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XLIIIme année. Vol. I.

Mercredi 8 avril 1891

N 14.

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) 4 francs.

' Prix d'insertion : 15 centimes la ligne. Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne,

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

la révision de la loi fédérale sur le placement des fonds de la Confédération.

(Du 17 mars 1891.)

Monsieur le président et Messieurs, La loi fédérale du 16 mars 1877 (Ree. off., nouv série, III 129) sur le placement des fonds fédéraux, qui a remplacé l'ancienne loi du 23 décembre 1851 (Ree. off., III. 6), concernant les emprunts faits sur les fonds fédéraux, établit les conditions dans lesquelles les capitaux disponibles de la caisse d'état fédérale doivent ou peuvent être placés, abstraction faite des sommes nécessaires pour faire face aux dépenses courantes et d'une somme d'un million de francs, destinée à former une réserve de guerre.

Les limites posées par cette loi s'étaient montrées trop étroites, de sorte qu'elles avaient déjà dû être élargies par l'arrêté fédéral du 26 juin 1884, concernant l'extension et la modification de la loi fédérale du 16 mars 1877 sur 3e placement des fonds de la Feuille fédérale suisse. Année XLIII

Vol. 1.

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Confédération (Ree. off., nouv. série, VII. 544). Cet arroto autorisait le conseil fédéral à acheter aussi des fonds publics étrangers, et abrogeait la disposition qui limitait l'effectif du portefeuille d'effets de change à la somme de fr. 500,000.

Aujourd'hui, nous éprouvons de nouveau des difficultés considérables pour placer nos capitaux disponibles de manière ù leur faire produire un intérêt satisfaisant.

D'un côté, les fonds que nous nous sommes procurés en vue du nouvel armement ne seront pas dépensés aussi promptemeut qu'on le prévoyait, et les sommes que le syndicat preneur de la rente suisse des chemins de fer a versées à la Confédération forment un capital considérable qui ne trouvera que peu à peu son emploi définitif, au fur et à mesure de nos achats d'actions privilégiées du Jura-Simplon sur le marché.

D'un autre côté, il est souvent difficile de placer ces fonds disponibles de manière à ce qu'ils soient réalisables en tout temps sans que l'on puisse prévoir de perte sur le capital et à ce qu'ils rapportent en moyenne dans l'intervalle un intérêt au moins égal à celui que nous devons payer pour nos emprunts fédéraux.

Il est très difficile de se procurer des titres hypothécaires au 4°/0, et les titres de tout premier ordre, comme ceux que nous exigeons, font déjà prime ; en outre, nous estimons que les créances hypothécaires conviennent plutôt aux fonds spéciaux dont le capital doit rester intact, comme par exemple au fonds Grenus des invalides, et non à ceux dont les valeurs doivent pouvoir être réalisées promptemeut en cas de besoin.

Les dépôts de banque ne sont plus recherchés que rarement, même à un taux d'intérêts inférieur ; ce genre de placement, qui est nécessaire à la caisse d'état, est de beaucoup le moins productif, et pour d'autres raisons encore, il n'est pas opportun d'augmenter davantage l'importance des sommes placées en dépôt dans les banques.

Le portefeuille d'effets de change a également donné un revenu assez modeste pendant les dernières années, à cause de l'abondance de l'argent disponible. Pendant le dernier trimestre de 1890 on a vu le taux officiel de l'escompte s'élever jusqu'à 5 °/0, mais dès le commencent de 1891, ce taux a rapidement baissé. La différence est d'autant plus sensible ur la caisse d'état fédérale que r)e nous n'acceptons jamais que du pa^, banque de premier ordre, è le et que nous ne pouvons l'obtenir dans ^ 1u'à Y2-3/4% audessous du taux officiel de l'escompte.

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nombre des titres à 4 °/0 s'est réduit à son minimum, et que, en tant qu'il en existe encore, il faut les acheter en payant un agio qui compense de nouveau en majeure partie leur rendement plus élevé. Les obligations cantonales au 3 '/2 °/o se sont même rapprochées du pair pendant quelque temps, et si l'élévation du taux de l'escompte pendant le dernier trimestre de 1890 a amené une baisse des cours de ces obligations, il est toutefois à prévoir que l'on reviendrait aux cours antérieurs dans le cas où cette abondance de l'argent se maintiendrait longtemps.

