10.016 Message concernant l'approbation d'une convention entre la Suisse et le Qatar contre les doubles impositions du 20 janvier 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de la convention signée le 24 septembre 2009 avec le Qatar en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 janvier 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-2438

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Condensé Une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu a été signée le 24 septembre 2009 avec le Qatar.

Cette convention, qui, comme son nom l'indique, contient des règles destinées à éliminer les doubles impositions, apportera à la Suisse et à son économie des avantages importants sous l'angle du développement des relations économiques bilatérales, et contribuera notamment à maintenir et à promouvoir les investissements directs réciproques.

Pour l'essentiel, la convention suit le modèle de convention fiscale élaboré par l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques et la pratique suisse en la matière.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention.

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Table des matières Condensé

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1 Considérations générales sur les développements subséquents de la politique conventionnelle suisse en vue d'éviter les doubles impositions

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2 Contexte, déroulement et résultats des négociations

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3 Appréciation

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4 Commentaire par article

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5 Conséquences financières

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6 Constitutionnalité

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Arrêté fédéral portant approbation d'une convention entre la Suisse et le Qatar contre les doubles impositions (Projet)

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Convention entre la Confédération suisse et l'Etat du Qatar en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu

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Message 1

Considérations générales sur les développements subséquents de la politique conventionnelle suisse en vue d'éviter les doubles impositions

Les conventions de double imposition constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent l'activité de notre économie d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là-même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et morales, à un impôt résiduel aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et d'une manière générale à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a décidé d'adapter l'assistance administrative en matière fiscale aux données nouvelles de la politique internationale.

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Contexte, déroulement et résultats des négociations

Le Qatar est membre de l'Organisation Mondiale du Commerce depuis 1996. Il est également membre du Conseil de coopération arabe du Golfe (ci-après CCG), en vigueur depuis 2003 et constituant entre les six Etats membres (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis) une union douanière dotée d'un tarif extérieur unifié de 5 % (les biens importés sont estimés à 100 milliards d'USD par année). En outre, le Qatar et les autres membres du CCG ont signé le 22 juin 2009 avec les Etats de l'AELE, dont la Suisse, un accord de libre-échange ainsi que des accords agricoles bilatéraux.

L'économie du Qatar, au même titre que celle de la plupart des pays du Golfe, est largement dépendante de l'état des réserves de pétrole. Les avoirs provenant des revenus de pétrole, sous la forme de fonds dits «souverains», sont considérables (la «Qatar Investment Authority», établissement public chargé d'investir une partie du revenu du pétrole, disposait d'environ 60 milliards d'USD en septembre 2008) et le Qatar se montre désireux d'investir à l'étranger, notamment en Europe. En outre, depuis quelques années, le Qatar, soucieux de se diversifier en se tournant à la fois vers l'industrie et les services, a mis en place une politique de privatisation de l'économie afin de favoriser l'émergence d'un secteur privé.

La Suisse est liée au Qatar par un accord de promotion et de protection des investissements conclu le 12 novembre 2001 (RS 0.975.265.6). En 2008, la Suisse a exporté vers le Qatar des biens pour un montant de 506 millions francs. Une grande partie de ces exportations concerne le secteur des produits de luxe (bijoux et montres), les 2936

secteurs de la chimie et celui des machines. S'agissant des investissements directs en Suisse, Qatar Holding LLC, filiale entièrement détenue par la «Qatar Investment Authority», est un des actionnaires du Crédit Suisse pour un montant d'environ 6 milliards de francs et détient 9.9 % des droits de vote. Ainsi, les perspectives de croissance considérables du Qatar et la capacité d'investissement à l'étranger que lui confèrent ses fonds souverains confirment, d'une part, l'importance du Qatar comme partenaire économique et commercial et, d'autre part, l'intérêt que représentent pour les parties des investissements réciproques.

Au vu des investissements effectués par le Qatar en Suisse ainsi que de l'importance économique accrue des Pays du Golfe, d'une part, des effets de la crise financière internationale, d'autre part, il a été jugé opportun de donner une suite positive à la demande des Qataris d'ouvrir des négociations dans les meilleurs délais. Ces négociations ont eu lieu du 2 au 6 février 2009 à Berne. Le 6 février 2009, un projet de Convention a été paraphé.

Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral s'est engagé à reprendre, dans ses conventions contre les doubles impositions, l'art. 26 du Modèle de convention de 2005 de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (ci-après «OCDE») concernant l'échange de renseignements, et il retiré en conséquence la réserve que la Suisse avait faite relativement à cet article.

Pour honorer cet engagement, la Suisse a décidé d'entamer de nouvelles négociations avec le Qatar afin d'inclure dans le projet de Convention paraphé en février 2009 une disposition sur l'assistance administrative qui soit conforme à l'art. 26 du Modèle de Convention de l'OCDE. Ces nouvelles négociations se sont achevées le 13 août 2009 par l'apposition des paraphes sur le projet de Convention complété.

Ce projet de Convention a été signé à New York le 24 septembre 2009.

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Appréciation

Le Moyen-Orient compte aujourd'hui parmi les régions les plus dynamiques du monde. La capacité d'investissement à l'étranger du Qatar est importante et devrait s'orienter de plus en plus vers l'Europe. A l'heure actuelle, le Qatar conclut avec de nombreux pays de l'Union européenne des conventions contre les doubles impositions contenant des taux très favorables aux investissements (pour la plupart, le taux d'imposition à la source pour les dividendes et intérêts est de 0 %). Aussi la conclusion de cette convention vise-t-elle à renforcer la compétitivité de la Suisse, à éviter que les investissements s'orientent vers d'autres pays de l'Union européenne ou transitent par eux, et surtout à renforcer les relations économiques et commerciales entre la Suisse et le Qatar.

Mis à part les adaptations nécessaires pour tenir compte des particularités du droit du Qatar, le projet de Convention correspond dans une grande mesure au Modèle de Convention de l'OCDE et à la pratique conventionnelle suisse. Les solutions retenues en ce qui concerne l'imposition des dividendes et des intérêts doivent s'apprécier dans le contexte global, puisque la Convention améliorera les conditions fiscales des investissements du Qatar en Suisse et permettra vraisemblablement de retenir ces derniers. Les conditions générales qu'elle met en place permettront de maintenir et de promouvoir les investissements directs, ce qui est bénéfique au développement

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économique des deux pays. Enfin, elle permettra de combler une lacune du réseau conventionnel suisse au Moyen Orient.

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Commentaire par article

Afin de mieux comprendre les différentes solutions contenues dans les dispositions de la Convention, il est nécessaire d'exposer brièvement les particularités économiques et juridiques du Qatar.

Le Qatar a un système fiscal fondé sur le principe de territorialité et impose uniquement les personnes ou les sociétés étrangères (autre que les Etats du CCG) qui exercent une activité commerciale au Qatar. Cela signifie également que lorsqu'une société constituée d'après le droit du Qatar a pour actionnaire un étranger, seule la partie du bénéfice qui échoit à cet actionnaire étranger est soumise à l'impôt.

L'impôt sur les bénéfices est actuellement de 35 % et à cet impôt s'ajoute une redevance au titre des «sport and social programs» de 2.5 % que supportent les entreprises cotées en bourse. Toutefois, les personnes physiques ne sont pas soumises à l'impôt qatari sur le revenu.

Jusqu'à présent, le Qatar a pu couvrir ses dépenses publiques essentiellement par les recettes de l'activité pétrolière et par le rendement de ses investissements à l'étranger. Des discussions sont cependant en cours depuis un certain temps sur la façon dont le système du Qatar pourrait être modernisé en vue d'une augmentation des recettes fiscales.

En raison de cette situation particulière, l'existence d'une convention contre les doubles impositions n'est en soi que partiellement nécessaire. L'imposition limitée au Qatar a pour conséquence qu'une double imposition des mêmes revenus auprès d'une même personne contribuable, à l'heure actuelle, n'interviendra que rarement.

