08.447 Initiative parlementaire Garantie de la confidentialité des délibérations des commissions et modification des règles légales relatives à l'immunité Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 19 août 2010

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur le Parlement et du règlement du Conseil national, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

Les propositions concernant le droit disciplinaire parlementaire (visant à garantir la confidentialité des délibérations des commissions) ont été élaborées par la Commission des institutions politiques; les propositions relatives à l'immunité parlementaire l'ont été par la Commission des affaires juridiques (08.497 Iv. pa. Modification des règles légales relatives à l'immunité).

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

19 août 2010

Pour la commission: Le président, Yvan Perrin

2010-2047

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Condensé Aux termes du droit en vigueur, ce sont le Conseil national et le Conseil des États qui statuent, en dernière instance, en matière de sanctions disciplinaires touchant les députés et de requêtes visant à lever l'immunité des députés et des magistrats.

Dans les deux cas, il s'agit de décisions qui doivent être prises d'abord en fonction non pas de critères politiques, mais de critères juridiques. De par leur nature même, les conseils sont toutefois peu appropriés à tenir ce rôle. Ainsi, la Commission des affaires juridiques (CAJ) et la Commission des institutions politiques (CIP) proposent que les conseils délèguent ces compétences aux commissions.

Le droit disciplinaire interne au Parlement vise à maintenir l'ordre dans la salle du conseil, à préserver l'image de «l'autorité suprême de la Confédération» (art. 148 Cst.) et surtout à garantir l'exercice des attributions du Parlement et de ses organes fixées par la Constitution. La garantie de la confidentialité des délibérations des commissions parlementaires représente une condition essentielle pour l'exercice de leurs attributions. Renoncer à cette confidentialité menacerait leur fonctionnement en ce sens qu'elles ne pourraient plus faire valoir, envers le Conseil fédéral, leur droit à obtenir aussi des informations qui ne sont pas destinées au public. Si les séances des commissions n'étaient pas confidentielles, celles-ci auraient davantage de difficultés à trouver des compromis ou des solutions susceptibles de recueillir une majorité. Dès lors, les décisions seraient prises hors de la sphère parlementaire, au sein d'organes non publics, dont la composition n'est pas aussi représentative que celle des commissions et qui ne fonctionnent pas selon les règles de la démocratie.

L'importance capitale de la confidentialité des délibérations des commissions pour l'exercice des attributions du Parlement et, partant, pour la démocratie, justifie la punition de sa violation au moyen de sanctions disciplinaires. Ainsi que le démontrent les expériences faites récemment, la procédure appliquée aujourd'hui n'est pas des plus adéquates. La CIP propose donc d'instituer un organe compétent ad hoc et d'améliorer la procédure afin de créer les conditions permettant au droit disciplinaire de déployer pleinement ses effets, en garantissant notamment le
secret de fonction. Au Conseil national, ce n'est plus le bureau, déjà amplement sollicité, qui serait compétent en matière de sanctions disciplinaires, mais une nouvelle commission permanente, de taille réduite. Quant au bureau, il ne serait plus saisi que des recours déposés contre de telles sanctions, en lieu et place du conseil.

Enfin, cette nouvelle commission permanente statuerait aussi, au Conseil national, sur les demandes de levée d'immunité. Les conseils eux-mêmes ne s'en occuperaient donc plus. Pour que l'entrée en matière sur une requête de ce type soit décidée ou pour que l'immunité puisse être levée, une commission du Conseil des États devra prendre une décision concordante.

Alors que la majorité de la CAJ et une minorité de la CIP désirent maintenir l'immunité relative des députés tout en la limitant quelque peu (voir ci-après), la majorité de la CIP et une minorité de la CAJ souhaitent l'abolir purement et simplement, estimant que les députés ne sauraient bénéficier de privilèges qui leur

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permettraient, dans le cadre des débats politiques, de commettre des infractions telles que des atteintes à l'honneur sans avoir à craindre de poursuites pénales. En revanche, elles ne veulent rien changer pour ce qui est de l'immunité absolue ­ autrement dit la protection contre les poursuites pénales dont bénéficie tout député pour des propos tenus devant les conseils ou leurs organes ­, tout comme pour ce qui est de l'immunité relative des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, qui occupent des positions particulièrement exposées, pour les infractions en rapport direct avec leurs fonctions ou leurs activités. Par contre, l'immunité relative dont bénéficiaient jusqu'ici les membres du Conseil fédéral et des tribunaux fédéraux pour les infractions sans rapport direct avec leurs fonctions ou leurs activités doit, elle aussi, être abolie.

À l'instar de la majorité de la CAJ, une minorité de la CIP souhaite maintenir l'immunité relative des députés, tout en la dotant d'une définition plus stricte. Si l'immunité était jusqu'ici garantie pour toutes les infractions en rapport avec les activités parlementaires, elle doit l'être désormais pour autant qu'il y ait un rapport «direct» avec lesdites activités. L'immunité relative a pour but de protéger les députés de poursuites pénales que des tiers pourraient lancer en vue de porter préjudice aux représentants du peuple dans l'exercice de leur mandat; toutefois, si un député est poursuivi en raison d'atteintes à l'honneur qu'il aurait commises dans le cadre de ses activités de journaliste ou de professeur, par exemple, il ne doit pas être favorisé par rapport à ses confrères qui ne siègent pas au Parlement.

Enfin, une deuxième minorité de la CIP rejette pour sa part toute restriction de l'immunité relative, car elle considère que la formulation choisie ne permet pas de clarifier cette notion comme il le faudrait.

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Table des matières Condensé

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1 Genèse du projet 1.1 Sanctions disciplinaires 1.1.1 Genèse des dispositions en vigueur 1.1.2 Application du droit disciplinaire 1.1.3 Interventions visant à modifier le droit disciplinaire 1.1.4 Élaboration d'un projet par la Commission des institutions politiques (CIP) 1.2 Immunité 1.2.1 Droit en vigueur et pratique récente 1.2.1.1 Portée de l'immunité parlementaire 1.2.1.2 Compétence 1.2.2 Réexamen des règles sur l'immunité par la Commission des affaires juridiques (CAJ)

6723 6723 6723 6724 6725

2 Grandes lignes du projet 2.1 Confidentialité des délibérations des commissions 2.2 Droit disciplinaire interne au Parlement 2.3 Immunité parlementaire 2.4 Délégation de compétences aux commissions parlementaires 2.5 Organes compétents au sein de l'Assemblée fédérale

6729 6729 6731 6733 6734 6735

3 Commentaire des dispositions 3.1 A. Modification de la loi sur le Parlement (LParl) 3.2 B. Modification du règlement du Conseil national

6738 6738 6745

4 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

6747

5 Bases légales

6747

A

Loi sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl) (Projet)

6749

B

Règlement du Conseil national (RCN) (Projet)

6757

6722

6725 6726 6726 6726 6727 6728

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Sanctions disciplinaires

1.1.1

Genèse des dispositions en vigueur

Avant la modification du règlement du Conseil national (RCN) du 3 février 1995, le droit parlementaire n'autorisait des sanctions disciplinaires qu'à l'effet de maintenir l'ordre dans la salle pendant une séance du plénum. Ces sanctions disciplinaires se sont perpétuées jusqu'à aujourd'hui. Elles résident notamment dans la possibilité pour le président du conseil de retirer la parole au député qui n'observerait pas son rappel à l'ordre pour cause d'injures ou de violation des règles de procédure. Le président peut en outre sommer un député de quitter la salle ou l'exclure de la séance si, en dépit d'une exhortation de sa part, il continue à troubler les délibérations. Le député concerné peut déposer un recours auprès du conseil (art. 13, al. 1 et 3, LParl; précédemment, art. 52 RCN du 22 juin 1990; le RCE ne connaissait pas de disposition similaire).

À la session de printemps 1994, il est apparu qu'un député abusait du système de vote électronique, qui venait d'être installé dans la salle du Conseil national, en votant en même temps et pour lui et pour une de ses voisines. Cet incident a conduit la Commission des affaires juridiques à déposer un postulat (94.3180), par lequel elle invitait le bureau du conseil à étudier la possibilité d'introduire des sanctions plus sévères en cas de violation intentionnelle de la procédure de vote. Dans son rapport du 11 novembre 1994, le bureau a proposé de modifier le RCN comme suit: «Si un membre du conseil enfreint gravement les règles de conduite auxquelles sont soumis les parlementaires, le bureau peut lui infliger un blâme. Le bureau entend le député concerné. En cas de recours, le conseil décide sans délibérer.» (FF 1995 II 612) Le conseil a adopté cette modification le 3 février 1995. À titre d'exemple d'infraction grave, le rapport mentionnait, outre le «non-respect de la procédure de vote», le «non-respect de la confidentialité des séances».

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, les sanctions disciplinaires n'étaient prévues qu'au niveau de l'ordonnance ­ le RCN étant assimilable à une ordonnance de l'Assemblée fédérale. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles ont été formellement inscrites dans une loi, répondant ainsi aux exigences de l'art. 164 Cst. Simultanément, une nouvelle sanction a été introduite: si un député
enfreint gravement les prescriptions en matière d'ordre ou de procédure, il peut être exclu pour six mois au plus des commissions dont il est membre. Par ailleurs, la violation du secret de fonction a été expressément indiquée comme étant un motif de sanction. Ces dispositions sont étroitement liées au développement du droit à l'information dans l'exercice du mandat parlementaire. En effet, le droit de à l'information étendu donné aux députés et aux commissions pour leur permettre de mener leur mission à bien suppose en contrepartie qu'ils respectent le secret de fonction (cf. art. 8 LParl). Et compte tenu de ce que le droit parlementaire en jeu est un droit majeur, le Parlement doit pouvoir punir disciplinairement toute violation du secret de fonction.

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1.1.2

Application du droit disciplinaire

Dans la pratique, s'il est un sujet qui revient constamment sur le tapis, et depuis longtemps, c'est bien la violation du secret de fonction (sous la forme d'infractions à la confidentialité des délibérations des commissions). Souvent, l'origine de l'indiscrétion reste inconnue, de sorte que la question de savoir s'il convient de prononcer des sanctions disciplinaires ou non ne se pose pas. Toutefois, même dans les cas où la source de l'indiscrétion a été identifiée, cette question n'a pas été posée. Parfois, les indiscrétions commises ont suscité des discussions animées sur la finalité de la confidentialité des délibérations des commissions; ces discussions se sont généralement soldées par un appel au respect des prescriptions (cf. par ex. le communiqué de presse du 20 octobre 2006 de la CIP du Conseil national: «La CIP-N souligne l'importance de la confidentialité des séances de commission et condamne les fuites»).