Dans ces circonstances, nous estimons qu'il est dans l'intérêt de l'administration des finances de la Confédération d'élargir encore une fois les limites des conditions posées pour les placements à intérôts, et nous vous proposons donc de réviser la loi pour faire entrer les obligations des chemins de fer suisses dans la liste des valeurs admises. On ne devra toutefois reconnaître comme admissibles que les obligations des chemins de fer dont le rendement net des trois dernières années correspondrait à un revenu d'au moins 3 °/0 sur l'ensemble du capital-actions. En outre le département des finances aurait à provoquer la décision du conseil fédéral pour établir quelles sont les obligations de chemins de fer remplissant ces conditions qui, vu la situation générale de l'entreprise, peuvent être achetées comme placement dans le sens de cette loi.

L'achat d'obligations de chemins de fer a déjà été proposé lors de la révision de la loi fédérale de 1851, mais à cette époque, on' a soulevé des objections contre leur admission comme placement, en faisant valoir en particulier qu'il existait une quantité suffisante d'obligations cantonales ou garanties par les cantons pour pouvoir couvrir constamment nos besoins en fait de valeurs de placement.

Indépendamment de ce que les obligations de chemins de fer dont nous proposons l'acquisition forment un placement dont la solidité peut être considérée comme incontestable, il faut encore tenir compte de leur rendement, qui est actuellement plus rémunérateur que celui des fonds d'état ; en outre, l'expérience prouve que ces derniers sont beaucoup plus exposés à des remboursements anticipés ou à des conversions.

En outre, les obligations de chemins de fer dont il est question ici sont devenues, depuis qu'elles
ont été cotées à la bourse de Francfort S/M., une valeur de commerce connue et appréciée partout, et ces qualités leur ont donné un marché plus étendu et les rendraient beaucoup plus facilement réalisables, même dans des circonstances extraordinaires.

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En fait d'obligations cantonales, par contre, nous ne trouvons que les obligations de l'état de Berne qui soient cotées a la bourse dont nous venons de parler, et près de la moitié de celles des autres cantons ne figure même pas sur les cotes suisses.

Il nous semble donc qu'il n'y a aucune raison d'admettre qu'en temps ordinaire, comme lors d'événements extraordinaires, les obligations cantonales soient préférables aux obligations de chemins de fer que nous proposons d'admettre comme titres de placement, tant sous le rapport de là stabilité des cours que de la faculté d'une prompte réalisation en tout temps.

Il va sans dire que nous ne voulons aucunement exclure les obligations cantonales des achats faits par la caisse d'état fédérale ; il suffit de mentionner le tait qu'à l'époque où nous vous adressons ce message, nos placements en obligations cantonales ou garanties par les cantons ont atteint une somme de 24 millions de francs, et que notre département des finances continue à acheter de ces titres lorsque les cours lui conviennent.

Quoique notre proposition tende principalement à faire comprendre sous certaines conditions les obligations des chemins de fer suisses au nombre des valeurs admises comme placement, le conseil fédéral préfère néanmoins présenter un nouveau projet de loi complet plutôt qu'une seconde modification, d'autant plus que quelques autres dispositions de la loi sont tombées hors d'usage depuis 1877 ou du moins ont besoin d'être révisées.

Nous avons l'honneur d'attirer votre attention, par les quelques lignes qui suivent, sur les autres modifications que nous proposons.

Pour que le titre de la loi soit conforme à son contenu, nous l'avons étendu au placement « des fonds spéciaux ».

Dans l'article 2, nous avons tenu compte du postulat n° 401, du 23 juin 1888, lequel invitait le conseil fédéral à veiller à ce que l'encaisse métallique de la caisse d'état fédérale soit portée à une somme de 10 millions de francs au moins et maintenue ainsi jusqu'à décision contraire de l'assemblée fédérale.

