Acquisition d'armement au sein du DDPS Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 23 novembre 2007 Avis complémentaire du Conseil fédéral du 31mars 2010

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a adopté le 23 novembre 2007 le rapport relatif à l'acquisition d'armement au sein du DDPS et en a autorisé la publication. Le Conseil fédéral a rendu le 14 mars 2008 un avis sur les différentes recommandations. Il a notamment mentionné que certains points devaient encore être examinés de manière détaillée et qu'un rapport serait présenté avant la fin 2008.

Il a remis ce rapport partiel complémentaire à la CdG-N le 26 septembre 2008.

Par courrier du 27 février 2009, la CdG-N remercie le Conseil fédéral et prend acte des réponses aux recommandations, qu'elle approuve pour l'essentiel; elle demande toutefois des précisions sur certains points avant la fin 2009. Nous prenons position ci-après sur les recommandations qui n'ont pas encore été traitées exhaustivement.

Les points non litigieux ne sont plus abordés.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 mars 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Avis 1

Constatations générales

L'acquisition d'armement s'inscrit dans un contexte complexe et multidimensionnel, soumis à des impératifs politiques, sécuritaires, stratégiques, légaux, financiers et industriels parfois contradictoires. Ces différents aspects doivent être soigneusement harmonisés et être coordonnés avec les besoins de l'armée.

Les questions complémentaires de la CdG-N, le rapport du Contrôle fédéral des finances sur l'achat d'armement à l'étranger (évaluation des affaires compensatoires) et la réorganisation d'«armasuisse» ont incité les organes compétents à examiner les questions en suspens relatives à l'acquisition d'armements en les plaçant dans un contexte plus large.

Les principes du Conseil fédéral du 29 novembre 2002 en matière de politique d'armement du DDPS (confirmés sans changements au printemps 2007) ont été complètement remaniés en adéquation avec le projet de nouveau rapport sur la politique de sécurité du Conseil fédéral. Sur cette base, le Conseil fédéral a élaboré pour le DDPS des stratégies en matière d'acquisitions et de participation industrielle à des fins de précision et en guise de lignes directrices, et celles-ci ont été complétées par une stratégie d'«armasuisse» en matière d'affaires compensatoires.

Le plus grand nombre possible de détenteurs de portefeuilles ont été associés aux travaux. Des représentants du domaine Défense et de l'industrie et des organisations de la branche (swissmem et GRPM) ont notamment été contactés à plusieurs reprises. En outre, le Center for Security Economics and Technology (CSET) de l'Université de Saint-Gall a été associé aux travaux pour garantir l'assise scientifique des stratégies. La Commission de l'armement a par ailleurs consacré plusieurs séances à cette thématique.

En 2010, il est prévu de remanier la stratégie fondée sur les rapports de propriété pour les entreprises d'armement de la Confédération (RUAG) et d'élaborer une stratégie de coopération ainsi qu'une étude concernant la base technologique et industrielle suisse. Il est également prévu d'associer l'industrie et la Commission de l'armement aux travaux et d'assurer un accompagnement scientifique.

Par conséquent, les réponses que donne ci-après le Conseil fédéral aux questions complémentaires de la CdG-N figurent dans différents documents interdépendants.

Des informations complémentaires
peuvent être tirées de ces documents (notamment de la stratégie du Conseil fédéral pour le DDPS en matière d'acquisitions).

Parallèlement à ces différents documents, «armasuisse» a élaboré, dans le cadre de sa réorganisation, sa propre stratégie d'entreprise et a redéfini la gestion de la qualité. Ces mesures ont globalement amélioré et profondément transformé les processus d'acquisition d'armement et le traitement des affaires compensatoires et contribuent donc à la mise en oeuvre des recommandations de la CdG-N.

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2

Avis du Conseil fédéral au sujet des recommandations

2.1

Ad recommandation 1: «stratégie en matière d'acquisition d'armement»

Le Conseil fédéral a élaboré une nouvelle stratégie qui fixe le cadre concret des acquisitions par le DDPS, pour l'ensemble du département. La transparence des décisions d'acquisition en est durablement améliorée pour l'ensemble des groupes d'exigences. Il ne s'agit toutefois pas d'une stratégie au sens strict, en raison de l'organisation des acquisitions au sein du DDPS: les décisions véritablement stratégiques concernant la nature et les modalités des acquisitions sont arrêtées en amont (notamment dans le Masterplan de l'armée et dans la convention TUNE+ conclue entre le domaine Défense et «armasuisse»). En d'autres termes, la stratégie en matière d'acquisitions pour le DDPS est en premier lieu une stratégie visant à assurer la transparence des acquisitions au DDPS.

