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FEUILLE FÉDÉRALE 92e année

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Berne, le 3 avril 1940

Volume I

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour sis mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif au projet d'une loi concernant la perception de droits d'auteur.

(Du 26 mars 1940.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec message à l'appui, un projet de loi concernant la perception de droits d'auteur. Ce projet de loi répond aux voeux qu'ont émis les « consommateurs de musique » lorsqu'ils se sont prononcés sur la question de la prolongation du délai de protection en matière de droit d'auteur (cf. notre message de ce jour relatif à un projet de loi qui revise la loi du 7 décembre 1922 concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques).

I. GÉNÉRALITÉS a. D'après les lois de presque tous les pays civilisés, les oeuvres musicales (avec ou sans texte) ne peuvent être exécutées publiquement qu'avec la permission du titulaire du droit d'auteur ; celui qui sans cette permission exécute ou fait exécuter publiquement des oeuvres protégées en vertu du droit d'auteur engage sa responsabilité civile et pénale. Mais il n'est pratiquement pas possible à un auteur de surveiller toutes les manifestations musicales de Suisse et de l'étranger pour savoir si l'une de ses oeuvres a été exécutée ou non. D'autre part, ce serait pour l'organisateur de concerts incommode et souvent même pratiquement impossible de trouver les titulaires des droits d'exécution pour toutes les oeuvres qu'il se propose de faire exécuter et de traiter avec eux des conditions pour obtenir la permission. Pour obvier à ces difficultés et pour permettre aux auteurs de tirer vraiment profit de leurs oeuvres, des sociétés se sont constituées dans différents pays, déjà peu après l'apparition des lois sur le droit d'auteur, sociétés auxquelles les auteurs cèdent à titre fiduciaire leurs droits d'exécution et qui se chargent de traiter avec les organisateurs de concerts et Feuille fédérale. 92e année. Vol. I.

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de surveiller les exécutions. Les sociétés des divers pays sont liées entre elles par des conventions de réciprocité. De cette façon, les auteurs peuvent faire surveiller les exécutions de leurs oeuvres en Suisse et à l'étranger et faire valoir leurs droits; les organisateurs de concerts ont d'autre part la possibilité, en concluant un unique contrat avec la société de perception de leur pays, d'obtenir la permission d'exécuter les oeuvres de tous les auteurs qui s'y rattachent, c'est-à-dire pratiquement de disposer du répertoire dit mondial.

b. En Suisse, la situation dans ce domaine s'est développée de la façon suivante : Toute organisation des auteurs suisses faisant défaut, la société française « Sacem » (= société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), il y a des dizaines d'années déjà, a ouvert en Suisse une agence pour la sauvegarde des droits des auteurs étrangers en Suisse. C'est pourquoi, bon gré mal gré, les auteurs suisses (compositeurs, paroliers) durent so rattacher à une société étrangère s'ils voulaient arriver à jouir des droits découlant de l'exécution de leurs oeuvres en Suisse ou à l'étranger. Ce n'est qu'en 1924 que fut créée l'association suisse pour la représentation des droits d'exécution ·« Gefa », qui s'efforça avant tout, d'une part, d'engager la « Sacem » à renoncer à son activité en Suisse et, d'autre part, de conclure des conventions de réciprocité avec les sociétés correspondantes des autres pays. Mais la « Sacem » ne se laissa pas pousser à cette renonciation et les sociétés étrangères (à l'exception des sociétés allemande, belge, danoise, hollandaise, hongroise, italienne et tchéco-slovaque) restèrent avec la « Sacem ». Dans les pays qui se refusèrent à conclure des conventions de réciprocité avec la « Gefa », les auteurs suisses ne pouvaient plus pratiquement faire valoir les droits qui leur appartenaient en vertu de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques.

Et en Suisse même, l'activité simultanée de deux sociétés représentant deux répertoires différents d'importance à peu près égale ne pouvait cependant, à la longue, satisfaire pas plus les auteurs que les exécutants suisses. C'est pourquoi lorsque aussi la société allemande fit connaître son intention de ne pas renouveler son contrat avec la « Gefa » à
l'expiration de celui-ci et de se rattacher derechef à la « Sacem », la « Gefa » dut à nouveau entrer en pourparlers avec la « Sacem ». Ces pourparlers aboutirent en 1929 à la conclusion d'un contrat d'après lequel la « Gefa » cédait la représentation de ses droits en Suisse à la « Sacem » tandis que celle-ci laissait, en revanche, à la « Gefa » une quote-part déterminée de ses recettes en Suisse. Par ce contrat conclu ferme jusqu'à fin 1941/commencement 1942, les intérêts des organisateurs de concerts étaient pris en considération en ce sens que ceux-ci n'avaient plus désormais à s'adresser qu'à un office unique pour acquérir des droits d'exécution; la quote-part de la « Gefa » aux recettes était en outre fixée si haut que les intérêts matériels

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des auteurs suisses concernant les exécutions de leurs oeuvres en Suisse paraissaient aussi sauvegardés dans une mesure suffisante. En revanche, les auteurs suisses rattachés à la « Gefa » en étaient réduits, pour la perception de leurs droits d'exécution à l'étranger, à conclure des contrats unilatéraux avec les organismes étrangers, contrats qui, par leur nature, offraient moins de garantie pour la sauvegarde des intérêts suisses que des conventions de réciprocité. Il n'était en outre pas satisfaisant que le monopole de fait de la perception des droits d'auteur en Suisse restât dans les mains d'une société étrangère sur l'activité de laquelle les auteurs suisses n'avaient aucune prise.

