10.060 Message relatif à l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» du 23 juin 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. Nous vous soumettons en même temps un projet de loi sur l'imposition de la propriété privée du logement en tant que contre-projet indirect, en vous proposant de l'adopter.

Par ailleurs, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2005 M 05.3864

Moins de dettes pour les personnes âgées. Nouveau système d'imposition de la valeur locative (E 20.06.06, Kuprecht; N 25.09.07)

2009 M 09.3014

Plus d'efficacité et d'efficience des déductions fiscales en matière d'assainissement énergétique des bâtiments (E 19.03.09 Commission de l'économie et des redevances CE; N 11.06.09)

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 juin 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1331

4841

Condensé Le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» au motif que l'introduction d'un droit d'option irrévocable réservé aux ménages de retraités propriétaires de leur logement entraînerait une inégalité de traitement entre les générations impossible à justifier objectivement. Il lui oppose un contre-projet indirect qui prévoit la suppression de l'imposition de la valeur locative pour tous les propriétaires. Le droit fiscal s'en trouve simplifié dans un domaine capital.

Déposée le 23 janvier 2009, l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» veut accorder aux retraités un droit d'option irrévocable à la non-imposition de la valeur locative. En contrepartie, les intérêts passifs grevant le logement ne seraient plus déductibles. En revanche, resteraient entièrement déductibles les frais d'entretien annuels jusqu'à hauteur de 4000 francs et le coût des mesures en faveur des économies d'énergie, de la protection de l'environnement et de la restauration des monuments historiques.

Le Conseil fédéral est opposé à l'initiative populaire: il rejette une exonération facultative de l'imposition de la valeur locative réservée aux retraités. Une telle mesure entraînerait une inégalité de traitement objectivement injustifiée par rapport aux propriétaires de logements qui n'ont pas atteint l'âge de la retraite et aux locataires qui ne bénéficient pas de cette option. Il n'y a pas non plus nécessité immédiate de prendre des mesures en faveur des retraités qui ne sont, en général, pas défavorisés économiquement par rapport aux personnes qui exercent une activité lucrative.

L'introduction d'un droit d'option conduirait à des distorsions et compliquerait inutilement le droit fiscal. La charge administrative liée à la mise en oeuvre de l'initiative populaire ne doit pas être sous-estimée. Les effets de l'initiative ne sont pas convaincants non plus: la liberté d'opter pour la non-imposition de la valeur locative après l'âge de la retraite équivaudrait essentiellement à privilégier les ménages de retraités à l'aise financièrement, qui ont déjà remboursé leur dette hypothécaire pendant leur activité lucrative ou qui disposent de moyens financiers suffisants pour le faire pendant leur retraite. Enfin, du fait que l'initiative est axée sur les propriétaires
retraités et que le changement de système est de surcroît facultatif, elle ne permettrait guère de répondre systématiquement au problème fondamental du système actuel d'imposition de la valeur locative, à savoir que celui-ci n'incite guère à amortir les dettes hypothécaires.

En revanche, un changement général de système permettra des gains d'efficacité substantiels dans le domaine des frais d'exécution et des simplifications dans un domaine capital de la fiscalité. L'imposition de la valeur locative et la détermination des déductions relatives au logement compliquent la procédure de taxation tant pour les propriétaires que pour les autorités de taxation. Les uns comme les autres profiteront des effets de la simplification. La valeur locative est par ailleurs une question qui reste d'actualité dans les débats politiques.

4842

Le premier contre-projet indirect proposé par le Conseil fédéral a été rejeté en majorité lors de la consultation. De même, l'avis de droit demandé a conclu à l'inconstitutionnalité de l'impôt cantonal proposé sur les résidences secondaires. Le Conseil fédéral maintient cependant la suppression de l'imposition de la valeur locative pour simplifier le droit fiscal. Le contre-projet indirect modifié après la consultation est conçu de la manière suivante: la suppression de l'imposition de la valeur locative entraînera la suppression de la déduction des frais d'entretien, des primes d'assurance et des frais d`administration par des tiers. Les mesures servant à économiser l'énergie et à préserver l'environnement seront déductibles si elles respectent des exigences énergétiques et écologiques concrètes. Par rapport au droit actuel, il n'y a aucun changement pour les travaux de restauration des monuments historiques. En revanche, la déduction des intérêts passifs privés sera subordonnée à la condition que ces frais servent à générer un produit imposable de la fortune. En l'occurrence, ils seront déductibles à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune. Seules les personnes qui achèteront pour la première fois un logement en Suisse auront droit à une déduction plafonnée et limitée dans le temps des intérêts passifs afférents à cette acquisition. L'introduction d'un impôt cantonal sur les résidences secondaires est abandonnée. Les cantons pourront cependant introduire un impôt d'attribution des coûts, afin de compenser au moins une partie de la diminution de leurs recettes résultant de la suppression de l'imposition de la valeur locative sur les résidences secondaires.

Pour l'impôt fédéral direct, l'ensemble des mesures du contre-projet devrait se solder en fin de compte par une augmentation des recettes pouvant atteindre 85 millions de francs sur la base des données de la période fiscale 2008 et compte tenu des adaptations auxquelles il faut s'attendre de la part des contribuables. Etant donné qu'il s'agit du résultat de diverses estimations, cette augmentation peut être considérée comme pratiquement négligeable. Le présent contre-projet indirect constitue une proposition concrète de mise en oeuvre de la motion Kuprecht (05.3864) qui a été transmise par le Parlement.

4843

Table des matières Condensé

4842

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

4846 4846 4847 4847

2 Raisons du dépôt de l'initiative

4847

3 But et contenu de l'initiative

4850

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Des mesures ne s'imposent pas 4.2 Effets 4.3 Principe de l'égalité 4.4 Difficultés de mise en oeuvre

4850 4850 4852 4853 4854

5 Conclusions

4854

6 Contre-projet indirect 6.1 Changement de système 6.1.1 Résultats de la consultation 6.2 Contenu du présent contre-projet 6.2.1 Appréciation du présent contre-projet 6.2.2 Classement d'interventions parlementaires

4855 4855 4856 4857 4857 4859

7 Commentaire des articles du contre-projet indirect 7.1 Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct 7.2 Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) 7.3 Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC)

4859 4859 4866 4867

8 Conséquences du contre-projet indirect 8.1 Conséquences pour la Confédération 8.2 Conséquences pour les cantons et les communes 8.3 Conséquences économiques

4867 4867 4868 4869

9 Aspects juridiques du contre-projet indirect 9.1 Constitutionnalité et légalité 9.1.1 Généralités 9.1.2 Imposition de la propriété privée du logement 9.1.3 Intérêts passifs 9.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 9.3 Frein aux dépenses

4871 4871 4871 4872 4872 4874 4874

4844

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» (Projet)

4875

Loi fédérale sur l'imposition de la propriété privée du logement (Imposition de la propriété du logement) (Projet)

4877

4845

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

Le 23 janvier 2009, l'Association suisse des propriétaires fonciers (HEV) a déposé une initiative populaire sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces intitulée «Sécurité du logement à la retraite».

1.1

Texte de l'initiative

Le texte de l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» est le suivant: I La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 108b (nouveau)

Mesures fiscales d'encouragement de la propriété du logement

La Confédération et les cantons prennent des mesures fiscales efficaces pour encourager la propriété du logement à usage personnel et garantir son maintien.

1

2 A cet effet, ils aménagent notamment le régime des impôts directs de la manière suivante:

1

a.

lorsqu'ils ont atteint l'âge à partir duquel ils ont droit à une rente de vieillesse en vertu de la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants, les propriétaires d'un logement destiné à leur usage personnel ont la possibilité de décider à titre définitif que la valeur locative propre de ce logement ne sera plus soumise à l'impôt sur le revenu à leur lieu de domicile;

b.

s'ils optent pour cette possibilité, les intérêts passifs liés à ce logement, les primes d'assurances et les frais d'administration ne sont plus déductibles du revenu imposable; les frais d'entretien sont déductibles à concurrence de 4000 francs par an, montant que la Confédération adapte périodiquement au renchérissement; les frais liés aux mesures d'économie d'énergie et de protection de l'environnement et des monuments historiques sont entièrement déductibles du revenu imposable.

RS 101

4846

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau) 8. Disposition transitoire ad art. 108b (Mesures fiscales d'encouragement de la propriété du logement) La Confédération et les cantons édictent les dispositions législatives nécessaires. Si celles-ci n'entrent pas en vigueur dans les cinq ans à compter de l'acceptation de l'art. 108b par le peuple et les cantons, l'art. 108b s'appliquera directement.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

Par décision du 17 février 2009, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire déposée le 23 janvier 2009 avait abouti avec 111 861 signatures valables2.

Conformément à l'art. 97, al. 1, de la loi du 13 septembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (LParl)3, le Conseil fédéral a jusqu'au 23 janvier 2010 pour élaborer un message et un projet d'arrêté fédéral. Aux termes de l'art. 97, al. 2, LParl, ce délai est prolongé jusqu'au 23 juillet 2010 si le Conseil fédéral soumet en même temps un contre-projet au Parlement. En vertu de l'art. 100 LParl., l'Assemblée fédérale a jusqu'au 23 juillet 2011 pour statuer sur l'initiative populaire.

1.3

Validité

L'initiative populaire remplit les conditions de validité de l'art. 139, al. 2, de la Constitution (Cst.)4 puisqu'elle est conçue comme un projet rédigé de toute pièces.

Elle respecte les critères de l'unité de la forme et de l'unité de la matière. Elle ne viole aucune prescription impérative du droit international. L'initiative est donc valable.

2

Raisons du dépôt de l'initiative

La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)5 et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)6 prévoient l'une et l'autre que la valeur locative d'un immeuble habité par son propriétaire (valeur locative) est imposable en tant que revenu en nature.

La valeur locative est imposée depuis l'introduction de l'impôt fédéral direct. Dans le premier commentaire de l'impôt sur la défense nationale, on peut lire que «le loyer d'un immeuble ou d'un appartement destiné à l'usage personnel du proprié2 3 4 5 6

FF 2009 1163 RS 171.10 RS 101 RS 642.11 RS 642.14

4847

taire fait toujours partie du revenu imposable. Ce revenu est constitué du montant que le propriétaire ou l'usufruitier devrait dépenser pour louer un objet analogue»7.

La LIFD a repris cette réglementation: l'art. 21, al. 1, let. b, LIFD dispose en effet que «la valeur locative des immeubles ou des parties d'immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit» fait partie des revenus imposables de la fortune immobilière. Dans les cantons aussi, l'usage d'immeubles réservé au propriétaire fait partie des revenus imposables (art. 7, al. 1, LHID).

La LIFD prévoit en outre que sont prises en considération, lors de la fixation de la valeur locative, non seulement les conditions locales usuelles mais également l'utilisation effective par le contribuable. Si on se trouve face à des possibilités d'utilisation trop grandes, qui existent certes de manière objective, mais ne sont pas mises en pratique d'un point de vue subjectif en raison de la situation réelle (p. ex.

après le départ des enfants de la maison familiale), une déduction pour sousutilisation est accordée, qui réduit la valeur locative. Près de la moitié des cantons prévoient des dispositions semblables relatives à la sous-utilisation.

