ad 07.057 Message complémentaire au message du 15 juin 2007 relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure («LMSI II réduite») du 27 octobre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre le message complémentaire au message du 15 juin 2007 relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure et le projet de modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 octobre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-0433

7147

Condensé Au printemps 2009, le Parlement a renvoyé au Conseil fédéral le message du 15 juin 2007 sur la révision de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)1. Dans le présent message complémentaire, le Conseil fédéral prend position sur les points que le Parlement lui a demandé de préciser, en s'en tenant aux mesures qui jouissent d'une bonne acceptation politique ou qui découlent d'adaptations à une nouvelle situation organisationnelle ou juridique ou de recommandations émanant d'autorités de surveillance.

L'avis de droit indépendant commandé par le Conseil fédéral sur la question de la constitutionnalité du projet de révision a conclu en juin 2009 que ce projet n'était pas contraire au droit supérieur (Constitution, Cst.; RS 101; Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, CEDH; RS 0.101), mais que certains points devaient être améliorés.

Plusieurs changements se sont produits depuis l'adoption du message en 2007, qui ont eu des répercussions directes et indirectes sur le projet de révision. Ainsi, le 1er janvier 2009, les parties de l'Office fédéral de la police (fedpol) assumant des tâches de renseignement ont été transférées au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), étape suivie le 1er janvier 2010 par leur regroupement avec le Service de renseignement stratégique (SRS) pour former un nouvel office fédéral (Service de renseignement de la Confédération, SRC). Parallèlement, est entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil (LFRC)2 qui règle l'application des dispositions restrictives instaurées par la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)3, notamment en matière de traitement des données, sans restreindre inutilement les activités de renseignement à l'étranger, ainsi que l'intégration des deux systèmes d'information pour la sécurité extérieure et la sécurité intérieure. Dans son rapport du 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée4, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a proposé que deux modifications concernant les contrôles de sécurité relatifs à des
personnes soient apportées à la LMSI à la faveur de la révision de cette dernière. De son côté, la Délégation des Commission de gestion des deux chambres (DélCdG) a émis deux recommandations (7 et 11) en lien direct avec la révision de la LMSI dans son rapport du 21 juin 2010 sur le traitement des données dans le système ISIS5.

En novembre 2009, le Conseil fédéral a chargé le DDPS de rédiger un message complémentaire sur les parties non ou peu controversées du projet de révision initial («LMSI II réduite»), renvoyant les autres parties à une codification globale 1 2 3 4 5

FF 2007 4773 RS 121 RS 120 FF 2009 3045 FF 2010 7003

7148

des services du renseignement civil à présenter au plus tard d'ici la fin 2013 («loi sur le service de renseignement»).

En attendant ladite codification globale, le présent message complémentaire se limite à combler les principales lacunes, pour autant que les mesures en question figuraient déjà dans le paquet législatif initial et jouissent d'une bonne acceptation politique ou qu'elles relèvent soit d'adaptations à une nouvelle situation organisationnelle ou juridique soit de recommandations émanant d'autorités de surveillance.

Cette manière de procéder ne touche pas à la substance du projet initial. Dès lors, attendu qu'une nouvelle consultation ne déboucherait pas sur des résultats fondamentalement différents, on a pu y renoncer.

7149

Table des matières Condensé

7148

1 Contexte 1.1 Message du 15 juin 2007 relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure 1.2 Mandat du Conseil national et du Conseil des Etats 1.3 Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil (LFRC) 1.4 Rapport du 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée 1.5 Rapport du 21 juin 2010 sur le traitement des données dans le système d'information relatif à la protection de l'Etat ISIS 1.6 LMSI II réduite

7152

2 Réalisation 2.1 Mandat du Conseil national et du Conseil des Etats 2.1.1 Avis de droit Biaggini 2.1.1.1 Mandat 2.1.1.2 Conclusion de l'avis droit quant à la conformité du projet avec le droit constitutionnel 2.1.2 Point 1 de la proposition de renvoi: préciser les notions de sûreté intérieure et extérieure, de biens juridiques protégés, ainsi que les signes de soupçons formulés de manière abstraite aux art. 13a et 18a P-LMSI, et en donner une définition plus restreinte 2.1.3 Point 2 de la proposition de renvoi: préciser la collaboration des organes de police de la Confédération avec les autorités cantonales et en particulier leur obligation de renseigner, ainsi que la collaboration avec les organes étrangers 2.1.4 Point 3 de la proposition de renvoi: régler clairement la collaboration entre l'administration (organes de police de la Confédération) et les tribunaux 2.1.5 Point 4 de la proposition de renvoi: organiser une surveillance parlementaire plus efficace au sein de la Confédération 2.1.6 Point 5 de la proposition de renvoi: clarifier les conséquences financières pour la Confédération et les cantons 2.1.7 Point 6 de la proposition de renvoi: examiner en détail la conformité du projet avec la Constitution, notamment sous l'angle de la protection de la sphère privée (art. 13 Cst.), l a liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), la liberté des médias (art. 17 Cst.), la liberté de réunion (art. 22 Cst.)

et la liberté d'association (art. 23 Cst.)

2.2 Rapport de la CdG-N du 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée 2.3 Rapport de la DélCdG du 21 juin 2010 sur le traitement de données dans le système d'information de protection de l'Etat ISIS 2.4 Message complémentaire «LMSI II» réduite 2.4.1 Projet de loi actuel 7150

7152 7152 7153 7154 7154 7155 7155 7155 7155 7155 7155

7157

7158 7161 7162 7163

7164 7164 7165 7165 7165

2.4.2 Explications complémentaires 2.4.2.1 Autorités compétentes 2.4.2.2 Port d'arme pour des collaborateurs du SRC 2.4.2.3 Renseignements sur les raccordements de télécommunication 2.4.2.4 Liste d'observation (enregistrement/effacement) 2.4.2.5 Enregistrement avec référence nominale (art. 3, al. 2, LMSI)

7166 7166 7166 7167 7167 7168

3 Commentaires des différentes dispositions 3.1 Remarque préliminaire 3.2 Les articles dans le détail

7168 7168 7169

Annexe: Modifications du droit en vigueur

7198

Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) (Projet)

7201

7151

Message complémentaire 1

Contexte

1.1

Message du 15 juin 2007 relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure6

Le 25 juin 2007, au terme de longs travaux préparatoires, le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, LMSI (moyens spéciaux de recherche d'informations), appelé aussi (LMSI II). Le 17 décembre 2008, le Conseil national (premier conseil) a décidé de ne pas entrer en matière sur cet objet.7 Quelques mois plus tard, le 3 mars 2009, le Conseil des Etats (deuxième conseil) a opté pour l'entrée en matière et le renvoi du projet au Conseil fédéral8. Le Conseil national s'est rallié à la proposition de renvoi le 28 avril 20099.

1.2

Mandat du Conseil national et du Conseil des Etats

Dans sa décision de renvoi10, le Parlement charge le Conseil fédéral:

6 7 8 9 10 11

1.

de préciser les notions de «sûreté intérieure et extérieure», de «biens juridiques protégés», ainsi que les signes de soupçons évoqués de façon abstraite aux art. 13a et 18a, P-LMSI, et d'en donner une définition plus restreinte;

2.

de préciser la collaboration des organes de police de la Confédération avec les autorités cantonales et leurs obligations de renseigner, ainsi que plus particulièrement la collaboration avec les organes étrangers;

3.

de prendre des dispositions claires sur les interfaces entre l'administration (organes de police de la Confédération) et les tribunaux;

4.

d'organiser une surveillance parlementaire plus efficace au sein de la Confédération;

5.

d'identifier les conséquences financières du projet pour la Confédération et les cantons;

6.

d'examiner en détail la conformité du projet avec la Constitution (Cst.)11, notamment sous l'angle de la protection de la sphère privée, (art. 13 Cst.), de la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), de la liberté des médias (art. 17 Cst.), de la liberté de réunion (art. 22 Cst.) et de la liberté d'association (art. 23 Cst.).

FF 2007 4773 BO 2008 N 1886 BO 2009 E 20 BO 2009 N 673 BO 2009 E 20 RS 101

7152

1.3

Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil (LFRC)12

Le 3 octobre 2008, les Chambres fédérales ont approuvé la loi fédérale sur le renseignement civil (LFRC) qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.

D'après le degré de sévérité des dispositions légales en matière de traitement de données (devoir d'appréciation, assurance de la qualité, délais d'effacement, etc.), les informations du Service d'information de la Confédération (SRC) sont traitées dans deux systèmes d'information soumis chacun à un régime distinct (LMSI ou LFRC): le système d'information sécurité extérieure (ISAS; art. 17 à 24 de l'ordonnance du 4 décembre 209 sur les systèmes d'information du SRC, OSI-SRC13), mené dans un premier temps à titre de système-pilote, et le système d'information sécurité intérieure (ISIS; art. 25 à 35 OSI-SRC).

Au moment de l'adoption de la LFRC, le législateur partait du fait que les tâches relevant du renseignement civil étaient assumées par deux services distincts au plan de l'organisation, à savoir le service de renseignement stratégique (SRS) et le service d'analyse et de prévention (SAP). Dans cette constellation, chaque service aurait continué de traiter ses informations dans son propre système. La LFRC devait garantir l'échange d'informations entre les services. Elle les chargeait également de mener une analyse globale et conjointe de la menace (art. 3 LFRC).

Tirant les conséquences de ce mandat global, le Conseil fédéral décida le regroupement des deux services en un seul, le service de renseignement de la Confédération (SRC), afin de garantir le traitement des données dans une seule unité organisationnelle, d'après des critères uniformes et sur la base de toutes les informations disponibles. Ces informations sont collectées non seulement de manière active, au travers d'opérations de recherche en Suisse et à l'étranger, mais encore par l'utilisation de sources publiques (Internet, médias, littérature spécialisée, études scientifiques).

Elles peuvent également arriver à la connaissance du SRC via des services partenaires nationaux et internationaux.

Le SRC se trouve aujourd'hui dans la situation difficile de devoir traiter ses informations selon des dispositions légales disparates. Celles de la LMSI, plus sévères, doivent être respectées systématiquement, sans restriction indue des activités de renseignement à l'étranger. C'est pourquoi le
Conseil fédéral a décidé de les étendre à toutes les informations du SRC qui ont un rapport direct avec la Suisse et ses habitants. Quant aux dispositions moins sévères de la LFRC, elles sont valables exclusivement pour les informations du SRC sur l'étranger, sans lien direct avec la Suisse. Une directive du SRC précise la notion de «lien direct avec la Suisse» (liste de critères), déterminante pour le tri des informations. Sont exclues du tri les communications des services cantonaux de protection de l'Etat, qui en tant que données originaires de la LMSI (soit des données pouvant être recueillies exclusivement via la LMSI), doivent être sans exception soumises au régime LMSI. La gestion de ces données est réglée dans l'OSI-SRC et s'appuie sur l'art. 19, al. 4, de l'ordonnance du 4 décembre 2009 sur le Service de renseignement de la Confédération (OSRC)14.

12 13 14

RS 121 RS 121.2 RS 121.1

7153

Depuis janvier 2010, les données du SRC sont traitées dans des systèmes d'information différents selon qu'elles ont un lien direct avec la Suisse (citoyen suisse, état de fait/événement/séjour en Suisse) ou qu'elles concernent exclusivement l'étranger.

Le développement des systèmes d'information, et plus spécialement l'exploitation pilote du système d'information sécurité extérieure ISAS se font en étroite concertation avec le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. Le Conseil fédéral entend poser le traitement des informations du SRC sur une base légale qui satisfait aussi les exigences modernes et soumettre prochainement au Parlement un complément ad hoc à la LFRC.

1.4

Rapport du 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée15

La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a fait rapport le 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée. Deux des six recommandations que la CdG-N adresse au Conseil fédéral doivent être mises en oeuvre dans le cadre de la présente révision de la LMSI. Ces deux recommandations concernent le moment de l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes et la consultation des dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues.

1.5

Rapport du 21 juin 2010 sur le traitement des données dans le système d'information relatif à la protection de l'Etat ISIS16

Dans le rapport susmentionné, la Délégation des commissions de gestion des Chambres Fédérales (DélCdG) a émis deux recommandations en lien direct avec la révision de la LMSI: ­

Recommandation 7: La DélCdG recommande au Conseil fédéral de proposer aux Chambres fédérales une définition légale claire des «tiers» dans les travaux de révision de la LMSI actuellement en cours. La définition retenue doit empêcher l'accumulation infondée de données personnelles ne revêtant aucune importance pour la protection de l'Etat.

­

Recommandation 11: La DélCdG recommande au Conseil fédéral de proposer aux Chambres fédérales de remplacer l'actuel droit d'accès indirect par un droit d'accès selon les modalités visées à l'art. 8 LSIP17 dans les travaux de révision relatifs à l'art. 18 LMSI actuellement en cours.

Pour la mise en oeuvre de ces deux recommandations, il faut se référer au ch. 2.3, et pour un examen scrupuleux du rapport dans son ensemble et des autres recommandations, à la prise de position correspondante du Conseil fédéral.

15 16 17

FF 2009 2215 FF 2010 7003 Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération, LSIP; RS 361.

7154

1.6

LMSI II réduite

Le 27 novembre 2009, le Conseil fédéral a chargé le DDPS de rédiger un message complémentaire sur les parties non controversées du projet de révision, renvoyant tous les autres points à une codification globale commune des services de renseignement civil (loi sur le service de renseignement), à remettre fin 2013 au plus tard.

2

Réalisation

2.1

Mandat du Conseil national et du Conseil des Etats

Les considérations qui suivent se limitent aux points nécessaires pour le message complémentaire.

2.1.1

Avis de droit Biaggini

2.1.1.1

Mandat

En décembre 2008, la Confédération suisse, représentée par le DDPS, a chargé Giovanni Biaggini, professeur ordinaire de droit public, administratif et européen à l'université de Zurich, de vérifier si le projet de révision était bien conforme au droit constitutionnel. Le mandat de l'expert consistait à contrôler les dispositions de nature générale et abstraite au niveau de la loi fédérale (projet de loi II) sous l'angle de leur adéquation avec le droit supérieur, à savoir la Constitution fédérale (Cst.) et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)18.

2.1.1.2

Conclusion de l'avis de droit quant à la conformité du projet avec le droit constitutionnel

Publié en 2009 dans la Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (JAAC)19 sous le titre («Biaggini Giovanni: Verfassungsrechtliche Abklärungen betreffend die Teilrevision des Bundesgesetzes über Massnahmen zur Wahrung der inneren Sicherheit, Gutachten vom Juni 2009»), l'avis de droit conclut que le projet n'est d'une manière générale pas en contradiction avec le droit supérieur. Il retient cependant ce qui suit: S'agissant des moyens spéciaux de recherche d'informations, les dispositions correspondantes ne sont pas encore respectueuses des droits fondamentaux à tous égards et doivent être améliorés. L'expert propose plus spécialement les mesures suivantes: ­

18 19

spécification des «biens à protéger» dont la protection justifie, ou du moins permet de considérer comme admissible, qu'il soit porté gravement atteinte aux droits fondamentaux; RS 0.101 JAAC 2009.14, p. 238 à 330

7155

­

mise en place de garanties permettant une protection efficace des droits fondamentaux des tiers, notamment en ce qui concerne le secret professionnel;

­

mise en place de garanties permettant une protection efficace des droits fondamentaux dans leur essence;

­

limitation et définition des possibilités de communication des données personnelles recueillies grâce à des moyens spéciaux de recherche d'informations.

L'expert relève encore quelques imprécisions (qui n'enfreignent ni la Constitution ni la CEDH) concernant les procédures d'approbation, de décision et d'urgence, l'obligation de communiquer et l'obligation de renseigner.

Pour l'interdiction d'exercer une activité, l'avis de droit retient que le projet répond à la répartition fédérale des compétences et qu'il permet une interprétation et une application respectueuses des droits fondamentaux. La norme concernée n'autorise ni l'interdiction d'une organisation, ni le renversement du fardeau de la preuve.

Les dispositions relatives au devoir spécifique de renseigner incombant aux autorités et celles qui concernent le devoir de renseigner incombant aux transporteurs commerciaux sont pour l'essentiel conformes à la Constitution. On regrette toutefois que la communication de données personnelles par le SRC ne soit pas encadrée de manière suffisamment précise.

En ce qui concerne l'exploration radio, le dispositif prévu n'est pas encore sans reproche, tant pour ce qui est des émissions émanant du territoire suisse qui sont soumis au secret des télécommunications (chaîne de preuves peu claire) que pour ce qui est des autres émissions (délégation au Conseil fédéral trop étendue concernant l'organisation et la procédure de l'exploration radio considérée dans le détail).

S'agissant des termes de «sûreté intérieure ou extérieure», de «terrorisme», de «service de renseignements politiques ou militaires prohibé», de «commerce illicite d'armes ou de substances radioactives» et de «transfert illégal de technologie», leur emploi est conforme à la Constitution.

Il n'y a pas lieu, du point de vue constitutionnel, de définir légalement les termes de «sûreté intérieure» et de «sûreté extérieure». En tout état de cause, comme ils apparaissent dans la Constitution, il reviendrait en principe au constituant (et non au législateur) de les préciser.

Pour ce qui est des termes de «terrorisme», de «service de renseignements politiques ou militaires prohibé», de «commerce illicite d'armes ou de substances radioactives» et de «transfert illégal de technologie», il serait certes possible de les définir, mais cela ne relèverait pas d'une obligation constitutionnelle (car pour juger dans le cas particulier de la légitimité ou non d'une atteinte aux droits fondamentaux, d'autres
critères sont ici d'un poids sensiblement plus important).