Nous estimons qu'il est absolument nécessaire de conserver cette réserve en espèces, toutefois, par le 2me alinéa, nous mettons dans la compétence de l'assemblée fédérale le soin d'élever ou d'abaisser, selon les circonstances, le chiffre minimum de cette réserve sans qu'il soit nécessaire
pour cela de procéder à une révision de la loi.

Dans l'article 8 (ancien article 2), conformément à la modification de 1884, les fonds d'état et lettres de change étrangers sont admis comme valeurs de placement, ainsi que les obligations de

601 chemins de fer suisses, conformément aux détails que nous avonsdonnés plus haut ot auxquels nous nous référons.

Quant aux fonds spéciaux, les anciennes restrictions ont été dfr nouveau introduites dans l'article 4, c'est-à-dire que les prêts contre nantissement, les effets de change et les dépôts de banque ne sont pas admis comme placement ; par contre, l'article 4 du projet permet que l'on conserve, avec l'autorisation du conseil fédéral, des valeurs faisant partie de donations, de legs ou de fondations, lorsmême qu'elles ne répondraient pas aux conditions énumérées plus haut. La nécessité de cette exception se fait sentir en particulier dans les cas où le donateur ou le fondateur en exprime positivement le désir.

L'article 5 (ancien article 4) indique les conditions qu'un titrehypothécaire doit remplir pour pouvoir être acheté par le département des finances. Nous avons renoncé à maintenir ici l'exigencede l'ancienne loi, qui stipulait que la valeur du gage devait être double de celle du prêt, parce que cette disposition équivaut à l'interdiction d'acquérir un grand nombre d'hypothèques très solides. Si l'on prend comme base, ainsi que le projet de loi le prévoit, l'estimation officielle ou une évaluation d'experts faite dans le but d'établir la valeur vénale que le gage possède en tout temps,.

il suffit parfaitement de réduire encore d'un bon tiers cette valeur pour établir la somme qui peut être placée en hypothèque. Une nouvelle disposition consisto dans l'interdiction de prêter sur des bâtiments industriels.

Par contre, comme d'après la lettre d de l'article 5 les forêtsné peuvent être admises comme partie d'un gage que pour la valeur du sol, les autres restrictions de l'ancienne loi peuvent être supprimées.

Art. 7. Jusqu'à présent le maximum de la somme qui pouvait être déposée auprès d'une banque ou d'une caisse d'état était fixé à fr. 500,000 ; le projet va jusqu'à un million de francs, dans l'idée cependant que ce maximum de crédit ne sera accordé qu'aux grands établissements de banque et qu'il sera fait des conditions spéciales pour le remboursement de la somme qui dépasserait un demimillion.

Enfin, nous avons jugé bon de laisser au conseil fédéral, dans l'article 7, le soin de "décider quels sont les fonds d'état étrangers et les obligations de chemins de fer suisses qui
peuvent être choisis comme placement. De plus, l'article 8 donne au conseil fédéral, à l'occasion du rapport que le département des finances doit lui présenter sur les placements opérés et les ventes effectuées, la faculté de se prononcer chaque mois sur l'importance des premiers et de

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donner à ce sujet au département des finances les instructions qui lui paraîtraient convenables.

Nous n'avons aucune observation particulière à présenter sur les autres paragraphes.

Agréez, Monsieur le président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 17 mars 1891.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : WELTI.

Le chancelier de la Confédération : RINGIER

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Projet.

Loi fédérale concernant

le placement des capitaux de la Confédération et des fonds spéciaux.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du conseil fédéral du 17 mars 1891, arrête : Art. 1er. Les capitaux de la Confédération et des fonds spéciaux doivent être placés de manière à porter intérêts, sous réserve des dispositions suivantes.

Art. 2. La caisse d'état fédérale devra constamment conserver en espèces les sommes nécessaires pour subvenir aux dépenses courantes, et, en outre, une somme d'au moins 10 millions de francs comme réserve destinée à faire face aux premiers frais d'une levée de troupes éventuelle.

L'assemblée fédérale a les compétences nécessaires pour élever ou abaisser le chiffre minimum de cette réserve.