Quelques cantons (ZH, LU, GR, VD, GE) appliquent en plus une réglementation pour les cas de rigueur qui vise à alléger la charge des propriétaires pour lesquels la valeur locative imposable est supérieure à un certain pourcentage de l'ensemble des revenus imposables. Du point de vue de leur fonction, ces règlementations équivalent à une remise anticipée de l'impôt.

Dans tous les cantons, le contribuable peut demander la remise de l'impôt à condition de remplir les conditions nécessaires. La remise ne relève pas de la taxation, mais de la perception de l'impôt. Elle ne peut intervenir que lorsque la taxation est terminée et que la fixation de l'impôt est entrée en force.

Pendant plusieurs décennies, le principe de l'imposition de la valeur locative n'a pas été contesté. Dans le rapport de 1994 d'une commission d'experts intitulé «Bericht der Expertenkommission zur Prüfung des Einsatzes des Steuerrechts für wohnungsund bodenpolitische Ziele», les experts ont repris la doctrine dominante sur cette question. Ils ont souligné
que le système fédéral et cantonal actuel de l'imposition de la valeur locative, qui prévoit la déductibilité des intérêts passifs et des frais d'entretien et n'admet pas de déduction pour le loyer, était foncièrement correct du point de vue du droit fiscal et garantissait une imposition équitable. En vertu du principe de la capacité économique et pour des raisons fiscales, ont-ils ajouté, la valeur locative devrait correspondre au prix du marché. Ils ont indiqué encore qu'un tel abattement (jusqu'à 30 % selon le Tribunal fédéral) pouvait se défendre en tant qu'instrument d'encouragement à la propriété du logement, mais uniquement s'il portait sur l'acquisition d'une première propriété.8 Depuis lors, le système d'imposition de la valeur locative a été de plus en plus remis en question; en particulier, on s'est interrogé sur le sens et le but de l'imposition d'un revenu considéré comme «fictif» par de larges milieux de la population. Le malaise entourant ce système a débouché sur le dépôt de l'initiative populaire «Pro7 8

Perret, Charles/Grosheintz, Pierre, 1941, Kommentar zur eidgenössischen Wehrsteuer, Zürich, p. 59.

Bericht der Expertenkommission zur Prüfung des Einsatzes des Steuerrechts für wohnungs- und bodenpolitische Ziele,1994, remis au Département fédéral des finances, Berne p. 50.

4848

priété du logement pour tous». Le 7 février 1999, cette initiative a cependant été rejetée en votation populaire à une nette majorité de 58,7 %.9 Le changement du système d'imposition de la propriété du logement aurait dû être opéré dans le cadre du train de mesures fiscales 2001 (loi fédérale du 20 juin 2003 sur la modification d'actes concernant l'imposition du couple et de la famille, l'imposition du logement et les droits de timbre).10 Pour ce qui est des déductions pour les frais d'entretien, le Parlement est allé bien au-delà des valeurs proposées dans le message du Conseil fédéral. Ce train de mesures fiscales a été rejeté à une nette majorité (65,9 %) lors de la votation populaire du 16 mai 2004.11 Depuis lors, plusieurs interventions et initiatives parlementaires ont été déposées pour remettre un changement du système d'imposition de la valeur locative sur les rails.

­

Le Parlement a transmis la motion du conseiller aux Etats Alex Kuprecht (05.3864) le 25 septembre 2007. Cette motion demande la suppression de l'imposition de la valeur locative. Les intérêts passifs et les frais d'entretien resteraient déductibles, mais dans une mesure limitée.

­

L'initiative parlementaire déposée par la conseillère nationale Kathy Riklin le 19 décembre 2008 (08.527) préconise elle aussi la suppression de la valeur locative imposable, mais les intérêts passifs sur les logements à usage personnel ne seraient plus déductibles. Exceptions: déduction dégressive de l'intérêt hypothécaire durant les dix premières années qui suivent la première acquisition d'un logement à usage personnel et déduction d'un montant forfaitaire modéré au titre des frais d'entretien. Cette initiative parlementaire se trouve au stade de l'examen préliminaire.

­

Le 19 mars 2009, la conseillère aux Etats Simonetta Sommaruga et le conseiller aux Etats Rolf Schweiger ont déposé deux motions identiques (09.3213 et 09.3215) qui demandent elles aussi un changement de système.

La valeur locative imposable serait supprimée et les déductions (intérêts hypothécaires, frais d'entretien, primes d'assurance et frais d'administration par des tiers) le seraient également, à l'exception de la déduction du coût des travaux d'assainissement permettant d'améliorer largement l'efficacité énergétique du bâtiment et de la déduction des intérêts hypothécaires pour un certain nombre d'années (non précisé) suivant l'acquisition du logement. Au cours de la session d'été 2009, le Conseil des Etats a chargé la CER-E de procéder à un examen préliminaire de ces deux interventions. Etant donné que, dans l'intervalle, le Conseil fédéral avait élaboré et mis en consultation un contre-projet indirect, la Commission précitée a décidé, le 23 février 2010, de suspendre l'examen de ces deux motions.

L'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite» s'inscrit dans ce contexte.

Du point de vue de son contenu, il s'agit également d'un changement de système, mais qui est limité aux contribuables qui ont atteint l'âge de l'AVS et conçu sous la forme d'un droit d'option facultatif mais irrévocable pour ces contribuables.

9 10 11

FF 1999 2675 FF 2003 4042 FF 2004 3727

4849

3

But et contenu de l'initiative

La critique du comité d'initiative porte sur l'imposition de la valeur locative. Le comité considère cette imposition comme injuste parce qu'elle pénaliserait les retraités qui ont remboursé leurs hypothèques et qui doivent vivre avec un revenu plus modeste que lorsqu'ils exerçaient leur activité lucrative. A ses yeux, l'initiative populaire doit contribuer à revivifier le mandat constitutionnel d'encouragement de l'accession à la propriété du logement datant de 1972, lequel est aussi basé sur l'idée de la prévoyance vieillesse: la propriété du logement constitue une épargne judicieuse pour la vieillesse et doit permettre d'habiter un logement à bon compte pendant la retraite. La propriété d'un logement franc de toute dette serait le meilleur moyen d'atteindre cet objectif. C'est pourquoi il faut encourager la propriété à long terme franche de dettes, et encourager du même coup le remboursement responsable de la dette hypothécaire, plutôt que de favoriser l'endettement des propriétaires de leur logement. Pour le comité d'initiative, ceux qui ont remboursé leurs hypothèques ne doivent pas être pénalisés fiscalement. Leur initiative en tient compte en encourageant le remboursement des hypothèques jusqu'à l'âge de la retraite et favorise ainsi durablement la propriété du logement franche de dette pour la retraite. Etant donné que la dette hypothécaire de la population suisse dépasse 600 milliards de francs, l'initiative populaire, indiquent-ils, renforcerait en outre la stabilité économique.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Des mesures ne s'imposent pas

Le système actuel de l'imposition de la valeur locative se caractérise par le fait que la valeur locative imposable est nettement inférieure à la valeur du marché, le but étant de promouvoir la propriété du logement tout en respectant la jurisprudence du Tribunal fédéral. Face à ces valeurs locatives réduites, on trouve toute une série de dépenses entièrement déductibles: les frais d'entretien, les primes d'assurance, les frais d'administration par des tiers et les intérêts passifs. Ces derniers sont soumis à une restriction, la déduction des intérêts passifs privés étant plafonnée à un niveau équivalant au rendement de la fortune augmenté de 50 000 francs. Le droit fiscal est donc sensiblement favorable à la propriété du logement dans les cas où le compte immobilier est négatif, c'est-à-dire lorsque les frais déductibles liés à la propriété sont supérieurs à la valeur locative. Le Parlement élargira encore la déduction des frais d'entretien dans le cadre de l'abolition de la pratique Dumont en admettant également, à partir du 1er janvier 2010 pour l'impôt fédéral direct, et du 1er janvier 2012 au plus tard pour les impôts cantonaux, la déduction, pendant les cinq années suivant l'acquisition du bien, des frais de remise en état (encourus peu après l'acquisition) d'un immeuble dont l'entretien a été négligé.

En fin de compte, l'investissement dans l'acquisition de la propriété d'un logement à usage personnel est imposé plus favorablement que d'autres placements. De plus, toutes les comparaisons de la charge fiscale des contribuables qui disposent des fonds propres leur permettant de choisir entre être locataire ou être propriétaire montrent que la charge fiscale directe (impôts sur le revenu et sur la fortune y com-

4850

pris une éventuelle taxe foncière) pesant sur les propriétaires est nettement inférieure.12 L'encouragement fiscal de la propriété du logement concerne en premier lieu les propriétaires financièrement aisés qui peuvent combiner de manière adéquate leurs instruments de placement avec leur endettement. L'avantage fiscal augmente en effet en fonction de la différence entre le rendement des placements et les taux d'intérêts hypothécaires. D'une manière générale, le système d'imposition actuel n'incite pas à amortir les dettes hypothécaires. Il offre plusieurs possibilités de planification fiscale avantageuse aux personnes qui disposent de suffisamment de fonds pour renoncer à amortir leur dette et placer leurs fonds d'une manière plus rentable. En particulier, l'amortissement indirect au moyen du pilier 3a peut se révéler particulièrement favorable d'un point de vue fiscal.

Il n'y a pas de nécessité immédiate de prendre des mesures en faveur des retraités visés par l'initiative populaire. Tant les données disponibles sur le revenu imposable que les études sur la répartition de la prospérité et sur les successions en Suisse ne font état d'aucune situation de détresse financière dans le groupe des rentiers qui sont propriétaires de leur logement. Ce point de vue est conforté par une étude genevoise commandée par l'Office fédéral des assurances sociales et publiée récemment.13 Selon cette étude, la grande majorité des rentiers se portent bien d'un point de vue financier. Seul un très petit nombre d'entre eux (environ 6 %, contre 8,9 % pour les 18 à 59 ans) sont en situation de pauvreté. D'après cette enquête, près d'un couple de retraités sur cinq possède une fortune brute supérieure à un million de francs.

Sur la base des données de l'impôt fédéral direct du canton de Berne (année fiscale 2005), 52 % des propriétaires qui exercent une activité lucrative déclarent une valeur locative nette négative, contre 20 % seulement des ménages de retraités. Pour 80 % des ménages de retraités, la valeur locative est donc plus élevée que les intérêts passifs et les frais d'entretien déductibles (valeur locative nette positive). Cela signifie que dans le système actuel de l'imposition de la valeur locative la charge d'impôt n'est réduite substantiellement que pour une petite partie des rentiers. En outre, les chiffres
du canton de Berne montrent que la valeur locative nette positive des rentiers propriétaires de leur logement est égale en moyenne à 12 % seulement du revenu imposable. Des cas de rigueur ne sont certainement pas exclus, mais ils ne concernent pas uniquement les retraités (pour ce qui est des règles cantonales pour les cas de rigueur, cf. ch. 2).