c. Cette situation a donné lieu, depuis longtemps déjà, à des plaintes de la part des organisateurs de concerts et a eu entre autres aussi pour conséquence que la plupart de ces organisateurs ont déclaré qu'ils n'accepteraient une prolongation de la durée de protection que si l'organisation de la perception des droits d'auteur était réformée. On a reproché avant tout à la société française de s'être toujours refusée jusqu'à présent à publier un tarif sur la base duquel elle entendait fixer le montant de l'indemnité exigée pour donner la permission d'exécuter et d'avoir au lieu de cela demandé de façon arbitraire, pour le même répertoire et pour des exécutions du même genre, tel montant à un organisateur et tel autre -- plus élevé ou moins élevé^-- à un autre organisateur, selon la résistance offerte par la partie adverse. En outre, le fait qu'il n'existe aucune garantie que les taxes perçues parviennent réellement aux auteurs des oeuvres exécutées a aussi été critiqué. Mais on a également trouvé choquant qu'on doive s'entendre avec une société étrangère si l'on veut organiser en Suisse des concerts dans lesquels sont exécutées des oeuvres protégées en vertu du droit d'auteur.

d. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'une intervention du législateur dans ce domaine ne pouvait plus être différée. Il faut avant tout empêcher qu'à l'avenir plusieurs sociétés se fassent concurrence en Suisse; l'expérience faite dans les années 1924 à 1929 n'a-t-elle pas largement prouvé qu'une telle concurrence n'a que des effets défavorables pour tous les intéressés, aussi bien pour les auteurs que pour les « consommateurs » ?
En outre, il ne paraît pas naturel que la permission pour des exécutions en Suisse doive être demandée à une société étrangère, surtout lorsqu'il s'agit d'oeuvres d'auteurs suisses.

e. Le département de justice et police a chargé le bureau de la propriété intellectuelle d'élaborer tout d'abord des avant-projets pour une telle loi de surveillance, ainsi que pour le règlement d'exécution, et de soumettre ces textes, avec exposé des motifs, pour avis aux principales associations d'auteurs et de « consommateurs » ; ces associations sont les suivantes : 1° Associations d'auteurs et d'éditeurs : société suisse des écrivains, société suisse des auteurs dramatiques, société suisse des marchands et

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éditeurs de musique, association des musiciens suisses, association des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique populaire suisses, société suisse pour le droit de reproduction mécanique, société suisse des libraires, société des éditeurs suisses.

2° Associations de « consommateurs » : société suisse de radiodiffusion, société fédérale de chant, association suisse des orchestres, société fédérale de musique, société suisse des cafetiers, association suisse des kursaals, association suisse des propriétaires de salles de cinéma, société suisse des hôteliers, association suisse des tenanciers de cafés-concerts, chambre suisse du cinéma et le comité d'action pour la défense des tenanciers de cafés-concerts et de dancings, à Zurich.

Toutes les réponses reçues ont approuvé les avant-projets sur les points essentiels; les modifications proposées par certaines associations ne concernent que des points d'ordre secondaire. Le présent projet de loi a été élaboré sur la base de ces avis. Pour autant que des propositions de modification plus importantes faites par les intéressés n'ont pas pu être acceptées, les motifs du refus seront donnés plus loin.

Le projet de loi se borne à poser des principes et abandonne le détail de leur application à un règlement d'exécution.

II. LE PROJET DE LOI Titre : La loi ne traite que de la perception du droit exclusif d'exécuter publiquement des oeuvres musicales accordé, parmi d'autres, par l'article 12, chiffre 3, de la loi sur le droit d'auteur et elle ne s'occupe pas de la perception des autres droits conférés par les articles 12 et 13 de cette loi. Il est préférable cependant de désigner l'objet de la loi par « perception de droits d'auteur » afin d'éviter une rédaction trop lourde du titre.

Préambule : L'article 64 de la constitution autorise la Confédération à légiférer entre autres « sur la propriété littéraire et artistique ». Les dispositions relatives à la façon dont les droits d'auteur doivent être exercés peuvent être considérées comme faisant partie de la réglementation de la propriété littéraire et artistique. Si l'on admet, d'autre part, que la perception, faite professionnellement, de droits d'auteur pour le compte des auteurs ou de leurs ayants cause est un métier, la compétence de la Confédération pour prendre des dispositions relatives à ce métier
peut se fonder aussi sur l'article 34ter de la constitution.

Art. 7er. -- a. Il existe deux moyens entièrement différents de tirer profit des droits d'auteur, en particulier des droits de représentation ou d'exécution : ou bien le droit de représentation ou d'exécution est lui-même cédé, ou bien le titulaire de ce droit le conserve mais donne à des tiers la permission de représenter ou d'exécuter l'oeuvre contre indemnité. Le présent projet de loi entend par « perception » uniquement ce deuxième

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moyen de tirer profit du droit. La cession du droit d'auteur lui-même ne tombe pas dans le cas de la loi.

b. Le premier alinéa pose le principe que la perception de droits d'auteur ne sera permise à l'avenir qu'avec l'autorisation et sous la surveillance du Conseil fédéral ou de l'autorité désignée par lui. Cette réglementation n'est prévue toutefois, pour le moment, que pour le cas pratiquement le plus important, savoir l'exécution d'oeuvres musicales avec ou sans texte, pour autant qu'il ne s'agit pas de représentations théâtrales (opéras, opérettes, etc.). Ne sont pas des représentations théâtrales dans ce sens les représentations cinématographiques; la perception du droit de représentation sur des films accompagnés de musique tombe donc dans le cas de la loi. Il en est de même de la radiodiffusion d'oeuvres musicales avec ou sans texte, y compris les émissions faites au moyen de disques.

Par « oeuvres », il faut comprendre non seulement les créations musicales entières, mais aussi des parties de celles-ci.

c. Le deuxième alinéa prévoit deux exceptions au principe posé par le premier alinéa, qui délimite le domaine d'application de la loi: Le chiffre 1 vise les fabricants d'instruments mécaniques (en particulier de disques) qui, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, ont un droit d'auteur dérivé, si non même indépendant, existant à côté de celui de l'artiste exécutant; en vertu de ce droit d'auteur, les émissions radiophoniques exécutées au moyen de disques ne peuvent être faites qu'avec leur permission (ATF 62, II, 248). Dans ce domaine toutefois, le besoin de surveillance de l'Etat ne s'est pas fait sentir jusqu'à présent.

