autonome. L'ancrage universitaire sera conçu de manière à ce que les cantons, partenaires de ce projet, continuent à supporter les coûts de l'infrastructure de l'INDH. Cela se traduira par un accord écrit entre la Confédération et les cantons. La solution retenue permet aussi de conserver le caractère de prestation de service qui a fait ses preuves, ce qui est également une question importante pour les cantons.

1.2.2

Justification et appréciation de la solution retenue

Les expériences réalisées avec le projet-pilote ont confirmé la pertinence de créer une INDH en Suisse et la nécessité de rechercher une solution durable: Les droits fondamentaux et les droits de l'homme sont des valeurs essentielles de la Suisse et de son modèle politique. Ils constituent des normes appelées à régir l'action des pouvoirs publics et jouent également un rôle croissant dans d'autres secteurs de la société, notamment l'économie privée. Une INDH peut examiner et analyser la portée des normes régissant les droits de l'homme et leur application.

Cela vaut principalement pour l'activité législative, la jurisprudence et la pratique des autorités administratives.

4

RS 193.9

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De nombreuses autorités, notamment cantonales et communales, mais aussi certaines entreprises privées n'ont pas les moyens d'acquérir les connaissances nécessaires sur les normes régissant les droits de l'homme ni de développer les bases requises pour la prise de mesures de mise en oeuvre appropriées. Une INDH est à même de rassembler un savoir spécialisé et d'apporter, sur demande ou de sa propre initiative, des conseils en matière de droits de l'homme aux autorités de tous les échelons de l'État, au Parlement et à l'économie privée, à des organisations de la société civile ainsi qu'à des organisations internationales. Elle peut en outre contribuer à ce que les questions relatives aux droits de l'homme soient prises en compte dans tous les domaines politiques (mainstreaming). Son indépendance et son statut particulier entre société civile et État la prédisposent à cela et lui confèrent la crédibilité nécessaire pour remplir sa mission.

En renforçant le dialogue et la collaboration entre les représentants des différents niveaux de l'État (Confédération, cantons et communes), de la société civile et du secteur privé, une INDH peut notamment contribuer à harmoniser les mesures existantes en matière de droits de l'homme et à en accroître l'efficacité grâce à la diffusion des bonnes pratiques et à la mise à disposition de compétences spécialisées. Une INDH constitue une plateforme d'échange unique en son genre, qui facilite la coopération entre les différents acteurs sur les questions importantes liées aux droits de l'homme. Ainsi, elle peut également renforcer l'ancrage des droits de l'homme dans la société et contribuer à la discussion démocratique sur ces thèmes.

Grâce à sa vue d'ensemble de la situation des droits de l'homme en Suisse et au réseau qu'elle entretient aux plans national et international, elle est en mesure d'identifier les nouveaux défis qui se posent aussi bien dans la législation que dans la pratique et de les aborder dans un cadre approprié. Lorsqu'elle décèle des lacunes ou des points faibles, l'INDH peut proposer des mesures ciblées et contribuer à la sensibilisation du public. De par sa proximité avec la pratique et son expertise académique pluridisciplinaire, une INDH présente toutes les qualités requises pour développer l'éducation aux droits de l'homme.

L'évaluation du
projet-pilote a confirmé les avantages pratiques des travaux du CSDH et les bénéfices du projet pour la Suisse. Les activités du CSDH ont permis d'enrichir la pratique dans différents domaines. Des études du CSDH ont en outre conduit à la révision du règlement interne de plusieurs établissements pénitentiaires, à l'adaptation de processus d'exploitation, au réaménagement d'une clinique psychiatrique et à l'adaptation des directives internes d'une université aux besoins des personnes transgenres.

Du fait qu'une INDH renforce la crédibilité de notre politique extérieure en matière de droits de l'homme, le projet est également important du point de vue de la politique étrangère (cf. ch. 6.6). Dans le cadre des procédures de rapport menées devant les organes de l'ONU ou du Conseil de l'Europe, une INDH peut aussi fournir un soutien méthodologique et spécialisé aux services compétents de la Confédération et des cantons.

Le Conseil fédéral a opté pour la forme juridique d'une corporation de droit public (association), qui garantit une représentation pluraliste des forces sociales dans l'esprit des Principes de Paris. Son modèle se fonde sur les points forts du projet500

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pilote. L'INDH allemande, qui revêt elle aussi la forme d'une corporation, s'est vue créditée du statut A.

1.2.3

Valeur ajoutée par rapport à l'infrastructure des droits de l'homme existante

Une INDH se caractérise en premier lieu par son mandat étendu, qui comprend l'intégralité des questions liées aux droits de l'homme. Ce mandat lui permet d'avoir une vue d'ensemble de la situation prévalant en matière de droits de l'homme en Suisse, de déceler les éventuelles lacunes et d'identifier, voire d'anticiper les tendances actuelles et à venir. Aussi l'INDH offre-t-elle une valeur ajoutée qu'aucun autre service ou organisation n'est capable d'apporter. Une INDH permet notamment d'offrir des conseils et une expertise spécifique ainsi qu'une plateforme pour l'échange systématique d'informations et d'expériences. De plus, elle pourrait mettre en oeuvre des mesures d'information et de sensibilisation ciblées et axées sur la pratique. Si aucune institution ne venait à succéder au CSDH, ces tâches ne pourraient plus être assurées que de manière limitée. Comme le démontrent les exemples de nombreux autres pays, le bon fonctionnement d'un État de droit ne signifie pas qu'il soit superflu d'instituer une INDH. On peut même affirmer qu'elle est l'expression de ce bon fonctionnement.

