10.090 Message relatif à l'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)» du 1er octobre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Vous trouverez ci-après le message relatif à l'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)». Nous vous proposons de soumettre cette initiative au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. Nous vous présentons simultanément un contre-projet direct, que nous vous proposons d'adopter et de soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de l'accepter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er octobre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1186

6353

Condensé L'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)», déposée le 11 août 2009, a abouti avec 108 579 signatures valables. Elle propose d'étendre considérablement le référendum obligatoire en matière de traités internationaux, en y soumettant les traités qui entraînent une unification multilatérale du droit dans des domaines importants, ceux qui obligent la Suisse à reprendre de futures dispositions fixant des règles de droit dans des domaines importants, ceux qui délèguent des compétences juridictionnelles à des institutions étrangères ou internationales dans des domaines importants et ceux qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus d'un milliard de francs ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 100 millions de francs.

Le Conseil fédéral reconnaît à l'initiative le mérite de vouloir étendre la participation du corps électoral en matière de politique internationale. Il est toutefois d'avis qu'elle va trop loin: l'implication du peuple et des cantons dans la politique internationale doit être réservée aux questions d'importance constitutionnelle. Or, nombre de traités internationaux concernent des objets sans grands enjeux pour le public.

Manquant de précision, le texte de l'initiative offre en outre une grande marge d'interprétation qui nécessiterait le développement d'une longue pratique pour assurer la sécurité du droit. Par ailleurs, la politique étrangère de la Suisse ne gagnerait pas en légitimité. Le peuple et les cantons ne doivent y être obligatoirement associés que dans les rares cas où la Confédération envisage de limiter sa liberté d'action ou de décision, parce qu'elle est persuadée que l'assujettissement à un régime de droit international répond aux intérêts du pays et de sa population.

Donner aux cantons un droit de veto en matière de politique internationale alors qu'ils disposent de suffisamment de moyens pour se faire entendre ne répond à aucune nécessité. Enfin, la marge de manoeuvre de la Confédération en matière de politique internationale serait inutilement limitée, ce qui porterait atteinte à sa réputation et à sa crédibilité sur la scène internationale.

Bien que le Conseil fédéral propose de rejeter l'initiative, il reconnaît qu'il est légitime d'améliorer
les instruments de la démocratie directe en matière de politique internationale. Il propose donc, à titre de contre-projet direct, d'inscrire dans la Constitution l'obligation de soumettre au référendum les traités internationaux d'importance constitutionnelle.

6354

Table des matières Condensé

6354

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

6356 6356 6356 6357

2 Contexte 2.1 Le référendum en matière de traités internationaux 2.1.1 Situation avant la révision totale de la Constitution 2.1.2 Révision totale de la Constitution et réforme des droits populaires 2.1.3 Droit constitutionnel non écrit 2.2 Projets de réforme avortés

6357 6357 6357 6358 6360 6361

3 Buts de l'initiative

6362

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Développement de la démocratie directe 4.1.1 Multiplication des votations populaires 4.1.2 Participation étendue 4.2 Marge d'interprétation du texte de l'initiative 4.2.1 Importance d'un traité international 4.2.2 Notions imprécises 4.2.3 Risques d'une pratique constitutionnelle non établie 4.3 Importance politique de l'initiative 4.3.1 Légitimité de la politique extérieure 4.3.2 Droits de participation des cantons 4.3.3 Marge de manoeuvre en politique extérieure

6363 6363 6364 6367 6367 6367 6368 6370 6370 6370 6371 6373

5 Contre-projet direct

6373

6 Commentaire 6.1 Aspects formels 6.2 Aspects matériels 6.3 Applications possibles 6.4 Conséquences financières de l'initiative et du contre-projet direct

6376 6376 6376 6377 6379

7 Conclusions

6379

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)» (Projet)

6381

Arrêté fédéral concernant le référendum obligatoire pour les traités internationaux de rang constitutionnel (contre-projet à l'initiative «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère [accords internationaux: la parole au peuple!]») (Projet)

6383 6355

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 140, al. 1, let. d (nouvelle) 1

Sont soumis au vote du peuple et des cantons: d.

les traités internationaux qui: 1. entraînent une unification multilatérale du droit dans des domaines importants; 2. obligent la Suisse à reprendre de futures dispositions fixant des règles de droit dans des domaines importants; 3. délèguent des compétences juridictionnelles à des institutions étrangères ou internationales dans des domaines importants; 4. entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus d'un milliard de francs, ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 100 millions de francs.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative a été soumise à l'examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 19 février 20082 et a été déposée le 11 août 2009 avec le nombre requis de signatures. Par décision du 1er septembre 2009, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti avec 108 579 signatures valables3.

L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé. Comme le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet direct, il doit soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message d'ici au 11 février 2011 (art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, LParl)4. L'Assemblée fédérale a pour sa part jusqu'au 11 février 2012 pour prendre une décision sur l'initiative et sur le contre-projet du Conseil fédéral (art. 100 LParl).

1 2 3 4

RS 101 FF 2008 1333 FF 2009 5451 RS 171.10

6356

1.3

Validité

L'initiative répond aux conditions de validité de l'art. 139, al. 3, de la Constitution5: a.

elle revêt exclusivement la forme d'un projet d'article constitutionnel rédigé et respecte donc l'unité de la forme;

b.

il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative, qui respecte donc l'unité de la matière;

c.

elle ne porte manifestement pas atteinte aux règles impératives du droit international.

L'initiative peut dès lors être déclarée valable.

2

Contexte

2.1

Le référendum en matière de traités internationaux

2.1.1

Situation avant la révision totale de la Constitution

Les premières dispositions constitutionnelles soumettant les traités internationaux au référendum datent de 1921. Elles ont été adoptées après l'acceptation d'une initiative populaire qui visait l'institution d'un référendum facultatif pour les traités internationaux conclus pour une durée indéterminée ou pour plus de quinze ans6.

Ces dispositions ont été révisées de fond en comble en 19777, afin d'étendre le champ d'application du référendum facultatif aux traités internationaux qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qui entraînent une unification multilatérale du droit. La révision a également introduit l'obligation de soumettre au référendum8 l'adhésion à des communautés supranationales ou à des organisations de sécurité collective. Cette réforme faisait suite à deux motions identiques (entre autres interventions parlementaires) et à une initiative populaire déposée par l'Action nationale en mars 1973. Après avoir examiné si les traités d'importance constitutionnelle devaient être soumis au référendum, le Conseil fédéral et le Parlement ont préféré se limiter aux deux cas précités (adhésion à des communautés supranationales ou à des organisations de sécurité collective), qualifiés de «décisions de politique étrangère ayant la plus grande portée et le plus grand poids»9.

5 6 7

8 9

RS 101 FF 1974 II 1134 ss, avec une présentation détaillée de leur genèse.

Cf. Valentin Zellweger, «Die demokratische Legitimation staatsvertraglichen Rechts», in: Cottier/Achermann/Wüger/Zellweger (éd.), Der Staatsvertrag im schweizerischen Verfassungsrecht, Berne, 2001, pp. 251 ss, p. 282 On distingue les textes «soumis» au référendum (obligatoire) de ceux qui y sont «sujets» (facultatif).

FF 1974 II 1156; cf. également Zellweger, ibid., p. 284

6357

2.1.2

Révision totale de la Constitution et réforme des droits populaires

Lors de la révision totale de la Constitution, le référendum en matière de traités internationaux a une nouvelle fois fait l'objet d'un examen approfondi. Le référendum obligatoire, employé à ce jour dans un seul cas10, ne semblait pas devoir être réformé et a été repris tel quel dans la nouvelle Constitution (art. 140, al. 1, let. b, Cst.). Le Conseil fédéral a par contre estimé que le référendum facultatif présentait certains défauts, puisque certains traités internationaux importants y échappaient: «Les citoyens ne peuvent donc pas s'exprimer sur la conclusion de nombreux traités importants, ce qui ne peut être satisfaisant d'un point de vue démocratique. En outre, il existe un risque de décisions contradictoires susceptibles de compromettre la crédibilité internationale de la Suisse»11. Il a donc proposé, entre autres, de faire approuver les traités internationaux sous la forme d'un arrêté fédéral qui intégrerait la législation d'exécution, l'ensemble étant sujet au référendum12.

Lors de la procédure de consultation relative à la réforme des droits populaires, le Conseil fédéral avait proposé de maintenir dans ses grandes lignes la législation relative au référendum facultatif en matière de traités internationaux, en faisant toutefois passer le nombre de signatures requises à 100 000. Il se déclarait convaincu «qu'il exist[ait] un besoin de réforme dans le domaine du référendum facultatif en matière internationale et qu'une extension du champ d'application de ce référendum se justifi[ait]», la participation liée à la démocratie directe devant être possible «là où les choses fondamentales et importantes sont décidées»13. Le Conseil fédéral a par conséquent proposé de remplacer les dispositions régissant le référendum obligatoire pour les traités internationaux qui entraînent une unification multilatérale du droit par des dispositions soumettant au référendum facultatif les traités internationaux «fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales ou d'arrêtés fédéraux de portée générale». Les résultats de la consultation l'ont convaincu que cette proposition allait trop loin, dans la mesure où l'ensemble des traités internationaux fixant des règles de droit seraient sujets au référendum, qu'ils soient importants ou non14. Il a donc proposé de maintenir les
dispositions relatives à l'unification multilatérale du droit et de les compléter par des dispositions déclarant sujets au référendum les traités internationaux «dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales [...] qui confèrent des droits ou imposent des obligations aux particuliers», ce qui permettait de se limiter aux «normes importantes»15. Le Conseil fédéral estimait que seul le droit fédéral devait être pris en compte, les cantons «dispos[a]nt d'autres possibilités, plus adéquates, de participer aux 10

11 12 13 14

15

Le premier projet d'adhésion à l'ONU, qui n'a pas réuni une majorité de suffrages, a été soumis au référendum parce que l'ONU est une organisation de sécurité collective (FF 1982 I 588). Lors de la deuxième votation, c'est l'adoption de l'art. 197, ch. 1, Cst., qui nécessitait un référendum aux termes de l'art. 140, al. 1, let. a, Cst. (révision partielle de la Constitution). Dans le cas de l'EEE, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que les conditions de l'art. 89, al. 5, aCst. n'étaient pas réunies, mais que l'arrêté fédéral devait être soumis au vote du peuple et des cantons pour des motifs politiques (FF 1992 IV 529).