Le chiffre 2 assure à l'auteur (ou à ses héritiers) le droit de percevoir lui-même les droits d'exécution sans avoir besoin d'une autorisation de l'Etat et sans tomber sous la surveillance de l'Etat, ceci pour tenir compte des liens personnels étroits qui unissent l'oeuvre à l'auteur (et à ses héritiers).

En revanche, si l'auteur (ou son héritier), au lieu d'exercer lui-même ses droits d'exécution, veut les exercer par l'intermédiaire d'un tiers, il doit alors aussi faire appel aux services de la société concessionnaire. Cette exception ne vaut cependant qu'en faveur de l'auteur ou de ses héritiers, mais non pas en faveur de tiers (par exemple d'éditeurs) auxquels
l'auteur aurait cédé la totalité de ses droits d'auteur. De tels ayants cause doivent aussi par conséquent passer par l'intermédiaire de la société de perception concessionnaire. Ce n'est en effet que si le principe est appliqué avec le moins d'exceptions possibles que le but visé pourra être atteint, savoir: permettre aux organisateurs de concerts de disposer réellement, par un contrat unique, du répertoire mondial.

d. Troisième alinéa : En ce qui concerne les représentations théâtrales d'oeuvres musicales (opéras, opérettes et autres) le besoin de surveiller la perception ne s'est pas fait sentir actuellement en Suisse; le nombre aussi

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bien des oeuvres que des scènes entrant en question n'est pas si grand que des tractations directes entre les scènes et le titulaire des droits d'auteur soient impossibles; ici, l'indemnité dépend aussi souvent de facteurs qui d'emblée paraissent ne pas permettre d'établir des tarifs, ce qui n'est par contre pas le cas lorsqu'il s'agit d'exécutions non-théâtrales.

Sont aussi exclues pour le moment les représentations d'oeuvres littéraires, qu'il s'agisse de représentations théâtrales (comédies et autres oeuvres semblables) ou de représentations non théâtrales (conférences, récitations, etc.). Pour ces représentations aussi, en tant que nous pouvons en juger, un besoin urgent de modifier la situation actuelle ne s'est pas fait sentir jusqu'à présent.

Cependant, il ne paraît pas exclu qu'un jour peut-être, pour ces domaines aussi, une surveillance de l'Etat devienne nécessaire. Donnant suite à une suggestion faite aussi bien par la société suisse de radiodiffusion que par la société suisse des écrivains, nous avons donc, au chiffre 1 du troisième alinéa, donné la possibilité d'étendre aux autres droits accordés par l'article 12 de la loi sur le droit d'auteur Ja réglementation prévue aujourd'hui pour les droits concernant les exécutions non-théâtrales d'oeuvres musicales; quant à savoir si cette extension est opportune, c'est une question qui peut, à notre avis, être réservée à la décision du Conseil fédéral.

Une autorisation analogue est rendue possible au chiffre 2 du troisième alinéa, en ce qui concerne la perception des droits d'exécution appartenant d'après l'article 4, 2e alinéa, au fabricant d'instruments mécaniques. Ici aussi, il ne paraît pas exclu que plus tard on sente également le besoin de surveiller la perception de ces droits.

e. Ceci ne veut toutefois pas dire que la perception de tous les droits d'auteur entrant en considération d'après les articles 12 et 4 de la loi sur le droit d'auteur doive être confiée à une seule et même société. Ce ne serait au contraire guère opportun pour tous les cas. On pourra seulement demander que pour le même domaine, par exemple pour les représentations théâtrales d'oeuvres musicales ou littéraires (telles que opéras, opérettes, comédies) ou pour les récitations d'oeuvres littéraires, ou pour l'adaptation d'une oeuvre à des instruments servant à
la réciter ou à l'exécuter mécaniquement, l'activité d'une seule société entre en jeu. Ainsi l'organisateur de ces représentations ou récitations et le fabricant de ces instruments pourra, en concluant un contrat avec un seul office, obtenir la permission nécessaire du titulaire des droits d'auteur.

Il nous faut faire encore quelques observations sur la façon dont sont actuellement réglementées en Suisse les exécutions par émissions radiophoniques faites au moyen d'un haut-parleur dans des locaux publics.

Celui qui veut acquérir la concession pour une « installation servant à la réception et à l'audition publique des émissions radiophoniques publiques » (concession R Ila) doit payer pour cela une taxe surélevée de 24 francs

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par année au lieu de la taxe de 15 francs pour la concession ordinaire. Au chiffre V des prescriptions régissant les concessions (édition de janvier 1934), il est dit entre autres : « Dans la taxe de concession sont compris les droits d'auteur pour la reproduction publique d'oeuvres protégées ainsi que l'indemnité à verser à la société suisse de radiodiffusion pour l'utilisation professionnelle des émissions radiophoniques ... ». L'autorité qui accorde la concession n'agit cependant pas ici comme « société de perception », mais comme office d'encaissement des taxes d'une société de perception (actuellement la « Sacem ») à laquelle elle verse, par l'intermédiaire du service de la radio une quote-part, fixée conventionnellement, des suppléments mentionnés plus haut. Après l'entrée en vigueur de la loi également, rien ne s'opposera à une telle réglementation, qui s'est révélée comme étant simple et avantageuse pour tous les intéressés.

Art. 2. -- a. Les expériences faites en Suisse dans les années 1924 à 1929 (cf. plus haut chiffre I, lettre 6) ont démontré que la concurrence de plusieurs sociétés de perception devait être évitée dans l'intérêt aussi bien des auteurs que des « consommateurs ». Dès qu'il existe plusieurs organismes, représentant des répertoires d'importance à peu près égale, qui se font concurrence, les organisateurs de concerts sont en fait obligés de conclure des contrats avec toutes ces sociétés. Le montant total des taxes que ces organisateurs doivent payer est toujours plus élevé que le montant qui serait versé à une seule société pour tout le répertoire mondial; devant traiter avec plusieurs offices, les organisateurs doivent en outre faire des démarches multipliées. D'autre part, chaque société doit posséder, pour le contrôle des exécutions en Suisse un appareil aussi complet et pour la répartition des recettes aux intéressés, un appareil presque aussi lourd que si elle représentait le répertoire mondial tout entier; ainsi chaque société, tout en faisant moins de recettes, a presque les mêmes frais que si elle dominait seule le marché. Il en résulte que, bien que les taxes payées par les organisateurs augmentent, les recettes nettes des auteurs diminuent.

