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XLIIIme année. Vol. 17.

N° 34.

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Mercredi 19 août 1891

Loi fédérale sur

les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour.

(Du 25 juin 1891.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION SUISSE, en exécution des articles 46 et 47 de la constitution fédérale ; TU le message du conseil fédéral du 28 mai 1887, décrète : Titre premier.

Des rapports de droit civil des ressortissants suisses établis ou eu séjour en Suisse.

A. Dispositi ons générales.

Art. 1er. Les dispositions ea vigueur dans un canton sur lo droit des personnes, le droit de famille et le droit successoral sont applicables aux Suisses établis ou en séjour, Feuille fédérale suisse. Année XLIII. Vol. IV.

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originaires d'autres cantons, dans les limites fixées par la présente loi.

Art. 2. Lorsque la présente loi ne réserve pas expressément la juridiction du lieu d'origine, les Suisses établis ou en séjour sont soumis à celle du domicile, en ce qui concerne les rapports de droit civil mentionnés à l'article 1er.

Le juge est tenu d'appliquer d'office le droit d'un autre canton. Sont réservées les prescriptions cantonales concernant la preuve de l'existence d'un statut local ou d'une coutume.

Art. 3. Le domicile, clans le sens de la présente loi, est au lieu où la personne demeure avec l'intention d'y rester d'une façon durable.

Le fait qu'une personne est placée dans un établissement d'éducation, un hospice, un asile, une maison de santé ou de correction, ou qu'elle séjourne dans une localité en vue d'y suivre les cours d'un établissement d'instruction, ne lui constitue pas un domicile dans le sens de la présente loi.

Le domicile d'une personne une fois fixé subsiste aussi longtemps qu'elle n'a pas fondé un nouveau domicile.

Nul ne peut avoir simultanément deux ou plusieurs domiciles.

Art. 4. Le domicile de la femme mariée est au domicile du mari.

Le domicile des enfants sous puissance paternelle est au domicile de la personne qui a l'exercice de cette puissance.

Le domicile des personnes sous tutelle est au siège de l'autorité tutélaire.

Art. 5. Lorsqu'un Suisse possède le droit de cité dans plusieurs cantons, son canton d'origine, dans le sens de la présente loi, est celui des cantons d'origine dans lequel il a

71 eu son dernier domicile; s'il n'a jamais été domicilié dans l'un de ces cantons, celili dans lequel lui ou ses ascendants ont acquis en dernier lieu le droit de cité.

Art. 6. S'il existe dans un canton plusieurs législations régissant des parties distinctes de son territoire, le droit du domicile d'une personne est celui de la partie du canton où elle est domiciliée ; le droit du lieu d'origine, celui en vigueur dans la commune dont elle est ressortissante.

Lorsqu'une personne a plusieurs droits de bourgeoisie dans ce canton, la disposition de l'article 5 est applicable par analogie.


B. Droit des personnes et droit de famille.

1. Capacité civile.

Art. 7. La capacité civile des femmes mariées est régie, durant le mariage, par la -loi du domicile.

Les droits des mineurs envers les détenteurs de la puissance paternelle ou tutélaire sont déterminés par la loi qui fait règle pour la puissance paternelle ou pour la tutelle.

L'émancipation est soumise à la loi et à la juridiction auxquelles la puissance paternelle ou la tutelle sont elles-, mêmes soumises.

La capacité de tester est régie par le droit du lieu où le testateur avait son domicile à la date de la disposition de dernière volonté.

2. Etat civil.

Art. 8. L'état civil d'une personne, notamment sa filiation, légitime ou illégitime, la reconnaissance volontaire ou l'adjudication des enfants naturels et l'adoption, est soumis à la législation et à la juridiction du lieu d'origine.

Dans ces cas, le canton d'origine est celui de l'époux, du père ou de l'adoptant.

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3. Puissance paternelle.

Art. 9. La puissance paternelle est régie par la loi du lieu du domicile.

L'obligation alimentaire fondée sur la parenté est régie par la loi du lieu d'origine de la personne qui doit les aliments.

4. Tutelle.

Art. 10. La tutelle est régie exclusivement par la loi du domicile de la personne mise ou à mettre sous tutelle.

Sont réservées les dispositions des articles 12 à 15.

Art. 11. La tutelle, dans le sens de là présente loi, comprend tant les soins à donner aux personnes placées sous tutelle que l'administration de leurs biens.

Ajt. 12. L'autorité tutélaire du domicile est tenue d'informer l'autorité du lieu d'origine de la constitution ou de la mainlevée de la tutelle, ainsi que du changement de domicile de la personne sous tutelle ; elle doit également fournir à cette autorité tous les renseignements que celle-ci lui demandera au sujet de la tutelle.