Le Bureau du Conseil national n'a infligé que deux fois un blâme à un député en vertu de l'art. 9, al. 6, du RCN qui a été en vigueur du 3 février 1995 au 1er décembre 2003: le 2 décembre 1996, pour des déclarations concernant un document confidentiel de la commission d'enquête parlementaire chargée alors d'examiner les problèmes relatifs à l'organisation et à la conduite de la Caisse fédérale de pensions (BO 1996 N 2091), et le 17 juin 2003, pour une déclaration injurieuse (BO 2003 N 1090). Dans les deux cas, le député concerné a accepté le blâme.

Dans une lettre du 6 mars 2007, le Bureau du Conseil national a fait savoir que l'art. 13, al. 2, LParl, en vigueur depuis le 1er décembre 2003, serait appliqué «à compter de ce jour». Le bureau y relevait en outre qu'il appartient aux commissions de lui signaler tout manquement aux prescriptions concernées. Cette façon de procéder découle d'une lettre que le président de la CIP a adressée le 28 septembre 2006 au bureau. Il y informait ce dernier qu'il était chargé par la commission de l'avertir que deux membres de la CIP avaient violé la confidentialité des délibérations des commissions, et il le priait d'examiner s'il convenait de prononcer des sanctions disciplinaires. Le bureau a appliqué l'art. 13, al. 2, LParl pour la première fois le 10 mars 2008, en infligeant un blâme à cinq membres de la Commission de la science, de l'éducation
et de la culture (CSEC), qui avaient rendu publiques les déclarations de certaines personnes ayant participé à l'une de ses séances. Puis, le 19 mars 2008, le bureau a infligé un blâme à deux autres députés. Ceux-ci avaient tenu une conférence de presse tout de suite après une séance de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) afin de commenter ses décisions, alors que celle-ci ne devait informer officiellement à ce propos que quelques heures plus tard. Dans les deux cas, le bureau a menacé les députés sanctionnés de prononcer contre eux, en cas de récidive, la sanction disciplinaire la plus sévère, à savoir de les exclure des commissions dont ils étaient membres. Ces sept députés ont déposé un recours. Le 20 mars 2008, devant le conseil, le président du conseil a motivé les blâmes et quatre des députés concernés ont eu l'occasion de justifier leur recours. Au final, le conseil a approuvé les recours par 129 voix contre 40, respectivement par 113 voix contre 63, annulant ainsi les blâmes infligés par le bureau (BO 2008 N 443).

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1.1.3

Interventions visant à modifier le droit disciplinaire

Les discussions qui ont eu lieu au printemps 2008 sur les indiscrétions et les sanctions y afférentes ont conduit à une remise en question du droit en vigueur.

Le 2 avril 2008, le Bureau du Conseil national a décidé de suspendre le traitement d'un nouveau cas de violation du secret de fonction et prié la CIP de se pencher sur le droit en vigueur.

À la session de printemps 2008, trois initiatives parlementaires ont été déposées dans ce domaine. Deux d'entre elles (08.410 Iv. pa. Groupe V. Publication des procèsverbaux des commissions; 08.427 Iv. pa. Noser. Procès-verbaux des commissions.

Publication) demandaient qu'il soit mis un terme à la confidentialité des délibérations des commissions. Le 26 juin 2008, la CIP a proposé de rejeter ces deux initiatives, chaque fois par 14 voix contre 11; le conseil s'est rallié à la décision de sa commission et, le 25 septembre 2008, il les a lui aussi rejetées, respectivement par 106 voix contre 56 et par 98 voix contre 60 (BO 2008 N 1357). Au contraire de ces initiatives, la troisième demandait l'introduction de sanctions disciplinaires plus sévères (08.422 Iv. pa. Lustenberger. Commissions parlementaires. Confidentialité).

Si, à l'instar de l'auteur de l'initiative, une majorité de la CIP a estimé que l'Assemblée fédérale gagnerait à mieux protéger la confidentialité des délibérations des commissions, elle n'approuvait pas pour autant les moyens proposés pour y parvenir. En effet, elle était d'avis qu'il s'agissait moins de durcir les sanctions que de mettre sur pied une procédure qui permette de les appliquer efficacement. C'est pourquoi la commission a décidé, par 15 voix contre 8, de déposer une initiative ad hoc (08.447 Iv. pa. CIP-CN. Garantir la confidentialité des délibérations des commissions), à la suite de quoi le conseiller national Ruedi Lustenberger a retiré son texte.

En se prononçant, le 28 août 2008, à l'unanimité en faveur de l'initiative parlementaire de la CIP-N, la CIP-E a par là-même donné son feu vert à l'élaboration d'une révision de la loi.

1.1.4

Élaboration d'un projet par la Commission des institutions politiques (CIP)

Le 21 novembre 2008, la CIP a pris plusieurs décisions de principe en vue d'une révision de la loi. Sans opposition, elle a d'abord confirmé qu'il n'y avait pas lieu, à ses yeux, de revoir la nature des sanctions disciplinaires actuelles. Elle a également campé sur ses positions au sujet des dispositions en vigueur sur la confidentialité des délibérations des commissions, refusant par 14 voix contre 6 d'envisager leur assouplissement, même partiel. En revanche, elle a estimé qu'il fallait modifier la procédure en matière de sanctions disciplinaires: le recours auprès du conseil devrait être aboli; la première instance et l'instance de recours devraient être des organes du conseil.

La CIP a pris acte que la Commission des affaires juridiques (CAJ) du Conseil national était parvenue à une conclusion semblable, s'agissant de la procédure, lors de son examen des dispositions légales relatives à l'immunité parlementaire (08.497 CAJ-CN. Modification des règles légales relatives à l'immunité): pour la CAJ, les conseils doivent confier à des commissions le traitement des requêtes visant à lever l'immunité.

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Comme les travaux des deux commissions (CAJ et CIP) se rejoignent sur un élément central, la CIP s'est penchée, le 19 février 2009, sur un avant-projet dans lequel son secrétariat a essayé de réunir les objectifs des deux commissions. La CIP ayant approuvé cet avant-projet, elle le transmet aujourd'hui pour avis à la CAJ (qui le complétera en outre pour ce qui est de la redéfinition de l'immunité relative, à laquelle elle a prévu de procéder et qui n'a pas été soumise à l'examen préalable de la CIP) ainsi qu'au Bureau du Conseil national, qui est également concerné.

À sa séance du 19 août 2010, la CIP a pris acte des avis et des propositions de la CAJ et du Bureau, qu'elle a en grande partie repris dans le présent rapport et dans les projets d'acte; la commission a également suivi certaines propositions de minorité émanant de la CAJ. Au vote sur l'ensemble, le projet a été approuvé par 14 voix contre 0 et 8 abstentions.

1.2

Immunité

1.2.1

Droit en vigueur et pratique récente

1.2.1.1

Portée de l'immunité parlementaire

En plus de l'immunité dite absolue (absence de responsabilité juridique pour les propos tenus devant les conseils et leurs organes; art. 162, al. 1, Cst. et art. 16 LParl), qui n'est pas en discussion ici, les députés sont au bénéfice d'une immunité dite relative parce qu'elle peut être levée: «Un député soupçonné d'avoir commis une infraction en rapport avec ses fonctions ou ses activités parlementaires ne peut être poursuivi qu'avec l'autorisation de l'Assemblée fédérale.» (art. 17 LParl). Si les reproches concernent «un crime ou un délit qui n'a pas trait à ses fonctions ou activités parlementaires», le député ne bénéficie que d'une protection limitée destinée à lui permettre de participer aux sessions (art. 20 LParl). Si la participation du député aux sessions n'est pas en cause et si les faits qui lui sont reprochés ne sont pas «en rapport avec ses fonctions ou ses activités parlementaires», il ne jouit d'aucune protection et peut faire l'objet d'une poursuite pénale comme n'importe quel particulier; si les Chambres fédérales sont saisies d'une demande de lever l'immunité dans de telles circonstances, elles doivent constater qu'il ne s'agit pas d'un cas d'immunité et refuser d'entrer en matière sur la demande.

La condition du rapport avec les fonctions ou les activités parlementaires, et donc celle de la portée de l'immunité relative, a fait l'objet de discussions nourries lors du traitement de deux cas récents, les cas 06.088 (Schlüer) et 07.034 (Mörgeli).

Le premier cas concernait un commentaire du conseiller national Ulrich Schlüer intitulé «Le dénonciateur» qui avait paru le 10 février 2006 dans le journal «Schweizerzeit», journal dont M. Schlüer était le rédacteur en chef depuis de nombreuses années; M. Schlüer y attirait l'attention de ses lecteurs sur le comportement d'un avocat bernois à l'origine d'une procédure pénale dont il fut lui-même l'objet en tant que rédacteur en chef. Suivant la proposition de la majorité de sa commission, le Conseil national admit le rapport avec le mandat parlementaire et décida d'entrer en matière sur la demande de lever l'immunité; il refusa cependant de lever celle-ci (BO 2007 N 564 ss.). La CAJ du Conseil des Etats proposa au contraire de ne pas entrer en matière: elle estimait que M. Schlüer ne s'exprimait pas en sa qualité de conseiller national, mais en tant que personne privée, ou, plus exactement, en tant que rédacteur en chef de la revue, activité qu'il exerçait d'ailleurs déjà avant de 6726

devenir conseiller national; elle insistait sur la nécessité de respecter l'égalité de traitement entre tous les journalistes et de ne pas privilégier ceux qui étaient aussi parlementaires fédéraux. Le Conseil des Etats suivit la proposition de sa commission et refusa d'entrer en matière par 20 voix contre 7 (BO 2007 E 653 ss.). Le Conseil national finit par se rallier au Conseil des Etats par 91 voix contre 75 (BO 2007 N 1376 ss.). La procédure pénale put donc suivre son cours.

Le second cas concernait une colonne publiée par le conseiller national Christoph Mörgeli dans l'hebdomadaire «Die Weltwoche» du 6 avril 2006. M. Mörgeli y affirmait notamment que, dans les «manifestes anticapitalistes» que M. Frank A.