Une éventuelle non-imposition au Qatar pourrait toutefois faire craindre que des personnes domiciliées dans des Etats tiers tentent d'obtenir le bénéfice de la Convention par une personne interposée. C'est pourquoi une disposition générale prévoyant des consultations en vue d'éviter ce genre d'abus a été introduite dans le Protocole à la Convention. En ce qui concerne les personnes physiques, les dispositions de la Convention prévoient que dans le cas du Qatar, seules les personnes physiques qui possèdent leur foyer d'habitation permanent, leur centre des intérêts vitaux ou leur séjour habituel au Qatar, ce qui implique une présence substantielle dans cet Etat, seront considérées comme des résidents au sens de la Convention.

La Convention s'efforce de concilier
tant les intérêts suisses que les intérêts du Qatar, en tenant compte des particularités des deux systèmes. Ce souci a conduit à prévoir quelques règles spéciales, plus particulièrement à propos de la résidence (art. 4), des pensions (art. 18), mais également en ce qui concerne les méthodes employées pour éviter les doubles impositions (art. 22). Au reste, le projet de Convention suit en grande partie, sur le plan tant formel que matériel, le Modèle de Convention de l'OCDE ainsi que la pratique suisse en la matière. Les commentaires qui suivent se limitent aux principales dispositions qui dérogent à ce modèle et à la pratique suisse.

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Art. 2

Impôts visés

Le champ d'application matériel de la convention couvre uniquement les impôts sur le revenu, puisque le Qatar ne prélève pas d'impôt sur la fortune. L'impôt anticipé suisse sur les gains de loterie est exclu du champ d'application matériel conformément à la pratique conventionnelle suisse.

Art. 4

Résident

Comme il a été mentionné ci-dessus, à l'heure actuelle, le Qatar n'impose ni ses résidents (personnes physiques), ni les bénéfices perçus par des Qataris. Aussi des critères distincts sont-ils prévus pour les résidents du Qatar et les résidents de Suisse.

S'agissant du Qatar, une personne physique est résidente si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, si elle a son centre d'intérêts vitaux ou si elle séjourne de façon habituelle au Qatar, ce qui implique dans tout les cas une présence substantielle dans cet Etat; une personne morale est résidente du Qatar si elle est enregistrée au Qatar ou si sa direction effective se trouve dans cet Etat (par. 1, let. b). Par «présence substantielle», on entend qu'une personne physique passe la plupart de son temps au Qatar et que ses liens (familiaux, sociaux et professionnels) sont plus étroits avec le Qatar qu'avec tout autre Etat.

Selon le par. 2, les institutions gouvernementales constituées conformément au droit public, y compris les fonds souverains ou les autres fonds étatiques, sont considérés comme des résidents. Le fonds souverain est un fonds d'investissement financé par des fonds publics et de ce fait détenu et contrôlé par l'Etat. Le fonds souverain est donc une entité étatique à part entière qui a pour but d'investir les fonds issus de l'épargne nationale. La délégation suisse a saisi cette occasion pour également inclure dans la disposition les fonds de pension, ce qui correspond à la politique conventionnelle actuelle suisse (par. 2, let. b), et Protocole ad art. 4).

Art. 5

Etablissement stable

La convention prévoit, dans le cadre d'un compromis prenant en compte l'ensemble des solutions retenues dans la convention, que les chantiers de construction ou de montage constituent un établissement stable lorsque leur durée excède six mois. En outre, il est expressément précisé qu'un point de vente et les activités de prospection ou d'exploitation de ressources naturelles constituent un établissement stable.

Art. 7

Bénéfices des entreprises

La convention suit le principe fixé dans le Modèle de Convention de l'OCDE selon lequel les bénéfices d'une entreprise ayant un établissement stable dans l'autre Etat contractant ne peuvent y être imposés que dans la mesure où ils se rattachent effectivement à cet établissement stable.

Art. 10

Dividendes

Sont convenus un taux d'imposition de 0 % pour les dividendes payés par une société suisse à l'Etat ou à des institutions étatiques (notamment les fonds souverains) et à des fonds de pension. Les dividendes payés à un fonds souverain ou à un fonds étatique sont considérés comme versés à l'Etat puisque ces fonds appartiennent à l'Etat et sont contrôlés par lui. Conformément à la politique conventionnelle 2939

actuelle de la Suisse, les paiements de dividendes à des fonds de pension ou à des institutions de prévoyance bénéficient également du dégrèvement total de l'impôt à la source. Les placements collectifs dans lesquels investissent uniquement des institutions de prévoyance sont traités de la même manière que les investissements directs effectués par les institutions de prévoyance.

