1027

# S T #

6961

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prorogation de l'additif constitutionnel sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (Du 1er novembre 1955)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un message et des propositions en vue d'une prorogation de l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952 concernant le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit.

I. HISTORIQUE Le 23 novembre 1952, le peuple et les cantons ont accepté l'additif constitutionnel précité. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1953 ; il cessera de porter effet le 31 décembre 1956.

Le 3 février 1953, nous avons adressé à l'Assemblée fédérale un message sur l'exécution de cet additif constitutionnel. L'arrêté fédéral y relatif porte la date du 10 juin 1953.

Le 16 février 1954, l'union syndicale suisse a déposé une initiative concernant la protection des locataires et des consommateurs. Ses promoteurs désiraient voir non seulement prolonger le contrôle des prix en vigueur fondé sur l'additif constitutionnel et l'arrêté d'exécution du 10 juin 1953, mais aussi l'étendre et le renforcer. Nous nous sommes prononcés sur cette initiative dans notre rapport du 20 juillet 1954, où nous sommes arrivés à la conclusion que le nouvel additif proposé ne compléterait pas notre droit public d'une manière souhaitable. Nous avons cependant ajouté que des raisons sérieuses militaient en faveur d'une prorogation de l'additif constitutionnel et de l'arrêté d'exécution jusqu'à la fin de 1960. Nous vous avons donc recommandé de proposer le rejet de cette initiative et d'accepter, en revanche, un contre-projet visant à prolonger de quatre ans le régime en vigueur en matière de contrôle des prix et des loyers.

1028 Les chambrea fédérales se sont ralliées à ces propositions. L'initiative et le contre-projet, soumis le 13 mars 1955 à la votation du peuple et des cantons, ont été toutefois rejetés tous deux.

Dès le début de la session de printemps de l'Assemblée fédérale, ouverte le 14 mars 1955, le problème du contrôle des prix a fait -- c'était naturel -- l'objet de diverses interventions. L'affaire a été traitée au cours de la session de juin. Le porte-parole du Conseil fédéral, en accord avec la manière de voir exprimée dans diverses motions, un postulat et une interpellation, a déclaré que le contrôle des prix, et tout particulièrement celui des loyers, devait être prolongé au-delà du 31 décembre 1956 et qu'un nouvel additif constitutionnel, d'une durée limitée, était nécessaire. Le postulat, de même que les motions -- transformées en postulats -- ont été acceptées par le Conseil fédéral sans avoir suscité d'opposition.

II. LA SITUATION ÉCONOMIQUE Une expansion économique qui se poursuit sans arrêt caractérise la situation actuelle. Les exportations et le volume de la construction ont atteint des chiffres record. Seule la présence d'un fort contingent de travailleurs étrangers permet à la production de faire face aux exigences. Un pouvoir d'achat élevé a pour corollaire une augmentation constante des chiffres d'affaires. Le fonctionnement de l'Union européenne de paiements a permis aux pays de l'Europe occidentale d'intensifier leurs échanges. On a maintes raisons d'admettre que l'expansion économique est encore appelée à se poursuivre dans ces régions. La Suisse n'est pas demeurée en marge de cette évolution..

Sous réserve d'événements inattendus, il n'y a donc pas lieu d'envisager un fléchissement sensible et prochain de la prospérité. En revanche, il convient de prêter la plus grande attention à certaines tendances au renchérissement. Dans nombre de pays, une expansion économique qui s'accentue et des hausses de salaires font monter les prix. Notre économie dépendant fortement de l'étranger, cette évolution, si elle devait se poursuivre et s'accélérer, risquerait d'avoir des répercussions sur le niveau des prix suisses. Depuis la fin de la guerre, l'indice suisse des prix à la consommation est fortement monté -- malgré le léger fléchissement enregistré avant la guerre de Corée. Au cours des trois
dernières années cependant, il est demeuré relativement stable, encore qu'il ait continué à accuser une légère tendance à la hausse. Cette stabilité relative s'explique: les divers indices de groupe ont évolué dans des directions opposées; leurs mouvements se sont ainsi neutralisés. La montée constante des prix des denrées alimentaires et le renchérissement des loyers ont pour contre-partie une baisse des prix des articles d'habillement, des combustibles et de l'éclairage. Depuis 1950, l'indice suisse des prix à la consommation est monté de 9 pour cent seulement. Seules l'Allemagne (9%) et la Belgique (10%) enregistrent un

1029 renchérissement de même ampleur. En revanche, la hausse du coût de la vie est plus marquée dans d'autres pays. Elle s'inscrit à 24 pour cent environ en Italie, à 29 pour cent aux Pays-Bas et à 31 pour cent en France, en GrandeBretagne et en Suède.