Enfin, il faut rappeler que la charge des intérêts diminue avec l'amortissement des hypothèques si bien que la capacité économique augmente, et par conséquent la charge fiscale aussi. Ce mécanisme affecte de la même manière tous les contribuables qui amortissent leurs hypothèques. L'introduction d'une exonération facultative de l'imposition de la valeur locative pour les retraités serait particulièrement choquante en ce sens que ces personnes ont pu déduire leurs frais de financement pendant des décennies. Les conséquences fiscales restent minimes si le contribuable utilise des avoirs qui rapportent des intérêts pour amortir l'hypothèque, car la diminution des rendements imposables va de pair avec la diminution des intérêts hypo12 13

Cf. exemples chiffrés dans le message sur le train de mesures fiscales 2001 du 28 février 2001, FF 2001 2881.

Wanner, Philippe/Gabadinho, Alexis, La situation économique des actifs et des retraités, dans: Aspects de la sécurité sociale, no 1/2008.

4851

thécaires. La charge fiscale n'augmente que si les avoirs servant à amortir l'hypothèque n'ont pas produit de rendements imposables jusqu'alors. Mais dans un cas comme dans l'autre, la capacité économique a augmenté en fonction de l'amortissement.

4.2

Effets

Le libre choix de la non-imposition de la valeur locative que l'initiative propose pour les retraités propriétaires constitue principalement un avantage réservé aux ménages de retraités financièrement aisés qui ont amorti leur dette hypothécaire pendant leur activité lucrative ou qui disposent de suffisamment de ressources financières pour le faire pendant leur retraite. En exerçant le droit d'option (plus de valeur locative, pas de dette hypothécaire), ils optimisent leur charge fiscale. Ils peuvent en effet renoncer à l'imposition de la valeur locative et se passer de la déduction des intérêts passifs si la majeure partie de la dette est amortie à l'âge de la retraite et si la déduction des intérêts passifs n'a fiscalement plus d'importance parce qu'il n'y a plus de frais de financement. Etant donné que le droit d'option peut être exercé n'importe quand à partir de l'âge de la retraite, il est en outre possible de procéder à des déductions pour des travaux d'entretien importants qui dépassent de loin le maximum de 4000 francs par an prévu par l'initiative et d'exercer ensuite le droit d'option. L'acceptation de l'initiative ouvrirait donc de nombreuses possibilités d'optimisation fiscale et entraînerait une diminution du produit de l'impôt tant pour la Confédération que pour les cantons. Pour l'impôt fédéral direct, cette diminution est estimée à quelque 200 millions de francs par an; elle ne peut pas être estimée pour les impôts cantonaux, vu l'absence de données statistiques. Extrapolés pour l'ensemble de la Suisse sur la base des données du canton de Berne pour l'année fiscale 2005, les calculs, qui ne portent que sur l'impôt fédéral direct, montrent que l'exercice du droit d'option serait fiscalement avantageux pour 86 % des ménages de retraités qui paient l'impôt fédéral direct, ce qui représente environ 440 000 contribuables.

L'introduction d'un droit d'option réservé aux ménages de retraités propriétaires de leur logement constitue bien une incitation à amortir, jusqu'à l'âge de la retraite AVS, l'emprunt contracté pour financer l'acquisition de la propriété du logement afin de mettre à profit les avantages du changement de système en cas de propriété sans dette. Etant donné que l'initiative n'est axée que sur les propriétaires âgés et que le changement de système est en outre facultatif,
il ne sera guère possible de traiter systématiquement la faible incitation à amortir les dettes hypothécaires, problème fondamental du système actuel d'imposition de la valeur locative.

De plus, l'acceptation de cette initiative ne permettrait plus de procéder ultérieurement, au niveau de la loi, à un changement général du système d'imposition de la valeur locative (suppression obligatoire de la valeur locative pour tous les propriétaires avec en contrepartie la suppression ou une forte diminution du nombre des déductions liées à la propriété du logement). Etant donné que l'initiative prévoit une disposition constitutionnelle précisant concrètement les déductions qui restent possibles après l'exercice du droit d'option, une révision ultérieure de la Constitution en vue d'établir l'égalité de droit entre tous les propriétaires de logement serait indispensable. Le texte de l'initiative prévoit en effet que la suppression de la valeur locative entraîne la suppression de la déduction des intérêts passifs afférents au 4852

logement à usage personnel ainsi que des primes d'assurance et des frais d'administration par des tiers. Toutefois, le coût des mesures d'économie d'énergie, de protection de l'environnement et de protection des monuments historiques, ainsi que les frais d'entretien jusqu'à concurrence de 4000 francs, resteraient déductibles. Suivant les valeurs de référence qui seraient choisies pour un changement global de système, il y aurait des divergences avec celles de l'initiative populaire qu'il s'agirait d'éliminer pour des raisons d'égalité de traitement. La mise en oeuvre d'une telle entreprise est plus lourde, en raison du référendum obligatoire, (majorité du peuple et des cantons) qu'une révision de la loi sujette au référendum facultatif (majorité du peuple).

4.3

Principe de l'égalité

L'objectif constitutionnel de l'encouragement de l'accession à la propriété du logement tel qu'il est préconisé par l'initiative entre en concurrence avec d'autres normes constitutionnelles de même rang comme le principe de l'égalité. Il y a une certaine antinomie entre deux objectifs constitutionnels, le maintien de la propriété et le principe de l'égalité. Par définition, tout encouragement d'un groupe spécifique (dans le cas présent les retraités propriétaires de leur logement) désavantage tous les groupes qui ne bénéficient pas de cet encouragement (dans le cas présent les locataires, qu'ils soient retraités ou non, et les propriétaires de logements qui ne sont pas encore retraités). Dans ce contexte, on peut se demander si l'institution d'un droit d'option général à la suppression de l'imposition de la valeur locative pour les retraités viole le principe de l'égalité par rapport à tous ces autres groupes. Ce principe n'est pas respecté par rapport aux locataires si le droit d'option est exercé et si les frais d'entretien peuvent quand même être déduits à concurrence de 4000 francs (voire de manière illimitée pour l'ensemble des mesures d'économie d'énergie, de protection de l'environnement ou de protection des monuments historiques), comme l'initiative le prévoit.

Lorsque la Constitution confie à la Confédération le mandat d'encourager l'accession à la propriété du logement, ce mandat implique l'institution de conditions avantageuses pour l'ensemble de la population. C'est pourquoi les mesures fondées sur l'art. 108 Cst. doivent profiter à toutes les personnes qui veulent acquérir la propriété de leur logement et non pas à un groupe déterminé de personnes. En l'occurrence, l'initiative ne préconise pas une mesure d'encouragement général, mais une mesure qui avantage expressément un groupe déterminé de propriétaires, et parmi ceux-ci, des personnes qui sont propriétaires de leur logement depuis longtemps.

La renonciation à l'imposition de la valeur locative est irrévocable. Si la situation financière d'un retraité, qui a renoncé à l'imposition de la valeur locative, change, par exemple parce qu'il doit conclure une hypothèque pour financer des travaux de rénovation urgents, il n'a aucun moyen de revenir sur sa décision. Cela peut avoir pour conséquence qu'il sera imposé inégalement par rapport à un retraité dans la même situation financière qui n'a pas exercé son droit d'option, car il ne pourra plus déduire ses nouveaux intérêts passifs.

4853

4.4

Difficultés de mise en oeuvre

L'examen de la mise en oeuvre montre que l'initiative populaire ne contribue en rien à la simplification du droit fiscal. Dans une procédure de masse telle que la procédure de taxation, l'introduction d'un droit d'option pose toujours des problèmes et entraîne une augmentation de la charge administrative.

La suppression de la déduction des intérêts passifs grevant le logement en cas d'exercice du droit d'option introduit une réglementation spéciale dans le cadre du traitement des intérêts passifs privés et, par conséquent, suscite des problèmes de délimitation. En cas d'application de la méthode objective, seuls doivent être exclus les intérêts passifs privés grevant le logement à usage personnel au lieu de domicile.

La déduction de tous les autres intérêts passifs privés est autorisée. En cas d'application de la méthode par quote-part, il y a une répartition proportionnelle des intérêts passifs privés en fonction des actifs bruts. Cela permet de déterminer la part des intérêts passifs privés afférents au logement à usage personnel au lieu de domicile qui ne serait plus déductible d'après le texte de l'initiative.

Enfin, la mise en oeuvre de l'initiative nécessite une législation d'exécution pour répondre à toutes les questions et résoudre tous les problèmes qui résultent de la formulation ouverte de l'art. 108b, al. 2, let. a et b, Cst. proposé. Par exemple, on ignore si le droit d'option peut être exercé lorsque seul l'un des époux a atteint l'âge de la retraite. Si oui, il faut alors se demander si la valeur locative doit de nouveau être imposée au décès de l'époux qui a déjà l'âge de la retraite lorsque le conjoint survivant n'a pas encore atteint cet âge.

5

Conclusions

A maints égards, les objectifs visés par l'initiative populaire ne sont pas convaincants: ­

Le Conseil fédéral s'oppose à une suppression de l'imposition de la valeur locative réservée à certaines personnes ou à certains groupes de personnes.

Les réglementations spéciales ne sont admissibles qu'exceptionnellement et doivent reposer sur une justification vérifiable. Les études sur le revenu et la fortune des retraités en Suisse ne fournissent aucune raison qui justifierait que l'on privilégie ce groupe de personnes. De plus, le droit d'option préconisé par l'initiative créerait une inégalité de traitement entre les retraités propriétaires de leur logement, d'une part, et les locataires et les autres propriétaires, d'autre part, qui ne se justifie pas objectivement. De plus, le droit d'option irrévocable pourrait se révéler défavorable pour les retraités qui doivent procéder inopinément à l'assainissement de leur logement et s'endetter pour ce faire, car ils ne pourraient plus déduire les intérêts passifs une fois qu'ils auraient exercé leur droit d'option.

­

La complexité du droit fiscal serait inutilement accrue. La charge administrative liée à la mise en oeuvre de l'initiative populaire (adaptation des systèmes informatiques pour la taxation, différenciation des intérêts passifs, mesures pour lutter contre les abus) ne doit pas être sous-estimée. De plus, la formulation ouverte de la disposition constitutionnelle nécessiterait une législation d'exécution couvrant tous les cas possibles et imaginables.

4854

­

Les effets de l'initiative ne sont pas convaincants non plus: du point de vue des effets de répartition, la liberté de choix à la retraite équivaut essentiellement à un privilège en faveur des ménages de retraités à l'aise financièrement, qui ont déjà remboursé leur dette hypothécaire pendant leur activité lucrative ou qui disposent de moyens financiers suffisants pour le faire pendant leur retraite. Enfin, du fait que l'initiative est axée sur les propriétaires retraités et que le changement de système est de surcroît facultatif, elle ne permettrait guère de répondre au problème fondamental du système actuel d'imposition de la valeur locative qu'est la faible incitation à amortir les dettes hypothécaires.

­

Enfin, l'acceptation de cette initiative ne permettrait plus de procéder ultérieurement à un changement général du système d'imposition de la valeur locative au niveau de la loi (suppression obligatoire de la valeur locative pour tous les propriétaires avec, en contrepartie, une suppression ou une forte diminution du nombre des déductions liées à la propriété du logement).

Etant donné que l'initiative prévoit une disposition constitutionnelle précisant concrètement les déductions qui restent possibles après l'exercice du droit d'option, une révision ultérieure de la Constitution en vue d'établir l'égalité de droit entre tous les propriétaires de logement serait indispensable. La mise en oeuvre d'une telle entreprise est plus lourde en raison du référendum obligatoire (majorité du peuple et des cantons) qu'une révision de la loi sujette au référendum facultatif (majorité du peuple).