Les institutions existantes, et notamment les commissions extraparlementaires ­ en particulier la Commission fédérale contre le racisme, la Commission fédérale pour les questions féminines, la Commission fédérale des migrations et la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse ­ ou la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), défendent chacune leur perspective spécifique. Leur mandat est délimité par la loi à certains domaines et ne se réfère le plus souvent pas explicitement au cadre des droits de l'homme. L'INDH sera, au contraire, en mesure de traiter tous les thèmes pertinents en lien avec la situation des droits de l'homme en Suisse, sans la moindre restriction.

Les activités d'une INDH n'entrent pas en concurrence avec celles menées par les structures existantes. L'INDH sera appelée à soutenir ces dernières dans l'accomplissement de leurs tâches et à les compléter si nécessaire. Le projet-pilote a démontré que la coopération entre l'INDH et les autres institutions fonctionne bien dans les faits: ainsi, le CSDH a par exemple réalisé des études que la CNPT a ensuite pu utiliser comme base pour ses propres activités. L'INDH a notamment pour mission de coordonner ses activités avec celles des
commissions précitées, des institutions gouvernementales, des institutions du domaine des hautes écoles, des ONG et des entreprises.

Le projet présente également une valeur ajoutée par rapport au projet-pilote, sans remettre en question les avantages avérés de ce dernier. Tant la consultation que l'évaluation du CSDH ont mis en évidence l'importance que revêt l'indépendance de l'institution, un élément qui faisait défaut dans le projet-pilote. L'indépendance de la future l'INDH sera dès lors garantie dans l'esprit des Principes de Paris.

Par ailleurs, la réglementation proposée permet la mise en place d'une solution durable en ce sens qu'elle ne devra pas faire l'objet de mises au concours périodi501

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ques. La situation était tout autre concernant le projet-pilote: son financement de base était lié à l'achat de prestations et soumis dès lors aux prescriptions sur les marchés publics. La future INDH obtiendra ainsi la stabilité institutionnelle et la prévisibilité nécessaires à son indépendance et à la planification de ses activités sur le long terme. Cet aspect est une condition importante pour que l'institution puisse développer son expertise, s'établir dans sa fonction et gagner la confiance de tous les milieux concernés. La future INDH y gagnera aussi en attrait en tant que prestataire de services et pourra développer un plan d'affaires accordant une grande importance aux mandats externes émanant des autorités de tous les niveaux de l'État fédéral, du secteur privé et de la société civile.

Lors de la consultation, plusieurs participants ont demandé qu'un bureau de médiation pour les droits de l'enfant soit intégré à l'INDH; d'autres, au contraire, se sont clairement prononcés contre une telle solution (cf. ch. 2). Le Conseil fédéral a examiné à plusieurs reprises le modèle d'un bureau de médiation dans la perspective de la création d'une INDH et l'a rejeté, le jugeant inapproprié. En Suisse, la protection juridique individuelle des enfants offrant la possibilité de désigner un curateur et une représentation légale gratuite est très développée. Il existe en outre différents services de conseil et d'information. De plus, il ne serait pas cohérent de créer un bureau de médiation au niveau fédéral, puisque la mise en oeuvre des droits de l'enfant relève dans une large mesure de la compétence des cantons. Il n'est dès lors pas possible de donner suite à la demande d'intégrer un bureau de médiation pour les droits de l'enfant à l'INDH.

1.3

Prolongation du projet-pilote en tant que solution transitoire

En 2015, le Conseil fédéral a décidé de prolonger la solution pratiquée dans le cadre du projet-pilote de cinq ans au plus, ou jusqu'à la mise en place d'une institution à même de lui succéder (cf. ch. 1.1.3). Le présent projet de loi vise à créer une institution appelée à prendre la succession du CSDH. Afin d'éviter toute interruption entre le projet-pilote, qui arrivera à échéance fin 2020, et la création de l'institution appelée à lui succéder, il est en outre proposé de prolonger de deux ans le projet-pilote.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le mandat du Conseil fédéral visant à élaborer une base légale pour l'INDH découle de la décision du Conseil fédéral du 29 juin 20165 (cf. ch. 1.1.3). De ce fait, le projet n'a été annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20196, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20197.

5 6 7

502

www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-62431.html FF 2016 981 FF 2016 4999

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2

Procédure de consultation

La procédure de consultation sur l'avant-projet de loi fédérale sur le soutien à l'institution nationale des droits de l'homme a duré du 28 juin au 31 octobre 2017.

