10.093 Message concernant l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» du 20 octobre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter et d'accepter le contre-projet direct de l'Assemblée fédérale.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 octobre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1956

7255

Condensé Le Conseil fédéral propose le rejet de l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» et lui oppose un contre-projet direct, en particulier parce que l'initiative limite la marge de manoeuvre du législateur sans véritablement régler les problèmes existants dans le domaine des jeux d'argent.

En revanche, le contre-projet crée une bonne base pour la révision de la législation sur les jeux d'argent.

L'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» a été déposée le 10 septembre 2009, munie de 170 101 signatures valables. D'une part, elle vise l'affectation de l'intégralité des bénéfices des loteries et des paris professionnels à des buts d'utilité publique et une contribution plus élevée des recettes des maisons de jeu à l'AVS/AI. D'autre part, elle a pour but d'établir une répartition claire des compétences entre la Confédération et les cantons: la Confédération est investie d'une compétence législative étendue dans le domaine des maisons de jeu, les cantons étant compétents dans le domaine des loteries et des paris professionnels, sous réserve de la compétence de la Confédération de légiférer sur les principes.

De l'avis du Conseil fédéral, l'initiative présente plusieurs défauts. D'abord, le niveau de détail qu'elle affiche pour une disposition constitutionnelle réduirait la marge de manoeuvre du législateur sans offrir de solution aux problèmes actuels de délimitation entre le domaine des loteries et des paris professionnels d'une part, et celui des maisons de jeu d'autre part, ni aux conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. La limitation de la compétence législative étendue de la Confédération dans le domaine des loteries et des paris professionnels à une simple compétence de légiférer sur les principes s'opposerait aux efforts d'harmonisation de la Confédération dans d'autres domaines et constituerait un obstacle à une politique globale et cohérente en matière de jeux d'argent. De plus, l'initiative manque de précision en ce qui concerne l'affectation à l'AVS/AI des recettes issues des jeux offerts par les maisons de jeu et remet en cause leur possibilité d'obtenir un rendement adéquat du capital investi. Enfin, la formulation de l'initiative peut donner à penser que le produit des jeux d'adresse doit également
être affecté à des buts d'utilité publique, à l'instar du bénéfice des loteries et des paris professionnels.

Dans ce cas, il est fort probable que ces jeux disparaîtraient par manque de rentabilité pour les fabricants et exploitants privés d'automates.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral propose le rejet de l'initiative. Il prend toutefois au sérieux les craintes des auteurs de l'initiative de voir l'offre dans le domaine des loteries et des paris professionnels réduite au profit de celle des maisons de jeu, et de voir affaiblies les compétences cantonales actuelles et l'affectation du produit des jeux à l'AVS/AI, à la culture, au sport et au domaine social. Ce sont, entre autres, ces craintes qui ont entraîné la suspension des travaux de révision de la législation sur les loteries. Il voit également l'avantage de prévoir une compétence constitutionnelle pour l'ensemble des jeux d'argent et de confier aux autorités le soin de prévenir la dépendance aux jeux pour tout le domaine.

7256

Le Conseil fédéral propose par conséquent un contre-projet direct. Celui-ci, d'une part, répond aux principales préoccupations de l'initiative: il garantit au niveau constitutionnel les compétences d'exécution des cantons en matière de loteries et de paris sportifs (et au-delà de l'initiative, dans le domaine des jeux d'adresse), de même que l'affectation du produit des loteries et des paris sportifs à des buts d'utilité publique. De cette façon, il inscrit dans la Constitution le financement actuel par les cantons de nombreuses activités d'utilité publique qui ne trouveraient que difficilement d'autres financements, alors qu'elles jouent un rôle important dans la société. Pour le reste, le contre-projet s'en tient à l'actuel art. 106 de la Constitution en ce qui concerne les maisons de jeu. D'autre part, le contre-projet remédie aux carences de l'initiative: contrairement à cette dernière, il prévoit une compétence législative concurrente étendue de la Confédération pour tout le domaine des jeux d'argent et crée un organe de coordination pour éviter les conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. La délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons se trouvera en outre facilitée par le fait que la Constitution renonce à la notion de «loteries» et au critère du plan qui les caractérisent, pour introduire une notion nouvelle, tenant compte de l'évolution de la société et du marché et susceptible d'atténuer les problèmes de délimitation, tout en fournissant au législateur les bases d'une réglementation de l'offre adaptée aux nouvelles habitudes de jeu. De plus, le contre-projet assigne au législateur et aux organes d'exécution le mandat de tenir compte des dangers que présentent tous les jeux d'argent. Enfin, la teneur du contre-projet indique clairement que l'affectation du produit des jeux d'adresse à des buts d'utilité publique n'est pas prévue au niveau constitutionnel. Ainsi, le contre-projet crée des conditions adéquates pour la révision de la législation sur les jeux d'argent, notamment de la loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels.

7257

Table des matières Condensé

7256

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement 1.3 Délais de traitement 1.4 Validité

7260 7260 7261 7261 7261

2 Contexte 2.1 Cadre constitutionnel et légal 2.1.1 Constitution fédérale 2.1.1.1 Evolution des dispositions constitutionnelles 2.1.1.2 Quelques aspects de l'art. 106 Cst.

2.1.2 Loi sur les maisons de jeu 2.1.3 Loi sur les loteries et les paris professionnels 2.1.3.1 Aperçu 2.1.3.2 Révision totale 2.1.4 Concordat et mesures prises par les cantons 2.1.4.1 Buts de la convention intercantonale 2.1.4.2 Mesures prévues par la convention intercantonale 2.1.5 Organisation de projet en réponse aux mandats du Conseil fédéral 2.1.6 Résultats de l'évaluation des mesures cantonales 2.1.7 Procédures judiciaires 2.2 Marché suisse des jeux 2.2.1 Maisons de jeu 2.2.2 Loteries et paris 2.2.3 Jeux en ligne 2.2.4 Evolution technique 2.3 Droit comparé 2.3.1 Bref aperçu de la situation dans quelques Etats européens 2.3.1.1 Allemagne 2.3.1.2 France 2.3.1.3 Italie 2.3.1.4 Royaume-Uni 2.3.2 Union européenne et Association européenne de libre-échange 2.3.3 Organisation mondiale du commerce 2.4 Interventions parlementaires

7262 7262 7262 7262 7262 7263 7265 7265 7266 7267 7267 7267 7268 7270 7271 7271 7271 7272 7273 7274 7274 7274 7274 7275 7276 7276 7277 7280 7280

3 L'initiative 3.1 Teneur et objectifs 3.2 Appréciation 3.2.1 Réglementation des jeux d'argent par l'Etat 3.2.2 Définition de compétences législatives et d'exécution cantonales, et limitation de la marge d'action législative 3.2.3 Répartition floue des compétences entre la Confédération et les cantons

7281 7281 7282 7282

7258

7283 7284

3.2.4 Jeux d'argent au service du bien commun 3.2.5 Prévention de la dépendance au jeu 3.2.6 Conclusion

7285 7287 7288

4 Contre-projet direct 4.1 Teneur 4.2 Commentaire 4.3 Conséquences 4.3.1 La pratique actuelle 4.3.1.1 par rapport à la réglementation 4.3.1.2 par rapport à l'affectation du produit des jeux à l'AVS/AI et aux domaines culturel, social et sportif 4.3.1.3 par rapport à la prise en compte des dangers 4.3.2 Revalorisation des compétences cantonales d'exécution 4.3.3 Clarification de la répartition des compétences et des tâches 4.3.4 Restriction de la marge d'action législative 4.3.5 Accompagnement de l'évolution technologique 4.3.6 Aucune conséquence pour les effectifs et les finances de la Confédération et des cantons 4.3.7 Liens avec l'UE et le droit international 4.3.8 Législation d'exécution

7289 7289 7290 7293 7293 7293

5 Conclusions générales

7298

7294 7295 7295 7296 7296 7297 7297 7297 7298

Annexe Données relatives au produit brut des jeux des grands exploitants de loteries et paris et des maisons de jeu, et contribution à l'utilité publique

7300

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» (Projet)

7301

Arrêté fédéral concernant la réglementation des jeux d'argent en faveur de l'utilité publique (contre-projet à l'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun») (Projet)

7303

7259

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 106

Jeux d'argent

Les jeux d'argent autorisés par la Confédération et par les cantons doivent être au service de l'utilité publique.

1

La Confédération et les cantons, et les cantons entre eux, coordonnent leurs politiques en la matière.

2

3

Ils veillent à prévenir la dépendance au jeu.

Art. 106a (nouveau) 1

Maisons de jeu

La Confédération légifère sur les maisons de jeu.

Elle octroie les concessions d'ouverture et d'exploitation des maisons de jeu en tenant compte des réalités régionales. Elle en assure la surveillance.

2

3 Elle prélève sur les recettes des maisons de jeu un impôt dont le taux, fixé par la loi, doit être conforme à l'exigence d'utilité publique. Cet impôt est destiné à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité.

Art. 106b (nouveau)

Loteries et paris

La Confédération fixe les principes applicables aux loteries et aux paris professionnels. Pour le reste, ces jeux sont du ressort des cantons.

1

Les cantons autorisent l'exploitation des loteries et des paris professionnels ainsi que les jeux organisés par les exploitants. Ils en assurent la surveillance.

2

Les bénéfices des loteries et des paris professionnels sont destinés intégralement à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif.

3

1

RS 101

7260

1.2

Aboutissement

L'initiative populaire fédérale «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» a été déposée le 10 septembre 2009, munie de 170 101 signatures valables. Dans sa décision du 6 octobre 2009, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti2.

1.3

Délais de traitement

L'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun», demande une révision partielle de la Constitution et revêt la forme d'un projet rédigé. Comme le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet direct, il doit soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message au plus tard le 10 mars 2011 (art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, LParl3).

L'Assemblée fédérale dispose d'un délai de 30 mois à compter de la date du dépôt pour prendre une décision sur l'initiative populaire et le contre-projet direct du Conseil fédéral (art. 100 LParl.). Elle doit dès lors statuer sur l'initiative et le contreprojet direct d'ici au 10 mars 2012.

1.4

Validité

L'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» répond aux conditions de validité de l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)4:

2 3 4 5

a.

Une initiative peut soit être conçue en termes généraux, soit revêtir la forme d'un projet rédigé (art. 139, al. 2, Cst.). Aucune forme mixte n'est autorisée, sous peine de nullité (art. 75, al. 1 et 3, de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques, LDP5). L'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun», qui revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé, respecte dès lors le principe de l'unité de la forme.

b.

Les trois dispositions constitutionnelles de l'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» exigent que les jeux d'argent servent l'utilité publique et règlent divers aspects de compétence tant pour les maisons de jeu que pour les loteries et paris. L'initiative étant composée d'éléments qui ont un étroit rapport entre eux, elle respecte le principe de l'unité de la matière (art. 75, al. 1 et 2, LDP).

c.

L'initiative «Pour des jeux d'argent au service du bien commun» ne porte atteinte à aucune règle impérative du droit international.

FF 2009 6357 RS 171.10 RS 101 RS 161.1

7261

2

Contexte

2.1

Cadre constitutionnel et légal

2.1.1

Constitution

2.1.1.1

Evolution des dispositions constitutionnelles

C'est en 1874, dans le cadre de la révision totale de la Constitution fédérale, que la Confédération a légiféré pour la première fois en matière de jeux de hasard: l'art. 35 Cst. interdisait les maisons de jeu et habilitait la Confédération «à prendre les mesures nécessaires concernant les loteries». Pour ce qui a trait aux loteries, l'art. 35 Cst.

n'a subi par la suite aucune modification. Par contre, il a fait l'objet de révisions touchant le domaine des maisons de jeu, révisions qui ont d'abord renforcé l'interdiction des maisons de jeu (1920) avant de l'assouplir pour promouvoir le tourisme, l'exploitation de jeux d'agrément (jeu de la boule) étant dès lors autorisée dans des kursaals avec une mise limitée à 2 francs (1928), puis à 5 francs (1958).

Suite à son message du 25 mars 1992 sur les mesures d'assainissement des finances fédérales 19926, le Conseil fédéral soumettait au Parlement un arrêté fédéral supprimant l'interdiction des maisons de jeu et la remplaçant par un régime de concession7. Un nouvel art. 35, qui levait l'interdiction des maisons de jeu, fut accepté en votation populaire le 7 mars 1993. Cette nouvelle version de l'art. 35 Cst. n'est pourtant jamais entrée en vigueur comme telle; suite au retard pris dans l'élaboration de la législation d'application, elle a été reprise ­ sous une forme quelque peu remaniée ­ dans l'art. 106 de la Constitution lors de sa révision totale.

Par ailleurs, cet art. 106 Cst. n'est pas, comme la majorité des dispositions constitutionnelles, entré en vigueur le 1er janvier 2000, mais le 1er avril 20008, en même temps que la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu (LMJ)9.

2.1.1.2

Quelques aspects de l'art. 106 Cst.

Al. 1 La Confédération a une compétence législative concurrente, que l'on peut qualifier d'étendue10, pour l'ensemble des jeux de hasard11. Si les deux alinéas suivants apportent des précisions sur les maisons de jeu, l'art. 106 ne donne aucune autre indication concernant les loteries12. La Constitution laisse ouverte la question de savoir si le législateur doit régler le domaine des jeux de hasard en une ou deux lois.

6 7 8 9 10

11

12

FF 1992 III 341 ss FF 1992 VI 55 ss Une disposition transitoire avait prorogé l'ancienne version de l'art. 35 Cst.

RS 935.52 Voir Jean-François Aubert, art. 106, in: Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Jean-François Aubert/Pascal Mahon (éd.), Zurich/Bâle/Genève 2003, no 5 (ci-après: Petit commentaire).

La formulation «les jeux de hasard et les loteries» peut paraître malheureuse, puisque les loteries sont aussi des jeux de hasard. Il faut plutôt penser aux jeux des maisons de jeu d'une part et aux loteries d'autre part. Par ailleurs, par jeu de hasard, il faut entendre les jeux de hasard entraînant une dépense d'argent dans l'espoir d'en obtenir davantage; en effet, des jeux gratuits ne créent en principe pas de problème justifiant l'intervention étatique. V. aussi Jean-François Aubert, Petit commentaire, no 5.

On peut toutefois encore mentionner l'art. 132, al. 2, Cst., relatif à l'imposition.

7262

Toutefois, dès l'origine, le législateur a opté en faveur de deux lois distinctes (loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels, LLP, adoptée en 192313 et LMJ, adoptée en 1929). Cette partition a été maintenue lors de l'adoption de la nouvelle LMJ en 199814.

Al. 2 L'ouverture d'une maison de jeu est soumise à l'obtention d'une concession de la Confédération15. Lors de l'octroi d'une concession, la Confédération doit tenir compte de deux critères: un critère régional (répartition équilibrée des maisons de jeu sur le territoire notamment) et un critère social (dangers du jeu).

Al. 3 Dans le partage des compétences entre la Confédération et les cantons, un impôt fédéral doit en principe avoir une base constitutionnelle expresse. Le taux maximum que peut atteindre l'impôt ­ 80 % ­ est mentionné dans la norme constitutionnelle, ce qui est plutôt rare; l'impôt se calcule sur le produit brut des jeux, qui correspond à la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés par le casino. Cet impôt a une affectation déterminée: il doit être utilisé pour couvrir la contribution de la Confédération à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (AVS/AI)16.

Al. 4 Cet alinéa traite de l'admission17 des appareils à sous servant aux jeux d'adresse. Un appareil à sous servant à un jeu pouvant être qualifié de jeu d'adresse relève de la compétence des cantons; c'est une réserve improprement dite en faveur de ceux-ci18.

2.1.2

Loi sur les maisons de jeu

Adoptée le 18 décembre 1998 et entrée en vigueur le 1er avril 2000, la LMJ a abrogé la loi fédérale du 5 octobre 1929 sur les maisons de jeu19 et l'ordonnance du 1er mars 1929 concernant l'exploitation des jeux dans les kursaals20.

