20.068 Message concernant l'initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)» du 26 août 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 août 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-1865

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Condensé L'initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)» demande que la Confédération et les cantons promeuvent la santé des enfants et des jeunes et que soit interdite toute forme de publicité pour les produits du tabac qui les atteint. Le Conseil fédéral est d'avis qu'une telle interdiction va trop loin et propose dès lors au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative, sans lui opposer de contre-projet. Il souhaite toutefois protéger la population, en particulier les jeunes, contre les effets nocifs du tabagisme. C'est pourquoi, il s'engage à renforcer la protection de la jeunesse dans le cadre des travaux parlementaires en cours concernant la loi sur les produits du tabac.

Contexte En novembre 2015, le Conseil fédéral a transmis au Parlement un premier projet de loi sur les produits du tabac. Celui-ci comportait de nombreuses restrictions en matière de publicité pour les produits du tabac sans pour autant aller aussi loin que la présente initiative populaire. Estimant que les restrictions étaient tout de même trop importantes, le Parlement a renvoyé le projet au Conseil fédéral.

Le second projet de loi sur les produits du tabac a été transmis au Parlement en novembre 2018. En matière de restrictions de publicité, il ne faisait que reprendre le droit actuel en prévoyant uniquement une interdiction de la publicité s'adressant spécialement aux mineurs.

Au vu de cette situation, une alliance d'organisations suisses de santé a déposé, le 12 septembre 2019, l'initiative «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)». Par décision du 8 octobre 2019, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 109 969 signatures valables.

Contenu de l'initiative L'initiative «enfants et jeunes sans publicité pour le tabac» invite la Confédération et les cantons à promouvoir la santé des enfants et des jeunes. Elle entend interdire toute forme de publicité pour les produits du tabac qui les atteint. La publicité ciblant uniquement les adultes resterait quant à elle possible.

Avantages et inconvénients de l'initiative Le Conseil fédéral reconnaît l'importance de la protection
des enfants et de la jeunesse dans le domaine des produits du tabac. Il souhaite protéger la population, et en particulier les mineurs contre les conséquences néfastes de leur consommation. C'est pourquoi, il soutient l'introduction de restrictions conséquentes en matière de publicité pour les produits du tabac. Il considère néanmoins qu'un certain équilibre entre les intérêts de la santé et ceux de l'économie doit être maintenu. À cet égard, une interdiction aussi large de la publicité pour les produits du tabac que celle voulue par les initiants irait trop loin.

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Nouvelle loi sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques En 2018, le Conseil fédéral a transmis au Parlement un second projet de loi sur les produits du tabac. Après le renvoi du premier projet par le Parlement au Conseil fédéral, cette nouvelle version ne comportait guère plus de restrictions publicitaires que le droit actuel. Elle rendait impossible toute ratification de la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). Dans le cadre des débats parlementaires, des restrictions publicitaires supplémentaires ont été entre-temps proposées par le Conseil des États et intégrées dans le projet. Ces dispositions garantissent une meilleure protection des jeunes et permettent à la Suisse de ratifier la CCLAT, objectif que le Conseil fédéral poursuit depuis la signature de la convention en 2004.

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)» sans lui opposer de contre-projet.

Lors de la suite des débats parlementaires concernant la loi sur les produits du tabac, le Conseil fédéral va s'engager pour renforcer encore davantage la protection de la population et en particulier de la jeunesse contre les effets nocifs du tabagisme. Il soutiendra par exemple l'interdiction de la publicité pour le tabac au cinéma et sur les affiches, déjà prévue dans le premier projet de loi de 2015.

L'objectif est d'aboutir à un projet législatif qui réponde largement aux attentes de l'initiative. Cette procédure rend superflu tout contre-projet indirect.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 41, al. 1, let. g La Confédération et les cantons s'engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée, à ce que: 1

g.

les enfants et les jeunes soient encouragés à devenir des personnes indépendantes et socialement responsables et soient soutenus dans leur intégration sociale, culturelle et politique et à ce que leur santé soit promue.

Art. 118, al. 2, let. b 1

Elle légifère sur: b.

la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l'être humain et des animaux; elle interdit notamment, pour les produits du tabac, toute forme de publicité qui atteint les enfants et les jeunes;

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 118, al. 2, let. b (Protection de la santé) L'Assemblée fédérale adopte les dispositions législatives d'exécution dans les trois ans qui suivent l'acceptation de l'art. 118, al. 2, let. b, par le peuple et les cantons.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 6 mars 20183 et a été déposée le 12 septembre 2019 avec le nombre requis de signatures.

1 2 3

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2018 1293

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Par décision du 8 octobre 2019, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 109 969 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral aurait eu jusqu'au 12 septembre 2020 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Cependant, en raison de la pandémie de coronavirus et conformément à l'ordonnance du 20 mars 2020 sur la suspension des délais applicables aux initiatives populaires fédérales et aux demandes de référendum au niveau fédéral6, les délais applicables pour les initiatives populaires fédérales ont été suspendus entre le 21 mars et le 31 mai 2020. Compte tenu de la suspension des délais, le Conseil fédéral a désormais jusqu'au 23 novembre 2020 pour soumettre à l'Assemblée fédérale le projet d'arrêté fédéral et le message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 23 mai 2022 pour adopter la recommandation de vote qu'elle adressera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution: a)

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b)

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c)

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Situation actuelle: tabagisme, publicité et impact sur la jeunesse

Le tabagisme représente une forte charge pour la société. En Suisse, la proportion de fumeurs n'a pas changé ces 10 dernières années et stagne à 27 %. Chez les jeunes de 15 à 19 ans, la part de fumeurs fluctue, sans qu'une tendance claire ne se dégage: 27 % en 2007, 32 % en 2012, et 23 % en 20177. Près de la moitié (46 %) des fumeurs actuels ont commencé à fumer quotidiennement avant l'âge de 18 ans8. La moitié des personnes qui fument régulièrement meurt prématurément. 9500 per4 5 6 7 8

FF 2019 6529 RS 171.10 RO 2020 847 Enquête suisse sur la santé 2017, Office fédéral de la statistique.