Le droit «indirect» d'être renseigné est a priori susceptible de faire l'objet d'une interprétation et d'une application conformes à la Constitution et à la CEDH; aussi le législateur ne doit-il pas impérativement intervenir en la manière.

7156

2.1.2

Point 1 de la proposition de renvoi: préciser les notions de sûreté intérieure et extérieure, de biens juridiques protégés, ainsi que les signes de soupçons formulés de manière abstraite aux art. 13a et 18a P-LMSI, et en donner une définition plus restreinte

D'après l'avis de droit Biaggini, l'emploi des termes de «sûreté intérieure ou extérieure», de «terrorisme», de «service de renseignements politiques ou militaires prohibé», de «commerce illicite d'armes ou de substances radioactives» et de «transfert illégal de technologie» est conforme à la Constitution.

Par ailleurs, du point de vue constitutionnel, il ne s'impose pas de définir les termes de «sûreté intérieure» et de «sûreté extérieure». En effet, comme ils apparaissent dans la Constitution, il reviendrait en principe au constituant et non au législateur de les préciser. A défaut de compétence de la part du législateur, il est renoncé aux propositions correspondantes dans le cadre de la LMSI.

Relevons à ce propos qu'il est toujours plus difficile, si ce n'est dans certains cas impossible, de faire la distinction entre sûreté intérieure et sûreté extérieure. D'après l'interprétation courante, la sûreté intérieure se rapporte à la protection de la société et de l'Etat contre des menaces qui émanent de la société elle-même. Elle est touchée lorsque l'existence et la crédibilité des institutions politiques étatiques, l'ordre démocratique de l'Etat et le fonctionnement correct desdites institutions, ainsi que la sécurité des habitants de la Suisse sont menacés. Par sûreté extérieure, on entend la protection d'un Etat contre les menaces de nature militaire émanant d'autres Etats ou groupes d'Etats. S'y sont ajoutés ces dernières années des risques non militaires, comme la migration illégale, les pandémies ou encore le piratage informatique à des fins d'espionnage (économique, militaire ou politique). La sûreté extérieure est touchée lorsque l'existence et la crédibilité de l'indépendance d'un Etat, sa capacité à défendre ses frontières et son ordre constitutionnel vis-à-vis de l'extérieur, ainsi que son entente avec d'autres Etat sont menacés.

Quant aux termes de «terrorisme», de «service de renseignements politiques ou militaires prohibé», de «commerce illicite d'armes ou de substances radioactives» et de «transfert illégal de technologie», il est certes possible de les définir, mais cela ne relève pas d'une obligation constitutionnelle. Au vu de la possibilité accordée au législateur, la réglementation relative au devoir spécial d'information des autorités a été enrichie avec des critères
correspondants et une liste d'exemples de biens juridiques protégés.

Les art. 18a à 18m P-LMSI concernent les moyens spéciaux de recherche d'informations qui ne sont plus retenus dans le message complémentaire, ce pourquoi ils ne sont pas commentés ici.

7157

2.1.3

Point 2 de la proposition de renvoi: préciser la collaboration des organes de police de la Confédération avec les autorités cantonales et en particulier leur obligation de renseigner, ainsi que la collaboration avec les organes étrangers

Collaboration avec les autorités cantonales L'unité de renseignement du service d'analyse et de prévention de l'Office fédéral de la police (fedpol) a été transférée au DDPS le 1er janvier 2009. Une année plus tard, le 1er janvier 2010, elle a été regroupée avec le service de renseignement stratégique (SRS) en un seul service, le service de renseignement de la Confédération (SRC). Dans le même temps, la LFRC et l'OSRC étaient approuvées. Avec l'entrée en vigueur de l'OSRC, l'ordonnance du 27 juin 2001 sur les mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (OMSI)20 était abrogée et avec elle la réglementation détaillée de la collaboration avec les autorités cantonales et les services étrangers.

Parallèlement, la nouvelle ordonnance du 4 décembre 2009 sur les mesures de police administrative et les systèmes d'information de l'Office fédéral de la police21 reprenaient toutes les réglementations en la matière de l'OMSI.

Aujourd'hui, la collaboration du SRC avec les autorités cantonales se fonde en premier lieu sur la LFRC, la LMSI et l'OSRC. Elle a donc déjà été examinée et précisée si nécessaire.

Comme auparavant, il appartient en premier lieu aux cantons de répondre de la sûreté intérieure sur leur territoire. Dans la mesure où, aux termes de la Constitution fédérale et de la loi, la Confédération est responsable de la sûreté intérieure, les cantons l'assistent sur les plans de l'administration et de l'exécution.

En vertu de la LFRC, les services du renseignement civil doivent informer les autres services fédéraux et cantons de tous les faits qui concernent ces services dans l'accomplissement de leurs tâches de maintien de la sûreté intérieure ou extérieure définies par la loi. Le Conseil fédéral règle les modalités de la coopération.

Conformément à l'OSRC, le SRC peut collaborer avec des services cantonaux dans le cadre de la législation et de la mission de base qui lui a été confiée. Plus spécialement, il peut communiquer des données personnelles aux autorités cantonales accomplissant des tâches LMSI (voir annexe 3, ch. 4 OSRC). Par ailleurs, le SRC travaille en étroite collaboration avec la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS) et la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). En contrepartie, les autorités cantonales doivent fournir spontanément au SRC des renseignements et des informations dans les domaines suivants: ­

20 21

activités, menées et événements qui menacent la sûreté extérieure de la Suisse ou ses intérêts de politique de sécurité à l'étranger;

RS 120.2 RS 120.52

7158

­

activités terroristes: agissements déployés en vue d'influencer ou de modifier les structures de l'Etat et de la société, susceptibles d'être réalisés ou favorisés en commettant des infractions graves ou en menaçant de s'y livrer, et en faisant régner la peur et la terreur;

­

service de renseignements prohibé au sens des art. 272 à 274 et 301 du code pénal (CP)22;

­

extrémisme violent: agissements déployés par les organisations dont les membres rejettent la démocratie, les droits de l'homme ou l'Etat de droit et qui, pour atteindre leurs buts, commettent des actes de violence, les préconisent ou les soutiennent;

­

commerce illicite de substances radioactives et transfert illégal de technologie;

­

autres activités ainsi que menées et événements survenant dans le pays et à l'étranger, menaçant la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Les autorités cantonales doivent en outre communiquer spontanément et sans délai au SRC: ­

les faits et les constatations énumérés dans la liste confidentielle du DDPS visée à l'art. 11, al. 2, let. a, LMSI, dans la mesure où cette liste est communiquée à ces autorités;

­

toutes les constatations sur les organisations et groupements qui sont mentionnés dans la liste d'observation confidentielle du DDPS visée à l'art. 11, al. 2, let. b, LMSI, ou qui font l'objet d'une procédure d'examen selon l'art. 25 OSRC;

­

les informations nécessaires à l'exécution d'opérations préventives et de programmes préventifs de recherches;

­

les constatations énumérées à l'annexe 1 de l'OSRC, à savoir: ­ les situations et événements prévisibles ou survenus, pour lesquels une police cantonale n'est plus en mesure de garantir la sécurité sans l'aide d'autres cantons (engagements IKAPOL); ­ les passages de la frontière illégaux par les personnes ou groupes de personnes désignés par le SRC, qui proviennent de certains pays; ­ les atteintes à la sûreté commises à la frontière; ­ les informations sur des activités exercées par des personnes ou des groupements à caractère raciste ou de violence extrémiste; ­ la découverte de propagande à contenu raciste ou de violence extrémiste; ­ les saisies de matériel qui peut servir à des fins de propagande et dont le contenu incite, d'une manière concrète et sérieuse, à faire usage de la violence contre des personnes ou des objets.

S'agissant de tâches LMSI, les cantons remplissent généralement leur mandat de manière autonome et s'occupent de recueillir les informations utiles en cas de situations suspectes données. Le SRC peut aussi charger les organes de sécurité des cantons d'observer ce qui se passe dans les lieux publics et accessibles à tous, et 22

RS 311.0

7159

d'en faire des prises de vue ou des enregistrements sonores. Pour le reste, les cantons recourent au SRC si, d'après leurs connaissances, des personnes ou des organisations doivent être impliquées dans la recherche d'informations ou au contraire en être exclues.

La Confédération finance quelque 80 postes à plein temps pour la protection de l'Etat dans les cantons. Ces postes sont rattachés aux polices cantonales (dans le canton de Bâle-Ville, au ministère public). La surveillance des services dans les cantons est exercée par un organe de contrôle indépendant de l'organe d'exécution.

L'organe de contrôle vérifie que les processus administratifs correspondent aux dispositions légales applicables, notamment que les données relatives au maintien de la sûreté intérieure sont traitées séparément des autres informations de police. Il peut consulter des données de la Confédération si le SRC l'y autorise expressément. La consultation peut lui être refusée lorsque la protection des sources ou des intérêts cruciaux en matière de sécurité l'exigent.

Pour résumer: le SRC travaille en étroite collaboration avec les cantons et leur accorde une grande autonomie dans l'accomplissement de leur mandat. Il coopère également au niveau supracantonal, par ex. dans le cadre de la CCDJP ou de la CCPCS. Ces relations de collaboration font déjà l'objet de diverses réglementations.

Collaboration avec des services étrangers La collaboration des services du renseignement civil avec les services étrangers est réglée par le Conseil fédéral qui établit notamment les principes de l'utilisation d'informations de ces services étrangers pour les tâches incombant au service du renseignement civil (art. 3, al. 4, let. c, LFRC).

En vertu de l'OSRC (voir section 4: collaboration avec des services étrangers), le SRC assure les liaisons nécessaires avec les services de renseignement étrangers ainsi qu'avec d'autres services étrangers qui accomplissent des tâches au sens de la LMSI et de la LFRC. Il représente en outre la Suisse dans les instances de renseignements internationaux. Il élabore une planification des contacts, coordonne tous les contacts et détermine une politique commune à l'égard des services partenaires.

L'entretien de contacts réguliers avec les services de renseignement étrangers est soumis à l'approbation du Conseil
fédéral. Par ailleurs, le SRC peut transmettre des informations à des services étrangers dans la mesure où la loi ou un traité international le permet ou si ces informations sont utiles à la sécurité de la Confédération. Il peut également échanger directement des données personnelles avec des autorités étrangères au moyen de dispositifs de transmission communs. En cas de communication de données personnelles, il renseigne le destinataire sur la fiabilité et l'actualité des données. Il avise ce dernier qu'il ne peut utiliser ces données que dans le but pour lequel elles lui ont été transmises et qu'il se réserve le droit d'exiger des renseignements sur l'utilisation qui en a été faite. Le SRC enregistre chaque transmission d'informations, ainsi que le destinataire, l'objet et le motif. Dans ses rapports avec les autorités de poursuite pénale, il respecte les principes de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale23. Les cantons informent le SRC au sujet de leur collaboration avec des services étrangers lorsqu'elle concerne des tâches relevant de la LMSI et de la LFRC.

23

RS 351.1

7160

S'agissant de la sûreté intérieure, notamment dans les domaines du terrorisme, du service de renseignements prohibé, de l'extrémisme violent, du commerce illicite d'armes et de substances radioactives ainsi que du transfert illégal de technologie, la LMSI précise que les relations avec les autorités étrangères chargées de tâches de sécurité incombent à la Confédération. Pour des questions de sécurité dans les régions frontalières, les cantons peuvent collaborer avec les autorités de police étrangères compétentes. Le SRC peut, dans des cas d'espèce, transmettre des données personnelles à des organes de sûreté d'Etats avec lesquels la Suisse entretient des relations diplomatiques si une loi ou une convention conclue avec ces Etats le prévoit ou lorsque: ­

l'information est nécessaire pour prévenir ou élucider un crime ou un délit lorsque cette infraction est également punissable en Suisse;

­

une demande suisse de renseignements doit être motivée;

­

la communication est dans l'intérêt de la personne concernée et que celle-ci y a consenti ou que les circonstances permettent de présumer son accord;

­

la communication est indispensable à la sauvegarde d'intérêts importants liés à la sûreté de la Suisse ou de l'Etat destinataire.

La communication à l'étranger ne peut avoir lieu si la personne concernée risque une double condamnation ou des préjudices sérieux pour sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté au sens de la CDEH par suite de la transmission de ses données.

Le SRC est donc étroitement conduit par le Conseil fédéral dans ses relations avec l'étranger. Il reste à souligner que sa collaboration avec tous les services étrangers repose sur une base volontaire, des rapports de confiance et des intérêts stratégiques communs. Les informations sont mises à disposition selon le principe donnantdonnant (do ut des), qui exclut un comportement purement passif. Si la Suisse ne peut coopérer suffisamment avec l'étranger pour cause de marge de manoeuvre trop restreinte, elle risque d'être coupée des informations de l'étranger. Sans compter le risque que même des services amis pourraient être tentés d'opérer en territoire suisse sans autorisation, pour protéger leurs intérêts, s'ils estiment que la collaboration avec les autorités suisses est insuffisante. Cela s'est déjà produit.

2.1.4

Point 3 de la proposition de renvoi: régler clairement la collaboration entre l'administration (organes de police de la Confédération) et les tribunaux

Par le transfert de l'unité de renseignement du DFJP (fedpol) au DDPS et le regroupement consécutif du SAP et du SRS dans le SRC on a simultanément réalisé la séparation visée entre tâches de renseignement du SRC et tâches de police de fedpol.

Les enquêtes de police judiciaire incombant à la Confédération sont du ressort des organes de poursuite pénale, à savoir le Ministère public de la Confédération (MPC) et la Police judiciaire fédérale (PJF).

En principe, le SRC doit immédiatement communiquer à d'autres services de la Confédération et des cantons toutes les informations utiles à la poursuite pénale ou susceptibles de servir la lutte contre le crime organisé, autrement dit qui concernent ces services dans l'accomplissement de leur mandat légal de maintien de la sûreté intérieure ou extérieure (art. 4 LFRC resp. art. 9 OSRC, et art. 2, al. 3, LMSI). Le 7161

SRC est ainsi légalement tenu de transmettre spontanément aux autorités nationales de poursuite pénale les informations pertinentes pour la poursuite pénale. Selon le degré de concrétisation des indices transmis, les autorités pénales peuvent alors lancer officiellement la poursuite ou procéder à d'autres clarifications pour établir les faits.

A l'inverse, les autorités désignées aux art. 3 et 4 LFRC et 13 LMSI (soit la PJF, le MPC ainsi que les organes des gardes-frontière et des douanes) doivent renseigner spontanément le SRC sur toutes les menaces concrètes pesant sur la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse, qu'ils sont amenés à constater (art. 4 OSRC). Au plan juridique, cette coopération mutuelle est réglée par un vaste dispositif normatif (lois, ordonnances, conventions, directives).

Quant à la coopération entre les organes de poursuite pénale de la Confédération et les tribunaux, elle est régie par la législation pertinente aux plans matériel et formel (CP et Code de procédure pénale du 5 octobre 2007, CPP24) et par les réglementations organisationnelles internes du MPC et de fedpol.

Le Rapport du Conseil fédéral «Lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé»25, qui donne suite au postulat du 21 février 2005 de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats, présente dans le détail les compétences répressives de la Confédération en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé et les points de contact correspondants.

La collaboration entre les organes de poursuite pénale et le SRC est traitée à part (voir plus haut).

Pour résumer: la collaboration entre les autorités pénales de la Confédération et le SRC s'appuie sur des principes éprouvés qui doivent être maintenus.

Les «moyens spéciaux de recherche d'informations» prévus dans le message du 15 juin 2007 ne sont pas repris dans le message complémentaire; il est donc inutile ici de commenter la valeur judiciaire d'informations qui auraient été obtenues avec des «moyens spéciaux». Toutefois, cette question devra être traitée dans le cadre de la codification globale à établir jusqu'à fin 2013 («Loi sur le service de renseignement») moyennant l'édiction d'une règle générale de conflit de lois.

2.1.5

Point 4 de la proposition de renvoi: organiser une surveillance parlementaire plus efficace au sein de la Confédération

En application de l'art. 25 LMSI, le SRC accorde aux organes de la surveillance parlementaire en tout temps un accès illimité à ses locaux, dossiers et systèmes électroniques et renseigne sur ses activités. Les organes de la surveillance parlementaire n'ont d'ailleurs jamais fait valoir qu'ils ne pouvaient exercer leurs attributions en raison de droits insuffisants ou parce l'administration retreignait leurs moyens d'une manière ou d'une autre.

Le Conseil fédéral estime que la Délégation des commissions de gestion remplit son mandat de manière appropriée et critique. Demeure réservée sa prise de position 24 25

RS 312.0; RO 2010 1881 FF 2006 5421

7162

concernant le rapport du 21 juin 2010 sur le traitement de données dans le système d'information de protection de l'Etat ISIS26. Au cas où la surveillance parlementaire devrait être renforcée, il incomberait au Parlement lui-même d'examiner la question et de la formuler.

2.1.6

Point 5 de la proposition de renvoi: clarifier les conséquences financières pour la Confédération et les cantons

Lors de l'adoption de la LMSI en 1997, le message correspondant tablait sur des coûts d'exécution (en l'occurrence les coûts que la Confédération rembourse aux cantons) de 10 à 20 millions de francs par année. Aujourd'hui, ces coûts se montent à quelque 8,5 millions de francs «seulement». C'est dire que le niveau des coûts présenté alors au Parlement pour l'exécution de la LMSI dans les cantons n'a jamais été atteint.

Conséquences financières pour la Confédération. D'après le message du 15 juin 2007, les postes, les investissements et les coûts d'exploitation relatifs à la mise en oeuvre de la LMSI doivent être financés par compensation interne au sein du DFJP.