L'ancien modèle «Status quo +» (cf. ch. 1.1.3) visait à conserver les avantages avérés du CSDH pour une future INDH et à corriger les points faibles constatés lors de son évaluation. Le résultat de la consultation a montré que quand bien même la création d'une INDH était plébiscitée par une large majorité, des réserves étaient formulées par des participants importants concernant sa forme concrète.

Sur les 116 avis reçus, 22 provenaient des cantons, 7 de partis politiques et 87 de diverses organisations et autres participants. À l'exception de 1 canton, de 2 partis politiques et de 3 organisations, tous les participants ayant rendu un avis ont donné leur approbation de principe au projet. Un grand nombre de participants se sont prononcés en faveur d'une INDH susceptible d'obtenir le statut A de la GANHRI.

La grande importance accordée en Suisse à la protection et à la promotion des droits de l'homme a été relevée par un grand nombre de participants, qui ont estimé que la création d'une INDH permettrait de combler une lacune institutionnelle. Il ressort en outre des avis reçus que le projet-pilote a permis de démontrer la nécessité ou l'avantage d'une INDH.

Quant aux opposants au projet, ils ont estimé que la nécessité de se doter d'une INDH n'était pas démontrée. Certains participants ont relevé que le vaste réseau de structures et d'institutions respectueuses de l'état de droit permettaient déjà de garantir, en Suisse mieux qu'ailleurs, le respect des droits de l'homme et que la création d'une INDH ne se justifiait pas d'un point de vue financier.

De nombreux participants ayant donné leur accord de principe à la création d'une INDH ont néanmoins jugé que des adaptations étaient requises. Ils mettent en doute le choix du modèle «Status Quo +» et se prononcent explicitement en faveur d'une INDH conçue sur le modèle d'un institut indépendant, à même d'être crédité du statut A par la GANHRI. D'autres ajustements ont également été demandés en ce qui concerne la valeur indicative applicable à l'aide financière de la Confédération, le rattachement de l'INDH à une ou plusieurs institutions du domaine des hautes écoles, les tâches confiées
à l'INDH, la réglementation de son organisation et l'attribution de la personnalité juridique.

Les principaux commentaires formulés à l'égard du projet de loi peuvent être résumés comme suit: ­

Octroi d'une aide financière: un grand nombre de participants accueillent favorablement l'octroi d'une aide financière ou estiment tout au moins qu'il s'agit d'une voie praticable.

­

Montant de l'aide financière: alors que plusieurs participants considèrent que la valeur indicative de 1 million de francs est appropriée, d'autres participants la jugent trop basse.

­

Responsabilité: le fait que la responsabilité de l'INDH soit portée par le milieu universitaire est salué par différents participants. Cependant, nombre de participants expriment des réserves de principe à l'égard du modèle proposé.

503

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Ils estiment que la fonction d'une INDH pourrait entrer en conflit avec les tâches des institutions responsables. Certains participants se prononcent en faveur d'une INDH selon le modèle d'un institut indépendant.

­

Domaines d'activités: de nombreux participants proposent que les activités de l'INDH englobent aussi bien la politique intérieure que la politique étrangère en matière de droits de l'homme.

­

Tâches: plusieurs participants proposent que le catalogue de tâches ne soit pas décrit de manière exhaustive. Ils estiment en outre que les conseils politiques, le monitoring de la situation juridique en Suisse et la promotion de l'accès à la justice devraient également y figurer.

­

Représentation pluraliste des forces sociales: quelques participants demandent que soit garantie la participation effective de représentants de la société civile aux côtés des institutions du domaine des hautes écoles impliquées.

­

Organisation: de nombreux participants estiment que l'organisation de l'INDH devrait être réglée de manière plus détaillée dans la loi ou dans une ordonnance.

­

Forme juridique: de nombreux participants demandent que l'indépendance de l'INDH soit garantie par l'attribution de la personnalité juridique en tant que fondation ou association.

­

Bureau de médiation pour les droits de l'enfant (cf. ch. 1.2.3). Plusieurs participants demandent qu'un bureau de médiation pour les droits de l'enfant soit intégrée dans l'INDH. Ce bureau devrait, d'une part, fournir des services dans les domaines du conseil, de l'expertise et du monitoring et, d'autre part, servir de point de contact aux enfants souhaitant déposer une plainte individuelle. D'autres participants se prononcent en faveur d'activités de conseil dans le domaine des droits de l'enfant sans véritable fonction de médiation ou rejettent le principe même du traitement de cas individuels par l'INDH.

3

Comparaison juridique, notamment avec le droit européen

Plus de 120 États se sont dotés d'une INDH. Ces institutions sont aussi très répandues en Europe, où presque tous les États membres de l'Union européenne, de même que le Liechtenstein, la Norvège et plusieurs États d'Europe de l'Est disposent d'une telle institution. Les exemples qui suivent illustrent les solutions adoptées par des États comparables à la Suisse du point de vue de leur tradition juridique, de leur structure étatique ou de leur population: Allemagne L'institut allemand des droits de l'homme (Deutsches Institut für Menschenrechte) est constitué en association. L'assemblée générale délibère sur les grandes lignes du travail de l'institut. Les directives régissant les activités concrètes sont fixées par une instance composée de 13 représentants indépendants de la société civile, des milieux 504

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scientifiques, des médias et de la politique disposant d'un droit de vote, et de 5 représentants du gouvernement, sans droit de vote. L'institut a été crédité du statut A par la GANHRI.