FF 1997 I 477 Aujourd'hui art. 141a Cst.

FF 1997 I 479 Ibid., p. 478. Le Conseil fédéral a notamment indiqué que de nombreux traités auraient été concernés «sans pour autant être dignes d'être soumis à un référendum», comme les conventions bilatérales de double imposition, directement applicables.

Ibid., p. 480

6358

décisions de la Confédération en matière de politique extérieure»16. Le projet ne remettait nullement en cause la possibilité donnée à l'Assemblée fédérale de déclarer d'autres traités sujets au référendum.

Après le rejet par les Chambres lors des débats d'entrée en matière menés en 1999 des propositions de réforme des droits populaires présentées par le Conseil fédéral, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) a lancé une initiative parlementaire redonnant de l'actualité au sujet17. La commission proposait notamment d'éliminer le critère de l'unification multilatérale du droit et de déclarer sujets au référendum les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Ce système devait «à la fois garanti[r] le droit du peuple de se prononcer en manière internationale et assure[r] la crédibilité de la Suisse comme partenaire international»18. La formulation choisie se fondait sur les propositions de la Commission de la révision constitutionnelle du Conseil national, auxquelles le Conseil fédéral s'était dans un premier temps opposé. Ce dernier a d'ailleurs refusé de souscrire totalement à la proposition de la CIP-E19, mais après une légère correction de forme et de fond20, le nouveau ch. 3 de l'art. 141, al. 1, Cst. a quand même été adopté par l'Assemblée fédérale et est entré en vigueur le 1er août 2003 (nouvel art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.). L'argument principal sous-tendant la réforme était que les droits populaires devaient pouvoir être actionnés de la même manière en matière de traités internationaux et de législation interne (parallélisme), l'important étant le contenu normatif et non la forme (loi ou traité international): «ce qui, au niveau national, est et doit donc être édicté sous la forme d'une loi sujette à référendum (art. 164 Cst.) est également dans le cas d'un traité international, qui est donc lui aussi sujet au référendum facultatif (art. 141 Cst.)»21.

Après l'entrée en vigueur des nouvelles normes constitutionnelles, différentes questions d'interprétation se sont encore posées22, mais la pratique développée par le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale peut désormais être considérée comme consolidée. Il n'y pas eu de profondes divergences ni de débats publics sur la néces-

16 17 18 19 20

21

22

Ibid., p. 481 Initiative parlementaire CIP-E du 29 juin 1999 «Suppression de carences dans les droits populaires» (99.436) Rapport CIP-E du 2 avril 2001, FF 2001 4613 Avis du Conseil fédéral du 15 juin 2001, FF 2001 5795 La CIP-E parlait des traités internationaux «qui requièrent l'adoption de lois fédérales», tandis que la version définitive adoptée à l'issue des débats parlementaires utilise la formulation «dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales».

Développement de la motion de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 22 avril 2004 «Référendum facultatif s'appliquant aux traités internationaux.

Parallélisme des règles de droit internationales et nationales» (04.3203) Cf. avis de droit et rapports de l'Office fédéral de la justice, in: JAAC 68.83 et JAAC 69.75

6359

sité de soumettre tel ou tel traité international au référendum23. La constitutionnalité des «accords standard»24 a néanmoins été remise en question, notamment dans le contexte des négociations de nouvelles conventions contre les doubles impositions.

Le Conseil fédéral est revenu à cet égard sur sa décision initiale, demandant que toutes les nouvelles conventions contre les doubles impositions soient sujettes au référendum25. Il a été suivi sur ce point par les Chambres fédérales26. La cohérence voudrait que l'on étende cette nouvelle pratique aux autres domaines du droit.

2.1.3

Droit constitutionnel non écrit

Les autorités fédérales et une partie de la doctrine admettent l'existence d'un référendum obligatoire extraordinaire (non écrit), pour les «traités internationaux qui revêtent une importance extraordinaire à tel point qu'ils doivent être considérés comme étant de rang constitutionnel»27. Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale ont ainsi examiné si les accords d'association à Schengen et à Dublin étaient de rang constitutionnel. Ils sont arrivés à la conclusion que ces accords n'étaient pas soumis au référendum parce qu'ils «n'entraîn[aient] pas de modification politique fondamentale et ne touch[aient] donc pas à notre ordre constitutionnel»28. Le référendum extraordinaire sera analysé plus en détail au ch. 5.

23

24

25 26

27 28

Relevons néanmoins que, lors de l'élaboration de la loi du 5 octobre 2007 sur la géoinformation (RS 510.62), il a fallu examiner si le Parlement était autorisé à déléguer au Conseil fédéral la conclusion de traités internationaux non dénonçables (normalement sujets au référendum) sur le tracé des frontières extérieures. Le Conseil fédéral estimait «qu'il [était] possible de déléguer [à l'exécutif] la compétence de conclure des traités dans un domaine aussi précisément définissable, si la délégation [avait] pour objet des traités ne visant que des rectifications de frontières ou d'autres modifications mineures du territoire» (FF 2006 7454). Les Chambres fédérales se sont ralliées à cet avis sans débat. Au sujet des traités internationaux non dénonçables, on se reportera également à la réponse du Conseil fédéral du 20 mai 2009 à l'interpellation du 20 mars 2009 du Groupe de l'Union démocratique du centre (09.3256, «Traités internationaux non dénonçables»), dans laquelle il évoque, outre les traités de délimitation des frontières, le pacte de l'ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et celui relatif aux droits civils et politiques, qui ont été soumis au référendum parce qu'ils n'étaient pas dénonçables (cf.

RO 1993 724 et RO 1993 747).

Le Conseil fédéral et le Parlement se sont entendus pour considérer que les dispositions de traités qui ne créent pas pour l'essentiel d'obligations plus étendues qu'un grand nombre de traités semblables que la Suisse a déjà conclus ne sont pas importantes. Le terme d'«accord standard» s'est imposé pour les désigner. On ne connaît d'accord standard à ce jour que dans les domaines des accords de libre échange, des conventions contre les doubles impositions et des accords relatifs à la sécurité sociale.

Le premier message concernait la convention contre les doubles impositions conclue avec le Danemark ( FF 2010 87).

Le 17 mars 2010, le Conseil des Etats a adopté les arrêtés fédéraux relatifs aux conventions contre les doubles impositions conclues avec la France, la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, le Mexique, le Danemark et les Etats-Unis et les a déclarées sujettes au référendum facultatif (BO 2010 E 284); le Conseil national les a adoptés le 10 juin 2010.

Les deux chambres ont adopté dix conventions de double imposition et les ont déclarées
sujettes au référendum facultatif lors du vote final du 18 juin 2010 (FF 2010 3955 ss).

FF 2004 5911 s., avec d'autres références à la doctrine et à la jurisprudence Ibid., p. 5913

6360

2.2

Projets de réforme avortés

Divers acteurs ont demandé la modification des dispositions relatives au référendum en matière de traités internationaux après la réforme des droits populaires de 2002.

Le conseiller national Josef Zisyadis a ainsi demandé par voie d'initiative que l'adhésion à l'Accord général sur le commerce des services (AGCS)29 soit soumise au référendum30. L'initiative a été rejetée par une majorité de la commission chargée de l'examen préalable, celle-ci estimant que le référendum ne devait être obligatoire que dans les cas où un traité international entraîne des adaptations automatiques du droit interne, ce qui n'était pas le cas de l'AGCS: «L'AGCS n'entraîne pas de modification automatique du droit: il ne fait que permettre des adaptations législatives qui sont en principe sujettes au référendum. [...] La logique sur laquelle reposent les référendums en matière de traités internationaux veut qu'on ne recoure au référendum obligatoire que s'il est prévu d'accepter automatiquement des adaptations législatives irréversibles. Si tel n'est pas le cas, le référendum obligatoire ne se justifie pas du point de vue constitutionnel»31. Le Conseil national a rejeté l'initiative le 19 juin 2006.