13 14

15

16 17

18 19 20

RS 935.51 Rapport explicatif du 25 octobre 2002 relatif au projet de loi fédérale sur les loteries et paris (ci-après: rapport explicatif), p. 7, disponible sous: http://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/gesellschaft/gesetzgebung/lotteriegesetz.html Par concession, on entend une autorisation dont l'octroi est à la discrétion de l'autorité concédante, ce qui signifie que le requérant, même s'il réunit toutes les conditions posées par la loi, n'a pas de droit subjectif à l'obtenir. Voir Jean-François Aubert, Petit commentaire, no 7 ss et Message du 26 février 1997 relatif à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu, FF 1997 III 137 ss, p. 153 et 170.

Jean-François Aubert, Petit commentaire, no 7 ss.

Le texte allemand dit plus justement «Zulassung», l'italien «ammissione». Le texte français de 1993 et celui du projet de 1996 utilisaient eux aussi «admission», Jean-François Aubert, Petit commentaire, no 13.

Pour plus de détails: voir Jean-François Aubert, Petit commentaire, no 11 ss.

RS 10 280 RS 10 282

7263

La LMJ affiche trois objectifs principaux (cf. art. 2 LMJ): a.

assurer une exploitation des jeux sûre et transparente;

b.

empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent dans les maisons de jeu ou par leur intermédiaire;

c.

prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu.

Outre ces trois objectifs prioritaires, la LMJ vise aussi à promouvoir le tourisme et à dégager des recettes pour la Confédération et les cantons.

Dans l'optique du législateur, la LMJ «règle de façon exhaustive les jeux de hasard offrant des chances de réaliser un gain en argent ou d'obtenir un autre avantage matériel», la LLP constituant une lex specialis21. En conséquence, la LMJ définit le cadre régissant l'ensemble des jeux de hasard et réserve les règles spéciales applicables aux loteries et aux paris professionnels (art. 1, al. 2, LMJ)22.

L'art. 3 LMJ définit les jeux de hasard selon trois critères (mise, chance de réaliser un gain et hasard); par rapport à la définition de la loterie inscrite à l'art. 1, al. 2, LLP, il manque le critère du plan23. Selon la jurisprudence et la doctrine, c'est précisément le critère du plan qui trace la délimitation entre jeux de hasard offerts dans les maisons de jeu et jeux de loteries et paris24. L'utilisation d'un réseau de communication électronique tel qu'Internet est interdit (art. 5 LMJ).

Seules les maisons de jeu au bénéfice d'une concession peuvent proposer des jeux de hasard (art. 4 LMJ). Aux conditions générales de l'art. 12 LMJ s'ajoutent les conditions spécifiques de l'art. 13 LMJ, par exemple la mise en place d'un programme de mesures sociales pour la concession d'exploitation. Le Conseil fédéral statue de manière définitive (art. 16 LMJ) sur l'octroi, pour une durée de 20 ans (art. 17 LMJ), d'une concession de type A (grand casino) ou B (art. 8 LMJ) à des maisons de jeu qui doivent être réparties de manière équilibrée entre les régions intéressées (art. 9 LMJ).

Un impôt est prélevé sur le produit brut des jeux ­ c'est-à-dire la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont reversés ­ réalisé par chaque établissement (art. 40 LMJ) et affecté à l'AVS/AI. Le taux de l'impôt est fixé de telle manière que les maisons de jeu gérées selon les principes d'une saine gestion obtiennent un rendement approprié. Progressif, l'impôt représente au minimum 40 % et au maximum 80 % du produit brut des jeux (art. 41 LMJ)25. Des allégements fiscaux sont possibles (art. 42 LMJ) et l'impôt peut également être réduit si le canton d'implantation prélève un impôt de même nature (art. 43 LMJ).

21 22

23

24 25

Message du Conseil fédéral du 26 février 1997 relatif à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu, FF 1997 III 137, p. 151 et 162; ATF 133 II 68, cons. 3.2.

Par ailleurs, la teneur en langue française de l'art. 1, al. 2, LMJ n'est pas identique aux versions allemande et italienne. Voir aussi arrêt du 18 janvier 2010 du Tribunal administratif fédéral, B-1099/2007, cons. 5.1.

Un exploitant de jeu peut remplir le critère du plan au sens de la LLP en recourant à diverses solutions lui permettant d'exclure son risque de jeu, par ex. ATF 123 IV 175, cons. 2c.

Voir arrêt du 18 janvier 2010 du Tribunal administratif fédéral, B-1099/2007, cons. 6.3 et 6.4.

L'art. 82 de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (OLMJ; RS 935.521) précise le taux d'imposition: le taux de base de 40 % est perçu sur le produit brut des jeux jusqu'à concurrence de 10 millions de francs. Il progresse ensuite de 0,5 % par million de francs supplémentaire de produit brut des jeux jusqu'à concurrence de la limite maximale de 80 %. Pour les chiffres actuels: voir sous ch. 2.2.1.

7264

Deux chapitres sont respectivement consacrés à la commission fédérale des maisons de jeu (art. 46 à 53 LMJ) et aux dispositions pénales (art. 55 à 57 LMJ).

2.1.3

Loi sur les loteries et les paris professionnels

2.1.3.1

Aperçu

La LLP a été adoptée par le Parlement le 8 juin 1923 et est entrée en vigueur le 1er juillet 1924. Mis à part l'abrogation des dispositions relatives aux emprunts à primes, elle n'a subi que quelques modifications mineures26.

Rédigée avant les années 1920, la LLP ne contient pas d'article indiquant quels objectifs elle entend suivre. Selon le message, la législation fédérale devait permettre de lutter plus efficacement contre les entreprises professionnelles de loteries proprement dites (par opposition aux loteries dites d'utilité publique), permettant ainsi d'écarter les maux d'ordre économique et moral qu'elles causent au sein de la population27.

La loi définit la loterie par quatre critères (mise, chance de réaliser un gain, hasard et plan)28; elle pose également le principe de la prohibition des loteries (art. 1 LLP).

Cette interdiction ne s'étend pas aux tombolas (art. 2 LLP), qui sont régies exclusivement par le droit cantonal. Les loteries servant à des fins d'utilité publique ou de bienfaisance font exception à cette interdiction (art. 5 LLP); ces loteries peuvent en effet être autorisées par l'autorité cantonale compétente pour le territoire du canton sur lequel elles sont organisées. Les conditions prévues par le droit fédéral sont relativement succinctes (art. 6 ss LLP). Les cantons peuvent réglementer de façon plus détaillée les modalités de l'exploitation des loteries (art. 15, al. 2, LLP), mais aussi prévoir des restrictions plus sévères, voire interdire totalement les loteries (art. 16 LLP). Même si une loterie est autorisée par un canton, elle ne peut être exploitée sur le territoire d'un autre canton qu'avec l'autorisation de ce dernier (art. 14 LLP).

Les paris professionnels sont également prohibés (art. 33 LLP), sous réserve de l'art. 34 LLP.

La LLP contient également des dispositions pénales (art. 38 ss). Ce sont les cantons qui poursuivent et jugent les violations de la LLP (art. 47 LLP).

26

27 28

La LLP a notamment été allégée par la loi fédérale du 20 mars 2008 relative à la mise à jour formelle du droit fédéral d'une quinzaine d'articles ayant trait aux emprunts à primes et au commerce professionnel des valeurs à lots, instruments qui n'étaient plus utilisés depuis de nombreuses années (RO 2008 3437 3451; FF 2007 5789).

Les systèmes boule de neige pourraient être réglés à l'avenir par la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241). La procédure de consultation a pris fin le 30 septembre 2008. Pour plus de détails, voir FF 2009 5539 5564 s.

Message du 13 août 1918 concernant le projet de loi fédérale sur les loteries et entreprises analogues, FF 1918 IV 343, v. notamment p. 344 et 349.

Voir aussi art. 3 LMJ sous ch. 2.1.2

7265

2.1.3.2

Révision totale

Après la révision totale de la LMJ, le Conseil fédéral a décidé, en date du 4 avril 2001, de procéder également à une révision totale de la LLP. Le Conseil fédéral souhaitait que la nouvelle réglementation tienne compte en particulier de l'évolution des valeurs morales de la société dans le domaine des jeux de hasard, du développement technique et de l'ouverture et de l'internationalisation du marché des jeux29.

La nouvelle réglementation devait assurer la protection des joueurs contre les dangers et les effets néfastes que peuvent avoir les jeux de hasard; elle devait en outre tenir compte des impératifs financiers des collectivités publiques, sans toutefois provoquer des transferts unilatéraux dans un sens ou un autre. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a chargé une commission d'experts, composée paritairement de représentants de la Confédération et des cantons, de préparer un projet de loi accompagné d'un rapport explicatif.

La révision de la LLP visait en premier lieu les buts suivants: a.

les jeux proposés au public doivent être exploités de manière correcte et transparente;

b.

les joueurs et la société doivent être protégés des conséquences socialement dommageables du jeu, en particulier de la dépendance au jeu;

c.

les bénéfices nets provenant de l'exploitation de loteries et de paris doivent profiter à des projets d'utilité publique ou de bienfaisance30.

La révision devait pallier un certain nombre de carences de la législation, parmi lesquelles on peut citer le retard par rapport aux changements technologiques et sociaux, les problèmes de la dépendance au jeu et de la délimitation entre la LLP et la LMJ et le faible pouvoir dissuasif des dispositions pénales31.

Le projet de la commission d'experts, mis en consultation à la fin de 2002, a fait l'objet de nombreuses critiques. Cantons, sociétés de loteries et bénéficiaires se sont clairement prononcés contre le projet de révision32.

Le 18 mai 2004, le Conseil fédéral a accepté de suspendre provisoirement les travaux de révision, les cantons ayant proposé, sur une base volontaire, de remédier aux carences constatées dans le domaine des loteries par la conclusion d'une convention intercantonale. La Conférence spécialisée des membres de gouvernements concernés par la loi sur les loteries et le marché des loteries (CDCM) s'est engagée envers la Confédération à ce qu'un projet soit adopté lors de la conférence de janvier 2005 et à ce que la convention entre en vigueur le 1er janvier 2006.

29 30 31 32

Cf. rapport explicatif, p. 4. Cf. note de bas de page no 14.

Rapport explicatif, p. 24. Cf. note de bas de page no 14.

Pour plus de détails, voir rapport explicatif, p. 20 ss. Cf. note de bas de page no 14.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative au projet de loi fédérale sur les loteries et paris, disponible sous: http://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/gesellschaft/gesetzgebung/lotteriegesetz.html

7266

2.1.4

Concordat et mesures prises par les cantons

2.1.4.1

Buts de la convention intercantonale

La convention intercantonale sur la surveillance, l'autorisation et la répartition du bénéfice de loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse (CILP) est finalement entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Elle s'applique à ce qu'il est convenu d'appeler les «grandes loteries», c'est-à-dire aux loteries et paris organisés par Swisslos et la Loterie Romande (art. 1 CILP).

La convention intercantonale vise, conformément à son art. 2, trois buts33: a.

application uniforme et coordonnée du droit sur les loteries;

b.

protection de la population contre les effets socialement nuisibles des loteries et paris;

c.

affectation transparente des bénéfices des loteries et paris sur le territoire des cantons signataires.

2.1.4.2

Mesures prévues par la convention intercantonale

On mentionnera ici quelques mesures importantes prises par les cantons sur la base de la convention intercantonale. Celles-ci ont fait l'objet d'une évaluation (voir ch. 2.1.5).

Selon la LLP, l'exploitant qui entend obtenir une autorisation «nationale» doit s'adresser à toutes les autorités cantonales, lesquelles n'appliquent pas forcément les mêmes critères34. Selon la CILP35, la commission des loteries et paris (Comlot; art. 5 à 7 CILP) est l'unique autorité d'homologation des nouveaux jeux de la Loterie Romande et de Swisslos (art. 14 à 16 CILP); elle a également le statut d'autorité de surveillance (art. 20 CILP). La convention intercantonale a aussi créé une commission de recours (art. 4, 8 et 9 CILP) qui est l'autorité judiciaire intercantonale de dernière instance (art. 23 CILP).

La LLP ne contient pas de dispositions visant expressément la dépendance au jeu ou la protection de la jeunesse. La CILP, en revanche, traite expressément de la dépendance au jeu et de la publicité (art. 17 à 19 CILP). 0,5 % du revenu brut des jeux sont versés par les exploitants aux cantons, à charge pour eux d'utiliser cet argent pour la prévention et la lutte contre la dépendance au jeu (art. 18 CILP). Pour la Suisse romande, un cinquième du 0,5 % du produit brut des jeux versés par la Loterie Romande à titre de taxe sur le jeu excessif sont utilisés pour un programme romand commun, le programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu, confié au Groupement romand d'études des addictions (GREA)36. Ce programme consiste notamment:

33 34 35

36

Pour plus de détails, voir «Bericht der Fachdirektorenkonferenz Lotteriemarkt und Lotteriegesetz» du 7 janvier 2005, p. 5.

C'est toujours le cas pour les petites loteries.

Par le passé, les cantons romands d'une part, les cantons alémaniques d'autre part avaient conclu des accords permettant de simplifier et d'unifier l'octroi d'autorisations à la Loterie Romande et à Swisslos en désignant un canton responsable.

www.sos-jeu.ch

7267

­

en un numéro d'appel gratuit pour les personnes en difficultés;

­

en une étude romande sur le jeu37;

­

en un site de traitement des joueurs sur Internet38.

La Suisse alémanique et le Tessin ont mis au point des bases permettant d'améliorer les mesures de prévention, notamment en recueillant des données fiables sur la prévalence du jeu excessif et la part des différents types de jeu (casinos y compris) dans la dépendance au jeu. Une étude de base a été effectuée, dont le rapport final est paru en août 2007; une étude de suivi a été réalisée en 200839. En outre, on peut notamment mentionner qu'en Suisse orientale, six cantons ont donné mandat à «Perspektive Thurgau» de concevoir une offre de base pour la prévention et la lutte contre la dépendance au jeu et de la mener à bien et qu'au Tessin, le «Gruppo Azzardo Ticino» s'occupe de prévention de la dépendance au jeu.

La CILP traite des fonds de loterie et de pari et de la répartition des moyens financiers aux art. 24 ss. La Comlot a procédé à une enquête concernant l'organisation mise en place par les cantons pour la redistribution des bénéfices des loteries et paris; elle a rédigé un rapport final avec des recommandations à l'intention des cantons, qui a été présenté à la CDCM en janvier 2008. Une nouvelle enquête a eu lieu, suivie d'un rapport dont les résultats ont également été présentés à la CDCM en mai 2010.

2.1.5

Organisation de projet en réponse aux mandats du Conseil fédéral

En 2004, le Conseil fédéral avait décidé, sur proposition des cantons, de suspendre provisoirement la révision en cours de la loi sur les loteries. En contrepartie, les cantons s'étaient engagés à remédier eux-mêmes, par la conclusion d'une convention intercantonale, aux carences constatées par la commission d'experts dans le domaine des loteries et des paris (voir ch. 2.1.3.2). Parallèlement, le Conseil fédéral avait chargé le DFJP de lui présenter, début 2007, un rapport déterminant si les mesures prises par les cantons avaient véritablement déployé leurs effets et, le cas échéant, dans quelle mesure, ou s'il fallait poursuivre la révision de la loi sur les loteries.

37

38

39

Arnaud/Inglin/Chabloz/Gervasoni/Notari/Gmel/Dubois-Arber, Etude romande sur le jeu, Une collaboration entre IUMSP et ISPA sur mandat du Programme Intercantonal de Lutte contre la Dépendance au jeu (PILDJ), Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Lausanne 2009, disponible sous: http://www.sos-jeu.ch/pdf/Etude_romande_jeu.pdf Le programme de traitement est pour l'instant accessible uniquement dans le cadre d'une étude menée par les Hôpitaux Universitaires Genevois, disponible sous: www.jeu-traitement.ch Jeannette Brodbeck/Sara Dürrenberger/Hansjörg Znoj, Grundlagenstudie Spielsucht.