Meyer publiait régulièrement, celui-ci utilisait un «vocabulaire nazi»; il établissait un parallèle entre la description faite par M. Meyer des «managers globalisés, sans racines et avides» et la «haine de petits-bourgeois» manifestée par le peuple allemand au milieu du siècle passé contre la «juiverie mondiale». La CAJ décida par 11 voix contre 6 avec 2 abstentions de proposer au Conseil national d'entrer en matière sur la demande de lever l'immunité. La majorité de la commission estimait qu'il existait un lien entre les lignes de M. Mörgeli et son mandat parlementaire: le texte publié dans la «Weltwoche» portait la mention de la qualité de conseiller national de M. Mörgeli, celui-ci n'interviendrait pas dans ce périodique s'il n'était pas membre du Parlement et les sujets abordés, en particulier celui de la rémunération de la classe dirigeante dans l'économie, étaient à la fois d'intérêt général et de nature politique; toute pratique plus restrictive limiterait la nécessaire liberté des parlementaires de s'exprimer sur de tels sujets. La minorité de la commission considérait au contraire que les propos de M. Mörgeli n'avaient pas de lien avec son mandat parlementaire; dans de telles circonstances, l'immunité serait un privilège sans justification suffisante. La minorité insistait sur l'inégalité de traitement entre M. Mörgeli, conseiller national et donc protégé par l'immunité selon l'argumentation de la majorité de la commission, et les autres auteurs de colonnes dans la «Weltwoche» ­ l'un était ancien conseiller national et ancien président de parti national ­ qui ne bénéficiaient
d'aucune protection. M. Meyer ayant retiré sa plainte pénale quelque temps après la séance de la commission, la demande de lever l'immunité devint sans objet et l'affaire ne fut pas traitée au plénum du Conseil national (sur l'ensemble de l'affaire, voir le communiqué de presse de la CAJ du Conseil national du 27 avril 2007).

1.2.1.2

Compétence

Sous réserve de la compétence des présidents des CAJ de liquider de manière simplifiée les demandes manifestement infondées (Art. 21, al. 3 in fine RCN et art. 17, al. 4 in fine RCE), les décisions sur les demandes de lever l'immunité sont prises par les plénums des deux conseils. Les compétences des CAJ se limitent à un examen préalable des demandes; seule la proposition à faire au conseil est en discussion.

Lors du traitement du cas d'immunité Brunner (08.052), les débats au Conseil national furent houleux et les propos échangés, souvent virulents (BO 2008 N 1447 ss; 2009 N 422 ss. Cf. ég. BO 2008 N 1385 ss). Dans cette ambiance tendue, la CAJ eut quelque peine à faire entendre sa voix; elle fut même attaquée à plusieurs reprises, ce qui amena sa présidente à prendre exceptionnellement la parole pour défendre le travail de la commission (BO 2008 N 1452).

6727

1.2.2

Réexamen des règles sur l'immunité par la Commission des affaires juridiques (CAJ)

La CAJ décida le 1er juin 2007 d'instituer une sous-commission chargée de procéder à un réexamen global des différentes formes de l'immunité parlementaire et de faire les propositions qui s'imposaient. La sous-commission procéda à une série d'auditions et se fit produire divers renseignements lui permettant d'avoir une vue d'ensemble de la situation (réglementation juridique dans les cantons et à l'étranger, pratique de l'Assemblée fédérale, jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'admissibilité de l'immunité parlementaire1, tentatives passées de modifier les règles sur l'immunité parlementaire). Après avoir examiné plusieurs variantes envisageables, elle arriva le 25 août 2008 à la conclusion que deux mesures étaient souhaitables: d'une part, dans le prolongement de la pratique suivie dans le dossier Schlüer, restreindre la portée de l'immunité relative en exigeant que les faits sur lesquels portent la procédure pénale soient liés de manière qualifiée au mandat parlementaire; d'autre part, ne plus traiter les demandes de lever l'immunité dans les plénums des conseils mais uniquement au niveau des commissions, la souscommission privilégiant la création d'une commission commune aux deux conseils.

La CAJ fit siennes les propositions de sa sous-commission et décida le 17 octobre 2008 de déposer l'initiative parlementaire suivante: «(1) Un rapport direct entre l'infraction reprochée au député et les fonctions ou les activités parlementaires de celui-ci est exigé. (2) Le traitement des cas d'immunité n'a plus lieu au plénum des conseils; il est confié de manière définitive soit à une commission commune aux deux conseils (nouvellement créée), soit à deux commissions (existantes ou à créer) siégeant séparément.» (08.497). La CAJ du Conseil des Etats approuva le dépôt de cette initiative le 7 avril 2009.

Le 3 mars 2009, la CIP invita la CAJ à prendre position sur l'avant-projet de mise en oeuvre de sa propre initiative 08.447 («Garantir la confidentialité des délibérations des commissions»). Cet avant-projet, qui concernait le traitement des cas disciplinaires, avait été préparé en tenant compte du souhait de la CAJ de ne plus traiter les demandes de lever l'immunité aux plénums des conseils.

Dans un premier temps, la CAJ privilégia la création d'une nouvelle commission commune
aux deux conseils, composée paritairement et compétente pour traiter les procédures disciplinaires et les demandes de lever l'immunité. La commission y voyait deux avantages, décisifs à ses yeux: d'une part, la procédure gagnait en efficacité ­ une décision pouvait être prise rapidement ­, d'autre part et surtout, il devenait possible de développer une pratique cohérente ­ plus de risque de décisions contradictoires des deux conseils ­, ce qui était hautement souhaitable dans les deux domaines sensibles de la discipline et de l'immunité.

La CIP ayant maintenu son opposition à la création d'une commission commune aux deux conseils (cf. arguments exposés au ch. 2.5 du présent rapport), la CAJ réexamina sa position le 29 octobre 2009 et se rallia au concept de la CIP de deux commissions distinctes, siégeant séparément dans chaque conseil. Elle chargea donc sa sous-commission d'examiner l'avant-projet de la CIP et de préparer d'éventuelles 1

Cf. notamment arrêts du 17 décembre 2002 dans la cause A. c. Royaume-Uni (35373/97), du 30 janvier 2003 dans la cause Cordova no 1 (40877/98) et no 2 (45649/99), du 3 juin 2004 dans la cause De Jorio (73936/01) et du 6 décembre 2005 dans la cause Ielo (23053/02).

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propositions de modification. Le 25 février 2010, la CAJ fit siennes les propositions que lui avait soumises sa sous-commission.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Confidentialité des délibérations des commissions

La teneur de l'art. 47 LParl est la suivante: Les délibérations des commissions sont confidentielles; en particulier, il est interdit de divulguer les positions défendues par les différentes personnes ayant participé aux séances, ainsi que la manière dont elles ont voté.

1

2

Les commissions peuvent décider de procéder à des auditions publiques.

Ainsi, les délibérations des commissions sont a priori confidentielles; la seule exception réside dans la possibilité qu'elles ont de procéder à des auditions publiques. En revanche, les propositions qu'une commission présente à son conseil sont rendues publiques puisque les séances des conseils, pour leur part, ne sont pas confidentielles; c'est là-dessus que se fonde la pratique voulant que les noms des membres d'une commission soutenant une proposition de minorité soient publiés. L'autorisation de consulter les procès-verbaux et les documents des commissions ne peut être accordée qu'au terme des délibérations portant sur un objet donné, et seulement à certaines fins (à des fins d'application du droit et à des fins scientifiques) et à certaines conditions (interdiction de rendre public un procès-verbal, en tout ou en partie, et de divulguer l'opinion exprimée par les participants au cours de la séance concernée) [pour les détails, cf. art. 7 de l'ordonnance sur l'administration du Parlement, RS 171.115].

La CIP souhaite conserver le principe de la confidentialité des délibérations des commissions tel qu'il est fixé dans le droit en vigueur et en rejette tout assouplissement, même partiel. Rendre publiques certaines parties des délibérations des commissions, par exemple, soulèverait des problèmes de délimitation pratiquement insolubles. Toutefois, le principal argument en faveur de la confidentialité des délibérations des commissions, qui est valable pour toutes les délibérations, y compris celles qui peuvent paraître moins «sensibles» à première vue, est le suivant: la Constitution donne aux commissions le droit d'obtenir tous les renseignements dont elles ont besoin afin de pouvoir accomplir leurs tâches (art. 153, al. 4, Cst.). Or, il s'agit parfois d'informations qui ne doivent pas être rendues publiques. Aux termes de la loi sur la transparence (LTrans, RS 152.3), le droit d'accès à un document officiel est souvent limité, par exemple lorsque cet accès est susceptible de porter notablement atteinte au processus de la libre formation de l'opinion et de la volonté d'une autorité, qu'il risque de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et ses relations internationales, ou qu'il peut porter atteinte à la sphère privée de tiers (art. 7 LTrans, qui énumère de
nombreuses autres exceptions au principe de la transparence). Aujourd'hui, il n'est pas possible de se contenter d'invoquer le secret de fonction pour taire aux commissions de telles informations, puisque les membres des commissions eux-mêmes sont soumis à ce secret de fonction. Par contre, si les procès-verbaux ou les documents des commissions devaient être rendus publics, en tout ou en partie, les commissions perdraient leur droit

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d'obtenir ces renseignements, de sorte qu'elles ne pourraient plus accomplir leurs tâches que dans une mesure restreinte.

Si l'Assemblée fédérale peut jouer le rôle central qui lui revient aux termes de la Constitution dans le processus de décision politique, c'est en grande partie grâce à la confidentialité des délibérations des commissions. Les séances des commissions constituent en effet cet espace privilégié au sein duquel s'élaborent des solutions susceptibles de recueillir une majorité au Parlement. Toutefois, cela n'est possible que si leurs membres disposent d'une certaine marge de manoeuvre. Bien souvent, les compromis viables ne voient le jour qu'au stade du Parlement, au sein des commissions, soit qu'elles retravaillent un projet du Conseil fédéral dépourvu d'une assise suffisante, soit qu'elles proposent elles-mêmes une solution en déposant une initiative parlementaire.

Si les délibérations des commissions devenaient publiques, il y a fort à parier que les groupes réduiraient la marge de manoeuvre qu'ils accordent à leurs membres pour négocier des compromis en commission. Or, si l'Assemblée fédérale entend rester une force de proposition politique, elle doit ménager à ses membres des lieux de débat libre, sauf à voir ce débat et la prise de décision qui l'accompagne sortir de la sphère parlementaire et être confisqués par le Conseil fédéral, les chefs de groupe et les groupes d'intérêt. Les décisions seraient alors prises de plus en plus souvent au sein d'organes pré-parlementaires, non publics, dont la composition n'est pas aussi représentative que celle des commissions et qui ne fonctionnent pas selon les règles de la démocratie.

La confidentialité des délibérations des commissions revêt en outre une importance particulière pour l'exercice de la haute surveillance parlementaire. Ainsi, les Commissions de gestion (CdG) ont relevé ce qui suit dans leur rapport de gestion 2005: «La confidentialité des travaux des CdG se justifie d'abord par le fait que les commissions doivent très souvent traiter des informations sensibles touchant à l'activité gouvernementale et judiciaire ou contenant des secrets professionnels ou d'affaires, voire des données personnelles. [...]