C'est pourquoi le Conseil fédéral rejette un droit d'option irrévocable réservé aux retraités.

6

Contre-projet indirect

6.1

Changement de système

Vu son opposition à l'initiative de l'Association suisse des propriétaires fonciers, le Conseil fédéral a décidé, le 17 juin 2009, de soumettre au Parlement un contre-projet indirect.

Ce contre-projet indirect avait pour but de remédier aux défauts de l'imposition de la valeur locative (cf. ch. 4) par une solution meilleure susceptible de recueillir une majorité politique. En l'occurrence, la suppression de la déduction des frais d'entretien afférents à l'immeuble constitue une prémisse indispensable selon la systématique fiscale à la suppression de la valeur locative. Ces frais constituent des frais d'acquisition du revenu indissociables de l'obtention d'un revenu correspondant. Dans ces circonstances, le changement de système peut être opéré avec cohérence sous une forme pure ou plus ou moins atténuée ou, le cas échéant, avec des exceptions.

Le contre-projet indirect du Conseil fédéral (changement partiel du système), mis en consultation le 4 novembre 2009, prévoyait de supprimer la valeur locative pour tous les propriétaires de logement à usage personnel et, en contrepartie, de limiter fortement les possibilités de déductions par rapport au système actuel: l'idée était de permettre une déduction limitée dans le temps et plafonnée pour les nouveaux propriétaires, ainsi qu'une déduction pour les mesures d'économie d'énergie et de protection de l'environnement particulièrement efficaces et pour les travaux de 4855

restauration des monuments historiques. Les intérêts passifs n'auraient pu être déduits que jusqu'à concurrence du rendement de la fortune. Un impôt cantonal aurait été perçu sur les résidences secondaires servant de manière prépondérante à un usage privé (impôt sur les résidences secondaires). Pendant la procédure de consultation, un avis de droit sur la constitutionnalité de cet impôt a été demandé.

6.1.1

Résultats de la consultation

La procédure de consultation a duré jusqu'au 15 février 2010. La majorité des cantons et des organisations ainsi que l'UDC et les Verts ont rejeté le contre-projet indirect. Trois cantons, la Conférence des directrices et des directeurs cantonaux des finances, le PS, le PCS et deux organisations se sont prononcés pour un changement complet de système et donc contre le contre-projet indirect. Ce rejet a été motivé principalement par les raisons suivantes: le contre-projet n'apporte aucune simplification, mais rend le système, au contraire, plus compliqué tout en augmentant la charge de travail. Il n'encourage pas adéquatement l'accession à la propriété des nouveaux propriétaires ni des jeunes familles; il prévoit une déduction des intérêts passifs qui ne respecte pas le principe de la capacité économique. Enfin, en supprimant la déduction des frais d'entretien, il entraîne une dégradation du parc immobilier et des effets négatifs sur la branche de la construction. Seuls six cantons et douze organisations, ainsi que le PLR, le PDC et l'UDF ont approuvé le contre-projet, mais avec des réserves. Ils préconisent en particulier une augmentation de la déduction pour les nouveaux propriétaires, le maintien d'une déduction modérée pour les frais d'entretien et une compensation convenable des diminutions de recettes fiscales des cantons touristiques.14 L'avis de droit demandé pendant la même période au professeur Madeleine Simonek (Université de Zurich) concernant la constitutionnalité de l'impôt cantonal sur les résidences secondaires conclut que l'impôt cantonal spécial sur les résidences secondaires est un impôt sur la fortune teinté d'éléments d'impôt sur la dépense.15 Pour compenser intégralement la diminution des recettes fiscales due à la suppression de l'imposition de la valeur locative, il devrait être compris entre 4,7 et 9,2 ou, si on tient compte de la diminution de la part des cantons au produit de l'impôt fédéral direct, entre 5,5 et 11,2 de la valeur fiscale brute de la résidence secondaire. Un impôt sur les résidences secondaires de cette importance ne peut pas être tenu pour conforme à la Constitution. De plus, imposer les résidences secondaires différemment des autres valeurs patrimoniales serait contraire au principe de l'égalité.

14 15

Pour plus de précisions, voir le rapport sur les résultats de la consultation sur le site de la Chancellerie fédérale: http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/ind2009.html#DFF Simonek Madeleine, 2010, Rechtsgutachten betreffend die verfassungsrechtliche Zulässigkeit der Einführung einer Zweitliegenschaftssteuer als kantonale Sondersteuer erstattet an das eidgenössische Finanzdepartement: http://www.edf.admin.ch/dokumentation/zahlen/00578/01700/index.html?lang=de

4856

6.2

Contenu du présent contre-projet

Compte tenu des résultats de la consultation et de l'avis de droit précité, le Conseil fédéral présente le contre-projet indirect suivant: la suppression de la valeur locative imposable pour tous les contribuables est maintenue. Conformément au système, les frais d'entretien, les primes d'assurance et les frais d'administration par des tiers ne sont plus déductibles pour les logements occupés par leur propriétaire. Font exception le coût des mesures servant à économiser l'énergie et à préserver l'environnement qui répondent à des exigences énergétiques et écologiques concrètes et le coût des travaux de restauration des monuments historiques. Les intérêts passifs privés sont déductibles dans la mesure où ils servent à générer un rendement de la fortune et possèdent par conséquent le caractère de frais d'acquisition du revenu. Pour tenir compte des situations différentes, ils sont déductibles jusqu'à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune (cf. ch. 6.2.1). De plus, une déduction plafonnée et limitée dans le temps des intérêts hypothécaires est introduite pour les personnes qui acquièrent un logement pour la première fois. En revanche, l'impôt spécial sur les résidences secondaires tel qu'il était prévu dans l'avant-projet est abandonné. Enfin, il faut assurer la neutralité du contre-projet indirect du point de vue des recettes de l'impôt fédéral direct.

6.2.1

Appréciation du présent contre-projet

Par rapport au contre-projet mis en consultation, les modifications légales prévues par le présent contre-projet indirect constituent un pas important en direction d'une simplification du système d'imposition du revenu.

La suppression générale de l'imposition de la valeur locative répond à la motion Kuprecht et, sur ce point, aux exigences formulées dans les motions 09.3213 et 09.3215 (cf. ch. 2). Etant donné que les frais d'entretien en relation avec le logement occupé par son propriétaire constituent des frais d'acquisition du revenu indissociables de l'acquisition d'un revenu correspondant (valeur locative), il est indispensable de supprimer leur déduction en cas de suppression de la valeur locative pour des raisons de systématique fiscale. C'est pourquoi la déduction limitée des frais d'entretien, préconisée par la motion Kuprecht ne doit pas être mise en oeuvre. Des incitations fiscales en matière d'entretien des immeubles subsistent néanmoins dans des domaines spécifiques, du fait que les mesures particulièrement efficaces en faveur de l'économie de l'énergie et de la protection de l'environnement restent déductibles et que la déduction des frais de restauration des monuments historiques n'est pas modifiée. On relèvera que les demandes des motions 09.3213 et 09.3215 en matière d'énergie sont remplies (cf. ch. 2). Ces dispositions vont également dans le sens de la motion 09.3014, qui vise à améliorer l'efficacité et l'efficience des déductions fiscales pour les investissements énergétiques concernant les immeubles privés (cf. ch. 6.2.2).

Avec la suppression de l'imposition de la valeur locative, les intérêts passifs pour le logement occupé par son propriétaire ne sont plus déductibles. Dans la mesure où ces intérêts ont le caractère de frais d'acquisition du revenu (par ex. en relation avec un immeuble donné en location), ils sont toujours déductibles. Les intérêts passifs afférents au financement de l'acquisition d'articles de luxe par exemple n'ont pas le caractère de frais d'acquisition du revenu. Etant donné que seule une partie des 4857

intérêts passifs ont le caractère de frais d'acquisition du revenu et qu'il est difficile de les attribuer à des biens précis, leur déduction n'est admise qu'à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune. Cette solution présente l'avantage qu'elle est praticable, qu'elle n'ouvre que peu de possibilités de planification fiscale et qu'elle ne désavantage pas les propriétaires de logement par rapport à d'autres personnes au regard du mandat constitutionnel d'encouragement de l'accession à la propriété du logement (art. 108 Cst.). Le choix d'une autre solution comme la méthode objective ou la méthode proportionnelle à la place de cette réglementation aurait présenté ce risque. Dans ces deux cas, une lourde charge supplémentaire pour les autorités de taxation aurait encore aggravé la situation. Avec la limitation à 80 %, une solution plus restrictive a été adoptée par rapport au contre-projet mis en consultation. Dans l'ensemble, on peut affirmer que l'incitation à emprunter du capital diminue d'autant plus que la déduction est basse, ce qui vaut pour toutes les formes de propriété du logement, qu'il soit occupé par le propriétaire ou mis en location.

Par ailleurs, le présent contre-projet prévoit une déduction pour l'acquisition du logement: les contribuables qui acquièrent pour la première fois la propriété de leur logement peuvent déduire les intérêts passifs en relation avec l'immeuble pour une durée et un montant limités. De cette manière, le contre-projet tient compte de la motion Kuprecht qui demande que les intérêts passifs restent déductibles dans une mesure limitée.

Enfin, l'impôt cantonal sur les résidences secondaires proposé par le contre-projet mis en consultation est abandonné en raison de son inconstitutionnalité (cf.

ch. 6.1.1). Son abandon supprime un risque de disparité verticale, car l'impôt sur les résidences secondaires n'était pas prévu à l'échelon fédéral. Les cantons peuvent décider si et comment ils veulent compenser la diminution de leurs recettes due à la suppression de la valeur locative des résidences secondaires.

Par exemple, ils peuvent ­ même si ce n'est pas inscrit dans la LHID ­ introduire un impôt d'attribution des coûts, afin de compenser une partie au moins de la perte de recettes provenant de l'imposition de la valeur locative des résidences secondaires.
Dans le cadre d'une attribution adéquate des coûts, certaines dépenses de la collectivité publique sont mises totalement ou partiellement à la charge des personnes qui ont un lien plus étroit avec ces dépenses que d'autres contribuables ou qui en profitent dans une mesure particulière. Les impôts d'attribution des coûts dérogent au principe de la répartition des charges qui constitue le fondement de la généralité de l'imposition. Ils ne sont donc admissibles qu'à certaines conditions. En particulier, la totalité des recettes d'un tel impôt ne doit pas être supérieure aux dépenses nécessaires au financement des charges concernées. L'avis de droit relatif à l'impôt sur les résidences secondaires conclut que la perception d'un impôt d'attribution des coûts des résidences secondaires serait le moyen le moins risqué du point de vue du droit constitutionnel si deux conditions capitales sont respectées: ­

la collectivité percevant l'impôt est en mesure d'établir les décomptes de coûts nécessaires à l'attribution de ces coûts;

­

elle peut faire état de dépenses qui sont causées en particulier par les résidences secondaires ou qui leur apportent un avantage particulier.