Prävalenzen, Nutzung der Glücksspielangebote und deren Einfluss auf die Diagnose des pathologischen Spielens, Institut de psychologie de l'Université de Berne, Berne août 2007; étude de suivi: Jeannette Brodbeck/Hansjörg Znoj, Individuelle Entstehungsgeschichte der Spielsucht, Ansatzpunkte für Präventionsmassnahmen und Validierung des NODS, Folgestudie zur Grundlagenstudie Spielsucht, Institut de psychologie de l'Université de Berne, Berne 15 avril 2008, disponible sous: http://www.cdcm.ch/fr/archives/berichte.html

7268

Etant donné que les autorités mises en place par les cantons n'ont commencé leur activité que le 1er janvier 2007, le rapport du DFJP a été reporté à 200840. Ce rapport succinct a établi qu'il n'était pas encore possible d'apprécier avec une fiabilité suffisante si les mesures prises par les cantons pour remédier aux carences dans le domaine des loteries et des paris avaient porté leurs fruits. Le 30 mai 2008, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de préparer un concept d'évaluation permettant d'examiner les mesures prises par les cantons pour pallier les carences constatées dans le domaine des loteries et des paris. La mise au point de ce concept devait être faite durant l'année 2009, en collaboration avec les départements concernés de la Confédération et avec les cantons. L'évaluation elle-même devait avoir lieu dans le courant de 2010 et pendant la première moitié de 2011. Le Conseil fédéral a également donné mandat au DFJP de préparer jusqu'à fin 2011 un rapport qui comprendra deux parties: la partie A portera sur les résultats de l'évaluation des mesures prises par les cantons; la partie B du rapport se prononcera sur le besoin éventuel de légiférer et sur la nécessité de poursuivre les travaux de révision.

Le 22 avril 2009, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de préparer les modifications législatives requises afin d'assouplir l'interdiction de l'art. 5 LMJ (interdiction d'utiliser un réseau de communication électronique tel qu'Internet). Il s'agit d'une part de permettre, dans le domaine des maisons de jeu, l'octroi d'une concession à un nombre restreint d'exploitants de jeux basés sur Internet et, d'autre part, de créer les bases légales permettant d'appliquer des mesures techniques pour empêcher, ou du moins limiter, l'exploitation de jeux de hasard illégaux fondés sur un réseau de communication électronique. Le gouvernement a également chargé le DFJP d'examiner, en collaboration avec les cantons, une adaptation des bases légales en matière de loteries et paris. Ces modifications visent aussi à doter les autorités d'outils appropriés pour lutter contre les loteries et les paris illégaux exploités via des réseaux de communication électronique.

Parallèlement, le DFJP a également été chargé de préparer le projet de message du Conseil fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour des jeux
d'argent au service du bien commun».

Pour exécuter ces différents mandats et en assurer la cohérence, le DFJP a mis sur pied, en collaboration avec la CDCM, une organisation de projet. Celle-ci prévoit deux niveaux: un niveau politique sous la direction du chef du DFJP («POL») et un niveau technique. Au niveau technique, il s'agit d'une part d'une commission d'étude et d'autre part d'un groupe de travail pour les jeux en ligne. La commission d'étude est co-présidée par un représentant de la Confédération et un représentant des cantons, le groupe de travail pour les jeux en ligne est présidé par la CFMJ. Le groupe de travail pour les jeux en ligne est composé d'un représentant de la Comlot, de la Fédération suisse des casinos, des exploitants de loteries et de l'Office fédéral de la justice (OFJ). La commission d'étude, composée de représentants de la Confédération, de la Fédération suisse des casinos, des autorités de poursuite pénale, des autorités en charge des petites loteries, de Swisslos et de la Loterie Romande, de la Comlot et du comité d'initiative, a notamment élaboré le contre-projet direct que le Conseil fédéral entend opposer à l'initiative populaire. La mise au point du concept d'évaluation des mesures cantonales, de même que le suivi de l'évaluation, incom40

Rapport du DFJP du 15 mai 2008 sur la situation en matière de loteries et paris (ci-après: rapport du DFJP), disponible sous: http://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/gesellschaft/gesetzgebung/lotteriegesetz.html

7269

bent à un sous-groupe de la commission d'étude, composé uniquement de représentants de l'OFJ et de la Comlot.

En accord avec les cantons, il a été décidé d'avancer le calendrier prévu par le Conseil fédéral pour l'évaluation, afin de pouvoir tenir compte des résultats pour les travaux de la commission d'étude et la rédaction du présent message. Le rapport d'évaluation a été livré en septembre 2010.

2.1.6

Résultats de l'évaluation des mesures cantonales

Le but de l'évaluation était de constater si les mesures prises par les cantons, sur la base de la CILP, ont été efficaces, c'est-à-dire si elles ont permis de pallier les carences constatées dans le domaine des loteries et des paris. En accord avec la CDCM, l'OFJ a confié le mandat au bureau d'évaluation Infras en collaboration avec le prof. Grisel; un groupe d'accompagnement a suivi l'évaluation (voir ch. 2.1.5).

L'évaluation a porté essentiellement sur deux des trois buts de la CILP (voir ch. 2.1.4.1): l'application uniforme et coordonnée du droit sur les loteries et l'affectation transparente des bénéfices des loteries et des paris par les cantons. Le troisième but, soit la protection de la population contre les effets socialement nuisibles des loteries et paris, n'a pas fait l'objet d'un examen aussi approfondi, les effets des mesures prises n'étant que peu perceptibles à court terme.

Seuls quelques points de l'évaluation sont mentionnés ici41. Selon les évaluateurs, la création d'une autorité unique chargée des autorisations et de la surveillance (Comlot), de même que la procédure mise en place pour l'octroi des autorisations aux exploitants de grandes loteries, ont pour l'essentiel fait leurs preuves. La Comlot, disposant des connaissances et des ressources nécessaires, a été rapidement en mesure d'accomplir de manière satisfaisante les tâches qui lui sont attribuées par la CILP. C'est le domaine de la surveillance, que la Comlot met sur pied, qui est le plus susceptible d'améliorations. Tant la CILP que les activités de la Comlot ont contribué à sensibiliser davantage les cantons à la transparence de l'affectation des bénéfices des loteries et paris, sans que cela ne se traduise toujours en de réels changements. La CILP a également induit des progrès dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la dépendance au jeu.

En résumé, la CILP a permis, de l'avis des évaluateurs, de remédier à un grand nombre des carences constatées dans le domaine des loteries et paris. Les trois buts principaux de la CILP ont été, pour l'essentiel, atteints par les cantons ou pourront l'être à moyen terme. Il reste cependant un potentiel d'amélioration, pour lequel les évaluateurs ont formulé quelques recommandations: il s'agit d'une part pour la Comlot et les cantons de prendre un certain nombre de
mesures ou de poursuivre les efforts entrepris, sans modification du cadre légal, d'autre part de préciser quelques points de la CILP. Aux yeux des évaluateurs, la LLP, désuète et présentant des lacunes, doit être révisée.

41

Le rapport d'évaluation est disponible sous: www.ofj.admin.ch

7270

2.1.7

Procédures judiciaires

Lorsqu'il a décidé de suspendre la révision de la loi sur les loteries, le Conseil fédéral a estimé que la clarification des questions importantes dans le domaine des loteries et des paris ­ questions juridiques ou de principe ­ devait être laissée aux tribunaux. Cela touche en particulier la question de la délimitation entre la LLP et la LMJ.

Le DFJP dispose de la compétence d'user de toutes les voies de droit cantonales; il peut ainsi se constituer partie à la procédure devant toute instance cantonale, pour autant que la décision cantonale soit susceptible d'être contraire à la législation sur les loteries42. Le DFJP peut également recourir au Tribunal fédéral contre toutes les décisions cantonales de dernière instance43. Le DFJP a délégué cette compétence à l'OFJ pour le domaine des loteries et des paris. L'OFJ n'en fait usage que s'il y a lieu de clarifier une question de principe et d'obtenir un précédent. S'agissant de l'interprétation du critère ­ crucial ­ du plan, il a recouru contre des décisions d'homologation rendue par la Comlot; ces affaires sont pendantes. Fin 2006, la CFMJ a rendu une décision dans la procédure portant sur la qualification des machines de jeu «Tactilo» exploitées par la Loterie Romande. Elle a interdit l'exploitation de ces appareils en dehors des maisons de jeu qui bénéficient d'une concession. Le Tribunal administratif fédéral lui ayant donné tort au début de 201044, la CFMJ a porté l'affaire devant le Tribunal fédéral.

2.2

Marché suisse des jeux45

2.2.1

Maisons de jeu

La Suisse compte 19 maisons de jeu bénéficiant d'une concession. Sept d'entre elles sont titulaires d'une concession de type A (grands casinos); les douze autres possèdent une concession de type B (casinos de type B). La principale différence entre les casinos de type A et les casinos de type B réside dans l'offre de jeux. Pour les maisons de jeu bénéficiant d'une concession de type B, le montant des mises et des gains est plafonné et le nombre des machines à sous est pour l'instant limité à 15046.

En outre, ces maisons de jeu ne peuvent exploiter qu'un seul système de jackpot.

Ces restrictions ne s'appliquent pas aux établissements de type A.

Les quinze casinos titulaires d'une concession définitive qui ont ouvert leurs portes en 2002 ont réalisé cette année-là un produit brut des jeux d'environ 139 millions de francs47. En 2009, le produit brut des jeux réalisé par l'ensemble des 19 maisons de jeu a atteint plus de 936 millions de francs, ce qui représente néanmoins une baisse de 5,6 % par rapport à l'exercice précédent. La part du produit provenant des machi42 43 44 45

46 47

Art. 111, al. 2, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110).

Art 82, let. a, LTF Arrêt du 18 janvier 2010, B-1099/2007.

Voir également document en annexe: Données relatives au produit brut des jeux des grands exploitants de loteries et paris et des maisons de jeu, et contribution à l'utilité publique.

Voir la décision du Conseil fédéral du 24 mars 2010 également sous 2.2.1.

Tous les chiffres sont arrondis au million inférieur. Voir CFMJ, Rapport annuel 2002.

Les rapports annuels sont disponibles sous: http://www.esbk.admin.ch/esbk/fr/home/dokumentation/berichte.html

7271

nes à sous s'est élevée à 757 millions de francs et celle des jeux de table à 179 millions de francs. Les casinos ont acquitté 479 millions de francs ­ prélevés sur le produit brut des jeux ­ à titre d'impôt sur les maisons de jeu en 2009; près de 406 millions de francs de cette somme ont été versés à l'AVS et quelque 73 millions aux cantons d'implantation des casinos de type B48.

Le 24 mars 2010, le Conseil fédéral a décidé d'attribuer deux nouvelles concessions pour l'ouverture d'un casino en ville de Zurich et dans la région de Neuchâtel.

L'octroi des concessions devrait avoir lieu au cours de l'été 2011. L'extension prévue du marché des maisons de jeu laisse entrevoir des avantages économiques pour les deux régions retenues, qui ne comptaient pas encore de casino sur leur territoire. Elle devrait aussi permettre à la Confédération, et plus particulièrement à l'AVS, d'augmenter les recettes fiscales issues de l'exploitation des jeux. Le Conseil fédéral a également chargé la CFMJ de supprimer certaines restrictions que l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu (OLMJ)49 impose actuellement aux maisons de jeu bénéficiant d'une concession B: il s'agit premièrement de faire passer de 150 à 250 le nombre maximum de machines à sous autorisées et, deuxièmement, de porter à 200 000 francs le montant limite du jackpot, tout en éliminant l'interdiction d'exploiter plusieurs systèmes de jackpot.

Le poker connaît un véritable engouement. La Confédération ne dispose pas de chiffres relatifs aux tournois de poker qui, ayant obtenu la qualification de jeu de d'adresse par la CFMJ, pouvaient être organisés en toute légalité hors d'une maison de jeu, sauf disposition contraire du droit cantonal. Elle ne dispose pas non plus de chiffres relatifs aux autres jeux d'adresse offerts dans des bars, des restaurants ou sur Internet. Le 20 mai 2010, le Tribunal fédéral a admis le recours de la Fédération suisse des casinos: il a estimé que les tournois de poker «Texas Hold'em» constituent des jeux de hasard. L'organisation de tels tournois est désormais interdite hors des casinos50.

2.2.2

Loteries et paris

Le marché suisse des loteries et des paris est dominé par deux grandes sociétés: la Loterie Romande (pour le territoire des cantons romands) et Swisslos (pour les cantons alémaniques et le Tessin). Ces deux sociétés sont les seules à pouvoir exploiter les loteries et paris d'une certaine envergure (ce qu'il est convenu d'appeler les grandes loteries)51. A côté de ces deux sociétés, on trouve un grand nombre de petites loteries visant elles aussi un but d'utilité publique ou de bienfaisance.

48

49 50 51

En 2009, le taux d'imposition moyen sur le produit brut des jeux s'est élevé à 51,16 % (53,52 % pour les établissements au bénéfice d'une concession A et 47,74 % pour les établissements au bénéfice d'une concession B); en 2008, le taux d'imposition moyen était de 52,12 %. Voir CFMJ, Rapport annuel 2009.

RS 935.521 ATF 136 II 291 Les cantons avaient passé diverses conventions à cette fin. La dernière est l'actuelle convention intercantonale (voir ch. 2.1.4).

7272

Le produit brut des jeux (différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) du marché suisse des loteries et paris s'est élevé à plus de 708 millions de francs en l'an 200252. Il a atteint plus de 899 millions en 2009 (en légère augmentation par rapport à l'année précédente); ce chiffre ne comprend pas les petites loteries, qui ne représentent qu'une infime part du marché53.

En 2009, Swisslos et la Loterie Romande ont reversé la somme de 544 millions de francs aux fonds cantonaux de loterie et du sport et à des associations sportives faîtières par le biais du Sport-Toto. Les recettes des petites loteries sont directement utilisées par les organisations ou associations pour le financement de leurs projets d'utilité publique ou de bienfaisance.

2.2.3

Jeux en ligne

La Loterie Romande et Swisslos proposent également leurs jeux sur Internet. En Suisse, la plus grande part de l'offre de jeux en ligne vient toutefois de l'étranger et est illégale au regard du droit suisse; on peut parler d'un produit brut des jeux généré par des clients qui jouent, depuis la Suisse, à des jeux en général exploités depuis des sites offshores. Les informations relatives au marché des jeux en ligne en Suisse sont très lacunaires. Il n'y a pas de données officielles, Selon les estimations de la CDCM, les exploitants étrangers de jeux de hasard sur Internet auraient réalisé en Suisse, en 2007, un produit brut des jeux de 1,5 million de francs dans le domaine des loteries, d'environ 34 millions de francs dans le domaine des paris sportifs et d'environ 39 millions de francs dans celui des jeux de casino. En Suisse, les offres illégales sur Internet auraient été utilisées par quelque 35 000 personnes pour les loteries et les paris sportifs, et par 40 000 personnes pour les jeux de casino54.

Pour l'année 2007 également, la CFMJ estimait que le produit brut des jeux en ligne s'élevait à un montant compris entre 86 et 118 millions; la part relevant des jeux de casinos aurait atteint entre 25,8 et 35,4 millions de francs55.

52

53 54 55

Tous les chiffres sont arrondis au million inférieur. La statistique des loteries publiée par l'OFJ, qui se fonde uniquement sur le chiffre d'affaires jusqu'en 2007, est disponible sous: http://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/gesellschaft/lotterien_ und_wetten/statistik.html Trois millions de francs pour les petites loteries prises en compte dans la statistique 2009 des loteries de l'OFJ.