Finalement, la confidentialité des travaux des CdG doit permettre aux personnes entendues de s'exprimer librement et en
toute indépendance devant les commissions et de faire état des informations dont elles ont connaissance.

La confidentialité qui entoure les travaux des CdG n'est pas un but en soi, mais sert à garantir une procédure impartiale, loin de toute pression extérieure. De ce fait, elle constitue un élément clef du succès de la haute surveillance parlementaire en même temps qu'un gage de son efficacité.» (FF 2006 4111) Par ailleurs, la confidentialité des délibérations des commissions ne constitue pas un obstacle à l'information du public sur le résultat de leurs travaux, puisque l'art. 5, al. 1, LParl indique: 1 Les conseils et leurs organes informent le public de leurs travaux en temps utile et de manière détaillée, dans la mesure où aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

Les art. 20 RCN et 15 RCE précisent par ailleurs que le président ou les membres de la commission mandatés à cet effet par celle-ci rendent compte oralement ou par écrit aux médias des principaux résultats des délibérations de la commission. Sont communiqués aux médias les principales décisions, les résultats des votes et les arguments majeurs présentés au cours des délibérations.

6730

2.2

Droit disciplinaire interne au Parlement

«Les sanctions disciplinaires sont des sanctions administratives et non pas pénales.

Visant à préserver l'image et la crédibilité des autorités administratives, elles incitent les personnes soumises au pouvoir disciplinaire à remplir leurs devoirs.» (Ulrich Häfelin/Georg Müller, Allgemeine Verwaltungslehre, 4e édition, Zurich/ Bâle/Genève 2002, p. 250 [trad.])

Un parlement se différencie toutefois fondamentalement d'une autorité administrative: les membres des autorités administratives sont intégrés à une hiérarchie et ils assument une responsabilité envers leurs supérieurs, qu'il s'agisse de personnes ou d'organes; pour leur part, les députés sont tous égaux et ils assument une responsabilité uniquement envers leurs électeurs. Le droit disciplinaire interne au Parlement doit tenir compte de cette fonction de représentation du Parlement et de chacun de ses membres.

Un droit disciplinaire interne au Parlement est effectivement justifié et nécessaire dans la mesure où il permet de préserver la représentation démocratique dans son ensemble de toute perturbation qui risquerait d'entraver ses fonctions. Le rôle du droit disciplinaire interne au Parlement est donc semblable à celui du droit disciplinaire interne aux autorités administratives ou aux associations professionnelles regroupant certaines professions libérales (avocats, notaires, professions de santé).

De fait, l'art. 13 LParl vise à maintenir l'ordre dans la salle du conseil, à préserver l'image de «l'autorité suprême de la Confédération» (art. 148 Cst.) et, surtout, à garantir l'exercice des attributions constitutionnelles du Parlement et de ses organes.

Ainsi qu'il l'est dit plus haut (ch. 2.1), le respect du secret de fonction au sein des commissions parlementaires représente une condition essentielle pour l'exercice de leurs attributions. Toute violation du secret de fonction est une menace à cet égard.

Si la confidentialité des délibérations des commissions n'était plus garantie, il se pourrait par exemple que des personnes interrogées par une commission, dans le cadre de la haute surveillance parlementaire exercée sur le Conseil fédéral et l'administration, préfèrent garder pour eux certaines informations.

L'importance du secret de fonction pour l'exercice des attributions du Parlement et, partant, pour la démocratie, justifie la
punition de sa violation au moyen de sanctions disciplinaires. Ces sanctions peuvent prendre la forme d'une exclusion pour six mois au plus des commissions dont le député concerné est membre, et donc être assez lourdes. Mais il est impossible d'aller jusqu'à l'exclusion des séances du conseil (excepté une exclusion temporaire, conformément à l'art. 13, al. 1, let. b, LParl), parce que cela porterait atteinte au droit souverain du peuple et des cantons à une représentation démocratique (art. 149 et 150 Cst.).

Une sanction disciplinaire n'étant pas une sanction pénale, il est normal que la procédure disciplinaire ne réponde pas à des exigences aussi strictes que la procédure pénale, du moins lorsque les sanctions prévues sont relativement plus légères, ce qui est justement le cas de celles qui sont visées à l'art. 13 LParl. Le Tribunal fédéral distingue pour sa part entre sanctions disciplinaires moins lourdes, comme une amende disciplinaire de 300 francs ou une peine de quelques jours d'arrêt, et plus lourdes, comme l'interdiction d'exercer, considérant que seules ces dernières relèvent de l'art. 6, ch. 1 («Droit à un procès équitable»), de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) [cf. renvois à la pratique du Tribunal fédéral 6731

in Ulrich Häfelin/Georg Müller, Allgemeine Verwaltungslehre, 4e édition, Zurich/ Bâle/Genève 2002, p. 250]. En tout état de cause, eu égard au rôle éminent joué par l'institution parlementaire et à l'attention particulière que le public accorde par conséquent à l'application des règles disciplinaires internes au Parlement, il semble normal que la personne mise en cause puisse s'exprimer, et qu'elle puisse s'adresser à une instance de recours interne.

La violation du secret de fonction est également punissable en vertu de l'art. 320 du code pénal (CP; RS 311.0): 1. Celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. [...]

Une action et une enquête pénales pour violation du secret de fonction peuvent aussi viser un membre de l'Assemblée fédérale. Comme l'infraction commise est alors en rapport avec les fonctions ou les activités parlementaires du député, celui-ci ne peut, selon le droit en vigueur, être poursuivi qu'avec l'autorisation de l'Assemblée fédérale (art. 17 LParl, «Immunité relative»).

Ainsi que le démontre l'exemple du traitement de la requête visant à lever l'immunité du conseiller national Toni Brunner, la question qui peut se poser dans une telle situation est la suivante: faut-il lever l'immunité (décision prise le 1er octobre 2008 par le Conseil national, BO 2008 N 1447) ou prononcer une sanction disciplinaire (développement de la décision prise le 10 décembre 2008 par le Conseil des États, BO 2008 E 944)? Cependant, il est tout à fait possible aussi de choisir les deux voies simultanément (ou successivement), car le droit disciplinaire ne repose pas sur le principe «non bis in idem»: une procédure disciplinaire peut très bien être ouverte en sus d'une procédure pénale déjà ouverte pour les mêmes faits ou pour la même infraction.

Le droit disciplinaire connaît en revanche le principe d'opportunité: l'autorité compétente peut renoncer à engager une procédure disciplinaire lorsqu'elle conclut qu'une sanction n'est pas nécessaire (Ulrich Häfelin/Georg Müller, Allgemeine Verwaltungslehre, 4e édition, Zurich/Bâle/Genève 2002, p. 251).

Vu l'importance de la garantie du
secret de fonction imposé aux parlementaires (cf.

ch. 2.1) et sa mention expresse à l'art. 13, al. 2, LParl, il est toutefois pertinent de se demander si le principe d'opportunité peut être interprété de telle manière que les autorités compétentes (actuellement, les bureaux des conseils) restent pratiquement inertes face à des violations manifestes du secret de fonction. Or, c'est bien ce que l'on constatait jusqu'à l'annonce d'un changement de pratique par le Bureau du Conseil national, au printemps 2007 (cf. ch. 1.1.2). Quoiqu'il y ait de bonnes raisons de penser que des infractions de cet ordre ne peuvent qu'appeler des sanctions disciplinaires, il serait excessif d'inscrire dans la loi le principe de l'instruction d'office. Ainsi, la CIP préfère instituer un organe compétent ad hoc et améliorer la procédure afin que le droit disciplinaire puisse pleinement déployer ses effets, en garantissant notamment le secret de fonction (cf. ch. 2.4).

6732

2.3

Immunité parlementaire

Actuellement, l'art. 17, al. 1, LParl soumet à autorisation de l'Assemblée fédérale l'ouverture d'une poursuite pénale contre un député en raison d'une infraction «en rapport avec ses fonctions ou ses activités parlementaires».

Suivant l'avis d'une importante minorité de la CAJ (Fluri, Aeschbacher, Huber, Leutenegger Oberholzer, Markwalder Bär, Thanei, Vischer, von Graffenried, Wyss Brigit), la majorité de la CIP propose, par 12 voix contre 7, d'abolir l'immunité relative (art. 17 LParl) et de ne conserver que l'immunité absolue (art. 162, al. 1, Cst; art. 16 LParl), uniquement applicable aux propos tenus devant les conseils ou leurs organes. Cette mesure permettrait de mettre fin à l'inégalité entre les députés (protégés par l'immunité) et les autres hommes politiques (ne bénéficiant pas de cette protection). La majorité de la CIP considère qu'il doit être possible de participer au débat politique sans commettre d'infractions, et notamment sans porter atteinte à l'honneur de son interlocuteur ou de tiers. De plus, les membres des parlements cantonaux bénéficient d'une immunité uniquement pour leurs propos tenus au parlement et au sein de ses organes sans que cela pose de problèmes majeurs, et ce, même dans les grands cantons où la situation est presque comparable à celle qui prévaut à l'échelon fédéral (débats passionnés et grand intérêt des médias).

Comme il n'est pas possible de déterminer clairement le domaine auquel s'applique exactement l'immunité relative, des conflits stériles sont, dans certains cas, inévitables: l'abolition de l'immunité relative permet de résoudre les problèmes de délimitation actuels.

Si l'immunité relative des députés face aux poursuites pénales résultant d'infractions liées à leurs activités parlementaires est remise en question, la garantie de leur participation aux sessions et les formes comparables d'immunité relative dont jouissent les membres d'autres autorités fédérales doivent également être reconsidérées (cf. ch. 3).