Dans l'intervalle, le transfert des activités de renseignement du DFJP (fedpol), suivi de la fusion du SAP et du SRS en SRC, a créé une nouvelle situation. Cependant, conformément à la volonté du Conseil fédéral, le principe de la compensation interne à l'administration sera maintenu. En clair: le projet de révision n'occasionnera pas de nouveaux coûts, ni dans sa forme initiale ni dans la version du message complémentaire.

Le premier message faisait état de coûts annuels de personnel d'environ 6,5 millions de francs, de coûts d'investissement uniques d'un (1) million de francs et de coûts annuels récurrents pour des acquisitions de remplacement de quelque 100 000 francs à compenser à l'interne. Avec la suppression prévue des «moyens spéciaux de recherche d'informations» dans le message complémentaire, le besoin supplémentaire de personnel sera nettement moindre. Quant à savoir combien de postes seront en définitive nécessaires pour mettre en oeuvre le paquet législatif (p. ex. établissement des faits et procédure d'interdiction d'activités; tâches supplémentaires relatives à la tenue de la liste d'observation, y compris l'enregistrement et l'effacement de données; clarifications plus nombreuses en rapport avec l'obligation de renseigner des autorités et des transporteurs commerciaux, y compris le règlement de litiges correspondants; mesures de protection des informateurs; création et gestion d'identités d'emprunt, etc.), on ne pourra le dire précisément que lorsque l'on connaîtra l'aménagement concret des mesures correspondantes. Partant d'une estimation grossière, nous arrivons à 10 postes environ, soit la réduction à un quart des coûts
initialement prévus pour le projet avec les moyens spéciaux de recherche d'informations. Au surplus, le SRC s'efforce de parer aux éventuels besoins supplémentaires en mettant à profit autant que faire se peut les synergies dégagées par la fusion du SAP et du SRS.

Conséquences financières pour les cantons. Dans une première phase, l'extension du devoir de renseigner occasionnera sans doute une modeste augmentation du volume de travail des cantons, mais au profit d'une sécurité accrue aux niveaux de la Confé26

FF 2010 7003

7163

dération, des cantons et des communes. Toutefois, à moyen terme et à long terme, la révision de la LMSI se soldera aussi par des allègements, grâce à des moyens de clarification améliorés au plan matériel et simplifiés au plan formel. De manière générale, charges et allégements devraient à peu près s'équilibrer.

2.1.7

Point 6 de la proposition de renvoi: examiner en détail la conformité du projet avec la Constitution, notamment sous l'angle de la protection de la sphère privée (art. 13 Cst.), la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), la liberté des médias (art. 17 Cst.), la liberté de réunion (art. 22 Cst.)

et la liberté d'association (art. 23 Cst.)

L'avis de droit Biaggini conclut que le projet de révision n'est pas contraire au droit supérieur et, partant, qu'il est conforme à la Constitution. Pour les améliorations considérées comme nécessaires, nous renvoyons aux commentaires des articles.

2.2

Rapport de la CdG-N du 28 novembre 2008 sur les circonstances de la nomination de Roland Nef au poste de chef de l'armée27

Dans le contexte de la révision en cours, la CdG-N a recommandé: «... Recommandation 2

Consultation des dossiers relatifs à des procédures pénales closes ou suspendues

La CdG-N recommande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LMSI, les mesures nécessaires soient prises afin que lors de contrôles de sécurité relatifs aux personnes du plus haut niveau le service spécialisé CSP puisse aussi consulter les dossiers relatifs à des procédures pénales.

Recommandation 5

Moment de l'exécution du contrôle de sécurité relatif aux personnes

La CdG-N demande au Conseil fédéral d'examiner l'opportunité d'effectuer un contrôle de sécurité relatif aux personnes avant la nomination pour certaines fonctions à très haute responsabilité. En outre, la commission demande au Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le cadre de la révision en cours de la LSMI, les mesures nécessaires soient prises afin que la teneur de l'art. 19, al. 3, LMSI soit identique dans les trois langues officielles.» Suite a été donnée aux recommandations 2 et 5; elles sont mises en oeuvre dans les art. 19, al. 3 et art 20, al. 2, let. d, du projet de loi tel que présenté dans le présent message complémentaire.

S'y ajoutent des adaptations concernant l'indépendance de l'organe de contrôle et le transfert partiel de domaines de contrôle à la Chancellerie fédérale (art. 21 P-LMSI).

Pour le commentaire détaillé des dispositions, nous renvoyons au ch. 3.

27

FF 2009 3425

7164

2.3

Rapport de la DélCdG du 21 juin 2010 sur le traitement de données dans le système d'information de protection de l'Etat ISIS

La recommandation 7 porte sur la définition légale claire de la notion de «tiers» afin d'empêcher une accumulation de données personnelles ne revêtant aucun intérêt pour la protection de l'Etat.

Le traitement des données pour le système d'information ISIS-NT est aujourd'hui réglé pour l'essentiel dans l'ordonnance sur les systèmes d'information du service de renseignement de la Confédération (OSI-SRC). En vertu de l'art. 2. let. i, de cette ordonnance, un «tiers» est une personne ou une organisation qui revêt une importance du point de vue de la protection de l'Etat uniquement de par son lien avec un objet. La notion d'objet est également définie dans l'ordonnance.

Le Conseil fédéral estime dès lors que la notion de «tiers» doit être précisée au niveau de l'ordonnance susmentionnée (OSI-SRC) et non pas, comme proposé par la DélCdG, au niveau de la loi (LMSI). Il s'est d'ailleurs déclaré prêt à apporter la précision souhaitée dans l'OSI-SRC.

Au sujet de la modification du droit d'accès indirect selon les modalités de l'art. 8 LSIP proposée par la DélCdG dans sa recommandation 11, le Conseil fédéral estime qu'il s'agit là d'une exigence minimale et il va un pas plus loin inscrivant le droit d'accès direct dans la LMSI. A ce propos, nous renvoyons à l'art. 18 du projet de loi.

2.4

Message complémentaire «LMSI II réduite»

2.4.1

Projet de loi actuel

Aussi bien lors de la consultation que dans le débat politique et les comptes-rendus des médias, les «moyens spéciaux de recherche d'informations» (la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, la surveillance à partir de lieux qui ne sont pas librement accessibles, notamment au moyen d'appareils techniques, la perquisition secrète de systèmes informatiques) ont suscité de loin les plus fortes critiques. Idem pour les dispositions d'exécution correspondantes (art. 18a à 18j, art. 27, al. 1bis, let. b, art. 14, al. 3, du projet de loi du 15 juin 2007), surtout pour les procédures d'approbation, de décision et d'urgence ou encore pour les dispositions relatives à la surveillance de tiers et la protection du secret professionnel. Pour cette raison et vu que le regroupement du SAP et du SRS dans le SRC appelle des solutions communes dans de nombreux domaines, il est pour l'instant renoncé à cette mesure dans le message complémentaire. Une restructuration de la LMSI avec l'adjonction d'un article séparé sur la protection juridique n'a donc plus lieu d'être; celle-ci pourra être intégrée directement dans les articles respectifs.

Les autres articles du projet de révision initial jouissent d'une acceptation politique nettement plus élevée, raison pour laquelle ils sont maintenus tout en étant complétés selon le ch. 1.5.2. Par contre, la disposition concernant la coordination des échanges d'informations prévue dans le cadre de la coopération de la Confédération et des cantons doit être abandonnée dès lors que les bases constitutionnelles correspondantes ont été supprimées dans l'intervalle.

7165

Par ailleurs, la réglementation de l'exploration radio, prévue initialement dans le message complémentaire, sera reprise dans la future loi sur le renseignement civil.

D'une part, une solution unique doit être trouvée pour le service de renseignement dans son ensemble ­ solution qui doit se fonder sur des expériences encore à faire.

D'autre part, l'organisation de l'organe actuellement responsable du contrôle (l'Autorité de contrôle indépendante ACI), qui n'est guère suffisant pour assurer son futur mandat, ne doit pas être réglée au niveau de la loi. Mais surtout, comme l'exploration radio est étroitement liée à la surveillance de la communication aux plans fonctionnel et matériel, il semble logique de les régler ensemble dans une approche globale, d'autant que les voies de communication actuelles sont en constant mouvement et qu'il reste de nombreuses questions à clarifier, à fortiori dans les relations avec l'étranger.

2.4.2

Explications complémentaires

Depuis l'adoption du message LMSI, en 2007, le contexte juridique de la révision a changé. Plus spécialement, l'unité de renseignement de l'Office fédéral de la police (fedpol) a été transférée au DDPS le 1er janvier 2009 puis regroupée avec le service de renseignement stratégique (SRS) le 1er janvier 2010 pour former un nouvel office fédéral (Service de renseignement de la Confédération, SRC). Les effets directs et indirects de cette restructuration du renseignement sur le projet de loi initial doivent être pris en compte dans le cadre du message complémentaire.

2.4.2.1

Autorités compétentes

Avec le transfert des activités de renseignement de fedpol au DDPS et la création du SRC (voir ch. 2.4.2), la compétence en matière de renseignement civil a été centralisée et incombe en premier lieu au chef du DDPS.

2.4.2.2

Port d'arme pour des collaborateurs du SRC

Les autorités policières sont expressément exclues du champ d'application de la loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (loi sur les armes, LArm)28. Comme la création du SRC au 1er janvier 2010 a eu pour effet de supprimer partiellement les points de contact avec le domaine de la police, il importe de veiller à soustraire le SRC du champ d'application de la LArm, dès lors que l'usage d'une arme motivé par le service en cas de légitime défense et de nécessité ne peut être exclu.

Le mandat légal du SRC en Suisse et le risque potentiel correspondant d'une mise en danger de collaborateurs du service permettent a priori de justifier l'armement d'une partie de l'effectif du SRC (voir explications au ch. 3). Il convient de créer une base légale formelle dans la LMSI, qui autorise des collaborateurs particulièrement exposés du SRC à porter une arme pour leur sécurité personnelle. Le Conseil fédéral est appelé à édicter une norme de délégation qui précise les conditions pour le port 28

RS 514.54

7166

d'une arme et la formation à son utilisation. Toujours est-il que l'usage d'une arme par un collaborateur du SRC doit être admis exclusivement en cas de légitime défense ou de nécessité dans une situation donnée, et non pas simplement dans le cadre de l'accomplissement d'une mission, ce qui équivaudrait à l'attribution de compétences policières exécutives. Il va de soi que l'on prêtera assistance à une personne blessée par une arme; ce principe est expressément inscrit dans la loi.

2.4.2.3

Renseignements sur les raccordements de télécommunication

Autre effet de la suppression partielle des points de contacts avec la police (voir le chiffre précédent): depuis le 1er janvier 2010, le SRC ne figure plus parmi les ayants droit à des renseignements sur les raccordements de télécommunication nommés à l'art. 14 de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication29. Or, comme la recherche de ce type d'informations («à qui appartient le numéro de téléphone XY?») est le pain quotidien du SRC, il importe de modifier la situation légale actuelle. A l'instar des ayants droit actuels comme fedpol ou les commandants de police cantonaux et municipaux, le SRC doit avoir droit à des informations en application du principe de proportionnalité, c.-à-d. limité aux besoins de son travail de renseignement. Il reste à souligner que les contenus d'entretiens, les données de liaison et les données secondaires demeurent non accessibles, car la surveillance et l'obtention de ce genre de d'informations peuvent être ordonnées uniquement par les autorités d'enquête compétentes dans le cadre d'une surveillance des services de télécommunication.

2.4.2.4

Liste d'observation (enregistrement/effacement)

En vertu de l'art. 11, al. 2, LMSI, le département doit tenir une liste confidentielle (ou liste d'observation) des organisations et groupements dont les activités ou les représentants sont concrètement soupçonnés de menacer la sûreté intérieure ou extérieure. Cette liste doit être soumise une fois l'an à l'approbation du Conseil fédéral, puis à la Délégation des commissions de gestion (DélCdG) qui en prend acte. L'inscription d'une organisation ou d'un groupement sur la liste a pour effet que les organes de sécurité peuvent traiter toutes les informations disponibles les concernant et concernant leurs membres, et donc aussi celles visées par les restrictions définies à l'art. 3 LMSI.

En 2005 déjà, la DélCdG avait soulevé la question de l'enregistrement et du retrait des noms de groupements internationaux qui figurent dans des listes internationales.

A l'occasion des délibérations de la Commission des affaires juridiques sur le message et le projet de loi du 15 juin 2007, le conseiller national Fluri a fait la proposition suivante:

29

RS 780.1

7167

«... Proposition Fluri du 20 mai 2008 Ad art. 11 Il revient au Conseil fédéral d'adapter lui-même la liste d'observation visée à l'art. 11 LMSI aux changements intervenus depuis la promulgation de la LMSI dans le domaine des listes internationales, et donc aussi l'art. 11, notamment en ce qui concerne la reprise de données des listes internationales dans la liste d'observation et l'effacement des inscriptions ...» La liste d'observation est un instrument de conduite du Conseil fédéral. Depuis le 11 septembre 2001, la communauté internationale a renforcé sa lutte contre le terrorisme. L'importance de la concordance de la liste avec les mesures de prévention internationales a pris une ampleur que le législateur n'aurait su prévoir. Avec l'intégration des listes internationales, ladite liste a pu être substantiellement étoffée ces dernières années. C'est la raison pour laquelle il convient aujourd'hui de légiférer sur la reprise de données provenant de listes internationales, notamment sur l'enregistrement et l'effacement de données.

2.4.2.5

Enregistrement avec référence nominale (art. 3, al. 2, LMSI)

L'art. 3, al. 2, LMSI règle la recherche et le traitement d'informations lorsqu'une présomption sérieuse permet de soupçonner que l'exercice des droits politiques ou des droits fondamentaux est utilisé pour dissimuler la préparation ou l'exécution d'actes relevant du terrorisme, du service de renseignement ou de l'extrémisme violent. Tout récemment, la surveillance interne du service de renseignement a relevé un besoin de clarification quant au délai à observer dans le cas d'espèce. De son côté, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a émis un avis de droit sur la question de savoir si les informations recueillies en vertu de l'art. 3, al. 1, LMSI devaient être confirmées avant de pouvoir être enregistrées avec référence nominale ou si elles pouvaient être traitées avec référence nominale jusqu'à ce que les soupçons relatifs à un comportement punissable soient corroborés par les faits.

Vu la formulation ambiguë de l'al. 2 et les réserves émises en matière de droit de la surveillance, vu en outre que le traitement d'informations touchant à l'exercice de droits politiques occupe un terrain hautement sensible, la présente révision précise la disposition en question au sens de la pratique actuelle.

3

Commentaires des différentes dispositions

3.1

Remarque préliminaire

Le projet de loi du message complémentaire remplace celui du message du 15 juin 2007. Il tient compte dans une large mesure des enseignements tirés de l'expertise Biaggini et les recommandations qui y sont formulées ont été insérées directement dans les normes adaptées.

7168

3.2

Les articles dans le détail

Art. 3, al. 2 Trois éléments de l'al. 2 encore en vigueur ont été remaniés: ­

la formulation négative a été remplacée par un libellé positif;

­

une durée maximale a été fixée;

­

l'expression «comportement punissable» a été remplacée par des activités concrètes par analogie avec le 1er al.

Dans son expertise du 12 mai 2009 relative à l'interprétation de l'art. 3, al. 2, LMSI30, l'OFJ parvenait notamment à la conclusion suivante: «... Pour élucider si un soupçon de comportement délictueux peut être confirmé, les informations recueillies doivent pouvoir être mises en relation avec un individu. Ce n'est que lorsque l'on dispose de renseignements plus détaillés sur la personne concernée que l'on peut élucider si le soupçon se confirme ou s'infirme. Il s'ensuit dès lors qu'en cas de soupçon initial, les informations relatives à l'individu doivent être exploitées pendant un certain laps de temps jusqu'à ce que ce soupçon se confirme ...». En fonction de ce constat, la réglementation équivoque en vigueur jusqu'à ce jour est remplacée par une norme claire qui décrit de façon positive la manière licite de procéder.

Dans une deuxième étape, les préoccupations exprimées par l'autorité de surveillance des services de renseignement ont été prises en compte par l'instauration d'un cadre temporel: il convient d'apporter la preuve dans un délai d'une année au plus.

A défaut de preuve ou s'il est possible d'exclure auparavant les activités suspectées, toutes les données pertinentes doivent être détruites immédiatement après que les soupçons ont été écartés.

Enfin, le critère du comportement punissable a été abandonné ou remplacé, ceci parce que la sûreté intérieure de la Suisse peut aussi être menacée par des actes non punissables, et surtout en raison du fait qu'un comportement impliquant un délai ou y mettant un terme doit être axé sur le même critère.

Art. 5a (nouveau)

Usage d'armes de service

Le SRC assume des missions de service de renseignement dans le secteur de la sûreté intérieure, notamment en ce qui concerne le terrorisme, le service de renseignement prohibé, l'extrémisme violent, le commerce illicite d'armes et de substances radioactives ainsi que le transfert illégal de technologie. Sa mission consiste notamment à se procurer des renseignements qui ne sont pas accessibles au public.

Dans l'exercice de leurs fonctions, les collaborateurs du SRC ayant pour tâche d'approcher les structures susmentionnées et d'entretenir des contacts avec elles oeuvrent souvent dans un milieu de grande criminalité où la vie humaine a peu de prix. C'est pourquoi les collaborateurs chargés de missions dans ce domaine sont depuis toujours armés dans l'exercice de leur mission lorsque les circonstances l'exigent. De par la création du SRC, d'une part le point commun existant jusque-là avec le domaine policier (et, partant, la dérogation à la loi sur les armes) est en partie caduc; d'autre part, le champ d'activités du service de renseignement, respective30

RS 120

7169

ment les dangers inhérents à ces activités justifient que certains de ses collaborateurs soient armés. Il convient par conséquent ­ dans le droit-fil d'une réglementation qui a fait ses preuves ­ de créer une base légale expresse pour le port d'armes de service.