Enquête suisse sur la santé 2017, Office fédéral de la statistique.

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sonnes décèdent chaque année en Suisse des suites du tabagisme 9 alors que les coûts annuels s'élèvent à 5,6 milliards de francs10, dont 1,7 milliard est imputable aux coûts directs (coûts de traitement) et 3,9 milliards sont imputables aux coûts indirects (pertes de productivité).

La publicité pour les produits du tabac fait appel à des valeurs auxquelles aspirent les jeunes: le goût de l'indépendance, du risque et de l'aventure, l'attirance sexuelle ou la rébellion. Une grande étude réalisée en Allemagne a montré que des adolescents fortement exposés à la publicité pour les produits du tabac ont 46 % de risque en plus de fumer que ceux qui y sont le moins exposés11. Une étude suisse montre que les jeunes sont très exposés à la publicité pour les produits du tabac dans la rue (affiches, cendriers, kiosques etc.) même s'ils n'ont pas conscience de la voir. Par ailleurs, on sait que chez un fumeur, chaque stimulation visuelle ­ même inconsciente ­ stimule dans le cerveau un centre qui joue un rôle de déclencheur concernant l'envie de fumer12.

En 2019, 13,3 millions de francs ont été consacrés à la publicité pour les produits du tabac, dont 6,6 millions pour la publicité dans la presse et 5 millions pour l'affichage, ce qui représente à peu près 0,3 % des dépenses pour toute la publicité en Suisse. Les chiffres sur les dépenses aux points de vente, sur le parrainage ou sur l'octroi de rabais ne sont pas disponibles13.

La publicité pour les produits du tabac a déjà fait l'objet d'initiatives populaires au niveau fédéral. En 1993, une votation a par exemple eu lieu sur l'initiative «pour la prévention des problèmes liés au tabac»14. Les opposants ont été largement majoritaires avec 74,5 % de non. La question reste ouverte de savoir comment la population se prononcerait aujourd'hui sur la présente initiative. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) étudie depuis 2003 l'attitude de la population face au thème de «l'interdiction très large de la publicité pour le tabac à l'exception des points de vente». Selon ces sondages représentatifs de l'ensemble de la Suisse, 62 à 72 % de la

9 10 11 12 13 14

Les décès dus au tabac en Suisse. Estimation pour l'année 2012. Office fédéral de la statistique, 2015.

Fueglister-Dousse S. et al. (2009), Coûts et bénéfices des mesures de prévention de la santé: Tabagisme et consommation excessive d'alcool. IRENE, Université de Neuchâtel.

Hanewinkel R. et al., (2011), Cigarette Advertising and Teen Smoking Initiation, Pediatrics, 127, e271­e278.

Canevascini M. (2014), Publicité et promotion des produits du tabac dans les points de vente. Résumé des résultats, CIPRET-Vaud, Lausanne Dépenses de publicité pour les produits du tabac, Media Focus ­ Synthèse OFSP, août 2019 FF 1994 I 463

6842

FF 2020

population soutient cette mesure. Le taux d'approbation le plus récent, en 2018, était de 64 % de la population âgée de 15 ans et plus15.

2.2

Réglementation actuelle de la publicité

Les produits du tabac étaient réglementés dans l'ancienne législation fédérale sur les denrées alimentaires et les détails sont précisés dans l'ordonnance du 27 octobre 2004 sur le tabac (OTab)16. À l'occasion de la révision totale de la loi du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires (LDAl) 17, entrée en vigueur le 1er mai 2017, les produits du tabac ont été exclus de son champ d'application. Tant que la nouvelle loi sur les produits du tabac, actuellement au Parlement, n'est pas entrée en vigueur, une disposition transitoire de la LDAl (art. 73 LDAl), prévoit que l'ancienne loi reste applicable aux produits du tabac.

L'OTab prévoit l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac lorsqu'elle s'adresse spécialement aux jeunes de moins de 18 ans. Celle-ci est notamment interdite dans les lieux et les manifestations culturelles, sportives ou autres principalement fréquentés par des jeunes, dans les revues, journaux et autres publications destinés principalement aux jeunes ainsi que sur le matériel scolaire et sur les jouets (art. 18, let. a à c, e et g, OTab). La distribution à des jeunes d'objets publicitaires gratuits sur lesquels figure de la publicité pour les produits du tabac (T-shirts etc.) et la distribution gratuite de produits du tabac et de produits contenant des succédanés de tabac destinés à être fumés sont de plus interdites (art. 18, let. d et f, OTab).

La loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV)18 prévoit en outre une interdiction de la publicité pour les produits du tabac ainsi qu'une interdiction de parrainage de programmes à la radio ou à la télévision par des entreprises ou marques de l'industrie du tabac.

