10.442 Initiative parlementaire Organisation et tâches de l'autorité chargée de la surveillance du Ministère public de la Confédération Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 20 mai 2010

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'organisation et les tâches de l'autorité chargée de la surveillance du Ministère public de la Confédération. Nous le transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

20 mai 2010

Pour la commission: Le président, Hermann Bürgi

2010-1309

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 19 mars 2010, les Chambres fédérales ont adopté la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP91. Cette loi contient essentiellement des dispositions qui complètent le code de procédure pénale adopté par le Parlement le 5 octobre 20072; elle désigne les autorités pénales de la Confédération, fixe leurs modalités d'élection, leur composition, leur organisation et leurs compétences. Pour ce qui est du Ministère public de la Confédération, le Parlement s'est sensiblement écarté des propositions que le Conseil fédéral avait faites dans son message du 10 septembre 2008 3.

Considérant les analogies entre l'activité du Ministère public de la Confédération et celle des autorités judiciaires, et afin de consacrer l'indépendance de celui-ci vis-àvis de l'exécutif 4, l'Assemblée fédérale a décidé que le procureur général de la Confédération (le procureur général) et ses suppléants seront désormais élus par l'Assemblée fédérale (art. 20 LOAP). Une autorité spéciale, élue également par l'Assemblée fédérale, exercera la surveillance sur le Ministère public de la Confédération (art. 23 LOAP).

L'art. 27, al. 3, LOPA prévoit que l'Assemblée fédérale précise par voie d'ordonnance l'organisation et les tâches de l'autorité de surveillance.

L'Assemblée fédérale doit en conséquence édicter une ordonnance. Ces travaux sont urgents; l'ordonnance devra entrer en vigueur le 1er janvier 2011, en même temps que la LOAP. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (ci-après «la commission») a donc décidé à l'unanimité, le 22 avril 2010, de mettre en oeuvre ces travaux en décidant une initiative parlementaire, dont la teneur est la suivante: «La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats décide d'élaborer une ordonnance de l'Assemblée fédérale visant à régler les détails de l'organisation et des tâches de l'autorité chargée de la surveillance du Ministère public de la Confédération.» Le 30 avril 2010, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a approuvé cette initiative. Le 20 mai 2010, la commission du Conseil des Etats a adopté le projet d'ordonnance ci-joint à l'unanimité. Elle a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police, en vertu de l'art. 112, al. 1er de la loi fédérale sur le Parlement (LParl.)5

1 2 3 4

5

FF 2010 1855 FF 2007 6583 FF 2008 7371 Voir à cet égard le rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 3 juin 2009 (http://www.parlament.ch/afs/data/f/bericht/2008/f_bericht_s_k25_0_20080066_0_20090 603.htm) RS 171.10

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2

Présentation de l'objet

2.1

Eléments de l'organisation et des tâches fixés dans la loi

Des éléments majeurs de l'organisation et des tâches de l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération sont fixés dans la loi, notamment l'élection, les règles d'incompatibilité, la période de fonction, la révocation, la surveillance et le pouvoir de donner des instructions, le droit de demander des renseignements et de procéder à des inspections, le pouvoir disciplinaire et l'obligation de faire rapport (art. 23 ss LOAP).

2.2

Organisation

L'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération dispose de son propre budget. Elle se constitue et s'administrera elle-même: une fois les grandes lignes esquissées dans le projet d'ordonnance ci-joint, elle édictera un règlement à cet effet.

Ses membres éliront un président et un vice-président pour une période de deux ans.

Ceux-ci ne pourront être réélus qu'une seule fois. Le président représentera l'autorité de surveillance à l'extérieur.

L'autorité de surveillance bénéficiera du soutien technique et administratif d'un secrétariat, qui devrait compter un petit nombre de personnes. Elle pourra obtenir contre paiement des prestations administratives et logistiques auprès d'autres unités de la Confédération. Les modalités seront fixées dans des conventions de prestations.

2.3

Indemnisation des membres de l'autorité de surveillance

Les membres de l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération auront une fonction très importante au sein de l'appareil judiciaire. Leur élection par l'Assemblée fédérale, leur indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs sous réserve de la haute surveillance parlementaire en sont autant d'expressions. Si leur statut est comparable à celui d'un juge fédéral et qu'ils assument leur charge à titre accessoire, il n'est que juste de leur verser les mêmes indemnités qu'aux juges suppléants du Tribunal fédéral.