Il s'agit donc en aucun cas d'armer le SRC d'une manière «généralisée», mais bien de pouvoir à l'avenir munir les collaborateurs du SRC d'une arme à feu exclusivement destinée à leur propre protection en cas de mission présentant un danger. Dans la pratique, cela concerne environ 10 % du personnel du SRC. Rappelons aussi à ce propos que les dispositions de l'art. 16, al. 4, OSRC disposent expressément: lors de la collecte d'informations, l'usage de la violence contre les personnes ­ et donc, comme c'est le cas pour les autorités de police, l'usage de la contrainte ­ sont prohibés.

Al. 1 Selon le 1er al., le Conseil fédéral détermine, en fonction de leur mission, les collaborateurs qui doivent porter une arme et la formation nécessaire à cet effet.

L'objectif est de limiter le port d'armes aux seules personnes en danger du fait de leur fonction et donc à environ 10 % du personnel du SRC.

Al. 2 et 3 En vertu du 2e al., l'usage d'une arme n'est admis qu'en cas de légitime défense et d'état de nécessité. Par conséquent, s'appliquent pour les collaborateurs armés du SRC les mêmes principes de droit que pour toute autre personne dans une situation comparable. L'al. 3 mentionne expressément qu'il convient d'apporter l'assistance nécessaire à une personne blessée.

Intérêt public et proportionnalité La protection de l'intégrité physique et de la vie des collaborateurs du SRC lors de l'exercice de leur activité est d'un intérêt public évident. Quant au principe de la proportionnalité, tant la légitime défense que l'état de nécessité impliquent que les biens menacés doivent être abandonnés, lorsqu'il est raisonnable de le demander à l'ayant-droit. La cause de justification implique donc déjà en elle-même la nécessité d'une intervention proportionnée.

Art. 9 (nouveau)

Interdiction d'exercer une activité

L'interdiction d'exercer des activités doit déployer des effets sur le comportement des particuliers et ainsi ne pas du tout engendrer de menaces concrètes pour la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse.

En vertu du droit actuel, elles interdictions ne peuvent être décrétées qu'en se fondant sur les dispositions de la Constitution fédérale et encore, à de très strictes conditions. La Constitution fédérale autorise le Conseil fédéral à adopter des ordonnances et à prendre des décisions nécessaires à la sauvegarde des intérêts du pays (art. 184, al. 3, Cst.) ainsi qu'à prendre des mesures en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure de notre pays (art. 185, al. 3, Cst.). Les ordonnances fondées sur ces deux dispositions constitutionnelles doivent cependant être limitées dans le temps et ne sauraient être sans cesse prolongées de manière illimitée, faute de quoi on risque de vider cette norme constitutionnelle de toute sa substance. Dès lors, il est proposé d'introduire, au niveau de la loi, une règle permettant d'interdire certaines

7170

activités dont on peut établir qu'elles constituent une menace concrète contre la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Cette nouvelle disposition ne modifie en rien les compétences du Conseil fédéral fondées sur les art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst. Ces compétences subsistent en parallèle.

S'agissant des interdictions et des mesures prononcées par le Conseil fédéral en vertu de la Constitution, les voies de droit n'obéissent pas à la même règle que les interdictions prononcées par le département selon la LMSI. Les décisions du Conseil fédéral constituent de véritables actes gouvernementaux qui ne peuvent être attaqués que devant un Tribunal fédéral dans l'hypothèse où le droit international public confère un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal31. En dehors de ces cas, les décisions du Conseil fédéral sont définitives. En revanche, les décisions fondées sur la LMSI constituent des actes parfaitement justiciables et, de ce fait, peuvent être portées devant le Tribunal administratif fédéral et l'arrêt de ce dernier déféré au Tribunal fédéral. L'expertise Biaggini (cf. le ch. 2.1.1) rejette catégoriquement les critiques émises expressément ou en substance dans ce contexte par divers participants à la consultation selon lesquels cette possibilité de recours équivaut à un renversement du fardeau de la preuve. On s'efforcera donc de contrebalancer cette nouvelle compétence par une forte protection juridique.

En temps opportun, il conviendra d'examiner si l'interdiction d'exercer une activité ­ parce qu'elle est d'une nature de contrainte policière ­ doit être transférée dans la loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération (LPol). Toutefois, étant donné que le Parlement ne se penchera sur la LPol qu'à une date ultérieure, rien ne s'oppose à ce que cette norme soit traitée dans le présent paquet de législation.

Par ailleurs (si l'on se réfère à des décrets comparables du passé), dans une comparaison portant sur plusieurs années, il faut partir de l'idée que l'on aura un ou au plus quelques rares cas à traiter par année, tant et si bien qu'au sein du DFJP, la charge de travail n'est pas mentionnée séparément.

Al. 1 Le chef du DFJP a la compétence de décréter une interdiction de droit administratif à l'encontre d'activités pouvant constituer une menace concrète de
la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. Mais il est impératif d'entendre à ce sujet le SRC ou ­ en règle générale ­ le SRC lui-même en adresse une requête dûment motivée. On opte ainsi pour une procédure analogue à celle qui concerne la saisie, le séquestre et la confiscation de matériel de propagande, comme le prévoient les dispositions de l'actuel art. 13a LMSI (décision du DFJP, respectivement de fedpol après audition du DDPS ou du SRC).

Ainsi certaines activités, telles que les collectes de fonds en faveur de veuves et d'orphelins vivant dans des régions en crise à l'étranger, paraissent à première vue anodines et même tout à fait louables. Dans la mesure où de telles collectes n'émanent pas d'une oeuvre caritative reconnue, il n'est pas rare que les auteurs de ces collectes exercent des pressions s'apparentant à du chantage (par exemple, il s'adressent directement aux membres d'une diaspora établis dans notre pays en les 31

Voir ATF 125 II 417 ss.; cette jurisprudence est aussi inscrite dans l'art. 83, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur Tribunal fédéral (RS 173.110) et dans l'art. 32, al. 1, let. a, de la loi sur le Tribunal administratif général (RS 173.32).

7171

menaçant de recourir à des mesures de rétorsion à l'égard des membres de leur famille restés au pays au cas où ils refuseraient de faire un don. Par ailleurs, tout ou partie des fonds ainsi collectés seront selon toute vraisemblance utilisés à une autre fin que celle indiquée initialement lors de la collecte, notamment pour l'achat d'armes, par exemple au profit de mouvements de résistance situés dans les régions en crise. Cela dit, la preuve directe de tels agissements est souvent difficile à établir, car les personnes contraintes de faire des dons en Suisse se taisent par crainte pour elles-mêmes, pour leurs proches ou pour leurs amis et connaissances restés dans leur pays d'origine. Il est certes possible de retracer le transfert des fonds à l'étranger, mais la trace de l'argent se perd ensuite en raison de multiples transferts ou parce que les certificats étrangers précisant l'utilisation de l'argent sont imprécis, falsifiés, ou authentiques mais avec un faux contenu car ils sont établis en recourant à la corruption (cependant, les raisons de la perte de la trace des fonds peuvent aussi être d'une autre nature). Il est exclu de s'informer directement dans le pays-cible de ce qu'il est advenu des fonds, car les personnes impliquées dans cette recherche pourraient s'en trouver menacées. A cela s'ajoute le fait que les organisations collectant des fonds changent souvent de nom et d'apparence; elles ont souvent recours à des tiers séjournant à l'étranger pour collecter les fonds.

Le chef du D F J P doit décrire aussi précisément que possible l'étendue et le contenu de l'interdiction. L'énumération dans la loi d'actes à prohiber, telle qu'elle a été demandée par certains en procédure de consultation a été examinée et rejetée.

Faire figurer dans la loi une telle liste comportant des actes interdits constituerait d'une part une incitation directe à contourner la loi et, d'autre part, il n'existerait pas de possibilité de juguler rapidement d'autres ou de nouvelles formes de menaces. Si l'objectif est de couvrir une palette la plus large possible de comportements indésirables, il est alors difficile d'établir des critères plus précis.

Contrairement aux craintes exprimées par certains milieux consultés, l'interdiction d'activités n'est pas un instrument visant à lutter contre les mouvements
d'opposition. Au contraire, cet instrument ne vise qu'à contrer des tentatives d'encourager les mouvements terroristes ou extrémistes violents et qui mettent ainsi concrètement en péril la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. Au premier plan figure ainsi l'empêchement d'un acte pouvant constituer concrètement une menace, mais qui, a priori, n'est pas punissable.

La décision d'interdiction renvoie du reste à la menace de peine en vertu de l'art. 292 CP en cas d'insoumission à la décision de l'autorité. Il n'est pas nécessaire de mentionner cette norme pénale dans la loi, car cette mention n'aurait qu'un caractère déclaratoire.

Al. 2 Les interdictions prononcées en vertu du 1er al. pourraient empêcher les personnes concernées d'exercer leurs droits fondamentaux d'où la nécessité de limiter ces interdictions dans le temps. A l'expiration d'une interdiction, les autorités seront ainsi contraintes d'élucider si les conditions requises pour l'interdiction sont toujours remplies ou si elles sont caduques. Si les conditions sont encore et toujours remplies, la durée de l'interdiction pourra être prolongée tant que les circonstances le commandent. Un délai admissible fixé chaque fois pour 5 ans au maximum oblige le Département à examiner régulièrement les conditions de l'interdiction. Si les conditions ne sont plus remplies, le chef du DFJP ­ autrement dit, l'autorité qui a décidé de l'interdiction ­ devra la lever immédiatement.

7172

Al. 3 et 4 Sont ici créées les bases nécessaires pour que les interdictions de droit administratif de certaines activités fondées sur la LMSI puissent être attaquées en toute connaissance de cause par-devant le Tribunal administratif fédéral et puissent ensuite être déférées au Tribunal fédéral.

Intérêt public et proportionnalité L'interdiction d'activités est une mesure susceptible de porter une atteinte grave à différents droits fondamentaux dans la mesure où ces droits protègent lesdites activités. Pensons notamment à la liberté d'association (art. 23 Cst.), à la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.), à la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), à la liberté de réunion (art. 22 Cst.) et à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Conformément à l'art. 36 Cst., une telle atteinte doit notamment être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé. L'intérêt public découle de l'obligation inscrite dans les tâches de la LMSI d'identifier à temps les menaces de terrorisme et d'extrémisme violent et de les combattre. En ce qui concerne le principe de la proportionnalité, il convient de préciser que l'interdiction d'exercer une certaine activité dans les conditions mentionnées dans la loi n'est pas a priori non-proportionnelle; toujours est-il qu'il y aura lieu de prendre en compte, pour chaque cas individuel concret, tous les aspects. L'expertise Biaggini (cf. ch. 2.1.1) confirme que selon les compétences, cette norme est accessible dans une interprétation et une application conformes au droit fondamental.

Art. 10a (nouveau)

Présentation de la situation

Cette disposition règle une tâche qui est assumée depuis longtemps par les organes de sécurité de la Confédération (cf. l'Ordonnance sur l'organisation du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, Org-DDPS32 en particulier les art. 8, al., 3, let. c et d, de même que l'art. 15, al. 3, LMSI et l'art. 25, al. 2, let. g, OSI-SRC).

Le SRC procède à une ample évaluation et à une présentation de la situation de menace. Il gère à cet effet le Centre fédéral de situation qui intègre la situation significative des domaines partiels de la sûreté intérieure (cantons, autres organes fédéraux) pour en obtenir une image globale et qui, lors d'événements particuliers (par exemple, lors de grandes manifestations) concourt de manière déterminante à la conduite d'un réseau national de renseignements. Le Centre fédéral de situation exploite à cet effet un système d'information électronique, soit la présentation électronique de la situation (PES). Il n'y a aucun lien technique entre le système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat (ISIS) et le système d'information sur la situation. Le système peut également contenir des données personnelles ainsi que des données personnelles particulièrement dignes de protection, pour autant qu'elles soient nécessaires à la présentation de la situation (cf. art. 3 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données, LPD33).

Ceci est nécessaire, étant donné que la LPD interprète de très large manière la notion de personne et de données personnelles et que la présentation tout comme l'appréciation d'événements significatifs ne pourraient intervenir sans prise en compte des données personnelles (p. ex. dans le réseau pour l'appréciation de la situation du 32 33

RS 172.214.1 RS 235.1

7173

Forum économique mondial (WEF), à Davos: en tant que fondation, le WEF est une personne morale protégée par les dispositions légales en matière de protection des données. Lors d'événements particuliers comme l'EURO 08, pour lesquels la Suisse travaille en étroite collaboration avec des Etats partenaires (lors de l'EURO 08, il s'agissait de l'Autriche), des éléments de la PES peuvent exceptionnellement être rendus accessibles à des autorités étrangères en charge de la sécurité et de la police.

Ceci s'applique aussi à des organes privés. On entend par là uniquement des personnes qui exercent une fonction importante dans le cadre de la maîtrise des événements et qui font partie du renseignement intégré. Il peut par exemple s'agir des CFF.

Art. 11, al. 2, 3, 4 à 7 (nouveaux) Aux termes de l'art. 11, al. 2, let. b, LMSI, le département détermine au moyen d'une liste confidentielle d'organisations et groupements dont l'activité ou les membres sont concrètement soupçonnés de menacer la sûreté intérieure ou extérieure de notre pays. En vertu de l'art. 11, al. 3, LMSI, cette liste doit être soumise une fois par an à l'approbation du Conseil fédéral, puis à la Délégation des commissions de gestion pour qu'elle en prenne connaissance. Cette liste (appelée également liste d'observation) doit être soumise tous les quatre ans à une appréciation globale (art. 27, al. 3, OSRC).

Cette liste d'observation constitue un instrument de conduite du Conseil fédéral.

Depuis le 11 septembre 2001, la communauté internationale lutte de manière renforcée contre le terrorisme. L'importance de l'harmonisation de cette liste d'observation avec les mesures de prévention internationales a donc augmenté dans une mesure que le législateur n'aurait pas pu prévoir. Au cours de ces dernières années, cette liste d'observation a été considérablement étendue, essentiellement par l'intégration de listes internationales.

Le fait d'inscrire une organisation ou un groupement dans la liste d'observation n'est lié à aucune sanction (p. ex. interdiction d'organisation) comme c'est le cas dans le système de liste du Conseil de sécurité de l'ONU en vertu de sa résolution numéro 1267. Contrairement à cette liste-là, aucun individu ne figure dans la liste d'observation. Et finalement, grâce à la procédure d'autorisation annuelle du Conseil
fédéral voulue par le législateur, la marge de manoeuvre nécessaire pour pouvoir retrancher un groupement de cette liste est intégralement garantie.

En l'an 2005 déjà, la Délégation des commissions de gestion, à laquelle est soumise chaque année cette liste d'observation pour qu'elle en prenne connaissance, a soulevé ­ dans une lettre adressée au chef du DFJP de l'époque ­ la question de l'ajout et du retrait de la liste (la loi utilise le verbe retrancher) des groupements internationaux figurant sur des listes internationales. A la fin du mois d'août 2007, fedpol, qui était compétent à l'époque, a été chargé d'élaborer, en collaboration avec l'Office fédéral de la justice, une proposition quant au fond pour ancrer dans la loi la pratique existante en matière de prise en compte des listes internationales.

La présente révision partielle de la LMSI proposée tient compte de la demande de la Délégation des commissions de gestion et règle d'une manière légalement suffisante le traitement de données émanant des listes internationales.

Al. 2 L'actuel al. 2, let. a, LMSI, devient l'al. 2.

7174

Al. 3 A côté de la réglementation actuellement en vigueur concernant l'ajout à la liste d'observation d'organisations et de groupements pour lesquels il existe des soupçons concrets qu'ils menacent la sûreté intérieure ou extérieure (1re phrase), cette liste d'observation connaît une extension aux données figurant dans les listes internationales (2e phrase).

Les conditions pour l'intégration des données diffèrent d'un cas à l'autre. Ainsi, d'ordinaire, les organisations et groupements sont repris dans la liste d'observation lorsqu'il existe des soupçons concrets qu'ils menacent la sûreté intérieure ou extérieure. En revanche, les organisations et les groupements qui figurent dans des listes internationales sont repris dans la liste d'observations du simple fait qu'ils figurent dans l'une de ces listes. Périodiquement l'on élucide, surtout du point de vue formel, si ces organisations et groupements continueront à figurer sur les listes internationales et si on peut largement exclure qu'ils menacent la sûreté de notre pays. Il n'est pas toujours possible de vérifier cette situation quant au fond, surtout lorsque cette organisation n'est pas (encore) active en Suisse. Il importe toutefois que ces organisations et groupements continuent à figurer dans la liste d'observation aussi longtemps qu'ils figurent dans les listes internationales. Ce n'est que, par exemple, lorsque l'on peut identifier à temps une organisation avérée comme dangereuse sur le plan international, qu'il sera possible d'éviter qu'elle ne se déploie en Suisse et de prendre des mesures appropriées pour lutter contre sa prolifération.

Le législateur précise la notion de «listes internationales». Il s'agit de listes établies par des organisations internationales pour la sûreté collective comme celles de l'Organisation des Nations Unies ou de communautés supranationales telles que l'Union européenne. Cette concrétisation permet d'exclure d'autres listes, établies par exemple par un pays isolé ou par des organisations qui, en vertu du droit international, ne sont pas habilitées ou dont le mandat n'a pas de validité internationale. Les éditeurs des listes internationales doivent par conséquent être des organisations internationales reconnues ou des communautés supranationales disposant d'un mandat pour garantir la sûreté internationale
et pour lutter contre le terrorisme.