Les cantons ont, quant à eux, introduit des restrictions de la publicité pour les produits du tabac entre 2000 et 2016, suite à l'arrêt du Tribunal fédéral de 2002 19 qui avait jugé la restriction de publicité du canton de Genève comme conforme à la Constitution. La plupart de ces restrictions ont été soutenues en votations populaires,

15

16 17 18 19

Enquête Omnibus «Santé et Lifestyle» 2018, Office fédéral de la santé publique, Office fédéral de la statistique accessible sous: https://www.obsan.admin.ch > Thèmes de santé > Santé de la population > Facteurs d'influence sur la santé > Tabac ­ Opinion de la population relative aux mesures structurelles, 2018; Publicité, prix et mises en garde: opinions et vécus relatifs à des législations sur les produits du tabac en 2012, 2014, 2016 - Analyse des données du Monitorage suisse des addictions, accessible sous: https://www.suchtmonitoring.ch > Publications; Publicité pour le tabac et parrainage: l'opinion de la population suisse (2003, 2005, 2006, 2007-2010) - Monitorage sur le tabac ­ Enquête suisse sur le tabagisme 2010, accessible sous https://www.aramis.admin.ch > Recherche de projets > 02.001670; rapports plus anciens disponibles à l'OFSP.

RS 817.06 RS 817.0 RS 784.40 ATF 128 I 295

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qu'il s'agisse d'initiatives sur le plan cantonal ou de référendums. 17 cantons comprenant 88 %20 de la population interdisent l'affichage21, et 6 d'entre eux interdisent la publicité dans les cinémas (GE, OW, SG, SO, VS, ZH). Dans les cantons de Soleure et du Valais, la publicité et le parrainage pour le tabac sont interdits sur le domaine public, sur le domaine privé visible depuis le domaine public, lors des séances de cinéma ainsi que lors d'événements culturels ou sportifs.

Depuis 1992, l'industrie de la cigarette s'est dotée d'une réglementation volontaire en matière de restrictions de la publicité. En signant un accord avec la Commission suisse pour la loyauté, Swiss Cigarette s'est volontairement engagée à ce que la promotion de produits du tabac s'adresse exclusivement à des adultes 22. Par exemple, une publicité ne doit pas représenter une personne ayant moins de 25 ans ni être placée à moins de 100 m d'une école fréquentée essentiellement par des mineurs. En cas d'infraction, la commission n'est toutefois pas habilitée à prendre des mesures punitives.

Concernant la publicité pour les cigarettes électroniques, il n'existe pour l'instant aucune restriction légale pour protéger la jeunesse au niveau fédéral. Néanmoins, afin de combler le vide juridique jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur les produits du tabac (LPTab), les représentants des professionnels de la branche ont élaboré deux codes de conduite23. Ceux-ci fixent les mêmes limitations en matière de publicité que celles existant pour les produits du tabac, c'est-à-dire que les signataires renoncent à toute publicité qui s'adresse spécialement aux mineurs. Au niveau cantonal, les deux Bâles sont les premiers cantons à avoir étendu l'interdiction de publicité par voie d'affichage aux cigarettes électroniques début 2020.

2.3

Nouvelle loi sur les produits du tabac

En 2015, le Conseil fédéral avait transmis un premier projet LPTab au Parlement 24.

Ce projet visait à protéger l'être humain contre les effets nocifs liés à la consommation des produits du tabac et à l'utilisation des cigarettes électroniques. Il allait dans le sens de la présente initiative, sans pour autant aller aussi loin. En effet, le Conseil fédéral reconnaissait l'importance de la protection des enfants et de la jeunesse dans le domaine des produits du tabac mais considérait également nécessaire de maintenir un certain équilibre entre les intérêts de la santé et ceux de l'économie. En décembre 2016, sur proposition du Conseil des États, le Conseil national a décidé le renvoi du projet de loi au Conseil fédéral. La majorité estimait que la loi allait trop loin en matière de publicité.

20 21 22 23

24

Population au 31.12.2018 AR, BE, BL, BS, FR, GE, GR, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH.

Cf. www.faire-werbung.ch/fr > Documentation >Autorégulation de tiers > Accord de l'industrie de la cigarette, en vigueur depuis le 1 er avril 2018.

Code de conduite de l'association professionnelle Swiss Vape Trade (SVTA) du 10 septembre 2018, accessible sous: fr.svta.ch/codex-de-la-svta-des-fabricants-etcommercants-concernant-la-commercialisation-des-objets-et-produits-de-la-vape/; Code de conduite de la Communauté du commerce suisse en tabacs du 25 janvier 2019, accessible sous: www.swiss-tobacco.ch/?lang =fr FF 2015 8557

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Le second projet LPTab a été transmis au Parlement en novembre 201825. Les restrictions publicitaires prévues n'allaient pas plus loin que le droit actuel et consistaient, conformément à la proposition de renvoi du Parlement, uniquement en une interdiction de toute publicité s'adressant spécialement aux mineurs (cf. ch. 2.2).

Lors de la session d'automne 2019, le Conseil des États, en tant que conseil prioritaire, a reconsidéré sa position et a décidé de modifier le projet afin de garantir une meilleure protection des jeunes. Il a proposé d'aller plus loin que le droit actuel en complétant le projet avec certaines nouvelles restrictions de publicité afin que la Suisse puisse remplir les exigences minimales prévues dans la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)26. Il s'agit des restrictions supplémentaires suivantes: ­

une interdiction de la publicité dans les journaux, revues ou autre publications ainsi que sur Internet;

­

une interdiction de la publicité faite au moyen de comparaisons de prix, de promesses de cadeaux ou d'autres avantages;

­

une interdiction de la promotion sous la forme de distribution gratuite de produits ou de distribution de cadeaux ou de prix;

­

une interdiction du parrainage de manifestations à caractère international par l'industrie du tabac;

­

la déclaration par l'industrie du tabac des dépenses consacrées à la publicité, à la promotion et au parrainage des produits du tabac;

­

l'obligation d'apposer des mises en garde sur la publicité et sur l'indication d'un parrainage.

