ad 10.049 Message complémentaire concernant la modification de la loi fédérale sur les banques (avoirs en déshérence) du 1er octobre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message complémentaire au message du 12 mai 2010 concernant la modification de la loi fédérale sur les banques (garantie des dépôts), nous vous soumettons une nouvelle modification de la loi fédérale sur les banques (avoirs en déshérence) en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er octobre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-2001

6853

Condensé Par le présent message complémentaire concernant la modification de la loi fédérale sur les banques, le Conseil fédéral propose l'introduction dans la loi sur les banques d'une disposition régissant la liquidation des avoirs en déshérence.

Dans son message du 12 mai 2010 concernant la modification de la loi fédérale sur les banques (garantie des dépôts)1, le Conseil fédéral a notamment proposé au Parlement l'introduction dans la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques (LB)2 d'une nouvelle section 13a «Avoirs en déshérence», sous la forme d'un nouvel art. 37l. Ce dernier règle le transfert d'avoirs en déshérence à un institut bancaire repreneur et la défense des intérêts des créanciers. Comme le message le précise, cette disposition ne doit pas anticiper une réglementation générale relative à l'exigibilité et à la déchéance des avoirs en déshérence. L'intention était d'élaborer une telle réglementation dans le cadre d'une solution légale globale pour les avoirs en déshérence. Entre-temps, les résultats de la consultation sur un avant-projet de loi fédérale portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence) ont montré qu'une solution approuvée par une majorité ne pouvait non plus être trouvée en droit privé. On doit par conséquent admettre que les efforts consentis depuis 1999 et visant une solution globale au problème des avoirs en déshérence ont définitivement échoué. Dès lors, le Conseil fédéral a décidé de suspendre les travaux et de présenter au Parlement, parallèlement présent message complémentaire, un rapport proposant le classement de diverses interventions parlementaires en la matière. La situation reste toutefois insatisfaisante pour les banques qui, depuis des décennies, ne parviennent pas à renouer le contact avec des clients, notamment parce que le secret bancaire interdit une publication en l'absence de base légale explicite.

On peut améliorer cette situation insatisfaisante par l'introduction d'une disposition relativement simple dans la loi sur les banques. La réglementation proposée donne la possibilité aux banques qui reprennent des avoirs en déshérence de les liquider moyennant une publication préalable. Le produit de la liquidation reviendrait à la Confédération, et le droit des ayants droit
qui ne se seront pas manifestés à la suite de la publication s'éteindra avec la liquidation. Les détails devront être réglés dans une ordonnance du Conseil fédéral. De cette façon, la place bancaire suisse sera en mesure de liquider ces dossiers en attente de règlement en se fondant sur une base légale et en préservant les intérêts des ayants droit.

1 2

FF 2010 3645 RS 952.0

6854

Message 1

Caractéristiques du projet

1.1

Contexte3

1.1.1

La notion d'«avoirs en déshérence»

Les avoirs en déshérence sont des droits qui reviennent à une personne avec laquelle le débiteur a perdu tout contact. Pour ce qui est des banques, ils concernent notamment le contenu de compartiments de coffre-fort et des dépôts de clients. A cet égard, il faut signaler que les créances (droits découlant d'obligations) se prescrivent en général par dix ans (art. 127 du code des obligations; CO4)5. Par contre, les droits réels ne sont en principe pas susceptibles de prescription (art. 641, al. 2, du code civil; CC6). Demander la restitution de choses, par exemple des pièces d'or, déposées dans un compartiment de coffre-fort (art. 472 ss CO) reste donc possible même après plusieurs décennies. Les cas de l'acquisition par un tiers de bonne foi (art. 933 CC) et de la prescription acquisitive (art. 728 CC) sont toutefois réservés.

Le Tribunal fédéral a qualifié le contrat d'épargne de contrat de dépôt irrégulier (art. 481 CO; ATF 100 II 153 ss). La prescription de l'action du client (déposant) contre la banque (dépositaire) en restitution de l'argent déposé court dès l'extinction du contrat de dépôt (ATF 91 II 442 ss)7. Le contrat de dépôt s'éteint par sa résiliation (art. 475, al. 1, CO). La résiliation étant un acte sujet à récépissé, elle suppose que la banque sache où joindre le client. Or, dans le cas des avoirs en déshérence, cette condition n'est plus remplie et la créance découlant d'un contrat d'épargne ne peut donc se prescrire8. Ainsi, dans le contexte des avoirs en déshérence, la différence entre les droits réels et les droits découlant d'obligations doit être fortement relativisée.