À l'instar de la majorité de la CAJ, une minorité I de la CIP (Stöckli, Heim, Leuenberger-Genève, Roth-Bernasconi, Schenker Silvia, Tschümperlin, Zisyadis) souhaite quant à elle maintenir l'immunité relative des députés, tout en la dotant d'une définition plus stricte; lors d'un premier vote, la CIP a approuvé cette proposition par 11 voix
contre 10 et 1 abstention. Dans certains cas, les faits reprochés au député sont clairement en rapport avec ses fonctions ou ses activités parlementaires, par exemple en cas de violation de la confidentialité des délibérations des commissions (art. 47 LParl) ou en cas de violation des règles régissant les votes lors des séances plénières des conseils, comme l'interdiction du vote par procuration. Dans d'autres cas, il est clair que l'infraction n'a pas de lien avec les fonctions ou les activités parlementaires. Entre ces deux extrêmes, de nombreux cas sont imaginables où il n'est pas d'emblée aisé de déterminer si les faits sont en rapport ou pas avec les fonctions ou les activités parlementaires. En l'état de la vie politique suisse, ces cas concernent essentiellement des délits d'expression (infractions contre l'honneur, discrimination raciale, concurrence déloyale, etc.) commis par des personnes qui, indépendamment de leur qualité de membre du Parlement, ont professionnellement l'occasion d'exprimer publiquement des idées ayant trait de près ou de loin à la vie de la cité (journalistes, professeurs ou enseignants, scientifiques, hommes de loi, etc.). Le Parlement a été confronté à ces problèmes de délimitation en particulier dans les cas 90.003 (Ziegler), 06.088 (Schlüer) et 07.034 (Mörgeli) (cf. ci-dessus sous ch. 1.2.1.1). La majorité de la CAJ et la minorité I de la CIP souhaitent limiter 6733

la portée de l'immunité parlementaire à ce qui est vraiment nécessaire pour permettre au député d'exercer correctement son activité, loin de toute pression, et d'éviter ainsi de privilégier injustement certains députés par rapport aux autres personnes qui exercent la même profession qu'eux sans être parlementaires (autres journalistes, autres professeurs ou enseignants, etc.). L'expression utilisée, «rapport direct» («unmittelbarer Zusammenhang»), est reprise d'un précédent projet de révision2. Il appartiendrait à la pratique de décider concrètement quand existe un tel «rapport direct avec les fonctions ou les activités parlementaires», en gardant à l'esprit la volonté restrictive du législateur.

Une minorité II de la CIP (Joder, Bugnon, Fehr Hans, Geissbühler, Rutschmann, Scherer Marcel, Wobmann), suivie par une minorité de la CAJ (Stamm, Freysinger, Geissbühler, Heer, Kaufmann, Nidegger, Reimann Lukas, Schwander), s'oppose aussi à la restriction de la portée de l'immunité, proposée par la minorité I de la CIP et par la majorité de la CAJ. Elle considère que les termes choisis sont imprécis, qu'ils n'apporteront pas la clarification souhaitée et qu'il y aura de toute façon toujours une zone grise dans laquelle le lien avec les fonctions ou les activités parlementaires n'est pas évident. La minorité craint par ailleurs que la restriction de la portée de l'immunité relative déplace la discussion sur le terrain de la délimitation entre l'immunité relative et l'immunité absolue, ne contribuant finalement qu'à mettre en danger celle-ci.

2.4

Délégation de compétences aux commissions parlementaires

Le Parlement ne saurait déléguer à des organes qui lui sont étrangers la prise de décisions concernant des sanctions disciplinaires contre les députés ou des requêtes visant à lever l'immunité parlementaire, et il lui appartient donc de prendre luimême les décisions concernées. D'où le problème suivant: une autorité normalement appelée à prendre des décisions en fonction de critères essentiellement politiques doit prendre pour une fois des décisions devant obéir à des exigences essentiellement juridiques. En effet, l'organe décisionnel doit constater les faits pertinents, donner au prévenu l'occasion de se prononcer, identifier, soupeser et résoudre les problèmes juridiques, observer le principe de proportionnalité, veiller à une pratique cohérente, etc. Évidemment, l'appartenance partisane ou les affinités personnelles influeront toujours dans une certaine mesure sur les décisions du Parlement, mais l'humain et le politique doivent ici s'effacer autant que possible devant le juridique.

La difficulté de faire preuve d'équité à l'égard des critères juridiques susvisés s'est révélée de manière exemplaire à la séance du 20 mars 2008 du Conseil national, 2

99.435 n Iv.pa. CAJ-E Modification des dispositions légales relatives à l'immunité parlementaire (rapport de la CAJ-E du 13 août 1999, FF 2000 587). Le projet présenté en exécution de cette initiative supprimait par ailleurs la mention de la «situation officielle», ne gardant plus que l'«activité officielle». ­ L'initiative parlementaire 91.424 n Rüesch Ernst. Révision des dispositions légales sur l'immunité parlementaire utilisait, elle, l'expression «infractions qui sont en rapport, pour l'essentiel, avec leur activité ou situation officielle» («Handlungen, die sich zur Hauptache auf ihre amtliche Tätigkeit oder Stellung beziehen»); l'idée était toutefois la même (cf. le rapport de la CAJ-E du 20 janvier 1994, FF 1994 II 832). Le Conseil fédéral, trouvant que l'expression manquait de clarté, avait proposé de parler d'«étroite relation» (FF 1994 III 1415 s.; «in engem Zusammenhang», BBl 1994 III 1429 s.).

6734

lorsque celui-ci s'est penché sur les recours des députés à qui le bureau avait infligé un blâme pour non-respect de la confidentialité des délibérations des commissions.

Après une brève constatation des faits par le président du conseil, qui avait fait l'impasse sur les considérants, quatre des députés incriminés ont reçu la parole pour justifier leur recours. Ils ont alors surtout profité de l'occasion pour réitérer avec force détails, devant le conseil et par là-même devant l'opinion publique, l'indiscrétion qu'ils avaient commise, attaquant ainsi un membre du Conseil fédéral. Pour sa part, le bureau a renoncé à répondre et à motiver sa sanction disciplinaire. Puis le conseil s'est prononcé sur la question sans en débattre plus avant.

Au sujet de cette procédure, il convient de noter que l'affaire n'a pas fait l'objet sous l'angle juridique d'un examen sérieux de la part du conseil. Comme les députés concernés faisaient partie de différents groupes parlementaires, il est difficile de se départir de l'impression que ces derniers ont approuvé les recours de tous les intéressés dans le dessein de protéger leurs propres membres.

Par ailleurs, prévoir que la procédure de recours se déroule au niveau du conseil peut avoir un effet pervers, dans la mesure où cela revient à donner à un député visé par une sanction disciplinaire ou par une demande de levée de l'immunité la possibilité d'exposer publiquement son point de vue depuis une tribune de choix. Pire: cette perspective alléchante risque d'inciter certains députés à se mettre intentionnellement en infraction.

L'art. 153, al. 3, Cst. prévoit que «la loi peut déléguer aux commissions certaines compétences [de l'Assemblée fédérale], à l'exception des compétences législatives».

S'agissant des compétences décisionnelles relatives aux sanctions disciplinaires et aux requêtes visant à lever l'immunité parlementaire, elles se prêtent tout particulièrement à une délégation par les conseils aux commissions. En effet, les décisions de ce type ne relèvent pas des compétences législatives. De plus, une commission est mieux à même que le conseil de répondre aux exigences juridiques énoncées cidessus. Sans compter qu'il s'agit de décisions relatives à des cas particuliers, qui peuvent certes intéresser le Parlement, mais dont l'impact pour le public reste limité.
Cette solution permet de restreindre la publicité des délibérations, ce qui va de pair avec la délégation des compétences par les conseils aux commissions. Pour ces commissions-là aussi, toutefois, et peut-être même davantage encore que pour les autres, s'impose l'obligation d'informer le public des résultats des délibérations et des principaux arguments mis en avant (cf. ch. 2.1 in fine).

2.5

Organes compétents au sein de l'Assemblée fédérale

Un organe parlementaire compétent pour examiner les sanctions disciplinaires et les requêtes visant à lever l'immunité devrait satisfaire aux exigences suivantes: a.

afin de permettre des échanges techniques et dépassionnés et favoriser la confidentialité des délibérations, ses membres ne devraient pas être trop nombreux;

b.

ils devraient, au moins dans leur majorité, siéger depuis plusieurs années au Parlement et posséder une expérience professionnelle dans le domaine juridique;

6735

c.

afin de pouvoir accorder à la mission spécifique qui lui est dévolue toute l'attention que celle-ci requiert, l'organe ne devrait pas avoir d'attributions prépondérantes d'une autre nature.

À la lumière de ces exigences, les commissions permanentes actuelles du Conseil national semblent ne pas avoir le profil requis: non seulement elles comptent beaucoup trop de membres et sont prises amplement par leur travail politique et législatif, mais en outre leurs membres sont, en règle générale, une minorité à posséder une expérience professionnelle dans le domaine juridique (sauf ceux de la CAJ). Quant au Bureau du Conseil national, il se compose en majorité des présidents des groupes ainsi que des membres du collège présidentiel du conseil, tous grandement sollicités par ailleurs, et il est déjà soumis à forte pression dans l'exercice de ses attributions ordinaires, à l'égard aussi bien des délais à tenir que de la nature des dossiers à traiter. En conséquence, le bureau paraît ne pas convenir non plus pour jouer le rôle de première instance chargée d'examiner les affaires disciplinaires.

Au vu des exigences précitées, la meilleure solution pour le Conseil national consisterait à instituer une commission permanente supplémentaire, la «Commission de l'immunité et de la discipline» (CID) [pour les détails, cf. ch. 3].

La situation est différente au Conseil des États, qui n'a encore jamais eu à se demander s'il devait ouvrir une procédure disciplinaire contre l'un de ses membres. La création d'une commission permanente supplémentaire, qui ne se pencherait probablement que sur des affaires d'immunité, ne semble donc pas particulièrement pertinente pour la chambre haute. Le plus simple serait peut-être que sa Commission des affaires juridiques, qui compte la moitié moins d'effectif que son homologue du Conseil national, continue de s'occuper des affaires d'immunité.

Comme la loi sur le Parlement délègue à chacun des conseils le soin de désigner, dans son règlement, ses commissions compétentes, ils sont libres de choisir la solution qui leur convient.

Alors que les exigences professionnelles sont similaires pour ce qui est de juger les cas disciplinaires et les affaires d'immunité, il importe de distinguer ces deux catégories en matière de procédure, et ce, sur les points suivants: 1.

une sanction disciplinaire est une sanction définitive et exécutoire, raison pour laquelle il doit être possible de recourir contre elle si l'on entend garantir une procédure digne d'un État de droit. Dans ce contexte, il paraît logique de désigner le bureau du conseil comme instance de recours puisqu'il s'agit de l'organe directeur du conseil et que tous les groupes y sont représentés.

En revanche, la décision relative à la levée de l'immunité n'est pas une sanction, mais une décision qui détermine la suite de la procédure; elle permet l'ouverture d'une enquête pénale, dont le résultat demeure inconnu. Il est donc inutile de prévoir une procédure de recours dans ce cas-là;

2.

une sanction disciplinaire est une affaire interne au conseil; ainsi, seule est compétente la commission du conseil dans lequel siège le député incriminé.

S'agissant des requêtes visant à lever l'immunité, au contraire, les commissions des deux chambres sont compétentes, car l'Assemblée fédérale ­ en tant qu'organe de la Confédération ­ est alors en relation avec des autorités extraparlementaires de la Confédération ou des cantons.