Les restrictions publicitaires prévues dans les deux projets de 2015 et 2018 visent autant les produits du tabac traditionnels que les produits alternatifs, comme les cigarettes électroniques. Les nouvelles restrictions de publicité introduites par le Conseil des États prévoient elles aussi une application étendue aux produits alternatifs. Le Conseil des États propose de surcroît une interdiction de parrainage par l'industrie du tabac d'événements qui sont organisés par les pouvoirs publics, c'està-dire par la Confédération, les cantons ou les communes.

2.4

Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)

La convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) est entrée en vigueur en 2005. Elle a été élaborée suite à la forte augmentation, au niveau mondial, des maladies et décès liés à la consommation de tabac et réaffirme le droit de tout être humain d'atteindre le meilleur état de santé possible. La CCLAT représente un jalon dans l'amélioration de la santé publique et apporte une dimension juridique nouvelle à la coopération internationale en matière de santé. Elle inclut un train de 25 26

FF 2019 899 www.who.int/fctc/text_download/fr/

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mesures complet permettant de restreindre à l'échelle mondiale les conséquences négatives de la consommation de tabac pour la santé et l'économie.

La CCLAT compte à ce jour 182 parties27, y compris l'Union européenne (UE). La Suisse l'a signée en 2004, exprimant ainsi la volonté du Conseil fédéral d'y adhérer.

Cependant, elle ne l'a pas encore ratifiée. En Europe, seuls Andorre, Monaco et le Liechtenstein ne sont pas parties à la CCLAT et au niveau mondial, notamment les États-Unis, Cuba et Haïti ne l'ont pas ratifiée.

En matière de publicité en faveur du tabac, de promotion et de parrainage du tabac, la CCLAT prévoit une interdiction globale en laissant aux parties un délai de 5 ans pour adopter des mesures appropriées dans ce sens (art. 13, par. 2). Si la constitution ou les principes constitutionnels d'une partie ne lui permettent pas d'instaurer une interdiction globale, la partie doit imposer des restrictions à la publicité en faveur du tabac, à la promotion et au parrainage (art. 13, par. 3). Selon les directives d'application de cet article, ces restrictions doivent être aussi complètes que possible compte tenu de la constitution ou des principes constitutionnels de la partie.

La CCLAT (art. 13, par. 4) précise encore que ces restrictions doivent tenir compte d'un certain nombre d'exigences minimales en matière de publicité, de promotion et de parrainage. Ces exigences minimales couvrent différents domaines comme l'interdiction de promouvoir un produit du tabac en donnant une impression fausse du produit (let. a), l'intégration de mises en garde sanitaires (let. b), l'interdiction de mesures d'incitation à l'achat (let. c), la communication des dépenses de l'industrie du tabac (let. d), l'interdiction globale ou des restrictions à la publicité, promotion et parrainage à la télévision, à la radio, dans la presse écrite et dans d'autres médias tels que l'Internet (let. e), et l'interdiction ou des restrictions du parrainage de manifestations à caractère international et des participants à ces manifestations (let f). La partie est toutefois encouragée à appliquer des mesures allant au-delà de ces exigences minimales.

La CCLAT ne contient pas de prescriptions concernant les cigarettes électroniques, celles-ci étant apparues après l'adoption de la convention. L'OMS a toutefois publié un
rapport sur les «inhalateurs électroniques de nicotine» le 1 er septembre 201428.

Le rapport conclut que les données sont actuellement insuffisantes pour déterminer si les cigarettes électroniques aident ou non les fumeurs à arrêter de fumer. Puis en novembre 2016, la Conférence des Parties a adopté une décision29 invitant les parties à envisager l'application de mesures réglementaires pour interdire ou limiter la fabrication, l'importation, la distribution, la remise, la vente et l'utilisation des cigarettes électroniques en fonction de leurs lois nationales et de leurs objectifs en matière de santé publique.

En l'absence de certaines exigences minimales en matière de publicité, de promotion et de parrainage, le projet LPTab de 2018 ne permet pas de ratifier la CCLAT, contrairement au premier projet de 2015. La version proposée par le Conseil des 27 28 29

État au 1er août 2020 Electronic nicotine delivery systems, Report FCTC/COP/6/10 Rev.1 du 1 er septembre 2014.

Electronic nicotine delivery systems and electronic non- nicotine delivery systems.

Decision FCTC/COP7(9) du 12 novembre 2016.

6846

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États lors de la session d'automne 2019 remplit en revanche les conditions minimales requises pour la ratification.

2.5

Lancement de l'initiative

Suite au renvoi par le Parlement du premier projet LPTab de 2015 au Conseil fédéral et au mandat de celui-ci pour le second projet, un comité d'initiative composé de membres d'organisations suisses de santé a lancé, le 20 mars 2018, l'initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac)».

Plus d'une quarantaine d'organisations de santé de Suisse soutiennent l'initiative.