Le 17 juin 2005, le groupe UDC a déposé l'initiative parlementaire «Politique extérieure. Vers plus de démocratie grâce à une extension du référendum en matière de traités internationaux» (05.426). Il y demandait l'abrogation de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. et l'ajout d'une let. d à l'art. 140, al. 1, afin de soumettre au vote du peuple et des cantons les traités internationaux qui «1. sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables; 2. prévoient l'adhésion à une organisation internationale; 3. contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit, dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales ou pouvant avoir d'autres effets sur la souveraineté et l'indépendance de la Suisse ou sur les droits populaires». Le groupe UDC demandait que le peuple et les cantons puissent voter sur tous les traités, accords, conventions et programmes internationaux importants, estimant qu'ils affectent ou restreignent presque toujours la souveraineté et l'indépendance de la Suisse ainsi que les droits du peuple. La CIP-N a proposé par onze voix contre cinq de ne pas donner suite à l'initiative et a été suivie
par le Conseil national le 6 mars 2007. La majorité des conseillers nationaux a estimé qu'il n'était pas nécessaire de modifier une nouvelle fois les dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux, que l'initiative mettait à mal le principe du parallélisme entre droit national et droit international qui venait à peine d'être mis en oeuvre et qu'elle donnerait lieu chaque année à une dizaine de votations supplémentaires sur des sujets peu controversés32.

Deux initiatives parlementaires déposées en 2009 par le conseiller national Lukas Reimann visaient une modification plus générale du système référendaire33. La première aurait introduit un référendum facultatif extraordinaire permettant à une minorité qualifiée (par ex. un tiers des membres d'un conseil) de déclarer un acte ou un arrêté sujet au référendum; la seconde aurait introduit un référendum dit parlementaire permettant à une minorité qualifiée (par ex. un tiers des membres d'un 29 30 31 32 33

Annexe 1.B de l'accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce (RS 0.632.20) Initiative parlementaire 05.407 du 18 mars 2005 «Référendum obligatoire pour l'AGCS» BO 2006 N 980 (Schlüer, trad.)

BO 2007 N 54 09.443 et 09.444

6361

conseil) de soumettre au référendum un acte simplement sujet au référendum34.

Suivant la proposition de la CIP-N, chargée de l'examen préalable, le Conseil national a décidé le 15 mars 2010 de ne pas donner suite à ces initiatives35.

3

Buts de l'initiative

Selon ses propres indications36, le comité d'initiative part du principe que l'exercice des droits populaires souffre de graves lacunes et que les citoyens n'ont pas la possibilité de s'exprimer sur de nombreuses questions politiques déterminantes ou que ces possibilités sont insuffisantes. Par son initiative, l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) entend s'opposer aux tendances visant à restreindre la démocratie directe; son objectif est, en particulier, d'empêcher une adhésion graduelle à l'UE ou à d'autres autorités internationales et d'éviter que les droits populaires ne soient vidés de leur substance par l'adhésion à des traités internationaux ou par la reprise de dispositions étrangères. L'ASIN estime qu'il est indispensable de renforcer les droits populaires en matière de politique extérieure pour assurer la prospérité du pays. Elle souhaite par conséquent que les traités internationaux ayant trait à des domaines importants soient soumis au référendum, et donc à la double majorité du peuple et des cantons. Les auteurs de l'initiative considèrent que les dispositions constitutionnelles sont actuellement insuffisantes, parce qu'elles ne soumettent au référendum que l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales. L'initiative remédie par ailleurs au fait que les cantons, souvent directement concernés, n'ont pas voix au chapitre en matière de traités internationaux. Elle a également pour but de revaloriser les droits populaires, étant donné que le vote par correspondance, le vote électronique, les barrières administratives à la collecte de signatures et le relèvement du nombre de signatures requises compliquent l'accès aux instruments de la démocratie directe37. Le nouveau référendum obligatoire supprimerait ainsi la laborieuse collecte de signatures, ce qui permettrait aux acteurs politiques de libérer des ressources en personnel et des moyens financiers pour la campagne.

L'ASIN cite quelques exemples de traités internationaux concernés par son initiative. Les accords de Schengen et de Dublin auraient ainsi été soumis au référendum parce qu'ils impliquent la reprise de dispositions de droit étranger (et ils auraient été rejetés en raison de l'opposition d'une majorité de cantons). Divers domaines dans 34

35

36

37

Les dispositions relatives au référendum parlementaire facultatif ont été abrogées en 2003 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution (l'art. 89, al. 4, aCst. était libellé ainsi: «Par une décision des deux conseils, l'al. 2 est applicable à d'autres traités»).

BO 2010 N 397. La conseillère nationale Ruth Humbel a analysé les deux initiatives comme suit au nom de la commission: «La majorité de la commission ne perçoit pas dans les deux initiatives le renforcement de la démocratie ou des droits populaires annoncé dans leurs titres, mais une modification de l'équilibre existant entre le peuple et le Parlement et un renforcement des minorités au détriment des majorités. Dans notre système démocratique, au demeurant bien établi et fondé sur des décisions prises à la majorité, il serait délicat de laisser des minorités l'emporter sur des majorités. Ces initiatives auraient en outre pour effet d'affaiblir le Parlement qui, rappelons-le, est également un élément de notre démocratie directe: il est élu par le peuple, dont il défend les divers intérêts.» (trad.).

Les propos et explications ci-après proviennent ­ sauf lorsque d'autres sources sont indiquées ­ de la documentation publiée à l'occasion de la conférence de presse du 11 août 2009, disponible sur le site de l'ASIN (www.asin.ch, rubrique Communiqués).

Hans Fehr, «Quels seront les effets de l'initiative sur les traités internationaux?», documentation de la conférence de presse du 11 août 2009.

6362

lesquels la Suisse négocie des traités internationaux seraient également touchés par l'initiative: les arrêtés fédéraux relatifs à la libre circulation des ressortissants des Etats membres de l'UE (prolongation et extension à la Bulgarie et à la Roumanie) et à la contribution de la Suisse à l'atténuation des disparités dans l'UE élargie auraient ainsi été soumis au référendum38. L'ASIN évoque encore l'accord-cadre que la Suisse pourrait conclure avec l'UE et les futurs accords sur les prestations de service, le libre-échange de produits agricoles, les denrées alimentaires, le secteur de la santé et l'électricité. Enfin, elle cite des exemples dépourvus d'actualité, tels que l'adhésion de la Suisse à une union douanière ou des exemples anciens comme l'adhésion de la Suisse à la convention européenne des droits de l'homme, à d'autres conventions multilatérales ayant trait aux droits de l'homme et à l'accord instituant l'OMC39.

L'ASIN a par ailleurs considéré que son initiative avait eu des effets préventifs, à l'origine de la volte-face du Conseil fédéral au sujet des conventions contre les doubles impositions: celui-ci a en effet finalement demandé que toutes celles qui impliquent un nouveau régime d'entraide administrative conforme au modèle de convention de l'OCDE soient sujettes au référendum40. Le comité d'initiative estime toutefois que ces conventions devraient être soumises, et non seulement sujettes, au référendum en matière de traités internationaux.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Développement de la démocratie directe

L'initiative de l'ASIN vise à étendre les possibilités qu'ont les citoyens de participer à la politique extérieure en recourant aux instruments de la démocratie directe. Son acceptation aurait principalement pour effet d'augmenter le nombre de traités internationaux soumis au référendum. Les citoyens pourraient ainsi prendre davantage de décisions touchant la politique extérieure.

38

39

40

Les principes relatifs aux contributions de la Suisse sont inscrits dans un document qui n'a pas valeur de traité international (cf. FF 2007 477 s.). Seules les prestations concrètes dont la Suisse est convenue par voie bilatérale avec des Etats membres de l'UE font l'objet de traités internationaux.

L'ASIN mentionne également les engagements de l'armée à l'étranger, arguant que son initiative permettrait de les soumettre au référendum. Or aucun traité international ne régit ces engagements, ce qui exclurait l'application du nouvel art. 140, al. 1, let. d, Cst. En 2008, l'ASIN entendait examiner l'opportunité de lancer une initiative populaire distincte sur ce thème.

Communiqué de presse du 27 septembre 2009.

6363

4.1.1

Multiplication des votations populaires

Les référendums obligatoires en matière de traités internationaux sont exceptionnels: depuis 1976, seuls deux traités ont été déclarés soumis au référendum et aucun n'a réuni la majorité du peuple ou celle des cantons41. Sur la même période, 166 traités internationaux ont été déclarés sujets au référendum42. Depuis la refonte des dispositions régissant les référendums en matière de traités internationaux en 1977, les acteurs politiques ont peu recouru à cet outil, l'utilisant presque exclusivement pour des traités en rapport avec l'Union européenne et ses Etats membres43. Concernant l'adhésion à l'OMC, un référendum a bien été demandé, mais il n'a pas abouti44.

Pratique en matière de traités internationaux

2006

2007

2008

2009

Traités internationaux relevant de la seule compétence du Conseil fédéral45 (dont les modifications de traités)

349

376

414

43046

(65)

(62)

(95)

(84)

30

35

22

24

Propositions visant à déclarer un traité internatio- 15 nal sujet au référendum (dont les cas où il était prévu d'adopter ou de (5) modifier parallèlement des lois)48

16

14

12

(5)

(2)

(8)

Traités internationaux soumis à l'approbation du Parlement47

41

42

43 44

45 46

47

48

Arrêté fédéral du 14 décembre 1984 sur l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies (FF 1984 III 1469) et arrêté fédéral du 9 octobre 1992 sur l'Espace économique européen (EEE) (FF 1992 VI 53). Dans le cas de l'EEE, le Conseil fédéral a estimé que, même si les conditions définies dans la Constitution concernant le référendum obligatoire en matière de traités internationaux n'étaient pas réunies, il était nécessaire de laisser le peuple et les cantons se prononcer, notamment en raison des précédents et des adaptations de la Constitution qu'entraînerait la ratification du traité (FF 1992 IV 529).

