10.086 Rapport du Conseil fédéral sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse (en réponse au postulat Markwalder [09.3560] «Politique européenne.

Evaluation, priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration») du 17 septembre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Donnant suite au postulat 09.3560 Markwalder, nous vous soumettons le présent rapport en vous priant d'en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 septembre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1419

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Condensé Par le présent rapport, le Conseil fédéral donne suite à un postulat1 déposé par la conseillère nationale Markwalder, qui le chargeait d'évaluer les avantages et les inconvénients des instruments de la politique européenne et de présenter un catalogue de priorités assorti de mesures concrètes pour la future politique européenne de la Suisse.

S'appuyant sur le rapport Europe 20062 et sur le rapport de politique extérieure 20093, la présente évaluation examine les différents instruments de la politique européenne à la lumière des évolutions survenues depuis et sous l'angle de la meilleure sauvegarde possible des intérêts. Elle prend comme point de départ les critères définis par le Conseil fédéral dans le rapport Europe 2006 (ch. 1.1.). Ces critères sont les suivants: 1.

Participation à la prise de décision: la Suisse jouit d'un degré de participation à la prise de décision dans le cadre des accords bilatéraux avec l'UE et d'une marge de manoeuvre dans la conduite de ses politiques autonomes qui sont perçus comme suffisants.

2.

Faisabilité en matière de politique extérieure: l'UE est disposée à trouver des solutions bilatérales sectorielles.

3.

Conditions-cadres économiques: les conditions-cadres économiques, en particulier dans le domaine monétaire, n'évoluent pas dans un sens défavorable à la Suisse.

Contexte et évolutions actuelles (ch. 1.3) Bien que la part de l'Europe dans la population et la croissance économique mondiales diminue, l'UE demeure la première puissance économique du monde et la force dominante sur le continent européen. En qualité de puissance commerciale de premier plan, de voisin géographique et, de plus en plus, d'institution créant des normes communément acceptées, l'UE représente un point de référence central pour la politique étrangère et la politique économique extérieure de la Suisse. Une politique européenne active, qui s'adapte à des besoins qui évoluent en permanence, est d'autant plus essentielle pour la Suisse que l'UE intervient de plus en plus dans des domaines qui relèvent traditionnellement de la compétence d'organisations dont la Suisse est membre à part entière.

Avec le Traité de Lisbonne4 (ch. 1.3.2.1), l'UE a accompli un pas important en direction de son approfondissement et de son renforcement. Elle se dote d'une plus grande capacité d'action en simplifiant les procédures décisionnelles (principe de la 1 2 3 4

Postulat Markwalder Bär (09.3560) «Politique européenne. Evaluation, priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration».

Rapport Europe 2006 du 28 juin 2006, FF 2006 6461 ss.

Rapport de politique extérieure 2009 du 2 sept. 2009, FF 2009 5673 ss.

JO C 115 du 9 mai 2008.

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majorité qualifiée). Le contrôle démocratique est lui aussi renforcé par le biais des nouvelles compétences octroyées au Parlement européen.

La crise financière et économique a mis sous pression la monnaie commune (ch. 1.3.2.2). Il est possible que le problème des écarts en matière de politique économique et fiscale constatés au sein de la zone euro et à la base de la crise soit résolu par une intégration accrue, consistant pour les Etats membres de l'UE, tout au moins pour les pays de la zone euro, à faire un pas en direction d'une union politique. En raison de ses exportations principalement tournées vers l'UE, l'économie suisse est confrontée à de nouvelles incertitudes qui portent tant sur le dynamisme économique futur de son premier partenaire commercial que sur le taux de change de l'euro par rapport au franc suisse.

Ces dernières années, les relations bilatérales entre la Suisse et l'UE ont elles aussi connu différents développements qui sont exposés au ch. 1.3.3.

Analyse des évolutions récentes à la lumière des trois critères dégagés dans le rapport Europe 2006 (ch. 2) L'analyse de la situation en référence aux trois critères susmentionnés fait apparaître une tendance nette à l'érosion de la marge de manoeuvre de la Suisse dans ses relations bilatérales avec l'UE.

Certes, l'UE est en principe toujours disposée à conclure des accords bilatéraux sectoriels. Cependant, elle revendique non seulement la reprise intégrale de l'acquis pertinent de l'UE, mais également celle de ses développements futurs. De même, certaines questions concernant la surveillance et la justiciabilité en cas d'application et d'interprétation différentes des accords se posent de plus en plus.

La sécurité juridique constitue un autre problème. En raison de l'évolution rapide du droit européen, les acteurs suisses voulant accéder au marché européen risquent à tout moment, en tant que ressortissants d'Etats tiers, de se heurter à des obstacles, soit que l'UE légifère dans des domaines qui ne relèvent pas du champ d'application des accords bilatéraux, soit que, dans un domaine concerné par un accord bilatéral, l'acquis de l'UE connaisse un développement qui n'a pas été repris dans l'accord correspondant.

Ces évolutions ne devraient pas rendre l'approche bilatérale impraticable. Au vu de leurs relations particulièrement
étroites, il convient de considérer que les deux parties ont intérêt à chercher des solutions contractuelles et à les adapter lorsque le contexte évolue. Toutefois, les derniers développements en date rendent plus étroites les marges de manoeuvre de la Suisse et compliquent la conclusion de nouveaux accords.

Analyse des défis et des conséquences pour les instruments de politique européenne de la Suisse (ch. 3) Les six options en matière de politique européenne présentées ci-après ­ les scénarios «voie solitaire» et «Union douanière» sont d'emblée considérés comme peu réalistes et exclus de l'analyse (ch. 3.2) ­ sont analysées sous l'angle de leurs effets sur certains thèmes centraux tels que les institutions suisses, le parallélisme entre

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les différents dossiers de négociation, les revendications de l'UE dans le domaine fiscal, l'accès au marché ainsi que les politiques économique, monétaire, sociale et environnementale. Une estimation générale des coûts de chaque option est également effectuée.

Poursuite de la voie bilatérale sans nouveaux accords (ch. 3.3) Renoncer à la conclusion de nouveaux accords tout en conservant et en développant les accords existants pourrait a priori atténuer la problématique du parallélisme.

Toutefois, cela ne réduirait la pression potentielle qu'en apparence car, s'il devenait nécessaire de développer des accords existants, l'UE pourrait en profiter pour émettre certaines exigences et même menacer, en dernière instance, de dénoncer les accords concernés. L'accès au marché de l'UE pourrait subir une érosion, en raison par exemple de l'évolution de la réglementation communautaire, si bien qu'un maintien du statu quo en ce qui concerne les accords pourrait avoir pour effet une dégradation des conditions-cadres économiques. L'autonomie en matière de politique économique et monétaire serait préservée, mais cela ne réduirait pas la pression réelle en termes d'adaptation du droit.

Poursuite et développement de la voie bilatérale (ch. 3.4) Si la voie bilatérale est poursuivie et développée, autrement dit, si de nouvelles négociations sont engagées dans des domaines d'intérêt commun, il convient de tenir compte du contexte global de l'évolution des relations entre la Suisse et l'UE.

Il faudra parvenir à un équilibre entre une adaptation efficace des accords aux développements du droit européen et le respect de la souveraineté suisse. Pour la Suisse, tout automatisme est exclu dans la reprise de développements de l'acquis de l'UE; la Suisse veut avoir le droit de participer aux décisions qui la concernent («decision shaping») et les processus décisionnels de sa politique intérieure, y compris la possibilité de recourir au référendum, doivent être respectés. Des mesures de compensation appropriées doivent pouvoir être prises au cas où la Suisse ne reprendrait pas un développement de l'acquis, mais celles-ci ne devraient pas entraîner nécessairement la dénonciation de l'accord dans son intégralité. Ces principes, pour lesquels des exemples existent d'ores et déjà dans certains accords existants, doivent pouvoir
être appliqués dans toute nouvelle négociation avec l'UE.

De même, des solutions doivent être recherchées concernant la surveillance et la justiciabilité en cas d'application et d'interprétation différentes des accords. Cela devrait être possible puisqu'il est de l'intérêt des deux parties que les accords soient interprétés de façon homogène.

Au niveau des institutions et du fédéralisme, il pourrait être pertinent, en cas de généralisation de ces principes, d'envisager certaines réformes en vue de garantir la préservation optimale des intérêts suisses et le bon fonctionnement des accords.

Avec le Traité de Lisbonne, le cercle des acteurs européens pertinents pour la Suisse s'est élargi. Le Parlement européen est doté de nouvelles compétences en matière de conclusion de traités internationaux. Par conséquent, les contacts avec le Parlement européen en amont de la prise de décisions pertinentes pour la Suisse sont particulièrement importants.

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La poursuite concluante de la voie bilatérale implique un équilibre entre les intérêts des deux parties dans le contexte général de leurs relations bilatérales. Cela signifie que la Suisse, dans les efforts qu'elle déploie en faveur de nouveaux accords dans des domaines qui présentent un intérêt pour elle, doit également tenir compte des préoccupations de l'UE, dans le domaine fiscal par exemple. Inversement, notre pays doit considérer la suite à donner aux requêtes de l'UE à la lumière de ses intérêts propres dans le contexte global des relations avec cette dernière. Dans ce contexte, il est important de souligner que la Suisse est un partenaire européen solidaire dans la réalisation d'objectifs d'intérêt commun, par exemple à travers d'importants travaux d'infrastructure (NLFA), et qu'elle contribue à la paix et à la prospérité en Europe en participant aux missions de paix multilatérales sur le continent. De même, elle apporte sa contribution à la réduction des disparités économiques et sociales dans l'Europe élargie.

Le développement de la voie bilatérale comprend également la conclusion d'accords portant sur un accès réciproque amélioré aux marchés des deux partenaires. Des négociations sont en cours dans les domaines de l'énergie, ainsi que de l'agriculture, de la sécurité des produits, de la sécurité alimentaire et de la santé publique.

Une coopération dans le domaine des substances chimiques (REACH) est actuellement discutée. Dans ces domaines, une adaptation autonome du droit suisse au droit européen n'est pas suffisante à elle seule. Les constants développements du droit de l'UE font courir en permanence à l'économie suisse le risque d'être discriminée, aussi s'agit-il de faire face à cette insécurité juridique en développant les accords bilatéraux.

Même dans le cadre d'un développement de la voie bilatérale, la Suisse conserve son autonomie en matière de politique économique extérieure, monétaire, conjoncturelle et structurelle ainsi que dans ses politiques en matière d'emploi et de croissance, avec ce que cela comporte à chaque fois comme avantages et comme inconvénients. La possibilité de conclure de nouveaux accords offre une opportunité importante pour l'économie suisse.

Mise en place d'un cadre institutionnel (ch. 3.5) Au vu de la récurrence des questions institutionnelles,
la question se pose de savoir s'il est de l'intérêt de la Suisse de renégocier dans chaque nouvel accord les questions relatives aux développements du droit, à la surveillance du marché et à la jurisprudence, ou si une solution horizontale ne serait pas préférable. A travers des mécanismes uniformes, une telle solution (accord-cadre ou arrangement similaire) favoriserait la transparence et l'efficacité de la prise de décision au sein des comités mixtes et accroîtrait finalement la sécurité juridique de la voie bilatérale. Elle devrait comprendre des mesures relatives à l'intégration de développements du droit européen. Ces mesures prévoiraient une participation appropriée des deux parties aux processus de prise de décision, respecteraient la souveraineté de la Suisse ainsi que les processus décisionnels de sa politique intérieure et prévoiraient des mécanismes de compensation appropriés en cas de développements divergents du droit. Des mécanismes de surveillance et de règlement des litiges indépendants seraient également envisageables. Enfin, des contacts politiques réguliers à un haut

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niveau, qu'un tel accord pourrait aussi prévoir, favoriseraient la compréhension mutuelle et offriraient une plate-forme pour la discussion de problèmes qui ne peuvent être résolus au niveau technique.

Des entretiens exploratoires pourraient permettre de vérifier la faisabilité d'un arrangement horizontal acceptable pour la Suisse. Quoi qu'il en soit, l'UE est intéressée par une solution horizontale à ces questions institutionnelles récurrentes.

Adhésion à l'EEE (ch. 3.6) L'accord EEE s'efforce, en ce qui concerne la question de la reprise de l'acquis, de concilier deux objectifs contradictoires, à savoir la sauvegarde de l'autonomie législative des parties et l'homogénéité du droit au sein de l'EEE. Or, cela ne peut se faire sans un traitement inégal des deux parties. Les pays AELE/EEE ont un droit de participation à l'élaboration des propositions de la Commission européenne, mais ne peuvent prendre part aux décisions formelles prises par l'UE. Ils sont en revanche tenus de reprendre les développements adoptés. Une non-reprise entraînerait des obstacles tels qu'en quasiment 20 ans d'existence de l'EEE, aucun de ses pays membres ne s'y est encore risqué.

En adhérant à l'EEE, la Suisse se soumettrait à ce régime de reprise quasi automatique des actes pertinents de l'UE. En revanche, les domaines non couverts par l'EEE (p. ex. Schengen, la fiscalité de l'épargne, la lutte contre la fraude) demeureraient régis par leurs propres mécanismes.

En ce qui concerne la question centrale de la reprise de développements du droit dans le cadre des accords bilatéraux, une adhésion à l'EEE représenterait un certain affaiblissement de l'autonomie de la Suisse mais renforcerait par ailleurs la sécurité juridique. A travers l'utilisation des instruments de l'EEE prévus à cet effet, le problème de la surveillance des accords et de leurs mécanismes de règlement des litiges serait résolu dans une large mesure. De même, la participation pleine et entière de la Suisse aux différents programmes de l'UE serait garantie. Actuellement, cette participation doit être négociée cas par cas et pour chaque génération de programme.

Une adhésion à l'EEE ne porterait en principe pas atteinte aux principes fondamentaux de notre ordre constitutionnel. Toutefois, la marge de manoeuvre du Conseil fédéral et du Parlement s'en trouverait
restreinte, en raison de l'obligation de reprendre le droit européen. Cette restriction ne serait pas contrebalancée par un droit de codécision au niveau européen. Par rapport à la voie bilatérale, les effets sur la liberté d'action de la Suisse seraient probablement plus marqués.

La question du parallélisme serait résolue en ce qui concerne les domaines qui entrent dans le champ d'application de l'accord EEE. Elle subsisterait néanmoins pour les autres domaines, en particulier celui de la fiscalité. En effet, si ce domaine n'est pas régi par l'accord EEE, la jurisprudence de la CJUE relative aux aides d'Etat ne s'en étend pas moins à la question de savoir si les régimes fiscaux nationaux constituent des aides d'Etat injustifiées.

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S'agissant de l'accès au marché, l'EEE représenterait une amélioration sensible par rapport à la situation actuelle. Cependant, des obstacles à l'accès pourraient subsister, par exemple dans le domaine agricole, qui n'est pas couvert par l'accord EEE.

Adhésion à l'UE (ch. 3.7) Une adhésion de la Suisse à l'Union européenne résoudrait la question de la reprise du droit puisqu'en tant qu'Etat membre, elle serait tenue de reprendre tous les développements de l'acquis européen, à l'élaboration desquels elle participerait toutefois à part entière dans le cadre de la codécision. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) deviendrait pour elle contraignante.

Bien sûr, en tant qu'Etat membre de taille moyenne, la Suisse n'aurait pas la certitude que les décisions prises au sein de l'UE aillent toujours dans son sens. Cependant, l'expérience d'Etats membres comparables montre que des Etats de petite taille disposent eux aussi de possibilités d'influence qui vont au-delà de leur force numérique au sein des instances européennes. Que nous le voulions ou non, la politique de l'UE détermine de plus en plus les possibilités d'action de la Suisse; par conséquent, la possibilité d'influer directement sur cette politique représenterait une amélioration par rapport à la situation actuelle.

Une adhésion à l'UE aurait toutefois des implications sur les institutions de la Suisse dans le domaine du fédéralisme et de la démocratie directe. La mise en oeuvre du droit européen, à l'élaboration duquel la Suisse participerait, serait assurée par la Confédération, les cantons et les communes. Les compétences de l'Assemblée fédérale et des cantons ainsi que les droits populaires seraient concernés. Dans le cas des directives de l'UE, par exemple, le Parlement et le peuple auraient pour mission de transposer dans le droit national les objectifs que celles-ci définissent.

Ce faisant, la Suisse devrait veiller à ce que les délais fixés permettent l'organisation de possibles scrutins populaires. Concernant la question des initiatives populaires qui seraient contraires au droit européen, le Conseil fédéral estime qu'il serait disproportionné de donner à l'Assemblée fédérale la faculté d'invalider de telles initiatives. En dernière instance, il resterait possible d'envisager un retrait
de l'UE.

Etant donné les implications d'une adhésion à l'UE sur les institutions suisses et sur le fédéralisme, certaines réformes internes seraient probablement indispensables.

Du point de vue du Conseil fédéral, une adhésion à l'UE sur la base du Traité de Lisbonne en vigueur serait néanmoins compatible avec les obligations juridiques de la Suisse en matière de neutralité.

Une adhésion à l'UE entraînerait des modifications sensibles des conditions-cadres économiques. D'importants instruments de la politique économique, monétaire et financière seraient, soit délégués, soit élaborés sur de nouvelles bases; l'autonomie de la politique économique extérieure devrait être abandonnée dans une large mesure. La Suisse serait tenue d'adhérer à l'euro, la BNS devrait renoncer à sa politique monétaire autonome, le niveau des taux d'intérêt en Suisse serait adapté à celui de la zone euro, ce qui freinerait probablement la croissance économique, du moins à court terme. De plus, une adhésion à l'UE aurait des effets sensibles sur le

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système fiscal suisse (augmentation de la TVA à 15 % au moins, application des règles européennes relatives aux aides d'Etat, reprise du code de conduite de l'UE en matière de fiscalité des entreprises). Les derniers obstacles levés, les échanges commerciaux au sein de l'UE devraient évoluer positivement, tandis que les échanges avec des pays tiers pourraient perdre en dynamisme. Enfin, une adhésion à l'UE entraînerait la reprise de l'ensemble des politiques communes de l'UE, ce qui ne serait pas sans conséquences (p.ex. en matière de politique migratoire ou de politique sociale).

Adhésion à l'UE assortie de certaines dérogations (ch. 3.8) En principe, l'adhésion à l'UE implique la reprise par tout nouveau membre de l'acquis européen dans son intégralité. Dans l'optique d'un nouvel élargissement de l'UE, il est toutefois pensable que les candidats à l'adhésion puissent obtenir ­ au moins dans des domaines sensibles tels que celui de la politique de sécurité ­ de bénéficier des options opt-in ou opt-out.

Dans le cas de la Suisse, il pourrait être envisagé de négocier, dans certains domaines sensibles, un régime dérogatoire ou des délais transitoires plus longs. Cela pourrait notamment concerner la prise en compte de procédures internes (fédéralisme et démocratie directe) lors de la reprise de l'acquis, la neutralité, le système fiscal ou encore la monnaie.

Conclusions (ch. 4) La politique européenne fait partie intégrante de la politique étrangère de la Suisse, dont les objectifs sont fixés à l'art. 54 de la Constitution fédérale. Dans le contexte des relations avec l'UE, ces objectifs impliquent pour la Suisse de poursuivre ses efforts afin de maintenir intacte sa nécessaire marge de manoeuvre décisionnelle, d'assurer à ses opérateurs un accès approprié au marché de l'UE, et de demeurer un partenaire européen fiable et solidaire dans la défense et la promotion de valeurs communes.

A ce jour, ces objectifs ont été atteints dans une large mesure grâce à la voie bilatérale, même si cette dernière révèle certaines faiblesses, notamment en termes d'influence sur des normes qui touchent directement la Suisse, de limitation en termes de souveraineté liées à la reprise du droit de l'UE pour éviter des situations défavorables, d'absence d'accès complet au marché de l'UE ou sur le plan de la sécurité
juridique. Qu'il s'agisse de la marge de manoeuvre de la Suisse dans la prise de décision, de l'accès au marché de l'UE ou de la promotion conjointe de valeurs communes, le Conseil fédéral estime que la coopération avec l'UE peut et doit être poursuivie et qu'en particulier, il est légitime d'attendre de l'UE qu'elle prête main à la recherche de solutions, dans l'intérêt bien compris des deux partenaires.

En l'état, le Conseil fédéral estime que la voie bilatérale demeure apte à préserver les intérêts de la Suisse en Europe, à savoir le maintien de sa liberté d'action, de sa prospérité et la défense de ses valeurs. En termes d'orientations, la Suisse doit poursuivre son engagement actif et solidaire pour la résolution des problèmes communs sur le continent. Pour ce faire, le Conseil fédéral continuera d'oeuvrer à la

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consolidation et au développement de la voie bilatérale. Cela étant, si, à l'heure actuelle, cet instrument de politique européenne demeure le plus approprié, il pourrait en être autrement dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de continuer de soumettre les instruments de politique européenne à une évaluation permanente, afin de pouvoir au besoin les adapter.

Pour ce qui est des priorités à court et à moyen termes, le Conseil fédéral entend mener à leur conclusion les dossiers actuellement en cours de négociation ou de préparation. Il examinera en outre l'opportunité de répondre à la demande de l'UE d'entamer un dialogue sur plusieurs questions fiscales (p. ex. sur le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises, sur la révision de la fiscalité de l'épargne ou sur certains aspects de l'échange d'informations à la demande). Conjointement avec l'UE, les questions institutionnelles seront examinées afin de dégager des solutions mutuellement acceptables et tenant dûment compte du respect de la souveraineté des deux parties et du bon fonctionnement des institutions. Sur tous ces points, le Conseil fédéral mènera une approche coordonnée, en particulier dans l'optique de négociations futures.

Compte tenu du fait que, sur le plan de du fonctionnement des institutions suisses, la densité croissante de nos relations avec l'UE pose certaines difficultés, notamment s'agissant de l'intensification du processus législatif de l'UE et de ses effets sur la Suisse, le Conseil fédéral mènera avec l'Assemblée fédérale et les cantons une réflexion approfondie sur les mesures susceptibles d'être prises en vue d'adapter les méthodes de travail de l'exécutif et du législatif, ainsi que s'agissant de la participation des cantons à la politique européenne.

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Table des matières Condensé

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Liste des abréviations

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1 Introduction 1.1 Contexte 1.2 Structure du rapport 1.3 Contexte et évolutions actuelles 1.3.1 L'UE en Europe et dans le monde, entre domination et érosion 1.3.2 Développements au sein de l'UE depuis le rapport Europe 2006 1.3.2.1 Le Traité de Lisbonne 1.3.2.2 La monnaie unique touchée par la crise 1.3.2.3 L'avenir de l'EEE et de l'AELE 1.3.3 Développements des relations entre la Suisse et l'UE depuis le rapport Europe 2006 1.3.3.1 Introduction 1.3.3.2 Négociations dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la sécurité des produits et de la santé publique 1.3.3.3 Swissmedic-EMA 1.3.3.4 Electricité 1.3.3.5 Système Galileo de navigation par satellites et Service européen de navigation par recouvrement géostationnaire (EGNOS) 1.3.3.6 Echange de quotas d'émission 1.3.3.7 Coopération en matière de réglementation des substances chimiques (REACH/CLP) 1.3.3.8 Coopération avec l'Agence européenne de défense (AED) 1.3.3.9 Accord-cadre dans le domaine de la politique commune de sécurité et de défense 1.3.3.10 Accord MEDIA 1.3.3.11 Accord sur l'éducation, la formation professionnelle, la jeunesse 1.3.3.12 Accord relatif à la coopération en matière de concurrence 1.3.3.13 Fiscalité 1.3.3.14 Services

6632 6632 6633 6634 6634 6636 6637 6639 6640

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2 Analyse des évolutions récentes dans les relations entre la Suisse et l'UE, à la lumière des critères dégagés dans le rapport Europe 2006 2.1 Critère no 1: Participation à la prise de décision 2.2 Critère no 2: Faisabilité en matière de politique extérieure 2.3 Critère no 3: Conditions-cadres économiques 2.4 Synthèse

6651 6652 6654 6656 6660

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6641 6641 6644 6645 6645 6646 6646 6647 6648 6648 6649 6649

3 Analyse des défis et des conséquences pour les instruments de politique européenne de la Suisse 3.1 Structure du chapitre 3.2 Instruments non retenus 3.2.1 La voie solitaire 3.2.2 L'Union douanière 3.3 Poursuite de la voie bilatérale sans nouveaux accords 3.3.1 Aspects institutionnels 3.3.2 La question du parallélisme 3.3.3 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal 3.3.4 Accès au marché 3.3.5 Politique économique et monétaire 3.3.6 Coûts directs 3.3.7 Politique sociale 3.3.8 Politique environnementale 3.4 Poursuite et développement de la voie bilatérale 3.4.1 Aspects institutionnels 3.4.2 La question du parallélisme 3.4.3 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal 3.4.4 Accès au marché 3.4.5 Politique économique et monétaire 3.4.6 Coûts directs 3.4.7 Politique sociale 3.4.8 Politique environnementale 3.5 Mise en place d'un cadre institutionnel 3.5.1 Aspects institutionnels 3.5.2 La question du parallélisme 3.5.3 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal, accès au marché, politique économique et monétaire, coûts directs, politique sociale, politique environnementale 3.6 Adhésion à l'EEE 3.6.1 Aspects institutionnels 3.6.2 La question du parallélisme 3.6.3 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal 3.6.4 Accès au marché 3.6.5 Politique économique et monétaire 3.6.6 Coûts directs 3.6.7 Politique sociale 3.6.8 Politique environnementale 3.7 Adhésion à l'UE 3.7.1 Aspects institutionnels 3.7.2 Politique étrangère, de sécurité et de défense commune 3.7.3 La question du parallélisme 3.7.4 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal 3.7.5 Accès au marché 3.7.6 Politique économique et monétaire 3.7.7 Coûts directs

6661 6661 6662 6662 6664 6665 6665 6666 6667 6667 6669 6669 6671 6672 6672 6673 6678 6679 6679 6680 6681 6681 6681 6682 6683 6686 6686 6687 6687 6690 6690 6691 6691 6692 6692 6693 6693 6694 6697 6701 6702 6702 6702 6704 6625

3.7.8 Politique sociale 3.7.9 Politique environnementale 3.7.10 Politique des transports 3.8 Adhésion à l'UE assortie de certaines dérogations 3.8.1 Aspects institutionnels 3.8.2 Politique étrangère, de sécurité et de défense commune 3.8.3 La question du parallélisme 3.8.4 Exigences de l'UE dans le domaine fiscal 3.8.5 Accès au marché 3.8.6 Politique économique et monétaire 3.8.7 Coûts directs 3.8.8 Politique sociale 3.8.9 Politique environnementale 3.8.10 Politique des transports 4 Conclusions et priorités de la politique européenne à court et moyen termes 4.1 La politique européenne, partie intégrante de la politique extérieure de la Suisse 4.2 La voie bilatérale demeure l'instrument approprié de politique européenne de la Suisse 4.3 Orientations et priorités pour les prochaines étapes de la politique européenne

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6705 6706 6707 6708 6709 6709 6710 6710 6711 6711 6712 6712 6713 6713 6713 6713 6715 6716

Liste des abréviations AAD AAS AECI AED AEE AELE AESA AEPC AESC AESM AFD AFE ALEA&ASP ALCP ASE ATT

BCE BRIC CdC CEDEFOP CEE CEPCM CEPOL CER CFCA Cgfr CIP CJUE

Accord d'association à Dublin Accord d'association à Schengen Agence exécutive pour la compétitivité et l'innovation (Executive Agency for Competitiveness and Innovation [EACI]) Agence européenne de défense (European Defence Agency [EDA]) Agence européenne pour l'environnement Association européenne de libre-échange Agence européenne de la sécurité aérienne Agence européenne des produits chimiques (European Chemicals Agency [ECHA]) Agence exécutive pour la santé et les consommateurs (Executive Agency for Health and Consumers [EAHC]) Agence européenne de sécurité maritime (European Maritime Security Agency [EMSA]) Administration fédérale des douanes Agence ferroviaire européenne (European Railway Agency [ERA]) Accord entre la Suisse et l'UE couvrant les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la sécurité des produits et de la santé publique Accord sur la libre circulation des personnes Agence spatiale européenne (European Space Agency [ESA]) Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (Accord sur les transports terrestres, ATT; RS 0.740.72) Banque centrale européenne Brésil, Russie, Inde, Chine Conférence des gouvernements cantonaux Centre européen pour le développement de la formation professionnelle Communauté économique européenne Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control [ECDC]) Collège européen de police Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (European Research Council Executive Agency [ERC]) Agence communautaire de contrôle des pêches Corps des gardes-frontière Programme cadre pour la compétitivité et l'innovation Cour de justice de l'Union européenne 6627

CLP

CPE CSUE DDT DETEC DFAE DFE DFI DFJP DG DG SANCO DG TREN EACEA e-customs EEE EEN EFSA EGNOS EI EIE EIONET EIP EMA ENCA ENISA EPF EPLN

6628

Règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (Regulation on Classification, Labelling and Packaging of Substances and Mixtures [CLP]) Commissions de politique extérieure Centre satellitaire de l'Union européenne (European Union Satellite Centre [EUSC]) Directive sur le détachement des travailleurs Département fédéral de l'environnement, des transports et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de l'économie Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Direction générale de la Commission européenne Direction générale de la santé et des consommateurs de la Commission européenne Direction générale de l'énergie et des transports de la Commission européenne Agence exécutive «Education, audiovisuel et culture» (Education, Audiovisual and Culture Executive Agency [EACEA]) Projet de l'UE en vue de l'informatisation de la douane Espace économique européen Enterprise Europe Network Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Agency [EFSA]) Service européen de navigation par recouvrement géostationnaire (European Geostationary Navigation Overlay Service [EGNOS]) Eco-innovation Energie Intelligente Europe (Intelligent Energy Europe [IEE]) Réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement Programme pour l'innovation et l'esprit d'entreprise (sousprogramme du CIP) (Entrepreneurship and Innovation Programme [EIP]) Agence européenne du médicament (European Medicine Agency [EMA]) Agences nationales pour la conservation de la nature (European Nature Conservation Agencies [ENCA]) Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (European Network and Information Security Agency [ENISA]) Ecole polytechnique fédérale Réseau européen d'apprentissage dans le domaine de l'activité policière (European Police Learning Network [EPLN])

ESB ETCS ETS EULEX Euratom ou CEEA EURO 08 EUROFUND EUROJUST EuropeAid EUROPOL FF FMI FRA FRONTEX

G-8 G-20 GAEO Galileo GATS ou AGCS GATT ou AGETAC GLONASS GMES GNSS GPS GSA GSM-R

Encéphalopathie spongiforme bovine Système européen de contrôle des trains (European Train Control System [ETCS]) Système d'échange de quotas d'émission (Emission Trading System [ETS]) Mission Etat de droit menée par l'Union européenne au Kosovo Communauté européenne de l'énergie atomique (European Atomic Energy Community [Euratom]) Championnat d'Europe de football 2008 Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail Unité européenne de coopération judiciaire Office européen de coopération Office européen de police (European Police Office [EUROPOL]) Feuille fédérale Fonds monétaire international (International Monetary Fund [IMF]) Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (European Union Agency for Fundamental Rights [FRA]) Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne (European Agency for the Management of Operational Cooperation at the External Borders [FRONTEX]) Groupe des Huit Groupe des Vingt Groupe d'armement de l'Europe occidentale (Western European Armaments Group [WEAG]) Nom du système européen de navigation par satellite Accord général sur le commerce des services (General Agreement on Trade in Services [GATS]) Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce Acronyme russe pour système global de navigation par satellite (Globalnaja Nawigazionnaja Sputnikowaja Sistema).

Surveillance globale de l'environnement et de la sécurité (Global Monitoring for Environment and Security [GMES]) Système global de navigation par satellites (Global Navigation Satellite System [GNSS]) Système de positionnement par satellites (Global Positioning System [GPS]) Autorité de surveillance du GNSS européen (European GNSS Supervisory Authority [GSA]) Système global de télécommunications mobiles pour les trains (Global System for Mobile Communications ­ Rail[way] [GSM_R]) 6629

H1N1 H5N1 ISS ou IESUE JO LEp LETC LFPC LOGA LPTh LRTV MEDIA MPUE MSC NLFA OAEO OCDE OCVV OEDT OFAC OGM OHMI OMC ONG ONU OSCE OSC OTAN par.

PC PAS-TIC

6630

Virus de la grippe A («grippe porcine») Virus de la grippe A («grippe aviaire») Institut d'études de sécurité de l'Union européenne Journal officiel de l'Union européenne Loi fédérale du 18 décembre 1970 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies; RS 818.101) Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 946.51) Loi fédérale sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération (LFPC; RS 138.1) Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques; RS 812.21) Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40) Programme de promotion du secteur audiovisuel européen Mission de police de l'Union européenne Méthodes de sécurité communes Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (Western European Armaments Organisation [WEAO]) Organisation de coopération et de développement économiques (Organisation for Economic Cooperation and Development [OECD]) Office communautaire des variétés végétales Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction [EMCDDA]) Office fédéral de l'aviation civile Organismes génétiquement modifiés Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (Office for the harmonisation of the internal market [OHIM]) Organisation mondiale du commerce (World Trade Organization [WTO]) Organisation non gouvernementale Organisation des Nations Unies Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe Objectifs de sécurité communs Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (North Atlantic Treaty Organization [NATO]) Paragraphe Programme d'appui stratégique en matière de TIC (ICT Policy Support Programm [ICT PSP])

R PE PESC

Programme-cadre de recherche de l'Union européenne Parlement européen Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne PESD Politique européenne de sécurité et de défense PIB Produit intérieur brut PME Petites et moyennes entreprises Po.

Postulat RABIT Equipes d'intervention rapide aux frontières (Rapid Border Intervention Teams [RABIT]) RAPEX Système d'alerte rapide pour les produits de consommation non alimentaires (Rapid Alert System for Non-Food Products [RAPEX]) RASFF Système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et aliments pour animaux (Rapid Alert System for Food and Feed [RASFF]) REA Agence exécutive pour la recherche (Research Executive Agency [REA]) REACH Système d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des produits chimiques (angl.: Registration, evaluation and authorisation of chemicals). Le règlement REACH a pour objectif de mieux gérer les risques environnementaux et sanitaires pouvant résulter de la production et de l'utilisation de substances chimiques dans l'Union européenne RNB Revenu national brut RS Recueil systématique du droit fédéral RTE-T ou Programme du réseau transeuropéen de transport (TransTEN-T European Transport Network [TEN-T] Programme) SEGTF Système européen de gestion du trafic ferroviaire (European Railway Traffic Management System [ERTMS]) Sida Syndrome d'immunodéficience acquise (Acquired Immune Deficiency Syndrome [aids]) SAPR Système d'alerte précoce et de réaction (Early Warning and Response System [EWRS]) SER Secrétariat d'Etat à l'éducation et à la recherche SGH Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques (Globally Harmonized System of Classification and Labelling of Chemicals [GHS]) SRAS Syndrome respiratoire aigu sévère TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne Traité CE Traité portant création de la Communauté européenne Traité UE (TUE) Traité sur l'Union européenne TVA Taxe sur la valeur ajoutée

6631

Rapport 1

Introduction Le présent rapport étudie, sous l'angle des évolutions survenues depuis 2006, les différents instruments politiques dont dispose la Suisse dans le cadre de ses relations avec l'UE. Le Conseil fédéral procède périodiquement à une telle évaluation. L'élaboration de la présente étude est motivée par le postulat déposé le 10 juin 2009 par la conseillère nationale Christa Markwalder.

1.1

Contexte

Durant la dernière décennie, les relations entre la Suisse et l'Union européenne (UE) se sont considérablement intensifiées. Globalement, l'approche suivie, qui consiste à approfondir la coopération dans des domaines spécifiques par la conclusion d'accords bilatéraux, s'avère concluante. Le Conseil fédéral est toutefois convaincu qu'une politique anticipatrice doit inclure un examen permanent de ses instruments de politique européenne. C'est du reste ce qu'exige un postulat déposé le 10 juin 2009 par la conseillère nationale Markwalder et cosigné par 100 conseillers nationaux5. Ce postulat charge le Conseil fédéral d'évaluer les avantages et les inconvénients des instruments de politique européenne, et de présenter un catalogue de priorités assorti de mesures concrètes pour la future politique européenne de la Suisse; il le charge également de fixer les prochaines étapes de la politique européenne de la Suisse durant la législature 2011 à 2015.

Exception faite de ce dernier point, de nature opérationnelle et qui dépasse le cadre du présent rapport, le Conseil fédéral donne suite, par le présent rapport, au postulat susmentionné.