Outre l'Alliance pour la santé en Suisse, il s'agit en particulier des Médecins de famille et de l'enfance Suisse, de l'Association suisse pour la prévention du tabagisme, de la Ligue suisse contre le cancer, de la Ligue pulmonaire suisse, de la Fédération des médecins suisses et de Pharmasuisse. Le Conseil Suisse des Activités de Jeunesse est également impliqué.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

Le but des auteurs de l'initiative populaire est de protéger les enfants et les jeunes contre la publicité pour le tabac et de leur permettre de grandir sainement. Pour cela, la Confédération et les cantons doivent promouvoir la santé des enfants et des jeunes et toute forme de publicité pour les produits du tabac qui «les atteint» doit être interdite. Ainsi, toute publicité qui s'adresse principalement aux adultes mais qui est accessible aux enfants et aux jeunes doit également être couverte par l'interdiction.

Les arguments des initiants sont les suivants30:

30

­

En visant les jeunes, la publicité pour le tabac cherche à attirer de nouveaux clients, car les personnes qui fument déjà changent rarement de marque.

Étant donné que les jeunes fument plus souvent que le reste de la population, la publicité joue un rôle important. Des études scientifiques prouvent que les jeunes qui sont souvent exposés à la publicité pour le tabac ont plus de risque de devenir fumeurs.

­

Les multinationales du tabac appâtent les jeunes avec la publicité, des actions de promotion et de parrainage. Cela explique pourquoi elles sont souvent présentes à des concerts, des fêtes et des festivals. Les jeunes sont particulièrement sensibles à la féérie, à la légèreté, au succès et au sex-appeal que la publicité véhicule. Ils perçoivent alors ces entreprises comme des promoteurs culturels et des acteurs bienveillants et développent une image positive des produits du tabac. En outre, les offres promotionnelles («trois paquets de

Site Internet des initiants: enfantssanstabac.ch > Arguments

6847

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cigarettes pour le prix de deux») sont un autre moyen d'attirer les jeunes, car ils sont particulièrement sensibles au prix.

­

Les initiants estiment également que la réglementation sur la publicité pour le tabac est trop laxiste et que le projet de loi sur les produits du tabac de 2018 ne prévoit pas de mesures efficaces en matière de prévention du tabagisme. Les coûts pour la collectivité, occasionnés par les pertes de production pour cause de maladie, chômage, invalidité ou décès précoce, sont extrêmement élevés. De plus, la majorité de la population serait favorable à une protection accrue et soutiendrait une interdiction de parrainage des manifestations culturelles et sportives par l'industrie du tabac.

3.2

Réglementation proposée

L'initiative vise à protéger les enfants et les jeunes contre la publicité pour les produits du tabac en proposant une interdiction de toute forme de publicité pour les produits du tabac qui les atteint. Celle-ci touche en particulier la presse écrite, Internet y compris les médias sociaux, les affiches, les cinémas et les points de vente ou les manifestations. Pour les initiants, la notion de publicité doit être comprise dans son sens large, c'est-à-dire qu'elle comprend également la promotion et le parrainage en faveur des produits du tabac. En outre, ils estiment que les produits de substitution (par ex. cigarettes électroniques) doivent être réglementés comme les produits du tabac traditionnels.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Les auteurs de l'initiative proposent de modifier les art. 41, al. 1, let g, et 118, al. 2, let. b, de la Constitution en les complétant. Une disposition transitoire est en outre ajoutée à l'art. 197, ch. 12 de la Constitution.

Art. 41, al. 1, let. g La let. g de cet alinéa est complétée par une obligation pour la Confédération et les cantons de promouvoir la santé des enfants et des jeunes (cf. ch. 1.1). Le domaine d'action possible n'est pas défini. Il est donc large et ne s'arrête pas forcément à la prévention contre le tabagisme.

Art. 118, al. 2, let. b La disposition existante de la Constitution sur la protection de la santé, qui autorise la Confédération à prendre des mesures de lutte contre les maladies particulièrement dangereuses, est complétée par une seconde phrase (cf. ch. 1.1). Celle-ci exige que la Confédération légifère dans le domaine de la publicité pour les produits du tabac en interdisant, notamment, toute forme de publicité qui atteint les jeunes et les enfants. L'adverbe «notamment» accorde une marge de manoeuvre pour d'éventuelles autres mesures que l'interdiction de la publicité.

6848

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D'après le texte de l'initiative, l'interdiction de publicité concerne en premier lieu les produits du tabac. Aucun texte définissant plus précisément cette catégorie de produits n'accompagne l'initiative. Or les initiants aimeraient, comme ils l'ont annoncé lors du dépôt de l'initiative, que les produits de substitution ou produits alternatifs aux produits du tabac (par ex. cigarettes électroniques) soient également concernés par cette interdiction31. Les différentes catégories de produits doivent ainsi être traitées sur un pied d'égalité.

Le texte de l'initiative mentionne l'interdiction de «toute forme de publicité» qui atteint les enfants et les jeunes. Par cette formulation, les initiants visent la publicité au sens large, c'est-à-dire également la promotion et le parrainage en faveur de produits du tabac qui atteignent les mineurs32. Il peut s'agir de promotion de produits du tabac sous la forme de rabais (par ex. «3 pour 2») ou de distribution gratuite à des mineurs ou de parrainage par l'industrie du tabac d'événements publics ou privés accessibles aux mineurs.