Giovanni Biaggini, BV-Kommentar, Zurich, 2007, ad. art. 141, no 21, compte sept référendums jusqu'à la fin de 2006. Daniel Thürer, St. Galler BV-Kommentar, 2e éd., Zurich/St-Gall, 2008, ad art. 141, no 25 et 28, compte, entre 1977 et 2007, 24 traités non dénonçables ou de durée indéterminée et 34 traités prévoyant l'adhésion à une organisation internationale. Pour le référendum facultatif régi par les nouvelles dispositions de 2003, il compte 58 traités jusqu'à la fin de 2007.

Autre cas: votation du 17 mai 1992 sur l'adhésion aux institutions de Bretton Woods (FF 1992 V 445) Arrêté fédéral du 16 décembre 1994 portant approbation des accords internationaux conclus dans le cadre des négociations commerciales multilatérales conduites sous l'égide du GATT (cycle d'Uruguay) (FF 1995 II 625) Chiffres issus des rapports du Conseil fédéral relatifs aux traités dont la conclusion relève de sa seule compétence.

L'accord entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique concernant la demande de renseignements de l'IRS des Etats-Unis d'Amérique relative à la société de droit suisse UBS SA (FF 2010 3410), soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale à la suite d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral (FF 2010 2693), est également comptabilisé.

Ces chiffres ont été obtenus en dépouillant les messages publiés au cours des années concernées. Dans quelques rares cas, l'arrêté fédéral portait sur plusieurs traités. Exemple typique: les traités de libre-échange conclus entre les Etats membres de l'AELE s'accompagnent toujours d'un accord bilatéral distinct dans le domaine de l'agriculture.

Le 26 novembre 2008, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres un message additionnel relatif à la
participation de la Suisse au programme communautaire MEDIA (FF 2008 8165). Comme il avait déjà adressé un message aux Chambres sur le sujet le 21 septembre 2007 (FF 2007 6313), ce traité n'a été compté qu'une fois.

6364

Entre 2006 et 2008, aucun traité international n'a donné lieu à un référendum49; en 2009 par contre, le peuple et les cantons se sont prononcés sur deux traités internationaux pour lesquels une demande de référendum avait abouti: l'extension de l'accord sur la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie, d'une part, acceptée le 8 février 2009 par 59,6 % des voix (et avec une majorité de 19 cantons et demi)50 et l'arrêté fédéral du 13 juin 2008 portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise du règlement (CE) 2252/2004 relatif aux passeports biométriques et aux documents de voyage51, d'autre part, acceptée par 50,1 % des voix. Ce dernier objet n'ayant été accepté que par neuf cantons, il aurait été rejeté si la majorité des cantons avait été requise52.

Entre 2006 et 2009, sept traités internationaux auraient vraisemblablement été soumis au référendum demandé par les auteurs de l'initiative. Déterminer si un traité concerne effectivement un domaine important est une question d'interprétation, d'où l'emploi du conditionnel. Le Conseil fédéral estime que les traités suivants auraient été concernés:

49

50 51

52 53

54

55

­

protocole additionnel du 24 janvier 2002 à la convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine53;

­

convention (révisée) du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (convention de Lugano)54;

­

échange de notes du 21 août 2008 entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise du règlement (CE) no 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas et l'échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour (développement de l'acquis de Schengen)55;

La votation du 26 novembre 2006 portait sur la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d'Europe de l'Est, et non sur un traité. Le comité d'initiative considère que cette votation montre comment les droits populaires sont vidés de leur substance. Le projet a été adopté par 53,4 % des voix et aurait obtenu une majorité de 14 cantons.

FF 2009 1429 L'échange de notes était peu controversé sur le plan politique. Le référendum résulte principalement de modifications législatives qui faisaient formellement partie de l'arrêté fédéral, mais qui constituaient une adaptation autonome du droit suisse au droit communautaire.

FF 2009 6833 FF 2009 4007. L'arrêté fédéral portant approbation du protocole a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que le protocole contenait des dispositions importantes fixant des règles de droit (FF 2008 7229).

FF 2009 7973. L'arrêté fédéral portant approbation de la convention a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que plusieurs lois fédérales ont été adaptées par la même occasion.

FF 2009 7987. L'arrêté fédéral portant approbation de l'échange de notes a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que deux lois fédérales ont été adaptées par la même occasion.

6365

­

échange de notes du 28 mars 2008 entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise du règlement CE no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen)56;

­

convention du 4 avril 1997 sur les Droits de l'Homme et la biomédecine57;

­

protocole additionnel du 12 janvier 1998 à la convention du 4 avril 1997 sur les Droits de l'Homme et la biomédecine portant interdiction du clonage d'êtres humains58;

­

convention de la Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire59.

Seuls les traités liés à Schengen ont attiré l'attention de l'opinion publique. L'objet des autres traités, soit la biomédecine ou les arrangements de droit international privé, était peu controversé et aucun acteur politique n'a menacé de lancer un référendum. Notons par ailleurs que la Suisse n'a jamais conclu de traité entraînant des dépenses uniques de plus d'un milliard de francs ou des dépenses récurrentes de plus de 100 millions de francs, comme il est question au ch. 4 de l'initiative60.

Si l'initiative était acceptée, le peuple et les cantons devraient voter chaque année sur trois projets supplémentaires en moyenne, soit une augmentation de plus de 30 %61. La multiplication des votations augmenterait les frais d'organisation pour la Confédération et les cantons62. A l'inverse, les acteurs politiques n'auraient plus à assumer les risques politiques, la logistique et les frais liés à la collecte de signatures qu'implique le régime du référendum facultatif et pourraient économiser ces ressources pour la campagne proprement dite.

56

57

58

59

60

61 62

RO 2008 5629. L'arrêté fédéral portant approbation de l'échange de notes a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que la loi sur les étrangers a été adaptée par la même occasion (FF 2008 4823).

RS 0.810.2. L'arrêté fédéral portant approbation de la convention a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que la convention contenait des dispositions importantes fixant des règles de droit (FF 2002 271). La convention est entrée en vigueur en Suisse le 1er novembre 2008 (RO 2008 5125).

RS 0.810.21. L'arrêté fédéral portant approbation du protocole additionnel a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que le protocole contenait des dispositions importantes fixant des règles de droit (FF 2008 2123). Le protocole est entré en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 2008.

RO 2009 6579. L'arrêté fédéral portant approbation de la convention a été déclaré sujet au référendum en matière de traités internationaux, parce que la LDIP a été adaptée par la même occasion (FF 2008 7595).

La contribution de la Suisse à la cohésion de l'UE élargie, mentionnée par le comité d'initiative, ne se fonde pas sur un traité international mais sur une déclaration d'intention et un arrêté fédéral portant sur un crédit-cadre (cf. FF 2007 477 s.). Aucun des accords bilatéraux conclus par la Suisse avec les Etats membres dans le prolongement de cette déclaration d'intention ne porte sur un montant excédant celui indiqué dans le texte de l'initiative. Le plus élevé est celui qui a été fixé dans l'accord-cadre avec la Pologne (RS 0.973.264.92). Aux termes de l'art. 3, al. 1, de cet accord, la Suisse alloue à la Pologne, «aux fins de réduire les disparités économiques et sociales au sein de l'UE élargie, [...] une contribution non remboursable d'un montant maximal de 489 020 000 francs [...] pour une période d'engagement de cinq ans et une période de paiement de dix ans, à compter de la date d'approbation de la contribution par le Parlement suisse, le 14 juin 2007».

De 2001 à 2009, il y a eu en moyenne huit votations par an, les chiffres allant de deux en 2007 (année des élections au Conseil national et au Conseil des Etats) à 13 en 2004.

Cf. ch. 6.4

6366

4.1.2

Participation étendue

L'acceptation de l'initiative étendrait les possibilités qu'ont les citoyens de participer aux décisions en recourant aux instruments de la démocratie directe et favoriserait la participation des cantons à la définition de la politique extérieure. L'histoire du référendum en matière de traités internationaux au cours des 30 dernières années (cf. ch. 2) est faite de tentatives d'optimisation: les adaptations constitutionnelles ont toujours répondu à la nécessité d'accroître la légitimité démocratique des décisions de politique extérieure et d'étendre les possibilités de participation des citoyens, du Parlement et des cantons63. Soumettre au référendum des traités qui, aujourd'hui, y sont simplement sujets ou qui sont soumis à la seule approbation du Parlement pourrait intensifier le débat public sur des thèmes de politique extérieure. Notons toutefois que les discussions porteraient tant sur l'acceptation ou le rejet du traité que sur la question beaucoup plus délicate sur le plan politique de l'importance de sa matière ou de ses dispositions. Il reviendrait en dernière instance à l'Assemblée fédérale de décider, sur proposition du Conseil fédéral, si les conditions fixées par la Constitution sont réunies.

Si les traités internationaux devaient être acceptés par le peuple et les cantons, ils acquerraient la même légitimité démocratique que des dispositions constitutionnelles, elles aussi soumises au référendum. Une fois ratifiés, ils pourraient également être considérés comme durables et politiquement viables par les partenaires de la Suisse. Il est difficile de déterminer a priori dans quelle mesure le rejet d'un traité par le peuple ou les cantons restreindrait la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de politique extérieure et porterait atteinte à sa crédibilité sur le plan international.

4.2

Marge d'interprétation du texte de l'initiative

Le comité d'initiative constate lui-même que son texte laisse une certaine marge d'interprétation, notamment pour la notion de «domaines importants», tout en précisant que celle-ci figure déjà sous une forme apparentée à l'art. 164 Cst.