Rapport de la CDCM du 4 février 2009 intitulé «Glücksspiel im Internet», p. 65 ss, disponible (en allemand, avec un résumé en français) sous: www.fdkl.ch Examen de l'opportunité d'assouplir l'interdiction d'utiliser un réseau de communication électronique pour l'exploitation de jeux de hasard, rapport du 31 mars 2009 de la CFMJ, p. 16, disponible sous: http://www.esbk.admin.ch/esbk/fr/home/dokumentation/berichte.html Voir aussi Paysage des casinos en Suisse, Rapport sur la situation, Recommandations pour l'avenir, document de 2006 établi par la CFMJ, p. 26 s., disponible sous: http://www.esbk.admin.ch/esbk/fr/home/dokumentation/berichte.html

7273

2.2.4

Evolution technique

L'évolution technique rapide, notamment dans le domaine des télécommunications, se répercute également sur les jeux de hasard56. Actuellement, il est possible de jouer à des jeux de hasard pratiquement n'importe quand et de n'importe où, principalement en ligne. Face aux possibilités ouvertes par Internet, les restrictions à l'offre de jeux, qui découlent des monopoles étatiques, sont de plus en plus inefficaces; le contrôle des Etats n'en est que plus difficile à exercer. De plus, grâce à Internet, le joueur est en mesure de comparer l'offre de jeux de hasard; il peut ainsi jouer en ligne et choisir les jeux les plus attrayants, pour autant qu'il se sente suffisamment en confiance. Cette tendance est particulièrement nette pour les paris sportifs (voir estimations au ch. 2. 2.3). Ces dernières années, plusieurs Etats ont toutefois réussi à juguler l'offre de jeux en ligne illégaux en bloquant l'adresse IP des exploitants de ces jeux ou les versements à leur intention. Un groupe de travail examine les modifications législatives requises par cette nouvelle donne (voir ch. 2.1.5) sur mandat du Conseil fédéral.

L'évolution de la technologie, notamment, a aussi des répercussions aux niveaux politique et juridique (voir également ch. 2.3).

2.3

Droit comparé

2.3.1

Bref aperçu de la situation dans quelques Etats européens57

2.3.1.1

Allemagne

D'une manière générale, l'exploitation de jeux de hasard est soumise à autorisation en Allemagne. L'Etat fédéral est compétent pour les paris sur les courses hippiques et les machines proposées hors des casinos. Les seize Länder sont donc compétents pour les maisons de jeu, les loteries et les paris qui ne portent pas sur des courses hippiques; on peut parler d'un monopole de fait pour la majorité des jeux relevant de la compétence des Länder.

Les Länder avaient conclu un «Staatsvertrag zum Lotteriewesen», un accord établissant un cadre commun pour l'exploitation des loteries et des paris sportifs, entré en vigueur en 2004. Le 28 mars 2006, la Cour constitutionnelle allemande a considéré que cet accord était contraire à la loi fondamentale («Grundgesetz»), un monopole n'étant licite que s'il est assorti de mesures visant à prévenir de la dépendance au jeu. Le 1er janvier 2008, un nouvel accord entre les Länder («Staatsvertrag zum Glücksspielwesen in Deutschland») est entré en vigueur; il expirera fin 2011. Cet accord prohibe l'offre de jeux sur Internet.

Conformément au Staatsvertrag, le bénéfice d'une loterie doit être utilisé pour le but déterminé dans l'autorisation; il s'agit d'un but d'utilité publique, de bienfaisance ou encore ecclésiastique. Le «Lotto und Totoblock» verse ainsi une part des mises au 56 57

Pour plus de détails: voir Rapport du DFJP. Cf. note de bas de page no 40.

Cet aperçu est notamment tiré de l'avis 09-140 de l'Institut suisse de droit comparé (ISDC), rédigé sur mandat de l'OFJ, et visant à actualiser la «Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union» (étude rédigée par l'ISDC sur demande de la Commission européenne) pour quelques pays.

7274

profit notamment de la bienfaisance et du sport. Les Länder peuvent ne pas appliquer les règle du Staatsvertrag aux «petites loteries» ­ c'est-à-dire celles dont la somme des lots est inférieure à 40 000 euros et dont les bénéfices nets sont affectés à des buts d'utilité publique, de bienfaisance ou encore à de fins religieuses. Les sociétés de courses qui organisent des paris mutuels doivent avoir pour but la promotion et l'élevage des chevaux. Chaque Land a sa propre réglementation en matière de casinos. En Rhénanie du Nord-Westphalie, par exemple, la législation58 prévoit une fondation qui gère les ressources provenant de l'impôt prélevé sur le produit brut des jeux; l'argent doit être utilisé en faveur de l'aide sociale, de l'utilité publique et de la bienfaisance, notamment pour des projets destinés aux personnes handicapées ou âgées.

2.3.1.2

France

L'approche française en matière de jeux de hasard repose sur un principe général de prohibition.

Les loteries sont en principe interdites, mais un certain nombre d'exceptions ont été aménagées, notamment en faveur d'un monopole de l'Etat pour l'organisation d'une loterie nationale (Française des jeux). La contribution de la «Française des jeux» aux finances publiques (27 % des mises en 2008) permet notamment de financer (à hauteur de 80 %) le Fonds national pour le développement du sport. La «Française des jeux» a également une importante activité de mécénat (par exemple avec la Croix-Rouge française). Les associations peuvent organiser des lotos lorsqu'ils sont organisés dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale; mises et gains sont plafonnés.

Si les paris sont en principe interdits, des paris sportifs et des paris hippiques sont autorisés. Le PMU, un groupement d'intérêt économique composé de 51 sociétés de course, a pour mission essentielle le financement de la filière hippique. Il verse le bénéfice net des paris à ces sociétés. Offrant traditionnellement des paris hippiques, le PMU étend désormais son offre aux paris sportifs et au poker sur Internet.

Les casinos sont eux aussi en principe interdits, mais des autorisations peuvent être accordées sur demande de communes remplissant les conditions fixées par la loi.

Les autorités souhaitent que le nombre de casinos reste limité. La loi indique quels jeux peuvent être offerts dans les casinos, qui disposent en outre d'un monopole d'exploitation des machines à sous. Quant aux casinos, la commune d'implantation négocie avec le casino un cahier des charges, dont le taux de prélèvement direct de la commune sur le produit brut des jeux constitue la disposition principale; la commune doit utiliser cette somme pour l'amélioration de son attrait touristique. En outre, le cahier des charges concrétise les exigences légales: le casino doit réaliser des animations, des activités culturelles, des spectacles, et offrir une restauration d'excellent niveau.

La Commission européenne a demandé à la France d'ouvrir son marché à la concurrence. Les députés ont adopté le 6 avril 2010 une loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Cette loi permet une ouverture régulée d'une partie du marché des jeux en ligne 58

Gesetz über die Zulassung öffentlicher Spielbanken im Land Nordrhein-Westfalen.

7275

(paris sportifs, paris hippiques et poker) via l'attribution, par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), d'un agrément, d'une durée de cinq ans, à des opérateurs tenus de respecter un cahier des charges strict. Le monopole de la Française des jeux subsiste pour les loteries (sur le réseau physique et sur Internet) et pour les paris sportifs non virtuels; c'est le cas par exemple du PMU pour les paris sur les courses de chevaux non proposés en ligne. Plus d'une dizaine d'agréments ont été attribués par l'Arjel à ce jour.

2.3.1.3

Italie

La législation sur les jeux en Italie est très abondante et il est difficile d'en avoir une vue d'ensemble. Les loteries (les loteries traditionnelles, les loteries instantanées et les petites loteries font l'objet de législations différentes) et les paris au totalisateur ou à cote fixe peuvent être exploités si une concession ou une autorisation a été octroyée. L'«Amministrazione autonoma dei monopoli di Stato» soutient notamment le sport et la culture en versant des contributions à d'importantes manifestations. Elle s'engage en outre dans des récoltes de fonds à caractère social. Les paris contribuent au soutien de la filière équine.

Les maisons de jeu sont en principe interdites; seuls quatre casinos sont autorisés actuellement; ils sont censés contribuer au développement de régions considérées comme économiquement faibles. Une part de l'impôt prélevé sur le produit brut des jeux revient à la commune d'implantation.

Un processus de libéralisation des jeux en ligne a eu lieu; selon le décret «Bersani» (223/2006), les titulaires d'une concession pour l'exploitation d'un jeu peuvent exploiter le même jeu en ligne contre le versement d'une somme déterminée. Un décret ministériel du 17 septembre 2007 a autorisé une nouvelle catégorie de jeux, les jeux d'adresse à distance, pour lesquels une concession peut être obtenue. Ces dernières années, l'Italie a mis en place un important arsenal législatif visant à lutter contre le jeu illégal en ligne.

2.3.1.4

Royaume-Uni

Le «Gambling Act» de 2005, dont la plupart des dispositions sont désormais en vigueur, s'applique à la plupart des jeux de hasard et subordonne leur exercice à une autorisation de la commission des jeux. Une loi particulière continue de s'appliquer à la Loterie nationale et aux paris sur les courses hippiques, qui réserve notamment jusqu'en 2011 les paris mutuels à une société dont les actions sont détenues par l'Etat. L'autorisation d'exploiter les diverses loteries existant au niveau national ne peut être octroyée qu'à une seule société. Une partie des mises versées à la Loterie nationale est affectée au financement de «bonnes causes»; il s'agit de projets que la loterie finance à travers une quinzaine de partenaires, parmi lesquels figurent l'agence semi-gouvernementale de promotion du cinéma au Royaume-Uni et l'agence du ministère de la culture pour le développement du sport. La filière équine bénéficie d'un prélèvement sur les paris hippiques (mutuels, et dans une moindre mesure, sur les paris au bookmaking qui représentent la plus grande part du marché).

Il existe également des casinos, dont le nombre est limité par catégories. Le gouvernement a toutefois renoncé à autoriser la construction et l'exploitation de l'unique 7276

«regional casino» prévu par la loi. Une liste des jeux autorisés est établie, de manière souple, par la commission des jeux.

2.3.2

Union européenne et Association européenne de libre-échange

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne portant sur les jeux d'argent, l'ensemble de ces jeux doit être qualifié d'activités économiques au sens de l'ancien art. 2 CE, partiellement repris à l'art. 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), bien que ce soient des activités économiques d'une nature particulière59. La compatibilité des régimes réglementaires nationaux relatifs à ces activités a notamment été examinée au regard de la libre prestation des services prévue à l'ancien art. 49 CE (art. 56 TFUE). Quant à la directive de l'UE du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur60, elle exclut expressément de son champ d'application les «activités de jeux d'argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard, y compris les loteries, les casinos et les transactions portant sur des paris» (art. 2, let. h, de la directive).

Il est désormais de jurisprudence constante et bien établie que les législations nationales qui suppriment ou restreignent, d'une manière ou d'une autre, le droit des opérateurs de proposer des jeux d'argent constituent en principe une entrave à la libre prestation de services et contreviennent à l'ancien art. 49 CE (art. 56 TFUE)61.

Mais la Cour de justice a admis des entraves à la libre prestation des services pour des raisons impérieuses d'intérêt général, comme la protection des consommateurs, l'atténuation du dommage social causé par le jeu, la prévention des abus et des fraudes et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive en matière de jeux62.

A cet égard, la Cour a reconnu expressément que les particularités d'ordre moral, religieux ou culturel ainsi que les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pour l'individu et la société qui peuvent découler des jeux pouvaient justifier de laisser aux autorités nationales un pouvoir d'appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comporte la protection du consommateur et de l'ordre social63. Sans que ce motif puisse, en lui-même, être regardé comme une justification objective, il n'est pas indifférent, selon la Cour, de relever que les loteries peuvent participer, de manière significative, au financement d'activités désintéressées ou d'intérêt général telles que les oeuvres sociales, les oeuvres caritatives,
le sport ou la culture. Si les Etats membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et de définir avec précision le niveau de protection recherché, les restrictions qu'ils imposent doivent toutefois satisfaire aux 59 60 61

62

63

CJCE, 11 septembre 2003, Anomar, aff. C-6/01, Rec. I-8621, pt 47.

Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 206 relative aux services dans le marché intérieur, JO L 376 du 27.12.2006, p. 36.

Par exemple: CJCE, 24 mars 1994, Schindler, aff. C-275/92, Rec. I-1039, pt 46; CJCE, 21 septembre 1999, Läärä, aff. C-124/97, Rec. I-6067, pt 29; CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli, aff. C-243/01, Rec. I-13031, pts 57 à 59; CJCE, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional, aff. C-42/07, Rec. I-07633, pt 52; CJUE, 3 juin 2010, Sporting Exchange Ltd (Betfair), aff. C-203/08, pt 24; CJUE, 3 juin 2010, Ladbrokes Bettting & Gaming Ltd, 3 juin 2010, aff. C-258/08, pt 16.

Par exemple: arrêt Schindler, pts 57 à 60; arrêt Gambelli, pt 67; arrêt Anomar, pt 73; CJCE, 6 mars 2007, Placanica e. a., aff. jtes C-338/04, C-359/04, C-360/04, Rec. I-1891, pt 46.

Par exemple: arrêt Schindler, pts 60 et 61, arrêt Gambelli, pt 63.

7277

exigences jurisprudentielles en matière de proportionnalité. Pour respecter ce principe, la jurisprudence pose notamment l'exigence de cohérence de la politique nationale en matière de jeux de hasard64. En outre, l'objectif du financement d'activités d'utilité publique ne peut pas constituer à lui seul la justification d'une politique restrictive65.

Dans une première série d'arrêts, allant de 1994 à septembre 200366, la Cour entendait laisser une certaine marge d'appréciation aux Etats membres s'agissant de l'étendue de la protection qu'ils veulent assurer sur leur territoire; elle a dès lors admis de manière assez large la possibilité d'invoquer un certain nombre de raisons impérieuses d'intérêt général et a souvent laissé aux juridictions nationales de renvoi le soin de vérifier le respect du principe de proportionnalité.

Dans une deuxième série d'arrêts, couvrant la période novembre 2003 à octobre 200967, la Cour a limité le pouvoir d'appréciation reconnu aux Etats membres et s'est montrée plus intransigeante sur le respect des exigences en matière de proportionnalité, notamment dans l'arrêt «Gambelli»68. Cette jurisprudence a été nuancée dans l'arrêt «Placanica», dans lequel la Cour a reconnu qu'une politique d'expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard peut être tout à fait cohérente avec l'objectif visant à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites en tant que telles vers des activités autorisées et réglementées.

Avec l'arrêt «Liga Portuguesa de Futebol Profissional (Bwin)»69, la Cour a retenu que «l'article 49 CE (devenu 56 TFUE) ne s'oppose pas à une réglementation d'un Etat membre, telle que celle en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin, établis dans d'autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l'Internet sur le territoire dudit Etat membre». Cette solution jurisprudentielle doit toutefois être relativisée, notamment parce que la Cour la limite explicitement aux hypothèses dans lesquelles les opérateurs n'ont aucun établissement dans l'Etat membre en cause et se servent exclusivement d'Internet pour proposer leurs services. La Cour relève que le secteur des jeux de hasard offerts par Internet ne fait pas l'objet d'une harmonisation au sein
de l'UE70 et que les jeux de hasard accessibles par Internet comportent des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d'éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs71. Deux arrêts postérieurs, rendus le 3 juin 2010, 64

65

66 67 68

69 70 71

On ne peut à la fois prévoir des mesures destinées à lutter contre le trouble social que constituent les jeux et des mesures encourageant la participation du public aux jeux pour augmenter les recettes fiscales ou les revenus destinés aux activités d'utilité publique.

Par exemple: arrêt Gambelli, pt 69; arrêt Placanica, pt 54.

Le financement d'activités sociales par les jeux autorisés ne doit constituer qu'une conséquence bénéfique accessoire et non la justification réelle de la politique restrictive mise en place. Par exemple: CJCE, 21 octobre 1999, Zenatti, aff. C-67/98, Rec. I-7289, pt 36; arrêt Gambelli, pt 62.

Cf. les arrêts Schindler, Läärä, Zenatti et Anomar.

Par exemple: arrêt Gambelli; arrêt Placanica; CJCE, 6 octobre 2009, Commission contre Espagne, aff. C-153/08, Rec. I-09735.

Dans l'arrêt Gambelli, par exemple, elle relève que l'Etat italien ne semble pas respecter le principe de proportionnalité ­ plus précisément l'exigence de la cohérence ­ dans la mesure où il encourage les consommateurs à participer aux jeux afin que le trésor public en retire des bénéfices.

CJCE, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional, aff. C-42/07.

Arrêt Liga Portuguesa, pt 69.

Arrêt Liga Portuguesa, pt 70.

7278

traitent eux aussi de la question de l'exploitation des jeux de hasard par Internet.