Il va donc sans dire que le maintien de notre capacité de concurrence et du pouvoir d'achat du franc exige que la montée des prix soit freinée dans la mesure du possible. L'aménagement des prix paraît donc appelé à revêtir une importance accrue, tant pour les branches qui travaillent essentiellement pour le marché intérieur que pour les industries d'exportation -- et cela tout particulièrement si l'activité économique devait subir un ralentissement.

III. DE LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR LE CONTRÔLE DES PRIX La validité de l'additif constitutionnel en vigueur étant limitée, il importe tout d'abord d'exposer les raisons pour lesquelles ce contrôle des prix demeure nécessaire après le 31 décembre 1956.

1. Contrôle des loyers L'additif constitutionnel du 25 se.ptembre 1952 donne avant tout à la Confédération la compétence (art. premier, 1er al.) d'édicter des prescriptions sur les loyers. Le législateur a fait usage de cette compétence en prenant l'arrêté fédéral du 10 juin 1953 qui institue les dispositions applicables au maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit.

L'écart trop sensible qui subsiste entre les loyers des anciens et ceux des nouveaux logements reste le problème principal en matière de contrôle des loyers. A la suite des dispositions qui limitent la liberté des propriétaires d'immeubles, les loyers de la première catégorie de logements ont augmenté de 17,2 pour cent seulement au regard de 1939, si l'on se fonde sur l'indice calculé par l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail. En revanche, le renchérissement de la construction et des terrains, comme aussi l'évolution générale de la conjoncture ont eu pour effet de porter les loyers des nouveaux logements au double environ du niveau auquel ils s'établiraient s'ils avaient été construits avant la guerre. Les modifications intervenues dans les méthodes et manières de construire confèrent toutefois un caractère relatif à cette comparaison. Les circonstances présentes ne permettent guère d'admettre que la situation changera encore sensiblement d'ici à la fin de
1956. Pour le moment, on constate que le volume général des constructions (privées et publiques, habitations et bâtiments industriels et commerciaux) continue d'augmenter; les salaires payés dans le bâtiment -- et partant les frais de construction -- accusent Feuille fédérale. 107° année. Vol. II.

73

1030 plutôt une tendance à la hausse; parallèlement, le renchérissement des terrains se poursuit. Tant que l'activité se maintiendra au même niveau dans cette branche et que les capacités de production seront pleinement utilisées, on ne pourra pas escompter une baisse des coûts de construction, la concurrence n'exerçant aucune pression sur les prix.

Il n'en reste pas moins que le marché locatif révèle ici et là des signes de saturation, ce qui ressort du tableau suivant : Logements vacants au Jer décembre 1952-1954 Chiffres absolus

Grandes villes Autres villes Grandes communes rurales . . .

Petites communes rurales . . . .

En % du nombre total

1952

1953

1954

1952

1953

1954

477 412 627 1134 2650

336 512 '726 1212 2786

384 0,15 1100 . 0,18 1106 0,39 1620 0,43 4210 0,27

0,10 0,22 0,44 0,45 0,28

0,11 0,47 0,64 0,59 0,42

Le dernier recensement des logements vacants effectué en décembre 1954 a révélé dans diverses localités une proportion de logements disponibles de 1,5 pour cent ou plus. Cependant on est loin encore d'enregistrer un pareil retour à la normale dans l'ensemble du pays. C'est pourquoi il serait prématuré d'envisager une suppression abrupte du contrôle des loyers. Il faut bien relever aussi que les appartements vacants sont presque exclusivement de construction récente, c'est-à-dire trop chers pour un grand nombre de locataires.