Le rapport paraît quatre ans après le rapport Europe de 20066. Depuis la publication de ce dernier, le contexte politique a évolué en Suisse, en Europe et partout dans le monde, ce qui a des conséquences pour la politique européenne de la Suisse. Ainsi, par exemple, la place du continent européen et, en particulier, de l'Union européenne dans le monde tend à s'éroder progressivement, au profit d'autres régions économiquement plus dynamiques. Cela étant, l'UE demeure ­ et de loin ­ le premier partenaire tant économique que politique de la Suisse et, partant, le principal enjeu de nos relations extérieures. Si nos relations avec l'UE peuvent être qualifiées d'excellentes et de particulièrement étroites, il n'en demeure pas moins que certaines évolutions ont eu à cet égard un impact négatif. Ainsi et à titre d'exemple, la controverse intervenue entre la Suisse et l'UE sur la fiscalité cantonale de certaines entreprises a marqué les relations bilatérales au cours des dernières années. Par ailleurs, la crise financière et économique a frappé l'Europe de plein fouet. Le risque de voir ressurgir le protectionnisme et des taux de change plus volatils s'est accru. Globale5 6

Postulat Markwalder Bär (09.3560) «Politique européenne. Evaluation, priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration».

Rapport Europe 2006 du 28 juin 2006, FF 2006 6461.

6632

ment, on note, sur le plan international, une exploitation consciente des différents rapports de force, ce qui met en cause la pérennité et la stabilité des traités internationaux conclus par la Suisse. De plus, l'éventuelle adhésion de l'Islande à l'UE pourrait considérablement modifier l'équilibre de l'AELE et son poids politique. Ces évolutions sont prises en compte dans les considérations ci-après.

La présente évaluation s'appuie sur le rapport Europe 20067 et sur le rapport sur la politique extérieure 20098. Elle a pour objectif d'examiner les différents instruments politiques dont dispose la Suisse dans le cadre de ses relations avec l'UE, sur la base des évolutions survenues entre-temps. Ce faisant, l'accent est mis en particulier sur l'aspect de la meilleure sauvegarde possible des intérêts. Conformément à ce que demandait le postulat auquel il donne suite, le rapport prend comme point de départ les critères dégagés dans le rapport Europe 20069 et sur lesquels le Conseil fédéral entend notamment s'appuyer pour apprécier le caractère de meilleur instrument pour sauvegarder les intérêts de la Suisse à l'égard de l'UE. Ces critères, au nombre de trois, sont: 1.

La Suisse jouit d'un degré de participation à la prise de décision dans le cadre des accords bilatéraux avec l'UE et d'une marge de manoeuvre dans la conduite de ses politiques autonomes qui sont perçus comme suffisants (participation à la prise de décision).

2.

Dans la conduite de sa politique envers les Etats tiers, l'UE est disposée à trouver avec la Suisse des solutions par le biais d'accords bilatéraux sectoriels (faisabilité en matière de politique extérieure).

3.

Les conditions-cadres économiques, en particulier dans le domaine monétaire, n'évoluent pas dans un sens défavorable à la Suisse (conditions-cadres économiques).

1.2

Structure du rapport

Le chapitre introductif (ch. 1.3) décrit brièvement le contexte actuel dans lequel s'inscrivent les relations entre la Suisse et l'UE. Il donne un aperçu de l'état des négociations conclues depuis le rapport Europe 200610, en cours ou envisagées. Il évoque également les changements intervenus au sein de l'UE et leurs conséquences pour la Suisse.

Le chap. 2 est consacré à une analyse des évolutions intervenues dans les relations entre la Suisse et l'UE à la lumière des critères fixés par le Conseil fédéral dans son rapport Europe 2006 pour servir d'orientation dans le cadre de l'évaluation de la voie bilatérale.

Le chap. 3 passe ensuite en revue les réponses qu'apportent, ou non, divers instruments possibles de politique européenne aux questions que posent les principales évolutions intervenues depuis le rapport Europe 2006. Pour ce faire, le rapport se borne à analyser les thèmes qui sont les plus importants dans nos relations avec l'UE, renonçant sciemment à les aborder tous. Les thèmes retenus sont ainsi: 7 8 9 10

FF 2006 6461 ss Rapport sur la politique extérieure 2009 du 2 sept. 2009, FF 2009 5673 ss.

FF 2006 6461 ss FF 2006 6461 ss

6633

­

Les aspects institutionnels (reprise de l'acquis de l'UE et de ses développements; conséquences en termes de démocratie directe, de fédéralisme et d'institutions; conséquences du Traité de Lisbonne11);

­

La question du «parallélisme» appliqué par l'UE;

­

Les revendications de l'UE dans le domaine fiscal;

­

Les difficultés d'accès au marché intérieur de l'UE;

­

La politique économique et monétaire;

­

Les coûts directs;

­

La politique sociale;

­

La politique environnementale.

Le chap. 4 contient les conclusions et une appréciation générale de l'analyse effectuée. Il propose en outre une définition des priorités de la future politique européenne de la Suisse.

1.3

Contexte et évolutions actuelles

A l'échelle mondiale, on assiste à un déplacement des centres de gravité au profit de pays en transition tels que la Chine ou l'Inde. L'UE n'en demeure pas moins le principal partenaire de la Suisse. Avec le Traité de Lisbonne, elle a franchi une nouvelle étape dans son intégration. Dans le même temps, la crise de l'euro constitue pour elle un défi de taille. Reste à savoir si la crise débouchera sur de nouvelles étapes d'intégration au sein de l'UE.

1.3.1

L'UE en Europe et dans le monde, entre domination et érosion

La crise économique et financière a mis en lumière un phénomène qui se dessinait déjà depuis quelques années: dans le cadre d'une modification des rapports de force dans le monde12, les centres de gravité économiques et politiques se déplacent durablement. Aujourd'hui, la Chine et l'Inde sont entrées dans le cercle des grandes puissances. De nombreux autres pays asiatiques ont connu un fort essor suite au développement de leurs capacités industrielles et de leurs services. L'accroissement de la demande en ressources naturelles, comme le pétrole et le gaz ou les métaux importants pour l'industrie, bénéficie aux Etats du Golfe, à la Russie, mais aussi à certains Etats d'Amérique latine et d'Afrique. En résumé: la part relative des pays industrialisés à la croissance mondiale a fortement diminué, passant de 60 % en 1981 à environ 30 % en 2008. Sur la même période, la part de l'Asie a plus que triplé, puisqu'elle a été portée de 14 à 46 %. En 2007, la Chine a contribué à elle 11 12

Versions consolidées du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du 9 mai 2008, JO C 115.

FF 2009 5686

6634

seule à hauteur de 33 % à la croissance économique mondiale13. Les prévisions concernant le PIB enregistré chaque année viennent confirmer ces observations. En 1980, le PIB de l'UE représentait un peu moins de 32 % du PIB mondial, tandis que celui des 149 Etats considérés par le FMI comme des pays en développement et des pays en transition atteignait 30 %. Pour 2015, le FMI prévoit que la part de l'UE dans le PIB mondial ne sera plus que de 24 %, tandis que celle des pays en développement et des pays en transition devrait atteindre 39 %. A elle seule, la part des pays en développement et des pays en transition d'Asie devrait passer de 8,3 % en 1980 à 21 % en 2015.14 Faits & chiffres Poids économique ­ comparaison du produit intérieur brut (en milliards USD, prix courants) 1990

2008

238,2

492,0

+106,5

UE (27)

7 284,1

18 328,6

+151,6

USA

5 757,2

14 093,3

+144,8

317,5

4 327,0

+1281,7

Suisse

Chine

Evolution

(en pour cent)

Sources: Banque mondiale, Eurostat

La principale réponse du continent européen à cette évolution et au changement des rapports de force mondiaux est constituée par un approfondissement de l'intégration européenne dans le cadre de l'UE, qui demeure notamment la première puissance économique au monde. Ainsi, malgré la perte d'influence relative de l'Europe par rapport à d'autres régions, l'Union européenne (UE) représente toutefois la force dominante sur ce continent et s'est affirmée en quelque sorte comme le porte-parole de l'Europe dans le monde. Ces dernières années, elle n'a cessé d'étendre ses capacités dans les domaines de la politique extérieure, de la sécurité et de la défense. Les décisions les plus importantes pour le futur développement de l'Europe sont désormais prises au sein de l'UE. A cela s'ajoute l'ambition croissante manifestée par l'UE d'apparaître comme une référence internationale, à commencer par le plan continental européen, en termes de création de normes juridiques communément acceptées.

Un pays comme la Suisse, situé géographiquement au coeur du continent mais institutionnellement en dehors de sa principale organisation continentale, se doit de porter une attention particulière à ces deux évolutions apparemment contradictoires que sont une certaine perte d'influence du continent européen dans le monde d'une part, et l'affirmation de l'UE en tant que puissance dominante et porteuse d'harmonisation normative sur le continent et dans le monde, d'autre part.

13 14

FF 2009 5686 PIB cumulé aux prix courants, en USD (Fonds monétaire international, 2010, www.imf.org).

6635

Faits & chiffres Suisse - UE: des relations commerciales étroites ­ Les exportations de marchandises de la Suisse à destination de l'UE se chiffrent à 111,9 milliards de francs, soit 59,7 % du total des exportations suisses ­ Les importations suisses de marchandises en provenance de l'UE s'élèvent à 131,7 milliards de francs, soit 78 % du total des importations suisses (chiffres 2009) ­ L'UE est, et de loin, le principal partenaire commercial de la Suisse. La Suisse est le deuxième client de l'UE (après les Etats-Unis et devant la Chine et la Russie), son quatrième fournisseur et son quatrième partenaire commercial (dans les deux cas derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie) Sources: AFD, Eurostat

En qualité de principale puissance commerciale, de voisin géographique et, de plus en plus, d'institution créant des normes communément acceptées, l'UE continuera à l'avenir de demeurer notre principal partenaire. Elle représente donc un point de référence central pour la politique étrangère et la politique économique extérieure de la Suisse. Une sauvegarde des intérêts efficace requiert une politique européenne active et qui s'adapte en permanence aux nouveaux besoins, d'autant que l'UE intervient de plus en plus dans des domaines qui relèvent traditionnellement de la compétence d'organisations telles que l'OSCE, l'OCDE et le Conseil de l'Europe, dont la Suisse fait partie15.

Il convient donc pour la Suisse de veiller en permanence à assurer un équilibre entre, d'une part, la préoccupation de conserver les marges qui permettent aux pays non membres de l'UE de mener des politiques autonomes à l'égard d'autres régions du monde et, d'autre part, la nécessité de préserver et de développer nos relations avec l'UE.

1.3.2

Développements au sein de l'UE depuis le rapport Europe 2006

Dans le cadre des analyses qui suivent, il convient d'avoir toujours à l'esprit que, depuis la conclusion des accords bilatéraux II, l'UE a géré un important processus de mutation interne: l'élargissement, en 2004, de 15 à 25 et, en 2007, à 27 Etats membres a représenté et représente encore pour l'UE un défi de taille, sur le plan tant institutionnel qu'économique. Ces développements ne sont pas sans conséquences sur les méthodes de travail de l'UE de même que sur sa manière d'appréhender ses relations avec les Etats tiers, en particulier ceux qui, à l'instar de la Suisse,

15

Ainsi, par exemple, la Commission européenne a-t-elle officiellement proposé en mars 2010 la négociation de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Si un tel développement devait s'accompagner d'un approfondissement des politiques communes des 27 Etats de l'UE dans les affaires traitées au Conseil de l'Europe, l'influence de l'UE au sein de cette organisation comptant 47 Etats membres, dont la Suisse, deviendrait déterminante.

6636

entretiennent avec elle des relations particulièrement étroites. Les plus significatifs d'entre eux sont examinés ci-dessous.

1.3.2.1

Le Traité de Lisbonne

Faits & chiffres Traité de Lisbonne: d'importantes nouveautés du point de vue de la Suisse ­ Nouvelle fonction de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ­ Nouvelles compétences du Parlement européen ­ Davantage de domaines dans lesquels les décisions sont prises à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité Pour préserver leur capacité d'action au sein d'une UE élargie et mieux tenir compte des besoins de leurs citoyens, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont signé le 13 décembre 2007 le Traité de Lisbonne16, après que le projet de Constitution européenne a été rejeté par les électeurs français et néerlandais.

Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Il ne remplace aucun des traités signés jusque-là mais modifie plusieurs d'entre eux. A travers ce traité, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont mis d'accord sur de nouvelles règles définissant les futurs domaines d'intervention de l'Union et le fonctionnement de cette dernière. Ainsi, le Traité de Lisbonne permet d'adapter les institutions européennes et leurs méthodes de travail, de renforcer la légitimité démocratique de l'Union européenne et de consolider ses valeurs. Les principales nouveautés sont les suivantes:

16

­

L'UE est désormais dotée d'une personnalité juridique propre.

­

L'Union européenne remplace la Communauté européenne. Par contre, la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) continue d'exister.

­

L'ancien modèle des trois piliers n'existe plus.

­

Le rôle du Conseil européen est renforcé. Une nouvelle fonction a été créée, celle de président du Conseil européen. Celui-ci préside les sommets de l'UE et est élu par les membres du Conseil européen pour une période de deux ans et demi (renouvelable une fois), ce qui doit conférer plus de continuité et de stabilité aux travaux du Conseil européen.

­

Un nouveau poste de Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité, couplé avec la fonction de vice-président de la Commission européenne, a été créé. Il s'appuie sur un service diplomatique de l'UE.

­

L'UE est dotée de nouvelles compétences, notamment dans le domaine spatial.

JO C 115 du 9 mai 2008.

6637

­

Concernant la procédure de vote au sein du Conseil de l'UE, le principe de l'unanimité cède la place, dans la plupart des cas, à la majorité qualifiée (par exemple dans les domaines de la coopération policière et judiciaire17 ainsi que dans ceux de la pêche et de l'agriculture).

­

Le principe de l'unanimité s'applique toujours dans les domaines suivants: fiscalité, politique étrangère, défense et sécurité sociale. Il en va de même pour certains aspects spécifiques, (p. ex. dans le droit de la famille ou s'agissant de mesures de coopération policière opérationnelle).

­

A partir de 2014, la majorité qualifiée sera remplacée par le principe de la double majorité. Celle-ci se calcule sur la base des Etats membres et de leur population et nécessite le vote favorable d'au moins 55 % d'Etats membres, représentant au moins 15 d'entre eux et réunissant au moins 65 % de la population de l'UE. Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil de l'UE.

­

Le Parlement européen (PE) est renforcé. Il se voit octroyer de nouvelles compétences dans le domaine de la législation, du budget et des accords internationaux. De plus, la procédure de codécision, qui le place sur un pied d'égalité avec le Conseil de l'UE, est dans de nombreux domaines l'instrument décisionnel régulier de la législation de l'UE. La sécurité sociale, le droit de la famille, les prescriptions de nature fiscale ou encore les mouvements de capitaux avec des pays tiers demeurent exclus de la procédure de codécision.

­

Désormais, l'assentiment du PE est également requis pour les accords internationaux.

­

Le Traité de Lisbonne introduit par ailleurs le droit d'initiative citoyenne.

Conformément à la nouvelle disposition relative à la démocratie participative, un million de citoyens originaires d'un nombre déterminé d'Etats membres peuvent demander à la Commission de présenter une proposition appropriée dans des domaines pour lesquels, selon ces citoyens, un acte juridique de l'Union est nécessaire pour la mise en oeuvre du traité.

­

A travers sa politique de cohésion, l'UE entend renforcer la cohésion économique et sociale et réduire l'écart entre les niveaux de développement des différentes régions. La Suisse participe de manière autonome à cet objectif par le biais de sa contribution à l'élargissement de l'UE et prend part à différents programmes de coopération territoriale. Dans le Traité de Lisbonne, l'encouragement de la cohésion territoriale figure en tant qu'objectif fondamental de l'UE.

Les conséquences prévisibles des modifications introduites au sein de l'UE par le traité de Lisbonne pour les divers instruments de politique européenne à disposition de la Suisse sont examinées ci-dessous (ch. 3).

17

Est exclue, dans ce domaine, la coopération Schengen pour les aspects opérationnels (art. 87 TFUE).

6638

1.3.2.2

La monnaie unique touchée par la crise

Au printemps 2010, la crise de la dette de la Grèce, pays membre de l'UE, n'a cessé de gagner du terrain au point de toucher quasiment toute l'Union monétaire après qu'une perte de confiance des marchés des capitaux a remis en question le refinancement des dettes publiques de la Grèce mais aussi d'autres pays de la zone euro, laquelle compte 16 Etats membres de l'UE. Les pays de la zone euro et les autres membres de l'UE ont réagi en lançant un plan d'urgence sans équivalent pour toute l'Union monétaire ainsi qu'un plan de sauvetage pour la Grèce afin d'alimenter les marchés en liquidités. Ces mesures ont été épaulées par des interventions de la Banque centrale européenne et par le FMI.

Les opinions divergent quant à la base légale de ces mesures extraordinaires, qui ne sont probablement pas prévues par le droit de l'UE. Quoi qu'il en soit, celles-ci marquent un tournant pour l'UE. La crise de l'euro a montré que même dans la douzième année d'existence de l'Union monétaire, les pays qui y participent continuent d'afficher des différences trop marquées sur le plan économique pour qu'une monnaie commune ne soit génératrice de tensions.

C'est la raison pour laquelle l'UE étudie des propositions de réforme qui, au-delà des mesures de sauvetage à court terme, doivent asseoir l'Union monétaire sur des fondations solides. Il s'agit d'imposer avec plus d'efficacité le pacte de stabilité et de croissance, élaboré lors de la création de la monnaie commune, en vue d'une meilleure discipline budgétaire. Dans l'esprit d'une responsabilité commune en matière de politique fiscale, les mesures de sauvetage prises dans l'urgence doivent être transformées en un mécanisme de gestion de crise permanent et les budgets des Etats de la zone euro doivent au préalable être examinés à Bruxelles, par les instances de l'Union monétaire, avant d'être soumis au vote des parlements nationaux. On n'envisage certes pas de communautariser entièrement la politique fiscale ou économique des Etats de la zone euro. Toutefois, pour rapprocher les membres hétérogènes de la zone euro, il est prévu que les participants à l'Union monétaire procèdent à un examen et une consultation communs des déséquilibres macroéconomiques et des disparités en termes de compétitivité. La mise en oeuvre de ces propositions équivaudrait à une avancée notable
en termes d'intégration, qui, au-delà de l'Union économique et monétaire, ferait accomplir du moins aux Etats de la zone euro un pas important en direction de l'Union politique.

Actuellement, on ne peut prévoir l'efficacité des mesures d'urgence ni dire si la réforme lancée verra le jour. De nombreux Etats de la zone euro ont commencé par consolider leurs budgets afin de réduire leur fort endettement. De même, on ne peut encore savoir si l'UE s'attaquera à des changements structurels afin d'améliorer les conditions-cadres économiques pour l'ensemble du marché unique. Une croissance économique dynamique est indispensable pour venir à bout de la spirale de l'endettement public. Si les menaces sur l'avenir de l'euro devaient perdurer, elles pourraient aggraver l'érosion de la place de l'UE au sein de l'économie mondiale. En raison de ses exportations principalement tournées vers l'UE, l'économie suisse est aujourd'hui confrontée à de nouvelles incertitudes qui portent tant sur le dynamisme économique futur de son premier partenaire commercial que sur le taux de change du franc suisse par rapport à l'euro. Une pression persistante à la hausse du franc suisse par rapport à l'euro mettrait en outre en danger la stabilité des prix en Suisse.

6639

1.3.2.3

L'avenir de l'EEE et de l'AELE

Faits & chiffres Les membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) 1990

2010

­ ­ ­ ­ ­ ­ ­

­ ­ ­ ­

Finlande Islande Liechtenstein Autriche Norvège Suède Suisse

Islande Liechtenstein Norvège Suisse

L'Association européenne de libre-échange fête ses 50 ans cette année et l'EEE fonctionne depuis 1994.

Depuis la création de l'AELE en 1960, la pérennité de cette association à la configuration géographique éclatée n'a cessé d'être mise en doute. Peu après l'entrée en vigueur de la Convention AELE, les Etats membres de l'AELE ont tous sollicité soit l'adhésion, soit l'association à la Communauté des Six. La France s'y est opposée de crainte que cela n'entraîne un affaiblissement des objectifs politiques du Marché commun. Le Royaume-Uni et le Danemark ont quitté l'AELE en 1973, le Portugal, en 1986, pour rejoindre la Communauté européenne. L'Islande, la Finlande et le Liechtenstein ont, pour leur part, rejoint l'AELE.

En janvier 1989, Jacques Delors, président de la Commission européenne avait proposé aux Etats de l'AELE de créer avec la CE un Espace économique européen dynamique et homogène avec des organes communs de décision et de gestion.

L'idée de J. Delors était de créer une structure qui puisse accueillir ­ ne serait-ce qu'en vue de préparer un rapprochement ­ tous les Etats qui pourraient envisager d'adhérer à la CE. Il pensait notamment aux pays d'Europe centrale et orientale mais ceux-ci ont préféré adhérer directement à l'UE. La proposition de J. Delors a d'abord suscité l'enthousiasme mais celui-ci est retombé 10 mois plus tard lorsque la Commission européenne a souligné qu'il n'était pas question d'instituer avec l'AELE des organes ou des procédures qui pourraient mettre en danger l'autonomie de décision de la CE. Pour plusieurs pays, l'EEE s'est rapidement avéré être une solution transitoire: l'Autriche a déposé une demande d'adhésion à la Communauté en juillet 1989, la plupart des autres Etats de l'AELE ont fait de même mais seules l'Autriche, la Finlande et la Suède ont adhéré en 1995, après avoir été membres de l'EEE pendant un an seulement.

En 2009, l'Islande a déposé une demande d'adhésion à l'UE. En juin 2010, le Conseil de l'UE a décidé d'ouvrir des négociations d'adhésion avec ce pays. A l'heure actuelle, la concrétisation de cette adhésion est toutefois très incertaine. Si celle-ci devait se réaliser, elle poserait des questions quant à l'avenir et plus particulièrement au fonctionnement de l'AELE et de l'EEE. Ainsi, compte tenu du fait que le fonctionnement de l'EEE est
notamment basé sur deux organes supranationaux qui assurent la surveillance et l'interprétation de l'Accord EEE par les trois Etats AELE/EEE et que ces deux organes supranationaux prennent leurs décisions à la 6640

majorité, un départ de l'Islande obligerait à revoir la procédure de prise de décision.

Par ailleurs, si les Etats AELE/EEE se limitaient à deux membres, le déséquilibre dans la taille des deux partenaires dont l'un assume seulement 1 % des coûts de l'EEE en serait accentué. Il convient de noter à cet égard qu'en l'état, l'AELE n'a pas de velléités d'élargissement à d'autres pays. Les conséquences concrètes pour la Suisse et l'AELE au cas où l'Islande adhérerait à l'UE seront à examiner le moment venu, par la Suisse et par les membres restants de l'AELE.

1.3.3

Développements des relations entre la Suisse et l'UE depuis le rapport Europe 2006

Faits & chiffres La Suisse, un partenaire important et solidaire de l'UE ­ Deuxième partenaire économique de l'UE ­ Mobilité intense grâce à la libre circulation des personnes ­ Contribution à la diminution des disparités sociales au sein de l'UE (contribution à l'élargissement) ­ Participation à des missions de maintien de la paix de l'UE ­ Trafic de transit des marchandises de l'UE facilité grâce à la construction des NLFA

1.3.3.1

Introduction

L'UE n'entretient avec aucun autre Etat des relations comparables à celles qu'elle entretient avec la Suisse. Pour consolider ces relations, la Suisse poursuit ses intérêts par la voie bilatérale depuis le «non» helvétique à l'EEE en 1992. Ces dernières années, un réseau dense d'une vingtaine d'accords fondamentaux et de plus d'une centaine d'accords de moindre portée a vu le jour. Il a permis aux deux parties d'atteindre pour l'essentiel leurs objectifs. De plus, la voie bilatérale bénéficie d'un grand soutien populaire et a été régulièrement confirmée en votation populaire (à six reprises depuis l'an 2000).

Réuni en séance spéciale le 21 octobre 2009, le Conseil fédéral s'est penché sur sa politique européenne. S'appuyant sur le rapport sur la politique extérieure 2009, il a analysé l'état des relations avec l'Union européenne ainsi que celui des différents dossiers bilatéraux. Il a confirmé sa volonté de poursuivre les négociations en cours dans les domaines suivants: agriculture, sécurité alimentaire, sécurité des produits et santé publique ainsi que électricité et participation aux programmes européens de navigation par satellite Galileo et EGNOS (GNSS). Il a également réitéré son intention de poursuivre les préparatifs pour d'éventuelles négociations dans d'autres domaines. Cela concerne en particulier le système d'échange de quotas d'émission de CO2 (ETS), la coopération en matière de réglementation des substances chimiques (REACH/CLP) et, enfin, la coopération avec l'Agence européenne de défense.

De son côté, l'UE a mis en avant au cours des dernières années nombre de thèmes 6641

fiscaux, comme certains aspects de la fiscalité cantonale des entreprises, une révision de l'accord sur la fiscalité de l'épargne, différentes questions relatives à l'échange d'information en matière fiscale et, tout récemment, l'intention de mener un dialogue avec la Suisse sur l'application du Code de conduite de l'UE en matière de fiscalité des entreprises.

Il convient en outre de mentionner l'entrée en vigueur opérationnelle des accords de Schengen/Dublin entre la Suisse et l'UE, avec la levée des contrôles aux frontières terrestres et aux frontières aériennes (aéroports) les 12 décembre 2008 et 19 mars 2009 respectivement. La coopération de Schengen favorise la mobilité en Europe grâce à la suppression des contrôles systématiques de personnes aux frontières entre les Etats Schengen (frontières internes de l'Espace Schengen). Simultanément, une série de mesures de sécurité rendent plus efficace la lutte contre la criminalité grâce à une meilleure coopération internationale dans les domaines de la justice et de la police. Ces mesures ont trait à l'intensification des contrôles aux frontières extérieures de l'Espace Schengen, au renforcement de la coopération policière transfrontalière (notamment au travers du système électronique de recherche SIS), ou encore à l'amélioration de l'entraide judiciaire. La coopération de Dublin, elle, sert à prévenir la multiplicité des demandes d'asile dans l'Espace Dublin. Les critères de Dublin définissent quel Etat est chargé de traiter une demande d'asile, permettant ainsi une certaine répartition des charges. Grâce au répertoire d'empreintes digitales Eurodac, une personne ayant déposé plusieurs demandes d'asile peut être identifiée et reconduite vers le pays chargé de la procédure. Cette procédure permet d'éviter le traitement de demandes multiples, qui serait coûteux et lourd pour les systèmes d'asile nationaux.

Au niveau opérationnel, les nouveaux mécanismes sont bien rodés; le Conseil fédéral estime positives les premières expériences réalisées dans le cadre de Schengen/Dublin. Dans le domaine de la lutte contre la criminalité transfrontalière et de la migration illégale, la banque de données SIS dédiée aux recherches et la banque de données des empreintes digitales Eurodac se sont révélées être des outils efficaces pour les autorités suisses. En Suisse,
les recherches effectuées dans le SIS (par la police et le Corps des gardes-frontière) donnent tous les jours des résultats dans une vingtaine de cas. Du 1er janvier 2009 au 31 mai 2010, la Suisse a demandé à d'autres Etats membres de l'espace Dublin compétents pour la procédure d'asile d'accueillir 8408 personnes. Pour 6724 d'entre elles, sa demande a été acceptée et elle a essuyé un refus pour 1214 demandes. A la fin mai 2010, 2920 requérants d'asile avaient pu être remis aux Etats membres de Dublin compétents. Durant la même période, la Suisse a reçu d'autres Etats membres de Dublin 1116 demandes de prise en charge de requérants d'asile. 787 demandes ont été acceptées et 303 ont été refusées.

416 personnes ont d'ores et déjà été remises à la Suisse.

Sur le plan des réflexions portant sur les relations entre la Suisse et l'UE, plusieurs contributions récentes peuvent être mentionnées: ­

18

Les gouvernements cantonaux ont procédé le 25 juin 2010 à une réévaluation de leur état des lieux de la politique européenne. A cette occasion, ils ont adopté les positions suivantes18: à terme, seules la voie bilatérale ou l'adhésion à l'UE permettront de sauvegarder les intérêts de la Suisse. Poursuivre la voie bilatérale à court et à moyen termes nécessite la conclusion Cf. «Etat des lieux en politique européenne des gouvernements cantonaux» approuvé par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

6642

d'un accord-cadre réglant les questions institutionnelles. Pour les gouvernements cantonaux, la priorité absolue est de maintenir et de mettre en oeuvre de manière efficace les accords existants avec l'UE. Il est dans l'intérêt de la Suisse, aussi bien politiquement qu'économiquement, de poursuivre la coopération avec l'UE. Par ailleurs, tout nouveau mandat de négociation devrait être suspendu jusqu'à la conclusion d'un accord-cadre réglant de manière uniforme le mécanisme de reprise de l'acquis de l'UE. Renégocier ces modalités lors de chaque nouvel accord n'est pas une option adéquate aux yeux des gouvernements cantonaux, lesquels préconisent en outre la création d'un comité mixte au sein duquel ils seraient représentés et qui servirait de forum de dialogue politique avec l'UE. Ils estiment enfin que la participation de la Suisse aux programmes de l'UE devrait être ancrée dans cet accordcadre, ce qui éviterait de devoir la renégocier à la fin de chaque période.

Parallèlement au renforcement des relations avec l'UE, les gouvernements cantonaux jugent indispensable de procéder à des réformes internes destinées à consolider l'organisation étatique fédérale et démocratique de la Suisse. Il s'agirait en l'occurrence de renforcer les droits de participation des cantons à l'élaboration de la politique européenne (fédéralisme participatif) et d'adapter les structures organisationnelles existantes. En conséquence, les gouvernements cantonaux souhaitent procéder prochainement à une évaluation politique des réformes institutionnelles internes souhaitées.

19

­

L'organisation faîtière Economiesuisse a publié le 18 mai 2010 une analyse des relations avec l'Europe dans laquelle elle évalue différents scénarios du point de vue de l'économie et de la politique économique19. Elle parvient à la conclusion que la Suisse doit poursuivre la voie bilatérale appliquée jusqu'ici dans ses relations avec l'UE tout en améliorant et en élargissant l'accès au marché. Selon cette association faîtière, la voie bilatérale est, dans les conditions actuelles, le plus sûr moyen de défendre les intérêts économiques de la Suisse dans les domaines clés. La conclusion d'un accord-cadre pourrait avoir une incidence positive sur nos relations avec l'UE pour autant qu'elle n'implique pas une reprise automatique de l'acquis de l'UE, comme c'est le cas pour l'EEE. Une adhésion à l'EEE ne procurerait pas d'avantages notables par rapport à la voie bilatérale, excepté pour certains services financiers. Une adhésion à l'UE garantirait certes un accès non discriminatoire au marché, mais elle provoquerait également une augmentation peu souhaitable de la densité réglementaire en raison de l'obligation de reprendre le droit européen. La Suisse devrait en outre renoncer à son autonomie dans le domaine de la politique monétaire et de la politique économique extérieure. Du point de vue économique, Economiesuisse soutient la conclusion de nouveaux accords bilatéraux sur le libre-échange dans les secteurs de l'agroalimentaire, du droit des produits chimiques et du commerce de l'électricité, et souhaite une amélioration des conditions d'accès au marché des services financiers transfrontaliers.

­

Le groupe de réflexion Avenir Suisse a publié le 15 juillet 2010 une analyse de la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de souveraineté (comprise comme la possibilité pour notre pays d'exercer l'influence nécessaire au Cf. Economiesuisse, «Suisse-UE: le bilatéralisme dans l'intérêt mutuel», 18 mai 2010 (www.economiesuisse.ch)

6643

plan international pour garantir sa prospérité, sa liberté et sa sécurité) dans le domaine de la politique extérieure, monétaire et budgétaire20. Cette étude propose trois mesures prospectives et stratégiques visant à garantir à terme la souveraineté de la Suisse. Le premier scénario esquissé est l'adhésion à l'EEE, qui permettrait à la Suisse de tirer parti des avantages offerts par le marché unique tout en conservant son autonomie sur le plan de la politique monétaire et de la politique du commerce extérieur. La deuxième option est l'adhésion à l'UE, mais sans participation à l'union monétaire, pour préserver l'autonomie de la Suisse en matière de politique monétaire. La troisième possibilité suggérée par Avenir Suisse est la création d'une alliance mondiale d'Etats ouverts de petite et moyenne taille couvrant l'Europe, l'Asie et l'Amérique latine. Selon Avenir Suisse, la voie bilatérale n'a plus guère d'avenir, pour des raisons institutionnelles.

Les principaux dossiers actuellement en discussion sont rappelés brièvement ci-dessous:

1.3.3.2

Négociations dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la sécurité des produits et de la santé publique

Le 14 mars 2008, le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la sécurité des produits et de la santé publique, mandat qu'il a confirmé le 27 août 2008. Ce dernier porte sur les points de négociation suivants: ouverture des marchés agricole et alimentaire, sécurité alimentaire, sécurité générale des produits et santé publique. L'accord visé comprend la participation de la Suisse à trois agences21, à trois systèmes européens d'alerte et au plan d'action de l'UE dans le domaine de la santé22. Les négociations ont été ouvertes le 4 novembre 2008. Jusqu'à présent, trois cycles de négociations détaillés ainsi que de nombreux entretiens d'experts ont été organisés pour les quatre piliers. Concernant l'ouverture des marchés agricole et alimentaire, quatre autres cycles de négociations ont été menés, sur la suppression des entraves tarifaires et non tarifaires au commerce.

Un accord dans ce domaine doit déboucher sur l'ouverture des marchés pour les produits agricoles et les produits alimentaires. Il entraînerait la suppression d'entraves tant tarifaires (droits de douane, contingents tarifaires, subventions à l'exportation) que non tarifaires et irait donc au-delà du simple développement des accords bilatéraux existants dans le domaine agricole (accord agricole, accord sur les produits agricoles transformés). Les contrôles à la frontière ne seraient plus maintenus que pour la preuve documentaire de l'origine et pour les formalités concernant la TVA. Un tel accord offrirait des perspectives à long terme claires pour l'agriculture 20

21

22

Cf. Gentinetta K. et Kohler G. (éd.) «La souveraineté en cause: l'autodétermination sous de nouveaux auspices», Zurich, 2010 (www.avenirsuisse.ch). La version française est un résumé de l'ouvrage «Souveränität im Härtetest: Selbstbestimmung unter neuen Vorzeichen» paru en allemand.

Voir à ce propos le rapport du Conseil fédéral du 17 sept. 2010 sur les relations entre la Suisse et les agences européennes («Rapport sur les agences européennes») donnant suite au postulat David (08.3141), ch. 3.2.2 (www.europa.admin.ch).

Voir également le rapport sur les agences européennes, ch. 3.3.2.1 (www.europa.admin.ch).

6644

suisse, l'industrie de transformation et le commerce, l'objectif étant de rendre ceuxci plus compétitifs à l'échelle internationale. L'acquis pertinent de l'UE constitue la base de négociation pour cet accord, mais il s'agira de définir dans quelle mesure celui devra être pris en compte afin d'atteindre les objectifs de l'accord envisagé.

1.3.3.3

Swissmedic-EMA

Le 27 novembre 2009, dans le contexte de la grippe pandémique H1N1, le Conseil fédéral a confié un mandat de négociation à l'Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic, en vue de permettre l'échange d'informations confidentielles entre Swissmedic et l'Agence européenne des médicaments (EMA).

Faisant suite au mandat du Conseil fédéral, des négociations ont eu lieu entre Swissmedic et EMA. Le 15 février 2010, les directeurs de Swissmedic et de l'EMA ont signé un arrangement non contraignant permettant l'échange de données confidentielles dans le domaine de la grippe pandémique H1N1. Grâce à cet arrangement, les Parties peuvent notamment accéder aux bases décisionnelles l'une de l'autre, échanger des informations au sujet des expertises et des modifications des autorisations existantes, coopérer dans le domaine de la surveillance du marché des vaccins pandémiques (observation des effets secondaires indésirables) et partager les enseignements tirés d'autres pandémies.

1.3.3.4

Electricité

Suite à la panne générale qui s'est produite en Italie en septembre 2003, la Commission européenne a proposé à la Suisse de régler contractuellement la question du transit de l'électricité. L'accord sur l'électricité actuellement en négociation doit réglementer notamment le commerce transfrontalier de l'électricité et permettre l'accès mutuel aux marchés. Il s'agit en outre de garantir la sécurité de l'approvisionnement.