Le texte de l'initiative parlementaire de la CAJ prévoyait deux possibilités de déléguer les compétences aux commissions: d'une part, une délégation telle que celle qui 6736

est proposée dans le présent rapport, soit à des commissions siégeant séparément pour les deux conseils; d'autre part, une délégation à une commission commune aux deux conseils. L'un des inconvénients de cette seconde option est qu'une commission de ce genre ne pourrait être saisie d'affaires disciplinaires, puisque celles-ci relèvent a priori d'un seul conseil. Par ailleurs, la création d'une telle commission conjointe poserait un certain nombre de problèmes, notamment du point de vue constitutionnel. Par exemple, une commission conjointe pourrait théoriquement décider de lever l'immunité d'un conseiller aux États contre l'avis même de la majorité de la délégation de la chambre haute, en raison de la majorité plus importante de la délégation de la chambre basse.

Certes, l'art. 153 Cst. autorise, à son al. 2, la création de commissions conjointes et, à son al. 3, la délégation de certaines compétences aux commissions, mais ces dispositions sont indissociables du système bicaméral inscrit à l'art. 156, qui prévoit que «le Conseil national et le Conseil des États délibèrent séparément» et que «les décisions de l'Assemblée fédérale requièrent l'approbation des deux conseils». Ces principes revêtent une importance vitale pour l'État fédéral suisse. Si le législateur décidait de déléguer aux commissions une compétence assumée jusqu'ici par les deux conseils dans le cadre de délibérations séparées, les deux commissions devraient également siéger séparément.

La genèse de l'art. 153, al. 2, Cst. confirme cette interprétation. Cette disposition a été créée notamment afin de donner une base constitutionnelle aux commissions conjointes qui existaient déjà dans le domaine de la haute surveillance (Délégation des Commissions de gestion, Délégation des finances, commission d'enquête parlementaire) [cf. FF 1995 I 1138 et FF 1997 III 258]. En règle générale, la haute surveillance n'est pas exercée au moyen de décisions de l'Assemblée fédérale, mais au moyen de recommandations et de rapports émanant des commissions et des délégations. Elle se concrétise par le dialogue entre les commissions et le Conseil fédéral. Il est dans l'intérêt du Parlement comme dans celui du gouvernement que le Parlement parle alors d'une seule et même voix. La nécessaire diversité qui caractérise la composition du Conseil national et
du Conseil des États, ainsi que le contrôle interne qu'elle implique (examen réciproque des décisions de chaque conseil) ne jouent ici aucun rôle, ou alors qu'un rôle secondaire, contrairement à ce qui est le cas dans l'exercice de la plupart des autres fonctions du Parlement. Cependant, si l'examen des requêtes visant à lever l'immunité devient une compétence exclusive des commissions, le contrôle interne propre au système bicaméral prend une importance particulière: les commissions doivent pouvoir délibérer et décider sans directement s'influencer mutuellement. Leurs décisions peuvent avoir une importance considérable pour les intéressés (prévenus et autorités d'enquête), ce qui non seulement justifie, mais exige même un examen de la décision de la commission du conseil prioritaire par la commission du second conseil siégeant en toute indépendance.

Enfin, il ne saurait être question de désigner comme commission compétente une commission de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), que ce soit une commission existante (Commission des grâces ou Commission judiciaire) ou une nouvelle commission, car l'art. 157, al. 1, Cst. énumère de façon exhaustive les compétences de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies).

6737

3

Commentaire des dispositions

3.1

A. Modification de la loi sur le Parlement (LParl)

Art. 13

Procédure disciplinaire pendant une séance de l'un des conseils

La procédure disciplinaire, décrite actuellement à l'art. 13, al. 2, est modifiée et exposée en détail dans un nouvel article (13a). Cette disposition permet de distinguer les infractions qui doivent être sanctionnées immédiatement, pendant une séance de l'un des conseils, des autres agissements, pour lesquels cette forme de sanction n'est pas possible.

Concernant le retrait de la parole (al. 1, let. a), la décision du président ne doit pas pouvoir être contestée, contrairement à ce que prévoit le droit en vigueur. Autoriser un député à faire recours contre une telle décision reviendrait à remettre radicalement en question la compétence du président à diriger les délibérations. Pour ce qui est de la mesure consistant à exclure un député de la salle pour tout ou partie du reste de la séance (al. 1, let. b), elle est beaucoup plus lourde de conséquences, dans la mesure où elle entraîne une modification de la représentation de l'électorat. La possibilité de recourir contre une telle décision doit par conséquent être maintenue.

Art. 13a (nouveau)

Procédure disciplinaire en dehors d'une séance de l'un des conseils

L'art. 13a ôte aux bureaux des conseils leur compétence en matière de sanctions disciplinaires ne pouvant être prononcées pendant une séance de l'un des conseils (art. 13, al. 1) [cf. développement au ch. 2.5]. La situation étant très différente d'un conseil à l'autre, une même solution ne peut s'appliquer pour les deux. C'est pourquoi l'organe compétent en première instance (al. 2) et l'organe chargé de l'examen des recours (al. 5) doivent être définis dans les règlements respectifs des conseils. Le ch. 2.4 explique les raisons de déléguer du conseil à l'un de ses organes la compétence décisionnelle en matière de recours.

L'al. 1 indique les deux sanctions disciplinaires possibles et correspond à l'actuel art. 13, al. 2.

L'al. 2 précise que l'organe compétent pour prononcer des sanctions disciplinaires est celui du conseil dont est membre le député concerné. Réponse est ainsi donnée à une question qui restait à élucider: qui est compétent lorsque l'infraction a été commise au sein de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) ou lorsque l'intervention d'un député dans une commission de l'autre conseil (ce qui arrive notamment lors de l'examen d'initiatives parlementaires) donne lieu à l'ouverture d'une procédure disciplinaire?

Les al. 2 et 3 fixent les conditions minimales concernant les principes de la procédure (s'agissant de la garantie d'une procédure digne d'un État de droit dans la procédure disciplinaire, cf. ch. 2.2). Pour qu'une procédure puisse être ouverte, il faut qu'un député ou un organe du conseil dépose une proposition adéquate. Cela ne signifie pas que l'organe compétent ne puisse pas agir de son propre chef; son président et ses membres sont aussi des députés ayant le droit de déposer une proposition.

S'il est répondu favorablement à ladite proposition, le député concerné a le droit d'être entendu personnellement. C'est toutefois à dessein que l'expression «droit d'être entendu» n'a pas été retenue, afin d'éviter que les dispositions procédurales ne 6738

fassent l'objet d'une interprétation excessivement formaliste. Il est précisé en outre que le député concerné ne peut se faire représenter, ni se faire accompagner par un tiers (par ex. un avocat ou un autre député), contrairement à ce que d'aucuns avaient demandé dans le cadre des sanctions disciplinaires prononcées au printemps 2008.

En effet, le droit parlementaire ne connaît pas le droit de faire participer des tiers à des débats parlementaires, quels qu'ils soient; seuls les représentants du peuple élus par lui et les magistrats élus par ceux-ci ont le droit légitime de pouvoir influer sur des décisions parlementaires en exposant oralement leur point de vue.

Al. 4: l'information du public sur les principaux résultats des délibérations de la commission revêt une importance capitale. Comme il n'y a plus de débats au conseil, elle constitue l'unique moyen d'informer le public. Elle a lieu conformément à l'art. 5 LParl et aux dispositions d'exécution figurant dans les règlements respectifs des conseils (art. 20 RCN et art. 15 RCE). Par ailleurs, cette information n'est pas sans pouvoir présenter un certain intérêt pour l'ensemble des députés; c'est pourquoi ils la reçoivent tous par écrit (par ex. sous la forme du communiqué de presse concerné), ce qui pourrait du reste avoir un effet dissuasif.

Les al. 5 à 7 régissent la procédure de recours, dont les principes sont les mêmes que ceux qui s'appliquent à la procédure menée devant la première instance. Dans son avis, la CAJ a proposé que l'organe chargé de l'examen des recours donne à l'organe de première instance l'occasion de prendre position par écrit et qu'il renonce à convoquer un représentant de cet organe pour une audition. La CIP a rejeté cette proposition: elle préfère les auditions, qui constituent un moyen d'obtenir directement et efficacement des informations, à l'échange d'écritures, qui représente une procédure inévitablement plus longue et plus coûteuse.

Al. 8: Les décisions en matière disciplinaire et celles relatives à la levée de l'immunité sont importantes et ne doivent pouvoir être prises que si la majorité des membres de l'organe compétent est présente. La règle est inspirée de celle de l'art. 92, al. 1, LParl relative à la conférence de conciliation. La nouvelle règle proposée à l'art. 13a, al. 8, s'applique à la procédure
disciplinaire (organe de première instance et organe de recours); une règle semblable se trouve à l'art. 17a, al. 3, LParl (immunité relative des députés selon la version de la minorité de la commission) et à l'art. 14, al. 4, LRCF (immunité relative des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral) pour le traitement des demandes de levée de l'immunité. Ce parallélisme est nécessaire: puisqu'un même acte d'un parlementaire, par exemple la violation de la confidentialité des délibérations des commissions, peut entraîner à la fois une sanction disciplinaire et la levée de l'immunité et qu'il est prévu que le même organe soit compétent pour les deux domaines, il faut que la règle du quorum s'applique de manière générale.

Al. 9: actuellement, le droit parlementaire dispose simplement que «tout député dont les intérêts personnels sont directement concernés par un objet en délibération est tenu de le signaler lorsqu'il s'exprime sur cet objet au conseil ou en commission» (art. 11, al. 3, LParl). Si une procédure disciplinaire est ouverte contre un membre de la commission chargée de mener ladite procédure ou contre un membre de l'instance de recours, le député concerné est tenu de se récuser. Conformément aux dispositions applicables au conseil dont il est membre, il peut néanmoins se faire remplacer au sein de la commission (art. 18 RCN et art. 14 RCE).

6739

Art. 17

Immunité relative; portée et compétences

Concernant l'abrogation de l'art. 17 proposée par la majorité, voir ch. 2.3.

Les explications ci-après se rapportent à la proposition de la minorité I: En raison des nombreuses modifications proposées pour l'art. 17, celui-ci devrait comporter désormais onze alinéas. Afin d'éviter cette pléthore de dispositions, celles qui se rapportent à la procédure feront l'objet d'un nouvel article (art. 17a).

Al. 1: concernant la notion d'immunité relative, voir le ch. 2.3. La compétence de décider de lever ou non l'immunité d'un député est déléguée par les deux conseils à leurs commissions respectives (cf. développement aux ch. 2.4 et 2.5).