Il a été prévu un taux d'imposition de 5 % pour les sociétés détenant plus de 10 % du capital de la société distributrice, de 10 % pour les personnes physiques détenant plus de 10 % du capital de la société distributrice, et de 15 % pour les autres cas. Le Protocole (ch. 1) prévoit une disposition générale qui accorde la possibilité pour les autorités compétentes de se consulter pour éviter les abus. En outre, le Protocole spécifie (let. b) que les avantages prévus aux art. 10 et 11 ne seront pas accordés si l'objectif principal d'une personne concernée par la constitution ou l'attribution d'actions, de créances ou d'autres droits au titre desquels les dividendes ou les intérêts sont payés, est de bénéficier des avantages fiscaux prévus par ces articles.

Art. 11

Intérêts

Conformément à la politique conventionnelle suisse, le droit d'imposition des intérêts a été attribué de manière exclusive à l'Etat de résidence. Il est accompagné d'une disposition dans le Protocole destinée à prévenir les abus, comme pour les dividendes.

Art. 12

Redevances

Le Qatar exigeait un partage du droit d'imposition conformément au Modèle de Convention de l'Organisation des Nations Unies. Un projet de loi au Qatar prévoit en effet d'introduire une imposition à la source sur les redevances à un taux de 5 %.

Finalement, conformément à la politique conventionnelle suisse, le droit d'imposition des redevances a été attribué de manière exclusive à l'Etat de résidence.

Art. 14

Professions indépendantes

Comme dans d'autres conventions suisses contre les doubles impositions, il a été concédé un critère alternatif à la base fixe, relatif à la durée du séjour dans l'Etat de la source des revenus. Une activité indépendante exercée durant 183 jours au moins durant toute période de douze mois commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée y créera également un rattachement économique et donc un assujettissement limité des activités indépendantes. Toutefois, le droit d'imposition est limité aux revenus provenant des activités exercées dans l'Etat de la source.

Art. 18

Pensions

Il est prévu un droit d'imposition dans l'Etat de la source afin d'éviter une situation de double non-imposition, puisque les cotisations versées aux institutions de prévoyance sont déductibles en Suisse et que les pensions versées à des retraités ayant établi leur résidence au Qatar n'y seront pas imposées.

Art. 21

Autres revenus

Cette disposition attribue à l'Etat de résidence le droit exclusif d'imposer les éléments de revenu qui ne sont pas traités dans la convention. Conformément à la 2940

pratique conventionnelle suisse, l'impôt anticipé suisse sur les gains de loterie est exclu du champ d'application de cet article. Il en ira de même, le cas échéant, des gains de loterie qataris.

Art. 22

Elimination des doubles impositions

Le Qatar applique la méthode de l'imputation pour éviter les doubles impositions.

La Suisse applique quant à elle la méthode de l'exonération avec réserve de la progressivité et accorde, le cas échéant, l'imputation forfaitaire d'impôt pour les impôts à la source non récupérables sur les dividendes. Conformément à sa politique conventionnelle, la Suisse se réserve cependant la possibilité d'imposer les gains en capital provenant de la vente des sociétés immobilières si ces gains n'ont pas été effectivement imposés au Qatar.

En ce qui concerne les pensions, une imputation sur les impôts suisses est accordée pour les résidents suisses qui recevraient des pensions provenant du Qatar et imposées dans cet Etat. Cette situation est d'ordre théorique à l'heure actuelle.

Art. 23

Non-discrimination

Compte tenu du système fiscal particulier du Qatar, une disposition a été incluse dans le Protocole (ch. 5) qui prévoit que la non-imposition des nationaux qataris ne peut pas être considérée comme une discrimination au sens de l'art. 23.

Art. 25

Echange de renseignements

La Convention prévoit une clause sur l'échange sur demande des renseignements qui suit, dans les grandes lignes, le texte de l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE. En abandonnant la réserve qu'elle avait apportée cer article, la Suisse s'est engagée à reprendre ce standard.