Le mandat de l'institut recouvre les tâches suivantes: information et documentation; recherche et qualification de travaux sur les droits de l'homme; conseils aux milieux politiques et économiques; éducation aux droits de l'homme; coopération internationale avec les autres INDH; encouragement du dialogue et de la coopération sur les questions touchant aux droits de l'homme en Allemagne.

France La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) est une autorité administrative indépendante; à ce titre, elle n'est soumise à aucune directive ni à aucun ministère. La commission a été créditée du statut A par la GANHRI.

La CNCDH est composée de 61 représentants d'ONG, de syndicats et de communautés religieuses, ainsi que d'experts indépendants des droits de l'homme et de membres du gouvernement qui ne disposent pas du droit de vote. Elle est dirigée par un bureau de 3 personnes et est dotée d'un comité de coordination ainsi que d'un secrétariat général.

Le mandat de la CNCDH couvre les tâches suivantes: veiller au respect des engagements institutionnels et internationaux de la France, conseiller le gouvernement et le parlement lors de projets législatifs, favoriser le dialogue entre les autorités et la société civile, participer à l'éducation aux droits de l'homme, publier des avis et sensibiliser le grand public.

Autriche Le Collège des médiateurs (Volksanwaltschaft, VAW) est une institution indépendante qui ne possède pas de personnalité juridique propre. Les 3 membres du collège sont nommés par la chambre basse du parlement, les 3 plus grands partis proposant chacun 1 personne. Le VAW est assisté d'un organe consultatif, le conseil des droits de l'homme. Il dispose de 6 commissions régionales dont les membres, qui exercent leur mandat à titre accessoire, contrôlent les institutions de privation de liberté, les établissements de soins et autres institutions similaires. Le VAW compte 90 collaborateurs et 48 membres de commission exerçant leur travail à titre accessoire. Il a été crédité du statut B par le GANHRI.

Le VAW est un service de médiation aux compétences étendues. Il peut examiner, sur
plainte ou de sa propre initiative, les activités de l'administration publique au niveau fédéral ou des Länder. Les autorités sont tenues d'accorder l'assistance administrative au VAW. Les recommandations de ce dernier ne sont pas contraignantes. Le VAW se prononce également sur des projets de loi et attire l'attention du législateur, au niveau fédéral ou des Länder, sur les problèmes structurels. Il assume en outre la double fonction de mécanisme national de prévention conformément au Protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants8 8

RS 0.105.1

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(OP-CAT) et de mécanisme de suivi selon la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées9.

Norvège Le Norwegian Centre for Human Rights (NCHR) a été fondé par décret royal en 2001. Il s'agit d'un centre de recherche pluridisciplinaire sur les droits de l'homme rattaché à la faculté de droit de l'Université d'Oslo. Une INDH a ensuite été créée, en tant que division du NCHR. Elle n'était toutefois pas dotée de la personnalité juridique, ni ne jouissait d'une existence publique indépendante du NCHR. Le centre a été crédité du statut A en 2006. En 2011, en prévision du réexamen périodique du statut, il a été soumis à une nouvelle évaluation, dont les auteurs sont arrivés à la conclusion qu'une université ne se prêtait pas à assumer la fonction d'INDH. De ce fait, le centre a été rétrogradé au statut B cette même année.

La base légale d'une nouvelle INDH (Norwegian National Institution for Human Rights, NIM) a été adoptée en avril 2015. La NIM est subordonnée au parlement et dispose d'une structure indépendante, placée sous la conduite d'un directeur. Un comité de 5 personnes définit sa stratégie et surveille les résultats de l'institution. Le directeur et les membres du comité sont élus par le parlement. Un conseil, composé de 10 à 15 spécialistes et représentants de services de médiation et d'ONG, assiste l'institution. La NIM a été créditée du statut A en 2017.

Son large mandat vise à promouvoir et à protéger les droits de l'homme. Il porte avant tout sur la surveillance de la situation des droits de l'homme, les conseils, le transfert de savoir et la collaboration avec les autres acteurs. Pour empêcher tout chevauchement avec les mandats des différents services de médiation, la NIM ne traite pas les plaintes individuelles.

Liechtenstein Une INDH a été fondée au Liechtenstein en 2016 sous le nom de Verein für Menschenrechte (VMR). Peut devenir membre de cette association toute personne physique ou morale qui s'engage professionnellement ou à titre bénévole en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme au Liechtenstein. Son comité pluraliste est composé de 7 experts.