Art. 13. Lorsqu'il y a lieu, en application de l'article 49, 3me alinéa, de la constitution fédérale, de disposer de l'éducation religieuse d'un enfant sous tutelle, l'autorité tutélaire du lieu du domicile est tenue de demander à ce sujet des instructions à l'autorité tutélaire du lieu d'origine et de s'y conformer.

Art. 14. L'autorité compétente du canton d'origine a le droit de provoquer auprès des autorités compétentes du canton de domicile la mise sous tutelle de ses ressortissants domiciliés dans ce dernier canton. Les autorités ainsi requises sont tenues de donner suite à la demande si la mise sous tutelle paraît justifiée en conformité du droit du lieu du domicile.

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Art. 15. Lorsque l'autorité du lieu du domicile compromet ou n'est pas en mesure de sauvegarder suffisamment les intérêts personnels ou pécuniaires de la personne placée sous tutelle, ou les intérêts de sa commune d'origine, ou lorsque l'autorité du domicile ne se conforme pas, en ce qui concerne l'éducation religieuse d'un enfant, aux instructions données par l'autorité du lieu d'origine, celle-ci peut exiger que la tutelle lui soit cédée.

Art. 16. Les contestations sur les demandes et réquisitions faites, en vertu des articles 14 et 15, par l'autorité d'origine sont jugées, à l'instance de cette autorité, en dernier ressort par le tribunal fédéral siégeant comme cour de droit public. Le président du tribunal fédéral ordonnera, s'il y a urgence, des mesures provisionnelles pour la sauvegarde des intérêts compromis.

Art. 17. Quand l'autorité tutélaire autorise le changement de domicile de la personne placée sous tutelle, le droit et l'obligation d'exercer la tutelle passent à l'autorité du nouveau domicile, et c'est à cette dernière que la fortune de ladite personne doit être remise.

Art. 18. La tutelle ne peut être exercée simultanément dans le canton de domicile et dans celui d'origine.

5. Régime matrimonial.

Art. 19. Sous réserve de ce qui est dit à l'article 20, les rapports pécuniaires des époux entre eux sont soumis, pour toute la durée du mariage, à la législation du lieu du premier domicile conjugal, alors même que les époux auraient dans la suite transféré leur domicile dans leur canton d'origine. Dans le doute, on considère comme premier domicile conjugal celui du mari au moment où le mariage a été célébré.

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Dans leurs rapports avec les tiers, les époux sont soumis à la législation du lieu de leur domicile ; cette législation fera seule règle, en particulier, quant aux droits de la femme vis-à-vis des créanciers du mari en cas de faillite de ce dernier ou de saisie pratiquée contre lui.

Art. 20. Lorsque les époux changent de domicile, ils peuvent, avec l'assentiment de l'autorité compétente du nouveau domicile, adopter également pour leurs rapports entre eux la législation du nouveau domicile, moyennant une déclaration commune faite en ce sens à l'office cantonal compé1#nt (article 36, lettre b).

La déclaration retroagii à l'époque où le régime matrimonial a commencé à produire ses effets.

Art. 21. Les droits acquis par des tiers à un domicile conjugal, par des actes juridiques particuliers, ne sont nullement modifiés par un changement de domicile des époux.

0. Droit successoral.

Art. 22. La succession est soumise à la loi du dernier domicile du défunt.

On peut, toutefois, par une disposition de dernière volonté ou un pacte successoral, soumettre sa succession à la législation du canton d'origine.

Art. 23. La succession s'ouvre, dans les deux cas, pour la totalité des biens qui la composent, au dernier domicile du défunt.

Art. 24, Les dispositions de dernière volonté, les pactes successoraux et les donations à cause de mort sont valables quant à la forme, si celle-ci satisfait au droit du lieu où l'acte a été passé ou à celui du canton du domicile lors de la passation de l'acte ou au droit du dernier domicile ou à celui du canton d'origine du défunt.

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Art. 25. Les pactes successoraux sont régis, quant au fond, par le droit du premier domicile conjugal lorsqu'ils ont été conclus entre fiancés et, dans tous les autres cas par le droit du lieu où le défunt était domicilié lors de la conclusion du pacte. Le tout sans préjudice des dispositions relatives à la réserve et prévues par la loi qui régit la succession (article 22).

Art. 26. Les droits successoraux qui naissent ensuite du prédécès de l'un des époux et qui sont en corrélation avec le droit de famille sont régis par la loi applicable à la succession (article 22) ; ils ne sont pas modifiés par le fait que l'époux survivant viendrait dans la suite à changer de domicile.

Art. 27. En ce qui concerne la réserve, les donations entre vifs ou à cause de mort sont soumises à la législation qui régit la succession du donateur (article 22).

Titre deuxième.

Des rapports de droit civil des Suisses à l'étranger.