Il a toutefois été apporté certaines modifications au texte du Modèle de convention de l'OCDE, afin de limiter l'échange de renseignements aux impôts couverts par la convention, d'exclure la transmission des renseignements aux autorités de contrôle, et de donner les pouvoirs nécessaires aux autorités compétentes des Etats contractants pour obtenir les renseignements requis de la part des banques, d'un autre établissement financier, d'un mandataire ou d'une personne agissant en tant que fiduciaire, ainsi que pour déterminer les droits de propriété dans une personne. Les modifications apportées aux dispositions sur l'échange de renseignements se fondent sur le commentaire du Modèle de convention de l'OCDE et correspondent au standard de l'OCDE en la matière.

Le premier paragraphe consacre le principe de l'échange des renseignements. Il prévoit l'échange des renseignements qui peuvent être pertinents pour appliquer les dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts visés par la convention. Comme les renseignements sont limités à ceux qui sont pertinents, la «pêche aux renseignements» est exclue. En outre, l'Etat requérant est tenu d'épuiser au préalable les sources habituelles de renseignements prévues par sa procédure fiscale interne avant de présenter une demande de renseignements à l'autre Etat (principe de subsidiarité). Pour appliquer cette disposition, il n'est pas nécessaire que le contribuable concerné soit un résident

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de Suisse ou du Qatar: l'existence d'un rattachement économique avec l'un des Etats contractants suffit.

Le deuxième paragraphe est consacré au principe de confidentialité et prévoit que les renseignements obtenus ne peuvent être communiqués qu'aux personnes ou autorités concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts au sens du par. 1, par les procédures et poursuites concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il s'ensuit que ces renseignements peuvent également être communiqués au contribuable ou à son représentant.

Le troisième paragraphe contient certaines limitations à l'échange de renseignements en faveur de l'État requis. Il est prévu que celui-ci n'est tenu, ni de prendre des mesures administratives allant au-delà des limites prescrites par sa propre législation ou par sa pratique administrative, ni de prendre des mesures administratives qui ne seraient pas autorisées par la législation ou par la pratique administrative de l'Etat requérant. Dans le cas de la Suisse, cela implique que le droit d'être entendu et les voies de recours sont protégés. En outre, l'Etat requis n'est pas obligé de fournir des renseignements qui ne peuvent être obtenus selon sa propre législation ou sa propre pratique administrative, ou selon la législation ou la pratique administrative de l'Etat requérant. Enfin, l'Etat requis peut refuser de communiquer des renseignements qui seraient contraires à l'ordre public ou qui révéleraient un secret commercial, ce qui pourrait être le cas si l'Etat requérant ne prend pas toutes les mesures propres à garantir que les renseignements concernés seront effectivement tenus secrets.

Le quatrième paragraphe prévoit que l'Etat requis a l'obligation d'échanger des renseignements même dans le cas où il n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa propre législation fiscale. Ainsi, l'échange de renseignements n'est pas limité aux seuls renseignements qui présentent un intérêt pour les autorités fiscales de l'Etat requis.

Le cinquième paragraphe contient des dispositions particulières concernant les renseignements qui sont détenus pas les banques, les autres intermédiaires ou qui concernent les droits de propriété dans une personne. De tels renseignements doivent être échangés nonobstant les limitations
prévues au par. 3. L'Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même lorsque ces renseignements ne sont pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire. Toutefois, cette disposition suppose que les renseignements demandés soient disponibles. Ainsi, une demande concernant les droits de propriété dans une société par actions au porteur ne devra par conséquent être satisfaite que si ces informations peuvent effectivement être obtenues par les autorités de l'Etat requis, nonobstant d'éventuelles restrictions de droit interne.

Dans les cas de fraude fiscale, la Suisse possède, en vertu de sa procédure pénale de droit interne, les moyens nécessaires pour obtenir les renseignements visés au par. 5.

L'échange de renseignements selon la Convention en discussion ne présuppose plus toutefois l'existence d'une fraude fiscale. Afin de permettre aux Etats contractants d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles obligations conventionnelles, la dernière phrase du par. 5 constitue la base légale nécessaire pour leur donner les pouvoirs de procédure dont ils ont besoin pour obtenir les renseignements demandés. La procédure applicable fera l'objet d'une ordonnance du Conseil fédéral. La question de

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savoir si l'ordonnance devra par la suite être remplacée par une loi est actuellement à l'examen.