3 Section 1

Commentaire article par article Objet

Art. 1 La LOAP énumère les tâches de l'autorité de surveillance mais ne règle que succinctement son organisation. L'ordonnance proposée vise à la compléter.

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Section 2 Art. 2

Membres de l'autorité de surveillance Serment ou promesse solennelle

Comme l'Assemblée fédérale élit les membres de l'autorité de surveillance (art. 23, al. 1, LOAP), ceux-ci auront un rang similaire aux juges des tribunaux de la Confédération. Ils devront donc, comme ces derniers, prêter serment ou faire une promesse solennelle.

La règle selon laquelle les membres de l'autorité de surveillance prêtent serment devant l'autorité de surveillance correspond à ce qui est prévu pour le Tribunal pénal fédéral; les juges prêtent serment devant la Cour plénière (art. 11, al. 3, de la loi sur le Tribunal pénal fédéral6 et art. 47, al. 2, LOAP). Au Tribunal fédéral, les juges prêtent serment devant leur cour, sous la présidence du président du Tribunal fédéral (art. 11, al, 2, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral7).

Art. 3

Activité à titre accessoire

Les membres de l'autorité de surveillance exerceront leur fonction à titre accessoire.

Il leur sera parfaitement loisible d'exercer une profession à titre principal.

Art. 4

Démission

Le délai de six mois ménagera assez de temps à la Commission judiciaire pour proposer un successeur au vote des Chambres fédérales (al. 1). Un délai plus court pourra être fixé d'un commun accord (al. 2).

Art. 5

Fin de période de fonction

Les membres quittent l'autorité de surveillance à 70 ans au plus, à l'exception de ceux qui sont aussi juges au Tribunal fédéral ou au Tribunal pénal fédéral, qui quitteront l'autorité de surveillance à l'âge de la retraite, laquelle est régie par des dispositions spéciales (art. 25, al. 3, LOAP). La limite d'âge de 70 ans donnera notamment l'occasion à des spécialistes en retraite de faire profiter cet organe de leur grande expérience.

Section 3 Art. 6

Organisation et tâches Principe

L'al. 1 consacre le principe selon lequel l'autorité de surveillance s'administre et s'organise elle-même, reflet de son autonomie par rapport aux autres pouvoirs et notamment par rapport à l'exécutif. La loi et l'ordonnance fixent les grandes lignes de l'organisation et de l'administration de l'autorité de surveillance. Pour le reste, celle-ci devra les fixer dans un règlement, dans les limites définies par la loi. On peut partir de l'idée que les principes en matière d'organisation fixés notamment aux art. 3 et 8 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de 6 7

RS 173.71 RS 173.110

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l'administration8 s'appliqueront à elle. Citons en particulier la légalité, l'opportunité et la bonne gestion de l'administration, l'efficacité, la capacité d'innovation et la surveillance.

L'al. 2 habilite l'autorité de surveillance à édicter les dispositions nécessaires sur son organisation et son administration sous forme de règlement. Formellement, il s'agira d'une ordonnance législative, qui devra être publiée au Recueil officiel du droit fédéral, ce qui favorisera la transparence.

Art. 7

Présidence

L'unique renouvellement du mandat prévu à l'al. 1 assurera la continuité tout en limitant le pouvoir du président. Celui-ci ­ ou, en cas d'empêchement, le viceprésident ­ représentera l'autorité de surveillance à l'extérieur (al. 2), c'est-à-dire devant l'Assemblée fédérale, devant les commissions et face au public.

Art. 8

Décisions

Les abstentions ne seront pas prises en considération dans le décompte des voix (al. 2). Le vote du président vaudra double en cas d'égalité des voix. S'il s'est abstenu, il devra trancher (al. 3).

Art. 9

Délégation de tâches

Cette disposition permettra à l'autorité de surveillance de simplifier les procédures et d'utiliser le temps de ses membres de manière rationnelle.

Art. 10

Secrétariat

L'autorité de surveillance disposera d'un secrétariat qui lui fournira un soutien technique et administratif. Le secrétaire devra avoir un titre universitaire. Au besoin, il pourra être secondé par un ou plusieurs collaborateurs scientifiques ou administratifs. Le secrétariat ne sera lié que par les instructions du président.