Al. 2: Selon la réforme judiciaire, ce n'est plus le Tribunal fédéral qui est l'organe judiciaire de la Confédération compétent pour les procédures pénales ouvertes contre les membres d'une autorité de la Confédération, mais le Tribunal pénal fédéral (FF 2001 4325 ss). Les dispositions applicables aux députés avaient été transférées de la LRCF à la LParl sans que la modification prévue par la réforme judiciaire soit prise en considération dans la LParl. Il faut cependant aller au-delà de cette première correction et exprimer plus clairement qu'il s'agit en fait de permettre la délégation aux autorités pénales de la Confédération de l'instruction et du jugement d'infractions qui relèveraient normalement de la juridiction cantonale; le texte actuel de la disposition laisse à tort penser que la décision que peut prendre l'Assemblée fédérale est une sorte de mise en accusation assortie d'un renvoi en jugement devant le Tribunal pénal fédéral.

Al. 3: Le Ministère public de la Confédération a subi une importante évolution ses dernières années. Cette évolution continue puisque la nouvelle Loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (08.066; FF 2010 1855) remanie profondément le statut du Ministère public et augmente encore l'indépendance de celui-ci. On peut partir de l'idée que le Ministère public sera tout à fait en mesure de mener une enquête dirigée contre un parlementaire. La désignation d'un procureur extraordinaire ne doit donc plus apparaître comme la règle (actuel al. 4), mais simplement comme une faculté, réservée à des situations particulières (cf.

l'expression «si des circonstances particulières le justifient» de l'al. 4, que l'on
renonce à répéter à l'al. 4bis pour des raisons de style). La disposition s'applique de manière générale, que les infractions relèvent de la juridiction fédérale, par exemple en application de l'art. 336 CP, ou que l'instruction et le jugement soient délégués aux autorités pénales de la Confédération en application de l'al. 4. Cf. également ad art. 14, al. 3 et 6 LRCF.

Al. 4: cette disposition figure actuellement, sous une forme comparable, dans les règlements respectifs des deux conseils (art. 21, al. 3, RCN et art. 17, al. 4, RCE).

Une telle délégation de compétences nécessite toutefois une base légale (cf. délégation analogue de compétences aux présidents des commissions, concernant la liquidation des pétitions «manifestement aberrantes», par exemple, à l'art. 126, al. 4, LParl).

Art. 17a (nouveau)

Immunité relative; procédure

Les explications ci-après se rapportent à la proposition de la minorité I:

6740

Al. 2: Si les décisions des deux commissions divergent, la procédure appliquée aujourd'hui par les deux conseils en cas de «divergences concernant des cas particuliers» (art. 95 LParl) s'applique par analogie.

Al. 3: Cf. ci-dessus ad art. 13a, al. 8.

Al. 4 à 7: en matière de procédure, les principes sont identiques à ceux de la procédure disciplinaire (cf. commentaire de l'art. 13a, al. 3, 4 et 9), à la différence qu'après la première décision, il n'est pas possible de déposer un recours auprès d'un autre organe du même conseil. Au besoin, toutefois, l'organe compétent de l'autre conseil procède alors à un second examen.

Art. 18, al. 2, 3 et 4 Si l'immunité relative était supprimée, il conviendrait d'abroger les dispositions qui soumettent à l'autorisation des collèges présidentiels des conseils la mise en oeuvre de mesures d'enquête. Il faut en revanche que la levée du secret des postes et des télécommunications (art. 18, al. 1) continue d'être soumise à autorisation. Un député peut être concerné de deux manières par cette mesure: directement, lorsque celle-ci est destinée à permettre la poursuite d'une infraction commise par le député luimême; indirectement, lorsque la mesure est destinée à permettre la surveillance d'un tiers avec lequel le député est en relation. Or, pour assumer les tâches qui lui incombent, un député doit pouvoir entrer en contact avec des tiers (électeurs, informateurs, etc.) sans avoir à craindre d'être éventuellement placé sur écoute. Une situation de ce genre, survenue au début des années 70, est à l'origine de l'adoption de cette disposition.

Art. 20 La commission propose également d'abolir la garantie de participation aux sessions, laquelle constitue une autre forme d'immunité relative puisqu'elle peut également être levée. Pendant les sessions, aucune procédure pénale ne peut être engagée ou poursuivie contre un député ayant commis un délit qui n'a pas trait à ses activités parlementaires sans que celui-ci y ait consenti ou que l'organe parlementaire compétent en ait donné l'autorisation. La question du maintien ou de l'abolition de l'immunité relative (art. 17), d'une part, et de la garantie de participation aux sessions (art. 20), d'autre part, peut susciter des appréciations fort divergentes. Si, dans la pratique, l'immunité relative prévue à l'art. 17 revêt
une importance certaine, il y a très longtemps qu'aucune procédure d'autorisation prévue à l'art. 20 n'a plus été ouverte devant le Parlement. Il est permis de supposer qu'un député soupçonné d'avoir commis une infraction décide, de son propre chef, d'autoriser l'ouverture d'une procédure pénale contre lui parce qu'il n'aurait aucun intérêt à faire l'objet d'une procédure publique. À l'origine, la véritable fonction de la garantie de participation aux sessions était d'éviter que des poursuites pénales justifiées par des motifs politiques arbitraires ne puissent être engagées contre des parlementaires, sous prétexte qu'ils auraient commis des délits «banals», et de permettre ainsi au Parlement de remplir sa mission. Au moment de l'introduction de cette disposition, soit peu après 1848, de telles craintes pouvaient effectivement se justifier envers des autorités pénales cantonales, qui étaient hostiles à l'État fédéral tout juste créé, mais elles n'ont aujourd'hui plus de raison d'être.

6741

La garantie de participation aux sessions a donc été introduite à l'époque où l'État fédéral venait d'être créé, autrement dit par des députés qui n'exerçaient leur mandat parlementaire que durant les sessions et ne devaient être protégés de poursuites pénales que durant cette période. Aujourd'hui, la réalité est tout autre: le Parlement suisse est devenu quasiment un «parlement semi-professionnel», dont les tâches sont en grande partie accomplies par des commissions qui siègent tout le long de l'année.

Or, à l'inverse des députés, les membres des autorités fédérales élus par l'Assemblée fédérale jouissent de l'immunité relative toute l'année, et pas uniquement durant un laps de temps limité (cf. art. 61a LOGA, art. 11 LTF, art. 12 LTAF, art. 16 LTFB et art. 50 LOAP), ce qui équivaut à une inégalité de traitement. Il s'agit donc de supprimer cette inégalité, pour le moins difficile à justifier, en abolissant une forme d'immunité désuète.

La minorité I part du principe que les arguments en faveur du maintien de l'immunité relative valent aussi pour le maintien de la garantie de participation aux sessions. Dans ce cas également, la décision ne doit plus relever de la compétence des conseils, mais de celle de commissions. Concernant l'expression «qui n'a pas directement trait» ajoutée à l'al. 1, voir ch. 2.3.

Art. 95, let. i Cf. art. 17a, al. 2.

Modification d'autres lois 1. Loi sur la responsabilité (LRCF), préambule, art. 14, 14bis, al. 2 et 4, 14ter et 15 Conformément à la pratique de la Commission de rédaction, le préambule d'une loi promulguée avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 1999 est modifié lors d'une révision partielle, de sorte que la loi se réfère à la Constitution de 1999 et non plus à celle de 1874.

Par analogie avec les art. 17 à 19 et avec l'art. 21 LParl, les art. 14, 14bis et 14ter LRCF régissent l'immunité relative des magistrats élus par l'Assemblée fédérale concernant des infractions en rapport avec leur activité officielle, ainsi que la levée du secret postal ou du secret des télécommunications et le déclenchement d'autres mesures d'enquête contre des magistrats. La définition de l'immunité, les compétences et la procédure subissent les mêmes modifications que dans la LParl.

La commission propose que l'immunité relative dont bénéficient les membres des autorités fédérales élus par l'Assemblée fédérale fasse l'objet d'une réglementation distincte. Afin de garantir le bon fonctionnement des plus hautes autorités de la Confédération, il est légitime que les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les membres du Tribunal fédéral, dont les fonctions sont particulièrement exposées, continuent d'être protégés contre d'éventuelles poursuites pénales liées à des infractions ayant trait à l'exercice de leur activité. Le maintien de cette immunité relative est par ailleurs indispensable pour permettre à l'Assemblée fédérale, lorsqu'elle a autorisé l'ouverture d'une poursuite pénale, de «statu[er] également sur la suspension provisoire du prévenu», conformément à l'art. 14, al. 7, LRCF, ce qui peut se révéler nécessaire pour des raisons politiques. Les arguments avancés en faveur du maintien de l'immunité relative ne s'appliquent toutefois pas

6742

dans les cas des membres des instances judiciaires inférieures, du procureur général de la Confédération et des procureurs généraux suppléants de la Confédération.

Alors que la majorité de la commission doit régler les détails de la procédure à l'art. 14 LRCF, la minorité I peut renvoyer aux dispositions analogues contenues aux art. 17 et 17a LParl: ­

Définition de l'immunité relative, compétences (al. 1): voir ch. 2.3 et 2.4.

­

Désignation de l'organe prioritaire (al. 2): comme la personne concernée n'est pas un parlementaire, la priorité de traitement n'est pas donnée par l'appartenance de cette personne à l'un des conseils et une règle particulière et nécessaire.

­

Règlement des divergences (al. 3): voir commentaire de l'art. 17a, al. 2, LParl dans la version de la minorité I.

­

Quorum (al. 4): voir commentaire de l'art. 13a, al. 8, LParl.

­

Droit d'être entendu (al. 5): La formulation, reprise du droit actuel, est différente de celle de l'art. 13a, al. 3, et (selon la proposition de la minorité I) de l'art. 17a, al. 4, LParl («donner l'occasion de se prononcer» et pas «procéder à l'audition»). Le magistrat concerné n'est pas nécessairement entendu par l'organe compétent. Suivant les circonstances, en particulier dans les cas où la levée de l'immunité semble peu probable parce que le dossier ne contient pas d'indices clairs de la commission d'une infraction, le magistrat peut renoncer à venir s'expliquer en séance; il peut en particulier préférer prendre position par écrit. Contrairement aux art. 13a, al. 3, et 17a, al. 4, LParl, l'art. 14, al. 5, LRCF n'interdit pas à la personne concernée de se faire représenter ou assister par un tiers. Cette différence permet de tenir compte de la pratique suivie par les Commissions des affaires juridiques. Ainsi, lors du traitement du cas 09.035 concernant plusieurs membres du Conseil fédéral, celui-ci a décidé que les magistrats concernés seraient représentés par la cheffe du Département fédéral de justice et police. Par ailleurs, lors du traitement du cas 09.034 concernant des propos tenus par la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères lors de la campagne précédant la votation populaire du 8 février 2009 (reconduction de l'accord sur la libre circulation des personnes et extension à la Bulgarie et à la Roumanie), la conseillère fédérale concernée s'est faite assister par deux cadres, dont le directeur du Bureau de l'intégration.