3

4 5

6 7 8

Les considérations qui suivent reposent essentiellement, en les citant parfois, sur le rapport du mois d'août 2009 relatif à l'avant-projet de loi fédérale portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence; http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1660/Bericht.pdf), et sur le message du 12 mai 2010 (FF 2010 3645).

RS 220 Matériellement, la créance prescrite continue d'exister, mais lorsque le débiteur invoque la prescription, la créance ne peut plus être invoquée devant les tribunaux ordinaires ni être recouvrée avec le soutien de l'Etat.

RS 210 Critique: Alfred Koller, Verjährt oder nicht verjährt?, PJA 2000, pp. 243 ss, plus particulièrement p. 245 s.

Dans le cadre de l'autorégulation, les banques se sont engagées à garantir les droits du client et de ses ayants droit «lorsque les avoirs sont sans nouvelles» et à «renoncer à résilier les relations contractuelles avec un client pour le seul motif qu'elles demeurent sans nouvelles de lui» (cf. ch. 15 et 16 des directives de l'Association suisse des banquiers relatives au traitement des avoirs (comptes, dépôts et compartiments de coffre-fort) auprès de banques suisses lorsque la banque est sans nouvelles du client (http://www.swissbanking.org/114_f.pdf).

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1.1.2

Genèse

Lorsque la Suisse s'est trouvée confrontée à son histoire durant la Seconde Guerre mondiale, on a pu constater combien il était difficile et dispendieux de restituer à leurs ayants droit des avoirs tombés en déshérence, des années voire des décennies plus tard. La Suisse ne pouvait d'autant moins se désintéresser de ce problème concernant l'Europe entière qu'elle était considérée comme un havre («safe haven») pour le placement de capitaux et le dépôt de valeurs patrimoniales. Dans un échange de lettres confidentiel annexé à l'Accord de Washington de 1946 (dont certaines dispositions ont été remplacées par l'Accord de liquidation de 1952), les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni et la France ont exigé de la Suisse qu'elle transfère les avoirs des victimes du nazisme décédées aux forces alliées pour être distribuées aux organisations d'aide aux réfugiés. En 1949 et 1950, la Suisse a mené des négociations en vue d'un accord avec la Pologne et la Hongrie à propos des avoirs en déshérence. Enfin, à la fin de 1962, le Parlement a adopté un arrêté fédéral d'une durée de validité de dix ans sur les avoirs en Suisse d'étrangers ou d'apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques (RO 1963 427). En vertu de cet arrêté, le Conseil fédéral devait créer un fonds destiné à accueillir les avoirs définitivement en déshérence9.

Durant les années 1990, suite à la chute du rideau de fer, la Suisse et sa place financière durent une nouvelle fois se défendre de l'accusation de s'être enrichies sur le dos des victimes du nazisme10. Les banques suisses s'employèrent alors à faire émerger la vérité et à corriger les erreurs du passé. Une commission instituée en 1996 et présidée par Paul Volcker fut chargée d'identifier les comptes de victimes des persécutions nazies et de juger du traitement que leur avaient réservé les banques suisses11. En 1997, plusieurs listes de comptes dits dormants furent publiées et un Tribunal pour la liquidation des Plaintes (Claims Resolution Tribunal for Dormant Accounts in Switzerland, CRT) fut mis en place pour régler la procédure de revendication de ces avoirs. Aux Etats-Unis, le CS et UBS SA acceptèrent en 1999 une transaction de 1,25 milliard de dollars, dont 800 millions réservés pour les demandes fondées sur des avoirs en déshérence. Parallèlement, le Parlement chargea le Conseil

9

10

11

Cf. Rapport explicatif de l'avant-projet relatif à une loi fédérale sur les fonds en déshérence du DFJP, 2000, ch. 111, consultable à l'adresse http://www.ejpd.admin.ch/content/dam/data/wirtschaft/gesetzgebung/nachrichtenlosever moegen/vn-ber-f.pdf.

Précisions: Barbara Bonhage/Hanspeter Lussy/Marc Perrenoud, Nachrichtenlose Vermögen bei Schweizer Banken ­ Depots, Konten und Safes von Opfern des nationalsozialistischen Regimes und Restitutionsprobleme in der Nachkriegszeit, édité par la Commission Indépendante d'Experts Suisse ­ Seconde Guerre mondiale, vol. 15, Zurich 2001.