4.2.1

Importance d'un traité international

Dans ses trois premiers chiffres, le texte de l'initiative ne soumet au référendum que les dispositions ayant trait à des «domaines importants». La Constitution recourt déjà à cette notion lorsqu'elle déclare sujets au référendum les traités internationaux contenant des «dispositions importantes fixant des règles de droit» (art. 141, al. 1, let. d, Cst.). Cette expression s'inspire de l'art. 164, mais dans les deux cas la notion d'importance porte uniquement sur certaines dispositions et non sur des textes de loi voire des domaines entiers. La Constitution n'établit ainsi pas de distinction entre textes importants et textes non importants, mais entre normes importantes et normes moins importantes du droit fédéral: elle oppose les normes requérant une légitimité particulière aux normes de moindre portée. Cette distinction est parfaitement satis63

La loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération (RS 138.1) est l'expression même de ces ambitions.

6367

faisante, tant sur le plan juridique que sur le plan politique, dans la mesure où il y a largement matière à comparaison dans le droit fédéral et où les arrêts du Tribunal fédéral contiennent une large jurisprudence sur les règles de délégation. L'initiative, par contre, tente de séparer les domaines importants des domaines moins importants, ce qui requerrait l'introduction d'une classification de l'importance des domaines et des thèmes politiques. Or sur quels critères et sur quelles procédures pourrait-on fonder objectivement une telle classification? Il n'est pas usuel, ni dans la Constitution ni dans la politique suisse, de considérer des domaines entiers comme moins importants et d'en qualifier d'autres d'importants parce qu'ils revêtent momentanément de l'acuité. L'exemple de la politique européenne montre que la distinction est vaine: tous les traités que la Suisse entend conclure avec l'Union européenne sont-ils importants parce qu'il s'agit de politique européenne? L'accord sur la coopération dans le domaine de la statistique est-il moins important que l'accord sur la lutte contre la fraude? Le transport aérien est-il plus important que les mesures visant à promouvoir la recherche? Ces difficultés deviennent encore plus criantes si l'on examine les traités internationaux soumis à l'Assemblée fédérale au cours des dernières années: ­

convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens64: l'immunité juridictionnelle de la Confédération et des cantons constitue-t-elle un domaine important?

­

convention de la Haye sur les droits sur des titres intermédiés65: le fait que cette convention présente des liens avec la garantie de la propriété66, protégée par la Constitution, signale-t-il un domaine important?

­

échanges de notes du 21 août 2008 et du 24 octobre 2008 entre la Suisse et l'UE concernant la reprise du règlement et de la décision relatifs au système d'information sur les visas67: les thèmes liés à la protection des données68 sont-ils importants au sens de l'initiative?

­

protocoles additionnels à la CEDH: les protocoles no 1, 4 et 12 doivent-ils être soumis au référendum?

4.2.2

Notions imprécises

Outre la réserve exprimée ci-dessus à propos de la notion de domaines importants, les chiffres du texte de l'initiative soulèvent des questions d'interprétation.

­

64 65 66 67 68 69

L'unification multilatérale du droit, pour laquelle l'ancienne Constitution prévoyait un référendum facultatif jusqu'en 2003, est un processus par lequel «un traité international crée multilatéralement des règles de droit unifiées (d'une large application directe), qui remplacent ou du moins complètent directement le droit national [...]»69. Selon la pratique de l'Assemblée fédérale, à laquelle le Conseil fédéral s'était rallié, c'est la nature ou la portée, notamment juridique ou politique, des dispositions qui sont déterminanFF 2009 7969 RO 2009 6579 Cf. FF 2006 8911 FF 2009 7987 FF 2009 3793 FF 1997 I 373

6368

tes: l'unification d'un petit nombre de dispositions, voire d'une seule disposition d'une importance particulière, suffit pour entraîner une unification multilatérale du droit70. L'Assemblée fédérale a par exemple déclaré sujets au référendum les protocoles additionnels n° 6 et 7 à la CEDH71. Comme il est indiqué au ch. 2, ce critère a été abandonné délibérément lors de la réforme des droits populaires. Dans le domaine de la politique européenne, rien ne permettait de conclure avec certitude qu'un accord avec l'Union européenne ­ bien qu'il s'agisse formellement d'un accord bilatéral, puisqu'il n'est conclu qu'avec un seul partenaire ­ pouvait entraîner une unification multilatérale du droit72.

70

71 72

73

74

­

L'initiative entend également soumettre au référendum les traités internationaux qui obligent la Suisse à reprendre de futures dispositions fixant des règles de droit dans des domaines importants. Il n'existe aucun exemple de traité par lequel la Suisse aurait renoncé à sa liberté de décision et se serait engagée à reprendre automatiquement les développements juridiques décidés par d'autres Etats. Lorsqu'un accord prévoit que les parties reprennent les développements du droit d'un Etat étranger ou du droit international, il est généralement possible de le dénoncer ou de faire valoir un droit d'opposition. Ainsi, le Conseil fédéral s'est récemment prononcé contre la reprise automatique du droit communautaire73.

­

Le comité d'initiative estime que si la Suisse n'avait pas adhéré à la CEDH, il faudrait soumettre cette convention au référendum, puisque la Suisse s'y engage à accepter la compétence d'un tribunal international74. Qu'en est-il dès lors des clauses d'arbitrage et des mécanismes de conciliation prévus dans les accords bilatéraux I et II et dans certaines récentes conventions contre les doubles impositions?

­

Les problèmes d'interprétation sont en revanche moins grands en ce qui concerne la notion de dépenses récurrentes, fréquemment utilisée dans le contexte du frein à l'endettement (art. 159, al. 3, let. b, Cst.) et du référendum en matière de finances (inexistant à l'échelon fédéral). Les dépenses récurrentes de cette ampleur sont cependant très rares dans le domaine de la politique étrangère.

Cf. Ridha Fraoua/Luzius Mader, «Les accords sectoriels et la démocratie suisse», in: Accords bilatéraux Suisse-UE: commentaires, Bâle/Genève, 2001, p. 161 RO 1987 1806 et RO 1988 1596 L'accord sur la libre circulation des personnes constitue un traité «mixte» avec l'UE et ses Etats membres. Son annexe I instituant des normes de droit relativement uniformes, qui se prêtent en grande partie à une application directe et sont suffisamment précises pour déployer un effet direct et servir de base aux décisions dans des cas concrets, force était de reconnaître que l'accord entraînait une unification multilatérale du droit (cf. FF 1999 5739).

Cf. notamment la réponse du Conseil fédéral du 20 mai 2009 à l'interpellation du groupe UDC du 20 mars 2009 intitulée «Un accord-cadre avec l'UE pour renforcer la reprise automatique du droit européen?» (09.3249).

L'adhésion de la Suisse à la CEDH serait aujourd'hui au moins sujette au référendum en matière de traités internationaux; cf. à cet égard Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention, 2e éd., Zurich, 1999, ch. marg. 50.

6369

4.2.3

Risques d'une pratique constitutionnelle non établie

Le droit constitutionnel est fait de dispositions susceptibles d'être développées et interprétées de différentes manières par les autorités, l'Assemblée fédérale, les tribunaux75 ou le législateur. Les dispositions régissant le référendum en matière de traités internationaux n'échappent pas à la règle. Il a fallu en effet que la jurisprudence et la doctrine précisent ce qu'il fallait entendre par «organisation supranationale» ou, avant cela, par «unification multilatérale du droit». La marge d'interprétation du texte de l'initiative est néanmoins considérable. Il faudrait qu'une longue pratique se développe pour que le champ d'application des dispositions proposées soit établi de manière relativement fiable. Dans l'intervalle, il faudrait à chaque fois se repencher sur la signification de la norme et déployer d'énormes efforts de conviction politique, tout en devant composer avec une certaine incertitude tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. La crédibilité de la Suisse pourrait s'en trouver affectée à long terme, puisque tout accord relevant éventuellement du champ d'application du texte de l'initiative ferait planer une insécurité liée à la procédure de ratification interne.

4.3

Importance politique de l'initiative

4.3.1

Légitimité de la politique extérieure

Comme il est indiqué au ch. 4.1.1, l'adoption de l'initiative augmenterait de deux ou trois par an le nombre de projets soumis au vote du peuple et des cantons. Il s'agirait en majorité de traités internationaux peu contestés sur le plan politique et, partant, ne requérant guère la légitimité conférée par un scrutin. Les atouts de la réglementation actuelle résident avant tout dans les critères utilisés pour déterminer si un traité international doit être soumis au référendum. Faciles à appliquer, ils permettent de juger de manière fiable et exacte de l'importance d'un traité au regard de la politique intérieure et extérieure. La Constitution prévoit que, si un traité est important, le peuple doit avoir la possibilité de se prononcer. Sans apporter de bénéfice notable, l'initiative diluerait le principe bien établi du parallélisme entre la législation interne (lois sujettes au référendum et modifications de la Constitution soumises au référendum) et les traités internationaux. Alors que les modifications du droit interne continueraient de n'être qu'exceptionnellement soumises au référendum (majorité du peuple et des cantons), soit en cas de modification de la Constitution ou d'application du droit d'urgence en dérogation à celle-ci, un nombre relativement important de traités internationaux y seraient soumis. Les accords internationaux doivent cependant être traités de la même manière que le droit interne: les questions revêtant une importance fondamentale pour l'Etat doivent être réglées dans la Constitution et doivent par conséquent être soumises à l'approbation du peuple et des cantons. Il revient au législateur de déterminer ce qui est important, ses décisions pouvant être contestées par le peuple (sans que la majorité des cantons soit requise) au moyen du référendum facultatif. Ce modèle doit également s'appliquer aux traités internationaux: seuls ceux qui revêtent une importance particulière doivent être soumis au référendum, tandis que les traités qui ne revêtent pas une telle importance mais qui 75

Les tribunaux, en particulier le Tribunal fédéral, participent à la définition des droits fondamentaux garantis par la Constitution et les mettent à jour.