C'est pour ces motifs que l'autorisation de percevoir les droits ne doit être accordée qu'à une seule société.

6. D'après
le deuxième alinéa, le Conseil fédéral peut poser d'autres conditions à l'octroi de l'autorisation. Parmi ces conditions figure celle qui pose le principe d'après lequel la préférence est donnée à un prétendant suisse à l'égard d'un prétendant étranger (cf. art. 4 du règlement d'exécution et les observations relatives à cet article). Nous préférons ne pas insérer cette disposition dans la loi pour que si, contre toute attente, son application devait présenter des inconvénients graves, elle puisse être supprimée sans qu'il soit besoin de mettre eh mouvement l'appareil législatif.

Art. 3. -- Des sanctions civiles aussi bien que des sanctions pénales paraissent nécessaires pour empêcher que d'autres sociétés (par exemple

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la société actuelle si elle n'a pas reçu l'autorisation) ne fassent concurrence à la société concessionnaire.

Art. 4. -- Le premier alinéa oblige la société à établir et à publier un tarif d'après lequel sera calculée dans chaque cas l'indemnité exigée pour permettre l'exécution. La fixation des prix figurant au tarif doit, d'après la loi actuelle concernant le droit d'auteur, être considérée en principe comme relevant exclusivement des auteurs. Tant que cette réglementation légale existe, il ne peut être question que de donner certaines garanties contre un véritable arbitraire; c'est ce qu'on a fait en ordonnant que le tarif doit être approuvé par une commission arbitrale paritaire et que la société doit, lors de l'élaboration du tarif, tenir compte dans la mesure du possible des propositions des organisateurs de concerts, en particulier pour établir les diverses catégories d'exécutions (cf. art. 9 du projet de règlement d'exécution).

L'obligation, prescrite au deuxième alinéa de remettre des listes de« oeuvres exécutées est indispensable, car sans cela la société ne saurait absolument pas à qui elle doit verser les montants perçus. Ce n'est que sur la base de ces listes que la société peut déterminer quels auteurs ont droit à l'indemnité pour l'exécution de leurs oeuvres. L'obligation de remettre les listes incombe à la personne au nom de qui la permission d'exécuter a été demandée. Si c'est l'organisateur du concert, il ne peut pas simplement se décharger de son obligation sur le chef d'orchestre engagé, sans plus se préoccuper de savoir si l'obligation est exécutée. Il reste au contraire personnellement responsable de la remise car, envers des tiers avec lesquels elle n'est pas liée contractuellement, la société ne dispose pas des voies de droit nécessaires pour être mise en possession des pièces indispensables.

Il n'est pas nécessaire de prévoir ici une sanction spéciale. La société de perception est en mesure de stipuler dans ses contrats avec les organisateurs de concerts la remise des programmes et, pour le cas où cette obligation ne serait pas remplie, de fixer des sanctions appropriées. La disposition légale doit simplement énoncer le droit de la société à exiger la remise des programmes.

L'article 5 traite des suites de l'exécution d'oeuvres protégées faite sans permission. Restent
applicables en principe les dispositions des articles 42 et suivants de la loi concernant le droit d'auteur, car il n'est pas question aujourd'hui de modifier cette loi quant au fond. Il semble indiqué cependant de constater expressément que la réglementation actuelle est maintenue.

C'est ce qui explique en premier lieu la disposition du troisième alinéa (réserve faite en faveur de l'action appartenant à l'auteur pour violation des droits de la personnalité et en faveur de l'action pénale). Mais même la disposition du premier alinéa, en fixant un montant minimum pour l'indemnité civile, ne fait qu'en apparence seulement une brèche au prin-

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cipe posé par l'article 44 de la loi concernant le droit d'auteur; nous estimons en effet exclu qu'un juge puisse fixer l'indemnité au-dessous du montant qu'aurait dû payer celui qui est tenu à des dommages-intérêts, s'il avait procédé correctement et demandé à temps la permission d'exécuter.

Cette réglementation des sanctions pour les exécutions faites sans permission paraît indispensable et répond en définitive aux intérêts bien compris de l'ensemble des organisateurs de concerts eux-mêmes; en effet, plus le contrôle des exécutions des oeuvres protégées sera strict, plus bas pourront être maintenus les tarifs.

Le deuxième alinéa met la commission arbitrale à la disposition du juge, comme expert; il est loisible au juge de lui demander son avis ou non. Mais obliger le juge à demander dans chaque cas l'avis de la commission arbitrale, comme cela a été proposé par des organisateurs de concerts, ne serait à notre avis pas compatible avec la souveraineté des cantons en matière de procédure.

ii'article 6 prévoit la création d'une commission arbitrale à laquelle il incombe avant tout d'approuver le tarif établi par la société. En appelant les organisateurs de concerts à faire partie de cette commission, on veut tenir compte du besoin légitime qu'ils ont à pouvoir dire leur mot dans ce domaine, pour autant que cela est compatible avec le droit d'exécution exclusif appartenant aux auteurs.

Nous préférons.ne pas fixer dans la loi le nombre des membres, mais laisser au Conseil fédéral le soin de le fixer selon les besoins. A l'article 13 du projet de règlement d'exécution, il est prévu pour le moment que la commission est habile à prendre une décision avec cinq membres. Mais, pour que les différents genres de manifestations musicales puissent vraiment être examinés par des gens du métier, la commission doit comprendre, outre son président neutre, huit représentants des auteurs et huit représentants des organisateurs de concerts. Pour une affaire déterminée, la commission pourra alors être composée seulement du président et de deux représentants, des auteurs et des organisateurs, spécialement compétents dans le genre d'affaire entrant en question.