Cf. Comité Indépendant de Personnes Eminentes (ICEP), Rapport sur les comptes dormants des victimes des persécutions nazies dans les banques suisses/Report on Dormant Accounts of Victims of Nazi Persecution in Swiss Banks, Berne 1999.

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fédéral d'examiner le régime juridique applicable aux fonds en déshérence et de lui proposer les modifications législatives requises12.

1.1.3

Droit en vigueur

1.1.3.1

Prescriptions de droit public et de droit privé

Le droit en vigueur manque de précision quant à la possibilité pour une banque débitrice de se séparer avec effet libératoire d'avoirs en déshérence. La loi du 3 octobre 2003 sur la fusion13 n'offre pas non plus de possibilité, en dehors de la fusion, de transférer des avoirs en déshérence à un autre sujet de droit avec effet libératoire, tout risque d'exigibilité étant exclu. Il en résulte, particulièrement en cas de liquidation bancaire, de graves problèmes auxquels la législation actuelle ne peut apporter de réponse satisfaisante.

Une place financière moderne à orientation internationale exige que l'intermédiaire financier (débiteur) soit tenu de faire le nécessaire pour maintenir ou rétablir le contact avec le client (créancier). En revanche, le droit en vigueur n'impose au débiteur aucune obligation de principe de maintenir le contact avec le créancier.

Ainsi, le droit privé n'impose nullement au débiteur de rechercher un créancier. Au contraire, c'est le créancier qui supporte le risque d'une rupture de contact. En vertu de l'art. 91 CO, le créancier (le client d'une banque) est en demeure lorsqu'il refuse sans motif légitime d'accepter la prestation qui lui est régulièrement offerte ou d'accomplir les actes préparatoires qui lui incombent et sans lesquels le débiteur (la banque) ne peut exécuter son obligation. Lorsque le créancier est en demeure et porte ainsi préjudice au débiteur, ce dernier a le droit de consigner la chose et de se libérer ainsi de son obligation (art. 92 CO), ou de vendre la chose en question (art. 93 CO). Le tribunal est également compétent pour établir le décès ou l'absence du créancier (art. 34 ss CC)14.

Néanmoins, en vertu du principe général de la bonne foi (art. 1, al. 2, CC) et dans le cadre de ses obligations d'exécuter le contrat de façon conforme (art. 397, al. 1, CO), le débiteur doit s'assurer que le créancier puisse le contacter. Les dispositions de l'art. 720, al. 1, CC s'appliquent également: quiconque trouve une chose perdue est tenu d'en informer le propriétaire et, s'il ne le connaît pas, d'aviser la police ou de prendre les mesures de publicité et de faire les recherches commandées par les circonstances. Toutefois, le secret bancaire s'oppose à la publicité (art. 47, al. 1, let. a, LB). Lorsque le contact avec le client est perdu, de sorte que les avoirs tom12

13 14

Po. 96.3574 Nabholz 27.11.1996 «Fortunes tombées en déshérence»; Mo. 96.3610 Plattner 9.12.1996 «Fortunes tombées en déshérence»; Mo. 96.3606 Rechsteiner 9.12.1996 «Fortunes tombées en déshérence. Obligation de s'annoncer»; Mo. 96.3611 Groupe radical-libéral 10.12.1996 «Fortunes tombées en déshérence. Constitution d'un fonds»; Mo. 97.3306 Rechsteiner 18.6.1997 «Avoirs en déshérence datant de la Seconde Guerre mondiale. Implications juridiques»; Mo. 97.3369 Baumann 20.6.1997 «Avoirs en déshérence déposés auprès des banques suisses. Création d'un code de procédure civile»; Mo. 97.3401 Grobet 22.9.1997 «Fonds en déshérence. Au Conseil fédéral d'agir». Les motions 97.3306 Rechsteiner et 97.3401 Grobet sont encore en suspens. Les autres interventions ont été classées pour permettre la bonne application de la nouvelle loi sur le Parlement du 13 décembre 2002 (FF 2003 6269).

RS 221.301 Rapport (cf. note de bas de page 2), ch. 1.2.1.2 et 1.2.2.1.

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bent en déshérence, la banque concernée se trouve dans une situation d'insécurité juridique en ce qui concerne la portée exacte de ces règles du droit privé: elle ne sait en effet pas si et comment elle peut se séparer avec effet libératoire des avoirs en déshérence.