6370

contiennent des règles analogues à des dispositions législatives doivent être simplement sujets au référendum.

L'adoption de l'initiative bouleverserait par ailleurs la répartition traditionnelle des compétences. A l'heure actuelle, c'est l'Assemblée fédérale qui adopte la plupart des traités, ou le Conseil fédéral s'il y est habilité par le législateur76. La participation facultative du peuple est prévue pour quelques traités sortant de l'ordinaire qui façonnent de manière déterminante la politique intérieure et extérieure. La participation obligatoire du peuple et des cantons est quant à elle limitée aux rares traités internationaux par lesquels la Suisse, dans la conviction que le pays et le peuple ont un avantage certain et durable à se soumettre à un régime international, restreint volontairement sa liberté de décision et d'action. Les considérations exprimées par le Conseil fédéral en 1974 ont gardé toute leur validité: L'idéal de notre démocratie ne réside pas dans son développement désordonné, ni dans la création du plus grand nombre possible d'institutions de la démocratie directe. Il faut, semble-t-il, s'efforcer plutôt de concentrer le droit de participation du peuple sur l'essentiel, en écartant ce qui n'est pas important77.

Sans préjuger du contenu de futurs traités cités par le comité d'initiative (éventuel accord-cadre avec l'UE, accords dans les secteurs de l'agriculture, des denrées alimentaires, de la santé, etc.), on peut estimer que la plupart d'entre eux seraient au moins sujets au référendum. Or les comités référendaires sont presque toujours parvenus à récolter dans les délais le nombre de signatures nécessaires pour imposer une votation populaire78. Par ailleurs, si le peuple devait se rendre aux urnes trois fois par an pour se prononcer sur des traités internationaux, la qualité du débat public sur les questions souvent complexes liées aux traités pourrait en pâtir.

4.3.2

Droits de participation des cantons

L'initiative ne vise pas uniquement à soumettre automatiquement certains traités internationaux au vote du peuple ­ c'est-à-dire sans demande de référendum ­, mais également à ce que ces traités obtiennent l'approbation d'une majorité des cantons.

On peut s'interroger sur le bien-fondé d'un droit de participation accru des cantons en matière de traités internationaux. Au cours des dernières années, en effet, les possibilités données aux cantons de contribuer à façonner la politique extérieure de la Confédération se sont considérablement développées. Ainsi, même si les cantons n'ont jamais fait usage de cette compétence constitutionnelle, il suffit que huit d'entre eux le demandent pour qu'un traité international soit soumis au référendum.

76

77 78

Deux motions analogues, déposées l'une par la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats le 27 mai 2010 (10.3354), l'autre par la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national le 2 juin 2010 (10.3366), demandent la révision des bases légales régissant la conclusion d'un traité international par le Conseil fédéral. Ce dernier a proposé d'adopter ces motions, qui ont été transmises au second conseil.

FF 1974 II 1154 Contrairement aux affirmations des auteurs de l'initiative (Hans Fehr, «Quels seront les effets de l'initiative sur les traités internationaux?», documentation de la conférence de presse du 11 août 2009), le nombre de signatures requises pour faire aboutir un référendum (50 000) n'a pas changé depuis 1977. L'augmentation introduite en 1977 tenait d'ailleurs compte du droit de vote accordé aux femmes et n'avait pas pour but de créer un obstacle supplémentaire au référendum.

6371

La Constitution répond là aussi au principe du parallélisme, puisqu'elle prévoit, comme pour les lois fédérales, le référendum facultatif pour les traités internationaux réglant des matières législatives, la majorité des cantons étant réservée aux traités de plus grande portée impliquant notamment des modifications constitutionnelles.

Le système de participation et de consultation mis en place par la Constitution de 1999 donne globalement satisfaction, permettant aux cantons d'exercer une véritable influence sur la politique extérieure de la Confédération. Ceux-ci ont fait régulièrement usage des moyens dont ils disposent et la Confédération a constamment recherché le dialogue avec eux, mais aussi avec la Conférence des cantons (CdC) et les diverses conférences réunissant des représentants des exécutifs cantonaux, en particulier dans les dossiers de politique européenne qui touchent aux intérêts et à la sphère de compétences des cantons79. Dans son «Etat des lieux en politique européenne» du 25 juin 2010, la CdC a appelé de ses voeux un renforcement du fédéralisme participatif, soit notamment le développement des droits d'information dont ils disposent, afin qu'ils puissent donner des instructions contraignantes à la Confédération au moins pour les mandats de négociation relatifs à la reprise du droit communautaire. La CdC demande également une institutionnalisation plus marquée de la collaboration avec la Confédération dans le cadre des processus de décision visant la reprise du droit communautaire. Elle estime qu'un tribunal devrait pouvoir statuer sur les violations des droits d'information et de participation des cantons. La Confédération et la CdC discuteront en profondeur de ces demandes, qui pourraient donner lieu à des adaptations du droit fédéral. En tout état de cause, les cantons ne remettent pas en question leurs droits référendaires ni le poids de leur voix80.

Il est en définitive difficile de comprendre pourquoi les cantons devraient avoir plus de poids en matière de traités internationaux. En effet, bien qu'ils aient de l'importance, ces traités ne remettent pas en question des éléments centraux du fédéralisme. Adopter l'initiative reviendrait en quelque sorte à accorder aux cantons le droit de bloquer les décisions de la majorité du corps électoral, alors que les questions ne les
concerneraient pas forcément de manière directe ou durable. Au demeurant, le titre abrégé de l'initiative «Accords internationaux: la parole au peuple!» occulte le fait que celle-ci renforce davantage les droits de participation des cantons que ceux du peuple.

79

80

Cf. la réponse du Conseil fédéral du 28 novembre 2007 à l'interpellation Nordmann 07.3720 «Mise en oeuvre des accords bilatéraux avec l'Union européenne»: «En ce qui concerne les délégations suisses auprès des comités mixtes, l'office principalement responsable du dossier préside la délégation. Le Bureau de l'intégration et la Mission de la Suisse auprès de l'Union européenne sont en principe toujours représentés, alors que les offices intéressés, de même que les cantons participent en fonction des points discutés».

Les gouvernements cantonaux soulignent néanmoins qu'il pourrait être indiqué d'examiner «l'opportunité de développer les droits de participation actuels pour le contexte du processus décisionnel de la Confédération en politique européenne» (ch. 44 de l'Etat des lieux en politique européenne des gouvernements cantonaux du 25 juin 2010).

6372

4.3.3

Marge de manoeuvre en politique extérieure

Le développement des droits référendaires, qui s'exercent après le processus législatif, risque de restreindre la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de politique extérieure. La légitimité démocratique de notre politique extérieure serait mieux défendue si on intégrait les principaux acteurs politiques aux stades précoces de l'élaboration des mandats de négociation et des négociations proprement dites, plutôt que si on leur accordait des possibilités de blocage a posteriori. Les procédures de consultation, qui sont menées également pour les traités internationaux soumis au référendum81 et qu'il serait possible d'organiser dès la préparation des traités82, les droits de consultation et de participation que la loi attribue aux commissions parlementaires et aux cantons et, enfin, la pratique des autorités fédérales d'informer et de consulter régulièrement la société civile, par exemple dans le cadre des négociations au sein de l'OMC, sont autant d'outils éprouvés qui permettent d'éviter des blocages en fin de course. L'initiative soumettrait même des traités qui ne sont pas sujets à controverse à la sanction du peuple et des cantons. Le problème est renforcé par la formulation très vague du texte, qui ouvre la voie à de nombreuses interprétations et crée des difficultés pour déterminer quels traités devront effectivement être soumis au référendum.

5

Contre-projet direct

De l'avis du Conseil fédéral, la norme constitutionnelle proposée présente des défauts et bouleverse l'équilibre entre les organes politiques. Il reconnaît néanmoins la nécessité d'améliorer les droits de participation du souverain à la conception de la politique extérieure. Il entend donc opposer un contre-projet direct à l'initiative, qui tient compte de ces besoins tout en évitant les écueils énumérés ci-dessus.

Comme il est indiqué au ch. 2, la Constitution prévoit deux formes de référendum en matière de traités internationaux:

81 82

­

le référendum facultatif pour les traités internationaux qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales;

­

le référendum obligatoire pour les traités internationaux par lesquels la Suisse adhère à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales.

Art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo; RS 172.061) En vertu de l'art. 3, al. 2, LCo.

6373

Les autorités fédérales83 et la doctrine84 défendent par ailleurs l'idée qu'un traité doit également être soumis au peuple et aux cantons si son importance l'élève au rang d'une norme constitutionnelle. Ce type de référendum obligatoire non écrit est généralement qualifié de «référendum extraordinaire» (en Suisse romande) ou de «référendum sui generis» (en Suisse alémanique)85. Il est apparu lors de la conclusion de l'accord de libre-échange avec la CE en 1972, à une époque où la Constitution ne prévoyait que le référendum facultatif en matière de traités internationaux.