Dans une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral décrit les conditions de la perception d'un tel impôt:

4858

«En tant qu'impôt spécial, un impôt d'attribution des coûts suppose qu'il existe des raisons objectivement défendables de mettre les dépenses publiques concernées à la charge du groupe de personnes assujetti. De plus, la délimitation éventuelle doit se faire selon des critères plausibles; sinon, l'impôt ne respecte pas le principe de l'égalité de traitement inscrit à l'art. 8 Cst.»16 Il faut relever toutefois qu'un impôt d'attribution des coûts n'est pas de nature à compenser entièrement la diminution des recettes consécutive à la suppression de l'imposition de la valeur locative, ce qui constitue un inconvénient pour les cantons touristiques concernés.

6.2.2

Classement d'interventions parlementaires

La motion Kuprecht (05.3864) demande la suppression de l'imposition de la valeur locative. Les intérêts passifs et les frais d'entretien devraient rester déductibles dans une mesure limitée.

Par le présent contre-projet indirect, le Conseil fédéral répond à cette demande sauf pour ce qui est d'une déduction limitée des frais d'entretien. Comme on l'a relevé plusieurs fois déjà, les frais d'entretien sont des frais d'acquisition du revenu et ne peuvent donc être déduits que s'ils sont le pendant d'un revenu imposable. Du fait que les mesures particulièrement efficaces en faveur de l'économie de l'énergie et de la protection de l'environnement restent déductibles et que la déduction des frais de restauration des monuments historiques n'est pas modifiée, des incitations fiscales en matière d'entretien des immeubles subsistent dans des domaines spécifiques.

C'est pourquoi la motion peut être classée si le Parlement approuve le contre-projet indirect.

La motion de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (09.3014) demande d'améliorer l'efficacité et l'efficience des déductions fiscales consenties au niveau de l'impôt fédéral direct pour les investissements énergétiques concernant les immeubles privés en les subordonnant à des standards énergétiques minimaux. Le présent contre-projet indirect répond à cette demande. Si le Parlement approuve cet aspect du contre-projet indirect, cette motion peut être classée.

7

Commentaire des articles du contre-projet indirect

7.1

Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD)

Art. 21 L'art. 21, al. 1, let. b, LIFD contient la disposition centrale de l'imposition de la propriété privée du logement en disposant que la valeur locative des immeubles dont le propriétaire se réserve l'usage en vertu de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable à titre de revenu. L'al. 2 règle la manière de déterminer la valeur locative, à savoir en fonction de la valeur marchande et de l'utilisation effective. Avec l'abrogation de cette disposition, la valeur locative n'est plus imposable. La non-prise en compte de la valeur locative comme 16

ATF du 14 mai 2001, 2P.199/2000

4859

revenu imposable ne doit pas être expressément fixée dans la loi, car l'usage privé de valeurs patrimoniales n'est imposable que si son imposition est expressément prévue par la loi, comme c'est le cas de la valeur locative dans le droit actuel.

L'abrogation de l'art. 21, al. 1, let. b et 2, LIFD nécessite une refonte complète de cet article. Le nouvel art. 21 comporte un seul alinéa et trois lettres (a à c). Les let. c et d actuelles deviennent les let. b et c.

Art. 32

Frais d'acquisition

L'art. 32 LIFD définit les frais qui sont déductibles aussi bien dans le cadre de la fortune mobilière privée que dans le cadre de la fortune immobilière privée. En raison de la nouvelle conception de l'imposition de la propriété du logement, cette disposition a été divisée en trois articles (32, 32a et 32b) pour distinguer entre la fortune mobilière privée et la fortune immobilière privée en matière de frais déductibles.

Le nouvel art. 32 LIFD correspond à l'al. 1 de l'art. 32 actuel. Il règle les frais entièrement déductibles (administration par des tiers et impôts à la source étrangers non récupérables ni remboursables) dans le cadre de la fortune mobilière privée.

Art. 32a (nouveau)

Immeubles

Etant donné que l'imposition de la valeur locative est supprimée, les frais immobiliers (frais d'entretien, frais de remise en état d'un immeuble nouvellement acquis, primes d'assurance, frais d'administration par des tiers) ne sont plus déductibles.

L'art. 32a énumère les exceptions à ce principe. Les immeubles faisant partie de la fortune commerciale ne sont pas concernés par cette réglementation.

Al. 1 Le coût des mesures servant à économiser l'énergie et à préserver l'environnement n'est déductible plus que si elles répondent à des exigences énergétiques et écologiques élevées. La définition de ces exigences doit être fixée en collaboration avec les cantons. Cette réglementation s'inspire de celle prévue par la motion de la CER-E «Plus d'efficacité et d'efficience des déductions fiscales en matière d'assainissement énergétique des bâtiments (09.3014)» transmise le 11 juin 2009, qui doit être mise en oeuvre dans le cadre d'une révision de l'ordonnance du DFF sur les mesures en faveur de l'utilisation rationnelle de l'énergie (RS 642.116.1).

Pour ce qui est de cette déduction, il s'agit de créer des incitations plus ciblées à investir dans les domaines de l'économie d'énergie et de la protection de l'environnement. Il faut placer la barre assez haut. Concrètement, cela signifie que les frais de remplacement d'appareils ménagers gros consommateurs d'électricité (cuisinières, fours, congélateurs, etc.) déductibles actuellement ne seront plus déductibles à titre de mesure d'utilisation rationnelle de l'énergie, ce qui semble défendable dans la mesure où la technique actuelle a aussi progressé en matière d'économie d'électricité par rapport à son état il y a 10 ou 15 ans. Les mesures de cette nature sont généralement accompagnées d'effets d'aubaine, notamment lorsque des personnes reçoivent des contributions financières des pouvoirs publics (déductions fiscales ou contributions directes) pour une action qu'ils auraient accomplie même sans l'aide de l'Etat. La modification de l'ordonnance du 7 décembre 1998 du 24 juin 2009 sur l'énergie (OEne; RS 730.01) a jeté les bases d'une réduction de la

4860

consommation d'électricité des appareils ménagers. Ces appareils ne peuvent être vendus que s'ils satisfont aux exigences d'efficience fixées.

Pour continuer à donner droit à une déduction, les mesures d'économie d'énergie ou de protection de l'environnement doivent respecter des exigences encore à préciser.

Pour ce qui est de l'acquisition d'équipements techniques pour la production de chaleur, cela peut se faire au moyen de labels de qualité, alors que pour la déduction des frais d'assainissement de l'enveloppe d'un bâtiment, le respect de normes concernant l'isolation constitue une condition déterminante. Du point de vue de l'administration, pour améliorer l'efficacité et l'efficience comme le demande la motion (09.3014), une mesure doit être applicable et engendrer des charges acceptables les autorités de taxation cantonales.

Comme dans le droit en vigueur, il faut garantir à l'échelon de l'ordonnance l'exclusion des investissements subventionnés: si les mesures d'économie d'énergie et de protection de l'environnement sont subventionnées par la collectivité publique, la déduction n'est accordée que sur la part de l'investissement à la charge du contribuable.

Al. 2 Par rapport au droit actuel, la déduction des frais de restauration des monuments historiques ne subit aucun changement. Son nouvel emplacement dans la LIFD est dû uniquement à des raisons de technique législative.

Art. 32b (nouveau)

Immeubles loués ou affermés

Al. 1 Pour les immeubles loués ou affermés détenus dans la fortune privée, les frais d'entretien (y compris les frais de remise en état des immeubles nouvellement acquis depuis la suppression de la pratique Dumont), les primes d'assurance et les frais d'administration par des tiers peuvent être déduits comme jusqu'à présent.

Al. 2 et 3 Les coûts sont pris en compte proportionnellement si l'immeuble n'est loué à des tiers qu'en partie ou momentanément. On s'assure ainsi que seuls les frais qui possèdent le caractère de frais d'acquisition du revenu sont déductibles. Si le propriétaire utilise temporairement l'immeuble loué ou affermé pour son propre compte, la déduction des frais est accordée proportionnellement au rapport entre la durée de la location ou de l'affermage et la durée de l'usage par le propriétaire pendant l'année fiscale.

Al. 4 L'al. 4 dispose que l'utilisation d'un immeuble dans le cadre d'une activité lucrative indépendante est considérée comme une location. La méthode de la prépondérance s'applique aux immeubles à usage mixte, c'est-à-dire aux immeubles qui sont utilisés à la fois à des fins privées et à des fins commerciales. Le droit en vigueur classe dans la fortune commerciale tous les éléments de la fortune qui servent entièrement ou principalement à l'exercice de l'activité lucrative indépendante. Cela signifie qu'un immeuble fait entièrement partie soit de la fortune commerciale soit de la fortune privée suivant la part prédominante de l'utilisation. Un immeuble dont la plus petite partie est utilisée pour l'activité lucrative indépendante est entièrement 4861

attribué à la fortune privée, ce qui interdirait les déductions afférentes à la partie utilisée commercialement. Pour l'éviter, les parties utilisées commercialement dans le cadre d'une activité lucrative indépendante doivent être considérées comme louées.

Al. 5 Les investissements en faveur de mesures particulièrement efficaces d'économie de l'énergie et de protection de l'environnement ainsi que de la restauration des monuments historiques sont entièrement déductibles, même pour les immeubles en partie ou momentanément loués ou affermés.

Al. 6 La possibilité d'opérer une déduction forfaitaire à la place de la déduction des frais immobiliers effectifs est maintenue pour ce qui est des immeubles loués ou affermés. En cas de location ou d'affermage partiel ou temporaire, la déduction forfaitaire est réduite en proportion. En raison de la subdivision de l'art. 32 actuel, cette réglementation a été légèrement reformulée et placée dans le nouvel art. 32b. Du point de vue de son contenu, elle correspond cependant à l'al. 4 de l'actuel art. 32 LIFD.

Art. 33 Al. 1, let. a L'art. 33, al. 1, let. a, pose le principe de la déduction des intérêts passifs privés à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune (cf. commentaires des ch. 6.2.1 et 9.1.3).

On relèvera que le rendement brut de la fortune mobilière et celui de la fortune immobilière privée sont pris en compte pour calculer la déduction maximale des intérêts passifs privés, comme dans le droit en vigueur, c'est-à-dire avant déduction des frais d'acquisition qui les concernent.

L'excédent d'intérêts de 50 000 francs inscrit dans le droit actuel est supprimé avec la suppression de la valeur locative. Une déduction des intérêts passifs privés allant au delà de la clause générale n'est plus justifiée. Tout excédent d'intérêts supérieur au rendement brut de la fortune est considéré comme une charge d'intérêts sur des dettes servant soit à financer la consommation soit un investissement sans rendement imposable.

La règle d'après laquelle les intérêts passifs des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique avec laquelle elle a des liens étroits ou qui détient une part importante de son capital à des conditions particulièrement avantageuses ne sont pas déductibles est déplacée et intégrée à l'art. 34.

Al. 3 et 4 (nouveaux)
Des mesures d'appoint en faveur des nouveaux propriétaires se révèlent nécessaires et ne sont pas contestées. L'expérience montre en effet que pour accéder à la propriété de leur logement les nouveaux propriétaires doivent souvent s'endetter lourdement. C'est pourquoi la déduction actuelle des intérêts passifs constitue pour eux une incitation fiscale. Etant donné que cette incitation disparaît en cas de changement de système, une réglementation dérogatoire est mise en place pour ces nouveaux propriétaires: elle leur permet de déduire la totalité ou une partie de leurs 4862

intérêts passifs privés pendant une période limitée malgré la suppression de l'imposition de la valeur locative. Cette réglementation spéciale est justifiée au regard du mandat constitutionnel d'encourager l'accession à la propriété du logement et porte sur les contribuables qui achètent pour la première fois un logement en Suisse.