La présidence de cette commission sera confiée à une personne compétente, n'appartenant pas à l'administration fédérale, et indépendante des deux camps
(auteurs et organisateurs de concerts). Les principales associations d'auteurs et d'organisateurs de concerts ont le droit de faire à l'autorité qui nomme une double proposition pour le choix du président et des membres de la commission; l'autorité n'est cependant pas liée par ces propositions (cf. art. 14 du règlement d'exécution).

Contrairement à une proposition faite par les organisateurs de concerts, nous nous sommes abstenus de faire du département de justice et police l'autorité de deuxième instance devant laquelle pourrait être portée la

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décision de la commission arbitrale sur l'approbation d'un tarif. Nous avons au contraire déclaré expressément (à l'art. 12, 2e al., du règlement d'exécution) que ces décisions de la commission arbitrale sont définitives. Nous pensons qu'il est dans l'intérêt de toutes les parties que les décisions rendues par ce collège compétent ne puissent pas être portées encore devant une autorité administrative qui ne possède pas les connaissances nécessaires en la matière. Il est vrai qu'avec cette réglementation, la personnalité du président prend une importance très grande. Nous voulons toutefois mettre tout d'abord cette solution en pratique. Si à l'expérience, elle devait présenter, contrairement à ce que nous pensons, de graves inconvénients, on pourrait y remédier en modifiant le règlement d'exécution, ce qui présente moins de difficultés que si l'on devait modifier la loi.

La disposition en question de l'article 12, 2e alinéa, du règlement d'exécution d'après laquelle les décisions concernant l'approbation d'un tarif sont définitives veut seulement exclure le recours à une autorité supérieure; la commission elle-même peut, en revanche, modifier en tout temps sa décision, soit sur la demande d'un de ses membres, soit sur la demande d'un tiers.

Art. 7. -- Comme c'est le département qui est chargé de surveiller la société de perception et la commission arbitrale, nous estimons qu'il convient de lui confier aussi le soin d'élaborer les dispositions d'exécution qui concernent directement l'exercice de cette surveillance; il en est de même des dispositions sur la procédure à suivre devant la commission arbitrale.

Art. S, 2e al. -- II faut compter avec l'éventualité que la société suisse, qui, le cas échéant, obtiendra l'autorisation conformément à l'article 1er de la loi, ne puisse pas entrer immédiatement en activité, mais doive, après avoir obtenu l'autorisation, créer tout d'abord son appareil de contrôle et son appareil administratif. D'autre part, on doit considérer également que la « Sacem », en vertu de sa convention passée avec la « Gefa » et qui vaut jusqu'à fin 1941, a conclu avec de nombreux organisateurs de concerts des contrats jusqu'à fin 1941. La disposition de l'article 8, 2e alinéa, doit permettre de tenir compte de cet état de choses d'une manière convenable.

III. LE RÈGLEMENT D'EXÉCUTION
D'après l'article 7 du projet de loi, le Conseil fédéral est chargé d'élaborer le règlement d'exécution. Afin que les conseils législatifs sachent cependant d'avance de quelle manière le Conseil fédéral se propose de faire usage de sa compétence, nous leur présentons également, pour leur information, le projet de ce règlement.

Il faut avant tout relever que les tâches qui incombent à l'Etat d'après notre projet se limitent à autoriser la société de perception à déployer son

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activité et à surveiller cette société. La perception des droits d'exécution elle-même reste, dans les limites de la loi, après comme avant, affaire des personnes privées intéressées.

En outre, les tâches confiées à l'Etat pourront être exécutées par lui sans qu'il soit nécessaire d'agrandir l'appareil administratif fédéral. Il est à prévoir en effet que les diverses tâches incombant au Conseil fédéral, au département de justice et police et au bureau de la propriété intellectuelle pourront être accomplies sans augmentation du personnel. Nous renvoyons sur ce point à l'article 7, 2e alinéa (obligation de la société de présenter un rapport d'une société de revision sur la bonne tenue de la comptabilité, ainsi que sur la concordance des indications figurant au rapport de gestion avec la comptabilité) et aux articles 6, 2e alinéa, et 8, 2e alinéa (appel à la commission arbitrale ou à son président pour exercer la surveillance sur la société).

Au point de vue financier également, la loi ne sera pas une charge pour l'Etat; en particulier, les frais de la commission arbitrale (indemnités journalières, frais de chancellerie, etc.) sont mis en principe à la charge de la société de perception, exception faite des cas dans lesquels la commission arbitrale l'autorise à se retourner contre certains organisateurs de concerts (art. 14, 3e al.).

A propos des diverses dispositions, il faut encore faire observer ce qui suit : Partout où il est parlé de « loi » tout court, il faut entendre la loi fédérale concernant la perception de droits d'auteur.

Les articles 1er à 3 ne donnent lieu à aucune observation.

Art. 4. -- Par cette disposition, on veut arriver à ce que les organisateurs de concerts suisses n'aient plus à demander à une société étrangère la permission d'exécuter des oeuvres en Suisse. Nous vous renvoyons sur ce point aux explications données plus haut à la page 311 sous lettre c. Nous n'avons cependant pas exclu d'une façon absolue les sociétés étrangères, en prévision du cas où aucune société suisse ne demanderait l'autorisation.

Cette préférence accordée au prétendant suisse a donné lieu à des critiques. Certains organisateurs de concerts ont exprimé en effet la crainte qu'une société suisse, qui devrait créer de toutes pièces un système de contrôle et de répartition et qui n'aurait pas dans ce
domaine la grande expérience que possède précisément la société française, ne puisse travailler qu'avec de gros frais. Ceux-ci, prétendent-ils, absorberaient la plus grande partie des recettes, de telle sorte que, ou bien les organisateurs de concerts devraient s'attendre à des tarifs excessivement élevés ou bien les auteurs compter avec une forte diminution des recettes. Nous estimons que ces craintes ne sont pas fondées. La société qui- aura obtenu l'autorisation pour la Suisse aura en effet tout loisir de se renseigner auprès des sociétéssoeurs étrangères sur la façon dont elles ont réglé le contrôle des exécutions

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et la répartition des recettes. Elle sera par conséquent en mesure de s'organiser de la manière la plus rationnelle possible. Ce qui, par exemple, a été fait avec plein succès en Hollande il y a peu d'années doit pouvoir aussi être accompli en Suisse. Nous estimons en tout cas qu'il faut au moins faire l'essai de rendre la Suisse indépendante de l'étranger dans ce domaine, aussi.