Le droit public n'oblige pas non plus le débiteur à maintenir le contact avec le créancier. En vertu de la jurisprudence relative au blanchiment d'argent, un intermédiaire financier doit toutefois identifier la partie avec laquelle il entretient des relations contractuelles, de même que l'ayant droit économique (art. 3 et 4 de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent; LBA15). La loi sur le blanchiment d'argent ne connaît toutefois aucune réglementation générale pour le cas où le contact avec le client est perdu.

1.1.3.2

Autorégulation du secteur bancaire

Les Directives de l'Association suisse des banquiers relatives au traitement des avoirs (comptes, dépôts et compartiments de coffre-fort) auprès de banques suisses lorsque la banque est sans nouvelles du client16 prescrivent aux banques des mesures propres à éviter que le contact avec le client ne soit perdu. Elles règlent également la procédure à suivre par la banque lorsque le contact est perdu malgré les mesures prises; en fait partie notamment l'obligation pour la banque de déclarer les avoirs en déshérence au médiateur des banques. Les directives contiennent encore des prescriptions concernant la gestion de tels avoirs. Les règles déontologiques ne remplacent toutefois pas une réglementation étatique, et elles ne sont pas en mesure de remettre en question le secret bancaire, qui interdit à la banque de porter à la connaissance de tiers une relation avec un client sans justification formelle, ce qui empêche notamment une publication.

1.2

Solutions étudiées

1.2.1

Avant-projet de loi fédérale sur les avoirs en déshérence (2000)

Conformément au mandat parlementaire17, le Conseil fédéral a soumis en consultation, durant l'année 2000, l'avant-projet d'une loi fédérale sur les avoirs non réclamés (LANR)18. En vertu de cet avant-projet, les acteurs financiers étaient tenus d'entreprendre tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter de perdre le contact avec le client et, le cas échéant, de le rétablir. En cas d'échec de ces tentatives, l'acteur financier devait, sous peine de sanction, déclarer les avoirs non réclamés à une centrale de recherche étatique. Cette dernière aurait alors publié la liste des avoirs en déshérence. Si cette publication n'incitait personne à s'annoncer, les avoirs en déshérence seraient revenus à la Confédération à l'expiration d'un délai de 50 ans.

15 16 17 18

RS 955.0 http://www.swissbanking.org/114_f.pdf Cf. supra, ch. 1.1.2.

http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1813/Ergebnis.pdf

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La consultation a donné des résultats contrastés. Le secteur des assurances a critiqué le champ d'application à ses yeux trop vaste. Les banques ont fait valoir que le projet ne tenait pas compte de l'autorégulation, considérablement renforcée en juin 200019, et voulait la remplacer par une réglementation de droit public. L'institution d'une centrale de recherche étatique a par ailleurs été jugée inutile, voire dangereuse, et la même appréciation a été portée sur la publication systématique d'avoirs en déshérence. Enfin, le transfert d'avoirs en déshérence à la Confédération a également suscité des critiques: d'aucuns y voyaient une expropriation anticonstitutionnelle, d'autres regrettaient que les cantons n'en profitent pas.

1.2.2

Commission d'experts «Loi fédérale sur les fonds en déshérence» (2004)

Face à cette situation, le Conseil fédéral a jugé indispensable une refonte totale de l'avant-projet. Le Département fédéral des finances a institué à cet effet une petite commission d'experts, qui a déposé en 2004 un projet global et entièrement revu de loi fédérale sur les avoirs non réclamés20. Par la suite, le Conseil fédéral a toutefois refusé une telle loi: il jugeait trop exhaustive une réglementation de droit public dans un seul texte.

1.2.3

Solution de droit privé (2009)

Le Conseil fédéral était favorable à une solution plus légère, raison pour laquelle il a chargé en 2007 le Département fédéral de justice et police de préparer un nouveau projet censé régler le problème des avoirs en déshérence par des modifications ponctuelles du droit des obligations et du code civil. Ces travaux ont débouché sur un avant-projet de loi portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence)21. Les modifications concernaient les règles applicables lorsque le créancier est en demeure (art. 91 ss CO), la déclaration d'absence (art. 35 ss CO) et la compétence territoriale dans le cadre de la nouvelle procédure civile. Le 28 août 2009, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation, qui s'est achevée le 30 novembre 2009.