Comme dans le train de mesures fiscales 2001 (art. 33, al. 1bis) et en accord avec les motions Sommaruga (09.3213) et Schweiger (09.3215), il faut prévoir une réglementation spéciale pour les contribuables précités. Il faut en effet permettre aux contribuables qui ont acheté pour la première fois, à leur lieu de domicile, un immeuble qu'ils affectent durablement et exclusivement à leur usage personnel de déduire les intérêts passifs (en particulier les intérêts hypothécaires) qui sont directement en relation avec cet immeuble. La durée de cette réglementation spéciale est limitée à 10 ans à partir de l'achat. Elle ne s'applique qu'en cas d'acquisition de l'immeuble à titre onéreux (achat); elle ne s'applique donc pas en cas d'acquisition à titre gratuit (dévolution successorale ou donation). Les époux qui font ménage commun en fait et en droit (y compris les partenaires enregistrés) peuvent déduire les intérêts passifs afférents directement à leur logement jusqu'à concurrence de 10 000 francs au maximum, les autres contribuables jusqu'à concurrence de 5000 francs. Cette réglementation s'applique par analogie aux contribuables qui possèdent l'usufruit d'un immeuble. La déduction pour l'acquisition du logement est opérée pour la première fois la première année fiscale suivant l'achat de l'immeuble.

L'année fiscale au cours de laquelle l'achat a lieu n'est pas prise en considération.

Pendant les dix années fiscales suivantes, le montant maximal de la déduction diminue de 10 % par an, à savoir de 1000 ou 500 francs, ce qui garantit l'égalité de traitement de tous les acheteurs indépendamment de la date de l'achat.

La réglementation générale de la déductibilité des intérêts passifs privés selon l'art. 32, al. 1, et selon l'art. 33, al. 3, pour l'acquéreur d'un premier logement déploie les effets suivants: 1.

Le contribuable ne dispose d'aucun rendement imposable de sa fortune: la déduction des intérêts passifs privés n'est plus possible.

2.

Le contribuable dispose d'un rendement imposable de sa fortune: il peut déduire ses intérêts passifs privés jusqu'à concurrence de 80 % de ce rendement imposable.

3.

Le contribuable ne dispose d'aucun rendement imposable de sa fortune et acquiert pour la première fois la propriété d'un logement. Pendant 10 ans, il peut déduire ses intérêts passifs privés à concurrence de la déduction pour l'acquisition du logement.

4.

Le contribuable dispose d'un rendement imposable de sa fortune et acquiert pour la première fois la propriété d'un logement. Il peut déduire ses intérêts passifs jusqu'à concurrence de 80 % de ce rendement. Le montant de la déduction pour la propriété du logement s'ajoute à cette limite. Le contribuable ne peut en aucun cas déduire des intérêts passifs plus élevés que ceux qu'il a effectivement payés.

Voici quelques exemples chiffrés pour expliquer le principe de la déduction des intérêts passifs privés à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune et le fonctionnement de la déduction pour l'achat du logement: 4863

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

Principe Rendement imposable de la fortune (100 %) 80 % du rendement imposable de la fortune Intérêts passifs privés Intérêts passifs privés déductibles

­

1 250

1 250

1 250

­

1 000

1 000

1 000

800

800

1 000

1 100

­

800

1 000

1 000

Déduction pour un couple qui achète son premier logement Rendement imposable de la fortune (100 %) 20 000

20 000

20 000

­

80 % du rendement imposable de la fortune

16 000

16 000

16 000

­

Déduction max. la première année

10 000

10 000

10 000

10 000

Déduction maximale possible

26 000

26 000

26 000

10 000

Intérêts passifs privés

25 000

30 000

40 000

8 000

Intérêts passifs privés déductibles

25 000

26 000

26 000

8 000

Le premier tableau montre qu'avec la nouvelle réglementation, le contribuable qui ne dispose pas d'un rendement imposable de sa fortune ne peut pas déduire des intérêts passifs privés (1er tableau, colonne 2), ce qui est conforme au principe d'après lequel les frais d'acquisition du revenu sont déductibles, mais pas les frais afférents au train de vie. Exception: déduction pour l'achat du logement (2e tableau, colonne 5). En revanche, dès qu'il existe un rendement imposable de la fortune, les intérêts passifs privés peuvent être déduits, mais uniquement jusqu'à 80 % du rendement déclaré. Dans la colonne 5 du 1er tableau, l'exemple montre les conséquences de la solution plus restrictive par rapport au contre-projet mis en consultation.

Pour ce qui est de l'accord de la déduction pour le premier achat, il faut faire en sorte de limiter les abus possibles. Pour les administrations fiscales cantonales, cela peut présenter des difficultés qu'elles pourront cependant maîtriser dans le cadre de leur obligation d'informer.

Al. 5 (nouveau) La déduction n'est plus accordée si l'immeuble est aliéné ou s'il ne sert plus de logement à son propriétaire. Toutefois, si le contribuable acquiert en Suisse, dans un délai raisonnable, un immeuble de remplacement affecté au même usage, il peut continuer de procéder à la déduction pendant les années restantes. D'après la pratique cantonale, l'acquisition de remplacement doit avoir lieu dans un délai d'un ou deux ans. Cette disposition ne s'applique plus si le contribuable n'acquiert un nouvel immeuble qu'une fois que ce délai est expiré. Cette réglementation s'inspire des dispositions correspondantes de l'impôt sur les gains immobiliers (cf. art. 12, al. 3, let. e, LHID).

4864

Art. 34, let. f (nouvelle) L'art. 34 énumère de manière non exhaustive les dépenses qui ne sont pas déductibles. En font partie les intérêts passifs des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique avec laquelle elle a des liens étroits ou qui détient une part importante de son capital à des conditions nettement plus avantageuses que celles qui sont habituellement proposées aux tiers. Cette règle figurant actuellement à l'art. 33, al. 1, let. a, 2e phrase, est reprise (sans changement) à l'art. 34 pour des raisons de technique législative.

Art. 205d (nouveau)

Disposition transitoire relative à la modification du ...

Comme exposé précédemment, les contribuables qui ont acheté pour la première fois un logement affecté durablement et exclusivement à leur usage personnel peuvent déduire leurs intérêts passifs privés. Cette déduction est plafonnée et limitée dans le temps (cf. art. 33, al. 3 à 5). Les contribuables qui ont acquis la propriété de leur logement avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation ne peuvent pas en bénéficier. Plus l'acquisition de l'immeuble est proche de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, plus cette réglementation semblera injuste pour les contribuables concernés. Dans un souci d'égalité de traitement, il semble justifié de prévoir une disposition transitoire permettant aussi aux contribuables qui ont acheté pour la première fois la propriété de leur logement avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation d'en bénéficier. Cette disposition transitoire prévoit donc que l'art. 33, al. 3 à 5, s'applique par analogie aux contribuables qui ont acheté leur premier logement au plus dix ans avant l'entrée en vigueur de la présente modification. Le contribuable qui a acheté son logement trois ans par exemple avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation peut donc déduire ses intérêts passifs privés conformément à l'art. 33, al. 3 à 5, pendant sept ans encore après son entrée en vigueur, à condition qu'il en ait toujours gardé la propriété. Par contre, la disposition transitoire ne s'applique pas s'il vend son immeuble et achète un nouvel immeuble pour son usage personnel quelques années après, toujours dans le délai de dix ans mais plus dans un «délai raisonnable» selon l'art. 33, al. 5. Cette disposition transitoire ne s'applique que si l'immeuble de remplacement est acquis dans le délai raisonnable prévu à l'art. 33, al. 5.

Si la déduction peut être opérée pendant un certain nombre d'années en vertu de la disposition transitoire après l'entrée en vigueur de cette dernière, le montant et la diminution annuelle de la déduction ne se calculent pas à partir de la date de l'entrée en vigueur, mais à partir de l'achat de l'immeuble. Cela signifie que, dans l'exemple précédent, le contribuable peut procéder à la déduction selon l'art. 33, al. 3 à 5 pendant sept ans encore. L'année suivant l'entrée en vigueur (4e année après l'achat de l'immeuble), la déduction
s'élève à 7000 francs pour les époux et à 3500 francs pour les autres contribuables. Par la suite, elle est réduite linéairement de 1000 francs (époux) ou de 500 francs (autres contribuables).

4865

7.2

Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)

Art. 7, al. 1, 1re phrase Dans l'énumération des revenus, il faut biffer la notion de «valeur locative de l'habitation du contribuable dans son propre immeuble», car cette valeur n'est plus imposable.

Art. 9, al. 2, let. a, ainsi que 3bis à 3quinquies (nouveaux) On se référera aux commentaires des art. 32, 32a, 32b et 33, al. 1, let. a, ainsi qu'aux al. 3 à 5 LIFD.

Contrairement à la LIFD, la LHID règle par une clause générale la déductibilité des frais d'acquisition du revenu (dont les intérêts passifs peuvent également faire partie) et les déductions générales à son art. 9, al. 1. L'al. 2, let. a, cite les intérêts passifs privés dans les déductions générales. Il n'y a pas de différence sur ce point avec les nouvelles règles de la LIFD.

Par rapport au droit actuel, il n'y a aucun changement en matière de frais d'investissement pour la restauration de monuments historiques. La disposition potestative reste inscrite dans la LHID. Son nouvel emplacement est dû uniquement à des raisons de technique législative.

Art. 72m (nouveau)

Adaptation de la législation cantonale à la modification du ...

Les dispositions sur l'imposition de la propriété privée du logement doivent entrer en vigueur en même temps, tant pour l'impôt fédéral direct que pour les impôts cantonaux. En particulier l'entrée en vigueur simultanée dans tous les cantons est absolument indispensable. Il n'est en effet pas acceptable que les nouvelles dispositions soient déjà appliquées dans le canton A alors que l'ancienne réglementation s'applique encore dans le canton B, sinon des problèmes de répartition insolubles risquent de se poser dans les relations intercantonales.

Il est prévu que les dispositions du droit fédéral s'appliquent directement après leur entrée en vigueur si le droit cantonal leur est contraire. Dans ce cas, les gouvernements cantonaux reçoivent la compétence d'édicter les dispositions transitoires nécessaires. Les contribuables et les cantons ont besoin d'un délai transitoire convenable afin de disposer de suffisamment de temps pour procéder aux adaptations nécessaires (dettes hypothécaires, rénovations, et introduction dans le droit cantonal). C'est pourquoi le Conseil fédéral fixera la date d'entrée en vigueur de la loi au moins cinq ans après le vote final au Parlement.

Art. 78e (nouveau)

Disposition transitoire relative à la modification du ...

On se référera aux commentaires de l'art. 205d LIFD.