Le Conseil fédéral avait alors expliqué qu'un traité pouvait, voire devait, être soumis au constituant, à savoir le peuple et les cantons, sous la forme d'un référendum obligatoire s'il portait sur des questions «présentant une importance particulière et fondamentale»86, c'est-à-dire «lorsqu'il modifie profondément la structure de nos institutions ou entraîne un changement fondamental dans la politique extérieure de la Suisse»87. La doctrine et la jurisprudence partaient déjà du principe que les traités qui «ont des répercussions sur la structure intérieure du pays» ou «modifient fondamentalement la politique extérieure de la Suisse» devaient être soumis au référendum88. Le Conseil fédéral a toutefois refusé d'inscrire un référendum de cette ampleur dans la Constitution, car les critères évoqués, de même que ceux apparus lors de la procédure de consultation (limitations de la souveraineté, cession de droits régaliens, restriction des droits fondamentaux, modification de la Constitution) lui semblaient trop imprécis89. Il a donc proposé de se limiter aux deux formes les plus importantes de ces traités internationaux, soit ceux prévoyant l'adhésion à des communautés supranationales ou à des organisations de sécurité collective.

Après la refonte du référendum en matière de traités internationaux en 1977, les autorités fédérales et la doctrine ont continué de défendre l'existence d'un référendum obligatoire non écrit, c'est-à-dire un référendum extraordinaire90. Depuis, le Conseil fédéral a examiné dans les cas décrits ci-dessous si un traité international pouvait avoir l'importance d'une norme constitutionnelle.

­

83 84

85 86 87 88 89 90

Bien qu'il soit arrivé à la conclusion que la ratification des accords relatifs à l'EEE n'aurait pas constitué une adhésion à une communauté supranationale, le Conseil fédéral a proposé que ces accords soient soumis au référendum du fait du vaste champ d'application de ces instruments, des nombreuses dispositions directement applicables qu'ils contenaient, des adaptations de la Constitution qu'ils nécessitaient et de la compétence juridictionnelle de la Cour de l'AELE et de l'Autorité de surveillance de l'AELE. De l'avis du Conseil fédéral, le référendum sur les accords relatifs à l'EEE échappait FF 1992 IV 529 Jean-François Aubert, in: Aubert/Mahon (éd.), Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève, 2003, ad. art. 140, no 12; Aldo Lombardi/Daniel Thürer, in: St. Galler Kommentar, 2e éd., Zurich/St-Gall, 2008, ad art. 140, no 18; René Rhinow/Markus Schefer, Schweizerisches Verfassungsrecht, 2e éd., Bâle, 2009, no 3691; Yvo Hangartner/ Andreas Kley, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich, 2000, no 1156 ss; Giovanni Biaggini, BV Kommentar, Zurich, 2007, ad art. 140, no 9, qui assimile ce référendum obligatoire à du droit constitutionnel non écrit.

Etienne Grisel, Initiative et référendum populaires, 3e éd., Berne, 2004, no 793 FF 1972 II 726. Cf. également Zellweger, op. cit., p. 284; Thürer, op. cit.., ch. marg. 20; Hangartner/Kley, op. cit., ch. marg. 1157 FF 1972 II 725 FF 1974 II 1139 FF 1974 II 1158; Zellweger, op. cit., p. 285 FF 1997 I 371; BO 2004 N 52 ss, et BO 2004 E 121

6374

«aux catégories usuelles de notre Constitution»91; de tels accords devaient toutefois être soumis au constituant «lorsque des raisons matérielles ou politiques plaident dans ce sens»92.

­

Dans son message relatif aux accords bilatéraux II, le Conseil fédéral s'est penché une nouvelle fois sur la question du référendum obligatoire extraordinaire. Il a examiné si les accords d'association à Schengen et à Dublin remplissaient les critères développés par la jurisprudence et la doctrine, parvenant à la conclusion que l'association à Schengen et à Dublin n'entraîne pas «de modification politique fondamentale et ne touche donc pas à notre ordre constitutionnel. Les accords d'association ne limitent pas la souveraineté de notre pays et ne dérogent pas à la répartition interne des compétences telle qu'elle découle de la Constitution. La Confédération et les cantons assureront la mise en oeuvre des accords dans les limites de leurs compétences»93.

La coexistence du référendum obligatoire et du référendum facultatif répond au principe du parallélisme: que la norme figure dans la législation fédérale ou qu'elle provienne d'un traité international contraignant pour la Suisse, la procédure législative doit tenir compte des critères visés à l'art. 164 Cst. En d'autres termes, tant les lois fédérales que les traités internationaux sont sujets au référendum s'ils contiennent des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Selon le développement d'une motion de la CIP-N, «la teneur de la disposition et sa genèse démontrent clairement que doivent s'appliquer aux lois nationales et aux traités internationaux des règles identiques (): ce qui, au niveau national, est et doit donc être édicté sous la forme d'une loi sujette à référendum (art. 164 Cst.) est également dans le cas d'un traité international, qui est donc lui aussi sujet au référendum facultatif (art. 141 Cst.)»94.

Le référendum obligatoire extraordinaire en matière de traités internationaux reprend le principe du parallélisme. Il en résulte que les questions qui, dans le droit national, doivent être réglées dans la Constitution, sont soumises au référendum et requièrent l'approbation du peuple et des cantons. En conséquence, si le même contenu est réglé dans un traité, celui-ci devrait être soumis à la même procédure qu'une modification de la Constitution, soit au référendum obligatoire, qu'il s'agisse d'un traité bilatéral ou multilatéral. L'initiative de l'ASIN suit la même logique, puisqu'elle demande que le peuple et les cantons puissent décider des questions fondamentales pour l'Etat de droit suisse sans qu'il soit nécessaire de recueillir des signatures. Le Conseil fédéral partage donc l'avis des auteurs de l'initiative sur le fait qu'il y a moyen d'optimiser les droits référendaires. Il estime cependant qu'on ne saurait améliorer la situation en adoptant une norme constitutionnelle trop détaillée nécessitant moult interprétations et dépassant le principe du parallélisme. Il lui semble préférable d'élaborer une disposition s'inspirant des réflexions sous-tendant le concept du référendum extraordinaire et prévoyant le référendum obligatoire pour les traités internationaux de rang constitutionnel. Aussi oppose-t-il à l'initiative un contre-projet direct libellé comme suit: 91 92 93 94

FF 1992 IV 529 FF 1992 IV 529 FF 2004 5593. Une proposition du Conseil des Etats visant à soumettre ces accords au référendum a été rejetée par 31 voix contre 6 (BO 2004 E 729).

Motion CIP-N du 22 avril 2004, «Référendum facultatif s'appliquant aux traités internationaux. Parallélisme des règles de droit internationales et nationales» (04.3203).

6375

Art. 140, al. 1, let. b, Cst.

1

Sont soumis au vote du peuple et des cantons: b.

les traités internationaux qui: 1. prévoient l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales; 2. contiennent des dispositions exigeant une modification de la Constitution ou équivalant à une modification de la Constitution;

6

Commentaire

6.1

Aspects formels

D'un point de vue formel, il est judicieux de modifier la let. b de l'art. 140, al. 1, Cst. en y mentionnant expressément les traités internationaux et de la subdiviser en deux chiffres pour saisir les deux catégories de traités internationaux soumis au référendum. Le ch. 1 reprend en substance l'actuelle let. b. Le ch. 2 introduit le référendum extraordinaire, en précisant qu'il concerne, d'une part, les traités internationaux qui contiennent des dispositions exigeant une modification de la Constitution et, d'autre part, ceux qui contiennent des dispositions équivalant à une modification de la Constitution.

L'art. 140, al. 1, Cst. gagne ainsi en clarté, dans la mesure où il regroupe tous les cas de référendums fédéraux obligatoires. La let. a vise le référendum de révision constitutionnelle, la let. b, le référendum relatif aux traités internationaux et la let. c, le référendum contre les lois urgentes adoptées pour une durée supérieure à un an et dépourvues de bases constitutionnelles.

6.2

Aspects matériels

Le but du contre-projet est de concrétiser la volonté du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale d'accroître la légitimité démocratique du droit des traités internationaux. Pour parachever le parallélisme entre les procédures législatives interne et internationale, la ligne de démarcation entre les traités sujets au référendum (art. 141, al. 1, let. d, Cst.) et ceux soumis au référendum (art. 140, al. 1, let. b, ch. 1 et 2, Cst.) doit être précisée. La pratique tend aujourd'hui à utiliser comme critère l'importance constitutionnelle du traité international, c'est-à-dire sa portée matérielle. Le Conseil fédéral continue de considérer qu'«il faut [...] s'en tenir au principe selon lequel la procédure de législation constitutionnelle se justifie uniquement pour les questions présentant une importance particulière et fondamentale»95.