Si la construction d'habitations devait se maintenir, cette année et les années suivantes, au niveau.record de l'an dernier -- où 36000 logements environ ont été achevés -- la demande, sauf circonstances imprévues, serait plus ou moins couverte à la fin de 1956. A ce moment, la concurrence exercée par les logements vacants se fera de nouveau sentir. Il est peu probable, toutefois, que le nombre des appartements disponibles suffise d'emblée pour tous les besoins et soit réparti de telle façon que la demande soit couverte dans toutes les villes et communes, surtout en ce qui concerne les habitations simples. Il ne sera donc pas possible de résoudre le problème des loyers jusqu'à la fin de 1956 et de renoncer au contrôle à partir de cette date.

Pour sortir de cette situation inextricable, on propose de divers côtés des mesures propres à encourager la construction d'habitations à bon marché. Le département de l'économie publique à chargé la commission fédérale du contrôle des prix d'étudier les aspects complexes que présente

1031

ce problème. Le rapport de la commission devant être publié, nous ne nous étendrons pas davantage. Relevons cependant que la construction de logements à bon marché, même si elle était activement poussée, ne ferait pas sentir ses effets avant quelques années.

Dans l'intervalle, les transactions immobilières continueront à renforcer la tendance à la hausse des loyers des anciens logements. Depuis le début de la guerre, on a constaté -- comme d'ailleurs au lendemain de la première conflagration mondiale -- que la hausse du coût de la vie est accompagnée d'une montée des prix de la propriété immobilière. De manière générale, lors de la vente d'une maison de construction ancienne, on exige un prix qui compense à tout le moins la dépréciation de la monnaie. Le rendement brut baisse de ce fait dans la mesure où les loyers sont maintenus bas. Ce dernier, qui s'établissait normalement entre 6 et 7 pour cent, tombera peut-être à 4 ou 5 pour cent si l'immeuble a été acquis à un prix adapté au renchérissement. L'acheteur tentera tôt ou tard d'obtenir de nouveau un rendement brut normal. Dans les localités où le nombre de logements disponibles est insuffisant, ces tendances, si elles se réalisaient, détermineraient des hausses injustifiées. Aussi ne devrait-on pas supprimer le contrôle des loyers à la fin de 1956 déjà.

2. La protection^des locataires L'additif constitutionnel du 26 septembre 1952 autorise en outre la Confédération à édicter des prescriptions sur la protection des locataires, autrement dit sur la résiliation des baux à loyer. L'arrêté d'exécution du 10 juin 1953 a fait usage de cette compétence.

Une majorité des cantons a déjà renoncé entièrement ou partiellement au régime de protection des locataires. Cela est compréhensible, la pénurie de logements n'étant plus qu'un phénomène d'ordre régional. Toutefois, l'expérience des années de guerre et de l'après-guerre a démontré que, partout où l'on enregistre une forte pénurie de logements et de locaux commerciaux, l'absence de prescriptions visant à protéger les locataires contre une résiliation arbitraire des baux à loyer atténue sensiblement l'efficacité du contrôle des loyers. Dans de nombreux cas, l'interdiction^ d'augmenter les loyers sans autorisation n'assure pas une protection suffisante aux locataires. Tant qu'un contrôle des loyers
demeure nécessaire, la Confédération devrait avoir simultanément la possibilité d'édicter des prescriptions sur la résiliation des baux à loyer.

3. Contrôle des fermages Dans notre message du 2 mai 1952 sur le maintien temporaire du contrôle des prix, nous avons rappelé les raisons pour lesquelles on ne peut pas renoncer à ce contrôle, introduit par la législation consécutive à la dévaluation monétaire, et inséré par la suite dans le droit régissant l'économie de

1032 guerre. Les chambres fédérales se sont ralliées à notre argumentation et elles ont octroyé à la Confédération la compétence, inscrite dans l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952, d'édicter des prescriptions sur les fermages, de sorte que le contrôle des années précédentes a été maintenu pour l'essentiel par l'arrêté d'exécution de 1953.