4866

7.3

Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC)

Le loyer de l'appartement (valeur locative) habité par le propriétaire ou l'usufruitier est considéré actuellement comme loyer net. Le forfait pour frais accessoires prévu par l'art. 9, al. 5, let. e de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC; RS 831.30) s'ajoute à ce loyer net, et le loyer brut ainsi obtenu est déduit à titre de dépense dans le calcul des prestations complémentaires (cf. art. 10, al. 1, let. b, LPC). Par ailleurs, la valeur locative est additionnée aux revenus (cf. art. 11, al. 1, let. b, LPC). Avec la suppression de l'imposition de la valeur locative, celle-ci n'est plus considérée comme un revenu pour calculer les prestations complémentaires, ce qui est réglé expressément à l'art. 11, al. 3, let. f. Logiquement, il ne faut plus non plus prendre en considération la valeur locative (en tant que loyer) dans les dépenses. La nouvelle let. c de l'art. 10, al. 1, tient compte de cette situation.

Les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires peuvent être pris en considération comme des charges, mais seulement jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble (cf. art. 10, al. 3, let. b, LPC). Pour les logements occupés par leur propriétaire, le rendement brut correspond à la valeur locative. Les offices cantonaux compétents pour les prestations complémentaires ne calculent pas euxmêmes la valeur locative, mais se réfèrent au calcul valable pour les impôts. Avec la suppression de l'imposition de la valeur locative, ils ne disposeront plus de cette valeur. C'est pourquoi il faut trouver une autre limite, à savoir le montant maximal reconnu du loyer pour les couples (cf. art. 10, al. 1, let. b, ch. 2, LPC).

8

Conséquences du contre-projet indirect

8.1

Conséquences pour la Confédération

D'un point de vue statique et par rapport à l'année fiscale 2008, le présent contreprojet indirect produira un supplément de recettes d'environ 750 millions de francs pour l'impôt fédéral direct, si l'on fait abstraction des nouvelles déductions pour les contribuables qui investissent dans des mesures d'économie d'énergie particulièrement efficaces et ceux qui achètent pour la première fois un immeuble qu'ils occupent eux-mêmes. Ne sont pas encore prises en compte dans le calcul les modifications du comportement engendrées par le changement de système des propriétaires de logement disposant d'un revenu ou d'une fortune élevée et pouvant choisir librement dans quelle mesure ils veulent financer leur propriété avec des fonds propres ou avec des fonds empruntés, qui, dans le nouveau système, amortiront la part de leurs capitaux empruntés pour des raisons fiscales. Il faut s'attendre à des changements de comportement de cette nature, du moins lorsque le rendement de la fortune mobilière privée est inférieur à la charge des intérêts hypothécaires. Après le changement de système, des positions de la fortune mobilière privée produisant des rendements imposables seront donc dissoutes en relation avec l'amortissement de l'hypothèque. Relevons que la diminution des dettes privées ne concerne pas uniquement les contribuables fortunés qui ne sont pas propriétaire de leur logement et qui ont emprunté des capitaux pour financer des placements en vue de réaliser des bénéfices en capital privés. Suite à ces adaptations du comportement, qui se traduiront par la disparition de rendements imposables de capitaux, on peut tabler de 4867

manière réaliste sur un supplément de recettes d'environ 450 millions de francs en cas de changement de système.

Par ailleurs, cependant, les deux nouvelles déductions pour les contribuables qui investissent dans des mesures particulièrement efficaces d'économie d'énergie et de protection de l'environnement ainsi que ceux qui achètent pour la première fois un immeuble qu'ils occupent entraîneront une diminution des recettes d'environ 365 millions de francs. Pour l'impôt fédéral direct, il restera donc en fin de compte un supplément de recettes d'environ 85 millions de francs une fois que les propriétaires et les autres contribuables aisés auront achevé tous leurs processus d'adaptation. Ce montant ne tient pas compte des charges supplémentaires résultant des modifications de la LPC (cf. ch. 7.3), qui se montent à 4,3 millions de francs par an. Etant donné que ce supplément de recettes est le résultat de diverses estimations, on peut estimer que le produit de l'impôt ne changera guère, ce qui satisfait aussi à l'exigence du Conseil fédéral que la réforme soit plus ou moins neutre du point de vue des recettes de l'impôt fédéral direct.

Le contre-projet n'aura pas de conséquences sur l'état du personnel de la Confédération.

8.2

Conséquences pour les cantons et les communes

La suppression de l'imposition de la valeur locative concerne aussi bien l'immeuble habité au domicile fiscal que la résidence secondaire à usage individuel (ou d'autres immeubles occupés par leur propriétaire). Les conséquences financières de la suppression de l'imposition de la valeur locative seront particulièrement lourdes pour les cantons où se trouvent de très nombreuses résidences secondaires utilisées par des étrangers ou des personnes qui habitent dans un autre canton. En effet, les résidences secondaires présentent en général un compte immobilier positif, c'est-à-dire que leur valeur locative dépasse les frais déductibles afférents à la résidence. La diminution des recettes des cantons touristiques résultant d'un changement de système a été estimée à environ 100 millions de francs dans le train de mesures fiscales 2001.

D'après le contre-projet indirect mis en consultation, un impôt spécial aurait dû être perçu pour compenser la diminution des recettes due à la suppression de l'imposition de la valeur locative dans les cantons avec un grand parc de résidences secondaires. Cet impôt spécial a été abandonné en raison de sa non-conformité à la Constitution (cf. ch. 6.1.1).

Un impôt d'attribution des coûts est recommandé; c'est cette solution qui présenterait le moins d'inconvénients au regard du droit constitutionnel. Il faut relever cependant que cet impôt ne permettrait pas de compenser intégralement la diminution des recettes due à la suppression de l'imposition de la valeur locative.

En l'absence de données statistiques, il n'est pas possible de donner des précisions sur les conséquences financières pour les cantons et les communes. On peut cependant partir de l'idée que la suppression de l'imposition de la valeur locative diminuera la charge administrative des autorités de taxation des cantons. Pour les cantons, les frais supplémentaires découlant des modifications de la LPC (cf. ch. 7.3) s'élèveront à 3,2 millions de francs.

4868

8.3

Conséquences économiques

Le changement proposé du système d'imposition de la valeur locative aura plusieurs conséquences économiques. La taxation pratiquée actuellement revient en fin de compte à encourager l'accession à la propriété du logement. En cas de changement de système, une partie des propriétaires seront confrontés à une augmentation des coûts. La suppression de la déduction des intérêts passifs entraînera une modification du coût relatif du financement par fonds propres et du financement par fonds empruntés.

Cette modification des prix relatifs affectera différemment les ménages suivant leur revenu et leur fortune. Les calculs de l'Administration fédérale des contributions17 montrent que les déductions pour les frais immobiliers et les intérêts passifs se révèlent avantageuses surtout pour les contribuables à revenu élevé et que la suppression de ces déductions pèsera plus lourd pour les contribuables de ces classes de revenu. Une imposition simplifiée des immeubles occupés par leur propriétaire par la suppression de l'imposition de la valeur locative et des déductions liées à ces immeubles avantagerait donc plutôt les contribuables des classes inférieures de revenu, mais alourdirait la charge des contribuables des classes moyennes et supérieures de revenu.

Les contribuables des classes supérieures de revenu sont cependant aussi ceux qui peuvent s'adapter le mieux aux nouvelles conditions en modifiant la structure de leurs placements. L'incitation à amortir leur dette augmente pour les ménages qui possèdent d'autres placements en plus de leur logement. Ils auront donc tendance à affecter leurs économies à l'amortissement de leurs hypothèques plutôt qu'à d'autres placements.

Pour les ménages peu fortunés qui n'ont pu acquérir ou ne peuvent garder leur logement qu'en empruntant une part élevée des fonds nécessaires, un changement complet de système se traduira par une augmentation des coûts tendant à diminuer l'attrait de la propriété du logement. Sans mesures d'appoint, un tel changement de système équivaudrait à encourager les contribuables qui peuvent renoncer le plus facilement à s'endetter, c'est-à-dire les ménages de propriétaires fortunés. C'est pourquoi le Conseil fédéral propose des mesures d'appoint en faveur des contribuables qui, parce qu'ils ne sont pas assez fortunés, ne peuvent acheter pour la
première fois un logement qu'au prix d'un lourd endettement et qui n'ont pas les moyens d'adapter la structure de leurs placements. Il s'agit essentiellement des ménages qui disposent d'un revenu moyen et de peu de fortune. L'alourdissement de leur charge due au changement de système peut être atténué, du moins en partie, par des mesures d'appoint. Il est ainsi tenu compte du mandat constitutionnel d'encourager l'accession à la propriété du logement.

Le changement de système poussera les ménages dont la structure optimale des placements comprend un fort endettement à revoir la structure de leur financement et, par conséquent, la répartition de la fortune qu'ils ont placée et à réduire leur dette hypothécaire. Cela entraînera la dissolution d'autres placements (y compris les droits d'expectative de la prévoyance professionnelle) et renforcera la tendance à affecter l'actif disponible plutôt à l'amortissement des hypothèques qu'à d'autres placements 17

Cf. Peters, Rudi, 2009, Les déductions de l'imposition fédérale directe des personnes physiques et les possibilités de simplification, AFC, Berne.

4869

(par ex. portefeuille de titres). Le changement de système devrait donc entraîner une recomposition des portefeuilles d'un volume important, surtout de la part des ménages fortunés à haut revenu. Vu l'étendue de l'offre des instituts financiers destinée à optimiser la dette fiscale au moyen de crédits hypothécaires, on peut conclure qu'une part non négligeable des ménages propriétaires de leur logement dispose d'une importante marge de manoeuvre pour aménager leurs placements. S'il est plus avantageux de posséder un logement franc de dettes, les possibilités de retrait anticipé dans le cadre du 2e et du 3e pilier pourraient par exemple être exploitées plus intensément.

Cette recomposition des portefeuilles n'aura pratiquement pas de conséquence notable sur le marché des capitaux ni sur les intérêts car le marché suisse des capitaux est fortement intégré au marché mondial. La recomposition des portefeuilles des ménages s'exprimera cependant sous la forme d'une réduction du bilan brut (et à l'échelon désagrégé sous la forme d'une modification de la structure du bilan) des intermédiaires financiers (banques, assurances, institutions de prévoyance, conseillers financiers). Ce processus diminuera la capacité des banques à accorder des crédits et tendra à se traduire par une impulsion négative sur la croissance. Par ailleurs, les modifications structurelles du bilan pourraient obliger certaines institutions trop spécialisées à se réorienter. La réduction de l'activité des intermédiaires financiers peut donc aussi entraîner une réduction de l'emploi dans ce secteur.

Dans la mesure où la modification des prix relatifs entraîne une modification de la demande de logements, une partie au moins de l'impulsion déclenchée par le changement de système se traduira par des modifications du prix des terrains et des logements. Les modifications des prix relatifs déclenchées par la réforme étant difficiles à prévoir précisément, il n'est pas possible de donner des indications fiables sur leur direction et leur ampleur.

La limitation de la déduction des intérêts passifs à 80 % du rendement de la fortune imposable aura aussi des effets sur les propriétaires d'immeubles donnés en location.

Dans l'ensemble en Suisse, quatre logements loués sur sept (env. 1,1 ou 1,2 million de logements) sont la propriété de particuliers,
soit d'env. 280 000 personnes.18 Comme les propriétaires de leur logement, ils devront revoir la structure de leur financement et, par conséquent la répartition de leurs placements après le changement de système et auront tendance à réduire leur dette hypothécaire. En raison de l'absence de données statistiques, il n'est pas possible de chiffrer les conséquences de ces recompositions de portefeuille sur le marché immobilier.