Là encore, le projet a suscité une forte opposition des milieux intéressés. Sur le plan conceptuel, la solution de droit public était contestée, notamment en ce qui concerne la procédure de déclaration d'absence. Sur le plan matériel, les cantons se sont notamment opposés à ce que la Confédération soit désignée seule bénéficiaire.

19 20

21

Cf. note de bas de page 15.

Le Département fédéral des finances a publié les textes produits par la commission d'experts sur son site Internet, où ils peuvent être téléchargés.

Projet de loi: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/zahlen/00578/ 00911/index.html?lang=fr&download=NHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2q ZpnO2Yuq2Z6gpJCDdIJ4gWym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A-Rapport: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/zahlen/00578/ 00911/index.html?lang=fr&download=NHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ae2IZn4Z2q ZpnO2Yuq2Z6gpJCDdIJ4gGym162epYbg2c_JjKbNoKSn6A-http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1660/Vorlage.pdf

6859

Eu égard aux résultats de la consultation, le Conseil fédéral a décidé de suspendre également les travaux visant une solution de droit privé. On trouvera les détails à ce propos dans son rapport de ce jour22.

1.3

La réglementation proposée

1.3.1

Modification de la loi sur les banques selon le message du 12 mai 2010 (garantie des dépôts) ­ Transfert d'avoirs en déshérence (art. 37l LB)

Une partie de cet objet déjà transmis au Parlement se compose de dispositions visant à simplifier la procédure d'assainissement. Elles prévoient notamment la possibilité d'un transfert de certains domaines d'une banque à une autre. Dans ce cadre, l'art. 37l LB introduit une réglementation explicite du transfert d'avoirs en déshérence à une autre banque sans consentement des créanciers (les clients de la banque).

En autorisant le transfert d'avoirs en déshérence, on ouvre aux banques la possibilité de faire gérer de manière centralisée, par une banque spécialisée, ces valeurs patrimoniales dont elles ont la garde23.

1.3.2

Liquidation d'avoirs en déshérence (art. 37m LB)

1.3.2.1

La réglementation en vigueur

Comme mentionné précédemment, ni le droit privé, ni le droit public n'imposent au débiteur de garder le contact avec le créancier, pas plus que le droit ne règle le cas lorsque le contact est rompu. Seules les directives de l'Association suisse des banquiers24 prescrivent aux banques une série de mesures visant à éviter que le contact ne se perde. Elles règlent également la marche à suivre en cas de perte de contact et la gestion d'avoirs en déshérence. Il est important à cet égard que les banques respectent le secret bancaire dans la recherche des ayants droit, ce qui les empêche précisément de les appeler à se faire connaître par le biais d'une publication. Aussi longtemps que le contrat de dépôt ne peut être révoqué par l'impossibilité d'adresser une résiliation, les comptes abritant des avoirs en déshérence ne peuvent être soldés.

De plus, la déontologie impose aux banques de renoncer à la résiliation des rapports contractuels au motif qu'elles sont sans nouvelles de leur client. Pour ces raisons, de nombreuses banques se voient contraintes d'administrer des avoirs en déshérence, quelquefois durant des décennies, en veillant aux intérêts des clients. La voie du constat d'absence en droit privé, longue et coûteuse, n'est guère praticable pour les banques. A l'heure actuelle, on estime que les avoirs en déshérence gérés, en d'autres termes ces dossiers en attente de règlement, totalisent quelque 400 millions

22

23 24

Cf. «Loi fédérale portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence). Résultats de la procédure de consultation et suite des opérations. Rapport sur le classement d'interventions parlementaires sur les avoirs en déshérence».

FF 2010 3645, plus particulièrement pp. 3676 ss http://www.swissbanking.org/114_f.pdf

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de francs, même si, pris individuellement, il s'agit dans la plupart des cas de montants modestes.

Le nouvel art. 37l LB, déjà soumis au Parlement, est certes un premier pas dans la bonne direction en ce qu'il permet aux banques de se dessaisir d'avoirs en déshérence en les transférant à un autre établissement. Ces valeurs patrimoniales n'en continuent pas moins d'exister, même lorsque leur gestion est confiée à un autre institut ou, le cas échéant, qu'elle intervient de manière centralisée. Le problème de fond que posent ces dossiers en attente de règlement n'est donc pas résolu.