Nous faisons observer enfin que la « Gefa » n'avait à répartir jusqu'à présent à ses membres que la quote-part fixée contractuellement (environ 24%) des recettes de la « Sacem » tandis que la répartition des 76 pour cent restants était faite par les soins de la « Sacem » à Paris. Si la perception est réservée a une société suisse qui répartira toutes les recettes faites en Suisse, cela créera de nouvelles occasions de travail pour un certain nombre de personnes.

Les articles 5 à 8 ne donnent lieu à aucun commentaire.

Pour l'article 9, nous renvoyons aux explications données à l'article 4, 1er alinéa, du projet de loi (page 310 ci-dessus).

Art. 10, 7er alinéa. -- Les organisateurs de concerts ont demandé à plusieurs reprises qu'une liste des oeuvres protégées soit publiée. Cette demande ne peut pas être agréée, car une telle liste subit des modifications pour ainsi dire quotidiennes: soit que des oeuvres soient biffées, soit que des oeuvres soient ajoutées. On ne peut donc raisonnablement rien demander d'autre si ce n'est que la société tienne à jour une liste des auteurs qu'elle représente et que cette liste puisse être consultée librement au siège de la société.

Le deuxième alinéa oblige également la société à répondre aussi rapidement que possible à des demandes écrites d'exécutants qui désirent savoir si elle représente les droits d'exécution pour une oeuvre déterminée. Comme cette correspondance pourra constituer une lourde charge pour la société, on doit réserver la possibilité d'autoriser la société à exiger le paiement d'une taxe modérée avant de répondre (un tarif devrait être établi pour ces taxes, tarif qui devrait également être approuvé par la commission arbitrale).

Pour l'article 11, il suffit de constater que le droit d'approuver le tarif ou de refuser de l'approuver comprend aussi le droit de ne donner l'approbation que sous réserve de certaines modifications.

Art. 12. -- Parmi les « questions
litigieuses relatives à des pourparlers concernant la conclusion d'un contrat au sens de l'article 4 de la loi » -- dont il est fait mention au chiffre 4 --, il faut entendre par exemple des contestations sur le point de savoir dans quelle catégorie du tarif doit être rangée l'entreprise de-tel organisateur de concerts.

Pour le deuxième alinéa, nous renvoyons à ce qui a été dit à propos de l'article 6 du projet de loi.

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Art. 13. --· Pour cet article aussi, nous renvoyons aux explications données à propos de l'article 6 du projet de loi.

Art. 14. -- Pour le premier alinéa, voir les explications données à propos de l'article 6 du projet de loi (pages 317/318 ci-dessus).

Comme pour l'octroi de l'autorisation prévue aux articles 1er et 8 de la loi, nous avons donné au département de justice et police la compétence de nommer la commission arbitrale. Les milieux intéressés ont le droit de faire des propositions, mais celles-ci ne lient le département en aucune façon.

Alinéa 3 : Un recours, tel qu'il a été prévu ici à titre exceptionnel, semble être justifié par exemple pour les cas dans lesquels la commission, sur la demande de la société ou d'un organisateur de concerts, aura été appelée à se prononcer sur des questions litigieuses relatives à la conclusion d'un contrat et où elle aura été de l'avis que, d'emblée, la position prise par l'organisateur de concerts n'était pas soutenable.

IV. REMARQUES FINALES L'idée du présent projet a, il est vrai, son point de départ dans l'attitude prise par les organisateurs de concerts à l'égard du voeu des auteurs concernant la prolongation de la durée de protection. Mais il est certain toutefois que la nouvelle réglementation de la perception de droits d'exécution ne peut plus être différée quel que soit le sort réservé au projet de loi concernant la prolongation de la durée de protection.

La réglementation nouvelle conforme au présent projet doit se faire sans modifier en aucune façon, quant au fond, le régime actuel du droit d'auteur; en particulier cette occasion ne doit pas être employée pour remettre en discussion le droit d'exécution exclusif accordé à l'auteur.

Lors de la discussion de la loi de 1922 sur le droit d'auteur, ce droit exclusif n'a été reconnu qu'après une lutte prolongée; il s'agissait d'une des innovations les plus importantes de la loi. Si l'on voulait revenir d'une façon quelconque sur cette question, on ne pourrait le faire, à notre avis, que lors d'une revision totale de la loi sur le droit d'auteur. Autrement, on ne pourrait plus espérer que la nouvelle réglementation de la perception puisse encore entrer en vigueur en temps utile. Mais si la société française continuait à jouir de sa situation actuelle, la « Gefa » serait alors obligée de renouveler
avec la « Sacem » le contrat qui expire à la fin de 1941, et cela aux conditions qu'il plairait à la « Sacem » de lui imposer. Même si ces conditions ne devaient pas être beaucoup moins défavorables que celles du contrat actuel, les organisateurs de concerts suisses resteraient «ependant livrés à la pratique arbitraire de la « Sacem », qui jusqu'ici, par exemple, a rejeté toutes les demandes de la société suisse des cafetiers tendant à ce que des tarifs soient établis. Si, au contraire, aucun contrat

322

n'arrivait à être conclu entre la « Gefa » et la « Sacem », il faudra ou bien que les auteurs suisses se rattachent de nouveau à une société étrangère comme avant 1924 s'ils veulent tirer profit des exécutions de leurs oeuvres en Suisse, ou bien que la « Gefa » essaie encore une fois de se maintenir à côté de la « Sacem ». On aurait ainsi de nouveau deux sociétés se faisant concurrence, avec les suites peu satisfaisantes déjà décrites à propos de l'article 2 du projet de loi, sans compter qu'on ne serait pas maître dans sa propre maison.

