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Loi fédérale sur

la responsabilité civile des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur et des postes.

(Du 28 mars 1905.)

L'ASSEMBLEE FÉDÉRALE DE LA

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 1er mars 1901, décrète : Art. 1 . Toute entreprise de chemin de fer répond du dommage résultant du fait qu'une personne a été tuée ou blessée au cours de la construction, de l'exploitation ou des travaux accessoires impliquant les dangers inhérents à celle-ci, à moins que l'entreprise ne prouve que l'accident est dû à la force majeure, à la faute de tiers ou à celle de la victime.

Ne sont pas considérés comme des tiers dans le sens du présent article le personnel de l'entreprise ou les personnes dont elle utilise les services pour ses transports ou pour la construction de la ligne.

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Art. 2. En cas de mort, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation. Si

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la mort n'est pas survenue immédiatement, ils comprennent en particulier les frais de traitement et la réparation du préjudice causé par l'incapacité de travail. Lorsque, par la mort de la victime, d'autres personnes sont privées de leur soutien, il y a également lieu de les indemniser de cette perte.

Art. 3. Les lésions corporelles donnent à la personne lésée droit au remboursement des frais et aux dommagesintérêts pour incapacité de travail totale ou partielle.

Si le blessé a été mutilé ou défiguré d'une manière qui compromette son avenir, le juge peut aussi lui allouer une indemnité pour ce préjudice.

Art. 4. Lorsque la victime réalisait par son travail un gain exceptionnellement élevé, le juge peut, en tenant compte de toutes les circonstances, réduire équitablement l'indemnité.

Art. 5. Si l'accident est dû en partie à une faute de la victime, le juge peut, en tenant compte de toutes les circonstances, réduire proportionnellement l'indemnité.

Art. 6. Il n'y a pas lieu à indemnité, si la personne tuée ou blessée s'est mise en contact avec le chemin de fer par un délit ou un acte de mauvaise foi.

Art. 7. Si la personne tuée ou blessée s'est mise en contact avec le chemin de fer en violant sciemment des prescriptions de police, le juge peut réduire l'indemnité ou même libérer l'entreprise.

Art. 8. S'il y a eu faute de l'entreprise ou des personnes mentionnées à l'article 1er, alinéa 2, le juge peut, en tenant compte des circonstances particulières, notamment quand il y a eu dol ou faute grave, allouer à la partie lésée ou, en cas de mort, à la famille de la victime une somme équitable, indépendamment de la réparation du dommage constaté.

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Art. 9. L'indemnité est allouée en capital, rente annuelle ou capital combiné avec, une rente annuelle.

Le juge détermine librement le mode de l'indemnité, sans être lié par les conclusions des parties. Il prend, le cas échéant, les dispositions propres à assurer le paiement de la rente.

Art. 10. Lorsque les suites d'une lésion corporelle ne peuvent être exactement appréciées au moment où il statue, le juge a la faculté de réserver exceptionnellement, pour le cas de mort ou d'une aggravation notable de l'état du blessé, une revision ultérieure du jugement.

Cette réserve peut être également faite par le juge en faveur de l'entreprise, pour le cas où les suites de l'accident seraient beaucoup moins graves qu'on ne le prévoyait.

Art. 11. L'entreprise est en outre responsable des objets perdus, détruits ou avariés se trouvant sous la garde personnelle de la victime, si l'avarie, la destruction ou la perte est en connexité avec l'accident. Sauf ce cas, elle ne doit d'indemnité pour ces objets, non consignés comme marchandises ou bagages, que s'il y a eu faute de sa part.

Art. 12. Dans les cas mentionnés à l'article 11, l'indemnité est fixée d'après la valeur réelle des objets perdus, détruits ou avariés. Une indemnité supérieure ne peut être allouée que dans les circonstances prévues à l'article 8.

Art. 13. Lorsque la personne tuée ou blessée était assurée contre les accidents et que l'entreprise responsable contribuait au paiement des primes ou des cotisations, l'indemnité d'assurance versée à la victime ou aux ayants droit peut être déduite des dommages-intérêts, proportionnellement à la contribution de l'entreprise.

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L'entreprise ne peut faire cette déduction à l'égard de ses employés et de ses ouvriers que si l'assurance à laquelle elle contribue s'étend à tous les accidents survenus au cours de la construction ou de l'exploitation.