Les besoins de l'armée sont le point de départ des acquisitions. Les systèmes, biens et prestations de services doivent être acquis dans le respect du principe de la concurrence et de la rentabilité, conformément au droit des marchés publics. Les exceptions doivent être motivées aussi objectivement que possible.

Les projets doivent fondamentalement être examinés sur l'ensemble du cycle de vie ou de la durée d'utilisation. Les exceptions au principe ci-dessus peuvent être se justifier par la capacité d'intégration de nouveaux produits dans des systèmes en service, l'interopérabilité, la garantie de la disponibilité de la base industrielle indispensable pour la défense nationale et de la capacité de montée en puissance militaire, la sauvegarde des capacités-clés technologiques et industrielles de la Suisse et la garantie de la sécurité en général.

Il importe, par ailleurs, de faire une distinction entre les acquisitions initiales et les acquisitions subséquentes. L'établissement d'une typologie des biens à acquérir permet de hiérarchiser en l'espèce les objectifs et les acquisitions. De cette manière, le nombre de systèmes, biens et prestations de services régis par des dispositions spéciales (notamment par l'OMP; RS 172.056.11) est fortement réduit et la transparence est notablement améliorée pour tous les groupes d'exigences. La stratégie indique également l'orientation concrète à donner à la la gestion des acquisitions chez «armasuisse» afin d'agir avec la plus grande efficacité sur les différents marchés.

L'établissement d'une
liste des interdictions d'importation de matériel en provenance de certains pays ne paraît pas adéquat dans le cadre de la stratégie, en raison du caractère provisoire d'une telle liste. Les éventuelles acquisitions dans des pays problématiques du point de vue politique nécessitent des décisions au cas par cas, auxquelles le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) et le domaine de la politique de sécurité du DDPS doivent être associés. Les listes des interdictions d'exportation contiennent également des indications importantes pour les responsables des acquisitions.

La définition concrète des technologies et des domaines industriels de grande importance stratégique à l'avenir pour la sauvegarde de la base technologique et industrielle importante pour la politique de sécurité et d'armement de la Suisse sera élaborée avant la fin 2010 dans le cadre d'une analyse de la base technologique et industrielle suisse. Pendant la période transitoire, les bases décisionnelles seront 2577

définies au cas par cas avec le domaine Défense (notamment dans le cadre du Masterplan).

2.2

Ad recommandation 2: «stratégie explicite en matière de procédure d'acquisition tenant compte de stratégies différenciées par groupes de produits»

La nouvelle stratégie d'acquisition pour le DDPS met en oeuvre une stratégie par groupes de produits, dans la mesure où cela est possible dans le contexte des marchés publics des armements. Les acquisitions ont été classées dans cinq catégories, pour lesquelles des conditions-cadres ont été fixées afin de garantir la transparence de la gestion des acquisitions par «armasuisse».

Pour ce faire, on distingue les biens civils des biens militaires et les acquisitions initiales des acquisitions subséquentes. De plus, les gros volumes ont été regroupés dans un domaine où le marché est plus concurrentiel par rapport aux autres acquisitions.

De cette manière, la stratégie est transparente en ce qui concerne les principales distinctions faites entre les biens et les prestations de services, et elle donne des indications claires en vue de la future gestion des acquisitions au DDPS. Toutefois, la nature civile ou militaire des biens à double usage reste sujette à interprétation.

Vu la base industrielle limitée dont dispose la Suisse et la nécessité de sauvegarder à long terme la valeur de systèmes complexes et onéreux, les relations monopolistiques avec les fournisseurs ne pourront jamais être totalement exclues. La plupart des situations de monopole apparaissent lors d'acquisitions subséquentes pour des systèmes en service. Le nombre de fournisseurs possibles est limité par la capacité d'intégration dans les systèmes en service, qui oblige souvent à recourir au fournisseur du système initial. Pour les systèmes très complexes, dont la durée d'utilisation dépasse parfois 30 ans, cette approche est quasiment indispensable pour garantir la rentabilité de l'ensemble de l'acquisition (acquisition initiale et acquisition subséquente) et la protection de la propriété intellectuelle. Le Conseil fédéral et le DDPS sont conscients de cette situation, c'est pourquoi la stratégie en matière d'acquisitions du Conseil fédéral pour le DDPS règle concrètement les modalités des acquisitions subséquentes. Le principe de la concurrence est respecté.