Le mandat du VMR comprend les tâches suivantes: conseiller les autorités et les acteurs privés pour toute question liée aux droits de l'homme, soutenir les victimes d'atteintes
aux droits de l'homme (fonction de médiateur), informer le public sur des questions relatives aux droits de l'homme au Liechtenstein, réaliser des enquêtes, rendre des avis sur les projets de loi et d'ordonnance et sur la ratification de traités internationaux, promouvoir le dialogue et la coopération nationale et internationale avec les services s'occupant des droits de l'homme.

9

506

RS 0.109

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4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Il est créé, en tant qu'INDH pour la Suisse, une institution pérenne et ancrée dans la loi. 3 articles nouveaux sont ajoutés à la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme afin de définir les principales caractéristiques de l'INDH. En outre, il convient en particulier d'adapter le préambule et l'art. 1 de la loi fédérale précitée afin de tenir compte de l'extension du champ d'application de celle-ci.

Il est prévu de créer l'INDH sous la forme d'une corporation de droit public. Cette forme juridique lui garantit un degré d'indépendance élevé. Les membres de l'institution peuvent être des personnes physiques ou morales dont les activités se rattachent aux droits de l'homme. Le mandat de l'INDH s'aligne sur les Principes de Paris et s'appuie sur les tâches du projet-pilote.

4.2

Adéquation des moyens requis

Le présent projet permet de transposer en une solution durable les expériences positives réalisées dans le cadre du projet-pilote. Afin que l'INDH puisse garantir son indépendance, elle doit être en mesure d'accomplir sa mission fondamentale sans dépendre de mandants. Le Conseil fédéral alloue à cet effet une aide financière annuelle de 1 million de francs. Ce montant correspond à celui du projet-pilote CSDH. Une ligne budgétaire spécifique sera ouverte à cette fin. Les fonds nécessaires seront imputés au crédit A231.0338 «Mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme (DFAE».

L'objectif est également de maintenir l'ancrage universitaire, c'est-à-dire que l'INDH devrait être située dans une ou plusieurs universités. L'ancrage universitaire doit être conçu de manière à ce que les cantons, partenaires de ce projet, continuent à supporter les coûts de l'infrastructure de l'INDH. Cela se traduira par un accord écrit entre la Confédération et les cantons.. L'INDH peut générer des revenus supplémentaires en fournissant, contre rémunération, des prestations de service à des autorités et à des acteurs privés.

4.3

Mise en oeuvre

4.3.1

Dispositions d'exécution

Les nouveaux art. 10a à 10c de la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme portant sur la création de l'INDH peuvent être précisés dans une ordonnance d'exécution.

507

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4.3.2

Constitution de l'INDH

Il est prévu qu'un groupe de travail composé de représentants de la Confédération, des cantons, de la société civile et de l'économie mène à bien les travaux préparatoires nécessaires à la création de l'INRM. Le groupe de travail s'emploiera en particulier à élaborer un projet de statuts pour l'INDH et à convoquer l'assemblée constitutive. Il veillera à assurer une large participation à l'assemblée constitutive des forces engagées dans la protection et la promotion des droits de l'homme de toutes les régions linguistiques de Suisse.

5

Commentaire des dispositions

La loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme est modifiée comme suit: Préambule Alors que le préambule faisait jusqu'à présent uniquement référence à l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)10 (compétence générale de la Confédération en matière de politique étrangère), la loi s'appuie désormais aussi sur l'art. 173, al. 2, Cst. (compétence inhérente à la Confédération en raison de l'existence et de la nature même de l'État fédéral). Ce complément est nécessaire, puisque les tâches de l'INDH ont trait à la protection et à la promotion des droits de l'homme en Suisse et qu'elles ne peuvent dès lors être attribuées à la politique étrangère (cf. ch. 7.1).

Section 1

Objet

Art. 1 L'al. 1 limite l'objet de la loi aux mesures de politique extérieure de la Confédération visant à promouvoir la paix par des moyens civils et à renforcer les droits de l'homme. L'art. 1 doit par conséquent être complété par un al. 3 précisant que la loi règle également le statut, le financement, les tâches et l'organisation de l'INDH.

Section 2 Promotion civile de la paix et renforcement des droits de l'homme au niveau de la politique extérieure Art. 2 à 10 Les art. 2 à 10 nécessitent quelques adaptations mineures pour expliciter le fait qu'ils se réfèrent uniquement aux mesures de politique extérieure prévues à l'art. 3 de la loi et non à l'INDH.

10

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RS 101

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Section 3 Art. 10a

Institution nationale des droits de l'homme Forme et financement

L'al. 1 précise que la nouvelle institution constitue l'INDH de la Suisse au sens des Principes de Paris. La référence explicite aux Principes de Paris a été saluée par de nombreux participants à la consultation. Cette disposition définit également la forme juridique de l'institution, à savoir celle d'une corporation de droit public.

Les aides financières de la Confédération prévues à l'al. 2 doivent permettre à l'INDH de jouer son rôle de manière efficace. L'INDH doit notamment être en mesure de surveiller la mise en oeuvre exhaustive des droits de l'homme et, dans le cadre de son mandat, de procéder à des analyses techniques approfondies afin de fournir sur cette base des conseils de qualité. Afin de conserver son indépendance, elle ne doit pas dépendre de mandants pour une partie substantielle de ses activités.