Les considérations qui figurent dans le message de 1952 sont encore pleinement valables. Aujourd'hui comme alors, la raréfaction des terrains agricoles tend à faire monter les fermages. Certes, le Conseil national a voté, en septembre 1954, un postulat invitant le Conseil fédéral à étudier l'éventualité d'une réglementation du contrôle des fermages dans le cadre de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale. Cette question est à l'étude. On sait que cette loi a encore fait l'objet d'autres demandes de revision. Il ne sera pas possible d'achever ces études avant la fin de 1956, de sorte que nous ne pouvons renoncer à proroger le contrôle des fermages fondé sur l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952.

4. Contrôle des prix des marchandises protégées et mesures de compensation des prix e L'article premier, 2 alinéa, de l'additif constitutionnel en vigueur autorise la Confédération à édicter des prescriptions sur les prix maximums et sur la compensation des prix pour des marchandises destinées au marché intérieur, lorsque la formation des prix de ces marchandises est influencée par des mesures de protection. Le législateur a fait usage de cette compétence en édictant l'arrêté d'exécution déjà mentionné.

Le principe du contrôle des prix des marchandises qui bénéficient d'une protection de l'Etat est incontesté. Comme il est évident que des mesures d'aide et de protection entraînant des répercussions sur les prix subsisteront au-delà de 1956, la Confédération doit conserver le pouvoir de fixer des prix maximums. Certes, dans notre rapport du 20 juillet 1954 sur l'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs, nous nous sommes demandé si la relation incontestée entre des mesures de protection prises par la Confédération et la compétence d'édicter des prix maximums ne pose pas une "question constitutionnelle. En effet, le droit de fixer des prix maximums pour les marchandises protégées ne découle-t-il pas
automatiquement du pouvoir qui est dévolu au législateur fédéral de prendre des mesures de protection exerçant une influence sur les prix -- de sorte que l'on pourrait se passer d'une disposition constitutionnelle ad hoc ?

Nous pensons -- et nous l'avons déjà dit dans le rapport précité -- que cette opinion peut être soutenue, à moins que l'arrêté en question ne prévoie autre chose. Néanmoins, aujourd'hui comme alors, nous sommes d'avis qu'une disposition constitutionnelle définissant expressément la compétence de la Confédération de limiter les prix des marchandises dites protégées a l'avantage de créer une situation claire.

1033 Quant à la compétence de prendre des mesures de compensation des prix, elle concerne, en fait, le maintien de la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers et de la caisse de compensation des oeufs.

c La caisse de compensation du lait a pour but d'abaisser les prix du lait consommé dans les grands centres et dans les régions dont la production est insuffisante. Une suppression de cette caisse dès la fin de 1956 entraînerait une sensible augmentation du prix du lait -- dans certains cas jusqu'à concurrence de 4 à 5 centimes par litre -- pour de larges milieux de la population. Nous vous prions de vous reporter aux indications détaillées que contient notre message du 3 février 1953 relatif à l'arrêté d'exécution de juin 1953. Dans les circonstances actuelles, étant donnée l'évolution des prix que nous avons esquissée plus haut, le renchérissement brusque d'une denrée alimentaire importante ne serait pas justifié. Nous concluons donc au maintien de cette disposition de l'additif constitutionnel.

Quant à la caisse de compensation des oeufs, elle fonctionne à la satisfaction des intéressés, du commerce, de l'agriculture et des consommateurs ; ils en souhaitent le maintien, aussi bien que les chambres fédérales, qui, en 1953, furent du même avis malgré les craintes exprimées par le Conseil fédéral, concernant la politique commerciale. Elle facilite aux importateurs la prise en charge des oeufs indigènes. La faible taxe qui frappe les importations permet de couvrir les frais du ramassage des oeufs du pays, dont les prix s'établissent ainsi à un niveau qui permet de les écouler sans peine. Ce mécanisme de péréquation permet de pratiquer une politique libérale en matière d'importation, sans négliger pour autant les intérêts légitimes des producteurs indigènes. Comme il ne comporte pas de mesures restrictives limitant la quantité des oeufs importés, il tient également compte des intérêts des fournisseurs étrangers. Ainsi donc, les objections relevant de la politique commerciale, dont ce système a fait précédemment l'objet, sont désormais sans fondement.