Les dispositions sur l'échange de renseignements sont précisées au ch. 6 du protocole. Les principes de subsidiarité et de l'interdiction de la pêche aux renseignements sont expressément mentionnés. En outre, la demande de renseignements doit inclure un certain nombre d'éléments, tels que l'identification claire du contribuable concerné ainsi que du détenteur de renseignements (par exemple une banque) présumé être en possession des renseignements demandés. Il s'ensuit que l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes d'échange de renseignements émises dans des cas particuliers. Faute de la mention des éléments nécessaires à l'identification du détenteur des informations, la Suisse, en tout cas, ne sera pas en mesure de donner suite à une demande de renseignements. Par ailleurs, il est précisé qu'aucune obligation n'incombe aux Etats contractants de procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique, sans pour autant que cela leur soit interdit, dans la mesure où leur législation nationale le prévoit. Enfin, les règles de procédure administrative relatives aux droits des contribuables sont applicables: cette précision vise à garantir une procédure équitable aux contribuables, mais ne doit pas empêcher ou retarder indûment le processus d'échange de renseignements.

Art. 27

Entrée en vigueur

La convention entrera en vigueur à la date de réception de la dernière des notifications concernant l'achèvement des procédures internes requises en vue de l'entrée en vigueur de la convention. Ces dispositions seront applicables dès le 1er janvier qui suit cette date.

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Conséquences financières

Lorsque deux Etats concluent une convention de double imposition, ils renoncent tous deux à certaines recettes fiscales. Pour la Suisse, ces pertes résultent en particulier du remboursement total ou partiel de l'impôt anticipé et, dans la mesure où les bases légales seraient modifiées dans ce domaine en droit interne qatari, de l'imputation de l'impôt à la source qatari prélevé sur les dividendes en vertu de l'art. 10. Le manque à gagner résultant du remboursement partiel ou total de l'impôt anticipé à des résidents du Qatar devrait revêtir une certaine importance mais il est impossible à chiffrer par manque d'instruments adéquats.

En revanche, l'imputation forfaitaire d'impôt introduite par l'arrêté du Conseil fédéral du 22 août 1967 n'aura pas d'incidence, du moins pour le moment, sur les finances publiques suisses. Dans l'ensemble, la convention se traduit toutefois par des avantages considérables, et elle devrait supprimer les distorsions de concurrence possibles dont souffrent encore les entreprises suisses par rapport à celles d'autres Etats européens présentes sur le marché qatari. Par ailleurs, les conventions de double imposition sont conclues avant tout dans l'intérêt des contribuables, et elles favorisent de manière générale la coopération économique, ce qui est l'un des buts principaux de la politique de la Suisse en matière de commerce extérieur. Enfin, la convention permet de maintenir l'attrait de la place financière suisse pour les investisseurs qatari.

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Constitutionnalité

La Convention se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour l'approuver, en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst.. La Convention a été conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée à tout moment pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Cependant, depuis le 1er août 2003, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3 de la Constitution, les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum facultatif en matière de traités internationaux. Or, conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10), sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. D'un autre coté, afin de garantir une application cohérente de l'art. 141, al.1, let.

d, ch. 3, Cst., et d'éviter que soient soumis au référendum de façon répétée des accords similaires, le Conseil fédéral a précisé, dans le message du 19 septembre 2003 relatif à la convention contre les doubles impositions avec Israël, qu'il accompagnerait dorénavant les accords qu'il présenterait au Parlement de la proposition de ne pas les soumettre au référendum facultatif en matière de traités internationaux, pour autant que ces accords n'entraînent pas de nouvelles obligations pour la Suisse.

La disposition en matière d'échange de renseignements, qui résulte de la décision prise le 13 mars 2009 par le Conseil fédéral de retirer la réserve faite à l'art. 26 du modèle de convention modèle de l'OCDE, est nouvelle pour la Suisse. La nouvelle convention contient donc une disposition importante au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. par rapport aux engagements convenus jusqu'à présent avec d'autres Etats. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation d'une convention entre la Suisse et le Qatar contre les doubles impositions devra être soumis au référendum facultatif.

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