Le principal objectif de la Suisse est de garantir contractuellement sa position déterminante dans le commerce transfrontalier de l'électricité en Europe, notamment en ce qui concerne la définition des procédures de gestion des pénuries aux frontières et le règlement de l'indemnisation pour les prestations de transit. Par ailleurs, il est probable que l'accord sur l'électricité contiendra également certaines dispositions horizontales, concernant par exemple le droit environnemental pertinent pour le secteur de l'électricité et le droit de la concurrence.

Notons toutefois qu'entre-temps, l'UE a réformé en profondeur sa politique énergétique: fin juin 2009, elle a adopté un troisième paquet de libéralisation pour le marché intérieur de l'énergie, lequel doit désormais servir de base de négociation23.

L'UE tend de plus en plus à donner une définition large de l'acquis pertinent à 23

Le paquet présenté par la Commission en 2007 comprend les actes normatifs suivants: directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité; règlement (CE) No 714/2009 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité; directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel; règlement (CE) No 715/2009 concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel; règlement (CE) No 713/2009 instituant une agence de coopération des régulateurs de l'énergie.

6645

prendre en compte dans les négociations. Ainsi, elle souhaiterait étendre les négociations à la nouvelle directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables24, laquelle est partie intégrante des mesures de l'UE en matière de climat et d'énergie. L'adaptation du mandat, nécessaire en Suisse, a été approuvée par le Conseil fédéral le 12 mai 2010 sous réserve des positions des Commissions de politique extérieure des Chambres fédérales ainsi que des cantons. Il s'agit désormais de parvenir à un accord autonome sur l'énergie, qui dans un premier temps serait limité au secteur de l'électricité et aux énergies renouvelables mais pourrait, lors de négociations ultérieures, être étendu à d'autres aspects tels que l'efficacité énergétique ou les infrastructures énergétiques.

1.3.3.5

Système Galileo de navigation par satellites et Service européen de navigation par recouvrement géostationnaire (EGNOS)

Avec Galileo, l'UE et l'Agence spatiale européenne (ESA) entendent créer un système de navigation par satellite de la dernière génération placé sous contrôle civil. Galileo doit ainsi mettre un terme à la dépendance des utilisateurs européens par rapport au système GPS, contrôlé par les autorités militaires des Etats-Unis d'Amérique, et à d'autres systèmes. Il doit par ailleurs assurer la disponibilité des données en temps de paix comme en temps de crise. Quant au Service européen de navigation par recouvrement géostationnaire (angl.: European Geostationary Navigation Overlay Service, EGNOS), il s'agit d'un système régional de navigation par satellite qui améliore la précision et la fiabilité des signaux émis par les systèmes globaux de navigation par satellite.

L'objectif du mandat de négociation adopté le 13 mars 2009 par le Conseil fédéral vise à assurer contractuellement la participation continue et entière de la Suisse aux programmes de navigation par satellite25. L'opportunité d'un accord permettant d'associer la Suisse à Galileo et à EGNOS ainsi qu'aux organes correspondants des systèmes de navigation satellitaires (angl.: Global Navigation Satellite Systems, GNSS) est motivée d'abord par des considérations économiques et de recherche, mais aussi par la défense des intérêts dans les domaines de la politique de sécurité, de la politique extérieure et de la politique européenne, ainsi que par les préférences manifestées par les utilisateurs potentiels. L'UE a adopté son mandat de négociation le 29 juin 2010.

1.3.3.6

Echange de quotas d'émission

Aujourd'hui déjà, les politiques climatiques de la Suisse et de l'UE poursuivent des objectifs comparables. Pour la période de 2013 à 2020, la Suisse ­ tout comme l'UE ­ entend réduire ses émissions de CO2 d'au moins 20 % par rapport à 1990. Il est prévu de maintenir l'actuel système d'échange de quotas d'émission de la Suisse et, dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2, de l'aménager de sorte qu'il soit possible de le rattacher au système d'échange de quotas d'émission de l'UE. Le 24 25

Directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.

Voir également le rapport sur les agences européennes, ch. 3.2.4 (www.europa.admin.ch).

6646

16 décembre 2009, le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation correspondant. De son côté, l'UE n'a pas encore accompli cette étape. L'objectif d'un futur accord est, au moyen d'une reconnaissance mutuelle des droits d'émission, de supprimer les frontières entre le système suisse d'échange de quotas d'émission et le système de l'UE. Pour la Suisse, cette interconnexion est primordiale car elle permettra aux entreprises suisses d'accéder à un marché européen des émissions sensiblement plus grand et plus liquide. Non seulement ces entreprises gagneraient ainsi en flexibilité pour la réalisation de leurs objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre, mais, dans le même temps, elles bénéficieraient d'une réduction des inégalités concurrentielles, en particulier par rapport à leurs concurrents européens.

A compter de 2012, l'UE intégrera le trafic aérien international dans le système d'échange de quotas d'émission. Si l'interconnexion des deux systèmes aboutit, la Suisse devra elle aussi procéder à cette intégration. Les modalités et la date de cette intégration dépendront dans une large mesure du déroulement des négociations sur la mise en commun des deux systèmes d'échange de quotas d'émission.

1.3.3.7

Coopération en matière de réglementation des substances chimiques (REACH/CLP)

L'entrée en vigueur, le 1er juin 2007, de la nouvelle législation de l'UE relative aux substances chimiques26 a fait apparaître de nouvelles différences entre la législation de l'UE en matière de substances chimiques et celle de la Suisse, jusque-là harmonisée dans une large mesure avec le droit européen. Cela a pour conséquence des entraves techniques au commerce, lesquelles gênent en particulier les PME. De plus, différents secteurs de l'économie suisse sont considérablement désavantagés par rapport à leurs concurrents au sein de l'UE (obligation d'enregistrement pour l'industrie du recyclage, plus grande dépendance des commerçants et distributeurs suisses par rapport à leurs importateurs de l'UE). Un accord bilatéral portant sur la réglementation des substances chimiques permettrait de résoudre ces problèmes. Les entreprises suisses pourraient alors s'adresser directement à l'Agence européenne des produits chimiques (AEPC)27 pour les enregistrements, les autorisations, etc. En outre, non seulement cela préviendrait certains doublons, mais la reprise du règlement REACH permettrait de relever le niveau de protection de l'homme et de l'environnement en Suisse pour l'aligner sur celui de l'UE.

A sa séance spéciale du 18 août 2010, le Conseil fédéral a adopté le mandat de négociation pour une coopération avec l'UE dans ce domaine.

26

27

Règlement (CE) No 1907/2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques; Règlement (CE) No 1272/2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage de substances et de mélanges (CLP).

Voir également le rapport sur les agences européennes, ch. 3.2.3 (www.europa.admin.ch).

6647

1.3.3.8

Coopération avec l'Agence européenne de défense (AED)28

Aujourd'hui, la coopération européenne dans le domaine de l'armement s'inscrit principalement dans le cadre de l'Agence européenne de défense (AED), créée fin 2004. Cette dernière constitue une plate-forme pour l'échange de connaissances et la coopération en matière de projets. Une participation de la Suisse à cette plate-forme est possible, et serait réglée par la conclusion d'un arrangement administratif. Un tel arrangement permet à des Etats tiers d'accéder à la coopération multilatérale dans le domaine de l'armement et régit l'échange d'informations entre l'AED et l'Etat tiers.

Il rend en outre possible une participation à des projets et des programmes concrets d'armement. En revanche, la Suisse n'aurait pas pour obligation de participer à des projets ou de transmettre certaines informations.

L'accès à la coopération multilatérale en Europe et la participation à un transfert de savoir permettraient à la Suisse d'asseoir sa position en tant que pôle de recherche et de technologie et serait très profitable à son industrie de l'armement.

Les directeurs de l'armement des Etats membres de l'AED ont manifesté de manière informelle leur intérêt à voir conclure un arrangement administratif avec la Suisse.

Le 16 décembre 2009, le Conseil fédéral a adopté le mandat suisse de négociation.

1.3.3.9

Accord-cadre dans le domaine de la politique commune de sécurité et de défense

Depuis 2003, l'Union européenne joue un rôle de plus en plus important en matière de promotion de la paix. Dans le cadre de sa politique commune de sécurité et de défense (PCSD), elle a effectué entre-temps de nombreuses missions civiles et militaires de promotion de la paix, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Europe. La Suisse participe à plusieurs de ces missions, comme par exemple au sein des opérations Eufor Althea et EUPM en Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la mission EULEX au Kosovo. Les Etats européens ­ Suisse comprise ­ affrontent de nouveaux défis sécuritaires. Jusqu'à présent, la Suisse doit, chaque fois qu'elle souhaite participer à une mission de promotion de la paix, conclure un accord spécial avec l'UE. Un accord-cadre dans le domaine de la PCSD réglerait les modalités foncières régissant tous les engagements de la Suisse dans les opérations civiles et militaires de promotion de la paix de l'UE. L'UE a d'ailleurs invité la Suisse dès l'automne 2004 à conclure un tel accord. Il convient de noter que celui-ci n'obligerait en rien la Suisse à participer à des opérations de promotion de la paix de l'UE, puisqu'elle resterait seul juge de l'opportunité d'une telle participation. Dans le domaine particulier de la promotion militaire de la paix, un tel accord n'éviterait toutefois pas la nécessité de conclure des accords complémentaires, avec l'UE d'une part et, d'autre part, avec d'autres Etats participant à l'opération. Le Conseil fédéral considère la conclusion d'un tel accord-cadre comme étant en principe opportune. Il n'a toutefois pas encore adopté de mandat de négociation y relatif.

28

Voir également le rapport sur les agences européennes, ch. 3.2.5 (www.europa.admin.ch).

6648

1.3.3.10

Accord MEDIA

La participation de la Suisse au programme de promotion cinématographique MEDIA a été convenue dans les Bilatérales II. L'accord MEDIA est entré en vigueur le 1er avril 2006. Le programme se terminant fin 2006, la Suisse a dû renégocier sa participation, cette fois à la génération suivante du programme (2007 à 2013). Comme la participation à «MEDIA 2007» nécessitait une certaine harmonisation de la législation suisse avec le droit européen en matière de télévision, des discussions ont été menées avec l'Union européenne. Le nouvel accord a toutefois pu être appliqué provisoirement dès le 1er septembre 2007. Les Parties ayant trouvé une solution satisfaisante, le Parlement a traité de la participation de la Suisse à «MEDIA 2007» lors des sessions de printemps et d'été 2009. Largement approuvés, les deux arrêtés fédéraux portant sur la participation à MEDIA ainsi que sur son financement ont été adoptés par les Chambres fédérales à la session d'été, contrairement toutefois à la modification de la loi sur la radio et la télévision (LRTV), qui a fait l'objet de divergences. Suite à l'adoption d'une modification de la LRTV à la session de printemps, il est cependant désormais possible pour toutes les chaînes suisses d'émettre de la publicité pour la bière et le vin. Le 15 décembre 2009, la Suisse a informé le Secrétariat général du Conseil de l'UE que les procédures permettant l'entrée en vigueur de cet accord étaient achevées du côté suisse. L'accord est ainsi entré en vigueur le 1er août 2010.

1.3.3.11

Accord sur l'éducation, la formation professionnelle, la jeunesse

Depuis les accords bilatéraux I, la conclusion d'un accord sur la participation officielle de la Suisse aux programmes européens d'éducation, de formation professionnelle et de jeunesse figure sur la «liste des souhaits» de la Suisse en matière de politique européenne. L'accord doit permettre une participation directe et intégrale de la Suisse auxdits programmes.

Le 2 septembre 2009, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message relatif à l'approbation de l'accord et au financement de la participation29 et approuvé la signature de l'accord. L'examen parlementaire du projet s'est achevé à la session de printemps 201030. L'accord sur l'éducation à été signé à Bruxelles le 15 février 2010. Ce dernier prévoit une participation de la Suisse aux programmes à partir de 2011.

1.3.3.12

Accord relatif à la coopération en matière de concurrence

L'importance de la coopération au niveau des autorités chargées de la concurrence croît au fur et à mesure que les différents espaces économiques s'imbriquent davantage. Les avantages en termes de concurrence d'un accord avec l'UE, premier partenaire commercial de la Suisse, ayant été démontrés, les modalités d'un éventuel accord de coopération ont été évoquées lors d'un entretien exploratoire informel 29 30

FF 2009 5629 ss FF 2010 1929

6649

avec la Commission européenne. En feraient notamment partie la limitation de l'échange d'informations aux autorités de la concurrence de la Commission européenne, l'exercice des droits des parties ainsi que l'opportunité de l'échange d'informations, y compris confidentielles, si les systèmes juridiques des deux parties le permettent. Une reprise du droit de l'UE est expressément exclue. La garantie de la concurrence, qui s'appuie sur la coopération transfrontalière, correspond à une politique économique extérieure axée sur l'ouverture du marché et, partant, sur la suppression des restrictions à la concurrence, telle qu'elle est visée, par exemple, à travers la révision partielle du 12 juin 2009 de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce31 (application du principe «Cassis de Dijon») ou encore à travers l'introduction de l'épuisement régional en droit des brevets. Le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation en ce sens le 18 août 2010.

1.3.3.13

Fiscalité

Conformément à l'accord sur la fiscalité de l'épargne32, mis en oeuvre depuis le 1er juillet 2005, la Suisse verse chaque année aux pays membres de l'UE le produit net de la retenue d'impôt sur les intérêts. Depuis son entrée en vigueur le 31 mai 2005, l'accord bilatéral sur les pensions33 permet d'éviter la double imposition de pensions versées à des fonctionnaires de l'UE à la retraite et résidant en Suisse. Le 23 octobre 2008, la Suisse a ratifié l'accord sur la lutte contre la fraude conclu avec l'UE34. Celui-ci propose une coopération moderne des autorités en vue de lutter contre les délits dans le domaine des impôts indirects. Toutefois, il ne pourra entrer en vigueur que lorsque tous les Etats membres de l'UE auront déposé leurs instruments de ratification, ce qui n'est pas encore le cas. Depuis le 8 avril 2009, la Suisse applique l'accord par anticipation à l'égard des Etats membres qui, comme elle, l'ont ratifié et ont remis une déclaration au sujet d'une application anticipée.

Depuis février 2007, la Commission européenne défend la position officielle selon laquelle certaines modalités d'imposition que les cantons suisses appliquent aux sociétés de holding, aux sociétés mixtes et aux sociétés d'administration constituent des aides d'Etat et ne sont donc pas compatibles avec le bon fonctionnement de l'accord de 1972 sur le libre-échange35. La Suisse rejette la demande de négociation formulée par l'UE sur ce dossier, pour la simple et bonne raison que les dispositions fiscales incriminées ne relèvent pas du champ d'application de l'accord sur le libreéchange. Elle a proposé à l'UE un dialogue dans le cadre duquel elle a exposé sa position.

Dans son communiqué du 28 avril 2009 sur une bonne gouvernance dans le domaine fiscal, l'UE indique envisager de renforcer l'application de ses principes fiscaux visà-vis des pays tiers en vue d'éviter la «concurrence fiscale dommageable». Réuni le 8 juin 2010, le Conseil pour les affaires économiques et financières (Conseil ECOFIN) a appelé la Commission européenne à engager un dialogue avec la Suisse et le Liechtenstein sur le code de conduite de l'UE relatif à la fiscalité des entreprises. Ce code de conduite, qui définit des modalités fiscales communes et politique31 32 33 34 35

FF 2009 3983 RS 0.641.926.81 RS 0.672.926.81 RS 0.351.926.81 RS 0.632.401

6650

ment contraignantes, a déjà amené les Etats membres de l'UE à modifier nombre de leurs pratiques fiscales.

1.3.3.14

Services

Dans le domaine des services, les négociations menées dans le cadre des Bilatérales II ont été interrompues d'un commun accord, les positions de l'époque apparaissant trop éloignées pour qu'un rapprochement soit possible. Suite aux événements liés à la récente crise des marchés financiers, et notamment après la décision du Conseil fédéral de reprendre le standard de l'OCDE en matière d'échange d'informations fiscales à la demande, il a été procédé à une nouvelle analyse des intérêts suisses en la matière. Sur cette base, le Conseil fédéral a décidé, le 24 février 2010, de ne pas réactiver ces négociations, compte tenu de la grande complexité de la matière, du caractère horizontal de beaucoup de dispositions de l'acquis de l'UE pertinent et de la difficulté de parvenir à un accord qui permette de limiter leur champ d'application à certains domaines uniquement. Le Conseil fédéral examine donc d'autres possibilités pour obtenir un meilleur accès au marché.

2

Analyse des évolutions récentes dans les relations entre la Suisse et l'UE, à la lumière des critères dégagés dans le rapport Europe 2006 Possibilités de participation de la Suisse, disposition de l'UE à négocier, conditions-cadres économiques: les critères pour une poursuite concluante de la voie bilatérale sont en principe remplis. Toutefois, la marge de manoeuvre de la Suisse est désormais plus étroite.

Dans son rapport Europe 200636, le Conseil fédéral a formulé trois critères sur lesquels il entend notamment s'orienter pour identifier l'instrument le mieux à même de sauvegarder les intérêts de la Suisse à l'égard de l'UE, étant entendu qu'en tout état de cause, c'est en fonction des résultats de chaque négociation dans un domaine déterminé qu'il décide, et décidera à l'avenir, de soumettre ou non un projet d'accord avec l'UE à l'approbation de l'Assemblée fédérale. Le présent chapitre examine les évolutions intervenues dans les relations entre la Suisse et l'UE à la lumière de ces trois critères, dont ni le respect ni la pertinence ne sauraient être garantis à l'avenir. Il se conclut par une synthèse.

36

FF 2006 6461 ss

6651

2.1

Critère no 1: Participation à la prise de décision

Faits & chiffres Le degré de participation à la prise de décision Il est de l'intérêt et de la Suisse et de l'UE d'adapter les accords bilatéraux aux nouveaux développements. Si la Suisse reprend des développements de l'acquis, elle doit aussi participer à leur élaboration. Enfin, la Suisse prend seule la décision de reprendre ou non un développement de l'acquis (pas d'automaticité).

Depuis la publication du rapport Europe 2006, force est de constater que la marge de manoeuvre de la Suisse tend à s'éroder en ce qui concerne la poursuite de ses politiques autonomes. Cette évolution est à mettre principalement sur le compte de la prétention croissante de l'UE à voir la Suisse reprendre l'acquis de l'UE et ses développements dans de nouveaux accords bilatéraux (et sans doute aussi dans les accords existants). Pour la première fois, le Conseil de l'UE a formulé explicitement en décembre 2008 cette position dans ses conclusions sur les relations entre l'UE et les pays de l'AELE, en rappelant que la participation au marché intérieur «implique d'appliquer et d'interpréter de manière homogène et au fur et à mesure les éléments de l'acquis en constante évolution»37. Depuis, l'UE a proposé à plusieurs reprises, lors de négociations bilatérales avec la Suisse, des dispositions prévoyant la caducité ou la suspension automatique d'un accord au cas où la Suisse ne pourrait reprendre de nouvelles règles de l'UE38.

Pour des raisons de souveraineté, la Suisse ne peut ni ne veut satisfaire à l'exigence de l'UE dans la mesure où elle impliquerait une reprise automatique du droit de l'UE. Il convient donc de rechercher d'autres solutions permettant de concilier intérêts de l'UE ­ soit une application la plus homogène possible du droit de l'UE par les Etats tiers ayant conclu des accords avec elle ­ et intérêts de la Suisse ­soit le respect de la souveraineté dû à un pays non membre de l'UE. Dans ce contexte, les deux partenaires ont d'autant plus intérêt à s'entendre qu'il s'agit aussi d'éviter des distorsions juridiques dans les domaines couverts par des accords.

Dans un esprit d'équilibrage de ces intérêts et comme il l'a indiqué dans le Rapport de politique extérieure 200939, le Conseil fédéral s'appuie sur les cinq principes suivants:

37 38 39

­

La Suisse est prête à accepter que les négociations se fondent sur l'acquis de l'UE déterminant, pour autant que les accords respectent la souveraineté suisse.

­

La reprise, dans nos accords, de cet acquis de l'UE, sans automaticité toutefois, doit être compensée par une participation adéquate à la prise de décision dans le domaine couvert par l'accord, c'est-à-dire aux travaux menés par les groupes de travail du Conseil compétents, les comités de comitologie (comités de l'UE chargés de développer l'acquis) et les groupes d'experts.

Conclusions du Conseil de l'UE 16651/1/08 du 8 déc. 2008 sur les relations de l'UE avec les pays de l'AELE.

FF 2009 5713 Idem.

6652

­

Le mécanisme prévu doit permettre une adaptation des accords au développement de l'acquis de l'UE, mais les délais doivent tenir compte de la durée des procédures prévues par la législation suisse.

­

Les adaptations des accords doivent toujours être effectuées d'un commun accord.

­

Si la Suisse n'est pas en mesure de tenir compte des développements de l'acquis de l'UE considéré et que l'UE fait valoir son droit de prendre des mesures de compensation, ces dernières ne peuvent aller au-delà de ce qui est jugé nécessaire pour maintenir l'équilibre de l'accord visé; la proportionnalité de ces mesures peut être vérifiée dans le cadre d'une procédure d'arbitrage.

A ce jour, ces principes ont été introduits dans le cadre de la modification de l'Accord relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport de marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité, en vue du règlement du problème de la «règle des 24 heures»40. Sous réserve du dernier point, les accords de Schengen et de Dublin répondent eux aussi à ces principes, que le Conseil fédéral a pour objectif d'appliquer, mutatis mutandis, dans les négociations présentes et futures.

La réalisation de cet objectif nécessite toutefois que l'UE accepte d'entrer en matière. Or, depuis la conclusion de l'Accord relatif à la facilitation et la sécurité douanières, divers représentants de la Commission européenne ont indiqué que la solution institutionnelle sur laquelle il repose ne saurait, aux yeux de l'Union, avoir valeur de précédent et donc s'appliquer de manière générale dans les relations avec la Suisse.

L'on ne saurait dès lors partir du présupposé que l'UE serait disposée à reprendre ces principes de manière générale dans le cadre de futures négociations avec la Suisse. Il n'en demeure pas moins que tant l'UE que la Suisse ont un intérêt commun à assurer le bon fonctionnement des accords bilatéraux et, en particulier, à se montrer suffisamment souples pour garantir l'adaptation permanente de leurs relations contractuelles à l'évolution des besoins. Dans cette optique, les deux parties devraient pouvoir s'entendre sur des solutions acceptables par l'une et par l'autre.

Toutefois, dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas, et après analyse de la situation dans sa globalité, une suspension de la négociation de l'accord concerné est une option qui ne saurait être écartée et que le Conseil fédéral se réserve de décider à la lumière de l'ensemble des circonstances pertinentes.

De ce point de vue aussi, le Traité de Lisbonne41 représente une évolution pertinente. La réforme institutionnelle de l'UE vise à renforcer la cohérence, la capacité d'action et la capacité à s'imposer de l'UE. Elle renforce encore le rôle de puissance normative d'une UE qui pèse sur le développement des règles à l'échelon continental, voire mondial. Les critiques de l'UE relatives à certains aspects de la fiscalité cantonale des entreprises ou l'apparition d'une tendance de plus en plus marquée à
vouloir imposer l'échange d'information automatique entre autorités fiscales, en sont deux exemples parlants. Et c'est ainsi que se réduit peu à peu l'espace qui permet aux pays non membres de l'UE de mener une politique de niche dans certains secteurs.

40

41

Message du 27 nov. 2009, concernant l'approbation et la mise en oeuvre de l'accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la facilitation et la sécurité douanières, FF 2009 8091.

JO C 115 du 9 mai 2008.

6653

2.2

Critère no 2: Faisabilité en matière de politique extérieure

Faits & chiffres La faisabilité en matière de politique extérieure Un accord ne peut être conclu ou révisé que si les deux parties sont disposées à le faire. C'est a priori le cas pour la Suisse et l'UE. A condition toutefois que soient dûment prises en considération les préoccupations des deux parties.

Les accords de 1999, de 2004 et de 2009 démontrent la disposition de principe de l'UE à rechercher des solutions avec la Suisse par la conclusion d'accords bilatéraux sectoriels. Ainsi, comme il a été indiqué au ch. 1, plusieurs négociations ont abouti depuis le rapport Europe 200642 (signature de l'Accord sur la facilitation et la sécurité douanières, modifiant l'accord de 1990; signature de l'accord sur la formation et la recherche; signature de l'Accord «MEDIA 2007»; Arrangement avec l'EMA, etc.). Cette situation ne doit toutefois pas faire oublier qu'en termes de faisabilité en politique extérieure, des difficultés croissantes sont apparues. Les raisons en sont imputables autant à l'UE qu'à la Suisse.

Du côté de l'UE, la tendance croissante exposée au ch. 2.1 et consistant à exiger de la Suisse la reprise automatique, non seulement du droit actuel de l'UE, mais aussi du droit à venir, complique la poursuite de la voie bilatérale. Cela est d'autant plus vrai que ces demandes s'étendent à la prise en considération, actuelle et future, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE (CJUE) pour l'application des éléments de l'acquis de l'UE qui sont intégrés dans les accords conclus avec la Suisse. Ces exigences sont autant de difficultés dans nos relations avec l'UE (voir le ch. 3.4.1).

De plus, alors que par le passé, l'UE acceptait que la surveillance de l'exécution des obligations découlant des accords avec la Suisse soit opérée par chacune des Parties sur son territoire, elle demande aujourd'hui de plus en plus ­ et notamment pour les accords portant sur l'accès au marché ­ que cette surveillance soit confiée à des instances supranationales. La Suisse devra tenir compte de cette exigence dans le cadre de ses futures négociations avec l'UE. Il s'agira donc de rechercher des solutions susceptibles de garantir une application et une interprétation homogènes des accords.

A cela s'ajoute le fait que l'UE et la Suisse se prononcent toujours sur des questions isolées à la lumière d'une évaluation
globale des relations. En décembre 2008, le Conseil de l'UE à ainsi déclaré que «lorsqu'il évaluera l'équilibre des intérêts, au moment de conclure de nouveaux accords, il aura à l'esprit la nécessité de garantir des progrès parallèles dans tous les domaines de coopération»43. Cette référence à tous les domaines de «coopération», par opposition aux domaines de «négociation» tend à indiquer que l'UE pourrait décider d'appliquer strictement le principe de parallélisme, et donc bloquer l'adoption d'accords, notamment ceux qui seraient perçus comme étant dans l'intérêt prépondérant de la Suisse, tant qu'elle n'aurait pas 42 43

FF 2006 6461 Conclusions du Conseil de l'UE 16651/1/08 du 8 déc. 2008 sur les relations de l'UE avec les pays de l'AELE.

6654

obtenu satisfaction sur des sujets pour lesquels la Suisse n'entendrait pas négocier d'accords. La controverse sur la fiscalité cantonale de certains types de sociétés est un exemple particulièrement parlant à ce titre.

Il reste encore à clarifier l'importance concrète du Traité de Lisbonne pour la faisabilité de la voie bilatérale. D'un côté, l'extension du principe de la majorité qualifiée tend à réduire la disposition de l'UE à trouver des solutions particulières pour la Suisse. De l'autre, ce même principe peut aussi parfois permettre de neutraliser l'opposition d'un Etat membre donné à une solution convenant à la Suisse. Quant aux nouvelles compétences du Parlement européen en termes d'approbation des accords internationaux de l'UE44, elles ajoutent à la complexité du processus de négociation avec l'UE. S'il n'est pas exclu que, compte tenu de la palette des sensibilités représentées au sein du Parlement européen, certaines positions suisses puissent y trouver un écho favorable, il faut cependant garder à l'esprit le fort attachement de cette institution à l'homogénéité du droit, tout particulièrement dans les domaines touchant au marché intérieur45.

A cela s'ajoute le fait que l'UE ne cesse d'élargir son champ de compétences (cf. cidessus ch. 1.3), y compris dans des domaines qui relevaient jusqu'ici d'autres organisations régionales dont la Suisse est membre, comme par exemple l'OSCE, le Conseil de l'Europe ou l'Agence spatiale européenne (ESA). Ces évolutions restreignent parfois considérablement les marges de manoeuvre dont dispose notre pays.

Ainsi, par exemple, le transfert de la responsabilité du projet Galileo en matière de navigation globale par satellite de l'ESA à l'UE a eu pour effet de contraindre la Suisse à négocier sa participation avec l'UE à des conditions par définition moins favorables qu'elles n'auraient pu l'être dans le cadre de l'ESA, dont elle est membre.

Une autre difficulté à laquelle la Suisse se voit confrontée dans le cadre de la voie bilatérale, et qui ne doit pas être sous-estimée, est un déficit croissant en termes de sécurité juridique. Ce phénomène peut concerner les domaines qui ne sont pas régis par un accord avec l'UE, comme l'illustrent les conséquences potentielles, en termes de péjoration dans l'accès au marché pour les acteurs financiers suisses,
des actuels projets de directives relatives aux fonds de placement ou aux hedge funds. Il concerne également des secteurs régis par des accords lorsque des développements ultérieurs du droit de l'UE ont des conséquences sur ceux-ci. Ainsi, par exemple, dans le domaine de la libre circulation des marchandises, le projet REACH que l'UE est en train de mettre en place dans le but de mieux protéger la santé et l'environnement, prescrit que toute substance chimique produite ou importée dans l'UE à raison de plus d'une tonne par an doit être testée par le fabricant ou l'importateur du point de vue de ses conséquences sur la santé et sur l'environnement. Ces substances doivent également être enregistrées. Ce règlement aura pour conséquence que les entreprises suisses qui veulent exporter dans l'UE souffriront de désavantages importants par rapport à leurs concurrents de l'UE, ce qui pourrait conduire à des entraves ou des surcoûts, voire à des délocalisations d'activités et d'emplois. De fait, des entreprises suisses, et notamment les PME pourraient perdre des clients de l'UE qui voudraient éviter les complications administratives qu'imposeront les obligations de REACH pour l'importation de produits en provenance de pays tiers. Le rappel du montant 44 45

Art. 218 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), JO C 84 du 9 mai 2008.

Cf. «Marché intérieur au-delà des frontières de l'UE: l'EEE et la Suisse», note d'information de la Direction générale du Parlement européen pour les politiques internes, janv. 2010 (IP/A/IMCO/NT/2009-13, PE 429.993).

6655

des exportations du secteur chimique suisse vers l'UE, qui s'élevait à 42,7 milliards de francs suisses en 2009, donne une idée des coûts potentiels engendrés par le projet REACH. Cet exemple illustre également le coût non seulement du potentiel discriminatoire pour la Suisse des évolutions constantes du droit interne de l'UE mais également celui de l'insécurité juridique qui subsiste face à de telles évolutions, dans un contexte où les modalités de notre accès au marché de l'UE sont susceptibles d'être remises en question à tout moment. De plus, il faut souligner que si l'UE s'est engagée à donner un accès à son marché conformément à l'accord GATS, la règle du traitement national ne lui fait pas obligation de mettre les opérateurs économiques suisses sur pied d'égalité avec les opérateurs établis dans l'UE, du moins tant qu'il n'y pas de reconnaissance mutuelle ou d'harmonisation des normes entre l'UE et la Suisse.

Enfin, le fait que la Suisse soit perçue par l'UE comme étant un partenaire fiable et solidaire est lui aussi un élément important pour l'avenir de la voie bilatérale. En effet, des contributions à la réalisation d'objectifs dans l'intérêt du continent, y compris la participation aux efforts de l'UE en termes de politique de sécurité ou la contribution de solidarité en faveur de la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l'UE élargie, contribuent à faire de la Suisse un partenaire sur lequel l'UE estime pouvoir compter, consolidant ainsi la voie bilatérale. Inversement, leur remise en cause ne pourrait qu'affaiblir cette dernière.

2.3

Critère no 3: Conditions-cadres économiques

Faits & chiffres Les défis auxquels est aujourd'hui confrontée la monnaie unique La Suisse étant très tournée vers l'exportation et l'importation de biens et de services, la stabilité des devises est d'importance capitale pour elle. Or, la stabilité monétaire en Europe est actuellement remise en question.

Les conditions-cadres économiques de la Suisse ont certes évolué ces dernières années, mais, dans une perspective de politique européenne, les chiffres clés n'ont pas varié au cours des cinq années précédentes au point qu'il faille parler d'une situation radicalement différente, voire sensiblement dégradée. Il n'en faut pas moins être attentif à certaines tendances qui se dessinent ou qui s'affirment et à leurs implications économiques à long terme pour la politique européenne. L'avenir de l'Union monétaire est encore incertain, et les difficultés qu'elle traverse recèlent des risques possibles pour une économie suisse étroitement imbriquée avec celle de l'UE: aussi s'agit-il de les prendre au sérieux.

Aujourd'hui, l'UE est toujours, et de loin, le principal partenaire commercial de la Suisse. En 2009, 78,0 % des importations suisses des marchandises provenaient de l'UE et 59,7 % des exportations helvétiques étaient destinées à l'UE. En 2009, la Suisse constituait le deuxième client de l'UE, derrière les Etats-Unis mais devant la Chine et la Russie, et représentait 8,1 % de ses exportations. Inversement, la Suisse est le quatrième fournisseur de marchandises et, globalement, le quatrième partenaire commercial de l'UE (dans les deux cas, derrière les Etats-Unis, la Chine et la 6656

Russie). Parmi ses principaux partenaires commerciaux, c'est avec la Suisse que l'UE enregistre le deuxième excédent de sa balance commerciale, d'une valeur de 14,8 milliards d'euros. Dans le domaine des investissements directs et des prestations de services, l'UE et ses 27 membres sont également, et de loin, les principaux partenaires de la Suisse.

Comme il a été dit au ch. 1.3.1, le centre de l'activité économique mondiale se déplace de plus en plus de l'Europe et de l'espace euro-atlantique vers les pays en transition, en particulier vers l'Asie. Il s'agit là d'une conséquence de la mondialisation. Les différentes économies nationales sont encore plus reliées les unes aux autres qu'auparavant, ce qui a pour effet que des problèmes économiques se propagent facilement d'un pays à l'autre. Ce phénomène s'est manifesté en particulier lors de la crise des hypothèques aux Etas Unis, laquelle a mis en difficulté des prestataires financiers du monde entier, avec notamment des conséquences considérables pour l'Europe et la Suisse. La crise financière a également touché l'économie réelle.

L'Etat a dû consolider le secteur financier et soutenir la demande au sein de l'économie réelle en recourant à une politique expansive d'augmentation des dépenses, sachant qu'en Suisse, les mesures conjoncturelles de stabilisation sont demeurées dans les limites du frein à l'endettement.

Conséquence de cette évolution, on constate tout d'abord en Europe la fin d'une longue phase de dérégulation et donc au contraire une tendance nette à réglementer de nouveau l'économie, notamment le domaine des services financiers. Il faut éviter, en effet, que les causes de la crise profonde, qui n'est pas encore achevée, se reproduisent. Cela concerne en particulier l'UE, où tous les pays optent pour des régulations analogues et parfois radicales pour les banques et les prestataires financiers avec, comme conséquence indirecte par rapport à la situation antérieure, une pénalisation des concurrents de pays tiers. Il semble donc qu'à l'avenir, les prestations susceptibles d'être fournies par des entreprises suisses à des clients résidant dans l'UE seront soumises juridiquement à des limitations et à des obstacles. Il faut donc s'attendre à une multiplication des entraves à l'accès au marché.

Avec la crise, l'augmentation significative
de l'endettement public dans de nombreux pays de l'UE a pour corollaire que la substance fiscale à l'étranger fait l'objet de convoitises accrues. Cela concerne la Suisse et sa place financière avec la forme de secret bancaire qu'elle pratique et qui se caractérise par le fait que, récemment encore, aucune entraide administrative ni judiciaire n'était octroyée pour certains éléments constitutifs de la soustraction fiscale. Alors que les accords de double imposition sont progressivement adaptés au standard de l'assistance administrative prévu à l'art. 26 du modèle de convention de l'OCDE, les règles de l'UE visent déjà un échange automatique d'informations entre autorités fiscales concernant les revenus du capital. Comme la place financière suisse est ici en concurrence avec les places financières européennes, tout porte à croire que notre pays fera bientôt l'objet de pressions considérables pour qu'il s'aligne de l'UE (voir ch. 3).