5. Le contrôle des prix d'autres marchandises de première nécessité L'article 2 de l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952 autorise la Confédération a arrêter des prescriptions sur les prix maximums de marchandises de
première nécessité destinées au marché intérieur. Il habilite en outre le Conseil fédéral à mettre lui-même, à titre provisoire, ces prescriptions en vigueur préalablement à la décision de l'Assemblée fédérale.

Cette disposition a été l'une des plus contestées du projet. Elle a cependant été acceptée, avant tout en raison des tensions internationales.

Depuis lors, la situation ne s'est pas sensiblement modifiée. Bien que l'on enregistre certains signes de détente, il est probable que, même si les choses évoluent aussi bien que possible, les causes de conflit qui subsistent provoqueront encore bien des difficultés. Des surprises désagréables ne sont

1034 pas exclues. Rien ne permet encore d'envisager une ère de stabilité et de sécurité sur le plan international. La prudence commande donc de prendre des précautions en prévision de perturbations graves du jeu de l'offre et de la demande. Le Conseil fédéral doit avoir le pouvoir, en cas de nécessité, d'édicter sans tarder des prescriptions sur les prix maximums des matières1 premières et produits finis tenus pour indispensables.

On pourrait rétorquer que, dans l'intervalle, les chambres ont voté la loi sur la préparation de la. défense nationale économique; à l'article 18, cette loi donne au Conseil fédéral la compétence d'édicter certaines prescriptions sur les prix maximums. Rappelons cependant qu'il ne peut faire usage de ce pouvoir que lorsque l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée ou que le danger de guerre apparaît imminent.

Sans que ces conditions soient remplies pour autant, on peut cependant concevoir des perturbations économiques de nature à provoquer un renchérissement. Les raisons qui ont milité en faveur de l'article 2 de l'additif constitutionnel de 1952 subsistent. On doit, par conséquent, admettre la nécessité de proroger temporairement cette disposition.

IV. PROROGATION SANS CHANGEMENT OU REVISION DE L'ADDITIF CONSTITUTIONNEL EN VIGUEUR ?

1. Considérations générales L'additif constitutionnel du 26 septembre 1952 se borne à octroyer à la Confédération la compétence d'édicter, dans certains domaines, des prescriptions en matière de contrôle des prix. En revanche, il ne dit rien de leurs modalités d'application; elles sont réservées à la loi. L'exécution d'un contrôle des prix réduit est réglée par l'arrêté du 10 juin 1953. Il convient de maintenir cette distinction lors de la prorogation de l'additif constitutionnel.

Les principales divergences provoquées par le contrôle des prix, l'expérience de ces trois dernières années l'a démontré, portent presque exclusivement sur les modalités d'exécution et non pas sur l'additif constitutionnel.

En 1952, les milieux qui ont lancé et soutenu par la suite l'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs figuraient parmi les partisans les plus vigoureux de l'additif constitutionnel. Ces mêmes milieux ont cependant estimé que l'arrêté fédéral du 10 juin réglant l'exécution d'un contrôle des prix réduit n'était pas conforme à la volonté exprimée par le peuple le 23 novembre 1952, particulièrement en ce qui concerne le contrôle des loyers. L'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs était donc dirigée non pas contre l'additif constitutionnel, mais contre les dispositions d'exécution.

1035 2. L'aménagement du contrôle des prix et les principales divergences qu'il soulève a. Contrôle des loyers Le contrôle des loyers doit-il être assoupli ou non? C'est sur ce problème avant tout que les avis s'opposent. Les questions qui se posent sont les suivantes: L'Assemblée fédérale doit-elle donner au Conseil fédéral un mandat impératif d'assouplir le contrôle des loyers, analogue à celui qui est contenu dans l'arrêté d'exécution de juin 1953, ou cette mesure doit-elle être laissée à son appréciation par une disposition qui se bornerait à établir sa compétence ? Quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour qu'un assouplissement puisse intervenir et, le cas échéant, comment convient-il de procéder? Faut-il envisager la possibilité de hausses générales des loyers, à l'instar des dispositions en vigueur? Peut-on se contenter de prévoir des augmentations de loyers individuelles, pour lesquelles l'autorisation serait liée à certaines conditions ?