1.3.2.2

La solution proposée

En complément à l'art. 37l, al. 1, LB évoqué, qui permettra un changement de débiteur même en l'absence de consentement du créancier, il faut donc envisager une autre disposition (art. 37m LB) prévoyant une procédure qui autorisera, après publication, la banque reprenante à liquider les avoirs en déshérence de façon ordonnée et avec effet libératoire, à la condition qu'aucun ayant droit ne se soit fait connaître après ladite publication. Sont réputés ayants droit le détenteur du compte, ses héritiers, et éventuellement le canton ou la commune à qui échoit la succession (art. 466 CC). En partant de l'idée qu'après une publication infructueuse, les avoirs en question ne sont plus seulement en déshérence, mais qu'ils ne seront définitivement plus réclamés (et qu'ils ne pourront plus l'être), qu'ils n'ont pas conséquent plus de détenteur, la banque reprenante doit pouvoir liquider ou réaliser ces valeurs patrimoniales et bénéficier de l'effet libératoire en transférant le produit de la liquidation à la Confédération. Simultanément, on institue une justification légale de l'entorse au secret bancaire que constitue la publication d'une relation bancaire avec un client dont on n'a plus de nouvelles.

L'art. 37m LB, dans la teneur proposée, définit la procédure dans ses principes. Le Conseil fédéral devra régler les détails par voie d'ordonnance.

1.4

Justification et appréciation de la solution proposée

Bien que les solutions proposées jusqu'ici aient toutes été rejetées lors des procédures de consultation, tous les participants invités à se prononcer étaient au moins unanimes à déclarer qu'il convenait d'entreprendre quelque chose pour résoudre le problème des avoirs en déshérence, notamment parce qu'il n'existe encore pour les banques aucune solution satisfaisante et praticable.

La procédure de consultation à propos de la révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence) est terminée et ses résultats ont été analysés (on se référera au rapport du Conseil fédéral cité plus haut). L'article de loi proposé ici n'a pas fait l'objet d'une nouvelle consultation, non pas parce que l'on voulait inclure la nouvelle disposition dans les débats parlementaires en cours, mais surtout en raison du fait que les solutions les plus diverses proposées depuis plus de dix ans pour régler le problème des avoirs en déshérence ont déjà été largement discutées. Des solutions de droit public ont également été étudiées et les milieux concernés ont pu faire valoir leurs points de vue à de nombreuses reprises et à la faveur des procédures de consultation. Une consultation

6861

spécifique sur l'article proposé dans le présent message n'aurait pas apporté d'éléments nouveaux.

La procédure proposée garantit que toutes les démarches envisageables seront entreprises avant que les avoirs en déshérence ne puissent être liquidés. Elle assure la sécurité du droit tout en préservant autant que faire se peut les intérêts des ayants droit. De ce point de vue, on ne saurait plus guère reprocher à la Confédération de s'enrichir du fait que les avoirs en déshérence lui reviendraient.

1.5

Droit comparé et relations avec le droit européen25

Ni le droit international, ni le droit européen ne règlent concrètement la manière de traiter les avoirs en déshérence. Durant les années 1990, les réactions des milieux concernés à l'étranger vis-à-vis de la place financière suisse ont cependant montré que l'on attendait de la Suisse qu'elle offre aux ayants droit des moyens appropriés pour récupérer leurs avoirs par le biais d'une procédure bien définie. Il s'agissait par ailleurs d'éviter que l'on reproche aux banques suisses de s'enrichir. L'article supplémentaire de la loi sur les banques tel qu'il est proposé fournirait la base légale d'une procédure uniforme et bien définie pour la liquidation d'avoirs en déshérence, qui garantirait de surcroît les droits des ayants droit. Cette solution serait donc compatible avec le droit international public.

1.6

Mise en oeuvre

Il est justifié de régler le problème des avoirs en déshérence dans la loi sur les banques, car ce sont essentiellement les banques qui sont concernées. La loi doit toutefois se borner à fixer les principes de la réglementation: les détails concernant la publication et la liquidation seront précisés dans une ordonnance du Conseil fédéral.

1.7

Classement d'interventions parlementaires

Les interventions parlementaires relatives aux avoirs en déshérence seront classées conformément au rapport remis ce jour au Parlement26.

2

Commentaire de l'art. 37m LB

Al. 1 Il ne faudrait pas que toutes les banques soient autorisées à publier et à liquider des avoirs en déshérence: cela occasionnerait une charge de travail disproportionnée à l'Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) si cette dernière devait, 25 26

Cf. rapport (note de bas de page 2), notamment ch. 1.3.