Enfin, la coexistence de plusieurs sociétés concurrentes compromettrait aussi la conclusion de conventions de réciprocité satisfaisantes avec les sociétés déployant leur activité à l'étranger. Il serait donc difficile, sinon impossible, aux auteurs suisses de faire valoir leurs droits d'exécution à l'étranger.

En instituant une surveillance de l'Etat, la Suisse ne se trouvera pas seule dans ce domaine. Divers pays, en partie pour des motifs semblables à ceux qui ont été exposés plus haut pour la Suisse, se sont vus obligés depuis un certain temps déjà à prendre des mesures analogues et sont, autant que nous pouvons en juger, pleinement satisfaits de leur succès.

Les pays qui ont pris ces mesures sont (d'après un tableau paru dans la revue, publiée par le bureau international de la propriété intellectuelle, Le droit d'auteur, année 1939, pages 83 et 104) les suivants (par ordre chronologique): Pays-Bas (loi du 11 février 1932); Allemagne (loi du 4 juillet 1933); Danemark (loi du 14 février 1935); ville libre de Dantzig (loi du 2 octobre 1935); Autriche (loi du 9 avril 1936); Tchécoslovaquie (loi du 24 avril 1936); Yougoslavie (loi du 23 décembre 1936); Roumanie (loi du 7 février 1938); Canada (loi du 27 mai 1938).

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 26 mars 1940.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, PILET-GOLAZ.

Le chancelier de la Confédération., G. BOVET.

323 (Projet.)

Loi fédérale concernant

la perception de droits d'auteur.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 34ter et 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 26 mars 1940, arrête : Article ' premier.

Le droit exclusif d'exécuter publiquement des oeuvres musi- Autorisation cales avec ou sans texte (droit dit non-théâtral) qui est garanti par obli«atolre l'article 12, chiffre 3, de la loi du 7 décembre 1922 concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques ne peut être exploité qu'avec l'autorisation et sous la surveillance du Conseil fédéral ou de l'autorité désignée par lui.

1

2

La disposition de l'alinéa qui précède n'est pas applicable : 1° A la perception des droits d'exécution appartenant au fabricant d'instruments mécaniques (art. 4, 2e al. de la loi du 7 décembre 1922); 2° A la perception des droits d'exécution faite personnellement par l'auteur ou par ses héritiers.

3

Le Conseil fédéral est autorisé : 1° A déclarer les dispositions de la présente loi applicables aussi, par analogie, à la perception d'autres droits d'auteur garantis par l'article 12 de la loi du 7 décembre 1922; 2° A abroger la disposition du 2e alinéa, chiffre 1, ci-dessus.

324 Art. 2.

Conditions de l'nutorisalion.

1

L'autorisation ne sera accordée qu'à une seule' collectivité, qui s'est donné pour but de percevoir des droits d'auteur.

2

Le Conseil fédéral peut poser d'autres conditions à l'octroi de l'autorisation.

3

Celle-ci peut être retirée en tout temps par l'autorité qui l'a donnée, si la société de perception, malgré avertissement, n'accomplit pas d'une façon satisfaisante les devoirs qui lui incombent en vertu de la présente loi et du règlement d'exécution.

Art. 3.

Suites d'une peri Celui qui perçoit des droits d'auteur sans avoir reçu l'autoriception faite ,.

, .

.

...

, , ,, / , sans autorisa- sation nécessaire ou qui participe a une telle opération est puni tlon ' d'une amende de 1000 francs au plus. Les articles 46, 48, 49, 51 à 53, 56 et 57 de la loi du 7 décembre 1922 sont applicables par analogie.

2

En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la confiscation et la destruction des papiers de commerce, listes, etc. qui ont servi à commettre l'infraction ou qui sont en corrélation avec celle-ci.

3 Les contrats conclus sans l'autorisation nécessaire sont nuls.

Art. 4.

Tarif et remise

des programmes.

i La société de rperception ne peut demander, au titre de dédom,

f.

f

'

,

magement pour 1 exécution publique, que lindemnite prévue dans un tarif publié et approuvé par la commission arbitrale (art. 6).

2

Celui qui demande la permission est tenu de remettre à la société de perception des listes des oeuvres exécutées.

Exécutions faites sans permission.

· Art. 5.

Pour les exécutions organisées sans la permission nécessaire, le titulaire des droits d'auteur a droit pour le moins à l'indemnité prévue par le tarif.

1

2

Avant de rendre sa décision, le juge peut demander l'avis de la commission arbitrale (art. 6).

3

Sont réservées l'action appartenant à l'auteur pour violation des droits de la personnalité et l'action pénale (art. 42 s. de la loi du 7 décembre 1922).

325

Art. 6.

Le Conseil fédéral ou l'autorité désignée par lui nomme une Commission commission arbitrale chargée des tâches décrites aux articles 4 et 5, arbltrale' où siégeront en nombre égal des représentants des auteurs et des organisateurs d'exécutions; le président de la commission sera choisi en dehors de ces milieux.

1

2 Le Conseil fédéral peut confier d'autres tâches à la commission arbitrale.

Art. 7.

Le Conseil fédéral est chargé de prendre les dispositions néces- Exécution de saires ·es à l'exécution de la présente loi. Il pe peut à son gré confier cette loi' tâche au département de justice et police.

Art. 8.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la pré- Entrée en vigueur sente loi.

. de Ia ""· 2 II peut autoriser le département de justice et police à permettre aux sociétés de perception existantes qui n'obtiennent pas l'autorisation prévue par l'article 1er, de continuer leur exploitation pendant une période relativement courte.

1

Feuille fédérale. 92« année. Vol. I.

27

326

(Projet.)

Règlement d'exécution de

la loi fédérale concernant la perception de droits d'auteur.

LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE, vu l'article 7 de la loi du droits d'auteur,

concernant la perception de arrête :

I. OCTROI DE L'AUTORISATION POUR LA PERCEPTION DE DROITS D'AUTEUR Article premier.

Le département de justice et police est compétent pour donner l'autorisation prescrite par les articles 1er et 8, 2e alinéa, de la loi.