­

Communication de la décision et information du public (al. 6): voir commentaire de l'art. 13a, al. 4, LParl.

­

Suspension provisoire du prévenu (al. 7): Aux termes de l'art. 14, al. 4, LRCF en vigueur, s'ils décident d'accorder l'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale, les conseils «statuent également sur la suspension provisoire du prévenu». Au cas où cette disposition serait appliquée ­ ce qui n'est encore jamais arrivé ­, la décision est d'une telle portée qu'elle ne saurait être déléguée aux commissions. La compétence de prendre une décision de ce genre ne doit toutefois pas non plus être confiée aux deux conseils siégeant séparément, ce qui était le cas jusqu'à présent, mais à l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), en sa qualité d'organe chargé d'élire les magistrats.

Ainsi, une commission doit procéder à l'examen préalable de l'objet à l'intention de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) et lui soumettre sa 6743

proposition. En conséquence, les commissions compétentes des deux conseils siègent ensemble en tant que commission de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). Toutefois, le nombre des membres des commissions compétentes ne correspondra probablement pas à la force numérique habituelle des délégations du Conseil national et du Conseil des États (art. 39, al. 4, LParl: douze membres du Conseil national et cinq membres du Conseil des États) au sein d'une commission de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), raison pour laquelle les bureaux devront relever ou réduire chacun le nombre des membres des commissions compétentes.

­

Délégation de l'instruction et du jugement aux autorités pénales de la Confédération (al. 8): voir commentaire de l'art. 17, al. 2, LParl dans la version de la minorité I.

­

Désignation d'un procureur extraordinaire (al. 9). Les remarques faites ad art. 17, al. 3, LParl dans la version de la minorité I valent également lorsque la personne concernée par la demande de lever l'immunité est un magistrat élu par l'Assemblée fédérale, par exemple un conseiller fédéral comme dans les cas 09.034 et 09.035: Le Ministère public de la Confédération ne peut pas se dessaisir de l'affaire et se contenter de transmettre la plainte ou la dénonciation au Parlement. Même si le dossier concerne un membre du Conseil fédéral, qui, jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération, est l'autorité de nomination du Procureur général et de ses suppléants, le Ministère public doit procéder à un premier examen du cas pour déterminer si les reproches formulés relèvent du droit pénal. Le cas échéant, c'est lui qui doit s'adresser aux organes du Parlement pour obtenir l'autorisation de prendre les mesures nécessaires «pour pouvoir procéder à un premier examen des faits ou à la conservation des preuves» (art. 14bis, al. 4, LRCF). La désignation d'un procureur extraordinaire doit rester exceptionnelle et n'intervenir que lorsque des circonstances particulières, autres que la «simple» qualité de magistrat de la personne concernée, le font apparaître comme nécessaire.

­

Traitement simplifié des requêtes manifestement infondées (al. 10): voir commentaire de l'art. 17, al. 4, LParl dans la version de la minorité I.

L'art. 14bis, al. 2, LRCF est antérieur à l'an 2000, une époque où chaque conseil ne comptait qu'un vice-président. Comme il y a aujourd'hui un second vice-président (depuis 2000), le quorum nécessaire à l'octroi de l'autorisation doit être relevé de trois à cinq membres, par analogie avec l'art. 19 LParl. Il sera ainsi impossible que l'autorisation soit accordée contre la volonté d'une majorité du collège présidentiel de l'un des conseils, ce qui serait plus que discutable sous l'angle du principe d'égalité qui fonde le système bicaméral.

L'art. 15 LRCF régit l'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale contre des fonctionnaires. En vertu de l'art. 2, al. 1, LRCF, les «dispositions concernant les fonctionnaires» s'appliquent à toutes les personnes entrant dans le champ d'application de la LRCF, par exemple aussi aux membres des tribunaux fédéraux si ces derniers ne sont pas soumis à d'autres «dispositions spéciales». En cas d'adoption de la proposition de la commission relative à l'art. 14, al. 1, LRCF, qui vise à supprimer l'immunité relative des membres du Tribunal administratif fédéral, du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal fédéral des brevets ainsi que du procureur général de la Confédération et des procureurs généraux suppléants de la Confédération, la ques6744

tion se poserait de savoir si le DFJP devrait encore être compétent pour autoriser une poursuite pénale en vertu de l'art. 15, al. 1, LRCF ­ en rel. avec l'art. 2, al. 1, LRCF ­, ce qui serait incompatible avec l'objectif visé par la nouvelle législation, à savoir l'indépendance des autorités de poursuite pénale vis-à-vis de l'exécutif. La solution de facilité consisterait à abroger l'intégralité de l'art. 15 LRCF. Cette disposition, de très faible portée pratique (cf. art. 15, al. 3), n'a plus vraiment de raison d'être; elle est en effet difficilement compatible avec la conception actuelle du droit du personnel de la Confédération.

Dans leurs avis respectifs, le Tribunal fédéral (lettre du 7 juillet 2010), le Tribunal pénal fédéral (12 juillet 2010) et le Tribunal administratif fédéral (16 juillet 2010) s'opposent à l'abrogation de l'art. 15 LRCF. Ils soulignent qu'il n'est pas rare que des personnes mécontentes d'un arrêt rendu par un tribunal déposent plainte contre les greffiers concernés, notamment pour abus d'autorité. Les tribunaux ne précisent cependant pas dans quelle mesure de telles accusations, généralement totalement dénuées de fondement, pourraient porter un préjudice sérieux aux greffiers dans l'exercice de leur fonction. De plus, la commission ne trouve pas logique d'abroger l'immunité relative des membres du Tribunal administratif fédéral et du Tribunal pénal fédéral ­ mesure que les tribunaux fédéraux ne remettent pas en cause dans leur avis ­, par exemple, tout en maintenant la nécessité d'une autorisation pour lancer des poursuites pénales contre les employés de ces tribunaux.

2. Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), art. 61a 3. Loi sur le Tribunal fédéral (LTF), art. 11 4. Loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF), art. 12 5. Loi sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB), art. 16 6. Loi sur l'organisation des autorités pénales (LOAP), art. 50 Les arguments avancés par la commission en faveur de la suppression de la garantie de participation aux sessions valent également pour justifier l'abolition de l'immunité relative dont bénéficient les membres des autorités fédérales élus par l'Assemblée fédérale lorsqu'ils se rendent coupables d'infractions sans rapport direct avec leur activité officielle (cf. commentaire de l'art. 20 LParl).

3.2

B. Modification du règlement du Conseil national

Art. 10, ch. 13, et art. 13a L'institution d'une commission permanente supplémentaire chargée de l'examen des affaires d'immunité et des cas disciplinaires est développée au ch. 2.5.

Al. 1: Le nombre des membres de cette commission devrait être nettement inférieur à celui des autres commissions permanentes; un effectif de neuf membres semble être approprié.

Suivant la proposition d'une minorité de la CAJ, (Stamm, Geissbühler, Heer, Kaufmann, Nidegger, Reimann Lukas, Schwander), une minorité I de la commission (Joder, Bugnon, Fehr Hans, Geissbühler, Rutschmann, Scherer Marcel, Wobmann) souhaite une commission plus importante, de la taille de la plupart des commissions 6745

permanentes du Conseil national (25 membres ­ le nombre actuel de 26 est transitoire). Elle considère que les sanctions disciplinaires et les demandes de levée de l'immunité doivent faire l'objet d'une large discussion au sein d'un organe suffisamment représentatif des diverses tendances politiques; elle veut éviter que le nouvel organe ne se transforme en tribunal.

Al. 2: Au vu des exigences particulières qui sont posées à cette commission, notamment le souhait de la voir suivre une pratique aussi cohérente que possible, il paraît indiqué que sa composition soit aussi constante que possible. Or, la disposition de l'art. 18 RCN selon laquelle les membres d'une commission peuvent se faire remplacer pour une séance par n'importe quel député désigné par le groupe auquel ils appartiennent, va à l'encontre de ce critère. Afin de permettre quand même un remplacement, le texte prévoit la désignation d'un remplaçant permanent, seul habilité à remplacer un membre donné pour une séance.

Au surplus, les dispositions générales qui s'appliquent sont les mêmes que pour les autres commissions. Par exemple, le bureau nomme le président, le vice-président et les membres sur proposition des groupes (art. 9, al. 1, let. g, RCN). Les sièges au sein de la commission sont répartis entre les groupes conformément à l'art. 43, al. 3, LParl et à l'art. 15, al. 1, let. abis, RCN.

Al. 3: Une minorité II propose que les exigences formulées au ch. 2.5 à l'égard des membres d'une telle commission soient précisées en ce sens qu'il y aurait obligation de faire partie du conseil depuis quatre ans au moins. La majorité s'oppose à cette disposition, qu'elle juge trop rigide; elle est convaincue que les groupes sauront tenir compte des exigences susmentionnées lorsqu'il s'agira de soumettre au bureau leurs propositions pour l'élection des membres de la commission.

Si la proposition de la minorité II était adoptée, la question se poserait de savoir comment procéder lorsqu'un groupe ayant droit à un certain nombre de sièges ne comporte pas suffisamment de membres qui remplissent l'exigence en question. Il est toutefois hautement improbable de voir survenir une telle situation. Dans le cas contraire, cependant, le droit du groupe primerait, car il repose sur un droit légal de rang supérieur (art. 43, al. 3 LParl).

Art. 21, al. 3 Le
ch. 2.5 ci-dessus explique les raisons du transfert de la compétence de traiter les requêtes visant à lever l'immunité de la Commission des affaires juridiques à la Commission de l'immunité et de la discipline.

Art. 33cter Cf. explications aux ch. 2.4 et 2.5.

Art. 33cquater L'art. 33cquater RCN correspond à l'actuel art. 21, al. 3, RCN, à la différence que la compétence attribuée jusque-là à la Commission des affaires juridiques est transférée à la Commission de l'immunité et de la discipline (cf. ch. 2.5) et que cette dernière ne procède pas à l'examen préalable à l'intention du conseil, mais qu'elle statue à titre définitif (cf. ch. 2.4).

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4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Les présentes modifications apportées à la loi sur le Parlement n'ont d'incidence directe ni sur les finances, ni sur le personnel. L'effet positif de certaines économies réalisées sur les activités des conseils pourrait être annulé par certaines dépenses supplémentaires occasionnées au niveau des commissions.

5

Bases légales

La loi sur le Parlement et les modifications afférentes proposées ici se fondent sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., aux termes duquel les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

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