L'interdiction s'applique à toute publicité qui «atteint» les enfants et les jeunes. La formulation proposée est ainsi beaucoup plus large que le droit actuel qui prévoit une interdiction de la publicité lorsqu'elle «s'adresse spécialement» aux jeunes de moins de 18 ans. Ainsi, une publicité qui viserait les adultes serait interdite lorsqu'elle atteint des mineurs, donc lorsqu'elle est accessible aux enfants et aux jeunes.

Toute forme de publicité dans les médias, par affichage ou au point de vente, susceptible d'atteindre des mineurs, tomberait donc sous l'interdiction. Cependant, la publicité ciblant les adultes et inaccessible pour les mineurs resterait possible. Il s'agirait par exemple d'envois de publicité par courriel à des adultes, de distribution de papillons publicitaires à des adultes, de spots publicitaires lors de séances de cinéma ou sur des médias audiovisuels (films, jeux, etc.) réservés aux plus de 18 ans ou encore d'affichage dans des lieux de vente réservés aux adultes (par ex. magasins spécialisés pour les produits du tabac ou cigarettes électroniques).

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation de l'initiative

Le tabagisme, un problème de santé publique reconnu Le tabagisme représente la première cause évitable de décès en Suisse. Comme le présent message l'explique en détail au ch. 2.1, il s'agit d'un problème de santé publique important.

L'initiative a pour objectif que les enfants et les jeunes grandissent sans publicité pour le tabac. Cela accroîtrait leurs chances de ne pas développer de dépendance aux produits du tabac ni à la nicotine des cigarettes électroniques tout au long de leur vie. Cela entraînerait une baisse de la part de fumeurs à moyen et à long terme et 31 32

Communiqué de presse des initiants du 12 septembre 2019. Disponible sous enfantssanstabac.ch > L'initiative > News Communiqué de presse des initiants du 12 septembre 2019. Disponible sous enfantssanstabac.ch > L'initiative > News

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contribuerait à résoudre les problèmes de santé publique posés par la consommation de tabac et la dépendance à la nicotine.

Buts et revendications de l'initiative L'objectif de l'initiative populaire est de contribuer au développement sain des enfants et des jeunes (cf. ch. 3.1.).

Comme près de la moitié des fumeurs commencent à fumer quotidiennement avant l'âge de 18 ans, l'initiative améliorerait également la santé de la population adulte à long terme.

Le Conseil fédéral approuve l'orientation générale de l'initiative populaire, car elle contribuerait à améliorer la santé publique en Suisse.

Une récente étude comparative de 36 pays européens (Tobacco Control Scale 2019) a aussi montré que les normes internationales ont changé et qu'il est nécessaire d'agir en Suisse33. La Suisse figure en effet à l'avant-dernière place du classement dans l'application de mesures efficaces de contrôle du tabac. Cette situation s'explique notamment par le peu de restrictions de la publicité pour le tabac.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

L'acceptation de l'initiative aurait pour conséquence une interdiction très large mais pas totale de la publicité pour les produits du tabac.

Il n'existe pas d'étude spécifique sur les effets d'une interdiction de la publicité comme le prévoit l'initiative. Il est toutefois possible de dégager certaines observations sur ses conséquences en s'appuyant sur l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) réalisée en 2015 dans le cadre du premier projet LPTab.

Conséquences du projet LPTab de 2015 (selon l'AIR) L'AIR avait évalué les conséquences sur la santé et l'économie du premier projet LPTab. Ce projet de loi comprenait aussi des restrictions de la publicité. Pour l'essentiel, il s'agissait des nouvelles interdictions suivantes: ­

la publicité: dans la presse, sur Internet, par voie d'affichage, dans les cinémas, sur les places de sport et lors de manifestations sportives;

­

le parrainage d'événements à caractère international;

­

la distribution de cadeaux;

­

l'octroi de rabais limités dans le temps et l'espace;

­

la remise de produits à titre gratuit.

L'AIR était arrivée à la conclusion que les restrictions à la publicité prévues dans la LPTab se traduiraient à long terme par une réduction de la prévalence de fumeurs se 33

Joossens L, Feliu A, Fernandez E. The Tobacco Control Scale 2019 in Europe. Brussels: Association of European Cancer Leagues, Catalan Institute of Oncology; 2020. Accessible sous: www.tobaccocontrolscale.org/TCS2019.pdf

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situant entre 5,4 % et 9,9 % . Les coûts sociaux annuels du tabagisme (coûts de la santé, pertes de productivité) se réduiraient ainsi de 229 à 407 millions de francs suivant la méthode de calcul. L'AIR prévoyait également que l'introduction du projet de loi aurait pour effet une diminution du chiffre d'affaires du secteur du tabac estimée entre 111 et 170 millions de francs en moyenne par année et conduirait ainsi au transfert de 340 à 540 places de travail du secteur du tabac vers d'autres secteurs. Selon les estimations de l'OFSP sur la base des chiffres de l'AIR, sur ces 340 à 540 places de travail transférées vers d'autres secteurs, 240 à 450 peuvent être attribuées à l'effet des restrictions de la publicité. Le transfert des autres places de travail serait quant à lui principalement dû à l'introduction sur le marché des cigarettes électroniques (transfert interne au secteur), parce qu'une partie des consommateurs de tabac privilégierait les cigarettes électroniques.

Conséquences de l'initiative En comparaison avec le projet LPTab de 2015, l'initiative prévoit les interdictions supplémentaires suivantes: ­

interdiction de la publicité accessible aux mineurs: ­ dans les lieux de vente, ­ lors de manifestations;

­

interdiction du parrainage d'événements accessibles aux mineurs: ­ sans portée internationale, ­ organisés par les pouvoirs publics à l'étranger;

­

interdiction de l'octroi général de rabais aux mineurs.