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Art. 3. Le placement des fonds fédéraux peut s'effectuer sous les formes suivantes : a. contre garantie hypothécaire fournie par des particuliers, des corporations ou des communes, mais cela seulement dans les cantons dont la législation assure une réalisation facile du gage hypothécaire ; b. contre nantissement de titres hypothécaires (lettre a) ou d'obligations et de fonds ,,d'état admissibles comme placement (lettres c, à et e) ; c. en obligations émises ou garanties par les cantons oùpar la Confédération ; d. en fonds d'état étrangers ; e. en obligations des chemins de fer suisses dont le rendement net des trois dernières années a permis de donner un dividende correspondant à un revenu d'au moins 3 °/0 sur. l'ensemble du capital actions ; f . en dépôts dans les caisses d'état cantonales et auprès des banques suisses dont les statuts et l'organisation offrent pleine et entière garantie ; g. en effets de change sur les places de banque de la Suisse et de l'étranger, à l'échéance de quatre mois au plus, et portant au moins deux signatures solides et connues.

Pour les effets de change sur la Suisse, la seconde signature pourra être remplacée par un dépôt en nantissement (lettre b).

Les effets de change sur l'étranger devront porter la signature d'une banque suisse accréditée auprès de la Confédération ou garantie par l'état.

Art. 4. Les placements des capitaux des fonds spéciaux ne pourront s'effectuer qu'en titres hypothécaires ou en obligations d'état et de chemins de fer (article 3, lettres «., c, d et e).

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Les titres qui font partie de donations, de fondations ou de legs peuvent être conservés, avec l'autorisation du conseil fédéfal, même dans le cas où ils ne répondraient pas aux conditions ci-dessus énoncées.

Art. 5. Les placements hypothécaires (article 3, lettre a) sont soumis aux règles suivantes: a. Le montant du prêt ne doit pas dépasser les deux tiers de la valeur du gage, établie d'après l'estimation officielle ou d'après une évaluation à dire d'experts, fc. Dans la règle, le gage ne doit pas consister uniquement en bâtiments sans une certaine proportion de fonds de terre. Sont exceptés de cette disposition les bâti- .

ments d'habitation dont la valeur peut, d'après les circonstances, être considérée comme durable.

Les établissements industriels ne peuvent pas être admis comme gage hypothécaire.

c. Tous les bâtiments doivent être assurés contre l'incendie auprès d'une compagnie offrant une garantie suffisante au créancier.

d. Les forets qui font partie d'un gage hypothécaire ne peuvent être admises que pour la valeur du terrain.

Art. 6. Les dispositions de l'article 5 sont aussi applicables aux titres hypothécaires offerts en nantissement.

Art. 7. Le conseil fédéral décide, au commencement de chaque année, quelles sont les caisses cantonales et les banques auprès desquelles les fonds de l'état peuvent être déposés temporairement ; il détermine également le montant maxiujum des dépôts pour chaque caisse cantonale et pour chaque banque.

Aucun dépôt ne pourra dépasser la somme d'un million, et les mesures nécessaires devront être prises pour que le remboursement puisse se faire à raison d'au moins 50,000 francs par semaine et par dépôt.

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Le conseil fédéral désignera en outre les fonds d'état étrangers et les obligations de chemins de fer suisses (article 3, lettres d et e), qui peuvent être achetés comme placement.

Art. 8. Le département des finances est chargé d'administrer la fortune de la Confédération et les fonds spéciaux dans les limites fixées par cette loi et par les décisions du conseil fédéral.

Le département des finances fera rapport chaque mois au conseil fédéral sur les achats et placements opérés, les ventes effectuées tt sur l'état des dépôts, des titres, du portefeuille d'effets de change et de la caisse.

Le conseil fédéral devra examiner chaque année l'état des placements et s'assurer qu'ils répondent aux prescriptions de cette loi.

Art. 9. La loi du 16 mars 1877 concernant le placement des fonds de la Confédération (Eec. off., nouv. série, III. 129) et l'arrêté fédéral du 26 juin 1884, concernant l'extension et la modification de ladite loi (Bec. off., nouv.

série, VII. 544) sont abrogés par la présente loi.

Art. 10. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque de son entrée en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant la révision de la loi fédérale sur le placement des fonds de la Confédération. (Du 17 mars 1891.)

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08.04.1891

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