Globalement, il s'avère que la Suisse, en dépit de sa bonne représentation au sein des institutions financières internationales et des instances qui fixent les normes, ne peut exercer qu'une influence limitée sur des décisions de principe relatives à l'architecture financière internationale, parce qu'elle ne fait pas partie de l'organe informel déterminant, le G20. Le positionnement du G20 comme organe de premier plan pour les questions économiques et financières et comme successeur du G8 sur ces dossiers est notamment le reflet du renforcement économique de nouveaux acteurs tels que les Etats BRIC. Le statut de membre du FMI ou de l'OCDE ne s'est 6657

pas toujours révélé être approprié pour amortir la portée de décisions prises dans d'autres cadres et peu adaptées au développement de la Suisse. La participation au sein du Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board) est probablement l'exception qui confirme la règle.

L'économie helvétique a intérêt à un système monétaire européen qui, par sa stabilité, favorise une visibilité prévisionnelle du commerce des biens et des services.

Alors que, durant l'après-guerre, c'est le mark allemand qui constituait le socle de stabilité, ce rôle a été assumé par la monnaie unique, l'euro, depuis son introduction jusqu'à il y a peu. On ne sait encore s'il continuera d'en être ainsi.

Les secousses provoquées par la crise financière mondiale ont mis au jour, au sein de l'Union monétaire, des tensions internes qui sont demeurées longtemps masquées par une politique de stabilité de la monnaie unique globalement couronnée de succès. L'hétérogénéité et les différents niveaux de compétitivité des pays ayant adopté la monnaie unique ont eu pour effet de lourds déséquilibres des balances des paiements au sein de la zone euro, encore accentués par une observation insuffisante des règles européennes de discipline budgétaire et par un taux d'intérêt réel relativement faible pour certains membres de la zone euro. Cela a eu pour effet un endettement privé ou public dans certaines parties de cette zone, lequel s'est traduit par une balance des revenus déficitaire et par des importations excessives qui souvent ont été financées non pas par des recettes provenant d'exportations mais par l'importation de capitaux étrangers. Avec la crise financière et des déficits et des dettes publics qui ne cessent de se creuser, ces importations de capital se sont taries ou n'ont plus été possibles qu'au prix de primes de risque exorbitantes.

L'UE a été contrainte de remplacer provisoirement les liquidités qui manquaient sur le marché par un important plan de sauvetage consistant en des garanties de crédit, des facilités de crédit ou des injections de liquidités par la BCE. Le FMI prend part à ces mesures de sauvetage. Ce n'est qu'à la condition que l'UE parvienne de surcroît à mettre en oeuvre à l'échelle de tous ses membres des réformes sur le plus long terme visant la stabilisation de l'euro et la promotion de sa
compétitivité qu'il sera légitime de considérer que les conditions-cadres économiques pour les relations commerciales de la Suisse avec l'UE n'évolueront pas au détriment de la Suisse, en particulier dans le domaine monétaire. La crise de l'euro peut avoir des répercussions négatives sur la stabilité des prix tant au sein de l'UE qu'en Suisse. Elle pourrait peser longtemps sur le dynamisme économique d'un marché important pour les exportations suisses, provoquer des secousses imprévisibles et occasionner pour les exportateurs suisses des conditions défavorables concernant le taux de change entre le franc suisse et l'euro. Récemment, le franc suisse a déjà enregistré une hausse non seulement nominale mais réelle. Au vu de ces incertitudes, le franc suisse se voit de nouveau investi du rôle de valeur refuge, ce qui s'exprime dans sa tendance à la hausse. Cela étant, les surcoûts pour les entreprises enregistrés du côté des exportations sont compensés en partie par des coûts plus bas pour l'importation de biens d'investissement et de prestations préalables. A cela s'ajoute le fait que, ces derniers temps, le franc suisse a plutôt faibli par rapport à d'autres devises internationales.

6658

Taux de change CHF/EUR valeurs moyennes par mois, depuis 1999 1.70

80

1.65

85

1.60

90

1.55

95

1.50

100

1.45

105

1.40

110

1.35

115

1.30 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

120

nominal (échelle gauche)

réel (invers, échelle droite, janvier 1999=100)

Par rapport à d'autres pays, la Suisse est sortie relativement indemne de cette grave crise et a d'ores et déjà retrouvé son dynamisme économique. Au vu de la pression à la hausse du franc suisse notamment par rapport à l'euro et en dépit de taux d'intérêt historiquement bas sur les marchés des devises et des capitaux, certains secteurs tournés vers l'exportation tels que le commerce, le tourisme et l'industrie sont confrontés à un défi particulier. Toutefois, compte tenu des différentes évolutions qu'a connues l'inflation depuis l'introduction de la monnaie unique, cette pression est moins marquée dans la réalité que dans la perception du public.

Au contraire, la Suisse est parvenue, dans le domaine du commerce préférentiel, à prendre une longueur d'avance sur l'UE en concluant des accords de libre-échange pour accéder aux marchés de partenaires de poids tels que la Corée, les Etats membres du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe et le Canada (dans le cadre de l'AELE) ou encore le Japon (dans un cadre bilatéral). L'autonomie commerciale à l'échelle internationale revêt ainsi aujourd'hui pour la Suisse une signification plus grande encore qu'il y a quelques années encore. En effet, il est tout aussi important de pouvoir participer en toute liberté à la mondialisation économique que de rester proche du marché intérieur européen, surtout à considérer les écarts de croissance entre les différentes régions économiques du monde.

Parallèlement, la situation d'un pays du poids économique de la Suisse s'est compliquée à l'échelle internationale, en particulier au sein de l'OMC. Si, lors du cycle de l'Uruguay du GATT, la Suisse était parvenue à jouer le rôle de médiateur entre les grandes puissances en recherchant des compromis tenant compte dans la mesure du possible de nos particularités, l'institutionnalisation des procédures au sein de l'OMC a modifié la situation au profit des grands blocs économiques. Ces derniers négocient directement entre eux, ce qui affaiblit le rôle traditionnellement dévolu à la Suisse. Par conséquent, s'ils veulent sauvegarder leurs intérêts, les pays de taille petite ou moyenne doivent rechercher davantage des alliances avec des partenaires plus puissants. En raison de sa situation géopolitique et d'intérêts en partie convergents, l'UE revêt ici une importance croissante pour la Suisse en tant que partenaire 6659

possible. Toutefois, du fait de ses mécanismes complexes de prise de décision, l'UE n'est toujours pas parvenue, à ce jour, à former et à mener des coalitions.

2.4

Synthèse

Les évolutions décrites dans le présent chapitre font clairement ressortir une érosion dans les marges de manoeuvre dont dispose notre pays dans la conduite de ses relations avec l'UE au moyen de l'instrument de la voie bilatérale.

La voie bilatérale et sectorielle suivie à ce jour a indiscutablement été couronnée de succès du point de vue de la défense des intérêts nationaux. De surcroît, elle bénéficie d'un net soutien de la part du peuple suisse. Les changements intervenus ces dernières années n'en ont pas moins considérablement modifié la donne relativement à cet instrument de politique européenne. Certaines évolutions se dessinent depuis un certain temps déjà: ainsi, l'UE considère que ses relations contractuelles avec la Suisse ne peuvent plus être basées sur le principe de l'équivalence de la législation suisse par rapport à l'acquis de l'UE, et elle estime au contraire qu'un accord avec la Suisse n'est plus concevable désormais sans une reprise sectorielle du droit pertinent de l'UE. D'autres développements, plus récents, pourraient modifier plus profondément encore la nature de la voie bilatérale. Ainsi, considérée à la lumière des trois critères «participation à la prise de décision», «faisabilité en matière de politique extérieure» et «conditions-cadres économique», la situation se dégrade plus ou moins nettement depuis 2006 en fonction du domaine considéré.

Ainsi, aujourd'hui, l'UE demande à la Suisse de respecter l'intégralité des règles du marché intérieur, y compris leurs développements, et donc de les appliquer et les interpréter comme le font les institutions de l'UE. Dans de nouveaux domaines de négociations, il apparaît que l'UE fait preuve d'une interprétation large de la définition de l'acquis pertinent. Par exemple, dans le cadre des négociations sur l'électricité, la Commission européenne souhaite que soient pris en compte certains aspects de l'acquis en matière d'environnement (cf. ch. 1.3.3.4). Cette tendance se traduit par des difficultés croissantes pour l'approche sectorielle privilégiée par la Suisse.

A cela s'ajoute que l'UE est de moins en moins disposée à accepter dans ses relations avec la Suisse des solutions s'écartant de son droit interne. En outre, les revendications de l'UE ont souvent une portée générale ou horizontale. En d'autres termes, elles concernent
les aspects institutionnels des accords et elles sont exprimées systématiquement à chaque négociation menée avec la Suisse, y compris dans le cadre de la mise à jour des accords existants.

Ces évolutions ne rendent pas la voie bilatérale impraticable. Compte tenu de leurs relations extrêmement étroites, la Suisse et l'UE devraient en effet toujours avoir un intérêt commun à trouver des solutions au moyen d'accords spécifiques dans de nombreux domaines. Toutefois, il est patent que poursuivre sur la voie bilatérale est devenu plus difficile. En effet, l'UE demande de plus en plus que ses accords avec notre pays soient basés sur une reprise pleine et entière d'un droit interne pertinent auquel elle donne une définition de plus en plus large, et en voulant inclure dans les nouveaux accords des mécanismes contraignants pour leur adaptation aux évolutions de l'acquis. Cela étant, l'UE peut aussi faire preuve de pragmatisme, comme cela a récemment été le cas dans le cadre de l'accord sur la facilitation et la sécurité doua6660

nières («règle des 24 heures»), dossier dont les enjeux étaient aussi importants pour elle que pour la Suisse. Si ce pragmatisme devait faire défaut, la Suisse pourrait parfois avoir intérêt à préférer renoncer à conclure un accord déterminé. En tout état de cause, le Conseil fédéral procédera dans chaque dossier de négociation à une pondération des intérêts à l'issue de laquelle il décidera ou non de soumettre à l'approbation du Parlement et, le cas échéant, du peuple, l'accord concerné qu'il est envisagé de conclure avec l'UE.

Face à ces difficultés croissantes, il convient d'autant plus d'étudier les avantages et inconvénients comparatifs qu'offriraient à la Suisse d'autres instruments de politique européenne. En effet, plus qu'en évaluant la voie bilatérale pour elle-même, c'est par comparaison avec d'autres solutions possibles que des conclusions peuvent être dégagées étant entendu que, dans la mesure où l'UE profite également dans une large mesure des accords conclus avec la Suisse, il est légitime d'attendre qu'elle contribue à la recherche de solutions acceptables de part et d'autre. Cette analyse est l'objet du ch. 3 du présent rapport.

3

Analyse des défis et des conséquences pour les instruments de politique européenne de la Suisse

3.1

Structure du chapitre

Ce chapitre examine si, et dans quelle mesure, différentes options en termes d'instruments de politique européenne sont susceptibles d'apporter des réponses aux évolutions qui sont apparues ou qui se sont accentuées depuis la publication du rapport Europe 200646 dans les relations avec l'UE, en ce qui concerne aussi bien les arrangements institutionnels que les exigences de parallélisme entre les différents dossiers, la fiscalité et les obstacles à l'accès au marché de l'UE. Ces instruments sont aussi évalués au regard de leurs effets prévisibles en termes de politique économique et monétaire, ainsi que de coûts. Enfin, à titre d'exemple, leur portée sur la politique sociale et de l'environnement est esquissée47.

Est également intégrée dans ce chapitre une actualisation de l'analyse faite en 2006 des conséquences de chaque instrument de politique européenne sur certains aspects institutionnels majeurs, tels la démocratie, le fédéralisme ou le rôle, l'organisation et les méthodes de travail de l'exécutif et du législatif.

Les instruments de politique européenne analysés dans le présent rapport sont:

46 47

­

Poursuite de la voie bilatérale, y compris l'adaptation des accords existants aux développements du droit de l'UE si nécessaire, mais sans conclusion de nouveaux accords.

­

Poursuite de la voie bilatérale et son développement par la conclusion de nouveaux accords dans des domaines d'intérêt commun.

­

Mise en place d'un cadre institutionnel («accord-cadre» juridiquement contraignant ou document de référence de nature politique) visant à faciliter la gestion des accords entre la Suisse et l'UE, de même qu'à simplifier les FF 2006 6461 ss Voir aussi le rapport Europe 2006, qui examine les conséquences des divers instruments de politique européenne dans différents domaines.

6661

procédures d'adaptation des accords aux développements du droit ainsi que les activités des nombreux comités mixtes.

­

Adhésion de la Suisse à l'Espace économique européen (EEE).

­

Adhésion de la Suisse à l'UE.

­

Adhésion de la Suisse à l'UE assortie de certaines dérogations.

Ces instruments constituent des formes de coopération types, dont la mise en oeuvre effective permet une certaine souplesse. Dès lors en effet que cela répond aux intérêts de la Suisse et de l'UE, certains d'entre eux peuvent être combinés, notamment en ce qui concerne les différentes formes possibles de coopération bilatérale, qui ne s'excluent pas nécessairement. Il est par exemple envisageable de renoncer à conclure de nouveaux accords dans certains domaines, à s'efforcer simultanément de parvenir à une solution institutionnelle horizontale dans d'autres, et à retenir l'option d'un mécanisme institutionnel spécifique pour d'autres encore. Le Conseil fédéral donne pour sa part la priorité aux orientations stratégiques, et ce n'est qu'une fois que celles-ci auront été arrêtées que des négociations pourront être engagées avec l'UE sur leur mise en oeuvre concrète.

3.2

Instruments non retenus

3.2.1

La voie solitaire

«La voie solitaire» En optant pour la voie solitaire, la Suisse devrait dénoncer les accords déjà conclus avec l'UE. Or, les relations entre la Suisse et l'UE, notamment dans le domaine économique, sont aujourd'hui trop étroites pour que la Suisse puisse sauvegarder ses intérêts de manière appropriée en faisant cavalier seul.

A l'instar du rapport Europe 200648, la présente étude écarte l'instrument de la «voie solitaire» («Alleingang»)49: en effet, au vu du degré de développement des relations contractuelles avec l'UE, ce scénario (qui, selon la variante choisie, consisterait à dénoncer tout ou partie des accords avec l'UE ou à ne plus les adapter aux développements pertinents du droit de l'UE) ne saurait être retenu. Dénoncer les accords conclus avec l'UE n'entre tout simplement pas en ligne de compte, car ce serait absolument contraire aux intérêts du pays et de son économie50. En particulier, la dénonciation de l'accord sur la libre circulation des personnes évoquée par certains milieux entraînerait automatiquement celle de l'ensemble des accords bilatéraux I du fait de la clause guillotine qui les lie. S'isoler ainsi par rapport à notre principal partenaire ne pourrait qu'induire un recul des investissements et la délocalisation à l'étranger d'une part de la production de biens et services, avec les conséquences 48 49 50

FF 2006 6475 Analysée dans le «Rapport sur l'intégration 1999», du 3 févr. 1999, FF 1999 3600.

Réponse du Conseil fédéral à la question Fehr Hans (09.5525) «Résiliation de l'accord sur la libre circulation des personnes»; Réponse du Conseil fédéral à la Motion du groupe UDC (09.4024) «Résiliation de l'accord sur la libre circulation des personnes, ouverture de nouvelles négociations avec l'UE».

6662

négatives qui en découleraient pour la compétitivité, la croissance et l'emploi en Suisse.

De même, il est peu probable qu'un simple «gel» des relations avec l'UE pour les maintenir dans leur état actuel serait viable à moyen et à long termes. En creusant progressivement l'écart avec le droit pertinent de l'UE, il serait contraire aux engagements pris dans de nombreux accords. Il serait même exclu s'agissant de l'association de la Suisse à Schengen/Dublin51 ou de l'Accord sur la facilitation et la sécurité douanières52, puisque la Suisse s'est engagée dans ces textes à reprendre les développements de l'acquis pertinent, à l'élaboration desquels elle participe, sans droit de codécision il est vrai53. Quant à la majorité des autres accords sectoriels, qui s'appuient sur le principe de l'équivalence des législations54, cette option pourrait constituer une violation par la Suisse de ses obligations à l'égard de l'UE, car renoncer à adapter périodiquement ces accords aux développements du droit de l'UE reviendrait à remettre en cause cette équivalence et la nécessaire homogénéité du droit. En outre et sur le plan politique, la question se poserait de savoir si, face à une divergence croissante avec les évolutions du droit pertinent de l'UE, cette dernière n'en viendrait pas, en dernière instance, à dénoncer un accord déterminé. Ceci pourrait être le cas si elle devait considérer que ses intérêts et ceux des Etats membres ne sont plus suffisamment garantis55. S'agissant des accords bilatéraux I56, la «clause guillotine», qui prévoit que la dénonciation de l'un des sept accords de 1999 entraîne automatiquement celle des six autres, pourrait certes dissuader l'UE, dans une certaine mesure du moins, de dénoncer l'un de ces accords au seul motif qu'il n'aurait pas été adapté aux développements du droit pertinent de l'UE. Pareille clause n'existe cependant pas pour les autres accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l'UE, même si l'UE fait dépendre la poursuite de certains accords (Schengen/Dublin) et le renouvellement de la participation à certains programmes (MEDIA, Education) du maintien de l'accord sur la libre circulation des personnes.

Du côté de la Suisse, si l'écart croissant entre un droit de l'UE qui évolue et un accord initialement conclu entre la Suisse et l'UE devait avoir des conséquences
négatives pour la Confédération, procéder à une reprise autonome du développement concerné de l'acquis pertinent ne constituerait guère une solution, dans la mesure où aucune réciprocité ne serait garantie de la part de l'UE. De fait, l'adoption par la Suisse d'un droit eurocompatible peut certes atténuer un traitement discriminatoire à son endroit par rapport aux Etats membres de l'UE, mais elle ne saurait supprimer toute discrimination: seul un accord est à même de garantir la réciprocité des droits et des obligations. De surcroît, une reprise autonome par la Suisse du droit européen 51 52

53

54 55

56

Accord du 26 oct. 2004 sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen, RS 0.362.31.

Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité, RS 0.631.242.05.

Dans le cas de Schengen/Dublin, la non-reprise d'un développement de l'acquis peut avoir pour conséquence, en dernière instance, la terminaison de l'accord. Dans le cas de l'accord sur la facilitation douanière, l'UE est habilitée à prendre des mesures de rééquilibrage proportionnées.

Filliez. F. et Mock. H. «La Suisse et l'Union européenne: état des lieux d'une relation sui generis», Journal des Tribunaux, Droit européen, 2006, p. 163.

Dans des conclusions adoptées le 8 déc. 2008 sur les relations de l'UE avec les pays de l'AELE, le Conseil de l'UE «rappelle que la participation au marché intérieur implique d'appliquer et d'interpréter de manière homogène l'acquis, en constante évolution».

Message du 23 juin 1999 relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE (message accords bilatéraux I), FF 1999 5470.

6663

devrait théoriquement être circonscrite aux cas où elle répond à des intérêts économiques57: or, dans les faits, le souci de limiter autant que possible les effets négatifs pour l'économie suisse de trop grandes divergences entre les législations ne pourra que se traduire par une généralisation de la pratique de la reprise autonome. Ceci accentuerait un phénomène de satellisation, caractérisé par une reprise, certes autonome mais avec une marge de manoeuvre extrêmement restreinte, de normes sur l'élaboration desquelles la Suisse n'a pas d'influence.

En définitive, la voie solitaire remettrait fortement en cause les accords existants, soit que l'UE les dénonce (ce qui pourrait même entraîner l'activation de la clause guillotine liant les accords bilatéraux I), soit qu'ils deviennent impraticables du fait d'une trop grande divergence entre le régime applicable au sein de l'UE et celui qui prévaut avec la Suisse58. Il en résulterait une dégradation de la position de la Suisse face à la concurrence mondiale, ce qui ne servirait pas les intérêts du pays, même sous l'angle de la souveraineté.

3.2.2

L'Union douanière

Par rapport au rapport Europe 200659, l'instrument d'une union douanière en tant que telle n'est plus envisagé: il permettrait certes la suppression complète des barrières douanières et des contrôles de marchandises aux frontières, ainsi que des droits afférents, mais il signifierait aussi pour la Suisse la perte de son autonomie en matière de politique économique extérieure et l'obligerait à appliquer le tarif douanier extérieur de l'UE vis-à-vis des pays tiers. De fait, alors qu'une adhésion à l'UE impliquerait par définition une telle union douanière, cette dernière pourrait aussi être envisagée dans le cadre de la coopération bilatérale suivie actuellement par la Suisse, avec les avantages et les inconvénients décrits dans le rapport Europe 2006.

Si elle se traduirait effectivement par des économies significatives sur les formalités douanières dans le commerce avec l'UE, il convient toutefois de rappeler ici les conséquences telles que la perte d'une protection à la frontière taillée sur mesure pour l'agriculture et pour certains pans de l'industrie de transformation, mais sans les avantages liés à la reprise du droit de l'UE relatif aux produits alimentaires, la perte de la liberté de conclure des accords de libre-échange avec des Etats tiers et dans le cadre de l'OMC, ou l'obligation de porter la TVA au taux minimal de 15 %.

A cet égard, la situation n'a guère évolué depuis 2006, et le Conseil fédéral est d'avis que les concessions que cette option entraînerait ne se justifieraient que dans le cadre d'un rapprochement plus ambitieux avec l'UE. Aussi n'y a-t-il pas lieu de traiter cette option en propre.

57

58

59

Rapport du Conseil fédéral sur les effets de divers instruments de politique européenne sur le fédéralisme de la Suisse, du 15 juin 2007, FF 2007 5605 5618. L'objectif est de supprimer les obstacles à l'accès au marché et d'améliorer la compétitivité de l'économie suisse. Voir p. ex. Cottier Thomas/Dzamko Daniel/Evtimov Erik, «Die europakompatible Auslegung des schweizerischen Rechts», Annuaire suisse de droit européen, Zurich/Bâle/Genève 2004, 357 ss.

S'agissant de l'Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681), voir l'analyse de Dieter Grossen in Borghi A. «La libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE», Genève, 2010, p. XI ss.

FF 2006 6475

6664

3.3

Poursuite de la voie bilatérale sans nouveaux accords

«Voie bilatérale sans nouveaux accords» Les accords bilatéraux existants seraient conservés, mais aucun nouvel accord ne serait conclu avec l'UE. Les liens avec l'UE sont cependant si étroits que renoncer a priori à conclure de nouveaux accords bilatéraux constitue une hypothèse irréaliste. Selon l'évolution de la situation, en effet, la Suisse pourrait avoir intérêt à négocier de nouveaux accords avec l'UE.

Le premier scénario considéré consiste à poursuivre sur la voie bilatérale sectorielle dans les relations avec l'UE, en conservant ce qui a été acquis mais en fermant a priori la porte à tout nouvel accord. Il pourrait être envisagé au cas où la Suisse estimerait que le réseau actuel d'accords est suffisant et qu'aucun développement ne s'impose, ou si l'analyse des conditions pour la conclusion de nouveaux accords (en particulier sur le plan institutionnel) devait conduire à la conclusion que de tels développements sont, par principe, inopportuns.

3.3.1

Aspects institutionnels

Le Conseil fédéral considère que, compte tenu de l'intensité et de l'étroitesse des liens entre la Suisse et l'UE, qui demeure de loin notre partenaire le plus important, il serait irréaliste d'exclure a priori la négociation de futurs accords dans des domaines d'intérêt commun. Alors même qu'il veille à établir des priorités en la matière, le nombre des sujets pour lesquels des négociations ou des discussions exploratoires sont actuellement en cours (cf. ci-dessus ch. 1.3.3) est révélateur à cet égard. En outre, des situations inattendues peuvent imposer la conclusion rapide d'accords dans des domaines qui n'avaient pas été jugés prioritaires, ou qui n'avaient même pas été pris en compte60. En d'autres termes, une politique qui exclurait par principe la conclusion de nouveaux accords avec l'UE nous priverait d'accords pourtant a priori conformes à nos intérêts. Elle pourrait donc avoir l'effet paradoxal de renforcer la pression pour une adhésion à l'UE.

Un non de principe au développement de la voie bilatérale par de nouveaux accords ne résoudrait qu'en apparence les difficultés liées aux demandes croissantes de l'UE en matière de reprise de l'acquis et de ses développements. D'une part, la question du développement continuerait de se poser dans le contexte de la nécessaire adaptation des accords existants aux développements de l'acquis de l'UE. D'autre part, elle se poserait avec d'autant plus d'acuité dans le cas où la défense des intérêts de la Suisse exigerait malgré tout d'engager de nouvelles négociations: la Suisse se trouverait en effet alors en position de demandeur face à l'UE. Dans l'un et l'autre cas, les considérations développées ci-dessous (ch. 3.4) sur l'option d'un développement de la voie bilatérale seraient pertinentes. En outre, l'on ne saurait exclure la possibi-

60

Ainsi, par exemple, un arrangement technique avec l'Agence européenne des médicaments (EMA) s'est avéré nécessaire et urgent suite à la pandémie H1N1. Il a été signé à la mi-févr. 2010.

6665

lité que l'UE ne finisse par dénoncer toute ou partie des accords existants, faute pour la Suisse de consentir à en conclure de nouveaux (cf. ch. 3.2.1).

Sur le plan des institutions, une poursuite de la voie bilatérale sans conclusion de nouveaux accords ne devrait pas avoir de conséquences pour la Suisse. Le rapport du Conseil fédéral sur les effets de divers instruments de politique européenne sur le fédéralisme de la Suisse, du 15 juin 200761, traite en détail des effets potentiels de la poursuite de la voie bilatérale sur le fédéralisme, dans le contexte d'un approfondissement croissant des relations entre la Suisse et l'UE. Il relève que, dans le cadre de la voie bilatérale, la nécessaire participation des cantons est garantie par la présence de représentants cantonaux au sein des délégations de négociation pour les comités mixtes et dans la procédure dite de «comitologie», ou dans les réunions d'experts (y compris dans les réunions de préparation et de suivi de l'administration fédérale).

L'échange d'informations est aussi assuré par les chargés d'information des cantons détachés au DFJP, au Bureau de l'intégration DFAE/DFE et à la Mission de la Suisse auprès de l'UE à Bruxelles. Enfin, les cantons sont également associés aux négociations sur les accords à conclure ou à modifier, dans leurs domaines de compétence.

Sur le plan de la démocratie directe, il conviendrait de continuer à veiller, surtout dans le cadre de l'association à Schengen/Dublin, à ce que l'adaptation des accords conclus avec l'UE s'inscrive dans des délais qui tiennent compte de la durée des procédures prévues en droit suisse, y compris de possibles référendums.

3.3.2

La question du parallélisme

Une poursuite de la voie bilatérale couplée à une renonciation à la conclusion de nouveaux accords pourrait présenter l'avantage d'atténuer le problème du parallélisme entre différents dossiers en négociation: théoriquement, en effet, l'UE serait privée du moyen de bloquer de nouvelles négociations pour faire pression sur la Suisse. Dans les faits, cependant, rien ne l'empêcherait de s'opposer à la mise à jour des accords déjà conclus, surtout lorsque sont en jeu les intérêts des entreprises suisses, ni même, à la limite, de dénoncer un accord. Dans ses conclusions précitées, le Conseil de l'UE applique du reste la notion de «progrès parallèles» à «tous les domaines de coopération» (cf. ci-dessus ch. 2.2): or, du point de vue de l'UE, cette expression s'applique certainement à la controverse sur la fiscalité cantonale de certains types d'entreprise ou aux contributions de solidarité à la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l'UE élargie. A cela s'ajoute que, compte tenu des liens étroits, notamment économiques, qui unissent la Suisse et l'UE, il n'est guère réaliste d'affirmer d'avance qu'il ne sera pas nécessaire de négocier des accords même lorsque des intérêts suisses majeurs sont en jeu, s'agissant par exemple de la place économique et financière. En tout état de cause, il faudra compter alors que l'UE présentera des exigences de réciprocité et qu'elle appliquera strictement le principe de parallélisme (cf. ci-dessous ch. 3.4).

61

Rapport sur le fédéralisme, FF 2007 5605 ss.

6666

3.3.3

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal

Du fait de sa situation et de son importance, la place financière suisse est vue par l'UE comme un concurrent direct lorsque celle-ci s'attache à réglementer son marché financier intérieur. Ainsi, elle s'est d'emblée efforcée d'intégrer les Etats tiers, comme la Suisse, dans son système de fiscalité de l'épargne transfrontalière. Le Conseil fédéral a accepté que la Suisse s'associe à une imposition de l'épargne qui concernerait les citoyens de l'Union ayant une relation bancaire en Suisse mais continuant de résider dans un pays membre de l'UE, pour empêcher que les règles de l'UE relatives à l'imposition des revenus du capital ne soient contournées via la Suisse. Toutefois, dans un souci à la fois d'efficacité et de protection de la sphère privée du client, la Suisse tient à ce que le produit des intérêts de personnes physiques résidant dans un Etat de l'UE soit soumis à un impôt à l'agent payeur transmis de façon anonyme. Appliqué depuis 2005, l'accord sur la fiscalité de l'épargne conclu par la Suisse et l'UE 62 fonctionne bien, ce qui a également été attesté par la Commission européenne. Pour l'année fiscale 2009, 401,1 millions de francs suisses ont été rétrocédés aux Etats membres de l'UE au titre du produit net de la retenue d'impôts (2008: près de 554 millions de francs suisses).

Cependant, la directive européenne sur la fiscalité de l'épargne présente depuis toujours des lacunes, qui permettent par exemple un contournement au moyen de structures juridiques intermédiaires, puisque le système porte uniquement sur les personnes physiques. De plus, celui-ci peut être contourné par le recours à des produits présentant des caractéristiques semblables à ceux qui sont couverts par le champ d'application de la directive. L'UE s'efforce de combler ces lacunes. Jusqu'à présent, la Suisse a fait savoir qu'elle était globalement disposée à procéder aux adaptations techniques appropriées de l'accord sur la fiscalité de l'épargne après que l'UE aura corrigé son système. Mais il n'est pas question de remettre en question la coexistence de deux modèles différents, soit le modèle de l'impôt à l'agent payeur pratiqué par la Suisse (et par deux pays membres de l'UE, le Luxembourg et l'Autriche) d'une part, et d'autre part, le modèle de l'échange automatique d'informations entre autorités fiscales, adopté par
les autres pays membres. Cela vaut même si des représentants de la Commission européenne exigent parfois de la Suisse qu'elle introduise l'échange automatique d'informations. Au cas cependant où l'UE demanderait formellement à la Suisse d'entamer des négociations sur une révision de l'accord sur la fiscalité de l'épargne et que le Conseil fédéral, au nom d'une politique de non-conclusion de nouveaux accords, refuserait d'entrer en matière, il n'est pas à exclure que l'UE prenne des mesures de rétorsion et remette en cause, explicitement ou non, les accords précédemment conclus. Cela pourrait du reste être également le cas si la Commission européenne était chargée de négocier avec la Suisse une modification de l'accord sur la lutte contre la fraude en vue d'y inclure le standard de l'OCDE relatif à l'assistance administrative en matière fiscale.

3.3.4

Accès au marché

Du fait des accords bilatéraux avec l'UE, l'économie suisse est aujourd'hui bien intégrée dans le marché intérieur européen. Concernant les marchandises, cela vaut surtout pour le secteur secondaire. A l'heure actuelle, les produits industriels peu62

RS 0.641.926.81

6667

vent être exportés vers l'UE librement ou presque. Avec la libre circulation des personnes, les conditions de base se sont considérablement améliorées, du côté des facteurs de production, pour une économie qui a besoin de main-d'oeuvre spécialisée.

Toutefois, différents exemples montrent que l'accès au marché peut subir une érosion, parce que l'économie réelle évolue, parce que les réglementations changent, et que, pour préserver les relations dans leur état actuel, les accords bilatéraux existants doivent être révisés ou complétés. Ne rien faire entraînerait souvent une dégradation des conditions-cadres extérieures pour les exportations suisses. A titre d'exemple, les perspectives pour une économie agricole et alimentaire suisse tournée vers l'avenir se détérioreraient sans un accès mieux réglementé au marché européen des produits agricoles et alimentaires. Comme le montrent les règles de sécurité récemment mises en place par l'UE dans les domaines douanier ou des substances chimiques, de nouvelles normes européennes peuvent déboucher sur des entraves techniques au commerce, et ne pas conclure avec l'UE des accords qui permettraient d'éliminer de telles entraves reviendrait à réduire, voire à remettre en question, nombre d'avantages obtenus au moyen des accords bilatéraux précédemment conclus. Il en résulterait une insécurité juridique (cf. ci-dessus ch. 2.2) qui se traduirait par une perte d'attractivité de la Suisse pour des entreprises actives sur le marché européen, parce que le commerce avec les pays de l'UE serait alors soumis à des conditions plus aléatoires que si elles étaient situées à l'intérieur de l'UE. Ce phénomène pourrait notamment entraîner des délocalisations et peser sur l'emploi et la croissance.

Il existe par ailleurs des domaines où l'accès au marché est encore insuffisant, que le statu quo ne permettrait pas de développer de manière appropriée. Là encore, il convient de mentionner le secteur agricole et alimentaire. Mais, dans son principal secteur économique aussi, à savoir le secteur des services, la Suisse ne bénéficie que d'un accès partiel au marché de l'UE. En 2003, les négociations avec l'UE sur un accord global concernant les prestations de services ont été interrompues. Cette interruption a notamment pour conséquence que les prestataires financiers suisses ne
disposent pas d'un accès contractuellement réglementé aux marchés de l'UE, où ils se heurtent de plus en plus à des obstacles. En raison notamment des efforts de régulation mondiaux suscités par la récente crise financière, le potentiel de discrimination au sein de l'UE et de ses pays membres a augmenté à l'égard de pays tiers tels que la Suisse, bien que cette dernière dispose globalement d'un droit de surveillance sur ses marché financiers équivalent. De ce fait, les problèmes relatifs à l'accès au marché sont accentués, sciemment ou non, comme l'illustrent les débats actuels sur une directive de l'UE sur les fonds spéculatifs et les gérants de fonds alternatifs.

De plus, l'existence supposée de substance fiscale en Suisse, nécessaire pour le financement des nombreuses mesures de sauvetage prévues pour sortir de la crise, a provoqué avec certains Etats membres de l'UE des controverses fiscales qui compliquent encore plus la gestion de patrimoine étranger depuis la Suisse. Ces évolutions montrent elles aussi que seule la poursuite du développement des accords avec l'UE et ses Etas membres permettra d'empêcher la dégradation insidieuse de conditionscadres jusque-là favorables à une économie suisse tournée vers l'exportation.

6668

3.3.5

Politique économique et monétaire

Dans le cadre de l'approche bilatérale, avec ou sans nouveaux accords, la Suisse conserve sa marge de manoeuvre en matière de politique économique (politiques économique extérieure, monétaire, conjoncturelle, structurelle et de croissance, notamment). Mais cela se paie par les inconvénients suivants: faible poids dans les négociations bilatérales ou multilatérales, risques conjoncturels, risques monétaires, et pression internationale accrue qui dans certains domaines limite l'autonomie financière et fiscale du pays.

Comme il a été indiqué plus haut (ch. 2.2), le développement du droit de l'UE peut entraîner de nouveaux obstacles à l'accès au marché et réduire l'attractivité de la Suisse. Or, en raison de la taille réduite du marché suisse, l'accès aux marchés étrangers constitue un élément majeur de sa politique structurelle et de sa politique de croissance. Afin de préserver la compétitivité sur son marché intérieur et de minimiser les effets des barrières commerciales sur les prix à l'importation, la Suisse a intérêt, sur le plan économique, à harmoniser de manière autonome son droit avec celui de l'UE et à autoriser unilatéralement l'importation en Suisse de biens et de services conformes aux normes européennes. Comme il l'a été mentionné au ch.

3.2.1, cela restreint considérablement la marge de manoeuvre effective sur le plan du droit, à quoi s'ajoute que cette démarche n'offre ni garantie de réciprocité, ni sécurité juridique.

3.3.6

Coûts directs

Le maintien des accords existants et de la participation aux programmes de l'UE, assorti de la non-conclusion de nouveaux accords, entraîne aujourd'hui annuellement pour le budget de la Confédération des coûts directs de quelque 457 millions de francs suisses en moyenne.

A cela s'ajoute la contribution suisse à l'élargissement aux Etats membres qui ont rejoint l'UE en 2004 et en 2007. La Suisse soutient en effet les dix pays qui ont adhéré à l'UE en 2004 au moyen d'une contribution de un milliard de francs suisses.