Nous vous rappelons que les promoteurs de l'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs s'en sont pris surtout au mandat impératif donné au Conseil fédéral d'assouplir le contrôle des loyers. En effet, l'article 4 de l'arrêté fédéral du 10 juin 1953 dispose que l'autorité compétente assouplira le contrôle des loyers, avant tout en autorisant d'une manière générale des hausses de loyers par étapes.

Les divergences portent également sur la question de savoir si le contrôle des loyers doit être réglé pour l'ensemble du pays ou -- l'acuité de la pénurie de logements variant d'une région à l'autre -- s'il convient, comme en ce qui concerne la protection des locataires, de réserver à la Confédération la faculté de légiférer tout en laissant aux cantons la compétence de décider dans quelle mesure et pour quelle durée la législation fédérale sera appliquée.

b. Caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers Les uns souhaitent le maintien de cette caisse tandis que les autres en requièrent la suppression. Mais si elle devait continuer à fonctionner, conviendrait-il de réduire les subsides destinés à abaisser les prix du lait de consommation et, le cas échéant, de quelle manière ? Les avis divergent également sur ce point.

La question du financement de cette caisse de compensation est également discutée. On
sait que la caisse est alimentée par les taxes prélevées sur le lait et la crème destinés à la consommation et par le droit de douane supplémentaire perçu sur le beurre importé en vertu de l'arrêté d'exécution du 10 juin 1953. En outre, la Confédération a dû compléter ses ressources par des subsides. Cependant, l'article 26 de la loi sur l'agriculture et l'article 26 de l'arrêté sur le statut du lait disposent que le produit de ces taxes et

1036 droits de douane doit être affecté à abaisser les prix des produits laitiers indigènes, mais non pas ceux du lait de consommation. Les taxes prélevées sur le lait et la crème de consommation ne pourront être affectées au but prévu par la loi sur l'agriculture aussi longtemps que subsistera le financement actuel de la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers. D'autre part, tant que le supplément de droit de douane perçu sur le beurre importé sera versé à la caisse de compensation, le rendement de la taxe prélevée par la Butyra sur les importations de beurre, en vertu de la loi sur l'agriculture, en sera diminué d'autant. Etant donnée toutefois la nécessité de maintenir les prix payés aux producteurs de lait à un niveau permettant de couvrir les frais de production, l'abaissement des prix des produits laitiers indigènes revêt une grande importance. En conséquence, la réglementation actuelle du financement de la caisse de compensation des prix du lait a pour effet de rendre largement inefficace une disposition essentielle de la loi sur l'agriculture et de l'arrêté sur le statut du lait. Les milieux agricoles en particulier insistent, non sans raison, sur la nécessité de remédier rapidement à cet état de choses.

c. Au regard des divergences mentionnées plus haut (sous a et b), les points qui suivent n'ont qu'une importance secDndaire. La protection des locataires ne fait pas l'objet de divergences profondes. On peut en dire autant du contrôle des fermages. Certes, on a fait valoir ici et la que d'ores et déjà il pourrait se fonder sur l'article Blbis de la constitution. Nous avons relevé ci-dessus la nécessité de maintenir ce contrôle. D'ailleurs, il nous paraît inopportun de soulever un problème de droit constitutionnel dans la présente phase de transition, c'est-à-dire indépendamment du problème posé par la revision totale du.droit foncier.rural et de fonder le contrôle des fermages sur une autre disposition constitutionnelle que l'additif de septembre 1952. Ce changement s'impose d'autant moins qu'en fait le contrôle des fermages et les autres dispositions de l'additif précité forment un tout. En éliminant le contrôle dés fermages de l'additif, on risquerait d'en compromettre la prorogation.

Quant au contrôle des prix des marchandises dites protégées, il n'a pas donné
lieu à des divergences sérieuses.

La compétence de fixer des prix maximums que confère l'article 2 de l'additif constitutionnel a été la disposition la plus contestée lors de la votation populaire sur l'additif. La situation est aujourd'hui sensiblement différente. Les promoteurs de l'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs se sont alors prononcés en faveur de cet article 2.

Leur initiative prévoyait également l'octroi d'une compétence semblable à la Confédération, qui allait même un peu plus loin que l'article précité.