Les règles proposées par l'initiative devraient entraîner des restrictions plus radicales de la publicité pour les produits du tabac que celles prévues par le projet du Conseil fédéral de 2015. Et ce notamment du fait de l'interdiction de publicité dans les lieux de vente ainsi que de l'interdiction de parrainage d'événements privés à caractère national (par ex. festivals). On peut donc raisonnablement estimer que les conséquences positives sur la santé et l'économie seraient plus importantes que celles calculées dans l'AIR de 2015.

Une liste complète des restrictions publicitaires prévues par l'intiative par rapport à la réglementation actuelle, aux projets de loi de 2015 et 2018 ainsi qu'à la réglementation proposée par le Conseil des États pendant la session d'automne 2019 figure en annexe.

4.3

Avantages et inconvénients de l'initiative

L'initiative peut clairement être approuvée du point de vue de la santé publique. En effet, une meilleure protection des jeunes contre la publicité pour les produits du tabac est souhaitable afin de protéger leur santé. Les jeunes sont particulièrement influençables et sensibles aux messages publicitaires. Près de la moitié (46 %) des fumeurs ont commencé à fumer tous les jours lorsqu'ils n'étaient pas encore

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majeurs. Ils sont en outre très exposés à la publicité pour les produits du tabac (cf. ch. 2.1).

Avec une interdiction très large de la publicité pour les produits du tabac, l'initiative aurait un impact positif non seulement sur la santé des mineurs mais aussi sur la santé de l'ensemble de la population. Cela permettrait également de diminuer les coûts du tabagisme qui sont particulièrement élevés (cf. ch. 4.2).

De plus, l'initiative rendrait la ratification de la CCLAT possible, ce qui demeure un objectif du Conseil fédéral depuis sa signature en 2004. Les propositions du Conseil des États en tant que premier conseil dans les débats parlementaires sur la LPTab le permettraient également.

Comme l'a révélé l'AIR sur le premier projet LPTab de 2015, qui n'a pas été retenu, les interdictions de publicité contribuent à la réduction du nombre de fumeurs. Les coûts sociaux du tabagisme diminuent ainsi de plusieurs centaines de millions de francs chaque année. La présente initiative prévoit des restrictions publicitaires encore plus strictes que la LPTab de 2015 et réduirait donc encore davantage les coûts du tabagisme.

Pour le Conseil fédéral, il s'agit toutefois de mettre en balance les intérêts de la santé et ceux de l'économie.

L'initiative exige l'interdiction de toute publicité qui atteint les jeunes. Cette disposition aurait pour conséquence que la publicité ne serait autorisée que dans les rares lieux qui ne sont pas fréquentés par les jeunes. Une restriction aussi large de la publicité va trop loin.

Certaines entreprises ­ actives dans la fabrication, la distribution ou le marketing des produits du tabac et des cigarettes électroniques­ perdraient en outre des revenus.

D'après l'AIR, cela pourrait entraîner le transfert de places de travail du secteur du tabac vers d'autres secteurs économiques, car l'argent qui n'est pas dépensé pour les produits du tabac le serait à d'autres fins de consommation (effet de répartition).

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

L'initiative et les éventuelles nouvelles restrictions à la publicité, au parrainage et à la promotion qui en découleraient en cas d'acceptation sont compatibles avec les obligations de la Suisse résultant d'accords internationaux. L'initiative est également conforme aux engagements de la Suisse à l'égard de l'UE, ainsi qu'aux objectifs visés par sa politique européenne.

L'initiative est en particulier compatible avec la Convention de l'ONU du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant34 approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. La convention a été ratifiée par la Suisse le 24 février 1997 et est entrée en vigueur le 26 mars 1997.

34

RS 0.107

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La convention ne mentionne pas explicitement la protection des enfants contre la publicité pour le tabac. Toutefois, elle charge les États parties de favoriser l'élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l'enfant contre l'information et les matériels qui nuisent à son bien-être (art. 17, let. e) et de reconnaître le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation (art. 24). L'initiative est ainsi conforme aux buts visés par la convention et aux dispositions précitées.

La Suisse n'ayant pas ratifié la CCLAT, cette dernière ne lui impose pas d'obligations à l'heure actuelle. Le ch. 2.4 du présent message donne un aperçu des dispositions internationales contenues dans cette convention.

5

Conclusions

Le Conseil fédéral reconnaît que l'initiative vise un problème de santé publique. Le tabagisme est responsable de près de 15 % des décès et représente ainsi la première cause évitable de décès en Suisse. Près de la moitié des fumeurs commence à consommer du tabac à l'adolescence. Une meilleure protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour les produits du tabac est par conséquent souhaitable.

Des mesures sont aussi nécessaires au regard des coûts élevés occasionnés par le tabagisme, aussi bien pour le système de santé que pour l'économie.

Le Conseil fédéral estime toutefois que l'initiative, qui entraînerait de très larges restrictions publicitaires, va trop loin. Il est d'avis qu'un certain équilibre entre les intérêts de la santé et ceux de l'économie doit être maintenu. Dans le cadre du projet LPTab de 2015, le Conseil fédéral a déjà exprimé sa volonté de restreindre la publicité dans une mesure acceptable pour l'industrie du tabac.