La mise en oeuvre a commencé début 2008, la période d'engagement prendra fin en juin 2012, et la période de versement, en juin 2017. De plus, la Suisse apportera également une contribution de 257 millions de francs suisses au total aux deux pays ayant rejoint l'UE en 2007, la Bulgarie et la Roumanie. Le crédit-cadre correspondant a été approuvé par le Parlement en décembre 2009, et les périodes d'engagement et de versement sont elles aussi de cinq ans et de dix ans respectivement. Les accords-cadres bilatéraux avec ces deux Etats partenaires ont été signés le 7 septembre 2010.

Le tableau ci-dessous présente une vue globale des dépenses de participation directes à des agences et des programmes à la charge de la Suisse sur la base des relations bilatérales avec l'UE. Les facteurs indirects tels que les allégements pour la Confédération, les aspects politiques et les effets macroéconomiques n'ont pas été pris en compte dans le calcul. A l'heure actuelle, il n'est pas possible de proposer des estimations chiffrées pour l'après-2013, le cadre financier pluriannuel qui prévaudra à partir de 2014 pouvant prévoir des changements importants.

6669

Dépenses (millions CHF par année) 201063

201164

201265

201365

a) accords en vigueur Recherche Eurostat Agence Environnement Observatoire du trafic alpin MEDIA EASA Schengen66

327,00 8,30 2,00 0,08 9,10 2,00 24,30

370,50 7,30 2,00 0,08 9,20 2,00 20,11

414,70 7,30 2,00 0,08 9,40 2,00 24,60

458,40 7,30 2,00 0,08 9,60 2,00 31,22

Total a)

372,78

411,19

460,08

510,60

23,10

24,20

25,40

434,29

484,28

536,00

c) Contribution de la Suisse à la réduction des disparités Contribution aux UE-1067 140,90 149,90 Contribution à la Bulgarie/ 2,00 10,00 Roumanie

150,00 22,40

150,00 32,40

b) accords signés mais non encore en vigueur Jeunesse et éducation 3,50 Total a) et b)

376,28

Une part considérable des participations financières aux programmes et aux fonds (recherche, MEDIA, jeunesse et éducation, Schengen) généreront des retours de fonds en Suisse. A titre d'exemple, les retours financiers du sixième programmecadre de recherche se sont chiffrés à quelque 200 millions de francs suisses par an, ce qui représente un coefficient de retour financier de 114 %.68 En 2008, les retours financiers du programme MEDIA ont atteint près de 5,6 millions de francs pour des dépenses d'une dizaine de millions de francs suisses. Concernant le Fonds pour les frontières extérieures, auquel la Suisse participe sur la base de l'accord d'association à Schengen, l'on prévoit des retours financiers situés entre 3 et 5 millions de francs suisses, pour une participation d'une quinzaine de millions de francs suisses.

Mis à part les coûts directs d'une participation aux programmes et agences de l'UE, des coûts indirects découlent également de coopérations diverses avec l'UE (infrastructures, frais d'achat et frais de personnel pour la mise en oeuvre et l'exécution).

D'après les estimations des offices concernés, ces frais indirects avoisinent en 2010 les 400 millions de francs dont à peu près 80 millions de francs pour Schen63 64 65 66 67

68

Budget de la Confédération 2010 Message sur le budget 2011 Plan financier 2012­2014 En 2010 des paiements de 8,35 millions de CHF dans le fonds pour les frontières exterieures sont effectués qui concernent encore l'année 2009 Sur une période de versement de 10 ans, la moyenne de la contribution suisse aux UE-10 ainsi qu'à la Roumanie et la Bulgarie se monte annuellement à 100 millions de CHF respectivement 25,7 millions de CHF.

Rapport intermédiaire 2009: «Effets de la participation suisse aux programmes-cadres européens de recherche», SER, 2010.

6670

gen/Dublin et environ 295 millions de francs pour les cotisations à l'assurance sociale69. Ces coûts indirects sont également à prendre en compte dans le cadre des autres instruments de politique européenne (p. ex. adhésion à l'UE, l'EEE). Ils demeurent néanmoins difficile à estimer.

3.3.7

Politique sociale

Comme il a déjà été exposé dans le rapport Europe 2006, la Suisse n'a repris aucune législation de l'UE en matière de politique sociale, à l'exception de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).70 Même dans l'optique d'un scénario excluant de nouveaux accords avec l'UE, il n'en faudra pas moins à l'avenir intégrer régulièrement dans l'ALCP les modifications pertinentes du droit de l'UE, la coordination ­ et donc la libre circulation des personnes ­ ne pouvant fonctionner que si les mêmes règles sont appliquées par tous. Actuellement, les travaux concernent la reprise, dans l'ALCP, du règlement (CE) 883/200471 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui remplacera notamment le règlement (CEE) 1408/7172 concernant l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.

Un autre aspect lié à la politique sociale de l'UE concerne la protection des travailleurs salariés, l'ALCP faisant référence à la directive sur le détachement 96/71/CE73 (DDT) (art. 22, al. 2, Annexe I ALCP).74 En Suisse, la directive a été mise en oeuvre dans le cadre des mesures d'accompagnement relatives à l'ALCP. La révision de la DDT, débattue au sein de l'UE, pourrait éventuellement avoir une importance pour la Suisse. Les syndicats et le groupe socialiste du Parlement européen ont exigé que 69 70 71

72

73

74

6e rapport de l'Observatoire de l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE du 27 mai 2010.

FF 2006 6532 Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avr. 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166 du 30.4.2004, p. 1).

Ce règlement a permis de simplifier et de clarifier la coordination des systèmes de sécurité sociale des Etats membres. Il renforce la coopération entre les administrations dans le domaine de la sécurité sociale et doit faciliter aux citoyens de l'UE la libre circulation au sein de l'Union.

Règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 concernant l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Dans sa teneur selon l'annexe II à l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Communauté européenne et ses Etats membres d'une part, et la Suisse d'autre part (avec annexes), RS 0.831.109.268.1.

Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, p. 1).

La directive contient des règles relatives à l'application de dispositions du droit du travail des Etats membres pour les rapports de travail de salariés détachés sur le territoire d'un Etat membre pour la fourniture de prestations de services limitée dans le temps. Est au coeur de la DDT l'égalité de traitement, entre les salariés détachés dans un pays membre et les salariés de ce pays membre, relative à certains aspects des conditions de travail dès lors que ces derniers sont fixés par des dispositions législatives ou administratives ou encore par des conventions collectives dans le pays membre sur le territoire duquel est détaché le salarié. Le texte énumère les domaines de protection pour lesquels le droit du pays dans lequel un salarié est détaché s'applique également audit salarié (voir art. 3 directive 96/71/CE).

6671

la directive soit précisée après que la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée dans plusieurs jugements en faveur de l'ouverture du marché intérieur et contre l'application de dispositions nationales du droit du travail dans le cadre de détachements transfrontaliers75. Toutefois, les divergences au sein de l'UE sont importantes concernant la question du remaniement de la DDT et de son ampleur.

Indépendamment de l'issue de cette révision, la Suisse devra, au moment opportun, se pencher sur la question de savoir si elle veut, ou doit, reprendre la modification de la directive dans le cadre de l'ALCP.

3.3.8

Politique environnementale

A travers l'accord sur la participation à l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), lequel a été conclu dans le cadre des accords bilatéraux II et est en vigueur depuis 2006, la Suisse accède aux données environnementales standardisées au niveau européen. Elle est par ailleurs associée au réseau européen d'information et d'observation de l'environnement EIONET, un instrument d'importance capitale pour la collecte et la transmission de données environnementales, notamment à l'intention des responsables politiques. Un comité mixte a également été créé dans le cadre de cet accord. La Suisse ne s'est cependant pas engagée à reprendre des règles matérielles concernant l'aménagement de la politique environnementale ou l'harmonisation de prescriptions dans ce domaine.

Certaines dispositions environnementales ponctuelles ont toutefois été intégrées dans tel ou tel accord bilatéral, par exemple dans l'accord sur le transport aérien, dont l'annexe contient un chapitre intitulé «Environnement et bruit» et régissant la réduction des émissions sonores des avions. Le Conseil fédéral a également conclu avec l'UE différentes conventions de coopération technique dans des domaines spécifiques tels que le contrôle des émissions de véhicules et de moteurs ainsi que l'observation et la surveillance des sols. Mais il n'y a pas de coopération globale en matière d'environnement.

3.4

Poursuite et développement de la voie bilatérale

«Poursuite et développement de la voie bilatérale» Si la voie bilatérale est poursuivie dans sa configuration actuelle, la Suisse et l'UE pourront au besoin procéder à la négociation de nouveaux accords ou à la révision des accords existants. La difficulté pour la Suisse serait cependant toujours la même: se ménager un espace de codécision suffisant dans le cadre de la négociation ou du développement d'accords bilatéraux.

75

Voir les jugements rendus par la Cour de justice de l'UE dans les cas Viking (C-438/05), Laval (C-351/05), Luxembourg (C-319/06) et Rüffert (C-346/06). Etant donné que ces jugements concernent des dispositions nationales qui ne sont pas comparables avec le contexte juridique de la Suisse, ils sont sans conséquence sur la loi suisse sur les travailleurs détachés. Reste à savoir si la révision prévue de la DDT se traduira par des changements pertinents pour la Suisse.

6672

Dans ce deuxième scénario, la Suisse poursuivrait sur la voie bilatérale tout en cherchant à la développer en tant que nécessaire et opportun, par la conclusion de nouveaux accords avec l'UE. Comme il a été indiqué plus haut (ch. 2.2), pour être réalisable, cette option implique notamment de tenir compte du contexte dans lequel s'inscrivent les relations entre la Suisse et l'UE et de son évolution.

3.4.1

Aspects institutionnels

Dans le rapport de politique extérieure 2009, le Conseil fédéral a souligné la nécessité de préserver un équilibre entre bon fonctionnement des accords bilatéraux et souveraineté de la Suisse76. Aussi a-t-il établi un certain nombre de principes (rappelés au ch. 2.1) visant à éviter tout automatisme dans la reprise des développements de l'acquis et à garantir la souveraineté de la Suisse et de ses procédures internes de décision. Le but est d'appliquer, mutatis mutandis, ces principes dans les négociations avec l'UE à chaque fois que la question de la reprise de l'acquis et de ses évolutions se posera. Faute de solutions satisfaisantes à cet égard, il conviendrait d'opérer une pesée d'intérêts, laquelle pourrait aboutir à une suspension de la négociation de l'accord concerné.

L'intégration de ces principes dans les nouveaux accords devra être négociée avec l'UE (cf. le ch. 2.1 ci-dessus). Il convient de ne pas oublier à cet égard que, concernant les questions institutionnelles, les accords existants contiennent déjà nombre de solutions possibles qui n'ont pas encore été toutes exploitées et dont pourraient s'inspirer les négociations futures. Si la généralisation de cette manière de procéder était admise, elle permettrait de faciliter et d'accélérer les mécanismes et procédures d'adaptation des accords aux développements du droit de l'UE. En contrepartie d'une participation adéquate à l'élaboration des développements du droit pertinent (decision shaping), la Suisse s'engagerait à reprendre ces dernières dans le cadre de l'accord concerné. A défaut, des mesures de rééquilibrage proportionnées assureraient l'équilibre des droits et des obligations. A cet égard, les expériences faites depuis l'entrée en vigueur des accords Schengen/Dublin peuvent apporter des enseignements puisque, dans ces accords, la Suisse s'est déjà engagée a priori à reprendre tous les actes juridiques qui constituent des développements de l'acquis de Schengen/Dublin et à les transposer si nécessaire dans son droit interne (art. 2, al. 3, et art. 7 AAS; art. 1, al. 3, et art. 4 AAD)77. A la différence toutefois du système envisagé ici, la non-reprise par la Suisse d'une évolution de l'acquis dans le contexte des accords Schengen peut entraîner en dernier ressort la caducité de l'accord, sauf décision contraire du Comité mixte
de l'accord.78 Dans le contexte de Schengen/Dublin, si l'acte à reprendre contient des droits et des obligations pour la Suisse, la notification par l'UE et la note de réponse de la Suisse constituent un échange de notes ayant, pour cette dernière, valeur de traité interna76 77 78

FF 2009 5713 Accord d'association à Schengen (AAS), RS 0.360.268.1. Accord d'association à Dublin (AAD), RS 0.142.392.68.

Toutefois, dans le domaine de la sécurité intérieure, les mesures de compensation peuvent constituer une solution problématique si elles ne suffisent pas à garantir la sécurité des parties. C'est la raison pour laquelle des solutions comme celles retenues dans les accords d'association à Schengen/Dublin pourraient éventuellement être acceptables pour la Suisse dans le cadre d'un résultat équilibré des négociations.

6673

tional. Conformément à la Constitution fédérale, le traité est conclu par le Conseil fédéral et doit être approuvé le cas échéant par le Parlement. Dans certaines circonstances, il peut être soumis au référendum en matière de traités internationaux. La Suisse dispose d'un délai maximal de deux ans à compter de la notification par l'UE pour reprendre et transposer en droit suisse l'acte juridique notifié, durée de la procédure référendaire comprise (art. 7, ch. 2, let. b, AAS; art. 4, ch. 3, AAD). Si le Conseil fédéral est seul compétent pour la reprise d'un développement de l'acquis, la décision de reprise doit être prise dans un délai de trente jours suivant l'adoption de l'acte concerné par l'UE (art. 7, ch. 2, let. a, AAS; art. 4, ch. 2, AAD). En tout état de cause, les nouveaux actes et mesures devraient ­ dans la mesure du possible ­ entrer en vigueur simultanément pour l'UE et pour la Suisse (art. 7, ch. 1, AAS; art. 4, ch. 1, AAD).

Jusqu'à présent, 111 développements de l'acquis de Schengen ont été notifiés à la Suisse (état au 2 août 2010). L'approbation du Parlement était (ou est) requise seulement pour la reprise de développements dans 11 domaines, dont notamment la participation à l'agence FRONTEX (protection des frontières extérieures), le système d'information sur les visas (VIS), le Fonds pour les frontières extérieures, l'échange d'informations entre autorités judiciaires chargées d'enquêtes pénales («initiative suédoise») ou la directive relative aux armes. Lors de la session d'été 2010, le Parlement a approuvé l'introduction des données biométriques dans les titres de séjour pour étrangers et la reprise de la directive sur le retour, toutes deux des développements de Schengen.

Comme les délais impartis par les accords d'association à Schengen/Dublin sont courts et que se posent de nombreuses questions à la fois nouvelles et complexes, un manuel à l'attention des offices et services compétents a été rédigé par l'Office fédéral de la justice. Il contient des directives sur l'élaboration, la reprise et la mise en oeuvre juridique des développements de l'acquis, afin de garantir le respect des obligations internationales de la Suisse ainsi qu'une prise de décision rationnelle dans les délais prescrits. En règle générale, le Conseil fédéral et l'administration font tout leur possible
pour reprendre et mettre en oeuvre les développements de Schengen selon la procédure ordinaire. Le délai de deux ans est toutefois serré et laisse peu de marge à l'administration pour rattraper un retard qui interviendrait dans la procédure législative. C'est pourquoi il n'est pas à exclure que le Conseil fédéral doive exceptionnellement raccourcir le délai de consultation si l'urgence commande, au cas où seraient épuisés les délais impartis à l'administration (art. 7, al. 3, de la loi sur la consultation79). Le Conseil fédéral peut aussi proposer au Parlement de traiter un objet en procédure extraordinaire (art. 85, al. 2, de la loi sur le Parlement, LParl80) ou, sous réserve des conditions prévues par la Constitution, de voter la clause d'urgence (art. 165 Cst. et art. 77 LParl.). Le Conseil fédéral évitera autant que possible de recourir ces procédures exceptionnelle et, en tout état de cause, la décision de les appliquer ou non relève toujours de l'Assemblée fédérale.

Les considérations qui précèdent seraient largement pertinentes en cas de généralisation du mécanisme de reprise de l'acquis et de ses développements fixé dans les principes mentionnés ci-dessus. Le système politique suisse serait ainsi face à de nouveaux enjeux. Aux yeux de l'UE, l'objectif de reprise de l'acquis de l'UE pertinent a pour corollaire le principe selon lequel le droit de l'UE repris doit entrer en 79 80

RS 172.061 RS 171.10

6674

vigueur en Suisse au même moment que dans les pays membres. Les brefs délais de reprise évoqués plus haut rendent nécessaire l'exécution de plus en plus simultanée des travaux prévus dans le cadre de la procédure normative suisse. Ainsi, les travaux cantonaux de mise en oeuvre doivent de plus en plus souvent se faire en même temps que la mise en oeuvre au niveau fédéral. Cela requiert une information des cantons encore plus précoce et leur association à toutes les étapes des travaux (négociations, travaux de rédaction de l'administration, débats politiques). Les expériences réalisées dans le cadre des accords d'association à Schengen et Dublin montrent que, pour cette raison, il faut chercher de nouvelles formes de collaboration entre la Confédération et les cantons81. Des réflexions analogues peuvent être faites pour l'Assemblée fédérale. Globalement, la marge de manoeuvre dont dispose encore le législateur suisse dans le cadre du droit européen est relativement étroite. C'est la raison pour laquelle le Parlement doit être associé suffisamment tôt à la démarche, dès lors que l'élaboration de nouveaux développements européens porte sur des questions sensibles sur le plan politique. De même, il convient de chercher des solutions qui évitent de surcharger le Parlement avec une activité normative de moindre importance dans le cadre de la reprise du droit européen. Par ailleurs, il faut également veiller à ce que les droits populaires soient garantis à tous égards. C'est pourquoi il convient, par l'association de tous les acteurs, de chercher de nouvelles solutions qui permettent d'assurer la procédure de décision interne de la Suisse dans le cadre de relations bilatérales dynamiques avec l'UE. Enfin, ces nouvelles solutions ne doivent pas avoir pour effet que l'administration fédérale se retrouve submergée de nouvelles charges. En effet, les expériences réalisées dans le domaine de Schengen et de Dublin montrent que l'administration fait de toutes façons face à des tâches supplémentaires qui ne peuvent être compensées.

Quant aux conséquences d'une non reprise par la Suisse d'un développement de l'acquis pertinent pour un accord, elles devraient être, en dernier ressort, la possibilité de prendre des mesures de rééquilibrage proportionnées (modèle «facilitation et sécurité douanières»), la caducité
automatique de l'accord ne devant être prévue que si son contexte et son domaine d'application l'imposent absolument (p. ex. certains accords relatifs à la sécurité intérieure). Dans la mesure où il paraît peu réaliste de partir de l'idée que l'UE serait prête à négocier de nouveaux accords avec la Suisse sur une autre base que l'acquis (cf. ch. 2.1), cet élément apparaît comme une limite et doit être considéré comme un prix à payer pour la poursuite du développement de la voie bilatérale. Il devrait cependant être dans l'intérêt des deux Parties de conserver une marge de manoeuvre s'agissant des mesures à prendre en cas de non reprise d'un développement de l'acquis par la Suisse, et donc d'exclure en principe la caducité automatique d'un accord en pareil cas.

En ce qui concerne la question, délicate, de la prise en compte par la Suisse de la jurisprudence pertinente de la CJUE pour un accord spécifique, le Conseil fédéral est d'avis que l'autonomie des parties contractantes dans l'interprétation des dispositions d'un accord est une règle établie du droit international public, étant entendu qu'il est dans l'intérêt commun des parties de procéder à une interprétation et à une application homogènes des normes concernées. Conformément aux règles d'interprétation de la Convention de Vienne sur le droit des traités82, les autorités suisses, y compris le Tribunal fédéral, adoptent une attitude pragmatique quant à la prise en 81 82

Cf. l'«Etat des lieux en politique européenne» adopté par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

RS 0.111 Art. 31 Règle générale d'interprétation.

6675

compte de la jurisprudence de la CJUE, même si celle-ci est postérieure à la signature de l'accord83. Du reste, à ce jour, les jurisprudences du Tribunal fédéral et de la CJUE relatives aux accords Suisse-UE ont toujours été convergentes. Il convient toutefois de noter que l'UE fait preuve ici d'un dogmatisme croissant et demande de plus en plus à la Suisse de s'engager d'avance à prendre en compte cette jurisprudence, et qu'elle a déjà considérablement durci ses exigences à cet égard, notamment dans le cadre des négociations actuellement menées en matière de libre échange agricole, de santé ou dans le domaine de l'électricité. Faute de solutions acceptables et pragmatiques, ces exigences pourraient rendre impossible la conclusion de nouveaux accords. Dans la mesure où il est dans l'intérêt commun des parties de poursuivre et d'approfondir leur coopération, des solutions mutuellement acceptables devraient pouvoir être trouvées sur ce point.

En ce qui concerne la démocratie directe, le fédéralisme et les institutions, les considérations développées ci-dessus (ch. 3.3) sont en principe également valables au cas où la Suisse devait choisir de conclure de nouveaux accords, sous réserve des précisions et adaptations ci-après: Si la coopération entre la Suisse et l'UE devait conduire à une adaptation plus dynamique à l'évolution du droit de l'UE, la Suisse devrait procéder à un certain nombre d'aménagements si elle veut conserver sa capacité d'action sur le plan international. Ainsi, par exemple, on pourrait imaginer que seuls les avis des cantons déposés dans des délais déterminés soient susceptibles d'être pris en compte. La Confédération devrait également veiller à faciliter la tâche des cantons, en leur faisant parvenir à temps tous les documents nécessaires pour se déterminer et en leur accordant des délais à la fois raisonnables et tenant compte des impératifs externes.

La coopération mise en oeuvre ces dernières années sur le plan de l'application et du développement des accords bilatéraux pourrait servir de modèle dans l'aménagement de ce processus84. De même, il conviendrait de se demander s'il ne serait pas possible d'associer, dans les domaines qui les concernent, les cantons à l'élaboration de l'acquis de la même manière que c'est actuellement le cas dans le cadre de Schengen/Dublin. Il
serait bon alors de renforcer la collaboration entre la Confédération et la CdC85, de mettre en place le cas échéant un organe de pilotage commun86, et d'examiner si la collaboration entre la Confédération et les cantons ne pourrait pas être améliorée par le détachement de chargés de l'information cantonaux auprès des offices fédéraux concernés87.

Sur le plan de la démocratie directe, tout mécanisme d'adaptation des accords avec l'UE aux développements du droit européen doit impérativement prévoir des délais qui tiennent compte de la durée des procédures prévues par la législation suisse, y compris des procédures de référendum. Si ces conditions sont réunies, la poursuite de la voie bilatérale n'entraînerait pas formellement de restriction du champ d'application des droits démocratiques en Suisse. Sur le plan matériel, la possibilité de prendre des mesures de compensation appropriées en cas de non-reprise du développement du droit pertinent de l'UE devrait permettre d'atténuer une érosion des droits 83 84 85 86 87

FF 2006 6461 6493 FF 2007 5620 Pour une présentation détaillée de cette coopération en politique européenne, voir le rapport sur le fédéralisme, FF 2007 5634 ss.

Cf. l'«Etat des lieux en politique européenne» adopté par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

Idem.

6676

démocratiques, dans la mesure où cette non-reprise ne signifierait pas automatiquement la caducité de l'accord en cause. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les procédures automatiques de caducité doivent être évitées autant que possible. De plus, il faut chercher avec l'UE à définir contractuellement des procédures comportant différents niveaux de gradation permettant d'éviter une politisation trop rapide des divergences en cas de non-reprise.

De façon générale, et par analogie aux procédures mises en place par l'administration fédérale dans le contexte de l'association à Schengen/Dublin, une identification aussi précoce que possible des développements du droit de l'UE pertinents pour la Suisse pourrait être instituée, de façon à assurer la détermination de positions de négociations dans le cadre de la participation au «decision shaping». Ce mécanisme permettrait également une information précoce de l'Assemblée fédérale sur les propositions de législation susceptibles de devoir être reprises par la Suisse88, via par exemple les commissions de politique extérieure des deux chambres. De surcroît, on pourrait imaginer que les éventuelles positions du Parlement à leur égard soient prises en compte par les experts suisses participant à l'élaboration de ces développements. Il convient toutefois de souligner que pareil mécanisme n'est réalisable que si des ressources nécessaires en personnel qu'il implique pour l'administration (en premier lieu la Mission de la Suisse auprès de l'UE et le Bureau de l'intégration DFAE/DFE) sont mises à disposition.

Enfin, il convient également de se pencher sur la façon dont l'Assemblée fédérale peut être délestée d'objets législatifs de moindre importance. Le cas échéant, la marge de manoeuvre du Conseil fédéral pourrait être étendue à l'adaptation autonome des accords. Ce faisant, les droits de participation du Parlement doivent être garantis. Là encore, de nouvelles solutions ne sauraient être exclues en soi.

Quoi qu'il en soit, avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne89, il faudra s'adapter à une augmentation du nombre d'interlocuteurs, avec par exemple le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le président du Conseil européen, la Commission européenne, et le Parlement européen. D'un autre côté, l'abandon du principe
d'unanimité au sein du Conseil de l'UE au profit de la majorité qualifiée ainsi que l'adoption du principe de double majorité à partir de 2014 aboutiront à une nette diminution des possibilités de blocage dont disposent les différents Etats membres dans le cadre du processus décisionnel de l'UE. Cela pourrait avoir des répercussions pour la Suisse: d'une part, un Etat membre ne pourra plus s'opposer seul à la conclusion d'un accord avec notre pays, mais, d'autre part, les Etats membres mis en minorité par une décision du Conseil risqueront d'être peu enclins à accepter des dispositions dérogatoires au profit de pays tiers (ci-dessus, ch. 2.2).

Enfin, la participation accrue du Parlement européen à travers la procédure de codécision et, tout particulièrement, sa nouvelle compétence d'approbation des traités négociés avec des Etats tiers, ne manquera pas d'avoir des conséquences pour notre pays. On peut en attendre un certain ralentissement des procédures mais aussi une plus grande complexité du processus de négociation. En effet, les comités compétents du Parlement européen devraient à l'avenir être associés plus étroitement aux 88

89

Voir p.ex. la motion 10.3005 du 12 janv. 2010 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats, intitulée «Mesures permettant d'informer rapidement le Parlement des projets d'actes législatifs européens importants».

JO C 115 du 9 mai 2008.

6677

travaux de la Commission s'agissant de négociations avec des Etats tiers. A cet égard, il convient de tenir compte du fait qu'il s'agit là d'une institution considérée, sur le plan institutionnel, comme étant fortement intégrationniste, et qu'elle pourrait donc se montrer assez peu favorable à des dispositions dérogatoires en faveur de la Suisse. Cet aspect ne saurait être sous-estimé, dans la mesure où, là où la Suisse bénéficie, ou pourrait bénéficier à l'avenir, d'une participation à l'élaboration des décisions dans les domaines couverts par ses accords (decision shaping), celle-ci ne concerne que les groupes de travail du Conseil ou de la Commission et non pas le Parlement européen, au sein duquel la Confédération n'est pas représentée. Ainsi, un renforcement des activités de suivi et d'accompagnement des travaux du Parlement européen pertinents pour la Suisse s'avèrerait opportun, comme le montre l'exemple de la Norvège (ci-dessous ch. 3.6.1) ou des Etats-Unis, qui ont pris récemment des mesures pour renforcer leur capacité de prise d'influence à ce titre. Cependant, sans ressources additionnelles en personnel, pareil renforcement n'est pas réalisable.

D'autre part, le Parlement fédéral pourrait lui aussi développer ses relations avec le Parlement européen, que ce soit au niveau des commissions de politique extérieure, de la délégation auprès du Comité parlementaire des pays de l'AELE et chargée des relations avec le Parlement européen, voire, le cas échéant, d'autres commissions spécialisées.

3.4.2

La question du parallélisme

En pratique, le parallélisme que l'UE entend appliquer dans ses relations avec la Suisse pourrait avoir pour conséquence de bloquer la conclusion de certains nouveaux accords. A cet égard, il faut souligner que c'est singulièrement dans le domaine de la fiscalité des entreprises que l'UE place actuellement l'exigence d'un parallélisme des progrès de négociation. La stratégie suivie à ce jour par le Conseil fédéral dans ce dossier (pas de négociations mais un dialogue et des mesures autonomes dans le cadre d'une réforme de l'imposition des entreprises) a permis pour le moment d'éviter de tels blocages. Il importe toutefois que la Suisse continue à l'avenir de suivre une stratégie cohérente pour défendre les intérêts de sa place financière d'une part et, d'autre part, pour permettre la poursuite du développement de ses accords avec l'UE là où c'est opportun. Il convient de souligner que, si la Suisse devait renoncer à assurer la cohérence d'ensemble des divers objets de négociations avec l'UE, dans l'intention que chacun d'entre eux soit considéré selon ses mérites propres et ne puisse être tributaire de blocages pouvant concerner d'autres dossiers, telle n'est pas la stratégie suivie par l'UE90. De fait, si l'UE devait privilégier une application systématique du principe de parallélisme, la Suisse n'aurait probablement d'autre choix que d'en faire autant.

D'une façon générale, il importe de veiller à ce que nos exigences vis-à-vis de l'UE restent réalistes, et à prendre en compte de manière appropriée les siennes. En effet, le développement de la voie bilatérale suppose, pour parvenir à des résultats satisfaisants et durables, de rechercher systématiquement un équilibre des intérêts respectifs des parties. Il y va de l'intérêt de chacun des partenaires, mais cela dépend aussi de la disposition de l'UE à rechercher avec la Suisse des solutions dans le cadre d'accords bilatéraux sectoriels. Dans ce contexte, la contribution de la Suisse à la 90

Voir à ce propos les conclusions déjà citées du Conseil de l'UE du 8 déc. 2008 sur les relations de l'UE avec les pays de l'AELE.

6678

réalisation d'objectifs européens (construction d'une infrastructure de transport ferroviaire performante, soutien aux nouveaux Etats membres, participation aux efforts de paix et de stabilité en Europe, etc.) témoigne que la Suisse est un partenaire fiable et solidaire et consolide donc également la voie bilatérale. Inversement, et comme indiqué plus haut (cf. ch. 2.2), sa remise en cause ne peut qu'affaiblir cette dernière.

3.4.3

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal

Comme il a été indiqué au ch. 3.3.3, une révision technique de l'accord sur la fiscalité de l'épargne pourrait intervenir sous peu. La Commission européenne souhaite par ailleurs se voir confier par les pays membres un mandat de négociation portant sur la révision de l'accord sur la lutte contre la fraude conclu avec la Suisse, ou sur la négociation d'un accord sur l'échange d'informations dans le domaine des impôts directs. Ce mandat devrait permettre d'inscrire à l'échelon de l'UE et, partant, de tous les Etats membres, le standard de l'OCDE en matière d'assistance administrative, que la Suisse a désormais accepté. Le Conseil fédéral examinera le cas échéant une éventuelle demande de négociations émise par l'UE.

3.4.4

Accès au marché

Bien que les accords conclus jusqu'à présent intègrent déjà très largement l'économie suisse dans le marché intérieur européen, et même si la révision récemment entrée en vigueur de la LETC lève à cet égard des obstacles supplémentaires, il est possible d'aller plus loin dans l'accès au marché. Les obstacles à cet accès existent sous différentes formes et dans différents domaines des échanges commerciaux entre la Suisse et l'UE. Il y a d'abord des barrières tarifaires substantielles pour les marchandises qui ne relèvent pas de l'accord sur le libre-échange de 1972, de son protocole sur les produits agricoles ou encore de l'accord agricole de 1999. Il y a ensuite des barrières non tarifaires dans presque tous les domaines de produits et pour les services, qui résultent, d'une part d'une discrimination positive qui favorise légalement les acteurs économiques locaux, d'autre part, de la non-harmonisation des règles régissant la vente et la mise sur le marché. Si certaines barrières non tarifaires existent depuis déjà longtemps, elles peuvent également apparaître suite à une modification touchant le droit de l'un des deux partenaires commerciaux (voir ch. 2.2 et 3.3). Le Conseil fédéral s'efforce de supprimer les obstacles dans plusieurs domaines (p. ex. dans le secteur de l'énergie, ainsi que dans le cadre des négociations sur l'agriculture, la sécurité des produits, la sécurité alimentaire et la santé publique, voir ch. 1.3.3).

Le Conseil fédéral envisage par ailleurs d'approfondir encore plus auprès des différents pays et de l'UE les possibilités d'un meilleur accès au marché dans d'autres domaines. En février 2010, il a rejeté, ne la considérant pas opportune, la conclusion avec l'UE d'un accord global sur les services destiné à améliorer l'accès au marché.

Selon l'analyse d'un groupe de travail, les différences juridiques et institutionnelles entre la Suisse et l'UE (notamment dans le domaine des infrastructures) auraient pour effet des négociations longues et complexes (voir ch. 1.3.3.14). Le 18 août 2010 le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation sur une collaboration 6679

dans le domaine de la sécurité des produits chimiques (REACH/CLP). Dans d'autres domaines, le Conseil fédéral prévoit d'examiner les possibilités de mettre en place un meilleur accès au marché au moyen d'un accord, en particulier en ce qui concerne la coopération dans le domaine des procédures douanières électroniques (e-customs). Le développement de l'accord relatif à la reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité et l'ajout de chapitres supplémentaires permettraient eux aussi d'améliorer l'accès mutuel au marché.

Le développement du droit européen se traduisant régulièrement pour les entreprises suisses par de nouveaux obstacles au commerce les gênant dans l'accès au marché intérieur, la nécessité de développer les accords devrait subsister. Citons ici, à titre d'exemples récents, le règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), le règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage de substances et de mélanges (CLP) et les nouvelles mesures de sécurité en matière de transports de marchandises («amendement sécurité» du code des douanes communautaire91), qui montrent que les accords existants et l'adaptation autonome du droit suisse au droit européen ne suffisent pas pour lever de nouveaux obstacles au commerce.

La poursuite de la voie bilatérale apparaît donc comme de plus en plus difficile, notamment en ce qui concerne l'accès au marché, qui revêt pourtant une importance primordiale pour l'économie suisse eu égard à ses liens étroits avec l'UE. D'une part, rien ne garantit que les développements du droit de l'UE ne créent pas de nouveaux obstacles, y compris dans les domaines régis par des accords. D'autre part, ces mêmes développements, voire même leur seule perspective, sont des facteurs d'insécurité juridique dont la multiplication ne peut qu'avoir des effets négatifs pour nos entreprises et notre compétitivité économique (cf. ci-dessus, ch. 2.2). Qui plus est, la négociation permanente de nouveaux accords ou leur développement pour contrebalancer les effets négatifs de nouveaux actes de l'UE prend souvent du temps, durant lequel les opérateurs suisses sont désavantagés, et elle n'offre pas de garantie de succès.

3.4.5

Politique économique et monétaire

Même dans le cadre d'un développement de la voie bilatérale, la Suisse conserverait son autonomie en matière de politique économique (politiques économique extérieure, monétaire, conjoncturelle, structurelle, de croissance et de l'emploi), avec les avantages et les inconvénients que cela suppose. Aussi ce qui a été exposé au ch. 3.3.5 reste-t-il valable. En revanche, la possibilité de conclure de nouveaux accords constituerait une véritable chance pour l'économie suisse, en particulier pour les entreprises exportatrices.

91

Règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avr. 2005 modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 établissant le code des douanes communautaire (JO L 117 du 4.5.2005, p. 13).

6680

3.4.6

Coûts directs

Sur le plan budgétaire, le coût direct des accords et des participations de la Suisse aux programmes européens est de quelque 457 millions de francs suisses (voir tableau plus haut, ch. 3.3.6). A cela s'ajoutent les dépenses liées à la participation à des programmes ou agences en vertu de nouveaux accords (Galileo; agriculture, sécurité des produits, sécurité alimentaire ou santé publique, p. ex.) Dans le contexte d'un développement de la voie bilatérale, il pourrait également se révéler judicieux d'examiner l'opportunité d'une nouvelle contribution suisse à l'élargissement.

3.4.7

Politique sociale

Comme indiqué au ch. 3.3.7, la politique sociale n'est que ponctuellement l'objet des accords bilatéraux existant entre la Suisse et l'UE, en l'occurrence l'ALCP. Il serait tout à fait envisageable, à travers une adaptation de l'ALCP ou la négociation d'un nouvel accord, de reprendre certains autres aspects de l'acquis pertinent ou de renforcer la coopération. En Suisse toutefois, le souhait d'une telle coopération renforcée avec l'UE n'a encore jamais été communiqué au Conseil fédéral sous une forme bénéficiant d'une large assise politique.

3.4.8

Politique environnementale

La poursuite de la voie bilatérale est envisageable sous deux formes dans le domaine environnemental. Premièrement, par la négociation de nouveaux accords spécifiques, ce que vise par exemple le Conseil fédéral à travers le mandat, adopté à la fin 2009, portant sur un accord relatif au rattachement des systèmes d'échange de quotas d'émission de la Suisse et de l'UE, lequel doit permettre un accès à un marché européen des émissions sensiblement plus grand et plus liquide que le marché suisse.