Art. 2.

Les collectivités qui veulent être autorisées à percevoir des droits d'auteur (art. 1er de la loi) doivent adresser une demande écrite, en deux exemplaires, au département de justice et police par l'entremise du bureau fédéral de la propriété intellectuelle ; doivent être annexés à cette demande : 1° Les statuts et, éventuellement, les règlements; 2° Un état du personnel dirigeant (nom, domicile, nationalité); 3° Une déclaration relative au nombre des auteurs suisses qui ont chargé la collectivité de percevoir leurs droits, et à la nature de ces droits ; 4° Un exposé de l'organisation prévue pour le contrôle et l'administration.

Ces annexes doivent être signées par les représentants autorisés de la requérante.

Le bureau peut exiger d'autres renseignements.

327

Art. 3.

Dès que les pièces sont au complet, le bureau transmet la demande, avec sa proposition, au département de justice et police.

Art. 4.

Un requérant suisse a la priorité sur un étranger.

Art. 5.

L'autorisation est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de ce délai, elle peut être renouvelée tous les cinq ans pour une nouvelle période.

L'octroi ou le renouvellement de l'autorisation est publié dans la Feuille officielle suisse du commerce par le 'bureau de la propriété intellectuelle.

II. SURVEILLANCE EXERCÉE SUR LA SOCIÉTÉ DE PERCEPTION

Art. 6.

Le bureau fédéral de la propriété intellectuelle est chargé d'assurer l'exécution directe de la loi et, en particulier, de surveiller la société de perception.

Il peut confier l'exercice de ses droits à des personnes ne faisant pas partie de l'administration fédérale, en particulier au président de la commission arbitrale.

Art. 7.

La société de perception doit faire au bureau, chaque année, un rapport écrit sur l'exercice écoulé. Le rapport doit notamment donner des renseignements détaillés sur les points suivants: 1° Recettes et dépenses; 2° Emploi de l'excédent des recettes; 3° Modifications apportées aux statuts, aux règlements ou aux conventions de réciprocité avec des sociétés étrangères, ou à l'état du personnel dirigeant; 4° Procès en cours.

Doivent être annexés au rapport les jugements rendus, ainsi qu'un rapport de revision d'une société fiduciaire reconnue sur la tenue de la comptabilité et sur la concordance des indications du rapport avec la comptabilité.

Le bureau peut en tout temps demander des explications sur d'autres points et consulter les livres et autres pièces au siège de la société de perception.

328

Art. 8.

. Après» avoir-examiné, le rapport, le bureau propose au département de justice et police de l'approuver ou de prendre des mesures appropriées.

H peut, préalablement, demander l'avis de la commission arbitrale ou de son président.

III. AUTRES OBLIGATIONS DE LA SOCIÉTÉ DE PERCEPTION

Art. 9.

Lors de l'élaboration du tarif fixant les indemnités pour l'exécution publique (art. 4 de la loi), la société de perception doit demander des propositions aux principales associations d'organisateurs d'exécutions, en particulier pour l'établissement des diverses catégories du tarif, et en tenir compte dans la mesure du possible.

Art. 10.

La société de perception doit dresser une liste des auteurs d'oeuvres protégées qu'elle représente et la tenir à jour; cette liste doit pouvoir être consultée par les organisateurs d'exécutions au siège de la société.

La société de perception doit répondre aussi rapidement que possible aux demandes écrites d'organisateurs d'exécutions qui désirent savoir si elle représente les droits exclusifs d'exécution pour une oeuvre déterminée.

Art. 11.

Le tarif prévu à l'article 9, ainsi, que les modifications de ce tarif, doivent être approuvés par la commission arbitrale.

Le tarif doit être ensuite publié une fois dans la Feuille officielle suisse du commerce par la société de perception, et à ses frais; sur demande, des copies de la publication seront délivrées aux organisateurs d'exécutions, à prix coûtant.

Le tarif ne devient applicable que le premier jour ouvrable qui suit celui de la publication.

IV. COMMISSION ARBITRALE

Art. 12.

La commission arbitrale (art. 6 de la loi) est compétente: 1° Pour approuver le tarif prévu à l'article 4 de la loi; 2° Pour donner des avis au juge (art. 5, 2e al., de la loi); 3° Pour donner des avis à l'autorité de surveillance (art. 8, 2e al.* du présent règlement);

329

4° Pour donner des avis aux intéressés sur des questions litigieuses relatives à des pourparlers concernant la conclusion d'un contrat au sens de l'article 4 de la loi.

La décision relative à l'approbation du tarif est définitive.

;·· .Art. 13.

La commission arbitrale comprend huit représentants des auteurs, huit représentants des organisateurs d'exécutions et un président choisi en dehors de ces milieux.

Un suppléant est nommé pour chaque membre.

Les décisions sont prises par cinq membres, savoir le président et les deux représentants des auteurs et des organisateurs d'exécutions qui sont spécialement compétents pour le genre d'affaire entrant en considération.

Art. 14.

Le département de justice et police nomme les membres et les suppléants de la commission arbitrale après avoir demandé aux principales associations d'auteurs et d'organisateurs d'exécutions une double proposition pour chaque membre et chaque suppléant; il n'est pas Hé par ces propositions.

Le département est l'autorité de surveillance de la commission. Il est autorisé à déterminer les droits et les obligations des membres, ainsi que l'organisation et la procédure à suivre devant la commission arbitrale.

Les frais de la commission sont avancés par la caisse fédérale, mais doivent lui être remboursés par la société de perception. Le département de justice et police indique les cas où la société de perception a un droit de recours contre les organisateurs d'exécutions.

V. ENTRÉE EN VIGUEUR ET EXÉCUTION

Art. 15.

Le présent règlement entre en vigueur le Le département de justice et police est chargé de son exécution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif au projet d'une loi concernant la perception de droits d'auteur. (Du 26 mars 1940.)

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Bundesblatt

Dans

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Foglio federale

Jahr

1940

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

14

Cahier Numero Geschäftsnummer

4015

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

03.04.1940

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309-329

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10 089 160

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