D'après l'OCDE et le FMI, la déduction des intérêts hypothécaires a conduit à un endettement privé élevé des ménages. De plus, les portefeuilles de titres sur hypothèque se sont révélés très fragiles pendant les récessions et les crises. Des études montrent en outre que la déduction des intérêts hypothécaires peut conduire à des bulles spéculatives sur le marché immobilier.19 Le changement de système proposé ici pourrait contribuer à diminuer l'endettement hypothécaire très élevé en Suisse, ce qui entraînerait une diminution souhaitable de la sensibilité aux récessions et aux crises (immobilières).

18 19

Cf. Gerheuser, Frohmut W, 2001, Mietbelastungen und Wohnverhältnisse, Band 73, Schriftenreihe Wohnungswesen, Bundesamt für Wohnungswesen, Granges.

OCDE, 2001, Moving Beyond the Crisis: Using Tax Policy to Support Financial Stability, Paris et FMI, 2009, Debt Bias and Other Distortions: Crisis-Related Issues in Tax Policy, Washington.

4870

Etant donné que la plupart des ménages demandent la déduction forfaitaire des frais d'entretien, la suppression de cette déduction n'aura pas de graves conséquences sur l'entretien des immeubles.

La réforme proposée permettra de réaliser de substantiels gains d'efficience en matière de frais de perception, d'acquittement et d'exécution. L'imposition de la valeur locative et la détermination des déductions autorisées compliquent la procédure de taxation. La détermination de la valeur locative donne toujours lieu à de longues explications entre les propriétaires et les autorités fiscales. Un changement de système permettra aussi de réduire les coûts politiques élevés de la réglementation actuelle (procédures judiciaires, commissions d'experts, débats parlementaires, votes, charges administratives, etc.). De même, la simplification de l'imposition des immeubles pourrait restreindre la possibilité des groupes d'intérêts d'exercer leur influence et de dilapider pour ce faire des moyens économiques.

Du point de vue de la politique de l'environnement, il faut saluer en particulier le fait que la déduction pour les mesures d'économie d'énergie et de protection de l'environnement est subordonnée à des exigences énergétiques et écologiques élevées, ce qui constitue une incitation à mieux préserver l'environnement. En revanche, l'imposition future des résidences secondaires laisse des questions ouvertes du point de vue écologique. Les conséquences différeront en effet suivant les mesures fiscales que prendront les cantons touristiques fortement touchés par la suppression de l'imposition de la valeur locative: des mesures modérées seraient une incitation à affecter des terrains à la construction de domiciles secondaires, ce qui n'est pas souhaitable d'un point de vue écologique et risquerait de provoquer des réactions des milieux écologistes vu la rareté des terrains encore disponibles dans les régions de montagne.

9

Aspects juridiques du contre-projet indirect

9.1

Constitutionnalité et légalité

9.1.1

Généralités

En matière d'impôts directs, l'art. 128 Cst. attribue à la Confédération la compétence de percevoir un impôt fédéral direct sur le revenu des personnes physiques.

L'art. 129 Cst. lui attribue en outre la compétence de fixer les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul des impôts, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Sont exclus de l'harmonisation les barèmes fiscaux, les taux d'imposition et les montants exonérés de l'impôt. Les dispositions relatives à l'imposition de la propriété privée du logement portent sur la détermination du revenu et de la fortune imposables, c'est-à-dire sur la base de calcul de l'impôt. La Confédération a donc la compétence d'introduire les modifications proposées dans la LHID.

Le législateur est tenu de respecter les droits fondamentaux. En matière d'impôts directs, il doit observer essentiellement le principe de l'imposition selon la capacité économique (art. 127 Cst.) en plus du principe de l'égalité de droit.

4871

9.1.2

Imposition de la propriété privée du logement

Le système actuel répond en principe aux exigences de l'égalité de traitement et de l'imposition selon la capacité économique. Ce système est cependant de plus en plus vidé de sa substance avec la demande incessante en faveur d'une baisse de la valeur locative et de déductions supplémentaires à but extrafiscal dans le domaine des mesures servant à économiser l'énergie et à préserver l'environnement. Conformément à l'art. 108 Cst., la Confédération prend des mesures pour promouvoir l'accession à la propriété de logements et de maisons familiales à l'usage personnel de particuliers et la construction de logements d'utilité publique. La notion de «construction de logements» comprend non seulement la construction de nouveaux logements mais aussi la rénovation des anciens20. Aux al. 2 et 3 de l'art. 108 Cst., la Constitution cite expressément les moyens à engager pour atteindre le but fixé. A la différence de l'art. 111, al. 4, Cst., qui règle la prévoyance individuelle, cet article ne mentionne pas les déductions fiscales. Si la Constitution ne les exige pas, elle ne les interdit pas non plus. Par ailleurs, la définition des mesures doit respecter les prescriptions de l'art. 35 Cst.: le législateur est donc tenu de respecter les droit fondamentaux même si les lois fédérales lient le Tribunal fédéral et les autres autorités qui appliquent le droit (art. 190 Cst.).

D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, une réglementation ne respecte pas le principe constitutionnel de l'égalité de traitement si elle établit des différences sans motif raisonnable ou si elle ne fait pas de différence lorsque c'est nécessaire. La question de l'existence d'un motif raisonnable peut s'apprécier différemment à des moments différents suivant l'évolution de l'opinion générale21. De fait, il a y toujours une certaine contradiction entre l'encouragement et l'égalité de traitement, car un encouragement entraîne par définition une inégalité de traitement envers tous les groupes qui n'en bénéficient pas. A tout encouragement correspond un groupe défavorisé sinon il n'y aurait pas d'encouragement. Les nouvelles solutions doivent donc respecter un cadre défendable et objectif.22 En l'occurrence, le Conseil fédéral propose de ne plus considérer la valeur locative comme un revenu imposable et de renoncer à la déduction des intérêts
passifs. Cette proposition est conforme à la Constitution selon la doctrine et la jurisprudence tout comme le système de l'imposition de la valeur locative avec déduction des intérêts passifs.

9.1.3

Intérêts passifs

D'après les principes généraux de la fiscalité, les intérêts passifs ne sont déductibles que dans la mesure où ils constituent des frais d'acquisition du revenu. Cela signifie que les intérêts passifs afférents au logement en propriété ne seront plus déductibles car ils ne seront plus associés à l'obtention d'un revenu imposable. La mise en oeuvre de ce principe s'avère cependant difficile car la nature formelle de ces intérêts n'est pas déterminante et l'attribution des intérêts passifs à certains revenus soulève des difficultés. Un traitement spécial des intérêts hypothécaires par rapport à 20 21 22

FF 1997 I 324 ATF 112 Ia 240 Böckli Peter/Meier Alfred, 1993, Abschaffung der Eigenmietwertbesteuerung, Gutachten zuhanden des Luzerner Regierungsrates, Lucerne, p. 74

4872

d'autres intérêts passifs ne serait pas judicieux et n'aurait pas d'autre effet que d'accorder aux contribuables aisés des possibilités de planification fiscale. Ces contribuables peuvent en effet choisir parmi leurs biens ceux qu'ils veulent engager pour emprunter du capital. Etant donné que les dettes ne peuvent pas être affectées à un bien particulier, une solution mathématiquement correcte de l'imposition des intérêts passifs s'avère difficile. Le droit actuel ne contient pas de solution correcte non plus puisqu'il accorde la déduction des intérêts passifs à concurrence du rendement imposable de la fortune plus 50 000 francs, sans effectuer de distinction entre les différents intérêts pour l'imposition du revenu.

L'adéquation de la réglementation relative à la déduction des intérêts passifs se mesure à l'aune de quatre critères fondamentaux: elle doit respecter les principes constitutionnels, être conforme au système fiscal (frais d'acquisition du revenu déductibles, frais afférents au train de vie non déductibles), convenir à un traitement de masse et ne pas créer des incitations indésirables (planification fiscale).

Avec la suppression de l'imposition de la valeur locative, la déduction des intérêts passifs ne doit être accordée que s'il existe un rendement imposable de la fortune, c'est-à-dire lorsque les intérêts passifs ont le caractère de frais d'acquisition du revenu. Etant donné que les intérêts passifs n'ont, suivant les circonstances, que partiellement le caractère de frais d'acquisition et qu'il est difficile de les attribuer à des biens déterminés, il paraît justifié de ne pas admettre leur entière déduction, mais de n'autoriser qu'une déduction à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune. Cette réglementation est praticable et assure l'égalité de traitement de tous les intérêts passifs privés qui ont le caractère de frais d'acquisition du revenu.

De plus, elle garantit que les propriétaires de logements ne seront pas désavantagés par rapport à d'autres personnes au regard du mandat constitutionnel d'encourager l'accession à la propriété et de la promotion de la construction de logements (art. 108 Cst.): ils pourront en effet continuer de déduire les intérêts passifs pour autant que leur fortune produise un rendement imposable. En revanche, les personnes dont la
fortune ne produit pas de rendement ne pourront plus déduire les intérêts passifs. Cette réglementation est plus restrictive que la solution proposée dans le contre-projet précédent basée sur le même principe fondamental, car la déduction est limitée à 80 % du rendement de la fortune. Par rapport à la réglementation actuelle, elle corrige l'incitation indésirable à l'endettement privé, en particulier en ce qui concerne la tendance à emprunter des capitaux pour financer des valeurs qui ne produisent pas de rendement imposable (bénéfices en capital privés non imposables obtenus à la Bourse).

Malgré ses avantages, la limitation de la déduction des intérêts passifs à 80 % du rendement imposable a aussi des faiblesses: la nouvelle réglementation peut, dans certains cas, permettre aux propriétaires de logement de déduire des intérêts passifs privés qui constituent des frais afférents au train de vie. Cette solution favorable aux propriétaires de logement se justifie néanmoins par des motifs de praticabilité, d'une part, et par le mandat constitutionnel d'encourager l'accession à la propriété du logement, d'autre part. Au surplus, la solution proposée s'avère nettement plus conforme au système que celle du droit en vigueur.

La déduction pour l'acquisition du logement proposée dans le présent contre-projet constitue en fait une dérogation au système. Elle est cependant justifiée par l'encouragement de l'accession à la propriété privée du logement, objectif politique inscrit dans la Constitution. Il sert à encourager l'accession à la propriété du logement en général (art. 108 Cst.) de même que la prévoyance individuelle (art. 111, 4873

al. 4, Cst.). En tant que mesure d'encouragement, cette déduction ne doit et ne peut pas nécessairement respecter entièrement le principe de l'égalité de traitement. Elle a pour but de diminuer la charge de certains contribuables pour qu'ils disposent de plus de fonds pour une action (acquisition de la propriété du logement) que la collectivité estime devoir encourager. Le plafonnement et la limitation de la déduction constituent une solution acceptable et défendable.

9.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les obligations internationales de la Suisse ne sont pas concernées par le réaménagement de l'imposition de la propriété privée du logement.

9.3

Frein aux dépenses

Il n'est pas nécessaire de soumettre le projet au frein aux dépenses.

4874