La participation de la Suisse aux objectifs environnementaux de l'UE, pour laquelle le Conseil fédéral a adopté un mandat dès 2001, pourrait également relever de cette coopération ponctuelle avec l'UE. Afin d'approfondir la coopération dans le domaine de l'observation de l'environnement, un accord concernant la surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité (GMES) pourrait être envisagé. En outre, des discussions exploratoires ont en outre été menées sur les produits chimiques (REACH) ou sur les biocides. Globalement, de tels accords passés dans des domaines spécifiques permettraient d'harmoniser matériellement les réglementations. Le cas échéant, il serait même possible d'examiner la question d'un accord global sur l'environnement, qui limiterait un éparpillement excessif des dispositions environnementales et faciliterait la mise en oeuvre des différents accords conclus dans ce domaine.

Deuxièmement, il est probable que les accords à venir avec l'UE sur l'accès au marché contiendront des dispositions horizontales dans le domaine environnemental.

Cela correspond à une exigence de l'UE qui souhaite notamment que les opérateurs puissent se battre à armes égales, sans distorsions de concurrence. Citons, à titre d'exemple, les négociations sur un accord dans le domaine de l'électricité et de l'énergie en général, ainsi que la question d'une possible coopération future avec l'UE dans le domaine des substances chimiques (REACH). Cette approche aurait toutefois pour corollaire un risque qu'il s'agirait de ne pas négliger, celui d'une 6681

fragmentation et d'une «sectorialisation» du droit environnemental suisse, une évolution qui, pour des raisons de cohérence, ne serait pas nécessairement souhaitable du point de vue suisse.

3.5

Mise en place d'un cadre institutionnel

«Mise en place d'un cadre institutionnel» Un accord définissant certains jalons institutionnels pourrait non seulement simplifier la mise en oeuvre des accords bilatéraux, mais aussi optimiser et rendre plus transparente la prise de décision, ainsi en matière de développement du droit européen pertinent. Une solution institutionnelle, prenant par exemple la forme d'un accord-cadre, pourrait aussi mettre en place un dialogue politique régulier à haut niveau. Un tel cadre institutionnel devrait toutefois être conçu de manière à permettre des solutions pragmatiques adaptées aux enjeux de chaque dossier de négociation.

Compte tenu des évolutions relevées plus haut dans les relations entre la Suisse et l'UE, il convient de s'interroger sur le point de savoir s'il est dans l'intérêt de la Suisse de chercher à intégrer dans chaque nouvel accord avec l'UE individuellement et cas par cas les principes relatifs à la reprise de l'acquis, à la surveillance et à la jurisprudence, ou si une solution horizontale ne serait pas préférable. Il se pose donc la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux négocier un cadre institutionnel, soit un accord-cadre, soit une autre forme d'arrangement horizontal. Le Parlement a du reste demandé à plusieurs reprises92 une analyse de l'opportunité et de la faisabilité d'un accord-cadre, et l'objet figure dans le programme de législature 2007-201193.

Le Conseil fédéral s'est notamment exprimé sur ce sujet dans le rapport de politique extérieure du 2 septembre 200994 ainsi que dans ses réponses des 13 et 20 mai 2009 aux interpellations Fehr (09.3172) et Groupe UDC (09.3249) respectivement, sans toutefois se prononcer sur l'opportunité d'un tel accord-cadre. Quant à la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC), dans son «Etat des lieux en politique européenne» du 25 juin 2010, elle s'est déjà prononcée en faveur de la négociation d'un accord-cadre avec l'UE, d'abord pour régler la question de la reprise du droit de l'UE, mais également afin que soient institutionnalisés et le dialogue politique et la participation de la Suisse aux programmes de l'UE. Elle considère même que la négociation d'un tel instrument devrait avoir la priorité par rapport à de nouvelles 92

93 94

1) Rapport du 18 mars 2002 de la CPE du Conseil des Etats sur les options de la politique d'intégration de la Suisse (02.033) demandant une solution institutionnelle type «accordcadre» (FF 2002 5879); 2) Postulat Polla (02.3374) du 21 juin 2002 intitulé «Améliorations des relations Suisse-UE» avec réponse du CF du 20 sept. 2002 qui accepte de «procéder à une analyse approfondie de l'opportunité et de la faisabilité d'une telle approche à l'occasion de la conclusion des Bilatérales II»; 3) Postulat Stähelin (05.3564) du 5 oct.

2005 intitulé «Accord-cadre entre la Suisse et l'UE» qui demande un rapport sur le statut d'un éventuel accord-cadre, accepté par le CF le 26 oct. 2005; 4) Communiqué de la CPE-E du 1er sept. 2006 qui salue le rapport Europe 2006 du Conseil fédéral et rappelle qu'il serait particulièrement intéressant d'examiner l'option d'un accord-cadre.

Arrêté fédéral du 18 sept. 2008 relatif au programme de législature 2007 à 2011.

FF 2009 5711

6682

négociations sectorielles. La CdC conditionne toutefois la conclusion d'un accordcadre, de même que toute nouvelle avancée dans les relations avec l'UE, à la nécessité d'entamer des réformes institutionnelles internes visant à consolider l'organisation étatique fédérale et démocratique95.

3.5.1

Aspects institutionnels

De manière générale, une solution horizontale pourrait contribuer à une meilleure efficacité et à une plus grande transparence des prises de décision au sein des comités mixtes, en offrant pour la reprise des développements du droit européen des outils homogènes et acceptables par les deux parties. Elle pourrait aussi simplifier les mécanismes en réglant de manière uniforme certaines questions récurrentes qui sont actuellement traitées de façon différente dans plusieurs accords. Ainsi conçue, son objectif principal serait de contribuer à améliorer la sécurité juridique de la voie bilatérale. Un cadre institutionnel peut se limiter à certains aspects partiels et laisser dans différents accords une marge de manoeuvre plus ou moins importante en matière de règlement relatif à des solutions institutionnelles sur mesure. En d'autres termes, un éventuel accord-cadre ne devrait pas obligatoirement régir l'ensemble des aspects institutionnels de la future coopération bilatérale, et pourrait donc laisser place à certains dispositifs dérogatoires.

Un dialogue politique à haut niveau pourrait aussi, le cas échéant, être institutionnalisé par un accord-cadre ou un autre arrangement de nature horizontale. Le développement continu d'un tel dialogue est en effet important pour le maintien de relations basées sur le respect et la compréhension mutuels. En outre, de telles consultations régulières auraient pour but d'échanger les expériences des parties et des comités mixtes, d'échanger des informations et des bonnes pratiques, dans le but d'assurer au mieux la convergence souhaitable à la bonne application des différends accords96.

Le développement et l'approfondissement de telles relations de confiance, pourrait également s'avérer utile lorsqu'il s'agira de déterminer les conséquences, dans un cas particulier, d'une éventuelle non-reprise par la Suisse d'un développement de l'acquis.

En résumé, une solution horizontale de type «accord-cadre» pourrait contenir tout ou partie des éléments suivants: ­

95 96

Questions institutionnelles (mécanisme de reprise de l'acquis, participation de la Suisse au développement de l'acquis): il s'agirait par exemple d'intégrer dans l'accord des solutions inspirées des principes adoptés dans l'accord de facilitation et de sécurité douanières, rappelés ci-dessus (ch. 2.1), l'objectif étant de faciliter l'adaptation des accords aux développements de l'acquis pertinent, tout en évitant toute automaticité. Il est vrai que la reprise de ces principes dans un accord-cadre pourrait se révéler difficile dans la mesure où l'UE ne semble pas disposée à considérer l'accord de facilitation précité comme une solution susceptible de constituer un précédent transpoCf. l'«Etat des lieux en politique européenne» adopté par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010. (www.cdc.ch).

Cf. «Marché intérieur au-delà des frontières de l'UE: l'EEE et la Suisse», note d'information de la Direction générale du Parlement européen pour les politiques internes, janv. 2010 (IP/A/IMCO/NT/2009-13, PE 429.993).

6683

sable au delà du contexte particulier dudit accord. C'est du résultat des négociations sur ce point que dépendra l'acceptabilité d'un accord-cadre pour l'une et l'autre parties.

­

Mise en place d'organes indépendants pour assurer la surveillance et l'interprétation des accords entre la Suisse et l'UE. Diverses solutions pourraient être imaginées à cet égard, comme le recours par la Suisse aux instances de surveillance et d'interprétation de l'EEE, la création d'un tribunal arbitral ou d'une juridiction commune à la Suisse et à l'UE. Elles auraient l'avantage de contribuer à dépolitiser les différends, en confiant leur résolution à une instance judiciaire de type arbitral.

­

Mise en place d'un dialogue politique régulier avec l'UE, éventuellement sous la forme d'un Comité mixte de haut niveau. Cela permettrait de remédier à une lacune que la voie bilatérale comporte par rapport aux relations que l'UE entretient avec d'autres pays tiers ainsi qu'avec ses partenaires de l'EEE. Il ne pourrait que contribuer à une meilleure compréhension mutuelle et donc favoriser l'entente entre les deux partenaires. Un dialogue régulier, mené au niveau politique, permettrait aussi, dans le cadre d'une démarche globale et tenant compte de l'ensemble des intérêts des deux parties, d'aborder l'ensemble des problèmes rencontrés dans l'application des accords.

­

Règlement horizontal des conditions de participation de la Suisse aux programmes ou agences97 de l'UE. Cela permettrait d'éviter de longues et récurrentes négociations à chaque fois qu'il s'agit de renouveler la participation de la Suisse à des programmes dans des domaines tels que MEDIA, recherche, éducation, formation et jeunesse, par exemple.

Dans ce contexte, il conviendrait aussi de fixer la portée qui devrait être celle d'une solution horizontale: celle-ci devrait-elle s'appliquer uniquement aux accords actuellement en négociation et aux accords futurs, ou également aux accords déjà conclus?98. A la seconde solution devraient s'attacher certaines difficultés, étant donné qu'elle impliquerait une révision des accords déjà conclus et des procédures internes parfois lourdes de part et d'autre99. Dans un premier temps, il vaudrait donc sans doute mieux une solution horizontale ou un accord-cadre s'appliquant aux seuls accords futurs100, en tout cas jusqu'à ce que la révision des accords actuellement en vigueur ait pu être menée à terme.

Il va de soi que l'acceptabilité pour la Suisse d'une solution de type «accord-cadre» dépendra dans une large mesure du résultat de discussions exploratoires, voire de négociations, notamment à propos de la question clé du mécanisme de prise en compte de l'évolution du droit. De son côté, l'UE a indiqué à plusieurs reprises son 97

Voir le rapport sur les agences européennes, ch. 4. (www.europa.admin.ch), ainsi que l'«Etat des lieux en politique européenne» adopté par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

98 Les accords d'association de la Suisse à Schengen/Dublin n'étant sans doute pas concernés puisqu'ils s'appliquent à tous les Etats associés à l'espace Schengen/Dublin, soit, outre la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein.

99 A titre d'exemple, l'accord sur la libre circulation des personnes nécessite, pour sa révision, l'approbation de l'UE et de tous ses Etats membres pris individuellement (à l'exception de ses annexes II et III). Côté suisse, pareille révision serait en principe soumise au référendum facultatif.

100 C'est également l'avis de la Conférence des gouvernements cantonaux dans l'«Etat des lieux en politique européenne» qu'elle a adopté le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

6684

intérêt de principe pour un tel accord. Dans ses conclusions du 8 décembre 2008, le Conseil de l'UE précise qu'à ses yeux, un tel accord devrait «prévoir l'incorporation de l'acquis pour tous les accords, ainsi qu'un mécanisme visant à les actualiser régulièrement et en assurer une interprétation homogène»101. Dans la mesure où cette formulation n'implique a priori aucune automaticité dans la reprise de l'acquis, il devrait être possible de trouver des solutions acceptables pour les deux parties, d'autant que l'UE et la Suisse ont toutes deux intérêt à assurer le bon fonctionnement des accords bilatéraux ainsi que leur adaptation en continu selon des modalités souples. Quant au Parlement européen, dans une résolution, adopté le 7 septembre 2010, il «invite la Commission et la Suisse à explorer des moyens de trouver des solutions horizontales à certains problèmes institutionnels, à augmenter la transparence et réduire la fragmentation du système décisionnel, à améliorer la communication entre les comités mixtes et à étudier la mise en place d'un système de résolution des différends».102 Il est évidemment impossible de préjuger du résultat de négociations sur ce point, pour autant qu'il y en ait.

En tout état de cause, la négociation d'une solution horizontale puis la procédure devant mener à son entrée en vigueur pourraient prendre un certain temps. Il convient donc de continuer, indépendamment de celles-ci et en accord avec l'UE, à chercher à dégager des solutions institutionnelles acceptables dans le cadre des négociations en cours ou à venir, tout en veillant à ce qu'elles ne soient pas incompatibles avec celles qui pourraient être définies dans le cadre d'une approche globale. De même, une solution horizontale ne pourra probablement pas mettre en place des mécanismes appropriés pour tous les accords. Il se pourrait qu'à l'avenir, il faille parfois définir au cas par cas des solutions institutionnelles individuelles. Cet aspect revêt une importance particulière dans la mesure où l'ancrage de solutions institutionnelles par trop rigides dans un accord-cadre pourrait avoir des effets négatifs en empêchant de dégager d'autres solutions ad-hoc, par hypothèses plus avantageuses ou mieux adaptées à un contexte de négociation particulier.

Sur le plan du fédéralisme et des institutions, et au-delà des
considérations déjà exposées (ch. 3.3.1 et 3.4.1), les cantons pourraient, dans leurs domaines de compétences, être associés étroitement au dialogue politique et aux consultations régulières qu'une solution horizontale pourrait institutionnaliser103. On pourrait aussi envisager que cette dernière permette d'instaurer un dialogue institutionnel entre l'Assemblée fédérale et le Parlement européen. Une disposition permettant au Parlement fédéral d'être informé des évolutions législatives au sein de l'UE pertinentes pour la Suisse, par analogie à ce que prévoit le Traité de Lisbonne pour les parlements nationaux

101

Conclusions du Conseil de l'UE 16651/1/08 du 8 déc. 2008 sur les relations de l'UE avec les pays de l'AELE.

102 Résolution du Parlement européen du 7 sept. 2010 «EEE-Suisse: obstacles à la pleine mise en oeuvre du marché intérieur» (2009/2176(INI)), document de session A7-0216/2010 du 29 juin 2010.

103 Cf. l'Etat des lieux en politique européenne» adopté par la Conférence des gouvernements cantonaux le 25 juin 2010 (www.cdc.ch).

6685

des Etats membres104 et à ce que demande le Parlement européen pour ceux des Etats membres de l'EEE105, pourrait, par exemple, être étudiée. Par contre, un tel accord ne devrait avoir aucune conséquence sur les compétences des différents départements et offices fédéraux en matière de politique européenne, pas plus que sur le mandat de coordination attribué au Bureau de l'intégration DFAE/DFE.

3.5.2

La question du parallélisme

Face à une volonté croissante de l'UE d'assurer un parallélisme dans le traitement des dossiers de négociation avec la Suisse, une solution institutionnelle globale ou un «accord-cadre» permettrait notamment aux décideurs politiques de mieux appréhender dans leur totalité les liens qui unissent les deux partenaires. Une telle approche ne pourrait que favoriser une meilleure prise en compte, de part et d'autre, de la dimension politique des intérêts et relations des deux parties, et déboucher ainsi sur des solutions équilibrées garantissant la poursuite fructueuse de la voie bilatérale.

Dans une certaine mesure, il pourrait en résulter une limitation des blocages. Du point de vue de la Suisse, une meilleure vue d'ensemble des dossiers européens permettrait aussi de mieux défendre nos intérêts vis-à-vis de l'UE.

3.5.3

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal, accès au marché, politique économique et monétaire, coûts directs, politique sociale, politique environnementale

Un cadre institutionnel tel que celui qui été décrit ci-dessus pourrait se traduire par une meilleure efficacité et une plus grande transparence des prises de décision au sein des comités mixtes, permettrait d'appliquer une réponse horizontale à certaines questions récurrentes et simplifier par-là leur règlement, et rendrait possible l'institutionnalisation d'un dialogue politique de haut niveau. Au-delà, cette solution n'aurait guère d'impact sur les dossiers eux-mêmes.

104

Cf. Protocole 1 au Traité de Lisbonne sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, aux termes duquel tous les projets d'actes législatifs adressés au Parlement européen et au Conseil sont envoyés aussi aux parlements nationaux. Dans un délai de huit semaines, les parlements nationaux peuvent adresser ensuite aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, un avis motivé, limité à la question de la conformité d'un projet d'acte législatif avec le principe de la subsidiarité. Aucun accord ne peut être constaté sur un projet d'acte législatif au cours de ces huit semaines, sauf dans des cas urgents. Lorsqu'un tiers des parlements nationaux estiment que les principes de subsidiarité et de proportionnalité ne sont pas respectés, le projet d'acte législatif doit être revu. Cf. également la motion 10.3005 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats du 12 janv. 2010 intitulée «Mesures permettant d'informer rapidement le Parlement des projets d'actes législatifs européens importants».

105 Résolution du Parlement européen du 7 sept. 2010 «EEE-Suisse: obstacles à la pleine mise en oeuvre du marché intérieur» (2009/2176(INI)), document de session A7-0216/2010 du 29 juin 2010.

6686

3.6

Adhésion à l'EEE

«Adhésion à l'Espace économique européen (EEE)» Si elle était membre de l'EEE, la Suisse disposerait d'un accès illimité au grand marché intérieur de l'Union européenne, qui couvre notamment l'ensemble du secteur des services. L'EEE n'étant pas une union douanière, la Suisse conserverait la possibilité de négocier des accords commerciaux avec les Etats tiers. La Suisse serait cependant tenue de reprendre les développements de l'acquis de l'UE pertinent pour l'EEE. Dans les secteurs de la coopération avec l'UE qui ne sont pas couverts par l'EEE, les régimes actuels seraient maintenus (Schengen, taxation des intérêts de l'épargne, lutte contre la fraude).

Un autre instrument que la Suisse pourrait envisager dans ses relations avec l'UE est celui, rejeté en 1992 par une majorité du peuple et des cantons, d'une adhésion à l'EEE. Depuis cette date, l'EEE a connu d'importantes évolutions rappelées plus haut (ch. 1.3.2.3). Il ne compte à ce jour plus que trois Etats non membres de l'UE (Islande, Norvège et Liechtenstein). De plus, l'Islande ayant déposé une demande d'adhésion à l'UE, il n'est pas à exclure qu'elle quitte à terme l'AELE.

Une adhésion à l'EEE ne concernerait que la coopération avec l'UE dans le domaine du marché intérieur. En seraient exclus les domaines de la justice et de l'intérieur, de la sécurité et de la fiscalité, pour lesquels il faudrait continuer à rechercher des solutions séparées.

Du point de vue des actuels Etats membres, un tel scénario contribuerait à assurer l'avenir de l'EEE. Pour l'UE, une adhésion de la Suisse à l'EEE apporterait des avantages considérables en termes de ressources de personnel. Dans l'EEE, c'est en effet le Secrétariat de l'AELE/EEE (plus de 60 personnes) qui assume la quasitotalité des tâches relatives au fonctionnement de l'accord. D'autre part, sur le plan matériel, l'UE apprécierait sans doute que la Suisse rejoigne l'EEE parce que celuici comporte des objectifs et des mécanismes d'homogénéité et de dynamisme qui facilitent sa mise à jour par rapport aux développements de l'acquis pertinent.

3.6.1

Aspects institutionnels

Les caractéristiques institutionnelles de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ont été présentées en détail dans le message concerné106, puis rappelées dans le rapport Europe 2006107. S'agissant de la question de la reprise de l'acquis de l'UE et de ses développements, l'accord EEE s'efforce de concilier deux objectifs contradictoires, à savoir la sauvegarde de l'autonomie législative des parties d'une part, l'homogénéité du droit au sein de l'EEE d'autre part. Au reste, l'Accord EEE présente certaines déficiences institutionnelles, notamment parce qu'il «ne respecte pas dans tous ses éléments le principe de l'égalité des parties contractantes»108.

106

Message du conseil fédéral du 18 mai 1992 relatif à l'approbation de l'Accord EEE, FF 1992 IV 1.

107 FF 2006 6482 108 Message EEE du 18 mai 1992, FF 1992 IV 1 46.

6687

Concrètement, dans l'EEE, les pays associés ont un droit de participation à l'élaboration des propositions de la Commission européenne. En revanche, ils n'ont aucun droit de codécision lors des négociations entre Commission, Etats membres et Parlement européen menant à l'adoption des nouvelles dispositions. Ils doivent en outre quasi obligatoirement intégrer les développements de l'acquis de l'UE pertinent pour l'EEE. Ils ne peuvent refuser pareille reprise que si leur refus est collectif.

Par ailleurs, le refus d'un acte peut entraîner la suspension automatique de la partie de l'Accord EEE concernée, sauf décision contraire du Comité mixte de l'EEE.

Pareille hypothèse ne s'est jamais réalisée à ce jour, les Etats associés à l'EEE ayant repris tous les actes de l'UE pertinents pour l'EEE au vu du risque considérable qu'une non reprise représente109. En outre, l'Accord EEE institue deux organes: l'Autorité de surveillance AELE et la Cour AELE. La première a la compétence de vérifier si les mesures prises au titre de la mise en oeuvre et de l'application de l'accord sont compatibles avec le droit de l'EEE. Quant aux tribunaux, ils sont tenus d'appliquer le droit de l'EEE. Dans certains cas, ils peuvent soumettre à la Cour AELE, par la voie de la procédure de renvoi préjudiciel, des questions d'application du droit de l'EEE. Le Tribunal fédéral, quant à lui, y serait tenu en sa qualité d'autorité judiciaire de dernière instance. En instituant la Cour AELE et l'Autorité de surveillance AELE, les Etats de l'AELE/EEE ont donné l'ordre à ces organes supranationaux de tenir dûment compte de la jurisprudence de la CJUE, passée, présente et future. Le droit EEE est un droit sui generis comparable au droit de l'UE.

En dehors du champ d'application de l'EEE, la question de la prise en compte par la Suisse de la jurisprudence de la CJUE pertinente pour un accord spécifique ne serait pas réglée différemment qu'actuellement. En d'autres termes, la Suisse garderait une certaine autonomie dans l'interprétation de l'acquis postérieur à la signature des accords, étant entendu qu'il est dans l'intérêt du bon fonctionnement des accords que les règles instaurées par ces dernier soient interprétés et appliqués de manière homogène (sur la question, cf. ch. 3.4.1).

Il découle de ce qui précède qu'en adhérant à l'EEE,
la Suisse se soumettrait au régime de reprise des actes pertinents de l'UE aux conditions de quasi-automaticité décrites ci-dessus110. Les autres domaines, tels que Schengen/Dublin, fiscalité de l'épargne, lutte contre la fraude et d'autres éventuels accords futurs situés hors du champ d'application de l'EEE, resteraient régis par leurs propres mécanismes de reprise des développements de l'acquis. En ce qui concerne les accords futurs, les principes établis par le Conseil fédéral en matière de reprise de l'acquis dans le Rapport de politique extérieure 2009111 (cf. ci-dessus ch. 2.1) resteraient valables.

S'agissant de la question, déterminante, des modalités d'adaptation des accords aux évolutions du droit pertinent de l'UE, force est de constater que les développements 109

FF 2006 6561 (ch. 4.3.1.1). «Marché intérieur au-delà des frontières de l'UE: l'EEE et la Suisse», note d'information de la Direction générale du Parlement européen pour les politiques internes, janv. 2010, p. 12 (IP/A/IMCO/NT/2009-13, PE 429.993).

110 Sur le champ d'application matériel de l'Accord EEE par rapport à celui couvert par les accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE, cf. le rapport Europe 2006, 6483. A noter que, dans le domaine de la libre circulation des personnes tout particulièrement, une adhésion de la Suisse à l'EEE entraînerait la reprise quasi-automatique des développements du droit de l'UE, comme par exemple la Directive 2004/38 CE sur la libre circulation des citoyens de l'Union et des membres de leur famille. Dans le cadre actuel de l'accord sur la libre circulation des personnes, la reprise de cette directive n'est pas une obligation juridique, même si l'UE la souhaite en se fondant sur le principe de l'homogénéité du droit.

111 FF 2009 5673 ss

6688

intervenus ces dernières années rapprochent de plus en plus la voie bilatérale du mécanisme de l'EEE (cf. ci-dessus ch. 3.4.1). En effet, si la Suisse devait s'engager à accepter que le droit de l'UE serve de base aux accords bilatéraux, à en reprendre les développements en contrepartie d'un droit, limité, de participation au processus législatif de l'UE et à accepter des mesures de rééquilibrage appropriées au cas où elle ne serait pas en mesure de reprendre tel ou tel développement, la voie bilatérale ne se différencierait plus de l'EEE que par une approche plus sectorialisée, par un nombre de partenaires limité à deux (l'UE et la Suisse) et, sauf décision contraire, par des relations non couvertes par la compétence des autorités AELE (Cour, autorité de surveillance et Secrétariat).

Ainsi, en comparaison d'une poursuite de la voie bilatérale aux conditions fixées par le Conseil fédéral dans le Rapport de politique extérieure 2009112, une adhésion de la Suisse à l'EEE pourrait représenter un certain affaiblissement de l'autonomie de notre pays (obligation pour les Etats de l'AELE de s'exprimer d'une seule voix, obligation de reprise systématique voire quasi automatique). Mais elle aurait également pour la Suisse des effets positifs: d'abord, une sécurité juridique accrue pour les acteurs économiques, ensuite, une participation de plein droit aux différents programmes de l'UE (alors qu'elle doit actuellement être négociée cas par cas et génération de programme par génération de programme). Enfin, la participation aux mécanismes de la Cour AELE et de l'autorité de surveillance de l'AELE ne manqueraient pas de contribuer à résoudre les difficultés liées à la surveillance des accords, y compris du point de vue juridictionnel.

Le message EEE113 qualifiait les conséquences d'une adhésion de la Suisse à l'EEE sur le plan de la démocratie, du fédéralisme et des institutions, de modérées et ne portant pas atteinte aux principes fondamentaux de notre ordre constitutionnel. Il ajoutait toutefois qu'elle limiterait la marge de manoeuvre du Conseil fédéral en matière d'attributions internes, ainsi que du Parlement, appelé à transposer en droit interne les décisions EEE sans véritable marge de manoeuvre. Les nouvelles règles du droit de l'UE sont reprises, au fur et à mesure, dans l'EEE. Les Etats nonmembres
de l'UE ont un droit de participation à l'élaboration des projets de décisions. En revanche, ils n'ont aucun droit de codécision lors de l'adoption des nouvelles dispositions. En d'autres termes, en cas d'adhésion de la Suisse à l'EEE ­ à la différence d'une adhésion à l'UE ­ la restriction de la marge de manoeuvre du Conseil fédéral et du Parlement ne serait pas contrebalancée par un (nouveau) droit de codécision au niveau européen114. Par rapport à la voie bilatérale telle que décrite au ch. 3.4 ci-dessus, l'EEE aurait du point de vue du fédéralisme et de la démocratie des effets tendanciellement similaires mais plus marqués, étant donné son champ plus large d'application. Pour plus de détails, il peut être renvoyé au message relatif à l'approbation de l'Accord sur l'Espace économique européen115.

S'agissant de la collaboration avec la CdC et à l'instar de ce qui a été exposé dans l'hypothèse d'un développement (cf. ch. 3.4) de la voie bilatérale, il y aurait lieu de

112

La voie bilatérale n'est possible qu'avec l'accord de l'UE, soit accord par accord, soit horizontalement au moyen d'un accord-cadre.

113 Message du Conseil fédéral du 18 mai 1992 relatif à l'approbation de l'Accord EEE, FF 1992 IV 1 59 ss.

114 FF 2006 6561 ss 115 FF 1992 IV 59 ss

6689

l'intensifier116 et d'examiner si elle ne devrait pas être améliorée, par exemple par la création d'un organe de pilotage commun ou par le détachement de chargés cantonaux de l'information auprès des départements concernés.

Les changements institutionnels qu'a entraînés pour l'UE le Traité de Lisbonne117 n'ont pas d'incidence directe sur l'accord EEE. Toutefois, comme doit le faire la Suisse dans le cadre de la voie bilatérale, les Etats membres de l'EEE doivent eux aussi s'adapter à des interlocuteurs nouveaux ou aux compétences renforcées.

Sachant que l'acquis de l'UE est repris dans l'accord EEE, le Parlement européen, dont les attributions législatives ont été élargies, devient un partenaire incontournable pour les Etats membres de l'EEE. Les liens étroits qui unissent les Etats de l'AELE/EEE à l'UE les incitent, durant la phase de mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, à réviser et adapter constamment les procédures et processus internes de l'EEE. L'accord EEE est limité à des secteurs clairement définis du marché unique et à un certain nombre de politiques complémentaires. En revanche, le regroupement de la structure des trois piliers au sein de l'UE devrait conduire à perméabiliser davantage les frontières entre les divers domaines de la politique de l'UE. Pour les Etats de l'AELE/EEE, il pourrait alors devenir plus difficile de distinguer l'acquis déterminant pour leur accord des réglementations exclues du champ d'application de l'accord EEE.

Il est enfin à préciser que, pour tenir compte des nouvelles compétences du Parlement européen et de leur influence possible sur le droit de l'EEE, le parlement norvégien a décidé d'ouvrir une antenne à Bruxelles et de renforcer le secrétariat de sa commission de politique extérieure. Oslo entend ainsi développer ses relations avec le Parlement européen et suivre ses travaux de façon plus active et plus systématique.

3.6.2

La question du parallélisme

Une participation de la Suisse à l'EEE aurait pour effet de résoudre la question du parallélisme entre différents dossiers dans tous les domaines entrant dans le champ d'application de cet accord. Ceci étant, la problématique subsisterait de la même manière qu'en cas de poursuite de la voie bilatérale pour toutes les matières (par exemple fiscalité, douanes, agriculture) non couvertes par l'EEE. Les considérations qui précèdent (notamment ci-dessus ch. 3.4) demeurent donc pertinentes pour ces matières, même en cas d'adhésion de la Suisse à l'EEE. Il convient toutefois de noter que cette problématique serait atténuée par le fait qu'elle ne s'appliquerait plus à l'ensemble des relations avec l'UE, mais aux seuls domaines en dehors du champ d'application de l'EEE.

3.6.3

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal

Si la fiscalité n'est pas visée par l'accord EEE, la jurisprudence de la CJUE relative aux aides d'Etat ne s'étend pas moins à la question de savoir si les régimes fiscaux 116

Pour une présentation détaillée de cette coopération en matière de politique européenne, voir FF 2007 5634 ss.

117 JO C 115 du 9 mai 2008.

6690

nationaux ne constitueraient pas des aides d'Etat injustifiées. Aussi n'est-il pas à exclure qu'en cas d'adhésion de la Suisse à l'EEE, les systèmes fiscaux de certains cantons soient jugés incompatibles avec les règles du marché intérieur.

3.6.4

Accès au marché

L'EEE comprend par définition l'acquis de l'UE relatif au marché intérieur. Sa reprise systématique par les Etats membres de l'AELE/EEE conduit à éliminer la plupart des entraves à l'accès au marché entre les différents Etats. L'interprétation homogène du droit au sein de l'EEE favorise cette ouverture, notamment le principe de la reconnaissance mutuelle, dit «Cassis de Dijon». Dans quelques cas qui ne sont pas couverts explicitement par l'EEE ­ p. ex. dans le domaine de la réglementation des produits chimiques ­, l'accord EEE offre par ailleurs l'instrument institutionnel permettant de trouver rapidement des solutions aux problèmes entre partenaires commerciaux. Si elle était membre de l'EEE, la Suisse pourrait elle aussi jouir de ces avantages. L'interdiction de la discrimination, qui constitue un élément essentiel de l'accord EEE, à laquelle s'ajoute la possibilité de saisir la Cour AELE, met dans les mains des parties un outil efficace pour éliminer les obstacles présents ou à venir à l'accès au marché. Un tel instrument n'existe pas dans le cadre des relations bilatérales actuelles. Au final, une adhésion à l'EEE comporterait sans doute des avantages appréciables pour les exportateurs et les importateurs suisses en termes de sécurité du droit.

Dans les domaines non couverts par l'EEE, toutefois, tels les produits agricoles bruts ou la pêche, les obstacles à l'accès au marché décrits plus haut (notamment au ch. 3.4) ne disparaîtraient pas. Quant à savoir dans quelle mesure une adhésion à l'EEE serait de nature à faciliter davantage l'accès au marché dans ces domaines que l'approche bilatérale, cela dépendrait en outre de l'entente entre Etats de l'AELE, membres de l'EEE.

3.6.5

Politique économique et monétaire

Les politiques fiscale, structurelle, économique extérieure, monétaire et de croissance ne sont pas du ressort de l'EEE. Même membre de l'EEE, la Suisse conserverait dans ces domaines l'essentiel de son autonomie, sauf là où des mesures de politique fiscale, structurelle ou conjoncturelle, par exemple, entrent dans le champ d'application de l'EEE et relèvent donc du droit de l'UE (notamment en matière de concurrence).

L'impulsion de croissance dont la Suisse aurait pu bénéficier si elle avait adhéré en 1992 à l'EEE a néanmoins été donnée par les accords bilatéraux avec l'UE et les autres Etats membres de l'EEE ­ surtout par l'accord sur la libre circulation des personnes. Il n'empêche qu'une adhésion à l'EEE se traduirait par une ouverture du marché plus grande vis-à-vis des Etats membres de l'EEE, ce qui constituerait une mesure importante sous l'angle de la politique de croissance, propre autant à dynamiser le marché intérieur suisse qu'à faire baisser le niveau des prix et à renforcer l'économie d'exportation.

6691

3.6.6

Coûts directs Dépenses en millions CHF par an 2010

a) frais de fonctionnement des organes et institutions AELE/EEE118 Secrétariat AELE Autorité de surveillance AELE Cour de justice AELE Bureau du mécanisme financier AELE (FMO)

14119 13 4 3

Total a)

34

b) participation au mécanisme financier AELE Contribution 2009 à 2014

310

Total b)

310

c) participation aux programmes Programmes et Agences selon protocole 31 EEE

470

Total a), b), c)

814

Le coût direct d'une adhésion de la Suisse à l'EEE est présenté dans le tableau ci-après. A l'exception de la contribution à la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l'Europe élargie, qui a été relevée de 31 % en avril 2009, ainsi que des participations supplémentaires aux programmes et agences des Etats de l'EEE, ces coûts resteraient pour l'essentiel inchangés en référence au rapport Europe 2006. Ces chiffres doivent d'être considérés avec la plus extrême prudence car il s'agit d'estimations. Il resterait à négocier les contributions effectives, sans compter que les facteurs d'influence indirects tels que les allégements pour la Confédération, les aspects politiques, les effets macroéconomiques et les coûts indirects n'y sont pas pris en compte. Toutes ces hypothèses s'alignent sur celles du Rapport Europe 2006.

3.6.7

Politique sociale

S'agissant des incidences d'une adhésion à l'EEE sur la politique sociale ­ y compris la protection des travailleurs ­, le lecteur est envoyé aux chapitres concernés du rapport Europe 2006120. Pour ce qui est des incidences du Traité de Lisbonne121 sur 118

Les conditions-cadres n'ayant pratiquement pas changé depuis sa publication, les chiffres du rapport Europe 2006 ont à nouveau été repris.

119 La contribution suisse au Secrétariat AELE s'élèverait à 12,7 millions CHF au lieu de 9,5 millions CHF actuellement (déduction faite du rabais de 25 % pour non-participation à l'EEE).

120 FF 2006 6564 s. (ch. 4.3.2.1 et 4.3.2.2).

121 JO C 115 du 9 mai 2008.

6692

l'UE (notamment l'entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne), elles ne concernent pas l'EEE, pas davantage, officiellement du moins, que la nouvelle stratégie économique «UE 2020» actuellement en préparation, qui vise des aspects dont certains ne relèvent pas de l'EEE. Quoi qu'il en soit, il est probable que plusieurs des actes que l'UE édictera dans le cadre de cette stratégie seront repris dans les domaines également couverts par l'accord EEE (p. ex. les services financiers, le savoir et l'innovation, les transports). Quant à savoir dans quelle mesure les textes de loi qui seront adoptés par l'UE suite à l'initiative phare «Compétences nouvelles pour des emplois nouveaux» en feront partie, cette question demeure sans réponse pour l'heure.