Al. 4 L'insertion d'une organisation ou d'un groupement dans la liste a pour effet que les Organes de sécurité pourront exploiter toutes les informations disponibles à leur sujet ou au sujet de leurs protagonistes, et donc même ceux qui tomberaient sous le coup de l'art. 3 LMSI (p. ex., organisation d'une manifestation pacifique, mise sur pied de campagnes de propagande). Le traitement de ces informations peut s'avérer important pour pouvoir se faire une idée d'ensemble de l'activité, du potentiel ou des structures de conduite d'une organisation jugée dangereuse.

Al. 5, 6 et 7 A l'al. 5 sont réglées les modalités de «delisting»: sont retranchés de la liste d'observation les organisations et les groupements qui ne figurent plus sur aucune liste internationale tenue selon l'al. 3 et qui ne sont plus soupçonnés concrètement de menacer la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

En rapport avec les listes d'organisations ou de communautés supranationales, et les critères de vérification, l'al. 6 délègue des compétences au Conseil fédéral. L'al. 7 institue le principe de l'autorisation qui doit être donnée par le Conseil fédéral et de l'information à la Délégation des commissions de gestion.

7175

Intérêt public et proportionnalité La révision partielle de l'art. 11 intervient dans le cadre de la LMSI, qui se fonde quant à elle, sur les compétences non écrites de la Confédération en vue de garantir la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse et sur les tâches dévolues à la Confédération pour garantir la sûreté intérieure (art. 173 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Cst.). Cette révision s'en tient dans tous les cas aux tâches ancrées dans les dispositions de l'art. 2, al. 1 et 2, LMSI.

L'extension de la liste d'observation proposée dans le cadre de la présente modification peut interférer avec les droits fondamentaux. Elle peut ainsi toucher en particulier la sphère privée (art. 13 Cst.), la liberté d'association (art. 23 Cst.) ou la liberté de réunion (art. 22 Cst.).

Selon l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et doit être proportionnée au but visé. Cet article constitutionnel précise en outre que l'essence des droits fondamentaux est inviolable. Les restrictions de droits fondamentaux sont autorisées lorsque les biens juridiques concrets de tiers ou de la communauté sont gravement menacés ou violés.

L'insertion de noms d'organisations et de groupements dans la liste d'observation est, au sens formel de la loi, ancrée dans la LMSI. Ce critère est ainsi respecté.

L'intérêt public consiste à protéger la sûreté intérieure ou extérieure ainsi qu'à identifier à temps des menaces en matière de terrorisme ou d'extrémisme violent.

L'existence d'un intérêt public légitime ne saurait donc être contestée.

Lors de l'examen de la proportionnalité de l'intervention de l'Etat, il y aura également lieu par principe de tenir compte au cas par cas des circonstances concomitantes à ces mesures. Si l'insertion des organisations et des groupements figurant sur les listes internationales dans la liste d'observation engendre une sensibilisation des autorités compétentes et, partant, une augmentation de leur attention à l'égard des activités de ces organisations et groupements à l'étranger, ladite insertion dans la liste d'observation constitue un moyen approprié d'obtenir des renseignements utiles qui permettent
d'évaluer la menace et de la prévenir. Quant à la nécessité du moyen utilisé, il est évident que l'insertion dans la liste d'observation donne la vue d'ensemble nécessaire du potentiel de menace. Il convient de relever que cette liste d'observation représente un instrument de conduite du Conseil fédéral et qu'aucune sanction n'est liée à l'insertion d'une organisation ou d'un groupement. La proportionnalité stricto sensu c'est-à-dire le fait de déterminer si l'intérêt public prédomine sur celui de l'organisation ou du groupement visé(e) ne peut être appréciée qu'au cas par cas concret. Au demeurant, la conformité constitutionnelle est donnée.

Art. 13, al. 1bis (nouveau), 3 et 4 Al. 1bis (nouveau) Depuis le 1er janvier 2010, le SRC n'appartient plus à aucune autorité mentionnée expressément dans l'art. 14 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT)34 pouvant obtenir des informations sur les raccordements de télécommunication (nom, adresse et si celle-ci est connue, profession de l'usager, respectivement paramètres de communication et 34

RS 780.1

7176

éléments de numérotation tels qu'indicatifs interurbains, numéros d'appel, numéros succincts et type de raccordement). Etant donné que la collecte de telles informations fait partie des tâches quotidiennes du service de renseignement, la LSCPT (cf.

ci-après sous «Modification du droit actuel») devra d'une part être adaptée en conséquence et, d'autre part ­ pour des raisons de transparence ­ mentionner le service compétent pour donner ces renseignements dans la LMSI. L'intention de prévoir un alinéa distinct à ce sujet est claire: il s'agit de bien faire la distinction entre les autorités de poursuite pénale d'une part, et le SRC d'autre part. Bien entendu, le droit d'être renseigné est limité, dans le cadre du principe de proportionnalité, à l'accomplissement de tâches relevant du service de renseignement. Il reste à préciser que la teneur de la communication demeure intégralement protégée et qu'elle n'est pas du tout à disposition. Il en va de même des données du trafic ou des données marginales qui sont seulement à disposition des autorités de poursuite pénale après approbation du Tribunal des mesures de contrainte.

Al. 3 Du fait que les informations concernant une menace terroriste, un service de renseignements politiques ou militaires prohibé, un commerce illicite d'armes et de substances radioactives ou encore le transfert illégal de technologie (cf. l'art. 13a ci-après) doivent être en tout temps communiquées, la délégation des compétences au Conseil fédéral, prévue à l'art. 13 doit être restreinte aux domaines restants. Cet alinéa ne mentionne dès lors à juste titre qu'un danger concret émanant de l'extrémisme violent ou du renseignement économique prohibé.

Al. 4 La disposition contenue jusque-là dans cet alinéa est supprimée et figure maintenant sous la forme d'un article autonome (cf. art. 13b).

Art. 13a

Obligation spéciale de renseigner des autorités

C'est pour une raison de pure systématique de loi que l'art. 13a LMSI actuellement en vigueur (saisie, séquestre et confiscation de matériel de propagande) devient l'art. 13e; mais cette transposition ne génère aucune modification quant au fond (voir le commentaire au sujet de l'art. 13e).

Par rapport à l'art. 13, il s'agit dans le nouvel art. 13a d'une norme spéciale. D'une part, elle se limite à un domaine partiel des tâches légales. D'autre part, elle va aussi plus loin, puisqu'elle édicte sa validité pour toutes les autorités de la Confédération, des cantons et des organisations accomplissant des tâches de service public. Ne tombent par exemple pas sous le coup de cette disposition les banques cantonales, parce qu'elles n'exercent pas de fonctions souveraines en la matière.

Al. 1 L'al. 1er instaure l'obligation de renseigner les autorités de certains types de dangers lorsqu'ils menacent de porter atteinte à des biens juridiques importants.

Les types de dangers sont énumérés de manière exhaustive à la let. b. Il s'agit ici d'activités terroristes, de renseignements ou de prolifération politiques ou militaires prohibés, c'est-à dire de menaces qui, vu leur potentiel, pourraient mettre en péril les valeurs fondamentales de la Suisse. Ces activités visent à porter atteinte aux institutions parlementaires, judiciaires ou gouvernementales et mettent en péril l'existence ou le bon fonctionnement de la Suisse. Lorsque les citoyens sont entravés dans 7177

l'exercice de leurs droits ou font l'objet d'intimidations, ces actes génèrent un sentiment d'insécurité et l'Etat risque alors que son système démocratique soit sapé.

Conformément au mandat renvoyé au Conseil fédéral, les menaces mentionnées dans la LMSI ont été autant que possible concrétisées et harmonisées avec celles qui figurent dans l'OSRC (cf. art. 4, al. 1, OSRC); des exemples de biens juridiques sont mentionnés dans ce contexte. Ainsi, il existe une délimitation claire et nette avec les cas dits de bagatelle.

Cette disposition oblige donc par principe toutes les autorités et unités administratives de la Confédération et des cantons à renseigner dans le cadre et selon les normes de l'entraide judiciaire. Le cercle des organes concernés découle de l'art. 13, al. 3, LMSI ainsi que de l'actuelle ordonnance du 7 novembre 2001 concernant l'extension du devoir de renseigner et du droit de communiquer d'autorités, d'offices et d'organisations visant à garantir la sûreté intérieure et extérieure35 (appelée aussi ordonnance sur le renseignement et les annonces). Lorsqu'une menace concrète relevant des champs d'application limités de cette disposition (terrorisme, service de renseignements politiques ou militaires prohibé, commerce illicite d'armes et de substances radioactives, transfert illégal de technologie) pèse sur la sécurité de la Suisse, l'ensemble des pouvoirs publics (Confédération, cantons, communes) doit participer à la lutte contre ladite menace. A titre d'exemple, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) ou les autorités chargées des documents d'identité font aussi partie des unités administratives de la Confédération. Par unités administratives des cantons, on entend aussi celles des communes qui sont englobées dans le terme «cantons». Les organisations qui accomplissent des tâches de service public sont e l l e s aussi tenues de fournir des renseignements. En vertu de l'art. 2, al. 4, de la loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)36, il s'agit d'organisations de droit public ou privé qui ne font pas partie de l'Administration fédérale, mais auxquelles sont confiées des tâches administratives. Pour des raisons pratiques, il n'est toutefois pas possible d'établir dans la LMSI une liste des organisations
concernées. Compte tenu des changements rapides pouvant intervenir dans ce domaine, une telle liste serait trop restrictive et inappropriée à la situation. C'est pourquoi il est proposé de renoncer à énumérer ces organisations dans la présente loi et d'introduire une délégation en faveur du Conseil fédéral (cf. al. 3).

L'expression «dans des cas d'espèce» exprime l'idée que les autorités tenues de renseigner sont obligées en tout temps de fournir des renseignements, mais seulement dans des cas d'espèce concrets et à la demande expresse du SRC ou des organes de sûreté cantonaux agissant en son nom. Le fait qu'il ne s'agisse que de cas d'espèce et qu'il faille un rapport avec une menace concrète, justifie tendanciellement l'énumération d'un plus vaste cercle de destinataires.

Les informations collectées auprès des autorités et des organisations s'adressent au SRC; autrement dit, il en est le destinataire. Les autorités que les cantons ont chargées de tâches de sécurité peuvent, sur mandat de la Confédération, recueillir des renseignements auprès des autorités et des organisations obligées de renseigner afin de les mettre à disposition du SRC. Cette manière de procéder est cohérente avec le système prévu dans la loi (cf. art. 7, al. 1, 13, al. 1, et 14, al. 1, LMSI). S'il survient un différend au sujet d'une obligation de renseigner, ce différend existera entre 35 36

RS 120.1 RS 172.010

7178

l'autorité ou l'organisation refusant les renseignements au SRC, mais non pas avec l'autorité cantonale qui aura tenté de recueillir le renseignement au nom du SRC.

La sécurité des experts du Pool d'experts suisse pour la promotion civile de la paix et des collaborateurs mis à la disposition d'organisations humanitaires ou oeuvrant pour les droits de l'homme doit être garantie pendant leurs missions à l'étranger. Il convient aussi de tenir compte en particulier des éventuelles clauses de confidentialité, des codes de conduite et des procédures d'opération standard («Standard Operating Procedures») de façon appropriée. Les circonstances liées à chaque cas sont déterminantes.

Al. 2 L'art. 13a règle la libération du secret de fonction. Dans ce contexte, les autorités fiscales et de sécurité sociale ont fait valoir que dans leur domaine, il ne s'agit pas seulement de la levée d'un quelconque secret de fonction, mais surtout de la suppression d'un secret d'office qualifié et qu'une telle levée implique une réglementation spéciale.

En matière d'assurances sociales, les lois spéciales ad hoc régissent de manière détaillée la transmission de données. On peut donc dire que cette transmission de données est soumise à un régime exhaustif. De ce fait, le secret de fonction est levé à l'égard des organes de sûreté de la Confédération et des cantons dans chacune des lois spéciales lorsque les conditions prévues à l'art. 13a sont remplies. Dans ces lois spéciales, on trouve des réglementations analogues s'appliquant aux autorités chargées de l'aide sociale, aux tribunaux civils, aux tribunaux pénaux, aux autorités d'instruction pénale, aux offices des poursuites et aux autorités fiscales.

La situation se présente de façon moins homogène dans le domaine fiscal. Certaines dispositions fixent certes des prescriptions relatives à l'obligation de garder le secret, mais pour la transmission de données, il n'existe aucun système comparable à celui appliqué dans le domaine des assurances sociales. Aussi, la notion du secret fiscal n'est-elle nulle part définie explicitement (on trouve certes des commentaires à son propos dans les ouvrages de référence, par exemple: «Est soumise au secret fiscal ou considérée comme telle toute personne chargée de tâches fiscales dans l'exercice de son activité de souveraineté ou les
faits personnels concernant un contribuable et dont cette personne aurait connaissance, les dossiers fiscaux ainsi que les négociations au sein des administrations fiscales37.»). En revanche, le secret fiscal va plus loin que le secret de fonction général en ce sens qu'il protège aussi les intérêts privés (protection de la personnalité). Voilà pourquoi il mérite d'être traité dans une disposition spéciale. Il convient tout d'abord de bien ancrer un principe: les autorités fiscales sont, elles aussi, tenues de fournir des renseignements. L'autorité fédérale ou cantonale compétente pour l'impôt en question est l'interlocuteur pour la communication des renseignements. Si le SRC et l'autorité compétente s'entendent sur l'obligation de renseigner, les informations peuvent être communiquées sans autres formalités. En cas de désaccord, la procédure prévue à l'art. 13b (Différends relatifs au devoir de renseigner) est applicable: s'agissant des impôts fédéraux, la décision finale concernant l'obligation de renseigner revient alors au Conseil fédéral et au Tribunal administratif fédéral pour les impôts cantonaux et

37

Weber, M.: Berufsgeheimnis im Steuerrecht und Steuergeheimnis (Le secret professionnel en droit fiscal et le secret fiscal) , Zurich 1982, p. 139.

7179

communaux. Cette procédure permet également d'appliquer de manière uniforme le droit de renseigner prévu à l'art. 13a, al. 5, du présent projet de loi.

Al. 3 Les organes de sûreté ne décident pas à eux seuls quelles organisations sont tenues à l'obligation de renseigner. Il incombe par conséquent au Conseil fédéral de désigner exhaustivement par voie d'ordonnance chacune des organisations tenues de renseigner.

Al. 4 L'al. 4 régit la transmission des données aux autorités de poursuite pénale. Selon l'expertise Biaggini (cf. ch. 2.1.1), il convient de tenir compte du fait qu'il s'agit là de la transmission de données personnelles ­

que des autorités ont recueillies hors du contexte de la sûreté et à des fins totalement différentes, et

­

qui ne pouvaient être transmises au SRC qu'à des conditions qualifiées (art. 13a justement).

On tient compte de cette circonstance en n'autorisant la transmission des données aux autorités de poursuite pénale que lorsque les connaissances acquises serviront à élucider des actes punissables graves au sens de l'article 140 CPP (l'art. 13a doit permettre des vérifications ciblées en matière de service de renseignement dirigées contre des suspects et non une recherche généralisée d'informations, appelée en anglais Fishing Expedition, entreprise par les autorités de poursuite pénale, ce qui constitue une activité mal vue).

Al. 5 Les services cités à l'alinéa premier, qui comprennent aussi les services mentionnés au 3e al., sont également autorisés à annoncer spontanément aux autorités fédérales et cantonales des faits dont ils soupçonnent qu'ils pourraient être liés à des activités terroristes, à un service de renseignements politiques ou militaires prohibé, au commerce illicite d'armes et de substances radioactives ainsi qu'au transfert illégal de technologie. Il convient dès lors de préserver les services mentionnés aux al. 1 et 3 du reproche de violer les secrets de fonction. Il n'existe cependant aucune obligation de faire des annonces systématiques.

Intérêt public et proportionnalité Le nouvel art. 13a a pour but d'ancrer la mise en oeuvre la disposition de l'art. 13, al. 3, LMSI, dans la loi. Il s'agit en effet de la possibilité pour le Conseil fédéral d'obliger ­ pour une période limitée ­ d'autres autorités, offices ou organisations que les autorités et offices cités à l'art. 13, al. 1, LMSI à transmettre des renseignements. Le Conseil fédéral en avait fait usage lorsqu'à la suite des actes de terrorisme d'Al-Qaïda du 11 septembre 2001, il édicta l'ordonnance concernant l'extension du devoir de renseigner et du droit de communiquer d'autorités, d'offices et d'organisations visant à garantir la sécurité intérieure et extérieure.

Or la durée de validité de cette ordonnance, qui a déjà été prolongée trois fois, arrivera à échéance le 31 décembre 2011 (cf. RO 2008 6269).

L'art. 13, al. 3, LMSI, sur lequel se fonde ladite ordonnance, exige que les actes législatifs correspondants du Conseil fédéral soient limités dans le temps. Une telle 7180

ordonnance ne peut donc pas être prorogée indéfiniment. Le délai fixé par le législateur vise à faire inscrire les normes dans le droit ordinaire lorsque leurs dispositions doivent rester en vigueur durant une période plus ou moins longue. Il s'agit d'introduire la législation nécessaire dès que les règles qu'elle contient s'avèrent nécessaires sur le long terme. Ce critère est maintenant rempli.

Après les attentats de Madrid, en 2004, la menace que le terrorisme islamiste faisait peser sur l'Europe a atteint une nouvelle dimension en juillet 200538. Selon l'appréciation actuelle, notre pays ne représente pas une cible prioritaire et directe du terrorisme. Cependant, la menace générale d'attentats terroristes demeure élevée au niveau international, et la Suisse est tout autant concernée par cette menace que d'autres pays. Par ailleurs, les terroristes n'utilisent plus uniquement le bassin méditerranéen et l'Europe continentale comme base arrière de repos ou de préparation de l'acte. En tout état de cause, les organisations terroristes seraient prêtes à viser des intérêts occidentaux à la moindre occasion qui se présenterait.