L'arrêt «Sporting Exchange Ltd (Betfair)» s'inscrit dans la prolongation de l'arrêt «Liga Portuguesa», dont il confirme la teneur72. L'arrêt «Ladbrokes Betting & Gaming Ltd», s'il confirme également la teneur de l'arrêt «Liga Portuguesa»73, apporte des précisions par rapport à la publicité et à l'exigence d'une politique cohérente et systématique en matière de jeux de hasard. L'objectif de protéger les consommateurs contre la dépendance au jeu étant, en principe, difficilement compatible avec une politique d'expansion des jeux de hasard, caractérisée notamment par la création de nouveaux jeux et par la publicité faites pour ceux-ci, une telle politique ne saurait être considérée comme cohérente que si les activités de jeux illégales constituent un problème considérable dans le pays concerné et si les mesures adoptées visent à canaliser l'envie de jouer des consommateurs dans les circuits légaux74.

Avec les arrêts «Markus Stoss»75 (et cinq autres affaires jointes), «Carmen Media»76 et «Winner Wetten»77 ­ tous concernent la situation existant en Allemagne ­, la Cour a confirmé sa jurisprudence tout en la développant sur certains points. En ce qui concerne l'admissibilité des monopoles, la Cour considère que les Etats membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché, pour autant que les restrictions qu'ils imposent satisfassent aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité. Les Etats membres sont notamment libres d'instituer des monopoles publics dans un souci de canaliser l'envie de jouer et de maintenir l'exploitation des jeux dans un circuit contrôlé. Il demeure toutefois que l'institution d'une mesure aussi restrictive qu'un monopole, qui ne saurait se justifier qu'en vue d'assurer un niveau de protection des consommateurs particulièrement élevé, doit s'accompagner de la mise en place d'un cadre normatif propre à garantir que le titulaire du monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, l'objectif ainsi fixé au moyen d'une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de
l'objectif poursuivi et soumise à un contrôle strict de la part des autorités publiques. Néanmoins, la Cour relève que les juridictions allemandes sont fondées à considérer que la réglementation allemande ne limite pas d'une manière cohérente et systématique les jeux de hasard. En effet, d'une part, les titulaires des monopoles publics se livrent à des campagnes publicitaires intensives en vue de maximaliser les profits résultant des loteries, en s'éloignant ainsi des objectifs justifiant l'existence de ces monopoles. D'autre part, s'agissant des jeux de hasard tels que les jeux de casino et les jeux automatisés, qui ne relèvent pas du monopole public mais présentent un potentiel de dépendance au jeu supérieur aux jeux soumis à ce monopole, les autorités allemandes mènent ou tolèrent des politiques visant à encourager la participation à ces jeux. Or, dans de telles circonstances, l'objectif préventif de ce monopole ne peut plus être efficacement poursuivi si bien que celui-ci cesse de pouvoir être justifié. En outre, la Cour rappelle qu'il est de jurisprudence constante que bien qu'il ne soit pas indifférent que les jeux d'argent puissent participer, de manière significa72 73 74 75 76 77

CJUE, 3 juin 2010, Sporting Exchange Ltd (Betfair), aff. C-203/08, pts 33 ss.

CJUE, 3 juin 2010, Ladbrokes Betting & Gaming Ltd, Ladbrokes International Ltd, aff.

C-258/08, pts 54 ss.

Arrêt Ladbrokes, pts 24 ss.

CJUE, 8 septembre 2010, Markus Stoss, C-316/07 et aff. jtes C-358/07 à C-360/07, C-409/07 et C-410/07.

CJUE, 8 septembre 2010, Carmen Media Group Ltd., aff. C-46/08.

CJUE, 8 septembre 2010, Winner Wetten GmbH, aff. C-409/06.

7279

tive, au financement d'activités désintéressées ou d'intérêt général, un tel motif ne peut, en lui-même, être regardé comme une justification objective de restrictions à la libre prestation des services. Ces dernières ne sont en effet admissibles qu'à la condition, notamment, que le financement de telles activités sociales ne constitue qu'une conséquence bénéfique accessoire, et non la justification réelle de la politique restrictive mise en place.

Finalement, la Cour relève dans le jugement «Ernst Engelmann»78 que la pratique qui a prévalu jusqu'à ce jour en Autriche pour l'octroi de douze concessions à la société Casinos Austria n'est pas conforme à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, puisque la totalité des concessions a été attribuée en dehors de toute mise en concurrence.

La Cour de justice de l'AELE a rendu deux décisions importantes sur la licéité des monopoles nationaux79. Sa position est proche de celle de la Cour de justice de l'Union européenne.

2.3.3

Organisation mondiale du commerce

Dans la libéralisation du commerce mondial encadrée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Accord général sur le commerce des services (AGCS, plus connu sous l'acronyme de langue anglaise: GATS) règle le libre-échange de services entre les Etats membres. Si l'offre de jeux de hasard est qualifiée expressément de fourniture de services dans la classification centrale des produits établie par les Nations Unies («Central Product Classification» 96492), l'AGCS (art. XIV) prévoit notamment une réserve quant aux «mesures nécessaires à la protection de la moralité publique ou au maintien de l'ordre public».

2.4

Interventions parlementaires

Le domaine des jeux de hasard a fait l'objet d'un grand nombre d'interventions parlementaires. On peut notamment citer:

78

79

­

Initiative parlementaire Studer: révision de la loi fédérale sur les loteries (04.437);

­

Question Brändli: loi sur les loteries. Révision (04.1021); CJUE, 9 septembre 2010, Ernst Engelmann, aff. C-64/08. La Cour rappelle que l'obligation de transparence impose à l'autorité concédante de garantir un degré de publicité adéquat permettant une ouverture de la concession de services à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'attribution. Cette obligation est une condition préalable obligatoire du droit d'un État membre d'attribuer des autorisations d'exploitation des casinos, quel que soit le mode de sélection des opérateurs. L'attribution d'une concession, en dehors de toute transparence, à un opérateur situé dans l'État membre dont relève l'autorité adjudicatrice constitue une différence de traitement au détriment des opérateurs établis dans d'autres États membres, qui n'ont aucune possibilité réelle de manifester leur intérêt pour obtenir la concession en cause. Une telle différence de traitement est contraire aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité et constitutive d'une discrimination indirecte selon la nationalité interdite par le droit de l'Union.

Affaire CJ-AELE E-1/06 (autorité de surveillance de l'AELE contre Royaume de Norvège); affaire CJ-AELE E-3/06 (Ladbrokes Ltd contre le gouvernement de Norvège).

7280

­

Question Baumann: abus et manque de transparence dans le domaine des loteries? (04.1054);

­

Question Aeschbacher: paris et loteries. Dysfonctionnements (04.1067);

­

Motion de la Commission des affaires juridiques CN: loi sur les loteries.

Révision partielle (04.3431);

­

Interpellation Bruderer: zone grise pour les paris sportifs (05.3113);

­

Interpellation Hans Hess: loi sur les maisons de jeu. Mise en oeuvre pour les automates de jeux de hasard et de jeux d'adresse (05.3458);

­

Initiative parlementaire Menétrey-Savary: joueurs excessifs, dépendance au jeu (05.422);

­

Initiative parlementaire Bezzola: loi sur les maisons de jeu. Assouplissement des dispositions fiscales, notamment dans les régions touristiques (05.424);

­

Interpellation Markus Hutter: jeux de hasard en ligne (06.3828);

­

Interpellation Markus Hutter: réglementation des jeux de hasard (06.3830);

­

Interpellation Amgwerd: conflit d'intérêts à la Commission fédérale des maisons de jeu. Conséquences désastreuses pour les cantons (07.3122);

­

Postulat Lombardi: restriction de l'offre pour les casinos possédant une concession B (07.3264);

­

Motion Menétrey-Savary: maisons de jeu et loteries. Contrôler la publicité (07.3633);

­

Question Berberat: loteries. Quand le Conseil fédéral entend-il assumer ses responsabilités politiques? (08.1027);

­

Motion Reimann: légaliser le jeu de poker dans les cercles privés (08.3060);

­

Motion Ingold: autoriser les appareils automatiques de loterie uniquement dans les maisons de jeu (10.3426);

­

Motion Jacqueline Fehr: reconnaître le poker comme un jeu d'adresse (10.3506);

­

Motion Grin: loi sur les casinos et les maisons de jeux (10.3613).

3

L'initiative

3.1

Teneur et objectifs

Selon la présentation qu'en font leurs auteurs, l'initiative vise d'une part à mettre, sur le plan constitutionnel, les jeux d'argent au service du bien commun, et d'autre part à délimiter clairement et à maintenir les compétences des cantons dans le domaine des jeux d'argent. L'atteinte du premier objectif passe par l'affectation au bien commun de l'intégralité des bénéfices des loteries et des paris et par l'inscription dans une loi du taux de l'impôt sur les recettes des maisons de jeu au profit de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. De plus, l'initiative veut

7281

clairement délimiter les compétences de la Confédération et des cantons dans le domaine des jeux d'argent80.

L'initiative prévoit une compétence législative étendue de la Confédération dans le domaine des maisons de jeu et limite à la définition des principes la compétence législative de la Confédération en matière de loteries et de paris professionnels. Elle s'écarte ainsi de la disposition constitutionnelle en vigueur, qui ménage à la Confédération une compétence législative concurrente étendue pour tout le domaine des jeux d'argent. Par ailleurs, l'initiative attribue désormais aux cantons, au niveau constitutionnel, la compétence d'autoriser et de surveiller les loteries et les paris professionnels. Elle supprime la disposition en vigueur prévoyant que les appareils à sous servant aux jeux d'adresse qui permettent de réaliser un gain sont du ressort des cantons. De plus, l'initiative exige que tous les jeux autorisés par la Confédération ou les cantons servent le bien commun; elle prévoit l'affectation intégrale du bénéfice des loteries et des paris professionnels à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif. L'initiative ne prévoit plus de taux maximal de l'impôt sur les maisons de jeu au profit de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. Elle impose par ailleurs à la Confédération et aux cantons de veiller à la prévention de la dépendance au jeu. Enfin, sur le plan terminologique, elle remplace la notion actuelle de «jeux de hasard» par celle de «jeux d'argent», et elle introduit l'expression de «bien commun» à côté de celle d'«utilité publique».

3.2

Appréciation

3.2.1

Réglementation des jeux d'argent par l'Etat

L'initiative règle la matière en trois articles, ce qui, en comparaison avec les dispositions constitutionnelles relatives à d'autres domaines, paraît disproportionné. Elle prévoit que les jeux d'argent restent soumis à la réglementation de l'Etat. Au lieu de l'expression actuelle de «jeux de hasard», elle utilise la notion de «jeux d'argent».

Eu égard à la systématique du texte de l'initiative et du commentaire du comité d'initiative à son propos, on peut admettre que la notion de «jeux d'argent» couvre toutes les formes de jeux évoquées dans l'initiative et que les loteries et paris professionnels ­ également cités ­ constituent une sous-catégorie des jeux d'argent. Les jeux d'adresse tels qu'on les connaît aujourd'hui devraient également se ranger parmi les jeux d'argent. Il incomberait au législateur de définir la notion de «jeux d'argent», de dire quels jeux doivent être soumis à une réglementation étatique et de fixer les critères qui autoriseraient des exceptions. A cet égard, l'initiative fournit quelques indications.

En accord avec la disposition constitutionnelle en vigueur, l'ouverture et l'exploitation de maisons de jeu resteraient soumises à l'octroi d'une concession par la Confédération. La formulation «(La Confédération) octroie les concessions (...)» à l'art. 106a, al. 2, du texte de l'initiative incite toutefois à se demander si un droit à l'octroi d'une concession doit être créé. La disposition constitutionnelle actuelle n'oblige pas la Confédération à délivrer des concessions. Par ailleurs, dans la régle-

80

Cf. le commentaire de l'initiative par son comité sous: www.biencommun.ch, consulté pour la dernière fois le 29 septembre 2010.

7282

mentation en vigueur, il ne s'agit pas stricto sensu de concessions, mais d'autorisations relevant de la politique économique81.

L'initiative innove au niveau constitutionnel, dans le respect toutefois de la pratique actuelle, en soumettant l'exploitation de loteries et de paris professionnels, de même que les jeux organisés par les exploitants, à une autorisation (cantonale). Elle ne fournit aucun indice quant au régime de l'autorisation et ne précise pas dans quelle mesure le monopole des cantons sur les grandes loteries sera maintenu. Un monopole existe aujourd'hui parce que des autorisations d'exploiter des grandes loteries ne sont délivrées qu'à Swisslos et à la Loterie Romande. Ces deux exploitants reversent leurs bénéfices nets aux cantons et à la société du Sport-Toto (la Loterie Romande en fait également profiter l'Association pour le développement de l'élevage et des courses).

En ce qui concerne l'offre et l'exploitation de jeux d'argent, la réglementation proposée par l'initiative porterait atteinte à la liberté économique dans la même mesure qu'aujourd'hui. Des entraves résulteraient également de l'affectation du produit des jeux d'argent au bien commun telle que l'exige l'initiative (cf.

ch. 3.2.4 ). Ces entraves à la liberté économique seraient largement comparables à celles que l'on connaît actuellement, mais elles seraient inscrites dans la Constitution.

3.2.2

Définition de compétences législatives et d'exécution cantonales, et limitation de la marge d'action législative

En vertu de la disposition constitutionnelle en vigueur, la Confédération dispose, pour l'ensemble des jeux de hasard (y compris les loteries, les paris et les jeux offerts par les maisons de jeu), d'une compétence législative concurrente étendue82.

Dans le cadre de la LLP en vigueur, la Confédération n'a toutefois pas fait usage de la totalité de sa compétence, de sorte que les cantons disposent déjà de compétences législatives et d'exécution. L'initiative inscrirait ces compétences cantonales au niveau de la Constitution. Cependant, elle réduirait la compétence législative de la Confédération dans le domaine des loteries et des paris professionnels à une compétence de légiférer limitée aux principes. Une telle restriction correspondrait à l'extension des compétences cantonales. Dans le domaine des loteries et des paris professionnels, les cantons disposeraient de compétences législatives et d'exécution, sous réserve de la compétence de légiférer sur les principes dévolue à la Confédération.

Aux yeux du Conseil fédéral, la réduction de la compétence législative étendue de la Confédération dans le domaine des loteries et des paris professionnels à une simple compétence de légiférer sur les principes serait un pas en arrière. Une telle restriction s'opposerait aux efforts d'harmonisation de la Confédération dans d'autres domaines et pourrait constituer un obstacle à une politique globale et cohérente en 81

82

Cf. Paul Richli, art. 35 aCst., in: Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, éd. par Jean-François Aubert et al., Berne/Bâle/Zurich 1991, no 19.

Cette affirmation correspond à l'interprétation usuelle de l'art. 106 Cst. En théorie, la teneur actuelle de la Constitution permettrait même de conclure à une compétence législative exclusive de la Confédération.

7283

matière de jeux d'argent. Une compétence de légiférer limitée aux principes n'interdit toutefois pas à la Confédération de régler jusque dans les moindres détails certaines questions juridiques jugées essentielles d'un point de vue fédéral83. Néanmoins, dans ce cas de figure également, la marge de manoeuvre du législateur serait restreinte, car l'initiative prévoit des conditions plus détaillées pour la réglementation des loteries et des paris professionnels et l'affectation du produit des jeux d'argent que la disposition constitutionnelle en vigueur.

3.2.3

Répartition floue des compétences entre la Confédération et les cantons

La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons telle qu'elle figure dans l'initiative se fonde sur la distinction entre les maisons de jeu (du ressort de la Confédération) et les loteries et les paris professionnels (ressortissant aux cantons, sous réserve de la compétence de légiférer sur les principes dévolue à la Confédération). L'initiative ne précise toutefois pas quelles formes de jeux les maisons de jeu pourront offrir. Elle oppose ainsi un aspect matériel ou technique (s'agit-il matériellement ou techniquement d'une loterie ou d'un pari professionnel?)

à une caractéristique locale ou géographique (le jeu en question doit-il être offert ou non par des maisons de jeu?). Il incomberait au législateur de concrétiser la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons sur la base de ces critères prédéfinis, ce qui ne manquerait pas de le confronter à quelques difficultés.