Cf. «Loi fédérale portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile (fonds en déshérence). Résultats de la procédure de consultation et suite des opérations. Rapport sur le classement d'interventions parlementaires sur les avoirs en déshérence».

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dans le cadre de la surveillance ordinaire, examiner encore auprès de chaque banque ou presque la manière dont elle a procédé à la liquidation des avoirs en déshérence.

Par ailleurs, les banques procédant à ces liquidations devraient avoir une certaine expérience. C'est pourquoi la réglementation proposée prévoit de n'autoriser à liquider des avoirs en déshérence que les banques qui auront repris de tels avoirs d'autres banques et qui auront acquis le savoir-faire qui leur permettra d'offrir leurs services pour la gestion, la publication et la liquidation des avoirs en déshérence.

Une banque qui reprend des avoirs en déshérence d'autres établissements devra toutefois être habilitée à liquider les siens: il serait aberrant qu'elle ne puisse liquider que les avoirs repris et doive confier ses propres avoirs en déshérence à une autre banque.

Le transfert d'avoirs en déshérence (en vertu de l'art. 37l LB) entraîne celui des rapports contractuels entre le client (dont on est sans nouvelles) et la banque transférante à la banque reprenante. Comme nous l'avons déjà exposé, le droit en vigueur fait supporter au client (en sa qualité de créancier) le risque d'une rupture de contact.

Il faut donc au moins qu'il puisse attendre de sa banque qu'elle garde le contact avec lui. La nouvelle disposition prévoit de ce fait qu'avant de liquider les avoirs en déshérence, la banque reprenante devra tenter une dernière fois de rétablir le contact avec le client bancaire ou ses héritiers en les invitant, par le biais d'une publication officielle, à se manifester auprès d'elle dans un délai approprié. Cette publication, destinée à sauvegarder les prétentions des ayants droit aux valeurs patrimoniales concernées, remplace de facto la sommation dûment publiée du juge avant qu'il ne déclare l'absence (art. 36, al. 2, CC) et l'appel à déclaration d'héritier (art. 555 CC).

En droit des contrats, la publication a valeur d'offre de services en bonne et due forme. Le client de la banque avec lequel on a perdu le contact est à son tour en demeure s'il néglige de reprendre contact avec la banque dans un délai approprié.

En imposant explicitement à la banque reprenante (le débiteur) de rechercher, avant la liquidation, le contact avec le client dont on est sans nouvelles (le créancier) par le biais d'une publication, la loi
crée une justification légale au fait de porter l'identité de ce client à la connaissance de tiers. La banque est donc à l'abri de toute responsabilité pénale pour entorse au secret bancaire au sens de l'art. 47 LB. La publication, dont les détails seront réglés par voie d'ordonnance, devra être conçue de manière à permettre au client concerné ou à ses héritiers de défendre leurs intérêts sans devoir fournir trop de données personnelles.

Si, consécutivement à la publication, aucun ayant droit ne s'annonce auprès de la banque, le projet de loi part de l'idée qu'il n'y a pas d'ayants droit ou que ces derniers ont définitivement renoncé à leurs prétentions, raison pour laquelle la banque est autorisée à liquider les avoirs en déshérence concernés.

En revanche, si des ayants droit se font connaître, la banque doit en principe obéir à leurs instructions pour la gestion des valeurs patrimoniales en question. En ce qui concerne l'identification des ayants droit, elle doit se conformer à ses directives et instructions internes, aux dispositions régissant le contrat de dépôt et à ses conditions générales relatives à la tenue des comptes. Dans la pratique, les banques ne délivrent des biens de clients que sur présentation d'une attestation de la qualité d'héritier (au sens de l'art. 559 CC) et des documents d'identité des héritiers présumés. Lorsque plusieurs héritiers ont qualité d'ayant droit, la banque exige avant tout paiement le consentement écrit de tous les héritiers. Lorsque le client de la banque était un ressortissant étranger dont le dernier domicile (connu) était à l'étranger, la banque constate la qualité d'héritier des prétendants en se fondant sur le certificat ou 6863

l'attestation d'hérédité établis au lieu de domicile à l'étranger. Ces dispositions valent également pour les «avoirs qui ne sont plus en déshérence».