Cette situation conflictuelle perdure, mais il n'est pas possible pour l'heure de prédire quand la menace prendra fin.

En décembre 2002, le Conseil fédéral a chargé le DFJP d'examiner l'efficacité de l'ordonnance concernant l'extension du devoir de renseigner et du droit de communiquer d'autorités, d'offices et d'organisations visant à garantir la sécurité intérieure et extérieure, puis de lui présenter un rapport. A ce titre, une enquête a été menée auprès des corps de police des cantons ainsi que des villes de Berne et de Zurich. Son objectif principal n'était pas de juger du nombre de renseignements fournis, mais d'évaluer le contenu des communications en termes de qualité, cette dernière étant plus importante que la quantité.

Lors de l'évaluation de l'ordonnance, il a été décidé de signaler dans ISIS les communications liées aux compétences élargies. Cette mesure s'est toutefois révélée beaucoup trop coûteuse et a dû par conséquent être abandonnée. Par ailleurs, il s'est avéré que par le simple fait de marquer les communications au sein de la Confédération, l'impact de ladite ordonnance au niveau cantonal n'avait pas du tout été saisi, ou l'avait tout au moins été de
manière insuffisante, notamment dans les cas où les compétences élargies conférées par l'ordonnance permettaient de vérifier les communications plus facilement au niveau cantonal sans qu'il faille en informer spécialement le SAP d'alors.

L'évaluation a en outre montré que l'ordonnance était connue de la police, mais insuffisamment des personnes autorisées à fournir des renseignements ou de celles tenues de le faire. Afin de parer à cette lacune, une circulaire d'information a été diffusée à large échelle lors de la dernière prorogation de l'ordonnance.

D'une manière générale, le nombre de communications est plutôt faible, mais la qualité de leurs contenus s'est largement améliorée.

En résumé, on peut donc dire que l'ordonnance a eu une portée que l'on ne saurait sous-estimer et ce tant du point de vue de la politique de sécurité intérieure qu'extérieure (en politique intérieure parce qu'elle est l'étalon de la volonté du Conseil fédéral de lutter contre le terrorisme, et en politique extérieure, parce qu'elle constitue un signal de la volonté de notre pays d'assumer son rôle dans le concert des nations en matière de lutte contre le terrorisme). En d'autres termes, son main-

38

Rapport de la sécurité intérieure 2005, p. 27.

7181

tien et sa reprise dans le droit «ordinaire» constituent un intérêt public prépondérant.

Le fait que les communications soient peu nombreuses, mais d'une qualité élevée prouve par ailleurs la proportionnalité de cette mesure.

Art. 13b (nouveau)

Différends relatifs à l'obligation de renseigner

L'art. 13b s'applique lorsque le SRC ou un organe cantonal de sûreté accomplissant des tâches à sa demande requiert la communication de renseignements en se fondant sur les dispositions des art. 13 ou 13a et que le destinataire de la requête n'est pas disposé à les fournir.

Al. 1 Lorsque seules des unités administratives de l'Administration fédérale centrale (cf. l'art. 7 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, OLOGA39) n'arrivent pas à s'entendre au sujet de l'obligation de renseigner, l'autorité de surveillance tranche, c'est-à-dire le chef du département qui en fait la demande ou, dans les cas où deux départements sont impliqués et ont des divergences d'opinion (cf. art. 9, al. 3, de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative, PA40), le Conseil fédéral. Par exemple, le Conseil fédéral trancherait au cas où des différends surviendraient entre le SRC et l'Office fédéral des migrations à propos de la remise de renseignements.

Al. 2 En vertu de l'art. 36a de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)41 et dans la mesure où une loi fédérale le prévoit, le Tribunal administratif fédéral statue sur les divergences d'opinion en matière d'entraide judiciaire ou d'assistance administrative entre autorités fédérales ou entre autorités fédérales et cantonales. Voilà pourquoi l'art. 13b LMSI mentionne cette norme en son 2e al. La décision du Tribunal fédéral administratif est définitive (art. 83, let. v, de la loi du 17 juin 2005 sur Tribunal fédéral, LTF42).

Art. 13c (nouveau)

Obligation de renseigner des transporteurs commerciaux

Al. 1 Cette nouvelle obligation de renseigner ressemble à celle énoncée à l'art. 13a et fixe d'ailleurs les mêmes conditions; c'est pourquoi on peut renvoyer à l'énoncé de l'art. 13a, al. 1. En revanche, pour une question de proportionnalité, le cercle des personnes physiques ou morales tenues à renseigner a été restreint aux entreprises de transporteurs commerciaux. Cette disposition s'applique donc, par exemple, aux entreprises de taxis, aux compagnies aériennes, aux compagnies de chemin de fer, aux sociétés de location de voitures, aux transporteurs routiers, etc. Les actions de personnes reconnues comme dangereuses (p. ex.. les espions, les terroristes, les ingénieurs actifs dans le domaine de la prolifération, etc.) ne peuvent souvent 39 40 41 42

RS 171.010.1 RS 172.021 RS 173.32 RS 173.110

7182

être découvertes après coup que grâce à des renseignements relatifs à leurs déplacements (notamment grâce à des documents relatifs à la location de véhicules, etc.).

Il en va de même des transports de biens que l'on soupçonne liés à la prolifération ou à d e s transferts de technologie prohibés sur le point d'être effectués ou qui l'ont déjà été.

Quant aux types de données qui doivent être fournies sur demande, il s'agit de celles que les transporteurs recueillent déjà actuellement pour leurs propres besoins. En d'autres termes, l'art. 13c n'introduit pas l'obligation pour eux de recueillir des données supplémentaires, la fourniture de ces données existantes n'impliquant pas de surcroît de travail particulier de la part des transporteurs. La loi ne prévoit pas que les organes de sûreté soient tenus d'indemniser les transporteurs pour des frais éventuels; autrement dit, le renseignement requis doit être fourni gratuitement.

Enfin l'expression «dans des cas d'espèce» signifie, ici encore, que le transporteur concerné n'est tenu de fournir un renseignement que dans un cas concret et sur la base d'une demande précise que lui adressent le SRC ou les organes de sûreté cantonaux agissant en son nom.

Al. 2 En cas de divergences d'opinion sur l'obligation de renseigner des transporteurs commerciaux, et dans la mesure où le SRC tient à obtenir ce renseignement, il devra notifier une décision en la matière et y exposer les conditions strictes de l'injonction.

Le transporteur concerné peut attaquer cette décision en première instance devant le Tribunal administratif fédéral, puis déférer son arrêt par-devant le Tribunal fédéral.

En d'autres termes, une protection juridique étendue est garantie.

Al. 3 On répète ici le renvoi à l'art. 13a, al. 4, qui s'applique par analogie.

Intérêt public et proportionnalité Selon l'art. 14, al. 2, let. b, LMSI, les organes de sûreté peuvent demander des renseignements pour accomplir les tâches qui leur sont dévolues. S'ils s'adressent pour cela à des particuliers (des personnes physiques ou morales), ils sont parfois confrontés à des refus de fournir les renseignements requis, les particuliers invoquant alors la législation sur la protection des données. Pour surmonter cet obstacle, il est proposé d'introduire un devoir de renseigner visant les transporteurs commerciaux,
car ce secteur est particulièrement important pour les organes de sûreté. Cette obligation de renseigner constitue d'une part une intrusion dans la sphère professionnelle du transporteur et, d'autre part, une atteinte à la sphère privée de la personne visée dans la demande de renseignements. Il s'agit donc d'examiner si cette atteinte est proportionnée aux intérêts publics qui sont en jeu.

Il convient de relever qu'en vue de l'appréciation d'une menace potentielle, les observations des transporteurs privés peuvent revêtir une importance décisive. Les mouvements de certaines personnes (p.ex. membres d'organisation occultes étrangères) ou de marchandises (p. ex. le transport de substances supposées radioactives) ou encore la connaissance de la fréquence de tels mouvements permettent souvent de vérifier la justesse d'indications concrètes. L'accès à ce genre d'informations constitue un moyen aussi approprié qu'indispensable pour que le SRC puisse assumer

7183

avec succès les tâches qui lui ont été déléguées en matière de lutte préventive contre les menaces.

La proportionnalité de la mesure dépend des circonstances concrètes du cas d'espèce. Comme il a déjà été mentionné, pour que les transporteurs commerciaux soient soumis à l'obligation de renseigner, il faut que le renseignement soit, dans le cas d'espèce, nécessaire pour déceler et prévenir une menace concrète visant la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse, que ladite menace relève de l'un des domaines d'application déjà restreint de la LMSI mentionnés plus haut et que cette menace concerne un bien juridique important, tel que l'intégrité corporelle ou la vie. Dans ce cadre bien délimité, il convient de relever que le transporteur est seulement tenu de fournir des renseignements sur des informations dont il a déjà connaissance, et que, par conséquent, il n'est donc pas tenu de rechercher luimême activement des informations. Autrement dit, le transporteur commercial n'est pas tenu de se procurer activement des informations ni encore de gérer des données particulières à cette fin. Par ailleurs, le renseignement ne concerne pas un domaine protégé par le secret professionnel ou par une relation de confiance spécifique. En règle générale, il s'agit davantage de renseignements relatifs à des événements qui se sont déroulés dans des lieux librement accessibles (p. ex. des rues, des trains, etc.). Il n'est donc pas question ici d'atteinte disproportionnée à la sphère privée. Cela dit, dans la pratique ­ à l'instar de toute atteinte aux droits fondamentaux ­, l'intérêt public et l'intérêt privé (en particulier la protection de la sphère privée) méritent tous les deux une protection et doivent être confrontés avec attention et sur tous les plans dans chaque cas particulier. En finalité, les autorités compétentes ne s'adresseront à des transporteurs commerciaux que lorsqu'il s'agit de déceler des menaces considérables et d'y parer.

Art. 13d (nouveau)

Secret professionnel

Certaines professions ne peuvent être exercées correctement et parfaitement que si le public a la garantie absolue que les professionnels sont soumis au secret professionnel (ATF 84 IV 108). Cette condition est doublement garantie: premièrement par le fait que toute violation du secret professionnel est punissable (par exemple, par l'art. 321 CP43; et par l'art. 35 LPD) et, deuxièmement, par le droit de refuser de fournir aux autorités les renseignements soumis au secret professionnel.

Cette norme vise ainsi à protéger une relation de confiance particulière, cette relation ne devant pas être respectée uniquement dans les procédures judiciaires, mais dans tous les cas où des particuliers sont tenus de fournir des renseignements à des autorités.

La présente révision de la loi ne touche pas le secret professionnel. En effet, le libellé de l'art. 13d à ce sujet ne saurait être plus explicite. Un médecin cantonal, par exemple, est certes tenu de fournir des renseignements généraux dans le cadre de ses fonctions conformément à l'art. 13a, mais il n'est pas obligé de divulguer, dans le but de renseigner, les connaissances dont il dispose et qui relèvent du secret médical.

43

RS 311.0

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Art. 13e (nouveau)

Saisie, séquestre et confiscation de matériel de propagande

L'art. 13a LMSI dans sa nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 24 mars 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et concernant l'incitation à la violence et la violence lors de manifestations sportives, a dû être déplacé dans l'art. 13 pour des raisons de systématique de loi. Le libellé de l'ancien art. 13a figure maintenant à l'art. 13e. Ce libellé est toutefois absolument identique à l'ancien et il n'y a donc pas de modification quant au fond. Par ailleurs, de par la nature de contrainte policière, il conviendra d'examiner au moment opportun si cette norme ne devrait pas être transférée dans la future loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération.

Art. 14a (nouveau)

Informateurs

Pour accomplir leurs tâches, les organes de sûreté dépendent des communications et des renseignements de personnes qui ont accès aux informations pertinentes. Tandis que la LMSI actuellement en vigueur implique la mise en oeuvre d'informateurs (voir en particulier l'art. 14, al. 2, let. b et d, LMSI) et qu'à l'étranger, le SRC peut utiliser des méthodes, des objets et des instruments en vue de collecter des informations (voir en particulier l'art. 16, al. 1, let. a, OSRC), il n'y a aucune disposition spécifique qui régisse leur engagement, leur droits, leurs obligations, voire les prestations que devrait fournir l'Etat.

Il s'agit donc de préciser cette situation juridique sommaire.

Al. 1 Le législateur autorise expressément le recours du SRC à des informateurs dans le champ d'application de la LMSI. Ces derniers communiquent régulièrement ou au cas par cas au SRC les informations qu'ils détiennent déjà ou qu'ils se sont procurées volontairement.

L'informateur est une personne qui décide de collaborer avec les organes de sûreté sans que s'établisse pour autant un rapport de travail au sens de l'art. 319 du Code des obligations (CO)44 ou au sens du droit du personnel de la Confédération.

Le fait qu'un informateur puisse occasionnellement être indemnisé de ses frais ou percevoir une prime (cf. al. 2) ne suffit en soi pas à qualifier cette relation de rapport de travail. Pour qu'existe un rapport de travail au sens de l'art. 319 CO, il y aurait lieu de réunir d'autres éléments caractéristiques, tels que l'existence d'un rapport de subordination juridique qui placerait l'informateur dans la dépendance du SRC en matière de droit du personnel, d'organisation et de temps. Or il n'y a, en aucun cas, intégration dans l'organisation de travail d'un tiers.

Al. 2 Afin que les informateurs qui fournissent plus ou moins régulièrement des informations au SRC ne subissent pas de pertes financières, leurs dépenses sont remboursées. Ces dédommagements pécuniaires ne représentent pas un revenu ou un salaire imposable au sens de la législation sur l'AVS. Il s'agit de frais découlant des activités menées par les informateurs, notamment des frais de voyage ou de télécommunications. Par ailleurs, les informateurs peuvent recevoir une prime dans certains cas lorsqu'ils ont transmis des informations particulièrement importantes.

44

RS 220

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Conformément à la pratique courante, ces primes ne dépassent pas quelques milliers de francs par an et sont loin de constituer un revenu permettant de subvenir aux besoins d'une personne. Ainsi, l'incitation financière ne doit pas être déterminante pour les informateurs afin qu'ils ne subissent pas de pression liée aux résultats. De modestes primes sont accordées lorsque la personne peut fournir des informations qui facilitent largement les recherches d'informations ultérieures ou l'appréciation de la menace. Aujourd'hui déjà, le SRC rapporte à la DélCdG une fois par an à propos de ces activités exercées, de leurs résultats et des frais qu'elles engendrent.

Al. 3 La relation entre les organes de sûreté et les informateurs se fonde sur la confiance réciproque et sur la confidentialité de l'existence de cette relation envers des tiers. Les informateurs peuvent être exposés à de grands risques dans leurs activités liées à la protection de l'Etat lorsque les personnes cibles ont connaissance du fait qu'ils travaillent pour le compte des organes de sûreté. Ils ne peuvent donc ni figurer dans les dossiers concernant le personnel de l'office ni être inscrits aux assurances sociales, même s'il ne s'agit que de constater qu'ils sont libérés de l'assurance obligatoire. En revanche, leurs activités sont d'ores et déjà contrôlées par l'autorité de surveillance du renseignement au sein du DDPS et la Délégation des Commissions de gestion en sa qualité d'organe de surveillance de la LMSI contrôle, elle aussi, la légalité et l'adéquation de leurs activités.

L'al. 3 précise désormais que les éventuelles indemnisations ne sont pas imposables si et dans la mesure où cette non-imposition est nécessaire pour garantir la protection des sources ou d'autres recherches d'information. Au vu des modestes sommes en jeu, cette donne n'affecte d'ailleurs ni l'informateur concerné ni la collectivité, à plus forte raison que la charge administrative découlant de la saisie et de la perception des charges sociales dépasserait d'un multiple les montants escomptés.

Il en va de même des «personnes de confiance et sources» pour les méthodes, des objets et des instruments utilisés vue de collecter des informations à l'étranger mentionnées à l'art. 16, al. 1, let. a, OSRC. Elles doivent être considérées comme des informateurs; voir
le nouvel art. 7, al. 2, de la loi fédérale sur le renseignement civil (LFRC); la mise au point linguistique (de cette définition) interviendra lors de l'adaptation de l'ordonnance.

Art. 14b (nouveau)

Protection des informateurs

Le but de ces mesures est de protéger les personnes qui prennent des risques en vue de rechercher des informations aux fins de la LMSI. Deux catégories de personnes tombent sous le coup de ces dispositions. D'une part, il s'agit de protéger les personnes qui coopèrent de leur propre chef avec les organes de sûreté et qui pourraient craindre des représailles. D'autre part, en octroyant une protection aux personnes prêtes à déposer, on rend possible la coopération ou on la facilite tout au moins de manière à obtenir ainsi les informations nécessaires. Grâce à ces mesures, la Suisse évite, comme cela s'est déjà produit à plusieurs reprises, que des informateurs particulièrement efficaces et prêts à déposer travaillent avec des services de renseignement étrangers parce que ceux-ci peuvent, contrairement à la Suisse, garantir leur protection.

7186

Dans certains cas, les personnes qui collaborent d'elles-mêmes avec les organes de sûreté prennent d'énormes risques et peuvent craindre des représailles, soit de la part de membres de leur entourage (par exemple, les informateurs appartenant à des groupes locaux violents), soit de la part d'Etats étrangers (p. ex. les informateurs qui se sont engagés auprès d'un service de renseignement étranger seulement en apparence mais qui, en réalité, travaillent pour les autorités suisses). La menace qui pèse sur ces personnes peut être comparée à celle à laquelle sont exposés les agents infiltrés qui disposent, eux, d'une excellente protection. La mise en place d'une protection efficace pour les informateurs se justifie donc pleinement.