C'est pourquoi il rejette l'initiative. Cependant, comme il soutient le principe de ce texte, il s'engagera pour améliorer encore la protection de la jeunesse dans le cadre des débats parlementaires en cours sur la LPTab et soutiendra par exemple l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac au cinéma et sous forme d'affichage. Ces mesures étaient déjà prévues dans le premier projet LPTab de 2015.

Il va ainsi plus loin que le Conseil des États, qui a déjà fait un pas important dans le cadre des débats sur la LPTab. Celui-ci a en effet adopté plusieurs amendements dans le but de remplir les conditions minimales de la CCLAT (cf. ch. 2.3). La ratification de la convention de l'OMS devrait donc être possible indépendamment de la présente initiative.

Le Conseil fédéral estime qu'une LPTab ainsi modifiée serait équilibrée. Elle irait dans le sens de l'initiative et garantirait une amélioration efficace et suffisante de la protection des mineurs et des jeunes. Elle tiendrait compte, par ailleurs, des préoccupations de l'économie en autorisant encore certaines formes de publicité, par exemple dans les lieux de vente.

Comme la version actuelle de la LPTab couvre largement les préoccupations de la présente initiative populaire, il n'est pas nécessaire de proposer un contre-projet indirect.

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Le Conseil fédéral demande donc à l'Assemblée fédérale de soumettre l'initiative populaire au vote du peuple et des cantons et de recommander son rejet sans lui opposer de contre-projet.

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Liste des abréviations utilisées AIR ATF CCLAT FF LDAl LParl LPTab LRTV OFSP OMS OTab RS UE

Analyse d'impact de la réglementation Arrêt du Tribunal fédéral Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (Framework Convention on Tobacco Control) Feuille fédérale Loi du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires (RS 817.0) Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10) Loi sur les produits du tabac (Projet) Loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (RS 784.40) Office fédéral de la santé publique Organisation mondiale de la santé Ordonnance du 27 octobre 2004 sur le tabac (RS 817.06) Recueil systématique du droit fédéral Union européenne

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Annexe: liste des restrictions pour les produits du tabac et les cigarettes électroniques dans le domaine de la publicité et de la vente Remarque: les domaines assortis de restrictions sont marqués en gris foncé, les domaines sans restrictions nationales en gris clair.

Réglementations pour la publicité et la promotion (par canal médiatique)

A l'heure actuelle LDAl et LRTV

LPTab 2015 et LRTV

LPTab 2018 et LRTV

Proposition CE du 26.9.2019 et LRTV

Initiative et LRTV

Publicité pour les produits du tabac à la radio et à la télévision Publicité pour les produits du tabac ciblant spécifiquement les jeunes Distribution d'articles promotionnels gratuits (T-shirts, etc.)

aux jeunes Distribution d'échantillons gratuits

Réservé aux adultes

Octroi de rabais

Publicité par affichage

Partiellement autorisé

Partiellement autorisé

Réservé aux adultes

16 cantons35

15 cantons36

16 cantons37

16 cantons38

6 cantons39

5 cantons40

6 cantons41

6 Réservé cantons42 aux adultes

Annonces (presse) Spots publicitaires au cinéma

Publicité sur Internet

35 36 37 38 39 40 41 42

AR, BE, BL, BS, GE, GR, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH AR, BE, BL, BS, GE, GR, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH AR, BE, BL, BS, GE, GR, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH AR, BE, BL, BS, GE, GR, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH GE, OW, SG, SO, VS, ZH GE, SG, SO, VS, ZH GE, OW, SG, SO, VS, ZH GE, OW, SG, SO, VS, ZH

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Réglementations pour la publicité et la promotion (par canal médiatique)

Vente directe par des vendeurs mobiles avec remise sur le prix

A l'heure actuelle LDAl et LRTV

LPTab 2015 et LRTV

LPTab 2018 et LRTV

Proposition CE du 26.9.2019 et LRTV

Initiative et LRTV

Réservé aux adultes

Envoi de courriels publicitaires destinés aux adultes

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Réglementations pour la publicité et la promotion (par canal médiatique), autres thèmes en blanc

A l'heure actuelle (LDAl)

LPTab 2015

LPTab 2018

Proposition CE du 26.9.2019

2 cantons43

2 cantons44

2 cantons45

2 cantons46

Initiative

Publicité sur des articles de consommation courante Publicité au moyen de comparaisons de prix ou de promesses de cadeaux Parrainage d'événements à caractère international Parrainage d'événements nationaux (sans caractère international) Parrainage d'événements des pouvoirs publics Publicité dans les lieux de vente

Réservé aux adultes

Publicité avec allusion à un bénéfice pour la santé, lien avec le bien-être

Réservé aux adultes

Publicité dans les transports publics Publicité dans et sur des bâtiments servant à l'usage public Publicité dans les endroits destinés aux activités sportives et lors de manifestations sportives Promotion: remises sur les prix limitées à certaines heures et à certains endroits (par ex. pendant un festival de musique)

Réservé aux adultes

Promotion: remises sur les prix destinées à un cercle de personnes déterminé (par ex.

destinataires de publipostages)

Réservé aux adultes

43 44 45 46

SO, VS SO, VS SO, VS SO, VS

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Réglementations pour la publicité et la promotion (par canal médiatique), autres thèmes en blanc

A l'heure actuelle (LDAl)

Déclaration des dépenses consacrées à la publicité, à la promotion et au parrainage Avertissements en cas de publicité autorisée

Engagement volontaire

LPTab 2015

LPTab 2018

Proposition CE du 26.9.2019

Obligatoire

Obligatoire

Obligatoire

Obligatoire

Initiative

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