Lorsque, après la publication, plusieurs prétendants revendiquent l'intégralité des avoirs, la banque peut refuser le versement du produit de la liquidation selon les règles générales du droit des obligations relatives au paiement d'une créance litigieuse (art. 168 CO) et le consigner auprès du tribunal, avec effet libératoire. En cas de doute quant aux droits des prétendants, la banque reprenante doit renoncer à une liquidation des avoirs jusqu'à ce que la lumière soit faite sur les prétentions. Les prétendants écartés peuvent faire valoir leurs prétentions contractuelles ou héréditaires devant les tribunaux.

Al. 2 L'al. 2 précise sans ambiguïté que les droits des ayants droit s'éteignent avec la liquidation. Cela dit, d'éventuels ayants droit peuvent encore faire valoir ultérieurement leurs prétentions devant les tribunaux, notamment en cas de publication non conforme à la législation. Toutefois, c'est la banque qui suppporte le risque d'une procédure judiciaire. Une demande en paiement du produit de la liquidation contre la Confédération est exclue. Notons à cet égard que les banques qui transfèrent les avoirs et celles qui les liquident sont naturellement soumises à l'obligation générale de conservation prévue par le droit commercial (art. 962 CO).

Al. 3 En vertu de cette disposition de droit spécial, le produit de la liquidation d'avoirs en déshérence revient à la Confédération. Des propositions antérieures prévoyaient la participation des cantons au motif que ces derniers assumaient les charges liées à d'éventuelles procédures judiciaires ou administratives. Ces charges disparaissent avec la présente solution, de sorte qu'une participation des cantons ne se justifie plus, ce d'autant moins que le droit des cantons à l'héritage n'est pas remis en cause: ils peuvent s'annoncer en tant qu'ayants droit au sens de l'al. 1, par exemple lorsque la preuve est faite que le détenteur d'un compte avait son dernier domicile dans un canton donné (art. 466 CC).

Al. 4 Les exigences concrètes quant à la publication (indications relatives aux relations bancaires, destinataires, organe de publication, délais, etc.) devront être précisées dans une ordonnance
du Conseil fédéral. Quant à sa diffusion, à son contenu et aux délais dans lesquels les ayants droit doivent s'annoncer, la publication doit garantir de manière adéquate que les ayants droit éventuels auront la possibilité de se manifester auprès de la banque reprenante. A cet égard, les dispositions de l'ordonnance s'inspireront des principes généraux et des règles du droit des personnes et du droit des successions (art. 36, al. 2, 550 et 555 CC, et art. 41 et 86 ss de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé27). Ainsi, conformément aux principes du droit des successions, on pourra retenir pour lieu de la recherche de contact ou de la publication le dernier domicile du client que la banque connaît, et l'on pourrait y envisager une publication dans un quotidien à grand tirage. Toutefois, 27

RS 291

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la banque devra également tenir compte des exigences particulières liées à chaque cas.

Par ailleurs, l'ordonnance réglera les détails de la liquidation. Le transfert d'avoirs en compte ne devrait pas nécessiter de dispositions par trop détaillées au niveau de l'ordonnance. En revanche, une réglementation plus précise s'imposera pour la réalisation d'objets, par exemple des pièces d'or évoquées plus haut.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Le produit de la liquidation d'avoirs en déshérence reviendra à la Confédération, mais le volume de ces valeurs patrimoniales ne peut être estimé. Indépendamment de cela, le projet n'aura aucune répercussion sur la Confédération, les cantons et les communes.

3.2

Conséquences pour l'économie

Le projet précise le sort des avoirs en déshérence tout en préservant les droits des ayants droit. Il n'a aucune incidence sur l'économie.

4

Liens avec le programme de la législature

L'objet n'est mentionné ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201128, ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201129. Il peut toutefois être considéré comme une proposition de solution dans le cadre du projet de révision partielle du droit des obligations relatif au traitement des avoirs en déshérence, qui figure dans le message sur le programme de la législature (cf. à ce propos le rapport précité du Conseil fédéral).

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

La modification de la loi sur les banques se fonde, comme la loi elle-même, sur l'art. 98 Cst.

28 29

FF 2008 639 FF 2008 7745

6865

5.2

Délégation de compétences législatives

En se fondant sur l'art. 37m, al. 4, LB, le Conseil fédéral réglera les détails de la publication et de la liquidation des avoirs en déshérence. Cette délégation de compétences se justifie par le fait que les deux procédures nécessitent des dispositions détaillées au niveau de l'ordonnance, qui n'ont pas leur place dans la loi.

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