Par la suite, les adversaires de cet article ont compté parmi les partisans du contre:projet de l'Assemblée fédérale, qui prorogeait expressément l'article 2 de l'additif. Ce dernier a donc cessé d'être contesté sérieusement.

1037 Si les adversaires d'hier ont largement renoncé à leur opposition, c'est probablement parce que le Conseil fédéral a tenu sa promesse de ne faire de cette disposition qu'un usage modéré. En fait, elle n'a pas été appliquée jusqu'à maintenant. L'on a cependant fait observer que l'article 2 n'est pas très précis en ce qui concerne sa portée. On pourrait se demander s'il vise uniquement les marchandises protégées mentionnées au 2e alinéa de l'article premier ou s'il donne la possibilité d'édictep des prix maximums pour d'autres marchandises de première nécessité. Sa genèse de l'article 2 montre que la compétence de fixer des prix maximums pour les marchandises destinées au marché intérieur ne se limite pas aux marchandises protégées au sens du 2e alinéa de l'article premier, mais qu'elle s'étend à toutes les marchandises de première nécessité.

L'article 2 ne précise pas les conditions dans lesquelles des prix maximums peuvent être fixés. Sa genèse permet également de déduire que la compétence qu'il confère a trait à certaines situations extraordinaires et vise à donner à l'autorité fédérale la possibilité d'intervenir, en particulier lors de graves perturbations du marché.

4. Les raisons qui militent en îaveur d'une prorogation sans changement de l'additiî constitutionnel a. Comme nous l'avons vu, les divergences qui subsistent portent presque exclusivement sur les modalités d'application du contrôle des prix et non pas sur la teneur de l'additif constitutionnel. Il paraît donc opportun d'en différer l'examen jusqu'au moment où l'on élaborera l'arrêté d'exécution. Pour l'instant, il importe de créer aussi rapidement que possible la base constitutionnelle qui doit permettre de maintenir le contrôle des prix au-delà du 31 décembre 1956. Cette tâche est urgente, étant donné que l'additif en vigueur arrive à terme à la fin de l'année prochaine. D'autre part, si cette base constitutionnelle devenait d'emblée une pomme de discorde, on pourrait craindre qu'elle ne fût pas prête à temps ou qu'elle ne fût conçue de manière à dresser contre elle une majorité du peuple ou des cantons, ou des deux à la fois. Un rejet compromettrait sérieusement, ou même empêcherait toute prorogation du contrôle des prix et des loyers au-delà du 31 décembre 1956. La nécessité de combattre le renchérissement doit nous inciter
à prévenir cette éventualité. Pour cette raison, tous les milieux intéressés devraient pouvoir s'entendre et accepter de prolonger sans changement l'additif constitutionnel en vigueur. C'est le moyen le plus sûr de disposer à temps de la base constitutionnelle sans laquelle le contrôle des prix ne saurait être maintenu.

b. La proposition visant à prolonger sans changement la validité de l'additif constitutionnel en vigueur n'équivaut pas à reprendre le contreprojet de l'Assemblée fédérale que le peuple et les cantons ont repoussé le 13 mars 1955. Ce dernier ne concernait pas seulement l'additif consti-

1038 tutionnel, mais prévoyait aussi la prorogation sans changement de l'arrêté d'exécution. Notre proposition, si elle est acceptée, laisse en revanche la voie entièrement libre à l'aménagement des modalités d'application du contrôle des prix et des loyers. En prorogeant purement et simplement l'additif constitutionnel, on ne préjuge en rien les décisions qu'appelle son application ; on ne se prononce d'aucune manière sur les divergences signalées plus haut (chap/IV/2). Si l'arrêté d'exécution issu des délibérations ne donnait pas satisfaction à certains milieux, ils auraient la possibilité de lancer un referendum-. Un rejet de l'arrêté d'exécution ne mettrait pas en question, comme ce serait le cas si l'additif constitutionnel était repoussé, le maintien du contrôle des prix. En supprimant ou modifiant les dispositions combattues on aurait toujours la possibilité de recourir à un arrêté fédéral urgent fondé sur l'article 8Qbis, Ier alinéa, de la constitution et soumis ultérieurement au referendum facultatif en vertu du 2e alinéa de cette même disposition constitutionnelle.

c. Enfin, le fait que le droit ne devrait pas être modifié sans nécessité milite également en faveur d'une prorogation pure et simple de l'additif constitutionnel. Ce principe vaut avant tout pour la charte fondamentale de l'Etat, et surtout quand il s'agit uniquement de prolonger pour peu de temps la validité d'une disposition constitutionnelle. Chaque fois qu'une disposition est modifiée, on se demande quelle est la raison et le but de cette modification. Il en résulte des difficultés d'interprétation et une certaine insécurité.