Il n'est certes pas aisé de déterminer les normes que couvre cette notion juridique largement indéterminée. La question de savoir «quelles règles méritent ou non de figurer dans la constitution, c'est-à-dire revêtent (ou au contraire ne revêtent pas) 95

Message du 16 août 1972 relatif à l'approbation des accords entre la Suisse et les Communautés européennes (FF 1972 II 726). Ces mêmes critères sont repris dans le message du 23 octobre 1974 concernant de nouvelles dispositions sur le référendum en matière de traités internationaux (FF 1974 II 1159) et dans le message du 18 mai 1992 relatif à l'approbation de l'accord sur l'Espace économique européen (FF 1992 IV 529)

6376

une importance juridique telle pour notre Etat fédéral qu'il s'impose de les inscrire dans la constitution» s'est en particulier posée dans le cadre de la mise à jour de la Constitution96. Bien qu'elle n'ait pas trouvé de réponse définitive, on peut retenir que les dispositions correspondant au contenu de la Constitution mise à jour, indépendamment du fait que celle-ci doive être formellement modifiée ou non, sont de rang constitutionnel. Il s'agit des normes garantissant les droits fondamentaux, de celles garantissant la structure fédérale de l'Etat et de celles réglant l'organisation des autorités fédérales. Il en va de même des traités d'adhésion à des organisations de défense collective ou à des communautés supranationales qui touchent l'organisation spatiale, la structure ou les rapports internationaux de l'Etat et modifient de ce fait des éléments fondamentaux de sa souveraineté. Ces traités sont d'ailleurs déjà soumis au référendum en vertu de l'art. 140, al. 1, let. b, Cst.97.

6.3

Applications possibles

Le Conseil fédéral n'entend pas préjuger de l'avenir et se refuse donc à toute déclaration contraignante sur la probabilité que tel traité en négociation ou au stade exploratoire puisse tomber sous le coup du nouveau référendum obligatoire. Il considère néanmoins qu'il est indispensable d'en préciser les applications possibles. L'analyse menée plus haut permet d'ores et déjà d'imaginer des scénarios.

La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est l'un des thèmes centraux de la Constitution. Les traités internationaux attribuant directement à la Confédération des compétences qui, aux termes de la Constitution, relevaient des cantons ou qui limitent notablement leur marge de manoeuvre équivaudraient à une modification de la Constitution et devraient par conséquent être soumis au référendum. Les traités internationaux sont certes pour la plupart hermétiques au fédéralisme, puisque les obligations qu'ils fondent s'adressent à la Confédération en tant que sujet de droit international public: l'autorité qui sera finalement chargée de l'exécution de ces obligations importe peu dans l'esprit du traité. Il existe toutefois des traités consacrés à la répartition des tâches au sein des fédérations et à l'attribution de compétences législatives, tels que la convention-cadre européenne du 21 mai 1980 sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales98 et ses protocoles additionnels, ou contenant des dispositions spécifiques aux Etats fédéraux99. Dans la mesure où ces traités ne modifient en rien la répartition des 96 97 98

99

Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 45) Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'Etat, Berne, 2006, no 784 ss.

RS 0.131.1. Le Conseil fédéral était alors d'avis que l'adoption de la convention-cadre n'entraînerait pas de transfert de compétences, cf. FF 1981 II 805. L'arrêté fédéral portant approbation de la convention-cadre n'a pas été soumis au référendum.

Cf. notamment art. 35 de la convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (RS 0.440.6). Le Conseil fédéral l'a commenté comme suit: «Cette clause, typique des conventions de l'UNESCO, constitue une reconnaissance explicite de la répartition interne des compétences existant dans les Etats fédératifs. Si, selon la répartition interne des compétences, il appartient aux cantons de prendre des mesures de mise en oeuvre de la Convention, il incombe à la Confédération d'informer les autorités cantonales des dispositions conventionnelles pertinentes et de leur recommander l'adoption des mesures législatives destinées à les concrétiser. En revanche, cette clause n'a aucune influence sur la compétence interne de la Confédération pour conclure la Convention, qui résulte de l'art. 54 Cst.» (FF 2007 6859).

6377

compétences inscrite dans la Constitution, ils ne seraient pas soumis au nouveau référendum. Lorsque des traités prévoient la mise en place d'autorités centrales, des conflits avec l'autonomie organisationnelle des cantons garantie à l'art. 47, al. 2, Cst. sont possibles, mais ils peuvent être évités en prenant des mesures adéquates lors de la mise en oeuvre de ces traités100. Dans d'autres cas, comme celui des protocoles à la convention alpine, que la Suisse n'a pas encore ratifiés101, il conviendrait d'examiner de près si des normes internationales pourraient contraindre la Suisse à des transferts de compétences en son sein.

Les garanties des droits fondamentaux et des libertés fondamentales sont de rang constitutionnel. La nouvelle Constitution avait même pour objectif déclaré de consacrer les garanties des droits fondamentaux, jusqu'alors non écrites, et celles développées par le Tribunal fédéral et de les harmoniser avec les normes internationales découlant des traités. Les traités internationaux qui garantissent des droits fondamentaux allant au-delà de ceux inscrits dans la Constitution, qui développent le contenu de droits fondamentaux existants ou qui étendent ces droits à d'autres faits ou des personnes, pourraient dès lors tomber sous le coup du nouveau référendum obligatoire. Le Conseil fédéral et le Parlement devraient vérifier, dans le cadre des propositions concrètes d'adoption, si tel serait le cas, notamment pour la Charte sociale européenne102 ou pour les protocoles additionnels à la CEDH que la Suisse n'a pas encore ratifiés.

Il en irait de même pour les traités internationaux fondant des relations quasi supranationales entre la Suisse et une organisation internationale. Indépendamment de son contenu, un accord-cadre avec l'UE pourrait constituer un tel cas de figure. Enfin, il conviendrait d'examiner avec attention si les traités par lesquels la Suisse s'engagerait à renoncer à toute réglementation nationale et à reprendre le droit étranger dans 100

Lors de l'adhésion de la Suisse à la convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (RS 0.211.221.311), il a fallu définir à quel échelon serait rattachée l'autorité centrale prévue par la convention. Afin notamment de tenir compte des principes du fédéralisme, le Conseil fédéral a proposé une répartition des fonctions dévolues à l'autorité centrale entre la Confédération et les cantons: «Le partage duel des fonctions entre les Autorités centrales permet d'allier les avantages d'une concentration des tâches au niveau cantonal ­ coordination avec les procédures existantes et les procédures non conventionnelles, proximité ­ à ceux qu'offre une Autorité centrale fédérale ­ création de compétences en raison du traitement d'un grand nombre de cas» (FF 1999 5144). Des questions du même ordre se sont posées lors de la ratification du protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0.105.1). Le Conseil fédéral a défendu comme suit la constitutionnalité d'une subordination de l'organe de surveillance à la Confédération: «Il s'agit d'un mécanisme qui sert uniquement la surveillance, sans possibilité d'intervention directe et contraignante quant aux modalités de l'exécution des mesures privatives de liberté, qui sont pour l'essentiel du ressort des cantons» (FF 2007 274).

101 Le Conseil des Etats avait proposé, par décision du 15 juin 2004, que l'arrêté fédéral portant approbation des protocoles contienne une disposition obligeant le Conseil fédéral à faire les déclarations suivantes lors de la ratification: «La Suisse déclare que les dispositions de la Convention alpine ou des protocoles n'entraînent aucune modification de la répartition interne des compétences entre Confédération, cantons et communes.».

Le 11 décembre 2009, le Conseil national a décidé de ne pas entrer en matière (BO 2009 N 2326); le 2 juin 2010, le Conseil des Etats a par contre décidé par 25 voix contre 15 d'entrer en matière, renvoyant l'affaire au Conseil national.

102 En exécution d'un postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats adopté le 8 mars 2010 (10.3004), le Conseil fédéral présentera d'ici à la fin de 2010 un «rapport sur la compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec l'ordre juridique suisse et sur l'opportunité de la signer et de la ratifier dans les meilleurs délais».

6378

un domaine bien précis tomberaient sous le coup du référendum. Il n'en existe cependant aucun exemple concret pour le moment.

6.4

Conséquences financières de l'initiative et du contre-projet direct

Les considérations financières devraient être secondaires dans l'examen du régime référendaire. Notons toutefois que les frais d'une votation populaire se partagent entre la Confédération, les cantons et les communes: la Confédération met à la disposition des cantons les textes soumis au vote et les bulletins de vote, tandis que les cantons assurent l'exécution de la votation sur leur territoire et arrêtent les mesures nécessaires103. Selon des estimations effectuées par la Chancellerie fédérale, on peut évaluer les frais administratifs de préparation, de mise en oeuvre et de suivi d'une journée de votation à 7,5 millions de francs104. S'y ajoutent les dépenses liées aux explications destinées aux électeurs et aux bulletins de vote (prix du papier, frais d'impression et de distribution aux cantons), qui représentent environ 600 000 francs, sans compter les coûts du vote par correspondance et du vote électronique.

Comme il a été dit plus haut, l'acceptation de l'initiative populaire pourrait conduire à une augmentation de 30 % des objets soumis au vote105 et à une votation populaire supplémentaire par an, ce qui engendrerait des dépenses supplémentaires de plus de huit millions de francs par an. Le contre-projet n'entraînerait pour sa part qu'une faible augmentation des objets mis en votation populaire106 et vraisemblablement aucune augmentation du nombre de scrutins: les dépenses supplémentaires qu'il engendrerait seraient donc minimes.

7

Conclusions

Le Conseil fédéral propose de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter. Il propose que le contre-projet direct leur soit soumis simultanément, en leur recommandant de l'accepter.

103

Art. 11, al. 1, et 10, al. 2, de la loi 17 décembre 1976 sur les droit politiques (RS 161.1).

104 Ces estimations remontent toutefois à 1979 et sont très approximatives.

105 Cf. ch. 4.1.1 106 Cf. ch. 6.3

6379

6380