Il devient en effet de plus en plus difficile de distinguer entre les loteries et les paris professionnels d'une part, et les jeux d'argent offerts par les maisons de jeu d'autre part. A l'heure actuelle, de plus en plus de jeux estompent une délimitation de cette nature et comportent des caractéristiques empruntées à toutes les formes de jeux. Il n'est dès lors plus guère possible de distinguer avec toute la pertinence matérielle ou technique voulue les jeux offerts par les maisons de jeu de ceux pratiqués hors de ces établissements: cette situation génère déjà des conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. Divers recours formés contre des décisions des autorités chargées de la délivrance des autorisations et de la surveillance (par ex. dans les cas «Tactilo» et «Wingo»/«Ecco») montrent qu'il n'y a souvent plus de consensus sur l'attribution d'un jeu aux catégories «loteries» et «paris professionnels».

Dans la mesure où, pour déterminer la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, l'initiative se réfère toujours à cette distinction floue entre les diverses formes de jeux, la délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons resterait tout aussi imprécise. En pratique, à la faveur de l'exécution des dispositions légales, on risquerait comme aujourd'hui des conflits entre les autorités fédérales et cantonales à propos de
l'attribution des jeux aux maisons de jeu ou aux catégories des loteries et des paris professionnels et des compétences qui leur sont rattachées. En ce qui concerne les jeux exploités par le biais d'un réseau de communication électronique, le problème gagnerait encore en acuité par l'absence de tout critère local ou géographique. Par conséquent, l'initiative concrétiserait largement, au niveau constitutionnel, les dispositions actuelles du niveau de la loi (LLP et LMJ) et la pratique suivie: pour réglementer des jeux matériellement très proches les uns 83

Cf. entre autres Pierre Tschannen, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Berne 2004, p. 287.

7284

des autres, tant la Confédération que les cantons seraient compétents, et la délimitation de leurs attributions respectives reposerait sur des critères obsolètes et imprécis.

Certes, l'initiative impose à la Confédération et aux cantons de coordonner leurs politiques en matière de jeux d'argent, mais sans prévoir de mécanisme à cet effet.

La marge d'action législative serait extrêmement ténue pour la recherche de solutions visant à éviter des conflits de compétences et ne pourrait s'inscrire que dans les principes généraux de la collaboration entre la Confédération et les cantons (art. 44 ss Cst.).

S'ajoute à tout cela un facteur aggravant: les deux critères de délimitation, à savoir le critère matériel ou technique et le critère local ou géographique, relèvent de deux niveaux différents. On peut donc imaginer des cas dans lesquels aucun des deux critères ne s'applique, ou a contrario des occurrences pour lesquelles les critères se superposent. On soulignera toutefois que, comme c'est déjà le cas, il relèvera de la compétence exclusive de la Confédération de décider quels jeux pourront être offerts dans les maisons de jeu (indépendamment de leur forme). En relation avec ces jeux, la Confédération devra également disposer d'une compétence étendue en matière de surveillance.

3.2.4

Jeux d'argent au service du bien commun

Aux termes de l'initiative, les jeux d'argent autorisés par la Confédération et les cantons doivent être mis au service du bien commun. Il convient de se demander ce que recouvre la notion de «bien commun». On remarque tout d'abord que le texte allemand de l'initiative ne correspond pas à ses versions française et italienne. Ces dernières utilisent uniformément la locution «utilité publique» ou «utilità pubblica» (art. 106, al. 1, 106a, al. 3, et 106b, al. 3, du texte de l'initiative), que recouvre en allemand la notion de «Gemeinnützigkeit». L'allemand en revanche retient «Gemeinwohl» aux art. 106, al. 1, et 106a, al. 3, du texte de l'initiative, et «gemeinnützige Zwecken» à l'art. 106b, al. 3. Dans le titre de l'initiative populaire «Pour des jeux d'argent au service du bien commun», les trois langues recourent uniformément à la même notion, à savoir «Gemeinwohl», «bien commun» et «bene comune». Le commentaire de l'initiative ne dit pas si cette distinction terminologique est voulue ou non.

Il incomberait donc au législateur d'éclaircir la notion de «bien commun», sa relation à l'expression «buts d'utilité publique» et le recours disparate aux diverses notions dans les trois versions linguistiques de l'initiative. Concrètement, le législateur devrait dire ce qu'il faut entendre par «buts d'utilité publique». Il faudrait également clarifier au niveau de la loi quels jeux ne nécessiteront pas d'autorisation et, partant, ne devraient pas être au service du bien commun (cf. ch. 3.2.1). En effet, l'octroi d'une autorisation est directement lié à l'affectation des bénéfices à des buts d'utilité publique, raison pour laquelle on ne pourrait accorder des autorisations qui dérogent à cette exigence qu'avec retenue.

En particulier, l'initiative inclut dans la notion de bien commun l'affectation de l'impôt sur les maisons de jeu à l'AVS/AI, ce qui est nouveau, et elle lie la détermination du taux de l'impôt à l'«exigence d'utilité publique». Le critère de l'«exigence d'utilité publique» est peu précis et ménagerait au législateur une importante marge 7285

de manoeuvre pour la détermination exacte du taux de l'impôt. Certes, la teneur de l'initiative et le commentaire qui l'accompagne ne permettent pas de conclure que les maisons de jeu ne devraient plus pouvoir profiter d'un rendement adéquat sur le capital investi. Néanmoins, étant donné que le comité d'initiative fixe pour objectif, dans son commentaire, une contribution plus importante du produit des maisons de jeu au financement de l'AVS/AI84 et que le texte de l'initiative renonce à la limite actuelle de 80 % du produit brut des jeux, on peut avoir le sentiment que l'impôt sur les maisons de jeu atteindra la limite maximale actuelle, voire la dépassera. Si la rentabilité des maisons de jeu devait souffrir du taux de l'impôt, on pourrait craindre une réduction des recettes au profit de l'AVS/AI au lieu d'une augmentation, ce qui ne servirait pas les buts de l'initiative. Cette dernière doit donc être interprétée dans le sens où les maisons de jeu doivent pouvoir obtenir un rendement adéquat du capital investi. Depuis le dépôt de l'initiative, l'impôt sur les maisons de jeu a été légèrement relevé, ce qui va dans le sens voulu par les auteurs de l'initiative.

L'initiative spécifie que l'impôt sur les maisons de jeu est destiné directement à l'AVS/AI et non plus, comme le prévoit la disposition constitutionnelle en vigueur, à la «simple» couverture de la contribution de la Confédération à l'AVS/AI. Contrairement à la teneur actuelle de la Constitution, les recettes de l'impôt sur les maisons de jeu s'ajoutent déjà à la contribution de la Confédération à l'AVS/AI en vertu de l'art. 103, al. 2, de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)85. L'initiative reflète dès lors ce qui est actuellement prévu par la loi (toutefois uniquement en ce qui concerne l'AVS; en vertu de l'art. 78 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI)86, l'AI ne bénéficie d'aucune part des recettes de l'impôt sur les maisons de jeu).

En liant entièrement les bénéfices des loteries et des paris professionnels à des buts d'utilité publique, l'initiative inscrirait au niveau constitutionnel une grande partie de la réglementation légale et de la pratique actuelles. Elle confirmerait ainsi, toujours au niveau constitutionnel, le financement de nombreuses activités
par les cantons. Parmi ces activités, nombreuses sont celles qui ne pourraient que difficilement être financées d'une autre manière, alors qu'elles jouent un rôle important dans la société. En 2009, Swisslos et la Loterie Romande ont reversé au total 544 millions de francs de recettes tirées des jeux aux organes cantonaux de répartition et à la société du Sport-Toto (y compris à l'Association pour le développement de l'élevage et des courses).

En décrétant l'affectation intégrale des bénéfices des loteries et des paris professionnels à des buts d'utilité publique, l'initiative cimenterait au niveau constitutionnel le monopole actuel des cantons dans le domaine des loteries et des paris; l'attrait de ces formes de jeu ­ en raison de l'affectation intégrale des bénéfices ­ serait en effet minime pour des exploitants à but lucratif. Par rapport à la situation actuelle, l'initiative peut être comprise dans le sens où elle vise à renforcer l'obligation d'affectation.

En effet, en vertu de la LLP, le bénéfice des paris professionnels sur les courses hippiques, les courses de bateaux, les matches de football ou des manifestations comparables échappe à l'affectation obligatoire à des buts d'utilité publique En 84 85 86

En 2009, l'impôt sur les maisons de jeu a rapporté 406 millions de francs au profit de l'AVS/AI.

RS 831.10 RS 831.20

7286

pratique, les bénéfices des paris professionnels exploités par Swisslos et la Loterie Romande sont toutefois affectés à l'utilité publique. La LLP ne prévoit pas non plus d'affectation à l'utilité publique pour les bénéfices des tombolas. Le produit des tombolas et des petites loteries est versé en grande partie dans les caisses des sociétés organisatrices (des sociétés sportives ou culturelles pour la plupart). L'initiative exigerait que le bénéfice de ces jeux serve également le bien commun ou soit affecté à des buts d'utilité publique, laissant au législateur le soin de dire dans quelle mesure l'usage des recettes par la société organisatrice répond à un but d'utilité publique. Le chiffre d'affaires total et le produit global de ces jeux ne sont pas connus, la statistique fédérale des loteries ne couvrant qu'une partie des petites loteries. Le produit brut des jeux des petites loteries prises en compte dans la statistique de la Confédération totalisait trois millions de francs en 2009.

La situation n'est guère différente en ce qui concerne les appareils à sous servant aux jeux d'adresse qui permettent de réaliser un gain. La formulation de l'initiative pourrait donner à penser que le produit de ces jeux doit également être affecté à des buts d'utilité publique (art. 106, al. 1, du texte de l'initiative). Dans ce cas, il est fort probable que ces automates disparaîtraient par manque de rentabilité pour leurs fabricants et exploitants privés87.

3.2.5

Prévention de la dépendance au jeu

L'initiative impose à la Confédération et aux cantons de veiller à prévenir la dépendance au jeu (art. 106, al. 3, de l'initiative). Elle laisserait au législateur une importante marge de manoeuvre pour décider des mesures concrètes. Ces dernières années, diverses études empiriques ont porté sur la dépendance au jeu88, mais des indications fiables manquent encore à ce propos, les analyses ne permettant pas de conclusions exhaustives. Il faut notamment garder à l'esprit que nombre de personnes concernées sous-estiment leur dépendance ou refusent de répondre aux enquêteurs. Sur la base des études, on peut retenir que 2 % environ de la population suisse sont des joueurs à risque et 0,3 % à 0,8 % des joueurs pathologiques. En comparaison inter87

88

La branche est également active dans le secteur des automates de jeux de loisirs (simulateurs, jeux de fléchettes, billards électriques). Selon les indications fournies par Swissplay, l'association faîtière de la branche suisse des automates de jeux, les deux secteurs ont réalisé en 2008 un chiffre d'affaires total de 16 millions de francs et occupaient quelque 155 personnes.

On citera par exemple les études suivantes: CFMJ, Jeu de hasard: comportement et problématique en Suisse, Commission fédérale des maisons de jeu, avril 2009; Jeannette Brodbeck/Hansjörg Znoj, Individuelle Entstehungsgeschichte der Spielsucht, Ansatzpunkte für Präventionsmassnahmen und Validierung des NODS, Folgestudie zur Grundlagenstudie Spielsucht, Institut de psychologie de l'Université de Berne, Berne 15 avril 2008; Arnaud/Inglin/Chabloz/Gervasoni/Notari/Gmel/Dubois-Arber, Etude romande sur le jeu, Une collaboration entre IUMSP et ISPA sur mandat du Programme Intercantonal de Lutte contre la Dépendance au jeu (PILDJ), Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Lausanne 2009; Jachen C. Nett, Forschungsbericht Perzeption Glücksspielsucht, Berner Fachhochschule Soziale Arbeit, Berne octobre 2007; Jeannette Brodbeck/Sara Dürrenberger/Hansjörg Znoj, Grundlagenstudie Spielsucht. Prävalenzen, Nutzung der Glücksspielangebote und deren Einfluss auf die Diagnose des pathologischen Spielens, Institut de psychologie de l'Université de Berne, Berne août 2007; Kilian Künzi/Tobias Fritschi/Theres Egger, Les jeux de hasard et la pathologie du jeu en Suisse, Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien BASS AG, Berne 15 novembre 2004.

7287

nationale, la plupart des pays comptent entre 0,5 % et 2 % de joueurs pathologiques.

Les chiffres les plus récents89 montrent que les coûts sociaux directs engendrés en Suisse par les jeux d'argent exploités dans les maisons de jeu s'élèvent à quelque 9 millions de francs (cette extrapolation tient compte notamment des prestations dans le domaine de la santé et des charges administratives en relation avec la criminalité et les divorces). Ces coûts sont pris en charge à hauteur de 42 % par les pouvoirs publics (Confédération, cantons et communes) et à raison de 30 % par les assurances sociales. Les coûts sociaux indirects sont estimés à 60 millions de francs environ (y compris les interruptions de production et les charges liées au remplacement des employés), et sont couverts aux deux tiers par les employeurs.

La prévention de la dépendance au jeu n'est qu'un des aspects évoqués à l'art. 106, al. 2, Cst. sous l'appellation «dangers que présentent les jeux de hasard». D'autres risques induits par les jeux d'argent sont par exemple le blanchiment d'argent, les infractions commises pour se procurer les moyens de jouer et la fraude. Même sans mention explicite dans l'initiative, la Confédération serait en mesure de prendre des mesures exhaustives de lutte contre la criminalité, en vertu de la compétence législative étendue qui lui est attribuée dans le domaine des maisons de jeu et de la compétence législative limitée aux principes dans celui des loteries et des paris professionnels.

3.2.6

Conclusion

Le Conseil fédéral comprend que les auteurs de l'initiative veuillent que soient garanties, au niveau constitutionnel, des compétences cantonales en matière de loteries et de paris professionnels et une délimitation aussi claire que possible des compétences entre la Confédération et les cantons. A cet égard, le Conseil fédéral est sensible aux craintes, exprimées par les milieux concernés, que l'offre de jeux dans le domaine des loteries et des paris professionnels ne soit réduite au profit des maisons de jeu. L'actuel art. 106 Cst. ne donnant au législateur aucun critère pour réglementer les loteries et les paris professionnels, le Conseil fédéral est également prêt à compléter de manière adéquate la base constitutionnelle pour ce qui est des loteries et des paris professionnels. A cet égard, il admet notamment la proposition faite dans l'initiative de régler au niveau constitutionnel l'affectation du bénéfice des loteries et des paris professionnels à des buts d'utilité publique. Il juge également utile ­ comme l'initiative le prévoit ­ de remplacer l'expression «jeux de hasard» par la notion de «jeux d'argent», apte à couvrir toutes les formes de jeu dans lesquels, moyennant une mise pécuniaire, le joueur peut espérer un gain, y compris, dorénavant, les jeux d'adresse. Pour autant, cela ne signifierait pas nécessairement que la Confédération doive à tout prix faire intégralement usage de cette extension limitée de sa compétence législative.

L'initiative comporte toutefois un certain nombre d'inconvénients. En raison du niveau de détail élevé qu'elle affiche pour une disposition constitutionnelle, elle limiterait la marge de manoeuvre du législateur sans pour autant fournir de solutions aux problèmes de délimitation entre le domaine des maisons de jeu d'une part, et 89

Fondés sur l'étude Kilian Künzi/Tobias Fritschi/Thomas Oesch/Matthias Gehrig/Nora Julien, Coûts sociaux du jeu dans les casinos, Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien BASS AG, Berne 26 juin 2009.