L'autorité de surveillance s'administrera largement elle-même, ne faisant pas partie de l'administration générale de la Confédération. Elle disposera de son propre budget et établira ses propres comptes (art. 31 al. 4, LOAP). Elle défendra elle-même son budget, ses comptes et son rapport de gestion devant le Parlement (art. 142, al. 3, LParl tel qu'il est modifié dans le cadre de la LOAP).

Vu sa petite taille, il ne serait guère rationnel d'obliger l'autorité de surveillance à se doter d'autres services administratifs. Elle pourra obtenir contre paiement des prestations administratives et logistiques auprès d'autres unités de la Confédération. Les modalités sont fixées dans des conventions de prestations (al. 3).

Art. 11

Siège

Le siège de l'autorité de surveillance sera à Berne.

8

RS 172.010

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Art. 12

Rapport

L'autorité de surveillance établit un rapport d'activité annuel. Elle peut aussi établir d'autres rapports de son propre chef.

Art. 13

Information

Le président ou un membre désigné par l'autorité de surveillance informera le public. Outre le rapport d'activité annuel, l'autorité de surveillance pourra fournir des informations par exemple sur des instructions qu'elle aura données au Ministère public de la Confédération ou sur des mesures qu'elle aura prises en vertu de l'art. 31, al. 1 et 2, LOAP.

Art. 14

Secret de fonction

Cet article oblige les membres de l'autorité de surveillance à garder secrète toute information parvenue à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.

Il s'inspire du secret de fonction des membres des autorités pénales, statué à l'art. 73, al. 1, du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP)9, limité lui aussi aux faits parvenus à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.

C'est à l'autorité de surveillance qu'il revient de lever le secret de fonction à l'égard de ses membres.

Les employés du secrétariat seront soumis aux règles en la matière de la législation sur le personnel de la Confédération.

Section 4

Indemnités journalières et remboursement des frais

Art. 15 Les membres de l'autorité de surveillance perçoivent des indemntiés journalières. Le président reçoit une allocation présidentielle de 12 000 francs par année (al. 1), même s'il ne perçoit pas d'indemnité journalière.

Le montant de l'indemnité journalière auquel l'al. 2 fait référence est de 1300 francs pour les personnes exerçant une activité lucrative indépendante et de 1000 francs pour les salariés (art. 1, al. 2, de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 23 mars 2007 concernant les indemnités journalières et les indemnités de déplacement des juges du Tribunal fédéral10). Ces montants semblent appropriés. S'ils étaient inférieurs, de l'ordre par exemple de ceux fixés par l'ordonnance du 25 novembre 199811 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, il deviendrait considérablement plus difficile de trouver des personnes intéressées par cette importante fonction. L'annexe 2 de cette ordonnance fixe entre 200 et 400 francs l'indemnité journalière pour les membres des commissions extraparlementaires politicosociales.

9 10 11

RS ...; FF 2007 6583 RS 172.121.2 RS 172.010.1

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Selon les art. 5, al. 1, et 14, al. 1, de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)12, une cotisation est perçue sur le revenu provenant d'une activité dépendante, appelé salaire déterminant. Selon l'art. 5, al. 2, 1re phrase, LAVS, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Ses éléments sont énumérés à l'art. 7 du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance vieillesse et survivants (RAVS)13, mais non de manière exhaustive (ATF 133 V 346 c. 4). En fait partie (art. 7, let. i, RAVS) le revenu des membres d'autorités de la Confédération, des cantons et des communes. Les membres de l'autorité de surveillance doivent donc verser des cotisations AVS/AI/APG/AC sur leurs indemnités journalières et le remboursement de leurs frais lorsque ces revenus excèdent 2200 francs par année civile (art. 34d RAVS).

Les membres de l'autorité de surveillance qui n'exercent pas d'activité professionnelle principale en dehors de cette fonction et n'ont pas encore atteint l'âge ordinaire de la retraite14 sont assurés par PUBLICA et affiliés à la caisse de prévoyance de la Confédération (RPEC)15.

Al. 3: les juges du Tribunal fédéral et du Tribunal pénal fédéral seront détachés par ces deux institutions pour exercer leur fonction au sein de l'autorité de surveillance.