Art. 28. Les règles suivantes sont applicables aux Suisses domiciliés à l'étranger pour tout ce qui concerne le droit des personnes, le droit de famille et le droit successoral, sauf toutefois les clauses spéciales des traités internationaux.

1° Si, d'après la législation étrangère, ces Suisses sont régis par le droit étranger, ce n'est pas ce droit néanmoins, mais celui du canton d'origine, qui est appliqué à leurs immeubles situés en Suisse ; c'est également le canton d'origine qui exerce la juridiction en pareille matière.

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2° Si, d'après la législation étrangère, ces Suisses ne sont point régis par le droit étranger, c'est le droit du canton d'origine qui leur est appliqué, et c'esb également ce canton qui exerce la juridiction.

Art. 29. Lorsqu'un Suisse placé sous tutelle quitte la Suisse, l'autorité tutélaire qui jusqu'alors avait exercé la tutelle continue à l'exercer, tant que subsiste le motif de la mise sous tutelle.

Les droits attribués par l'article 15 à l'autorité tutélaire du lieu d'origine sont également maintenus.

Art. 30. Lorsqu'il y a lieu d'instituer une tutelle pour Une personne qui émigré ou qui est absente du pays, c'est à l'autorité du canton d'origine qu'il appartient d'y pourvoir.

Art. 31. Les rapports pécuniaires des époux suisses dont le premier domicile conjugal est à l'étranger sont soumis à, la loi du canton d'origine, pour autant que le droit étranger ne leur est pas applicable.

Le régime matrimonial établi en Suisse entre époux suisses n'est pas modifié par le transfert du domicile conjugal à l'étranger, pourvu que le droit étranger ne s'oppose pas à son maintien.

Les époux suisses qui transfèrent leur domicile d& l'étranger en Suisse continuent à être soumis, en ce qui concerne leurs rapports entre eux, au régime qui leur était applicable à l'étranger. Il leur est toutefois loisible de faire usage de la faculté accordée par l'article 20. Leur situation vis-à-vis des tiers est réglée par l'article 19, alinéa 2.

Titre troisième.

Des rapports de droit civil des étrangers en Suisse.

Art. 32. Les dispositions de la présente loi sont applicables, par analogie, aux étrangers domiciliés en Suisse.

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Art. 83. La tutelle constituée en Suisse pour un étranger doit ótre remise à l'autorité compétente du lieu d'origine, sur la demande de celle-ci, à condition que l'état étranger accorde la réciprocité.

Art. 34. Sont réservés les dispositions spéciales des traités et l'article 10, alinéas 2 et 3, de la loi fédérale surla capacité civile, du 22 juin 1881.

Titre quatrième.

Dispositions transitoires et finales.

Art. 35. Le conseil fédéral pourvoira à ce que l'administration des tutelles soit remise dans un délai convenable,, en conformité de la présente loi, aux autorités du canton du domicile.

Art. 36. Les cantons désignent : a. les autorités cantonales compétentes pour connaître des contestations en matière de tutelle, prévues à l'article 16, à moins qu'ils ne préfèrent soumettre ces contestations en premier et dernier ressort au tribunal fédéral ; 0. l'autorité compétente pour approuver les déclarations faites en conformité de l'article 20, ainsi que l'office chargé de les recevoir.

Art. 37. Les époux dont le mariage aura été célébré avant l'entrée en vigueur de la présente loi pourront également faire usage de la faculté accordée par l'article 20.

Art. 38. Le tribunal fédéral connaîtra, en la forme fixée pour les recours de droit public, de toutes les contestations auxquelles donnera lieu l'application de la présente loi.

Art. 39. Seront abrogées, dès la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, toutes les dispositions contraires des législations fédérale et cantonales. Cesseront également d'être en vigueur à la même date :

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1° le concordat sur les tutelles et curatelles, .du 15 juillet '1822 ; 2° le concordat relatif à la faculté de tester et aux droits d'hérédité, du 15 juillet 1822.

Art. 40. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer la date où elle entrera en vigueur.

Ainsi décrété par le conseil national, Berne, le 23 juin 1891.

Le président : ADR. LACHENAL.

Le secrétaire: RINGIER.

Ainsi décrété par le conseil des états, Berne, le 25 juin 1891.

Le président : GÖTTISHEIM.

Le secrétaire : SCHATZMANN.

Le conseil fédéral arrête : La loi fédérale ci-dessus sera insérée dans la feuille fédérale.

Berne, le 11 août 1891.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération :

W E L TI.

Le chancelier de la Confederatimi : RINGIEB.

NOTE. Date de la publication: 19 août 1891.

Délai d'opposition : 17 novembre 1891.

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Loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour. (Du 25 juin 1891.)

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19.08.1891

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