7288

celui des loteries et paris professionnels d'autre part, et partant aux conflits de compétences actuels entre la Confédération et les cantons. Restreindre la compétence législative étendue de la Confédération à une compétence de légiférer sur les principes dans le domaine des loteries et des paris professionnels serait contraire aux efforts d'harmonisation déployés dans d'autres domaines et pourrait être un obstacle à une politique exhaustive et cohérente en matière de jeux d'argent.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que l'initiative doit être soumise au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. Le Conseil fédéral partageant toutefois, pour l'essentiel, les préoccupations exprimées par l'initiative, il lui oppose un contre-projet direct. Outre les aspects pris en compte par l'initiative, le contre-projet permet également d'inscrire, au niveau constitutionnel, la nécessité de tenir compte des dangers inhérents à tous les jeux d'argent, loteries et paris professionnels y compris.

4

Contre-projet direct

4.1

Teneur

Le contre-projet direct prévoit le remplacement de l'actuel art. 106 de la Constitution. Sa teneur est la suivante: Art. 106

Jeux d'argent

La Confédération légifère sur les jeux d'argent en tenant compte des intérêts des cantons.

1

Une concession de la Confédération est nécessaire pour ouvrir et exploiter une maison de jeu. Lorsqu'elle octroie une concession, la Confédération prend en considération les réalités régionales. Elle prélève sur les recettes dégagées par l'exploitation des jeux un impôt qui ne doit pas dépasser 80 % du produit brut des jeux. Cet impôt est affecté à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité.

2

Sont du ressort des cantons l'autorisation et la surveillance des jeux d'argent suivants:

3

a.

les jeux auxquels peuvent participer un nombre illimité de personnes en plusieurs endroits et dont le résultat est déterminé par un tirage au sort commun ou par un procédé analogue, à l'exception des systèmes de jackpot des maisons de jeu;

b.

les paris sportifs;

c.

les jeux d'adresse.

Les al. 2 et 3 s'appliquent aussi aux jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique.

4

La Confédération et les cantons tiennent compte des dangers inhérents aux jeux d'argent. Ils prennent les dispositions législatives et les mesures de surveillance propres à assurer une protection adaptée aux spécificités des jeux ainsi qu'au lieu et au mode d'exploitation de l'offre.

5

7289

Les cantons veillent à ce que les bénéfices nets des jeux visés à l'al. 3, let. a et b, soient intégralement affectés à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif.

6

La Confédération et les cantons se coordonnent dans l'accomplissement de leurs tâches. La loi institue à cet effet un organe commun composé à parts égales de membres des autorités d'exécution de la Confédération et de membres des autorités d'exécution des cantons.

7

4.2

Commentaire

Le contre-projet direct tient compte des préoccupations principales de l'initiative populaire tout en offrant une plus-value par rapport à cette dernière: à l'instar de l'initiative, il garantit au niveau constitutionnel des compétences d'exécution aux cantons et l'affectation du bénéfice des loteries et des paris sportifs à des buts d'utilité publique. Par ailleurs, en ce qui concerne les maisons de jeu, il reprend les dispositions de l'art. 106 Cst. en vigueur. Toutefois, contrairement à l'initiative, le contre-projet prévoit une compétence législative concurrente étendue de la Confédération pour l'ensemble des jeux d'argent et il institue un organe de coordination pour éviter les conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. Il contribue à une meilleure délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons en renonçant d'une part au terme de «loterie» et d'autre part au critère du plan, qui caractérisent actuellement les loteries et qui n'a cessé de poser problème en pratique.

De plus, il donne mandat au législateur et aux autorités d'exécution de tenir compte des dangers que présentent tous les jeux d'argent. Alors que le texte de l'initiative, en disposant que tous les jeux d'argent doivent être au service du bien commun, donne à penser que le produit des jeux d'adresse doit servir des buts d'utilité publique, le contre-projet indique clairement que la Constitution n'exige pas une telle affectation. Le contre-projet, qui est le résultat des travaux de l'organisation de projet évoquée au ch. 2.1.5, au sein de laquelle les principaux acteurs du domaine des jeux d'argent étaient représentés, repose sur un large consensus. On trouvera ci-après les commentaires article par article.

Titre et objet de la disposition A la différence de la disposition constitutionnelle en vigueur, qui utilise l'expression «jeux de hasard», mais conformément à la teneur de l'initiative, le contre-projet recourt à la notion de «jeux d'argent». Dès lors, la nouvelle formulation et, partant, le nouvel objet de l'art. 106 Cst. présentent l'avantage de couvrir toutes les formes de jeux: ainsi, outre les jeux de hasard réglés au niveau fédéral (c'est-à-dire dans l'acception courante les loteries et les paris, de même que les jeux pratiqués dans les maisons de jeu), la nouvelle notion inclura
les jeux d'adresse. La notion couvre tous les types de jeux pour lesquels, moyennant le versement d'une mise ou la conclusion d'un acte juridique, le joueur peut espérer un gain en espèces ou tout autre avantage appréciable en argent (par ex. prix en nature).

Al. 1 Contrairement à l'initiative, l'al. 1 prévoit l'instauration d'une compétence législative concurrente étendue de la Confédération pour l'ensemble des jeux d'argent, ce qui correspond à l'interprétation usuelle de l'actuel art. 106 Cst. La formulation de la 7290

disposition indique clairement qu'il s'agit d'une compétence législative concurrente de la Confédération, ce qui n'est pas le cas du libellé actuel de l'art. 106 Cst., dont l'interprétation pourrait laisser croire qu'il s'agit d'une compétence législative exclusive de la Confédération. Par conséquent, les cantons conservent des compétences législatives dans la mesure où la Confédération ne fait pas usage des siennes.

Dès le moment où la Confédération exerce sa compétence législative, les compétences cantonales deviennent caduques. Par rapport à la disposition constitutionnelle en vigueur, la compétence législative de la Confédération ne se limite toutefois plus aux seuls jeux de hasard, mais s'étend aux jeux d'adresse. Cependant, la nouvelle teneur précise qu'en légiférant, la Confédération se doit de tenir compte des intérêts des cantons, conformément aux principes généraux de la collaboration entre la Confédération et les cantons (art. 44 et 45 Cst.).

Al. 2 L'al. 2 s'applique aux maisons de jeu. Abstraction faite de quelques différences minimes d'ordre rédactionnel, il reprend la disposition constitutionnelle en vigueur.

Il correspond également à l'initiative, en ce qu'il confirme la perception d'un impôt sur les maisons de jeu au profit de l'AVS/AI. Toutefois, contrairement à celle-ci, l'al. 2 mentionne le taux d'imposition maximal des maisons de jeu (conformément à la teneur actuelle de l'art. 106 Cst., l'impôt sur les maisons de jeu ne peut dépasser 80 % du produit brut des jeux). Un rendement adéquat sur le capital investi reste donc garanti aux maisons de jeu.

Al. 3 L'al. 3 définit les compétences d'exécution cantonales dans le domaine des jeux d'argent et reprend dès lors l'une des exigences fondamentales de l'initiative. En accord avec la pratique actuelle, mais dorénavant en vertu de la Constitution, les cantons sont habilités à autoriser et surveiller les jeux d'argent auxquels peuvent participer un nombre illimité de personnes en plusieurs endroits, et dont le résultat est déterminé par un tirage au sort commun ou par une procédure analogue (al. 3, let. a). Ces jeux d'argent comprennent en particulier les loteries, les paris au totalisateur et les concours publics. Les cantons ont en outre la compétence d'autoriser et de surveiller les paris sportifs (al. 3, let. b) et les jeux
d'adresse (al. 3, let. c). A la différence de la disposition constitutionnelle en vigueur et de l'initiative, l'al. 3, let. a, n'utilise plus le terme de «loterie» et ne retient plus le critère du plan inscrit à l'art. 1 de la LLP, qui pose problème dans la pratique. La disposition permet ainsi une délimitation plus claire des compétences entre la Confédération et les cantons et constitue une bonne base pour la législation d'application. Le législateur garde toutefois la possibilité de conserver le critère du plan s'il se révélait judicieux: ce pourrait être par exemple le cas pour les «petites loteries». Les jeux d'argent au sens de l'al. 3, let. a, se caractérisent par le fait qu'un nombre illimité de personnes peuvent participer, au moins en deux endroits, à un même jeu dont l'issue est individualisée par un tirage au sort ou une procédure analogue. A l'exception des systèmes de jackpot exploités dans les maisons de jeu, aucun des jeux offerts par les maisons de jeu ne répond à ces critères; c'est pourquoi ces systèmes de jackpot sont explicitement exclus de la définition des jeux telle qu'elle apparaît à la let. a. La notion de «paris professionnels» étant particulièrement difficile à distinguer des jeux offerts dans les maisons de jeu, la let. b recourt à la notion plus claire de «paris sportifs» pour attribuer la compétence aux cantons d'autoriser et de surveiller ces jeux. Certes, la let. a. s'applique à la plupart des paris sportifs actuellement sur le marché.

7291

Néanmoins, il existe quelques jeux qui ne remplissent pas les conditions de la let. a (par exemple les paris sur des courses de chevaux qui ne peuvent être conclus qu'à l'hippodrome). La let. b garantit ainsi aux cantons la compétence d'autoriser et de surveiller toute forme de paris sportifs, indépendamment du futur développement des jeux dans ce domaine. En accord avec le texte de l'initiative, le législateur dispose d'une marge de manoeuvre qui lui permet d'interdire certains jeux, de limiter l'offre et de mettre des conditions à l'autorisation. Comme c'est déjà le cas, il pourrait par exemple interdire les loteries et laisser le soin aux cantons d'autoriser des exceptions. Le législateur pourrait également attribuer aux cantons la compétence d'autoriser et de surveiller d'autres jeux d'argent que ceux mentionnés à l'al. 3 (par exemple les tombolas). L'énumération des compétences d'exécution cantonales de l'al. 3 donne des garanties minimales aux cantons et n'est dès lors pas exhaustive.

Al. 4 L'al. 4 précise que les compétences d'exécution dévolues à la Confédération et aux cantons en vertu des al. 2 et 3 s'étendent aux jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique. En d'autres termes, les jeux au sens de l'al. 3, let. a à c, qui sont exploités par le biais d'un réseau de communication électronique relèvent de la compétence d'exécution des cantons, alors que la surveillance des jeux offerts par des maisons de jeu et exploités par le biais d'un réseau de communication électronique, est assurée par la Confédération. Les jeux offerts sur Internet sont accessibles à un nombre illimité de participants. Le nombre, limité ou illimité, des joueurs participant au même tirage déterminera la compétence de la Confédération ou des cantons en matière d'autorisation et de surveillance. La disposition part implicitement du principe qu'il n'y a pas d'interdiction constitutionnelle des jeux exploités par le biais d'un réseau de communication électronique (contrairement à l'art. 5 LMJ en vigueur). Pour autant, on n'instaure pas de véritable égalité de traitement entre ces jeux et les autres jeux d'argent. Au contraire, le législateur et les autorités d'exécution peuvent prévoir des mesures qui tiennent compte des caractéristiques des jeux exploités par le biais d'un réseau de
communication électronique.

Al. 5 En vertu de l'al. 5, la Confédération et les cantons doivent tenir compte des dangers que présentent les jeux d'argent, ce qui doit être l'un des buts de la réglementation des jeux d'argent. Les dangers en question sont essentiellement la dépendance au jeu, le blanchiment d'argent, les infractions commises pour se procurer les moyens de jouer et l'escroquerie. La disposition va plus loin que l'initiative populaire, dont l'énoncé se limite au seul danger de la dépendance au jeu. Le contre-projet réglant également des compétences cantonales, la Confédération n'est plus seule à devoir prendre en considération les dangers des jeux d'argent: les cantons y sont également tenus. Pour le reste, le mandat de prendre en considération les dangers des jeux d'argent est formulé de manière plus concrète. Le législateur et les organes d'exécution devront définir les mesures qui s'imposent.

Al. 6 Une autre exigence fondamentale de l'initiative est l'affectation des bénéfices nets des loteries et des paris sportifs. C'est pourquoi, conformément à la pratique actuelle, les cantons doivent veiller à ce que le produit des jeux visés à l'al. 3, let. a et b, soit intégralement affecté à des buts d'utilité publique, notamment dans les domai7292

nes culturel, social et sportif (al. 6). En accord avec la législation en vigueur, le contre-projet n'exige pas l'affectation du produit des jeux d'adresse à des buts d'utilité publique. Pour autant, il n'interdit pas au législateur de prévoir une telle affectation. L'initiative est imprécise quant à l'affectation du produit des jeux d'adresse et peut donner à penser qu'il doit être affecté à des buts d'utilité publique (art. 106, al. 1, de l'initiative).

Al. 7 L'al. 7 dispose explicitement que la Confédération et les cantons se coordonnent dans l'accomplissement de leurs tâches en matière de jeux d'argent, conformément aux principes généraux régissant la collaboration entre la Confédération et les cantons (art. 44 Cst.). Sa teneur tient compte du fait que les al. 2 et 3 règlent des compétences d'exécution aussi bien de la Confédération que des cantons. Aux fins de coordination, l'al. 7 prévoit l'institution d'un organe commun, au sein duquel les organes d'exécution de la Confédération et ceux des cantons sont représentés à parité; la collaboration entre la Confédération et les cantons dans l'accomplissement de leurs tâches respectives devrait s'en trouver facilitée. Il incombera au législateur de définir exactement les compétences de cet organe, sans pour autant diluer les responsabilités des organes d'exécution existants. L'organe de coordination ne devrait dès lors intervenir qu'en cas de besoin réel de coordination entre la Confédération et les cantons. Il ne remplace pas les organes d'exécution de la Confédération et des cantons. L'organe paritaire pourra néanmoins résoudre les problèmes de délimitation que l'on connaît aujourd'hui entre le domaine des maisons de jeu et celui des loteries et paris, ainsi que les conflits de compétences existant entre la Confédération et les cantons. D'autres tâches pourraient lui être attribuées, par exemple la coordination de la lutte contre les jeux illégaux, notamment lorsque des entreprises suisses ou étrangères offrent aux consommateurs suisses des jeux illégaux sur Internet relevant aussi bien du domaine des maisons de jeu que de celui des loteries et paris. L'al. 3 du contre-projet instaurant des compétences d'exécution cantonales, l'inscription de l'organe de coordination au niveau constitutionnel s'impose si l'on ne veut pas le confiner d'emblée dans un rôle purement consultatif.

4.3

Conséquences

4.3.1

La pratique actuelle

4.3.1.1

par rapport à la réglementation

A l'instar de l'initiative, le contre-projet prévoit une réglementation étatique des jeux d'argent. Pour ce faire, il s'appuie sur la compétence législative de la Confédération au sens de l'actuel art. 106 Cst. et, comme l'initiative, sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons selon la législation en vigueur et la pratique actuelle en matière de jeux d'argent. En ce qui concerne les maisons de jeu, le contre-projet correspond largement à la disposition constitutionnelle en vigueur et prévoit un régime de concessions administré par la Confédération. Les loteries, les paris sportifs et les jeux d'adresse sont soumis à l'autorisation et à la surveillance des cantons (al. 3). Par rapport à la réglementation des jeux d'argent, les effets du contre-projet sont très proches de la pratique actuelle, qu'il s'agisse des répercussions pour le personnel, des conséquences financières ou de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (pour ce qui est de l'organe 7293

commun et des jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique, cf. ch. 4.3.2 et 4.3.3).

Comme l'initiative (cf. ch. 3.2.1), la réglementation étatique de l'offre et de l'exploitation de jeux d'argent telle qu'elle est proposée dans le contre-projet mène également à des restrictions de la liberté économique, pour le domaine des maisons de jeu comme pour celui des loteries et des paris professionnels. Comme dans de nombreux autres Etats, ces restrictions servent la lutte contre les dangers que présentent les jeux d'argent. En ce qui concerne l'affectation intégrale du produit net de certains jeux d'argent (al. 6 du contre-projet), le contre-projet, comme l'initiative, entraîne des restrictions à la liberté économique qui auront leur base dans la Constitution. Alors que l'initiative prévoit de régler les jeux d'argent en recourant à trois articles, le contre-projet, comme la disposition constitutionnelle actuelle, tient en un seul article.

4.3.1.2

par rapport à l'affectation du produit des jeux à l'AVS/AI et aux domaines culturel, social et sportif

Pour ce qui est de l'affectation du produit des jeux d'argent, le contre-projet reflète également le statu quo. Il n'entend modifier la législation en vigueur et la pratique ni dans le domaine des maisons de jeu, ni dans celui des loteries et des paris sportifs.