Il n'y a donc pas lieu de les indemniser en sus de leur traitement.

Section 5 Art. 16

Droit disciplinaire Mesures

Les trois mesures disciplinaires que l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération peut prendre contre les membres élus du Ministère public de la Confédération sont déjà énumérées dans la loi. On précise dans l'ordonnance que la réduction de salaire ne peut excéder 10 % ni être infligée pour plus d'un an. Il est envisageable qu'au terme de l'enquête disciplinaire, l'autorité de surveillance parvienne à la conclusion qu'il y a lieu à révocation.

Art. 17 et 18

Procédure, prescription

Au demeurant, ces dispositions correspondent largement aux art. 98 à 100 de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération16.

Art. 19

Proposition de révocation

Selon l'art. 31 al. 1 LOAP, l'autorité de surveillance soumet à l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) la proposition de destitution du procureur général ou des procureurs suppléants. Selon l'art. 40a, al. 1, let. c LParl, la Commission judiciaire est 12 13 14

15 16

RS 831.10 RS 831.101 Pour les condition de cette affilliation obligatoire et les exeptions, cf. art. 1j et 1k OPP 2 et art. 14 ss, notamment art. 17, RPEC. Pour les salariés exerçant une activité accessoire, l'employeur n'est tenu de cotiser à la prévoyance professionnelle que s'ils l'ont avisé de leur adhésion à l'assurance facultative (cf. art. 30 OPP 2).

BBl 2008 5377 RS 172.220.111.3

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compétente pour préparer l'élection et la révocation du procureur général et de ses suppléants. En vertu de l'art. 160 cst., l'autorité de surveillance n'est pas habilitée à faire des propositions à l'Assemblée fédérale. En conséquence, l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération ne peut que transmettre ses propositions à la Commission judiciaire.

La commission est d'avis que la portée des propositions au sens de l'art. 31, al. 1, LOAP doit être comprise de manière analogue aux compétences des commissions de gestion et de la Délégation des finances selon l'art. 40a, al. 6, LParl: «Si les commissions de gestion ou la Délégation des finances font des constatations qui mettent sérieusement en cause l'aptitude professionnelle ou personnelle d'un juge, elles les communiquent à la Commission judiciaire». Il appartient ensuite à la Commission judiciaire d'examiner le cas et de décider si elle entend soumettre à l'Assemblée fédérale une proposition de révocation.

4

Conséquences financières

Faute de pouvoir faire une estimation exacte du montant nécessaire pour les indemnités de l'autorité de surveillance et le traitement de son personnel, on peut toutefois calculer un minimum et un maximum théoriques, en se fondant sur les facteurs suivants: ­

Seuls cinq membres de l'autorité de surveillance, soit ceux qui ne sont pas juges au Tribunal fédéral ou au Tribunal pénal fédéral, recevront des indemnités journalières. A cela s'ajoute l'allocation présidentielle de 12 000 francs. Le nombre de séances devrait atteindre une douzaine par an. Il faut prévoir en outre trois jours pour les inspections que l'autorité de surveillance pourra confier à des délégations. La charge de président représentera deux fois plus de temps que celle des autres membres. Le montant de l'indemnité journalière étant de 1300 francs pour les personnes exerçant une activité indépendante et de 1000 francs pour les salariés, la somme annuelle variera, selon la composition de l'autorité, de 111 000 francs à 129 000 francs.

­

Le Tribunal fédéral et le Tribunal pénal fédéral perdront en force de travail le temps que leurs représentants au sein de l'autorité de surveillance consacreront à cette fonction.

­

D'après les indications fournies par le DFJP et le Tribunal pénal fédéral, le secrétariat devra être doté de deux postes. Un poste de collaborateur scientifique revient à quelques 170 000 à 200 000 francs par an, suivant la classe de traitement (salaire et charges sociales), un poste administratif à environ 110 000 francs.

Les frais de personnel se situeront donc approximativement entre 391 000 et 439 000 francs au total. Ils seront plus élevés la première année, durant laquelle l'autorité de surveillance devra s'organiser.

Quant à la perte en force de travail pour le Tribunal pénal fédéral et aux coûts de secrétariat, ils seront contrebalancés par le fait que ni le Tribunal pénal fédéral, ni le DFJP n'auront plus à exercer la surveillance sur le Ministère public de la Confédération.

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