3.6.8

Politique environnementale

Concernant l'adaptation du droit suisse sur la protection de l'environnement au droit de l'EEE, les questions qui se posent sont pour la plupart les mêmes que pour l'adhésion à l'UE (cf. ch. 3.7.9)122. Dans le cadre de l'EEE, la participation de la Suisse au développement du droit de l'environnement serait toutefois moindre.

En 1992, l'accord sur l'EEE contenait un chapitre sur l'environnement traitant de questions relatives à l'eau, à l'air, aux produits chimiques, aux biotechnologies, aux déchets et aux études d'impact. Eu égard aux développements qu'a connus depuis l'acquis sur le plan environnemental, les négociations concerneraient aujourd'hui des dossiers en nombre plus important, concernant par exemple nouvellement le climat ou le bruit.

3.7

Adhésion à l'UE

«Adhésion à l'Union européenne» Une adhésion à l'Union européenne donnerait à la Suisse un droit de codécision sur toutes les normes de droit à venir de l'UE, la plaçant ainsi sur un pied d'égalité avec les autres Etats membres. Les développements du droit de l'UE s'appliqueraient également en Suisse, et les entreprises suisses disposeraient d'un accès illimité au marché de l'UE. Toutefois, une telle adhésion aurait des incidences graves sur l'autonomie de la Suisse en matière de politique monétaire, et la Suisse serait contrainte d'ajuster son niveau de TVA. Elle aurait aussi un impact sur les institutions suisses (démocratie directe, fédéralisme).

122

Par exemple, la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ou la directive concernant conservation des oiseaux sauvages n'ont pas encore été reprises par les parties à l'accord EEE. (Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, JO L 206 du 22.7.1992, p. 7, Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avr. 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages).

6693

Comme l'indique le Conseil fédéral dans son rapport de politique extérieure 2009123, il se peut que des raisons d'ordre politique et/ou économique conduisent à réévaluer les instruments appropriés dans le cadre de la politique à l'égard de l'UE, dont l'option de l'adhésion. Le présent chapitre est consacré à l'hypothèse d'une adhésion pleine et entière, tandis que le suivant (3.8) étudie celle d'une adhésion assortie de certaines dérogations.

3.7.1

Aspects institutionnels

Du point de vue de la reprise de l'acquis, le scénario de l'adhésion aurait l'avantage de la simplicité puisque, si elle devenait membre de l'UE, la Suisse n'aurait d'autre choix que de reprendre le droit élaboré au sein de l'UE, élaboration à laquelle elle participerait à part entière dans le cadre de la codécision, tant au sein du Conseil que du Parlement européen. Sur le plan matériel, il convient de souligner qu'une reprise de l'ensemble du droit de l'UE ne serait pas sans nécessiter nombre d'adaptations du droit interne, le cas échéant dans des domaines sensibles comme la fiscalité, la politique monétaire, les migrations, l'asile ou la libre circulation des personnes, pour ne mentionner que quelques exemples. La question de l'applicabilité de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE ne se poserait plus non plus, puisque cette jurisprudence est contraignante pour tous les Etats membres.

Comme c'est le cas pour tous les Etats membres, en termes de participation à la prise de décision, le scénario de l'adhésion à l'UE ne saurait toutefois nullement garantir que les positions défendues par la Suisse seraient toujours prises en compte au sein des organes décisionnels de l'UE. Selon les règles instituées par le Traité de Lisbonne, la Suisse compterait quelque 10 voix au sein du Conseil de l'UE124 et 20 membres suisses au plus au Parlement européen125, ce qui lui conférerait un poids relatif comparable à celui de l'Autriche ou de la Bulgarie. Si cette réalité ne saurait évidemment être négligée, il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où le droit de l'UE affecte de plus en plus la Suisse, directement ou indirectement, ces possibilités d'influence et ce droit de codécision constitueraient en tout état de cause une amélioration substantielle par rapport à la situation actuelle. De plus, l'expérience du Luxembourg ou de l'Autriche démontre qu'en disposant d'un réservoir de personnes compétentes à placer au sein des institutions de l'UE (la Suisse aurait notamment droit à un commissaire européen et à un juge à la CJUE, mais également à un quota de fonctionnaires européens au Secrétariat général du Conseil, à la Commission, au Service européen d'action extérieure et au Parlement européen) peut démultiplier son influence réelle, et donc qu'un Etat comparable à la Suisse peut non seulement
défendre efficacement ses intérêts au sein de l'UE, mais également influer fortement sur les processus de prise de décision.

En outre, au delà du calcul mathématique de l'influence relative qu'aurait la Suisse en tant qu'Etat membre sur le processus de prise de décision au sein de l'UE, l'importance du statut de membre en termes d'échanges d'information, de participation à un consensus et de solidarité européenne ne saurait être négligée. Dans la mesure où il ne fait pas de doute que, sur une large palette de sujets d'importance, la 123 124 125

FF 2009 5716 Actuellement, le total des voix au Conseil de l'UE est de 345.

Actuellement, le Parlement européen compte 754 députés, un chiffre qui sera ramené à 751 par le Traité de Lisbonne.

6694

Suisse a des intérêts stratégiques similaires à ceux d'Etats membres, son adhésion à l'UE ne pourrait que renforcer la position des Etats partageant ses vues et donc permettre d'efficaces coalitions qui, à leur tour, pourraient déterminer les décisions finalement prises par l'UE. Actuellement, la Suisse est affectée par ces décisions, sans toutefois y prendre part. Enfin, s'il ne faut pas sous-estimer l'intensité des débats internes à l'UE sur certaines questions sensibles, force est de constater que, dans ses relations extérieures, l'UE fait preuve d'un degré de plus en plus élevé de cohésion et de solidarité entre Etats membres, dont la Suisse ne bénéficie pas.

Une adhésion à l'UE aurait des implications sur la démocratie directe, sur le fédéralisme et sur d'autres aspects institutionnels, qui ont déjà été examinées à plusieurs reprises. Le rapport Europe 2006 reste ici largement d'actualité126, et les considérations qui suivent ne font que le rappeler, le compléter et l'actualiser.

En cas d'adhésion, la mise en oeuvre et l'application du droit de l'UE ­ droit à l'élaboration duquel la Suisse participerait (codécision) ­ devraient être assurées par les autorités fédérales et cantonales (voire communales) suisses. Une adhésion aurait des incidences sur les compétences décisionnelles de l'Assemblée fédérale, sur les droits populaires et sur les compétences des cantons, ces derniers étant chargés de la mise en oeuvre et de l'exécution du droit de l'UE dans leurs domaines. S'agissant par exemple des directives européennes, le Parlement et le peuple pourraient décider des modalités de mise en oeuvre sur le plan national de leurs objectifs. S'il ne serait sans doute guère possible de lancer un référendum contre une directive ou une ordonnance de l'UE, le peuple pourrait s'opposer aux textes par lesquels ils sont transposés en droit national. Il serait ainsi imaginable de conditionner l'approbation de certaines décisions de l'UE par le Conseil fédéral à l'organisation d'un référendum. La Suisse devrait en tout cas s'engager afin que les délais édictés par l'UE permettent l'organisation de scrutins populaires. Le recours à des procédures accélérées, voire à la déclaration d'urgence ne saurait toutefois être exclus. Par contre, les règlements de l'UE devraient être appliqués sans autre forme d'approbation
par le législateur suisse. Cette obligation aurait des répercussions sur les droits populaires car leur portée serait limitée par le droit européen. Il serait donc nécessaire d'examiner la portée de ces limitations et leurs conséquences sur les institutions suisses.

Il se poserait également la question du traitement à réserver aux initiatives populaires qui viseraient des objectifs contraires aux obligations incombant à la Suisse en tant qu'Etat membre de l'UE. Le Conseil fédéral estime à cet égard qu'il serait disproportionné de donner à l'Assemblée fédérale la faculté d'invalider de telles initiatives ou d'exclure du référendum les textes par lesquels le droit fédéral est adapté à celui de l'UE. Si un référendum ou une initiative populaire devait néanmoins créer une divergence entre droit suisse et droit européen, il est probable que la Commission européenne engagerait une procédure d'infraction contre la Suisse, qui pourrait entraîner une condamnation de la Suisse par la CJUE et le cas échéant de lourdes amendes. A la limite, si elle ne parvenait pas à se mettre d'accord avec ses partenaires européens, la Suisse pourrait même se voir contrainte d'envisager de quitter l'UE.

La collaboration des cantons, du Parlement et du Conseil fédéral serait cruciale dans la phase précédant les décisions au niveau de l'UE. Tous les Etats membres ont d'ailleurs introduit des droits de consultation et de participation ou renforcé ceux qui 126

FF 2006 6580

6695

étaient déjà prévus par leurs procédures parlementaires nationales. En cas d'adhésion, la Suisse devrait donc développer ses procédures traditionnelles, et non les restreindre. En outre, les cantons pourraient se voir accorder, éventuellement par l'intermédiaire du Parlement, des droits particuliers de participation à la vérification du respect du principe de subsidiarité dans le processus décisionnel de l'UE. Pour garantir aux cantons qu'ils seront informés et qu'ils pourront donner leur avis dans ce processus, il y aurait lieu d'envisager la mise en place des structures et procédures internes adéquates, y compris s'agissant de l'organisation des cantons eux-mêmes.

En cas d'adhésion de la Suisse à l'UE, les cantons pourraient en outre agir de manière autonome au niveau européen. Ils disposeraient de représentants au sein du Comité des régions (en nombre évidemment limité) et pourraient ­ si possible de manière concertée ­ défendre directement leurs intérêts à Bruxelles, à l'instar de nombre de régions européennes, tels les Länder allemands. Seul un Etat uni ayant des chances de négocier avec succès, la coordination entre la Confédération et les cantons, et entre les cantons eux-mêmes, devrait être la plus étroite possible. Cette coordination pourrait notamment être assurée par la CdC et les chargés de l'information des cantons, et pourrait être étoffée. S'il n'apparaît pas nécessaire de prévoir un cadre juridique excédant le périmètre des dispositions actuelles (art. 55 Cst. et LFPC)127, il conviendrait en revanche d'examiner s'il ne serait pas indiqué que la Confédération conclue avec les cantons une convention-cadre régissant leur participation à la politique européenne, qui définirait les compétences et les procédures et pourrait même instituer , le cas échéant, un organe de pilotage commun.

Enfin, les compétences matérielles et décisionnelles suisses resteraient évidemment intactes dans les domaines où l'UE n'a pas de compétence législative.

S'agissant des autres conséquences institutionnelles d'une adhésion à l'UE, le lecteur se reportera utilement au rapport Europe 2006128. Il convient toutefois d'observer qu'une défense optimale des intérêts de la Suisse passerait par la participation de l'exécutif fédéral aux nombreuses réunions du Conseil des ministres de l'UE, ce qui nécessiterait un
renforcement des ressources disponibles, voire, à terme, une réforme institutionnelle. D'autre part, une adhésion à l'UE devrait être assortie d'une augmentation conséquente des moyens de l'administration fédérale.

En définitive, il est certain qu'une adhésion à l'UE constituerait un important défi et impliquerait des adaptations des procédures et mécanismes suisses en matière de démocratie directe et de fédéralisme. De telles adaptations ne semblent possibles et réalisables qu'au prix de réformes significatives et, en particulier de certaines limitations de la portée des droits populaires. Elles ne paraissent donc envisageables que si l'opinion devait prévaloir qu'une adhésion serait l'instrument de politique européenne le mieux approprié pour une défense optimale des intérêts de la Suisse. A cet égard, la valeur accordée par la Suisse à la prise d'influence sur les décisions qui la concernent directement est une dimension importante à prendre en considération au regard du prix institutionnel que suppose une adhésion: Comme l'indique le Conseil fédéral dans son rapport de politique extérieure 2009, la voie bilatérale ne doit pas mener à une adhésion de facto sans droit de vote129.

127

Pfisterer Th. «Einbezug der Kantone in die Aussenpolitik des Bundes (art. 54 Abs. 3 und Art. 55 BV)», avis de droit réalisé sur mandat de la CdC, oct. 2009.

128 FF 2006 6584 (ch. 4.4.1.3).

129 FF 2009 5715

6696

3.7.2

Politique étrangère, de sécurité et de défense commune

En cas d'adhésion à l'Union, la Suisse serait intégrée à la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'UE. Cela veut dire notamment qu'elle devrait s'associer aux stratégies, aux actions et aux points de vue défendus par l'UE dans le cadre de la PESC. Cela ne constituerait pas un problème a priori puisque notre pays défend les mêmes valeurs fondamentales que l'UE (p.ex. maintien de la paix, promotion de la coopération internationale, renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales). Il n'empêche que notre liberté de détermination et d'action en matière de politique étrangère risquerait de s'en trouver restreinte puisque la Suisse serait tenue à ce chapitre de n'entreprendre aucune activité contraire aux options prises par l'UE dans le cadre de la PESC. Toutefois, la Suisse aurait son mot à dire au niveau de la formulation de cette politique commune. De plus, comme tous les autres Etats membres, elle pourrait envoyer ses représentants au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) actuellement en gestation ainsi que dans les délégations de l'UE auprès des pays tiers.

S'agissant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), une adhésion obligerait à examiner en particulier la question de la neutralité. Le Traité «réformateur» de Lisbonne a transposé dans le Traité sur l'Union européenne et dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne les dispositions de la politique étrangère, de sécurité et de défense commune qu'il était prévu d'inscrire dans le projet de constitution européenne. Les considérations développées par le Conseil fédéral dans le Rapport Europe 2006 quant à la question de la compatibilité de la neutralité avec le projet de constitution européenne peuvent donc s'appliquer à la situation actuelle130. Rappelons-en ici l'essentiel pour plus de clarté, mais aussi afin de le mettre concrètement en relation avec le Traité de Lisbonne.

Les éléments suivants requièrent un examen approfondi sous l'aspect du droit de la neutralité131: ­

la clause de solidarité en cas d'attaque terroriste, de catastrophe naturelle ou d'origine humaine (art. 222 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne132);

­

l'obligation d'aide et d'assistance en cas d'agression armée (art. 42, al. 7 du Traité sur l'Union européenne);

­

les missions européennes de maintien de la paix, de prévention des conflits et de renforcement de la sécurité internationale par des moyens civils et militaires (art. 42, al. 1, art. 43 du Traité sur l'Union européenne);

­

la définition progressive d'une politique de défense commune (art. 42, al. 2 du Traité sur l'Union européenne);

­

une coopération structurée permanente en matière de politique se sécurité et de défense (art. 42, al. 6 du Traité sur l'Union européenne).

130 131

FF 2006 6617 s.

Concernant le droit de la neutralité et la politique de neutralité, voir le Rapport de politique étrangère du 15 juin 2007, FF 2007 5257.

132 JO C 115 du 9 mai 2008, p. 47.

6697

Si un Etat membre est l'objet d'une attaque terroriste, d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, les autres Etats membres lui portent assistance à la demande de ses autorités politiques, et ce, aussi bien par des moyens civils que militaires.

Sachant qu'un cas entraînant l'application de la clause de solidarité n'est pas assimilable en principe à un conflit entre Etats, la clause de solidarité n'affecte en rien le statut de neutralité. Elle l'affecterait uniquement si l'attentat terroriste était directement imputable à un Etat et prenait les proportions d'une agression armée au sens de l'art. 51 de la Charte des Nations Unies133. A ce jour, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a constaté un tel phénomène qu'une seule fois (résolution 1368), lors de l'attaque contre le World Trade Center à New York. De manière générale, en effet, les attentats terroristes sont commis par des acteurs non étatiques. Du reste, les modalités du recours à la clause de solidarité sont arrêtées à l'unanimité dès lors qu'elles ont des incidences en matière de défense. Autrement dit, la Suisse aurait la possibilité, en sa qualité de membre de l'UE, soit de bloquer une décision d'activer la clause (ce qui devrait être néanmoins difficile dans la pratique en raison des pressions politiques qu'elle subirait), soit de s'abstenir au moyen d'une déclaration formelle.

L'obligation d'assistance militaire touche à un volet essentiel de la neutralité. Elle prend effet dès lors qu'un Etat membre doit, en situation de légitime défense militaire, se protéger contre une agression armée au sens de l'art. 51 de la Charte de l'ONU134. Une obligation d'assistance militaire illimitée serait contraire à l'interdiction fondamentale, pour un Etat ayant un statut de neutralité permanente, de rejoindre en temps de paix une alliance militaire qui pourrait le contraindre à fournir à l'une des parties un appui militaire dans un conflit opposant celle-ci à un autre Etat. Or, l'Union européenne ne constituant pas une alliance de défense en vertu du Traité de Lisbonne135, l'obligation d'aide et d'assistance a été relativisée à la fois pour les Etats neutres et non parties à des alliances que pour les Etats membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). La disposition en question (art. 42, al. 7 du Traité sur l'Union européenne136)
prescrit ainsi expressément que l'obligation d'aide et d'assistance «n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres» ­ formule retenue à la demande des Etats neutres et non parties à des alliances que sont l'Autriche, l'Irlande, la Suède et la Finlande. S'agissant des Etats membres de l'OTAN, l'art. 42, al. 7 précise que l'OTAN reste le fondement de leur défense collective et l'instrument de sa mise en oeuvre. Pour la Suisse, le caractère non absolu de l'obligation d'aide et d'assistance signifie que, même en cas d'agression armée contre un Etat membre de l'Union européenne, elle pourrait rester neutre. En l'espèce, et comme elle l'a toujours fait jusqu'à présent, elle pourrait se limiter à une aide civile et humanitaire ainsi qu'à un appui diplomatique. En cas d'appel à la solidarité, il faudrait cependant régler la question du contrôle des exportations de biens militaires importants ainsi que les droits de transit. Si le Conseil européen devait se prononcer, il devrait le faire à l'unanimité: là encore, la Suisse pourrait a priori opposer son veto ou s'abstenir de voter moyennant une déclaration formelle.

Les missions de l'UE de maintien de la paix, de prévention des conflits et de renforcement de la sécurité internationale incluent des actions conjointes en matière de 133 134 135 136

Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, RS 0.120.

RS 0.120 JO C 115 du 9 mai 2008.

JO C 115 du 9 mai.2008, p. 13.

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désarmement, des missions humanitaires et d'évacuation, un conseil et un appui militaires, des missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. Par ailleurs, toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte antiterroriste, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire.

Certaines des missions de l'UE dans le domaine militaire vont donc plus loin que ne le prévoit la loi suisse sur l'armée. Pour autant, elles n'affectent pas le droit de la neutralité puisque de telles missions, en vertu du Traité de Lisbonne137, ne peuvent être décidées qu'en conformité avec les principes de la Charte des Nations Unies138.

Les missions européennes de maintien de la paix, de prévention des conflits et de renforcement de la sécurité internationale ne peuvent donc prévoir le recours à la force militaire que sur mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, ou avec l'accord des Etats tiers concernés. L'UE, lorsqu'elle entreprend une telle mission, ne peut donc jamais être partie à un conflit entre Etats; ces missions doivent au contraire être fondées sur la Charte de l'ONU, servir la paix et contribuer à la sécurité internationale. Toutefois, comme il vient d'être dit, elles peuvent aussi aller plus loin que ce que la loi suisse sur l'armée prévoit pour des missions internationales de promotion de la paix. Celle-ci pose en effet comme préalable à des missions de promotion militaire de la paix l'existence d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE, que ces missions soient armées ou non. L'accord de l'Etat tiers concerné ne suffit pas. Par ailleurs, la loi exclut la participation de personnel ou de troupes à des actions de combat destinées à imposer la paix, même sur mandat de l'ONU. Ces conditions sont imposées par le législateur suisse et se distinguent du droit de la neutralité comme tel, qui fait partie du droit international. Il n'y aurait pas lieu, au demeurant, de modifier ces conditions en cas d'adhésion à l'UE. Le Traité de Lisbonne prévoit que les engagements militaires restent facultatifs: comme dans le cadre de l'ONU, il n'existe aucune obligation d'envoyer du personnel militaire. Enfin,
les décisions de portée militaire et de politique de défense sont prises exclusivement à l'unanimité. Il s'ensuit que la Suisse ne pourrait être contrainte à aucune action de nature militaire.

Le Traité de Lisbonne139 n'a fait de l'UE ni une alliance militaire ni une communauté de défense. Le Traité de Lisbonne présente cependant comme un objectif la définition progressive d'une politique de défense commune pouvant conduire à une défense commune. Une telle défense commune serait incompatible avec le statut d'Etat neutre permanent car elle pourrait obliger la Suisse, le cas échéant, à participer à un conflit entre Etats. Le Traité de Lisbonne prévoit néanmoins que la mise en place d'une défense commune ne peut être décidée qu'à l'unanimité, conformément aux constitutions de tous les Etats membres. Une telle décision supposerait obligatoirement en Suisse l'organisation d'un référendum (art. 140, al. 1, let. b Cst.). Une défense commune ne pourrait donc voir le jour que si deux conditions sont réunies: d'une part, si en Suisse le peuple dit oui après avoir été explicitement consulté, d'autre part, si tous les Etats membres y sont favorables. Au demeurant, le Traité de Lisbonne relativise l'objectif visé en réaffirmant que les dispositions relatives à la politique de sécurité et de défense commune n'affectent ni le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, ni les obligations des Etats qui sont membres de l'OTAN. Cette réserve apparaît à deux reprises dans 137 138 139

JO C 115 du 9 mai 2008, p. 13.

RS 0.120 JO C 115 du 9 mai 2008.

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le Traité: une fois sous la forme d'un principe général (art. 42, al. 2 du Traité sur l'Union européenne140), et une fois, comme il a été dit, de manière plus concrète dans la disposition concernant l'obligation d'aide et d'assistance (art. 42, al. 7 du Traité sur l'Union européenne141).

A travers une coopération structurée permanente, le Traité de Lisbonne autorise une intégration différenciée des Etats membres en matière de défense, et donc une coopération souple. La disposition pertinente (art. 42, al. 6 du traité sur l'Union européenne) prévoit que les Etats membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit entre eux des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes, peuvent établir une coopération structurée permanente dans le cadre de l'Union. La participation à cette coopération est cependant facultative, et elle est régie dans un protocole spécifique. La Suisse serait libre de ne pas s'y associer. A elle seule, la possibilité d'une coopération structurée permanente n'affecte donc pas la neutralité.

Pour résumer, une adhésion à l'UE sur la base du Traité de Lisbonne serait compatible avec les obligations actuelles de la Suisse au regard du droit de la neutralité. Les questions de droit de la neutralité ne se poseraient que si l'UE ­ comme le prévoit le Traité de Lisbonne ­ évoluait vers une communauté de défense. Quant à savoir si l'Union instituera une telle défense commune, quand elle le fera et comment, la question reste pour l'heure sans réponse, d'autant qu'aux termes mêmes du Traité de Lisbonne, les décisions relevant de la politique étrangère et de sécurité commune doivent être prises à l'unanimité142 et que tout Etat membre a le droit de refuser de s'associer à des mesures dans ces domaines. Autrement dit, les Etats membres disposent d'un droit de veto143.

Ainsi que l'indiquait le rapport Europe 2006144, il convient de prendre également en considération un certain nombre d'aspects politiques. De par sa politique de neutralité, un Etat observant un statut de neutralité permanente suscite la confiance des Etats tiers. A l'avenir, cette perception dépendra pour une part essentielle de l'évolution effective de l'UE dans le domaine de la politique étrangère, de sécurité et de défense commune. En politique
étrangère, l'UE s'est fixé des objectifs identiques à ceux qui figurent dans la Constitution suisse, à quoi s'ajoute que la politique étrangère et de sécurité commune exige des décisions prises à l'unanimité. La politique de défense soulève par contre certaines questions. Le Traité de Lisbonne145 pose le principe de la solidarité entre Etats membres, solidarité à laquelle ont néanmoins été fixées certaines limites, au-delà desquelles l'unanimité est exigée. Mais plus 140 141 142

JO C 115 du 9 mai 2008, p. 13.

Idem.

Cf. JO C 115 du 9 mai 2008, p. 13, version consolidée du Traité sur l'Union européenne, art. 24 (ex-art. 11 TUE).

143 C'est ainsi d'ailleurs que l'Autriche, Etat neutre, a motivé son approbation au Traité de Lisbonne: «Ainsi, la clause d'assistance n'altère en rien la neutralité de l'Autriche dans son ampleur actuelle. L'Autriche ne peut pas être contrainte de participer à des actions militaires.». Voir la brochure publiée par le Ministère autrichien des affaires extérieures à propos des innovations introduites par le Traité de Lisbonne (p. 7, citation concernant la neutralité. Traduction de l'allemand): http://www.bmeia.gv.at/fileadmin/user_upload/ bmeia/media/2-Aussenpolitik_Zentrale/Europa/EU-Informationen/ 4991_vertrag_von_lissabon_eu_reform_2007.pdf ainsi que le site Internet du Ministère autrichien de la défense, en référence au Traité de Lisbonne: http://www.bmlv.gv.at/pdf_pool/publikationen/reform.pdf 144 FF 2006 6461 ss 145 JO C 115 du 9 mai 2008.

6700

l'UE se consolidera à l'interne et vis-à-vis de l'extérieur, et plus la marge de manoeuvre dont dispose la Suisse pour préserver sa neutralité rétrécira. Comme le Conseil fédéral l'a déjà exposé dans le rapport Europe 2006, la Suisse devrait alors se poser la question de savoir si le système qui voit le jour est à même d'assurer à la fois et dans une même mesure la sécurité de la Suisse et sa neutralité.

En cas d'adhésion à l'UE, il conviendrait donc d'étudier au niveau politique la possibilité de déposer une déclaration de neutralité, dans laquelle la Suisse pourrait préciser l'art. 42, al. 2 et 7 du Traité sur l'Union européenne et souligner qu'elle souhaite conserver sa neutralité en raison du caractère particulier de sa politique de sécurité et de défense, et que son adhésion à l'Union sera sans effet sur son statut d'Etat neutre permanent. Cette démarche serait d'autant plus justifiée que le Traité de Lisbonne affirme expressément que l'OTAN reste le socle de la défense collective pour ceux qui en sont membres, alors que pour la Suisse, c'est la neutralité permanente qui constitue l'instrument devant lui permettre de préserver son indépendance et sa sécurité. Comme il a été indiqué plus haut, une telle déclaration de neutralité serait juridiquement superflue, sachant que la Suisse pourrait parfaitement respecter ses obligations au regard du droit de la neutralité dans le cadre du Traité de Lisbonne. Mais ce geste lui permettrait à la fois d'être claire d'emblée tant vis-à-vis de l'UE que de la communauté internationale, ce qui ne pourrait que renforcer la confiance dans la neutralité suisse, et aussi de clarifier les choses sur le plan intérieur. Une telle démarche s'inscrirait du reste dans la tradition helvétique: ainsi, la Suisse avait fait précisément une telle déclaration lorsqu'elle avait adhéré à l'ONU, par laquelle elle avait indiqué qu'elle conserverait sa neutralité permanente même après son adhésion, et que ce statut était compatible avec la Charte des Nations Unies.

Une autre option possible consisterait, au lieu d'une déclaration unilatérale, à convenir avec l'UE d'une déclaration bilatérale, à l'exemple de la solution arrêtée entre l'Irlande et l'Union juste avant le second référendum sur le Traité de Lisbonne: à l'occasion du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009, les chefs
d'Etat ou de gouvernement des Etats membres de l'UE ont assuré officiellement l'Irlande que le Traité de Lisbonne n'affecterait pas sa politique traditionnelle de neutralité militaire, que toute évolution vers une défense commune ne serait possible que sur décision unanime du Conseil européen, et que, par conséquent, les Etats membres, donc également l'Irlande, resteraient libres de juger, à la lumière et du Traité de Lisbonne et de leur constitutions respectives, de l'opportunité d'adopter ou non une telle défense commune. Les chefs d'Etat ou de gouvernement ont confirmé par ailleurs que le Traité de Lisbonne ne prévoyait ni la création d'une armée européenne, ni de conscription d'aucune sorte.146

3.7.3

La question du parallélisme

Dans l'hypothèse d'une adhésion de la Suisse à l'UE, et par définition, la question du parallélisme entre dossiers de négociations ne se poserait plus.

146

Conclusions de la présidence du Conseil de l'Union européenne des 18 et 19 juin 2009: Décision des chefs d'Etat ou de gouvernement des 27 Etats membres de l'UE, réunis au sein du Conseil européen, relative aux préoccupations du peuple irlandais concernant le Traité de Lisbonne, Section C: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st11/st11225-re02.fr09.pdf

6701

3.7.4

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal

Dans le contexte d'une adhésion de la Suisse à l'UE, la question des exigences de l'UE dans le domaine fiscal aurait, par hypothèse, été réglée, dans le sens d'une adaptation du droit suisse, lors des négociations d'adhésion. Il n'en demeure pas moins que celle-ci supposerait des modifications considérables de la fiscalité suisse, s'agissant notamment de la reprise du Code de conduite en matière de fiscalité des entreprises, de la TVA et de la directive sur la fiscalité de l'épargne, qui pose le principe de l'échange automatique des informations tout en prévoyant actuellement une dérogation pour l'Autriche et le Luxembourg (imposition à la source).

3.7.5

Accès au marché

En cas d'adhésion de la Suisse à l'UE, tous les obstacles à l'accès au marché évoqués aux ch. 3.3 et 3.4 tomberaient par définition. Il est vrai que, dans le domaine des services notamment, certaines barrières continuent de subsister entre Etats membres de l'UE. Mais celle-ci s'efforce sans discontinuer d'éliminer ces entraves, et ces efforts bénéficieraient aussi pleinement à la Suisse si elle faisait partie de l'UE.

3.7.6

Politique économique et monétaire

Une adhésion à l'UE entraînerait des modifications parfois sensibles des conditions économiques générales de la Suisse. Des instruments majeurs de la politique économique comme la politique monétaire ou la politique budgétaire seraient délégués à des instances tierces ou reconstruits sur des bases nouvelles. L'autonomie de la politique économique extérieure se réduirait fortement, ou n'existerait plus, et la définition des mesures de politique conjoncturelle devrait tenir compte des règles européennes. Même une politique de croissance ou structurelle indépendante de la conjoncture et axée sur le long terme devrait être menée dans un contexte inédit eu égard aux possibilités offertes par les programmes de l'UE.

L'euro fait partie de l'acquis de l'UE. Selon les critères de Copenhague, les candidats à l'adhésion à l'UE sont tenus de reprendre tôt ou tard l'objectif d'union monétaire. Si la zone euro, bientôt composée de 17 Etats membres de l'UE147, venait à accueillir la Suisse, le franc suisse serait converti en euros à un taux de change déterminé. La Banque nationale suisse ne disposerait plus de ses instruments de politique monétaire, et c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui depuis Francfort piloterait les taux à court terme (taux des dépôts fiduciaires à préavis sur le marché monétaire interbancaire) afin d'assurer la stabilité des prix dans l'ensemble d'une zone euro (comprenant donc la Suisse). La BNS ne pourrait plus par ailleurs procéder à des interventions sur le marché en vue d'influer sur la valeur externe de la monnaie. De manière générale, elle ne serait plus en mesure de conduire une politique monétaire véritablement au service du pays.

147

L'Estonie deviendra en 2011 le 17e pays de la zone euro.

6702

Afin de permettre à la BCE d'accomplir sa mission, les banques centrales nationales lui transfèrent de l'or et des réserves monétaires jusqu'à concurrence d'un montant équivalant à 50 milliards d'euros. La BCE peut disposer de la totalité de ces réserves. En cas d'adhésion à l'Union monétaire, la BNS transférerait à la BCE des réserves d'or et de devises pour un montant d'environ 1,9 milliard de francs suisses (voir aussi le rapport Europe 2006148). A titre de comparaison, les réserves d'or et de devises de la Banque nationale atteignaient respectivement 39 et 239 milliards de francs à la fin mai 2010. Les actifs transférés par les banques centrales donnent naissance à une créance sur la BCE, les avoirs concernés étant d'ailleurs rémunérés, à l'exception de la composante or. Les banques centrales nationales de la zone euro peuvent continuer à administrer ­ dans certaines limites et sous la supervision de la BCE ­ les avoirs de réserve non mis en commun, étant entendu que leur utilisation ne doit pas nuire à la politique monétaire de la BCE.

Le bonus d'intérêt suisse, dû à des taux réels et nominaux en moyenne inférieurs à ceux de la zone euro dans toutes les tranches d'échéances de la courbe de rendement, n'a pas beaucoup varié depuis 2006 et n'a en particulier guère été influencé par la crise de 2007 à 2009. Pour l'économie suisse à forte intensité de capital, la perte du bonus d'intérêt et l'alignement des taux sur le niveau plus élevé de la zone euro induirait donc des coûts d'adaptation sous la forme d'une réduction ­ au moins temporaire ­ de l'activité économique. On peut toutefois s'attendre à ce que des différences subsisteront entre la Suisse et d'autres membres de l'union monétaire au niveau des taux d'intérêt réels et des taux de changes réels, en raison notamment de l'évolution différenciée des prix et de la qualité du crédit des acteurs de l'économie.

A l'inverse, la libéralisation du marché résultant d'une adhésion à l'UE pourrait avoir une incidence positive sur le niveau des prix notamment dans le secteur des services, renforçant ainsi la compétitivité internationale de la Suisse grâce à la diminution des taux de change réels qui en résulterait.

La récente crise de l'euro rappelle que les doutes sur l'avenir de la monnaie unique ne sont pas sans effets sur les taux de change avec
les monnaies tierces et sur le niveau général des taux d'intérêt au sein de la zone euro. En tant que partie prenante de l'union monétaire, la Suisse serait directement touchée par cette évolution. Il est encore trop tôt pour savoir dans quelle mesure les réformes visant à stabiliser l'euro à long terme ­ actuellement débattues au sein de l'UE ­ se traduiront par de nouvelles obligations ou par des politiques économiques et budgétaires communes au sein de la zone euro, voire de l'ensemble de l'UE.

En ce qui concerne la politique financière, les recettes de la Confédération seraient touchées par un relèvement du taux de TVA (qui atteindrait au minimum 15 %) ainsi que par une réforme et de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs et de l'imposition cantonale des entreprises, toutes mesures liées à la reprise du droit de l'UE en matière d'aides d'Etat. En admettant que la quote-part de l'Etat demeure stable, ces modifications entraîneraient un changement de système au détriment de l'imposition du revenu et au profit d'une taxation plus forte de la consommation, ce qui aurait des conséquences au niveau de la progressivité de l'impôt et de la répartition des recettes fiscales entre Confédération, cantons et communes. Cette réorganisation pourrait être menée sous une forme favorisant la croissance. Pour le reste, le lecteur est renvoyé au rapport Europe 2006, qui reste valable pour ce qui est des

148

FF 2006 6461 ss

6703

effets sur la politique fiscale (droits de douane, impôts à la consommation spéciaux, taxe sur la valeur ajoutée, imposition à la source, etc.).

Sur le plan des échanges, une adhésion à l'UE renforcerait l'effet positif des accords bilatéraux et entraînerait l'intégration totale de l'économie suisse dans le marché intérieur de l'UE. Elle ferait en outre tomber presque entièrement les entraves au commerce qui subsistent actuellement, notamment dans le secteur des services. La Suisse devrait également reprendre le régime du commerce extérieur ­ en partie moins ouvert ­ de l'UE, ce qui pourrait provoquer certains détournements du commerce, alors que l'intégration des dispositions de politique économique extérieure plus libérales du secteur agricole aurait l'effet contraire. La Suisse enregistrerait une intensification de ses échanges commerciaux avec les membres de l'EEE, tandis que ses relations avec les Etats tiers perdraient de leur dynamisme.

Les mesures de politique conjoncturelle ou budgétaire anticycliques destinées à compenser une crise de la demande par un accroissement des dépenses ou par l'adjudication de marchés publics seraient prises dans un contexte de politique financière inédit lié à l'adhésion de la Suisse à l'UE. Exception faite de la réorganisation du budget de l'Etat décrite ci-dessus, la Suisse aurait toujours la possibilité de recourir aux aides publiques ­ une solution jusqu'ici peu utilisée ­ pour relancer une économie déprimée. De telles aides devraient néanmoins répondre à des critères stricts et être soumises à l'approbation de la Commission européenne. La Banque nationale, de son côté, ne serait plus en mesure de procéder à des ajustements de politique monétaire spécifiques en vue de protéger la Suisse contre les conséquences de situations de crise: les compétences en la matière serait désormais exercées au niveau d'une zone euro qui ne peut tenir compte des particularités nationales que dans le cadre de la défense de l'intérêt collectif.