En premier lieu, le contre-projet garantit l'affectation actuelle du produit des loteries et des paris sportifs à des buts d'utilité publique, notamment dans les domaines culturel, social et sportif, et confirme ainsi au niveau constitutionnel le financement par les cantons de nombreuses activités dans ces domaines. Comme mentionné précédemment, nombre de ces activités ne pourraient que difficilement trouver un autre financement, alors qu'elles revêtent un rôle important dans la société (en 2009, Swisslos et la Loterie Romande ont reversé au total 544 millions de francs de recettes issues des jeux aux organes cantonaux de répartition et à la société du SportToto, y compris à l'Association pour le développement de l'élevage et des courses).

Comme le fait l'initiative, le contre-projet, en décrétant au niveau constitutionnel l'affectation intégrale du produit des loteries et des paris sportifs à des buts d'utilité publique, confirme le monopole des cantons dans ce domaine; en raison de cette affectation intégrale à l'utilité publique, les organisateurs poursuivant un but lucratif ne seront guère enclins à offrir ce type de jeux. Contrairement à l'initiative, le texte du contre-projet indique clairement que le produit des jeux d'adresse ne doit pas être affecté à des buts d'utilité publique, de sorte qu'il ne menacerait pas la branche des automates de jeu (à propos du chiffre d'affaires et des emplois générés par la branche, cf. ch. 3.2.4).

Comme la disposition constitutionnelle en vigueur, le contre-projet prévoit par ailleurs un impôt sur les maisons de jeu au profit de l'AVS/AI. En 2009, l'impôt sur les maisons de jeu s'est élevé à 479 millions de francs. En retenant pour principe qu'une maison de jeu a droit à un rendement adéquat du capital investi, le contreprojet garantit que les exploitants privés y trouveront un intérêt. Comme exposé au ch. 3.2.4, il n'y a donc pas lieu de craindre des répercussions négatives pour l'impôt sur les maisons de jeu, étroitement lié à l'attrait de ces dernières.

7294

4.3.1.3

par rapport à la prise en compte des dangers

Les effets concrets de la prise en compte des dangers que présentent les jeux d'argent dépendront étroitement des mesures que prendront le législateur et les organes d'exécution. Le contre-projet ne propose aucunement d'ignorer les réglementations et les développements actuels en la matière. Au contraire, il consolide les bases sur lesquelles on pourra continuer de prendre adéquatement en compte les dangers que présentent les jeux d'argent.

Les maisons de jeu ont aujourd'hui l'obligation d'élaborer un programme de mesures de sécurité dans lequel elles définissent les mesures qu'elles entendent prendre pour assurer la sécurité de l'exploitation des jeux et pour lutter contre la criminalité et le blanchiment d'argent (art. 14, al. 1, LMJ, et 27 ss OLMJ). De plus, elles sont tenues d'élaborer un programme de mesures sociales dans lequel elles définissent les mesures qu'elles entendent prendre pour prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu ou y remédier (art. 14, al. 2, et 22 LMJ, et. 37 ss OLMJ). Le ch. 3.2.5 rend compte des extrapolations et des coûts en rapport avec la dépendance au jeu. Dans le domaine des loteries et des paris professionnels, la CILP dispose qu'avant la délivrance de toute autorisation, la Comlot examine le potentiel de dépendance d'un jeu et prend toute mesure utile dans l'intérêt de la prévention de la dépendance et de la protection de la jeunesse (art. 17 CILP). Swisslos et la Loterie Romande ont par ailleurs pris des mesures supplémentaires dans le domaine de la lutte contre la dépendance au jeu90. Enfin, en vertu de la CILP, les loteries et les sociétés de paris doivent s'acquitter d'une taxe de 0,5 % du produit brut de chaque jeu organisé sur le territoire cantonal. Les cantons ont l'obligation d'affecter les recettes y afférentes à la prévention et aux mesures de lutte contre la dépendance au jeu.

4.3.2

Revalorisation des compétences cantonales d'exécution

L'une des exigences principales de l'initiative est l'inscription dans la Constitution des compétences cantonales. Dans la mesure où le contre-projet fixe au niveau constitutionnel les compétences cantonales en matière de loteries (y compris les paris au totalisateur et les concours publics), de paris sportifs et de jeux d'adresse, il répond à cette exigence. Ce faisant, il revalorise les compétences cantonales d'exécution qui découlent de la législation et de la pratique et reconnaît la pratique fédéraliste suivie dans le domaine des jeux d'argent. Enfin, le contre-projet laisse également aux cantons le loisir de s'organiser dans le cadre d'un concordat. L'art. 46 Cst. prévoit déjà le principe de la mise en oeuvre du droit fédéral par les cantons. Le contre-projet empêche désormais le législateur de restreindre les compétences cantonales, ce qui aurait été possible selon l'art. 46 Cst.

90

Cf. par ex. le programme «Jeu responsable» de la Loterie Romande ou celui de Swisslos «Politik des verantwortungsvollen Spiels»

7295

4.3.3

Clarification de la répartition des compétences et des tâches

Pour ce qui a trait à l'exécution, le contre-projet s'en tient en principe à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons telle qu'elle découle de la législation en vigueur. La Confédération est ainsi compétente pour l'octroi des concessions aux maisons de jeu et la surveillance de ces dernières, alors que les cantons sont chargés d'autoriser et de surveiller les jeux d'argent au sens de l'al. 3.

Le législateur pourra attribuer la compétence de surveiller les jeux proposés hors des maisons de jeu et qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'al. 3. Comme exposé dans l'appréciation de l'initiative, la répartition actuelle des compétences mène régulièrement à des conflits entre la Confédération et les cantons. Dans la délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons, le contre-projet renonce d'une part à la notion de loterie, et d'autre part au critère du plan qui les caractérisent jusqu'ici et qui pose problème en pratique. A l'al. 3, let. a, le contreprojet introduit une notion nouvelle, tenant compte de l'évolution de la société et du marché et susceptible d'atténuer les problèmes de délimitation, tout en donnant au législateur les bases d'une réglementation de l'offre adaptée aux nouvelles habitudes de jeu. Il ignore également la catégorie des «paris professionnels», que l'on peine à distinguer de certains jeux offerts par les maisons de jeu, pour la remplacer par la notion moins ambiguë de «paris sportifs». Les paris professionnels se fondent ainsi dans les catégories de jeux explicitement mentionnées dans le contre-projet.

De plus, le contre-projet prévoit la création d'un organe de coordination composé à parts égales de représentants de la Confédération et des cantons. L'une des tâches principales de cet organe sera de clarifier rapidement les questions relatives à l'interprétation de la législation sur les jeux d'argent ou à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (en ce qui concerne les autres attributions de l'organe de coordination, voir les explications relatives à l'al. 7 du contreprojet). Contrairement à l'initiative, le contre-projet prévoit donc un mécanisme concret de coordination des tâches d'exécution tant fédérales que cantonales. Le législateur décidera de la forme exacte que prendra l'organe commun,
ce qui déterminera les conséquences en termes d'effectifs et de moyens financiers. Dans la perspective actuelle, la création de l'organe commun ne devrait entraîner ni charge financière supplémentaire, ni augmentation des effectifs. En effet, l'organe commun assumera essentiellement des tâches de coordination, ce qui ne nécessitera pas des ressources supplémentaires importantes. Le travail supplémentaire occasionné par la coordination pourra être compensé par les synergies créées (notamment dans le domaine de la lutte contre les jeux illégaux).

4.3.4

Restriction de la marge d'action législative

Comme souligné à plusieurs reprises dans le présent message, le contre-projet maintient la compétence législative concurrente étendue de la Confédération. Comparé à la disposition constitutionnelle en vigueur, il entre davantage dans les détails. A cet égard, et comme l'initiative, il restreint le champ d'action du législateur. De plus, il donne à ce dernier certaines orientations quant à la législation à venir, en premier lieu pour ce qui est des compétences cantonales d'exécution en matière de loteries et de paris sportifs (al. 3 et 4 du contre-projet) et de l'affectation du bénéfice de ces jeux à des buts d'utilité publique (al. 6 du contre-projet). Enfin, il prévoit la création 7296

d'un organe de coordination commun réunissant des représentants de la Confédération et des cantons (art. 7 du contre-projet).

4.3.5

Accompagnement de l'évolution technologique

Comme dans de nombreux autres domaines de la vie quotidienne, celui des jeux d'argent recourt de plus en plus aux offres de prestations en ligne (spécialement sur Internet). Dans le monde entier, et notamment en Europe, plusieurs pays autorisent les jeux exploités par le biais d'un réseau de communication électronique. Au plan européen, le Royaume-Uni, l'Irlande, Malte et Chypre connaissent des réglementations particulièrement libérales. Il y a peu, la France a également assoupli sa législation par rapport à l'offre en ligne de jeux de poker et de paris sportifs et hippiques (cf. ch. 2.3.1.2). L'Allemagne et les Etats-Unis interdisent actuellement les jeux d'argent en ligne. Eu égard au développement technique attendu dans le domaine des télécommunications et l'attrait croissant des offres en ligne, les jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique prendront de plus en plus de place. L'al. 4 du contre-projet tient compte de cette évolution, sans toucher à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons au sens de ses al. 2 et 3, et doit permettre au législateur de s'adapter à de nouvelles circonstances. Simultanément, on pourra endiguer l'hémorragie croissante du produit des jeux vers l'étranger (à propos de l'utilisation du produit des jeux d'argent, voir ch. 4.3.1.2). Le contre-projet offre également une bonne base aux adaptations prévues de la législation dans le secteur des jeux d'argent en ligne (cf. ch. 2.1.5). Pour la surveillance, un accroissement éventuel des besoins en personnel et en moyens financiers dépendra fortement de la nature et de l'ampleur de l'offre supplémentaire.

Aujourd'hui déjà, dans le cadre de la surveillance, la CFMJ et la Comlot luttent contre l'offre illégale de jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique.

4.3.6

Aucune conséquence pour les effectifs et les finances de la Confédération et des cantons

Il ressort des considérations qui précèdent (ch. 4.3.1 à 4.3.5) que le contre-projet n'aura aucune incidence directe sur les effectifs et les finances de la Confédération et des cantons.

4.3.7

Liens avec l'UE et le droit international

Le contre-projet, tout comme l'initiative, ne touche pas les relations avec l'UE. Le secteur des jeux d'argent échappe aux accords bilatéraux avec l'UE. Par ailleurs, on peut affirmer que le contre-projet et l'initiative sont tous deux conformes à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (cf. ch. 2.3.2). Le problème de la compatibilité des réglementations suisses avec la jurisprudence de l'UE se posera d'abord au niveau de la législation. La jurisprudence de la Cour de justice et la législation de l'UE se trouvant en phase de mutation, il est actuellement difficile d'émettre un pronostic. Dans tous les cas, une législation entravant la libre circulation des services ne saurait être discriminatoire et devrait servir l'intérêt public, 7297

notamment la protection de l'ordre social, et respecter les principes de la cohérence et de la proportionnalité (cf. également ch. 2.3.2). A cet égard, le fait que l'affectation du produit constitue le noyau dur de l'initiative pourrait se révéler problématique. En revanche, le contre-projet est plus équilibré, en ce sens qu'il met (également) l'accent sur la protection sociale.

Le contre-projet ne touche pas non plus les relations dans le cadre de l'AELE. La Suisse n'étant pas membre de l'EEE, la jurisprudence de la Cour de justice de l'AELE ne lie pas la Suisse (cf. ch. 2.3.3). Le contre-projet ne touche pas directement non plus les rapports avec l'AGCS, dans le cadre duquel la Suisse n'a à ce jour pris aucun engagement d'ouvrir son secteur des jeux d'argent à des prestataires étrangers.

4.3.8

Législation d'exécution

En vue de garantir une politique exhaustive et cohérente en matière de jeux d'argent, il conviendra d'examiner la nécessité d'édicter au niveau fédéral une seule loi sur les jeux d'argent qui regrouperait les deux lois en vigueur (LLP et LMJ). On a d'ores et déjà prévu de préparer la législation d'exécution dans le cadre de l'organisation de projet existante (cf. ch. 2.1.5). Les organes de cette organisation de projet ont déjà reçu mandat du DFJP d'examiner le besoin éventuel de légiférer. Sur la base des résultats de cette analyse, les organes de l'organisation de projet prépareront la révision de la législation. On répondra ainsi à la demande du comité d'initiative et des cantons, qui souhaitent participer aux travaux de révision. Nous avons déjà attiré l'attention sur les aspects importants qu'il conviendra de régler au niveau de la loi (cf. ch. 4.2 et 4.3.1 à 4.3.7): outre les points déjà réglés, le législateur devra entre autres préciser la notion de «jeu d'argent», élaborer les dispositions régissant les jeux au sens de l'al. 3 du contre-projet et mettre en place l'organe de coordination prévu à l'al. 7 du contre-projet. Le législateur devra également déterminer comment on pourra globalement tenir compte des dangers inhérents aux jeux d'argent. Dans ce contexte on pourrait prévoir pour la poursuite des jeux d'argent illégaux des mesures plus sévères que la législation actuelle.

5

Conclusions générales

Le Conseil fédéral approuve les buts importants de l'initiative. Il est conscient des solides appuis dont elle dispose, notamment de la part des cantons et des milieux culturels, sportifs et sociaux. Le Conseil fédéral prend au sérieux les craintes des auteurs de l'initiative de voir l'offre dans le domaine des loteries et des paris professionnels réduite au profit de celle des maisons de jeu, et de voir réduites les compétences cantonales actuelles et l'affectation du produit des jeux à la culture, au sport et au domaine social.

L'initiative souffre néanmoins de défauts. Elle réduirait notamment la marge de manoeuvre du législateur sans offrir de solutions aux problèmes actuels de délimitation entre le domaine des loteries et des paris professionnels d'une part, et celui des maisons de jeu d'autre part, ni aux conflits de compétences entre la Confédération et les cantons. De plus, la limitation de la compétence législative étendue de la Confédération s'opposerait aux efforts d'harmonisation dans d'autres domaines et pourrait 7298

constituer un obstacle à une politique exhaustive et cohérente en matière de jeux d'argent.

Le contre-projet direct remédie à ces défauts tout en répondant aux principales préoccupations de l'initiative. Il crée une bonne base et des conditions adéquates pour une législation cohérente en matière de jeux d'argent ; il clarifie et consolide le rôle des cantons dans le domaine des loteries et des paris professionnels. Sur la base du contre-projet, le législateur sera en mesure de prendre en compte les dangers inhérents aux jeux d'argent dans la future législation tout en permettant une offre de jeux d'argent attrayante.

Le Conseil fédéral propose de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. Il propose que le contre-projet direct leur soit soumis simultanément et leur recommande de l'approuver.

7299

Annexe

Données relatives au produit brut des jeux des grands exploitants de loteries et paris et des maisons de jeu, et contribution à l'utilité publique91 Loteries et paris92 Année

Produit brut des jeux en millions de francs93

Bénéfice en faveur de l'utilité publique en millions de francs94

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

708 732 820 917 958 885 895 899

356 397 431 491 586 523 535 544

Année

Produit brut des jeux en millions de francs

Impôt sur les maisons de jeu95,96 en millions de francs

200297 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

139 561 769 874 954 1019 991 936

68 260 372 443 495 539 517 479

Maisons de jeu

91 92 93 94 95 96

97

Tous les montants sont arrondis au million inférieur.

Sans les petites loteries (tombolas comprises).

Chiffres repris du rapport annuel des sociétés concernées.

Selon le communiqué de presse de l'OFJ lors de la publication de la statistique annuelle.

La plus grande part est versée au fonds de compensation de l'AVS, le reste aux cantons d'implantation des casinos B.

Ne sont pas mentionnés ici les montants que les casinos titulaires d'une concession de type B investissent pour l'essentiel dans des projets d'intérêt général pour la région, en particulier en vue d'encourager des activités culturelles, ou dans des projets d'utilité publique; cf. art. 42, al. 1, LMJ.

Juillet à décembre.

7300