Le Conseil fédéral alloue à l'INDH une aide financière annuelle de 1 million de francs. L'INDH devrait être située dans une ou plusieurs universités. L'ancrage universitaire doit être conçu de manière à ce que les cantons, partenaires de ce projet, supportent les coûts de l'infrastructure de l'INDH (en particulier ceux des locaux et des équipements informatiques. Cela se traduira par un accord écrit entre la Confédération et les cantons.

Conformément à l'al. 3, l'INDH établit chaque année un rapport d'activité à l'intention du Conseil fédéral et du Parlement.

Art. 10b

Tâches

L'al. 1 décrit les tâches de l'INDH. À travers ses activités, l'INDH doit contribuer à protéger et à promouvoir les droits de l'homme en Suisse ce qui exige une étroite collaboration avec les cantons. Les tâches dont l'INDH s'acquitte ont trait à toutes les questions relatives aux droits de l'homme. L'institution doit s'intéresser aux droits civils et politiques, mais aussi aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu'aux droits de groupes spécifiques tels que les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les enfants. Elle doit également s'intéresser aux droits des minorités, y compris à la protection et à la promotion des minorités linguistiques selon la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales. Son mandat recouvre tant les questions intérieures en matière de droits de l'homme que celles liées à la mise en oeuvre des engagements internationaux pris dans ce domaine en Suisse.

Les tâches de l'INDH se fondent essentiellement sur celles du projet-pilote du CSDH qui ont fait leurs preuves. Il existe toutefois aussi des différences. Dans le cadre du financement de base, les activités du projet-pilote devaient par exemple se limiter aux prestations énoncées dans les contrats de prestations annuels. Grâce à la réglementation proposée, l'INDH peut et doit désormais agir de sa propre initiative et définir ses activités et ses priorités de manière indépendante, en tenant compte de l'actualité et d'autres circonstances. Cela inclut également le pouvoir de communiquer de manière indépendante sur les sujets de son choix.

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Il est prévu que l'INDH s'acquitte des tâches suivantes: a.

Information et documentation: l'INDH observe et documente la situation des droits de l'homme en Suisse. Elle informe, de sa propre initiative et sur demande, les spécialistes et le public sur des sujets d'actualité ou des thèmes spécifiques ayant trait aux droits de l'homme.

b.

Recherche: l'INDH doit étudier et analyser la portée des normes relatives aux droits de l'homme ainsi que leur application, en particulier dans la législation, la jurisprudence et la pratique administrative.

c.

Conseil: l'INDH fournit, de sa propre initiative ou sur demande, des conseils en matière de droits de l'homme aux autorités de tous les échelons de l'État, aux organisations de la société civile, aux entreprises privées et aux organisations internationales. À cet effet, elle peut rédiger des rapports, des avis et des rapports alternatifs à l'intention d'instances internationales. Dans le cadre de ses activités de conseil, conformément à son indépendance, elle peut exprimer ses propres vues et recommandations sur les sujets sélectionnés.

d.

Promotion du dialogue et de la coopération: en encourageant le dialogue et la coopération, en particulier entre les autorités de tous les échelons institutionnels, les organisations non gouvernementales, les entreprises privées et les milieux scientifiques, l'INDH contribue à renforcer l'harmonisation des mesures existantes et à accroître leur efficacité. Elle favorise ainsi la transmission de connaissances spécialisées et la diffusion de bonnes pratiques.

L'INDH peut également se charger de la question de l'harmonisation des bases légales internes et de la pratique des autorités en lien avec les conventions relatives aux droits de l'homme qui engagent la Suisse, et d'en soutenir une mise en oeuvre efficace.

e.

Éducation aux droits de l'homme et sensibilisation: l'INDH a pour mission d'assurer l'éducation aux droits de l'homme à n'importe quel niveau d'enseignement ou de formation continue que ce soit. Elle doit contribuer à la diffusion des connaissances et à la sensibilisation de groupes cibles spécifiques et l'opinion publique.

f.

Échanges au niveau international: l'INDH coopère, aux niveaux international et régional, avec les INDH d'autres États et les organisations internationales, en particulier la GANHRI.

Certains participants à la procédure de consultation ont demandé que le monitoring soit inclus dans la liste des tâches de l'INDH. Ce terme est ambigu, car il peut désigner, notamment, une fonction d'observation ou un mécanisme de surveillance.

L'observation de la situation des droits de l'homme constitue le fondement de toutes les tâches de l'INDH et est donc implicitement contenue dans le catalogue des tâches. Il n'y a pas lieu de créer un mécanisme de surveillance proprement dit dans le projet. Le Conseil fédéral renonce par conséquent à inclure le monitoring dans le catalogue des tâches de l'INDH.