En ce qui concerne les mesures de croissance à long terme et les aides structurelles (gouvernance économique, etc.), elles devraient être alignées sur les règles de l'UE et, pour les projets entrant dans le cadre de la nouvelle politique régionale, avalisées par la Commission européenne au titre d'aides publiques.

Enfin, il convient de noter que la position actuelle de la Suisse au sein de l'OMC, et notamment son droit de vote individuel, seraient affectés par une adhésion à l'UE.

3.7.7

Coûts directs

Il est peu probable que les coûts directs qu'induirait une adhésion à l'UE aient beaucoup changé depuis 2006. La participation suisse au budget de l'UE s'élèverait à quelque 5,4 milliards de francs pour l'année 2010 (sur la base des recettes douanières de l'année comptable 2009 et d'un taux de change de 1.50 CHF/EUR). Ce montant se décompose comme suit:

6704

Dépenses en millions CHF par an 2010

2011

­ Ressources propres traditionnelles (droits de douane sur les produits agricoles et industriels et cotisations sucre et isoglucose) ­ Ressource basée sur la TVA ­ Ressource complémentaire basée sur le RNB ­ Financement de la correction britannique et réduction des paiements de ressources propres

525 762 3810

555 774 3765

255

255

Total (arrondi)

5352

5349

La contribution nette ­ soit le montant ci-dessus sous déduction des retombées financières résultant pour la Suisse de la politique agricole commune, de la politique régionale et des politiques internes ­ devrait être d'un niveau similaire à celui de l'estimation effectuée en 2006. Dans le rapport Europe 2006, la contribution nette de la Suisse est évaluée à 3,34 milliards de francs par année149.

A défaut de données et d'études spécifiques, il est difficile d'évaluer les conséquences à long terme d'une adhésion à l'UE sur le budget de la Confédération. Nonobstant le versement des contributions au budget de l'UE, la Suisse pourrait sans doute aussi réaliser certaines économies administratives aux échelons fédéral et cantonal, à quoi s'ajoute que les effets que l'adhésion aura à long terme sur la croissance devraient stimuler les recettes fiscales de la Confédération.

3.7.8

Politique sociale

En cas d'adhésion à l'UE, la Suisse pourrait participer de plein droit au développement des normes de politique sociale et de protection des travailleurs de l'UE.

Divers aménagements de la législation devraient par ailleurs être opérés au niveau du deuxième pilier et de la protection contre le licenciement (normes plus sévères au sein de l'UE)150. La libre circulation et certains aspects de la sécurité sociale reposeraient désormais sur la citoyenneté de l'Union et non plus sur la notion de marché intérieur. La reprise de la directive européenne concernant le détachement de travailleurs, qui devrait être révisée au cours des deux prochaines années, pourrait ­ selon la configuration choisie ­ avoir une certaine importance en matière de politique intérieure (cf. ch. 3.3.7).

Même avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009151, l'élaboration de la politique sociale et de la politique du marché du travail relève essentiellement de la compétence des Etats membres de l'UE. Le Traité de Lisbonne a néanmoins introduit quelques grandes nouveautés qui seraient pertinentes pour la Suisse en cas d'adhésion. L'une de ces modifications concerne les objectifs généraux de l'Union. La promotion d'une économie sociale de marché compétitive, le 149 150

FF 2006 6611 Les conséquences d'une adhésion à l'UE sur la politique sociale et la protection des travailleurs sont décrites dans le rapport Europe 2006 (FF 2006 6587 ss).

151 JO C 115 du 9 mai 2008.

6705

plein emploi ainsi que la promotion de la justice et de la protection sociale figurent désormais parmi les objectifs généraux de l'UE (art 3 TUE152). Une clause sociale horizontale a en outre été introduite (art. 9 TFUE153), qui prescrit que toutes les politiques et actions de l'Union sont définies en tenant compte des exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale et à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne revêt une importance particulière puisqu'elle a acquis force contraignante et a force exécutoire devant les tribunaux depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 (cf. art. 6, al. 1, TUE). Elle énumère au chap. IV une série de droits fondamentaux sociaux et économiques154 incluant notamment le droit d'accès aux services de placement, la protection contre tout licenciement injustifié, le droit à un congé de maternité payé et le droit d'accéder à la prévention en matière de santé.

La politique sociale et la législation en vigueur en Suisse correspondent d'une manière générale aux innovations contenues dans le Traité de Lisbonne. Il est toutefois impossible de savoir si et dans quelle mesure ces dispositions seront concrétisées par le droit dérivé ou par la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE, ce qui ­ toujours en cas d'adhésion de la Suisse à l'UE ­ pourrait entraîner l'obligation d'adapter plus avant le droit suisse au droit européen.

Par souci d'exhaustivité, il convient également de mentionner la nouvelle stratégie économique «Europe 2020», qui prévoit notamment une initiative phare intitulée «De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois» et dont les modalités concrètes n'ont pas encore été définies.

3.7.9

Politique environnementale

Les politiques environnementales de la Suisse et de l'UE sont pour l'essentiel inspirées de principes identiques et poursuivent des objectifs comparables. En cas d'adhésion, la Suisse pourrait s'engager pleinement et influencer le développement de la protection de l'environnement au sein des organes de l'UE. S'agissant des réglementations sectorielles, il existe certaines différences entre les droits suisse et européen, par exemple dans les domaines de la protection des espèces, des déchets et de la biosécurité.

Si le traité UE autorise dans une certaine mesure des règles environnementales divergentes, il n'en conviendrait pas moins d'analyser dans le cadre des négociations d'adhésion dans quelle mesure une harmonisation des droits serait nécessaire.

Seraient probablement concernés les dossiers suivants, notamment: label écologique, reprise de la législation européenne sur les produits chimiques (en particulier l'ordonnance REACH) et les produits phytosanitaires, réglementation sur les OGM,

152 153 154

JO C 115 du 9 mai 2008, p. 13.

JO C 115 du 9 mai 2008, p. 47.

Le Royaume-Uni, la Pologne et la République tchèque (cette dernière afin de débloquer la ratification du Traité de Lisbonne) ont négocié des exceptions relatives aux droits économiques et sociaux contenus dans la Charte des droits fondamentaux, en vertu desquelles les droits mentionnés au chapitre IV de la Charte ne sont justiciables dans ces Etats que si leur droit national les reconnaissent déjà.

6706

adaptation de l'ordonnance sur les accidents majeurs à la directive Seveso II155 en ce qui concerne l'information active du public, et aménagement du territoire à proximité des sites qui présentent un risque chimique potentiel, alignement sur la politique climatique européenne (énergies renouvelables, séquestration du carbone et carburants, notamment), reprise de la directive 2000/60/CE sur les eaux (adaptation des procédures et structures institutionnelles pour l'aménagement des bassins versants) et adaptations dans le domaine de la protection des espèces et des biotopes (par ex.

sur la base de Natura 2000 ou de la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages156).

Avec le traité de Lisbonne, l'UE continuera à oeuvrer, au travers de l'ensemble de ses politiques et actions, pour un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Le concept de développement durable y a été précisé, renforcé et étendu aux relations extérieures. La promotion, sur le plan international, de mesures contre le changement climatique y a été spécifiquement retenue et l'UE a reçu des compétences nouvelles dans le domaine de l'énergie. En outre, le septième programme d'action pour l'environnement et en voie d'élaboration et de validation.

Il proposera des mesures concrètes de protection de l'environnement, notamment dans le domaine de l'utilisation efficace des ressources.

L'environnement étant une compétence partagée entre l'UE et les Etats membres, ceux-ci n'exercent leur compétence que dans la mesure où celle-là n'a pas exercé la sienne (art. 2, par. 2 TFUE157). Eu égard au principe de subsidiarité (art. 5 TUE158), l'UE exerce toutefois sa compétence seulement si, et dans la mesure où, les objectifs envisagés ne peuvent être atteints de manière suffisante par les Etats membres.

3.7.10

Politique des transports

Si l'accord bilatéral sur le transport aérien garantit à la Suisse une intégration au marché du transport aérien de l'UE (la législation suisse reprend à quelques exceptions près les dispositions de l'UE correspondantes), l'accord sur les transports terrestres régit essentiellement le transport de marchandises et de voyageurs par le rail et la route. Le droit suisse a certes repris l'acquis de l'UE sur de nombreux points (dispositions sociales applicables aux chauffeurs, normes techniques pour les camions, etc.), mais d'importantes différences subsistent au niveau du transport terrestre, qui nécessiteraient d'être éliminées en cas d'adhésion à l'UE. La libéralisation du secteur ferroviaire est par exemple nettement plus avancée au sein de l'UE, et la Suisse serait contrainte d'adopter dans les meilleurs délais les prescriptions correspondantes. La politique des transports de l'UE vise également des domaines qui ne sont pas couverts par l'accord sur les transports terrestres, comme la navigation ou les initiatives dans le domaine de la mobilité urbaine.

Enfin, une adhésion de la Suisse à l'UE poserait inévitablement la question du maintien du système de redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP). Alors que la RPLP (qui possède une base légale reconnue internationale155

Directive 96/82/CE du Conseil du 9 déc. 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, JO L 10 du 14.1.1997, p. 13.

156 Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avr. 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, JO L 103 du 25.4.1979, p. 1.

157 JO C 115 du 9 mai 2008, p. 47.

158 JO C 115 du 9 mai 2008, p. 13.

6707

ment depuis l'entrée en vigueur de l'accord bilatéral sur les transports terrestres) permet d'internaliser les coûts externes du trafic de poids lourds, l'UE n'applique pas encore aussi complètement le principe de causalité (ou «du pollueur-payeur») dans le domaine des transports. La révision de la directive «Eurovignette»159 devrait certes entraîner l'adaptation du cadre général de perception des péages et l'intégration de certains coûts externes, mais il n'est pas encore établi que les coûts de congestion du trafic puissent à l'avenir être internalisés au sein de l'UE. Dans ce contexte, il est difficile de dire si, dans l'hypothèse d'une adhésion de la Suisse à l'UE, le système RPLP serait compatible en l'état avec les règles européennes.

3.8

Adhésion à l'UE assortie de certaines dérogations

«Adhésion à l'UE assortie de dérogations» L'UE exige en principe des candidats à l'adhésion qu'ils reprennent la totalité de l'acquis de l'UE. Néanmoins, si la Suisse devait envisager une adhésion, elle pourrait tenter de négocier des dérogations dans certains domaines particulièrement sensibles, afin de pouvoir conserver son autonomie.

L'intégration différenciée sous toutes ses formes fait l'objet de réserves et de réticences au sein des institutions européennes. La Commission s'est notamment efforcée de ne tolérer aucune dérogation à l'acquis de l'UE lors des négociations d'adhésion des douze nouveaux membres de l'UE. En particulier, les petits Etats membres craignent une perte d'influence qui compliquerait la défense de leurs intérêts. Il y a cependant un consensus autour de la reconnaissance du fait qu'un assouplissement n'est pas forcément synonyme d'affaiblissement, voire de démantèlement de l'acquis de l'UE et du tissu institutionnel. Du reste, le thème de l'intégration différenciée revient périodiquement sur le devant de la scène, notamment dans le contexte des négociations en cours en vue de l'adhésion potentielle de la Turquie à l'UE. Le souci demeure marqué de ne pas multiplier les exceptions au profit de certains Etats membres, et ce tout particulièrement s'agissant des exigences de reprise de l'acquis en cas d'adhésion. Dans cette logique, des éventuelles exceptions ne se conçoivent qu'à titre temporaire (mécanisme d'opt-in), même si leur durée peut être indéfinie160. A l'inverse, la poursuite de l'élargissement de l'UE devrait favoriser des solutions allant dans une perspective d'exceptions durables (opt-out), au moins dans certains domaines sensibles comme la politique de sécurité et de défense commune, afin de ne pas bloquer totalement les progrès de l'intégration. Il se pourrait donc que des solutions flexibles à long terme soient susceptibles de se multiplier dans les domaines où la non-participation en raison d'une 159

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, COM (2008 436).

160 Ainsi le Traité de Lisbonne prescrit-il par exemple que des «coopérations renforcées» sont possibles pour permettre à certains Etats membres de poursuivre l'intégration sans attendre l'accord de tous les autres. De telles coopérations nécessitent la participation d'au moins neuf Etats membres et une autorisation du Conseil. Elles sont ouvertes à tout moment aux autres Etats membres.

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sensibilité particulière ne concernerait qu'un seul Etat membre ou un petit nombre d'entre eux. En outre, il convient de tenir compte du fait que le processus d'élargissement de l'UE rencontre de plus en plus de résistance au sein de l'Union et de ses Etats membres. On peut dès lors se demander si une UE qui s'étend continuellement pourra continuer de fonctionner comme elle l'a fait jusqu'ici. Va-t-elle offrir à l'avenir des modèles d'intégration flexibles allant moins loin qu'une adhésion pure et simple tout en dépassant les accords de coopération classiques avec des Etats tiers? En l'état, on ne peut exclure que l'UE propose à l'avenir d'autres choix aux Etats tiers que la qualité d'Etat membre ou des accords de type classique. Cela pourrait également influer sur l'attitude future de l'UE vis-à-vis de la Suisse.

3.8.1

Aspects institutionnels

Du point de vue de la reprise de l'acquis, le scénario d'une adhésion à l'UE assortie de certaines dérogations ne se différencierait de l'adhésion pure et simple que par le fait que, dans les domaines où s'appliquerait un régime dérogatoire, la Suisse ne participerait tout bonnement pas à la prise de décision, comme c'est par exemple le cas pour les Etats de l'UE qui, ne faisant pas partie de l'union monétaire, ne participent pas non plus aux décisions de l'eurogroupe.

Sur le plan des procédures, les conséquences d'une adhésion du point de vue des institutions pourraient, le cas échéant, être atténuées s'il était possible de négocier avec l'UE des règles en matière de transposition de la législation européenne permettant de respecter les procédures prévues par notre ordre constitutionnel et législatif interne, y compris la tenue d'éventuels référendums. De telles règles concerneraient en premier lieu les délais de transposition, lesquels devraient être suffisamment longs. Elles pourraient également traiter des conséquences d'éventuelles difficultés de transposition suite, par exemple, au résultat négatif d'un référendum. A ce dernier égard, il convient toutefois de tenir compte de l'importance qu'attache l'UE à l'homogénéité du droit. Il est donc à prévoir qu'elle pourrait s'accommoder, au mieux, d'écarts minimes ou pour une durée limitée, à l'instar des contradictions existant ça et là entre le droit national et le droit européen dans différents Etats membres. Si ces écarts devaient être plus grands, la conséquence pourrait être l'ouverture par la Commission européenne de procédures d'infraction à l'égard de la Suisse, lesquelles pourrait aboutir à un arrêt de la CJUE condamnant la Suisse et, le cas échéant, à de lourdes amendes. En dernière instance, une non transposition suite à des décisions populaires négatives pourrait conduire la Suisse à abandonner son statut d'Etat membre de l'UE.

3.8.2

Politique étrangère, de sécurité et de défense commune

La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) sont abordées au ch. 3.7.2.

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3.8.3

La question du parallélisme

Dans l'hypothèse d'une adhésion de la Suisse à l'UE, même assortie de dérogations, la question du parallélisme entre dossiers de négociations ne se poserait plus.

3.8.4

Exigences de l'UE dans le domaine fiscal

La fiscalité directe au sein de l'UE relève principalement de la compétence des Etats membres, l'adoption de règles communes de l'Union requérant l'unanimité du Conseil. En matière de fiscalité indirecte, les règles régissant le prélèvement de la TVA ­ laquelle finance une partie du budget de l'UE ­ ont été grandement harmonisées. Le taux minimum de TVA est de 15 % dans l'UE, mais de nombreux Etats appliquent des barèmes supérieurs. Certains Etats ont obtenu des aménagements techniques sous la forme de délais de transition. Les membres de l'UE bénéficient d'une certaine marge de manoeuvre dans la détermination de l'assiette de la TVA pour certains produits, ce qui serait également le cas pour la Suisse en cas d'adhésion. Dans le domaine des impôts directs, seule une partie de l'imposition des revenus de l'épargne a été alignée sur la directive sur la fiscalité de l'épargne. Le Luxembourg et l'Autriche bénéficient d'une solution transitoire sous la forme de l'impôt à l'agent payeur, alors que les autres Etats membres appliquent entre eux le principe de l'échange automatique d'informations afin de garantir l'imposition de l'épargne dans le pays de résidence. La pratique dérogatoire de l'Autriche et du Luxembourg est cependant de plus en plus contestée au sein de l'UE, ce qui pose la question de savoir si en cas d'adhésion la Suisse pourrait se voir accorder le droit de conserver le même régime transitoire: en tout état de cause, cela supposerait des négociations. Les règles régissant les impôts à la consommation (droits d'accise) ont elles aussi été harmonisées au sein de l'UE, même si les Etats membres disposent d'une certaine latitude dans leur mise en oeuvre technique. Eu égard aux critiques exprimées depuis 2005 par l'UE sur certains aspects de l'imposition cantonale des sociétés (qui constituent pour la Commission européenne des aides d'Etat interdites par le droit de l'UE), il ne faut pas s'attendre à une évolution de la position européenne dans ce dossier en cas d'adhésion de la Suisse à l'UE. A ce propos, il convient de souligner que les prétentions de l'UE seraient susceptibles de limiter la compétitivité fiscale ainsi que la marge de manoeuvre de la Suisse, à tout le moins dans la mesure où des mesures fiscales appropriées ne seraient pas prises. De telles mesures (en particulier des baisses
de taux d'imposition) peuvent toutefois conduire à une réduction des recettes, surtout dans le domaine de l'imposition des entreprises, lesquelles, à leur tour, impliqueraient la nécessité de compensations soit du côté des recettes, soit du côté des dépenses. Quelle que soit l'option de politique européenne analysée, cette tendance demeure.

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3.8.5

Accès au marché

Une adhésion à l'UE entraînerait une intégration totale de la Suisse dans le marché intérieur européen, dont l'accès serait garanti aux opérateurs de la quasi-totalité des secteurs économiques. Les exemples de dérogations à ce principe sont rarissimes161.

Peut-être serait-il possible de se mettre d'accord dans le cadre des négociations d'adhésion sur des dispositions transitoires qui permettraient de préparer l'ouverture complète du marché dans certains secteurs sensibles.

3.8.6

Politique économique et monétaire

Un candidat à l'adhésion doit en principe reprendre et appliquer l'ensemble des règles de l'UE. L'euro est au coeur de l'Union économique et monétaire (UEM) et fait partie intégrante de l'acquis de l'UE. Certains Etats membres ont toutefois décidé provisoirement de ne pas faire partie de la zone euro. La Grande-Bretagne et le Danemark ont ainsi obtenu une clause d'exemption qui fait l'objet de protocoles annexés au traité sur l'Union européenne. D'autres Etats membres ne satisfont tout simplement pas à tous les critères économiques ou juridiques de convergence économique ou légale. Les Etats peuvent ainsi décider de faire partie ou non de l'Union monétaire, ou en en être empêchés. La Suède, par exemple, refuse volontairement de participer au mécanisme européen de taux de change. Une participation sans heurts et sans dévaluation volontaire à ce mécanisme pendant au minimum deux ans suffirait à la Suède pour remplir les conditions techniques de participation à l'Union monétaire, car elle satisfait déjà aux autres critères de convergence économique, à savoir une inflation modérée, des taux d'intérêt à long terme relativement bas et un budget public acceptable. La Suède devrait toutefois encore achever la mise en conformité de sa législation aux exigences de l'union monétaire.

Le problème récurrent de la dette de nombreux Etats membres de la zone euro prouve que l'Union monétaire reste menacée par des déséquilibres structurels et par des écarts de compétitivité et de balance des paiements qui pèsent sur la zone euro, malgré la convergence tendancielle des économies nationales. Eu égard aux incertitudes qui planent sur l'avenir de la monnaie unique, une adhésion à l'UE sans participation à l'union monétaire serait une option envisageable, même s'il est fort probable que la Suisse remplisse les critères de convergence économiques qui conditionnent la participation à l'UEM. Cette forme d'adhésion permettrait à la Suisse de conserver son autonomie en matière de politique économique (et notamment monétaire), alors qu'une participation à la zone euro l'obligerait à s'en remettre à la Banque centrale européenne. Une telle option lui permettrait également de suivre une politique de stabilité autonome et adaptée à la situation particulière de la Suisse.

Une participation à l'UE sans reprise de la monnaie
unique comporterait tout de même l'obligation de rendre des comptes sur la politique économique nationale, notamment dans le domaine budgétaire. Conformément aux traités de l'UE, les Etats 161

Dans le traité d'adhésion à l'UE, la Suède a obtenu une exception concernant la production et la mise sur le marché du «snus» (tabac à usage oral) pour autant que la Suède prenne toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que ledit produit ne soit pas mis sur le marché dans d'autres États membres de l'UE ou de l'EEE (à l'exception de la Norvège, qui a obtenu une exception comparable au sein de l'EEE).

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membres considèrent la politique économique comme participant d'un enjeu commun en vue d'une coordination étroite. Ils fournissent à la Commission des informations sur les principales mesures économiques nationales, qu'elle remet ensuite sous forme de rapport au Conseil européen, qui en débat. Dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, le Conseil peut également imposer une discipline budgétaire aux pays qui ne participent pas à l'union monétaire. En cas d'adhésion de la Suisse à l'UE et compte tenu de son droit pertinent (notamment le mécanisme du frein à l'endettement162), cet instrument d'incitation des Etats membres à la discipline budgétaire, non seulement ne poserait aucun problème, mais constituerait même au contraire un avantage puisque les déficits budgétaires excessifs et persistants que connaissent certains Etats membres ne servent ni l'UE en général, ni la Suisse en particulier.

Mis à part la possibilité d'un ajournement de l'adhésion à l'union monétaire ou de la négociation d'une clause dérogatoire, la Suisse ne pourrait probablement pas se soustraire aux autres dispositions essentielles du marché intérieur de l'UE et en particulier de la politique économique commune. Le lecteur est renvoyé à cet égard aux considérations figurant sous le ch. 3.7.6.

3.8.7

Coûts directs

Les possibilités pour la Suisse de déroger en cas d'adhésion à une participation à certains agences ou programmes de l'UE n'ont pas été analysées. Le lecteur est renvoyé au ch. 3.7.7.

3.8.8

Politique sociale

En cas de négociations d'adhésion, il n'est pas exclu que la Suisse puisse également bénéficier de dérogations dans le domaine social. Ces dernières pourraient notamment concerner la Charte des droits fondamentaux de l'Union, puisque trois Etats membres (le Royaume-Uni, la Pologne et la République tchèque) bénéficient déjà d'un régime spécial. Quand à la question de savoir si pour la Suisse ces dérogations seraient souhaitables, elle devrait être analysée sous l'angle politique et juridique.

Il est en revanche peu probable que la Suisse obtienne des concessions dans les domaines de la politique sociale directement liés à la libre circulation des personnes.

La coordination des systèmes de sécurité sociale revêt en effet ici une importance primordiale. En signant l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes (ALCP), la Suisse a déjà repris les dispositions légales pertinentes de l'UE et adapte périodiquement l'annexe II ALCP aux développements de la législation de l'UE. Il est très peu probable que la Suisse puisse bénéficier d'un régime spécifique dans ce domaine clé du fonctionnement de la libre circulation des personnes.

162

Art. 126 Cst. (RS 101) et loi fédérale sur les finances de la Confédération (RS 611.0).

6712

3.8.9

Politique environnementale

Les Etats membres peuvent déjà maintenir, voire introduire, des normes environnementales plus strictes que les standards minimaux prescrits par l'UE dans la mesure où elles ne provoquent aucune distorsion de concurrence. Dans le cadre de négociations d'adhésion, la Suisse pourrait, à l'image notamment des Etats ayant rejoint l'UE en 1995, revendiquer le maintien de certaines dispositions plus strictes (concernant par exemple les critères de durabilité des biocarburants). S'agissant des nombreuses normes environnementales considérées comme de simples minima, il ne sera pas nécessaire de négocier des dérogations.

A l'inverse, il est douteux que la Suisse, dans l'hypothèse où elle le souhaiterait, puisse appliquer des normes environnementales moins strictes que celles de l'UE.

3.8.10

Politique des transports

Etant donné que la Suisse a déjà repris l'acquis de l'UE dans le cadre de l'accord bilatéral sur le transport aérien, la question d'une possible clause de non participation («opt-out») ne se pose guère.

Notre pays pourrait en revanche tenter d'obtenir des dérogations dans le domaine des transports terrestres. Il cependant probable que celles-ci ne puissent concerner les principes d'accès au marché intérieur des transports et les principes d'organisation du marché ­ notamment dans le secteur ferroviaire ­, où la Suisse n'aurait sans doute d'autre choix que de reprendre la totalité de l'acquis de l'UE. En revanche, il serait envisageable de négocier le maintien du système RPLP, dans la mesure où il représente l'exemple le plus abouti d'une internalisation généralisée et nondiscriminatoire des coûts externes, qui, servant une amélioration de l'efficience et de la compatibilité écologique du trafic poids lourds de marchandises, vise des objectifs a priori sont aussi ceux de l'UE.

4

Conclusions et priorités de la politique européenne à court et moyen termes

4.1

La politique européenne, partie intégrante de la politique extérieure de la Suisse

Même si les centres d'influence politique et économique se déplacent durablement, notamment vers l'Asie, l'UE demeure notre plus proche partenaire sur le plan géographique, économique et culturel. La part qu'elle représente dans nos échanges (environ 60 % de nos exportations et 80 % de nos importations) est demeurée stable au cours des vingt dernières années. L'UE demeure donc le principal enjeu de notre politique extérieure et de notre politique économique extérieure.

6713

La politique européenne vise à préserver nos intérêts vis-à-vis de l'UE163. Cela implique pour la Suisse de poursuivre ses efforts afin de conserver sa marge de manoeuvre décisionnelle (objectif de sauvegarde de l'indépendance de la Suisse), de maintenir un accès approprié de ses opérateurs au marché de l'UE (objectif de sauvegarde de la prospérité), et de demeurer un partenaire européen fiable et solidaire dans la défense et la promotion de valeurs communes, telles, par exemple, la lutte contre la pauvreté, la promotion du respect des droits de l'homme et de la démocratie, la sécurité du droit ou la préservation des ressources naturelles.

A ce jour, ces objectifs ont été largement atteints grâce à l'instrument de la voie bilatérale et sectorielle, en particulier s'agissant des critères de prospérité et de sécurité. Depuis la conclusion des deux paquets d'accords bilatéraux, le développement des échanges économiques, humains et sociaux, l'intensification de la coopération dans les domaines de la police, des migrations, mais aussi de la culture, de la formation et de la recherche, témoignent de ce succès. Ce bilan est d'autant plus positif que ces accords sont salués en Suisse par quasiment tous les milieux directement intéressés. De plus, la voie bilatérale bénéficie du soutien du peuple suisse, clairement exprimé dans les urnes à de nombreuses reprises.

Comme le démontre le présent rapport, le bilan en termes de souveraineté et d'autonomie est plus nuancé. Le Conseil fédéral n'a jamais occulté le fait que la voie bilatérale n'est pas aisée. Elle implique que chaque nouvel accord soit négocié, parfois âprement. A cet égard, les évolutions intervenues au sein de l'UE et décrites dans le présent rapport ont pour effet de rendre plus difficile la négociation de solutions qui s'écartent de l'acquis de l'UE. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle plusieurs négociations en cours se trouvent actuellement bloquées. De plus, le statut de non-membre vaut à la Suisse un certain nombre d'inconvénients, qui vont croissant en raison des évolutions examinées dans le présent rapport. Il s'agit en particulier:

163

­

d'un déficit en termes d'influence sur des normes qui, avec ou sans accords avec l'UE, touchent directement la Suisse et qui se traduisent par des limitations en termes de souveraineté dans la mesure où la Suisse adopte ensuite ces normes, de façon autonome ou dans le cadre d'accords, pour éviter des situations défavorables en termes de compétitivité;

­

de l'absence d'un accès plein et entier au marché intérieur de l'UE, ainsi que d'une clause générale d'interdiction de discrimination;

­

d'une insécurité juridique latente, liée à la possibilité que de nouvelles réglementations de l'UE puissent créer ­ en tout temps ­ de nouveaux obstacles en termes d'accès au marché ainsi qu'à la relative complexité des mécanismes d'adaptation des accords bilatéraux aux évolutions du droit de l'UE.

De surcroît, en cas de non-adaptation des accords des Bilatérales I, la «clause guillotine» qu'ils contiennent pourrait, le cas échéant, être mise en oeuvre.

Aux termes de l'art. 54 Cst., la Confédération s'attache à préserver l'indépendance et la prospérité de la Suisse; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu'à promouvoir le respect des droits de l'homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles.

6714

4.2

La voie bilatérale demeure l'instrument approprié de politique européenne de la Suisse

Ces évolutions constituent autant de défis pour la voie bilatérale, sans pour autant la rendre impraticable. Compte tenu de leurs relations extrêmement étroites, la Suisse et l'UE ont un intérêt commun à trouver des solutions au moyen d'accords spécifiques dans de nombreux domaines. Toutefois, il s'avère que poursuivre sur la voie bilatérale est devenu plus difficile. En effet, l'UE revendique de plus en plus que les accords conclus avec notre pays s'accompagnent d'une reprise intégrale de son droit interne pertinent, tout en ne cessant d'élargir sa définition et en demandant que les nouveaux accords intègrent des mécanismes contraignants entraînant leur adaptation aux développements de l'acquis. Cela étant, l'UE peut aussi faire preuve de pragmatisme, comme cela a récemment été le cas avec l'accord sur la facilitation et la sécurité douanières («règle des 24 heures»), dossier dont les enjeux étaient aussi importants pour elle que pour la Suisse.

Compte tenu du bilan largement positif à ce jour de la voie bilatérale et du fait que la poursuite et le développement des relations entre la Suisse et l'UE est dans l'intérêt mutuel, le Conseil fédéral estime qu'un changement abrupt de stratégie n'est, actuellement, pas opportun et qu'une entente bilatérale avec l'UE qui permette une gestion des relations conforme aux intérêts des deux parties reste en principe possible. Il en va d'autant plus ainsi que l'UE profite également dans une large mesure des accords conclus avec la Suisse et qu'il est donc légitime d'attendre qu'elle contribue à la recherche de solutions à cet égard. Ainsi, pour le Conseil fédéral, une poursuite fructueuse de la voie bilatérale est possible à l'avenir, dans la mesure où: a)

Elle continue de s'inscrire dans le respect mutuel de la souveraineté des deux parties et du bon fonctionnement de leurs institutions. En particulier, il ne saurait y avoir de reprise automatique des développements de l'acquis dans les domaines ayant fait l'objet d'accords, sous peine de voir la Suisse devenir de facto membre de l'UE, qui plus est sans droit de vote ni possibilité de codécision;

b)

Des mécanismes institutionnels doivent permettre de faciliter le fonctionnement des accords, aux fins d'une consolidation et d'une sécurisation de l'instrument de la voie bilatérale;

c)

L'équilibre des intérêts des deux parties est préservé, notamment dans le cadre des dossiers en cours ­ Par la prévention de nouvelles barrières dans l'accès réciproque aux marchés, ­ Par l'élargissement de nos relations à de nouveaux domaines de coopération, lorsque l'intérêt réciproque des parties le requiert, ­ Par le maintien de conditions-cadre équitables, notamment en matière fiscale.

d)

La Suisse poursuit son engagement dans les domaines du maintien de la paix, de la préservation de la stabilité politique, économique et sociale ou en faveur du développement durable. Cet engagement confère en effet à notre politique européenne une dimension de responsabilité partagée et de solidarité qui complète et renforce la défense de nos intérêts immédiats.

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Il convient cependant de préciser que la voie bilatérale ne pourra servir les intérêts de la Suisse et rencontrer ceux de nos partenaires européens que si nous sommes capables de coordonner nos efforts dans les différents domaines de discussion. C'est considérée dans sa globalité que l'approche bilatérale est la mieux à même de permettre la nécessaire convergence des intérêts de la Suisse et de ceux de l'UE.

Il convient en outre de tenir compte du fait que, sur le plan interne, la densité croissante de nos relations avec l'UE pose certaines difficultés sur le plan de nos institutions, notamment s'agissant de l'intensification du processus législatif de l'UE et de ses effets sur la Suisse. On constate à cet égard un manque de ressources croissant en personnel au sein de l'administration comme des services de l'Assemblée fédérale, de même que des procédures qui s'avèrent trop lentes et trop lourdes. Des améliorations sur ces points sont souhaitables, mais ne sont réalisables qu'au prix de l'engagement de ressources significatives. Un constat similaire doit être fait par rapport au fédéralisme suisse. Le Conseil fédéral a déjà mis en discussion des propositions de réformes à ce propos dans son rapport de 2007 sur le fédéralisme164 et il est disposé à entamer le dialogue avec les cantons sur ce sujet en tenant compte de leur récente prise de position de politique européenne et de certaines de leurs propositions165. Il rappelle toutefois que la politique étrangère relève en premier lieu de la Confédération, de même qu'il relève que les cantons doivent eux aussi absolument procéder à certaines réformes, notamment en vue d'une meilleure coordination, s'ils souhaitent pouvoir exercer leurs droits de participation en matière de politique européenne de façon efficace, en temps utile et avec la légitimité démocratique requise.

L'aptitude des instruments bilatéraux à servir ainsi les intérêts de la Suisse est cependant continuellement mise à l'épreuve des faits, notamment en regard de l'intérêt de l'UE à préserver et développer les accords bilatéraux existants et à négocier de nouveaux accords lorsque la situation le demande. En particulier, la préservation de la capacité d'agir de notre pays représente une condition essentielle. En outre, si, pour le Conseil fédéral, la voie bilatérale demeure actuellement
l'instrument le plus approprié de politique européenne, rien n'exlut qu'il puisse en aller autrement à l'avenir et qu'en fonction des évolutions, d'autres instrument soient susceptibles de mieux servir les intérêts du pays. C'est la raison pour laquelle, le Conseil fédéral continuera à soumettre les divers instruments de politique européenne à un examen et une évaluation permanents, afin d'être à même de procéder à leur adaptation en tant que nécessaire, en fonction des évolutions.

4.3

Orientations et priorités pour les prochaines étapes de la politique européenne

Le Conseil fédéral considère que la voie bilatérale demeure actuellement l'instrument le plus approprié pour la politique européenne de la Suisse. Des efforts seront entrepris en vue de sa consolidation, sa sécurisation et son développement. A cet effet:

164 165

Rapport sur le fédéralisme du 15 juin 2007, FF 2007 5605.

Etat des lieux en politique européenne, adopté le 25 juin 2010 par la Conférence des gouvernements cantonaux (www.cdc.ch).

6716

1.

Les négociations actuellement en cours avec l'UE seront poursuivies et conclues.

2.

Les travaux seront poursuivis en vue de la conclusion de nouveaux accords sur les objets pour lesquels le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation (participation de la Suisse à REACH, à Galileo/EGNOS, système d'échange de quotas de gaz à effet de serre, arrangement administratif avec l'Agence européenne de défense (AED), coopération entre autorités d'admission des médicaments et coopération entre autorités de concurrence).

3.

Les questions institutionnelles qui se posent dans le contexte des accords bilatéraux ­ qui comprennent, entre autres, les modalités de l'adaptation des accords aux développements de l'acquis communautaire, l'interprétation des accords et le règlement des différends ­ seront examinées, conjointement avec l'UE en vue d'élaborer des solutions qui facilitent leur fonctionnement tout en tenant dûment compte du respect de la souveraineté des deux parties et du bon fonctionnement des institutions.

4.

Le Conseil fédéral examinera l'opportunité d'entamer un dialogue avec l'UE sur le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises, ainsi que les conditions et les paramètres d'une discussion avec l'UE sur la révision de la fiscalité de l'épargne et des aspects de l'échange d'informations à la demande.

5.

Sur tous ces points, le Conseil fédéral mènera une approche coordonnée, de même que dans l'optique de négociations futures.

6.

Pour tenir compte des évolutions de la voie bilatérale, le Conseil fédéral entend mener avec l'Assemblée fédérale et les cantons une réflexion approfondie sur les mesures susceptibles d'être prises en vue d'adapter les méthodes de travail de l'exécutif et du législatif, ainsi que s'agissant de la participation des cantons à la politique européenne. Au besoin, il fera des propositions de réformes. En tout état, il veillera à ce que les réformes envisagées par ailleurs tiennent dûment compte de la nécessité de permettre une défense optimale des intérêts suisses à l'égard de l'UE.

7.

Le Conseil fédéral continuera l'évaluation permanente des divers instruments de politique européenne afin d'être à même de procéder à des adaptations en fonction des évolutions.

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