Nous sommes en présence d'une disposition constitutionnelle vieille de trois ans seulement. Il s'agit d'en prolonger la validité de quelques années. Dans ce cas précis, le principe de la continuité du droit appelle expressément une prorogation sans changement.

V. DURÉE DE LA PROROGATION L'incertitude de l'évolution économique et politique ne permet pas de déterminer dès maintenant le moment où toutes les mesures de contrôle des prix fondé sur l'additif constitutionnel de septembre 1952 cesseront d'être nécessaires. L'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs, d'une part, et le contre-projet de l'Assemblée fédérale, de l'autre, prévoyant une prorogation de l'additif
constitutionnel jusqu'à la fin de 1960, il nous paraît indiqué de proposer une prolongation de même durée. Un délai plus court, comme on le souhaite ici et là, ne tiendrait pas compte du fait qu'à la fin de 1958, par exemple, l'écart entre les loyers des anciens et des nouveaux logements n'aura pas diminué dans une mesure suffisante pour permettre de renoncer dès ce moment à tout contrôle des loyers. Les circonstances ultérieures montreront si des raisons d'ordre économique et social requièrent ou non une prolongation de ce contrôle au-delà du 31 décembre 1960 et, le cas échéant, dans quelle mesure.

1039 VI. RÉCAPITULATION Le vote du 13 mars 1955 a montré que le peuple, dans sa majorité, s'est prononcé pour un maintien du contrôle des prix au-delà du 31 décembre 1956. Des postulats -- émanant de divers partis -- développés devant les chambres en juin 1955 ont montré qu'elles aussi, considèrent que le moment n'est pas encore venu de renoncer à tout contrôle des prix, et tout particulièrement au contrôle des loyers. Au chapitre III, nous avons exposé la nécessité de proroger de quelques années encore les pouvoirs conférés à la Confédération par l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952. Au chapitre IV, nous avons montré qu'il s'agit de disposer le plus rapidement possible de la base constitutionnelle qui doit permettre de prolonger le contrôle des prix au-delà du 31 décembre 1956. A cet effet, il est prudent de remettre à plus tard les discussions qu'appellera l'aménagement du contrôle des prix et son étendue, c'est-à-dire de les différer jusqu'au moment où l'on passera à l'élaboration de l'arrêté d'exécution. Cela d'autant plus que les divergences principales ne concernent pas l'additif constitutionnel, mais bien l'arrêté d'exécution. A la différence du contreprojet de l'Assemblée fédérale, notre proposition vise uniquement à proroger sans changement l'additif constitutionnel. Elle ne tend pas à prolonger simultanément la validité de l'arrêté d'exécution du 10 juin 1953.

Enfin, comme nous l'avons dit, le principe de la continuité du droit milite également en faveur de cette solution. Comme nous l'exposons au chapitre V, la prorogation proposée devrait s'étendre sur quatre ans.

En nous fondant sur ce qui précède, nous vous recommandons d'adopter notre projet d'arrêté sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (prorogation de l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952).

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 1er novembre 1955.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Max Petitpierre logis

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

1040 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL sur

le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (Prorogation de l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952)

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 1er novembre 1955, arrête:

Article premier La validité de l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952 sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit est prolongée jusqu'au 31 décembre 1960.

Art. 2 Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de son exécution.

10813

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prorogation de l'additif constitutionnel sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (Du 1er novembre 1955)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1955

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

45

Cahier Numero Geschäftsnummer

6961

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

10.11.1955

Date Data Seite

1027-1040

Page Pagina Ref. No

10 094 059

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.