Art. 14. Les actions en indemnité dérivant de la présente loi se prescrivent par deux ans, à partir du jour de l'accident. La même prescription s'applique aux demandes en augmentation ou en réduction de l'indemnité fondées sur l'article 10 ; elle court dès la communication du jugement.

Le droit fédéral des obligations régit la suspension et l'interruption de la prescription.

Art. 15. Lorsque la victime d'un accident ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles est un employé ou un ouvrier de l'entreprise, les droits qui résultent de cet accident sont incessibles.

Art. 16. Les publications, règlements ou conventions spéciales qui excluraient ou restreindraient d'avance la responsabilité civile sont sans valeur légale.

Art. 17. Est annulable toute convention en vertu de laquelle une indemnité évidemment insuffisante aurait été stipulée ou payée.

Art. 18. L'entreprise a un recours contre les personnes par la faute desquelles l'accident s'est produit.

Art. 19. Les actions en indemnité peuvent être intentées au siège principal de l'entreprise ou devant le tribunal désigné par la concession ou la loi dans le canton où l'accident s'est produit (art. 8 de la loi fédérale concernant l'établissement et l'exploitation des cbemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse, du 23 décembre 1872, et art. 12 de la loi fédérale concernant l'acquisition · et l'exploitation de chemins de fer pour le compte de la Confédération, du 15 octobre 1897).

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Art. 20. Le juge prononce librement, sans être lié en matière de preuves par les lois de procédure.

Art. 21. La concession peut imposer à l'entreprise une responsabilité plus étendue que celle résultant de la présente loi.

Art. 22. Les cantons prendront les mesures nécessaires : 1° pour que les procès en responsabilité civile soient jugés avec toute la célérité possible; 2° pour que les indigents qui en font la demande soient mis au bénéfice de l'assistance judiciaire et libérés de tous cautionnements, frais d'expertise, émoluments de justice ou de timbre, si un examen préalable ne fait pas apparaître leur réclamation comme mal fondée.

Art. 23. Les accidents survenus avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent régis par les lois fédérales des 1er juillet 1875 et 26 avril 1887, en tant que la concession ne prévoit pas une responsabilité plus étendue.

Art. 24. La présente loi est applicable : 1° à l'exploitation des entreprises de bateaux à vapeur; 2° à l'exploitation des postes, dans la mesure où l'administration fédérale des postes est responsable à teneur de la loi du 3 avril 1894 sur la régale des postes.

Art. 25. L'article 48, n° 2, de la loi fédérale du 22 mars 1893 sur l'organisation judiciaire fédérale, et l'article 12, dernier alinéa, de la loi fédérale du 15 octobre 1897, concernant l'acquisition et l'exploitation de chemins de fer pour le compte de la Confédération, ne sont pas applicables aux actions intentées, à teneur de la présente

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loi, à la Confédération en sa qualité d'entrepreneur de chemins de fer ou de bateaux à vapeur et de postes.

Ces actions doivent être dirigées contre les autorités compétentes de l'administration des chemins de fer fédéraux et, lorsqu'il s'agit de la responsabilité civile des postes, contre la Confédération.

Art. 26. Sont abrogés les lois, ordonnances et règlements contraires à la présente loi, notamment : 1° la loi fédérale du 1er juillet 1875 sur la responsabilité des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur, en cas d'accidents entraînant mort d'homme ou lésions corporelles ; 2° l'article 2, dernier alinéa, et l'article 4 de la loi fédérale du 26 avril 1887 sur l'extension de la responsabilité civile, le premier de ces textes en ce sens que la responsabilité de l'employeur en cas d'accident survenu lors de la construction d'un chemin de fer demeure réservée conformément à l'article 1er, lettre d, le second en tant qu'il concerne les travaux accessoires tombant sous le coup de la présente loi.

Art. 27. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer la date de son entrée en vigueur.

Ainsi décrété par le Conseil national.

Berne, le 24 mars 1905.

Le président, SCHOBINGER.

Le secrétaire, RINGIER.

Ainsi décrété par le Conseil des Etats.

Berne, le 28 mars 1905.

Le président, E. ISLER.

Le secrétaire, SCHATZMANN.

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Le Conseil fédéral arrête: La loi fédérale ci-dessus sera publiée.

Berne, le 5 avril 1905.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, RUCHET.

Le chancelier de la Confédération, RINGIER.

Note. Date de la publication: 5 avril 1905.

Délai d'opposition : 4 juillet 1905.

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Loi fédérale sur la responsabilité civile des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur et des postes. (Du 28 mars 1905.)

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