Les réglementations relatives à la protection de personnes se distinguent clairement de celles appliquée au «témoin de la Couronne», c'est-à-dire de la politique de «clémence» issue de la procédure pénale anglo-saxon. Celle-ci prévoit que des personnes qui pourraient être coupables d'une infraction témoignent en tant que témoin principal contre leurs complices en échange de la garantie qu'elles échapperont à une condamnation ou obtiendront une réduction de peine ou d'autres avantages liés à la procédure. Il est toutefois hors de question de prévoir ici l'impunité au sens de la réglementation de clémence susmentionnée. Au niveau préventif, l'accent n'est pas mis sur la recherche d'infractions concrètes, qui devrait être facilitée grâce à certaines déclarations de témoins, mais sur l'obtention d'informations importantes pour la sûreté. Ces informations permettront d'identifier et d'écarter des menaces ainsi que d'éviter éventuellement des infractions.

Par ailleurs, les mesures prévues ne devraient être mises en oeuvre que dans les rares cas où les informations fournies par un informateur pourraient se révéler précieuses.

Pensons notamment à la protection des personnes qui peuvent communiquer des informations importantes permettant d'écarter des dangers élevés en matière de sûreté. Il pourrait s'agir d'informations concernant la planification ou la préparation d'attentats terroristes, des actes concrets d'espionnage commis au détriment de la Suisse, ou des réseaux visant à acquérir des armes de destruction massive en se servant de la Suisse. Afin de minimiser les risques
liés à la collaboration de ces personnes, les premiers contacts seraient, par exemple, suivis de discussions approfondies et une convention de protection serait négociée sous réserve de certaines conditions, impliquant des droits et des obligations réciproques. On pourrait alors passer à la coopération proprement dite. Mais cette collaboration ne serait pas pour autant liée à une protection contre une poursuite pénale en Suisse ou à l'étranger.

Al. 1 La disposition contenue dans cet alinéa permet de créer la base légale en vue de prendre des mesures de protection en faveur des informateurs. Concernant les mesures indispensables que le SRC doit prendre pour protéger l'intégrité corporelle et la vie de ces personnes, il s'agit de mesures de protection de personnes et de modification des conditions locales. Par protection de personnes, on entend des mesures, telles que la mise en oeuvre de gardes du corps, de véhicules blindés, d'installations de protection ou des mesures de construction. Quant aux modifications locales, il peut s'agir ­ si la personne concernée est d'accord ­ d'un déplacement dans un autre endroit de séjour en Suisse ou à l'étranger. Des mesures de protection appropriées en faveur d'une personne qui a été amenée à vivre à l'étranger signifient que l'on devra faire séjourner cette personne en un lieu sûr à l'étranger, car malgré tous les avantages dont elle bénéficie, aucune protection adéquate ne peut lui être proposée en 7187

Suisse. Afin de compenser les frais que cela implique et une éventuelle perte de gains, la mesure en question doit être assortie d'un soutien financier limité dans le temps.

Le SRC peut prendre lui-même des mesures de protection ou les financer. A cet égard, il convient de relever que, dans la pratique, peu de mesures seront nécessaires et que peu d'entre elles pourront être réalisées en Suisse même. En effet, en raison de la taille de notre pays, il ne serait guère possible, en présence de certaines menaces, de déployer des mesures de protection complète. Il conviendrait donc, en l'occurrence d'avoir recours à des autorités étrangères, cette mesure permettant aussi de prévoir les coûts. On peut aussi envisager d'offrir aux informateurs une protection partielle, par exemple en leur garantissant de pouvoir séjourner ou s'établir (en Suisse ou dans un Etat tiers ami). La deuxième phrase de l'art. 1 comporte cette possibilité expressis verbis.

Al. 2 Pour des raisons analogues à celles énoncées précédemment, le SRC doit aussi pouvoir prendre des mesures de protection en faveur des proches des informateurs lorsque leur sécurité en dépend. En précisant que des mesures «peuvent» être prises en faveur des proches des informateurs, ce libellé permet de conférer au SRC la marge de manoeuvre nécessaire pour décider au cas par cas des mesures appropriées qui devraient être prises.

Al. 3 Cette disposition prévoit une mesure de protection qui, à la différence des mesures des al. 1 et 2, ne peut être prise qu'au moment où le SRC met un terme à ses contacts avec l'informateur et renonce totalement à utiliser cette source. Lorsque la sécurité de cette personne est gravement menacée du fait de sa collaboration avec le SRC, ce dernier est habilité à doter cette personne d'une identité d'emprunt afin de la protéger. Cette personne est alors autorisée à utiliser cette identité conformément aux instructions du SRC. Une telle identité d'emprunt ne peut cependant être conférée à la personne concernée qu'avec l'autorisation expresse du chef du département (voir ci-dessous).

Il y a lieu de distinguer de cette disposition-là l'acquisition d'informations en utilisant une identité d'emprunt (cf. à ce sujet les commentaires sur l'art. 14c).

Conformément à l'art. 27, al. 1bis, du présent projet, le département doit rendre
compte régulièrement au Conseil fédéral et aux organes de contrôle parlementaires du nombre d'identités d'emprunt constituées, de leur utilisation et de leur finalité respective. Il en va de même des identités d'emprunt prévues à l'al. 3.

Al. 4 Cet alinéa fixe le principe selon lequel les mesures de protection sont limitées dans le temps. Cette durée ne peut cependant pas être déterminée de manière exhaustive dans la loi, car elle doit être adaptée au cas d'espèce. A titre exceptionnel, le chef du département peut renoncer à une telle limitation dans le temps si les risques encourus sont particulièrement graves et qu'il y a tout lieu de les tenir pour permanents. Mais, en contrepartie, le département est tenu de vérifier régulièrement si lesdites circonstances sont bel et bien encore données et, si tel n'est plus le cas, le département doit lever ces mesures de protection.

7188

Art. 14c (nouveau)

Identités d'emprunt

Les services de renseignement et les autorités chargées de tâches de police préventive doivent avoir recours à des identités d'emprunt pour accomplir leurs tâches et protéger leurs collaborateurs lors de la recherche d'information dans certains milieux. La constitution d'une identité d'emprunt doit se faire sur le long terme et ne peut que rarement être attribuée juste au moment où un cas précis survient.

Indépendamment de la complexité de l'identité d'emprunt, il n'est pas rare du tout que l'identité d'emprunt nécessaire en l'occurrence demande des travaux de préparation de quelques années jusqu'à ce qu'elle soit opérationnelle.

Depuis 1998, le Service de renseignement stratégique (SRS) a eu la possibilité de constituer des identités d'emprunt pour ses agents en se fondant sur les dispositions de l'art. 99 LAAM (cf. Rapport annuel 2002/2003 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales, du 23 janvier 2004, FF 2004 1594). Le contrôle relatif à ces identités d'emprunt est effectué par le chef du DDPS et par la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité. Après la fusion du SAP et du SRS en une seule entité, à savoir le SRC, l'art. 16, al. 1, let. e, OSRC prévoit expressément la mise en oeuvre de papiers d'identité fictifs et assertions trompeuses pour l'acquisition d'informations à l'étranger.

La réglementation pour l'acquisition d'informations en Suisse s'inspire des règles de la recherche de renseignements qui ont fait leurs preuves à l'étranger. Elle prévoit que le chef du DDPS puisse habiliter le SRC dans des cas d'espèce à doter certaines personnes d'une identité d'emprunt. Il est évident que cette identité d'emprunt doit servir uniquement à garantir leur sécurité ou à des fins d'acquisition d'informations Rappelons encore que, conformément à l'art. 27, al. 1bis, let. a, du présent projet, la constitution et l'utilisation d'identités d'emprunt doivent faire l'objet d'un contrôle politique intense et ciblé, dans le cadre duquel le département doit renseigner chaque année le Conseil fédéral et la Délégation des Commissions de gestion à ce sujet.

Al. 1 Cet alinéa crée les bases pour l'utilisation d'une identité d'emprunt à des fins de recherche d'information et pour assurer la sécurité des organes engagées. Il détermine exhaustivement le cercle des personnes pouvant être dotées d'une identité d'emprunt.

­

Let. a et b: Dans l'esprit de la LMSI, après la regroupement du SAP et du SRS en une seule et unique entité ­ le SRC ­, les organes de sûreté sont moins forts que jadis, mais ils font toujours partie de l'univers suisse de la police et peuvent, d'ailleurs s'en prévaloir lors de leurs activités de recherche de renseignements. Et malgré tout, il continuera d'être de mise d'opérer avec des identités d'emprunt pour établir et entretenir des contacts avec des structures, notamment dans le domaine du terrorisme ou du renseignement prohibé. Cette manière de procéder sert après tout essentiellement à la protection des collaborateurs du SRC ainsi que des membres de leurs familles.

­

Let. c: Les informateurs, eux aussi, doivent pouvoir être dotés d'une identité d'emprunt si cela est indispensable pour la recherche de renseignements, notamment les personnes pour lesquelles l'identité d'emprunt est le seul moyen de s'infiltrer dans certains milieux importants pour la protection de 7189

l'Etat, et qui ont besoin de cette identité d'emprunt pour leur protection.

Bien que les informateurs soient placés sous la direction des officiers traitants des organes de sûreté pour leurs recherches d'information, ils ne sont pas directement sous la surveillance des organes de sûreté. La constitution d'identités d'emprunt pour les informateurs doit donc être limitée dans le temps et dans l'espace; elle n'est en outre possible que dans le contexte d'une opération bien précise.

Enfin, il faut relever que la constitution d'une identité d'emprunt implique aussi le droit d'accomplir des actes juridiques, notamment de créer des structures de couverture, au nom desdites personnes. En effet, la personne dotée d'une telle identité possède la pleine personnalité juridique et peut donc s'engager contractuellement (location de locaux, de véhicules ou de raccordements de télécommunication, création de structures de couverture, telles que création de sociétés ou constitution d'autres personnes morales).

Al. 2 Une identité d'emprunt doit en principe pouvoir être conservée tant qu'elle est nécessaire aux opérations. Son utilisation doit cesser dès que les objectifs visés ont été atteints. Pour garantir la souplesse nécessaire à cet effet et pour mieux contrôler les risques liés à l'usage d'une identité d'emprunt, l'habilitation se limite au maximum à douze mois pour les informateurs et à cinq ans pour les collaborateurs du SRC, cette période pouvant être prolongée chaque fois de six mois pour les premiers et de trois ans pour les seconds.

Tant la période de base que chaque prolongation de l'habilitation doit être comprise exclusivement au sens du principe «aussi longtemps que nécessaire, mais au maximum jusqu'au ...».

Al. 3 et 4 Doter une personne d'une identité d'emprunt implique l'autorisation du chef du DDPS. Cette approbation requiert cependant une demande expresse de la part du directeur du SRC, le chef du DDPS pouvant l'approuver, l'approuver en y apportant des restrictions ou des charges supplémentaires (ce qui correspond à un approbation partielle), la rejeter ou encore la renvoyer au SRC pour qu'il la complète.

Comme il a été mentionné plus haut, l'habilitation implique une demande expresse de la part du directeur du SRC. A cet effet, il examine dans chaque cas particulier si les conditions de
la dotation d'une identité d'emprunt sont bel et bien données. Cet examen qui doit être documenté dans le dossier de manière à pouvoir être retracé d'une façon compréhensible, comprend les quatre critères suivants: ­

let. a: l'acquisition des informations à entreprendre doit effectivement se référer à une menace concrète de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse;

­

let. b: l'acquisition des informations à entreprendre doit concerner l'un des domaines de menaces suivants: activités terroristes, activités liées au renseignement prohibé, extrémisme violent, prolifération;

­

let. c: le principe de la proportionnalité est largement concrétisé par le fait que l'acquisition d'informations par les moyens traditionnels s'est avérée inopérante ou que la gravité et le type de menace justifient la mise en oeuvre de l'identité d'emprunt;

7190

­

let. d: enfin, la mise en oeuvre de l'identité d'emprunt ne doit pas être disproportionnée par rapport au but recherché, à savoir l'acquisition d'informations.

Etant donné que les quatre critères légaux énoncés ci-dessus sont libellés d'une manière si restreinte qu'ils ne laissent aucune marge de manoeuvre possible, on peut tout à fait renoncer à une vérification judiciaire de la demande (à plus forte raison que ces critères-là se fondent sur les domaines essentiels des tâches dévolues au SRC et qu'un recours devrait se fonder sur les mêmes critères).

Si les critères énoncés sont remplis ­ et alors seulement ­, le directeur du SRC peut présenter une telle demande au chef du DDPS en vue de doter la personne dont il est question d'une identité d'emprunt.

Al. 5 La procédure de prolongation est identique à celle de la demande et toutes les conditions motivant cette mesure doivent pouvoir être retracées dans le dossier.

Al. 6 L'al. 6 régit la provenance des pièces d'identité: à cet effet, les autorités compétentes sont astreintes à collaborer avec le SRC.

Al. 7 L'établissement de papiers d'identité fictifs et d'assertions trompeuses est une chose, la protection de l'identité d'emprunt en est une autre. La personne peut être démasquée (que ce soit voulu par des tiers ou lié à un concours de circonstances). Dans le pire des cas, le temps gagné grâce aux mesures prises permettra la fuite ciblée de la personne visée.

Intérêt public et proportionnalité La mise en oeuvre d'identités d'emprunt peut porter atteinte aux droits fondamentaux tant pour les personnes-cibles que pour des tiers non concernés. Indépendamment de la gravité de l'intrusion possible, l'art. 14c crée une base légale pour la constitution d'identités d'emprunt. L'intérêt public déterminant coule de source. L'examen de la légalité et de la proportionnalité de ces mesures par le directeur du SRC se fait toujours préalablement, respectivement de pair avec l'appréciation en matière de politique d'Etat puisque l'autorisation du chef du DDPS doit être donnée. Le chef du DDPS peut d'ailleurs faire dépendre son autorisation (sans que cela soit fixé expressément dans la loi) de conditions, de charges ou d'autres mesures encore. Vu les innombrables engagements respectivement les contacts de tiers ayant une identité d'emprunt, la loi ne saurait ici édicter une règle exhaustive; en d'autres termes, l'examen doit pouvoir se fonder sur des critères explicites. Vu l'ouverture commandée, un contrôle vigoureux
et efficace est d'autant plus important. Ce contrôle est garanti par le devoir du DDPS de présenter un rapport détaillé en vertu des dispositions de l'art. 27, al., 1bis, du présent projet de la LMSI; ainsi le DDPS doit renseigner spontanément et en détail non seulement le Conseil fédéral, mais encore l'autorité de surveillance politique, à savoir la Délégation des Commissions de gestion.

7191

Art. 15, al. 6 La disposition date de l'ancienne Police fédérale, et donc de l'époque à laquelle la répression et la prévention étaient unies. La mise en oeuvre de la séparation des aspects répressif et préventif a rendu cette disposition obsolète. Selon le droit et son interprétation actuels, lorsque des données utilisées à des fins de répression sont transférées à des fins de prévention, il s'opère un changement dans un but de traitement des données; les données ainsi transférées deviennent des données relevant de la prévention et doivent être traitées conformément au droit applicable dans le domaine de la prévention. L'abrogation de cette disposition ne signifie toutefois pas qu'il n'est plus possible d'échanger des données.

Art. 17, al. 1, 1bis (nouveau), 1ter (nouveau), al. 3, let. e (nouvelle) et 5 Al. 1 Aux termes de l'enquête sur l'aspect constitutionnel, menée par le professeur Biaggini (voir ci-dessus, au ch. 2.1.1), la transmission aux autorités de poursuite pénale d'informations acquises dans un contexte d'activités policières de prévention répond par principe à un intérêt public. Cela n'empêche pas cet expert d'estimer qu'il n'existe pas suffisamment de garde-fous légaux clairs en la matière, en particulier en ce qui concerne la question de savoir quand des informations doivent être transmises immédiatement ou quand elles peuvent être transmises immédiatement aux autorités pénales.

Sur la base de cette critique, l'al. 1 en vigueur jusqu'ici a été scindé et restructuré en al. 1, 1bis et 1ter. Tandis que l'al. 1 est absolument identique au libellé de la première phrase de l'al. 1 en vigueur actuellement, l'al. 1bis règle sous quelles conditions la transmission des données peut être faite. L'al. 1ter indique quand une transmission de données peut être différée.

Al. 1bis (nouveau) Ce nouvel alinéa précise que les informations acquises doivent être transmises sans délai ­

lorsqu'elles peuvent servir à poursuivre ou combattre le crime organisé;

­

lorsqu'il existe des soupçons suffisants, et

­

lorsqu'une surveillance de la correspondance par poste et télécommunication aurait pu être ordonnée (ce qui implique bien sûr une relative gravité des actes délictueux commis).

Al. 1ter (nouveau) Pour toutes les autres informations qui ne tombent pas sous le coup de l'al. 1bis, la transmission de données peut être différée. Cela est alors licite dans la mesure où un intérêt public prépondérant (cette qualification devant être motivée dans le dossier) au maintien de la sûreté intérieure ou extérieure de notre pays ou la protection d'intérêts privés l'emporte sur la poursuite des actes délictueux. Dans les cas de moindre importance, cette norme reposant sur le principe de la proportionnalité doit donc permettre aux autorités chargées de la prévention de continuer à élucider l'affaire sans risquer des chevauchements avec les autorités pénales jusqu'à ce que la situation soit élucidée. Toutefois, si d'emblée les conditions pour une transmission différée d'informations ne sont pas données, ou si elles tombent en cours de procédure (parce qu'un vague soupçon se transforme soudain en absolue certitude), les 7192

données respectives doivent alors être transmises sans délai aux autorités de poursuite pénale.