L'approche classique d'une stratégie d'acquisition par groupes de produits selon la loi de Pareto (règle des 80/20 %), avec des niveaux de risques différents et des groupes de produits homogènes, n'est pas applicable à la stratégie d'acquisition du Conseil fédéral pour le DDPS. En
effet, la plupart des systèmes concernés sont très complexes et ne sont offerts que par un petit nombre d'entreprises, voire fabriqués spécialement pour «armasuisse». Par conséquent, la classification retenue est plus judicieuse, car elle représente mieux la philosophie d'une stratégie de groupes de produits (origine locale/nationale ou mondiale, allocation des ressources). Il est ainsi tenu compte des différences d'importance stratégique et de la complexité des systèmes, des biens et des prestations de services.

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2.3

Ad recommandation 4: «statistique des acquisitions»

Avec la nouvelle stratégie en matière d'acquisitions pour le DDPS, le Conseil fédéral met indubitablement en oeuvre le principe de la saisie statistique des acquisitions et de leur contrôle de gestion systématique. Par ailleurs, des efforts accrus sont entrepris pour analyser systématiquement la structure du marché et des fournisseurs.

Dans le cadre de la réorganisation d'«armasuisse» et de la réduction à deux du nombre d'organes compétents pour les marchés publics de la Confédération, les conditions nécessaires à l'établissement d'une statistique des acquisitions ont été mises en place, notamment avec l'introduction du code CPV. Les premiers résultats sont attendus au début de 2011.

2.4

Ad recommandation 5: «transparence des procédures et des critères d'évaluation»

La stratégie d'acquisitions pour le DDPS, conçue pour garantir la traçabilité des différentes étapes et des décisions, accroît durablement la transparence de la procédure. Ainsi, les critères d'évaluation ou leur pondération ne pourront être modifiés que dans des cas exceptionnels, pour autant que tous les soumissionnaires en aient été informés en temps utile et donnent leur accord.

Inversement, la fixation systématique des critères d'évaluation ou d'appréciation dans le cadre d'une stratégie n'est guère possible, d'une part en raison des dispositions générales de la LMP et de son ordonnance, d'autre part, en raison de la nécessité de concrétiser en l'espèce les différents critères.

De plus, le projet de politique d'armement du Conseil fédéral contient des indications concrètes au sujet de la future politique d'information du DDPS, qui devra être aussi précoce et transparente que possible et intégrer l'industrie, les organisations de la branche, les groupes d'intérêts, le Parlement et ses commissions. Ouvert le 1er janvier 2010 à Berne, le bureau des affaires compensatoires, mis sur pied et financé en partenariat par l'administration, les organisations de la branche et les entreprises intéressées, jouera un rôle important dans ce contexte.

Les contacts réguliers entre l'industrie (considérée dans son ensemble) et «armasuisse» et, d'autre part, le compte rendu régulier, plus systématique, aux Commissions de la politique de sécurité des deux conseils se sont révélés positifs.

2.5

Ad recommandations 7 et 8: «prise en considération de la dimension des coûts»

Les deux recommandations concernent la dimension des coûts lors de l'élaboration des cahiers des charges et de l'évaluation, de même qu'au niveau de la conduite et du contrôle de gestion. Il est incontesté que les coûts liés au cycle de vie (ou à la durée d'utilisation) sont bien plus importants que les coûts d'acquisition proprement dits. Par conséquent, l'importance des coûts du cycle de vie est relevée tant dans la la politique d'armement remaniée que dans la nouvelle stratégie d'acquisition pour le DDPS. Les premiers effets concrets sont visibles dans les cahiers des charges pour 2579

l'évaluation de nouveaux projets d'acquisition et dans l'examen des résultats d'évaluations actuels (par ex. remplacement partiel du Tiger TTE).

«armasuisse» introduit cet aspect dans sa nouvelle stratégie d'entreprise; le contrôle de gestion concret est une composante du système de conduite remanié, lui-même certifié ISO. Parallèlement, le domaine Défense développe un compte des coûts/prestations, mis en place par étapes depuis le 1er janvier 2007 dans le cadre du NMC. Ce nouvel instrument permettra, à l'avenir, de saisir de manière détaillée les coûts pendant la phase d'exploitation et, ainsi, de combler une importante lacune d'information. Ces deux nouveautés, au niveau des acquisitions et de l'utilisation, amélioreront la transparence des coûts liés au cycle de vie.

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