Par ailleurs, il a été demandé au cours de la consultation que la promotion de l'accès à la justice figure dans le mandat de l'INDH. La proposition englobait notamment le 510

FF 2020

traitement des cas individuels. En adoptant le modèle proposé, le Conseil fédéral a choisi une option incompatible avec le traitement des cas individuels. Cette décision correspond aux résultats de l'évaluation du projet-pilote; elle est confirmée par une pondération des résultats de la consultation. La promotion de l'accès à la justice ne fait donc pas partie des tâches de l'INDH.

Enfin, l'INDH ne peut pas faire office de bureau de médiation pour les droits de l'enfant comme l'ont demandé quelques participants à la consultation (cf.

ch. 1.2.3 et 2). En revanche, elle peut et doit couvrir tous les domaines constitutifs des droits de l'homme, droits de l'enfant inclus.

L'al. 2 statue que, dans le cadre de son mandat, l'INDH peut fournir, contre rémunération, des prestations de services à des autorités et des organisations privées. Cet aspect a été considéré comme important dans le cadre de l'évaluation du projet pilote et de la procédure de consultation. La prestation de services permet aussi à l'INDH de générer des moyens supplémentaires.

L'al. 3 garantit l'indépendance de l'institution, qui constitue une caractéristique essentielle d'une INDH au sens des Principes de Paris. L'indépendance de l'INDH porte en particulier sur la compétence de s'organiser de façon autonome dans les limites du cadre légal et de décider seule de la manière dont elle entend s'acquitter de ses tâches et utiliser ses ressources. L'INDH peut ainsi agir de sa propre initiative et n'est pas soumise à des instructions extérieures. Dans le cadre de son travail, l'INDH est libre de hiérarchiser certaines tâches pour des motifs stratégiques ou financiers. Toutefois, l'INDH n'assume aucune tâche relevant de l'administration ­ ceci inclut toutes les tâches attribuées pour leur exécution à la Confédération, aux cantons ou aux communes par la Constitution ou la loi. En particulier, elle ne peut pas faire office de bureau de médiation ni n'a de compétence quasi judiciaire pour traiter de cas individuels. Cette disposition exclut en outre l'application de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité11.

Art. 10c

Organisation

Les organes de l'INDH se composent de l'assemblée des membres, du comité et de l'organe de révision, comme dans le cas d'une association privée.

Les membres de l'INDH peuvent être des personnes physiques ou morales dont les activités sont liées à la protection et à la promotion des droits de l'homme. Il peut s'agir d'une activité exercée à titre principal ou accessoire. L'assemblée des membres décide des admissions sur recommandation du comité. L'assemblée des membres comprend en outre des représentants de la Confédération et des cantons, qui disposent du statut de membre sans droit de vote et sont nommés par les pouvoirs publics respectifs. Une affiliation ne peut être refusée ou annulée qu'à titre exceptionnel, si elle est incompatible avec les statuts, en particulier avec l'alignement de l'institution sur les Principes de Paris. Compte tenu des résultats de la procédure de consultation et conformément aux Principes de Paris, il importe de veiller à ce qu'une grande diversité sociale soit représentée au sein de l'INDH. L'adhésion est ouverte en particulier aux représentants de la recherche et de l'enseignement, des 11

RS 170.32

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communautés religieuses, des partenaires sociaux, des associations économiques et professionnelles (p. ex. association d'avocats, association de médecins, journalistes), des ONG et des autres domaines de la société civile ainsi qu'aux experts indépendants.

Le comité est élu par l'assemblée des membres. Ici aussi, il convient de veiller à une représentation pluraliste des forces engagées dans la protection et la promotion des droits de l'homme et à une représentation équilibrée des femmes et des hommes.

Une réélection est possible. Le comité peut compter des représentants de la Confédération et des cantons, qui disposent du statut de membre sans droit de vote. Ces représentants sont désignés par les pouvoirs publics respectifs.

Les dispositions du code des obligations12 concernant l'organe de révision des sociétés anonymes s'appliquent par analogie à l'organe de révision de l'INDH. Il est prévu que le comité confie à un secrétariat général la gestion des affaires opérationnelles. Celui-ci est dirigé par un directeur à plein temps. Pour l'exercice de cette fonction, le comité met le poste au concours.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Les conséquences financières du projet se limitent, pour la Confédération, au montant de l'aide financière de 1 million de francs par an, qui sera compensé dans le cadre du budget du DFAE. Il s'agit d'une option avantageuse pour la création d'une INDH. Le projet n'aura pas d'effets sur le personnel de l'administration fédérale.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

L'INDH devrait être située dans une ou plusieurs universités. L'ancrage universitaire doit être conçu de manière à ce que les cantons, partenaires de ce projet, supportent les coûts de l'infrastructure de l'INDH, en particulier ceux des locaux et des équipements informatiques. Cela se traduira par un accord écrit entre la Confédération et les cantons.

6.3

Conséquences économiques

Le respect des droits de l'homme en Suisse contribue d'une manière générale à la prospérité économique et à la stabilité de notre pays.

12

512

RS 220

FF 2020

6.4

Conséquences sociales

La création d'une INDH correspond à une revendication de longue date de représentants des milieux politiques, scientifiques et d'autres forces de la société civile actives dans la mise en oeuvre des droits de l'homme.