Al. 3, let. e (nouvelle) En ce qui concerne ce que l'on appelle ici clearing, il s'agit d'une tâche assumée depuis longtemps par le service de renseignement dans ses relations avec l'étranger.

Ainsi, à la demande d'un service étranger, il effectue un contrôle de sécurité relatif à des Suisses ou à des étrangers qui ont un domicile en Suisse, ce qui permet ensuite à ces personnes de collaborer à des projets étrangers classifiés. Comme souhaité par de nombreux participants à la procédure de consultation, l'Etat étranger requérant doit désormais assurer par écrit au SRC qu'il a obtenu l'accord de la personne concernée pour le clearing.

Pour procéder audit clearing, le service de renseignement s'est depuis toujours fondé sur les dispositions de l'art. 17, al. 3, let. c, LMSI. Mais, par le passé, cette disposition légale a été remise en question par divers milieux. Il convient donc de créer une base légale formelle pour ce clearing. Cette base légale est indispensable pour garantir les possibilités d'accès au système VOSTRA (banque de données des extraits du casier judiciaire). Les extraits du casier judiciaire représentent en effet un élément d'appréciation important pour l'opération de clearing. Sans ces extraits, les clearings effectués par le SRC pour l'étranger perdraient une grande partie de leur valeur, ce qui impliquerait aussi des effets négatifs pour la personne sur laquelle le clearing porte. Car même en cas d'appréciation positive issue dudit clearing, l'intéressé ne serait plus considéré comme une personne de confiance apte à collaborer à l'étranger sur des projets secrets ou confidentiels.

Al. 5 Le complément de l'al. 5 en vigueur actuellement ­ et qui déploie du reste ses effets de manière inchangée ­ a pour but de clarifier une question qui s'est posée dans un récent passé. De fait, il s'agit concrètement de savoir si, dans la procédure d'entraide judicaire (cf. par exemple l'art. 27 de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale, PPF45), la protection de sources du service de renseignement continue à déployer ses effets ou si elle est remplacée par une protection assurée par les organes de poursuites pénales.

Pour le SRC, le maintien absolu de la protection des sources du
service de renseignement revêt la plus haute importance: en effet, les sources humaines appartiennent à l'essence la plus importante des services de renseignement et, sans la confidentialité de la relation tant à l'interne qu'à l'externe, il est impossible de procéder à leur recrutement et de les diriger. A ce fait s'ajoute l'obligation du SRC, dans sa relation avec l'étranger, de garantir dans tous les cas la protection des sources. Si le SRC ne peut plus garantir la confidentialité indispensable, il risque d'être privé avec effet immédiat d'une partie importante de sa collecte d'informations, ceci sans aucune possibilité de la remplacer. Pour éviter un tel risque, il convient d'insérer dans la loi la priorité de la protection des sources du service de renseignement.

45

RS 312.0

7193

Art. 18 Selon les recherches en termes de droit constitutionnel du professeur Biaggini (voir ci-dessus au ch. 2.1.1), le droit de l'information «indirecte» conformément à l'art. 18 LMSI est par principe accessible à une interprétation et une application conformes à la Constitution fédérale et aux conventions; à son avis, il n'existe dès lors pas de besoin urgent d'agir au niveau législatif.

Tel n'est pas l'avis de la députée Leutenegger Oberholzer Susanne qui, dans la motion 08.3852 «Fichiers de la Confédération. Droit d'accès», demandait au Conseil fédéral de garantir aux personnes concernées un droit d'accès aux données conforme aux art. 8 et 9 de la loi fédérale sur la protection des données. Par la suite, le Conseil fédéral proposa l'acceptation de la motion critiquée de la députée Jasmin Hutter (UDC).

Lors de la session du printemps 2010, le Conseil national s'est penché sur cette affaire. Madame Hutter (UDC) ayant quitté entretemps le Conseil national, le député Christoph Mörgeli a exposé les arguments militant contre la motion. Ce faisant, il s'est référé expressément au droit d'accès indirect selon les dispositions de la LMSI.

Le Conseil national a suivi son argumentation et rejeté la motion par 95 voix contre 64, balayant ainsi la proposition du Conseil fédéral de l'accepter.

Le rapport de la Délégation des Commissions de gestion du 21 juin 2010, intitulé «Traitement des données dans le système d'information relatif à la protection de l'Etat (ISIS)» suggère cependant dans sa recommandation 11: «La DélCdG recommande au Conseil fédéral de proposer aux Chambres fédérales de remplacer l'actuel droit d'accès indirect par un droit d'accès selon les modalités visées à l'art. 8 LSIP dans les travaux de révision relatifs à l'art. 18 LMSI actuellement en cours.» Le Conseil fédéral estime que cette recommandation constitue le minimum exigé.

En accord avec la motion (voir ci-dessus), dont il a lui-même recommandé l'adoption, il fait un pas de plus en ancrant le droit d'accès direct selon les modalités visées aux art. 8 et 9 de la loi fédérale sur la protection des données.

Art. 19, al. 3 Dans les plus hautes fonctions , il conviendra de procéder à un contrôle de sécurité avant la nomination à la fonction ou avant l'attribution d'un mandat. Sont considérées personnes ayant des fonctions à hautes
responsabilités, les titulaires de charges nommés par le Conseil fédéral. Ces fonctions peuvent concerner aussi bien les cadres de la Confédération au plus haut niveau (secrétaires généraux, directeurs d'office, etc.) que ceux de l'armée ou encore les membres de groupes d'experts, les juges d'instruction extraordinaires ou autres dignitaires. S'agissant des personnes soumises au contrôle de sécurité qui ne sont pas nommées par le Conseil fédéral, on ne peut les confirmer dans leur fonction ou leur charge ou encore les autoriser à avoir accès aux informations, aux installations et à du matériel classifiés que lorsque le contrôle de sécurité est achevé.

Par ailleurs, comme pour les standard internationaux, la répétition périodique du contrôle de sécurité ne doit pas avoir lieu uniquement dans des cas exceptionnels, mais par principe. En règle générale, un tel contrôle a lieu tous les cinq ans. Cette mesure permet de combler d'autres lacunes de sécurité importantes.

L'ajout «reste réservé l'art. 113, al. 1, let. d, de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire» a déjà été décidé par les Chambres fédérales le 7194

19 mars 2010 dans le cadre de la révision de la loi sur l'armée et l'administration militaire et cette disposition sera mise en vigueur le 1er janvier 2011, étant donné que le délai référendaire a expiré sans avoir été utilisé.

Art. 20, al. 2, let. c et d Let. c Nous renvoyons ici aux commentaires de l'art. 21.

Let. d Les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (CSP) constituent un élément de la gestion des risques de l'Etat. Une des plus grandes menaces pour l'Etat est que des personnes se trouvant à des postes-clé de l'Etat le trahissent, oeuvrent contre lui ou modifient ses institutions de manière illicite. Les CSP doivent donc servir en particulier à préserver l'Etat de telles prédations possibles.

Aux termes des dispositions de l'art. 20, al. 2, let. d, LMSI, des données peuvent être recueillies, dans le cadre des CSP, auprès des organes de poursuite pénale en vue d'obtenir des renseignements relatifs à des procédures pénales en cours. Le Conseil fédéral partage l'avis de la Commission de gestion du Conseil national, selon laquelle lors de contrôles au plus haut degré, il devrait être possible à l'avenir d'avoir un droit de regard sur les procédures pénales closes ou classées.

Pour apprécier le risque en matière de sécurité, l'autorité qui procède au contrôle est cependant tenue de consulter les procédures pénales closes ou classées indépendamment du degré du contrôle à effectuer, étant donné que des personnes des autres degrés de contrôle (accès aux informations, installations militaires et matériel classifiés CONFIDENTIEL ou SECRET) occupent des fonctions sensibles au niveau de la sécurité. Lors de ces contrôles de sécurité, l'autorité qui y procède doit être certaine du contenu de procédures pénales closes ou classées concernant également ces catégories de personnes et pouvoir procéder à une appréciation en conséquence, faute de quoi ce contrôle de sécurité relatif aux personnes ne serait plus qu'une farce.

Art. 21, al. 1, 2 et 4 La Commission de gestion du Conseil national recommande au Conseil fédéral de transférer l'autorité de contrôle (service spécialisé) du DDPS à la Chancellerie fédérale ou à un département n'ayant qu'un nombre restreint de fonctions devant être soumises à un contrôle de sécurité des personnes.

Le domaine du contrôle de sécurité est crucial pour tous les
autres domaines de sécurité et pour le système global de «Sécurité intégrale». Voilà pourquoi le Conseil fédéral est convaincu qu'il est juste que l'autorité de contrôle intégrée au sein du DDPS et affectée à la PIO y soit maintenue. La sortir maintenant de ce «réseau de sécurité» porterait non seulement atteinte à la sécurité intégrale mise en place tout au long des dix dernières années et désormais bien ancrée au sein des départements, mais affaiblirait aussi durablement la sécurité en tant que telle.

Le Conseil fédéral est convaincu que l'indépendance du l'organe de contrôle du DDPS n'est en principe touchée ­ et encore ­ que dans une partie de la procédure, à savoir dans la mise en oeuvre de l'enquête et dans l'appréciation du risque de sécu7195

rité des cadres du DDPS au plus haut niveau de la hiérarchie (ces cadres étant nommés par le Conseil fédéral) et dans la supervision de son propre personnel PIO (protection des informations et des objets). Dans l'ensemble, en ce qui concerne les contrôles de sécurité, cette indépendance n'est pas remise en question. De fait, la CdG ­ CN exige uniquement que les contrôles de sécurité relatifs aux très hauts cadres de la Confédération effectués en vertu de l'art. 12 de l'ordonnance du 19 décembre 2001 sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (OCSP)46 soient réalisés hors du DDPS. Le Conseil fédéral, quant à lui, estime ­ on l'a vu plus haut ­ que l'indépendance de ces contrôles de sécurité pourrait être mise en doute seulement en ce qui concerne les plus hauts cadres du DDPS. Toujours est-il que le Conseil fédéral fait observer que l'autorité de contrôle du DDPS avait par le passé jugé ci-et-là des cadres très élevés dans la hiérarchie de l'Administration fédérale comme présentant des risques en matière de sécurité et cela tant dans les départements «civils» qu'au sein du DDPS.

Selon les recommandations de la CdG ­ CN, il est ainsi prévu de faire exécuter par la Chancellerie fédérale les domaines du contrôle comportant l'enquête, l'analyse des risques et la notification de la décision pour les cadres les plus élevés de la Confédération. Par ailleurs, à l'avenir, ce sera aussi la Chancellerie fédérale qui contrôlera le personnel de la PIO (y compris le personnel de l'autorité de contrôle du DDPS). Cette mesure permettra de garantir pleinement l'indépendance des autorités chargées des contrôles de sécurité. Les autres contrôles de sécurité relatifs aux personnes selon les dispositions des art. 10, 11, et 12 OCSP pourront être poursuivis par le DDPS. Mais pour que la Chancellerie n'ait pas, elle non plus, de problème d'indépendance, les cadres supérieurs (vice-chancelier de la Confédération) devraient être soumis au contrôle du DDPS. Ces mesures garantiront donc à toute autorité de contrôle de sécurité ­ tant au DDPS qu'à la Chancellerie fédérale ­ de pouvoir exercer leur activité en toute indépendance.

Mais il s'agit aussi de considérer la rentabilité, le savoir-faire et l'économie de l'administration. Une collaboration de la Chancellerie fédérale avec le DDPS devrait tenir compte de ces
aspects tout en respectant la délimitation claire et nette de leurs responsabilités respectives. Ainsi, lors du contrôle de ses plus hauts cadres, le DDPS devrait procéder à la collecte des données dans les registres de la Confédération et des cantons pour le compte de la Chancellerie fédérale. Le DDPS mettra ensuite toutes les données à la disposition de la Chancellerie fédérale sans évaluation, sous forme physique et électronique, afin que celle-ci puisse procéder au traitement et à l'appréciation de celles-ci. Il appartiendra à la Chancellerie fédérale de procéder aux auditions; elle appréciera le risque de sécurité et notifiera les décisions. En même temps, c'est elle qui ­ sauf pour ses propres hauts cadres ­ est la première instance pour les hauts cadres en matière de recours avant le Tribunal administratif fédéral en rapport avec les décisions qu'elle a notifiées.

L'indépendance des autorités chargées des contrôles de sécurité doit être inscrite dans la loi.

46

RS 120.4

7196

Art. 27, al. 1bis (nouveau), 1ter (nouveau) En vertu de l'art. 27 LMSI, le Conseil fédéral est tenu de renseigner, annuellement ou selon les besoins, les Chambres fédérales, les cantons et le public sur son appréciation de la menace et sur les activités des organes de sûreté de la Confédération. Sur la base de cette disposition, le DDPS et le DFJP seront eux aussi tenus de renseigner annuellement ou selon les besoins au sujet des expériences faites avec les moyens introduits par la présente révision. Vu les restrictions possibles des droits fondamentaux de la population, un tel rapport coule de source. Cela concerne la mise en oeuvre d'identités d'emprunt (DDPS) et l'interdiction de pratiquer certaines activités (DFJP). Notons par ailleurs que, bien qu'aucune loi ne le prévoie expressément, des rapports complets sont aujourd'hui déjà soumis au département et à la Délégation des Commissions de gestion.

7197

Annexe

Modifications du droit en vigueur 1. Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil47 Art. 7, al. 2 (nouveau) Comme pour le domaine de la sûreté intérieure (cf. art. 14a, al. 3, projet LMSI), les informateurs agissant à l'étranger peuvent toucher des indemnités ou des primes qui ne sont considérées ni comme un revenu imposable ni comme revenu au sens de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants48.

2. Code pénal49 Art. 317bis Les faux dans les titres constituent des infractions (cf. art. 251, 252, 255 et 317 CP).

L'actuel art. 317bis CP réserve toutefois le cas où de tels faux sont constitués et utilisés pour élaborer ou garantir une identité d'emprunt dans le cadre d'une investigation secrète autorisée par le juge. Il convient dès lors d'adapter cette disposition pénale afin de réserver aussi l'utilisation d'identités d'emprunt conformément à la LMSI.

S'agissant de l'al. 2, il convient de procéder à une adaptation à la suite d'une incohérence de l'actuelle réglementation dans le domaine du code de procédure pénale: Aux termes des dispositions de l'art. 288 CPP, le Ministère public peut, lui aussi, doter l'agent infiltré d'une identité d'emprunt. D'après l'art. 317bis CP, la fabrication, la modification ou l'utilisation de titres dans le cadre d'une investigation secrète pour constituer ou garantir son identité d'emprunt n'est pas punissable que lorsqu'un juge l'autorise.

Cependant, en vertu de l'art. 289, al. 4, let. a, CPP, le Tribunal des mesures de contraintes compétent ne donne cette autorisation que lorsque le Ministère public lui soumet la mission à autorisation. L'autorisation judiciaire en vue de créer une identité d'emprunt intervient trop tard. Ce besoin d'adaptation a déjà été identifié dans le cadre de la LPol et a été inventorié en conséquence. Mais comme cette problématique se pose également concrètement avec l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale, cette modification devrait entrer en force très bientôt.

47 48 49

RS 121 RS 831.10 RS 311.0

7198

3. Loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions50 Quand bien même l'art. 5 du projet LMSI crée une base quant à la forme pour l'armement de parties du SRC, il fait exception au champ d'application de la loi fédérale sur les armes, à l'instar de l'armée ou des autorités douanières et de police.

Ce sont des raisons pratiques qui militent au premier chef pour l'exception du champ d'application de cette loi.

4. Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication51 Nous renvoyons aux commentaires ci-dessus de l'art. 13, al. 1bis projet LMSI, étant donné qu'en l'occurrence il s'agit de l'insertion dans la loi du droit d'accès similaire.

5 à 11: Loi sur les assurances sociales 5. Loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)52 6. Loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI)53 7. Loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)54 8. Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)55 9. Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA)56 10. Loi fédérale du 19 juin 1992 sur l'assurance militaire (LAM)57 11. Loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage (LACI)58 Dans le domaine des assurances sociales, le législateur a réglé la transmission de données dans les différentes lois applicables, créant ainsi un régime exhaustif en la matière. Dès lors, la levée du secret de fonction à l'égard des organes de sûreté de la Confédération et des cantons au sens de l'art. 13a du présent projet nécessite une adaptation spéciale des lois concernées. Il ne s'agit pas là d'une levée totale, mais d'une levée partielle du secret de fonction, limitée aux cas où les conditions prévues à l'art. 13a sont remplies. Le secret professionnel prévu par la loi (p. ex., pour les médecins, les avocats, les ecclésiastiques, etc.) ne tombe pas sous le coup de cette adaptation et cette disposition sur le secret professionnel demeure inchangée. Il faut noter par ailleurs que la levée du secret de fonction ici proposée 50 51 52 53 54 55 56 57 58

RS 514.54 RS 780.1 RS 831.10 RS 831.20 RS 831.40 RS 832.10 RS 832.20 RS 833.1 RS 837.0

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est analogue à d'autres règles existantes pour les autorités d'instruction pénale, les autorités compétentes en matière d'aide sociale, les offices des poursuites, les autorités fiscales, etc.

Il convient enfin de souligner que le devoir de renseigner se limite aux domaines du terrorisme, du service de renseignements politiques ou militaires prohibé et de la prolifération. Ainsi, la levée du secret de fonction n'est accordée que si les menaces sont engendrées par des activités relevant de ces domaines délimités précisément.

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