Une INDH a pour mission d'assurer la cohérence de la politique en matière de droits de l'homme, une tâche particulièrement importante lorsqu'il s'agit d'appliquer les obligations internationales à l'échelon national. L'expertise et la légitimité d'une telle institution peuvent également être bénéfiques pour l'image de la Suisse en tant qu'État hôte de nombreuses organisations internationales (dont le Conseil des droits de l'homme de l'ONU).

6.5

Conséquences environnementales

L'IRDH n'a aucune incidence directe sur l'environnement.

6.6

Autres conséquences

Le projet présente un intérêt pour la politique extérieure de la Suisse, dans la mesure où il renforce la crédibilité de notre politique extérieure en matière de droits de l'homme. Avec la création d'une INDH, la Suisse répond à une demande de longue date qui lui a été adressée à plusieurs reprises, que ce soit par les organes conventionnels de l'ONU ou dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. La Suisse, pays hôte de nombreuses organisations internationales mettrait à mal sa réputation et sa crédibilité internationales si elle décidait, au terme du projet-pilote, de ne créer aucune institution pour succéder au CSDH. La création de l'INDH permet en outre à la Suisse d'être représentée dans des organes importants, en particulier la GANHRI.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Jusque-là, le préambule de la loi faisait uniquement référence à l'art. 54, al. 1, Cst.

(compétence générale de la Confédération en matière de droits de l'homme). Or, les tâches de l'INDH ne peuvent pas être attribuées uniquement à la politique étrangère.

C'est pourquoi la loi s'appuie désormais aussi sur la compétence inhérente de la Confédération, qui résulte de l'existence et de la nature même de l'État fédéral. La compétence inhérente est présumée lorsque la réglementation d'une matière relève essentiellement de la compétence de la Confédération. C'est la raison pour laquelle on peut aussi parler, dans ce contexte, de compétence acquise en vertu de la structure fédérative de l'État. L'art. 173, al. 2, Cst. est la base constitutionnelle mentionnée dans le préambule des actes normatifs pour se référer à cette compétence inhérente. Les activités et le domaine d'action de l'INDH sont si étroitement liés à la 513

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structure fédérale de la Suisse que l'on peut en déduire une compétence de la Confédération pour la création d'une telle institution. Cette démarche se justifie d'autant plus que l'institution ne peut pas prendre de décisions contraignantes, ni traiter des cas individuels. Son activité n'empiète donc pas sur les compétences cantonales quant à la mise en oeuvre des prescriptions en matière de droits de l'homme.

Le fait que la loi s'appuie sur l'art. 54, al. 1, Cst. est également important pour l'INDH. Cette disposition assigne à la Confédération une compétence générale dans le domaine des affaires étrangères. La Confédération peut conclure des traités internationaux et engage sa responsabilité, au niveau international, en cas de violation de ceux-ci. La répartition interne des compétences est réglée dans la Constitution: la mise en oeuvre de normes internationales dans le domaine des droits de l'homme peut relever aussi bien de la compétence de la Confédération que de celle des cantons. La Confédération peut procéder elle-même à la mise en oeuvre lorsque cela s'avère indispensable pour remplir ses engagements internationaux ou indiqué en raison du contenu d'un traité. Elle dispose pour ce faire d'une compétence générale et tacite. La Confédération veille en outre à ce que les cantons respectent le droit fédéral et les engagements internationaux (art. 49, al. 2, Cst.). Le mandat de l'INDH recouvre tant les questions intérieures en matière de droits de l'homme que celles liées à la mise en oeuvre des engagements internationaux pris dans ce domaine en Suisse. Ainsi, elle dispense des conseils aux autorités à tous les niveaux de l'État fédéral et à d'autres acteurs. Cette approche globale et transversale ne peut être mise en oeuvre que de manière centralisée pour l'État fédéral dans son ensemble. L'INDH se fonde non seulement sur l'art. 173, al. 2, Cst., mais aussi sur la compétence de la Confédération en matière d'affaires étrangères.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec toutes les obligations internationales de la Suisse (cf. ch. 6.6).

7.3

Frein aux dépenses

L'art. 10a, al. 2, crée une nouvelle disposition relative à des subventions. Toutefois, étant donné qu'elle entraînera des coûts annuels de 1 million de francs, soit un montant inférieur à la valeur seuil de 2 millions fixée pour les dépenses périodiques (cf. art. 159, al. 3, let. b, Cst.), la nouvelle disposition n'est pas soumise au frein aux dépenses.

514

FF 2020

7.4

Respect des principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le travail et la sphère d'action de l'INDH sont étroitement liés à la structure fédéraliste de la Suisse, ce qui peut justifier une compétence de la Confédération pour financer l'institution et arrêter les dispositions légales nécessaires. Cette approche se justifie d'autant plus que l'INDH ne peut prendre de décisions contraignantes. Son activité n'empiète donc pas sur les compétences cantonales quant à la mise en oeuvre des prescriptions en matière de droits de l'homme.

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Annexe: Organigramme de l'INDH

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