ad 09.402 Initiative parlementaire Sauvegarde de la démocratie, de l'Etat de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires Rapport du 5 février 2010 de la Commission des institutions politiques du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 21 avril 2010

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, En vertu de l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement (LParl), nous vous présentons ci-après notre avis sur le rapport du 5 février 2010 de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N)1.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 avril 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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FF 2010 1431

2010-0471

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Avis 1

Contexte

Le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances et prendre des décisions en s'appuyant directement sur la Constitution (Cst.)2 «lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige» (art. 184, al. 3, Cst.) ou «en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure» (art. 185, al. 3, Cst.). De telles ordonnances doivent être limitées dans le temps. Conformément aux art. 28 et 34 de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances (LFC)3, le Conseil fédéral peut en outre, dans les cas d'urgence, prendre des engagements financiers sans requérir au préalable l'assentiment de l'Assemblée fédérale. Lorsque cela est possible, il requiert au préalable l'assentiment de la Délégation des finances. Il soumet ensuite les engagements pris à l'Assemblée fédérale, pour approbation subséquente.

Au cours des dernières années, divers membres de l'Assemblée fédérale ont critiqué la manière dont ces compétences étaient exercées par le Conseil fédéral. C'est en automne 2008, dans le contexte de la crise financière et suite à l'édiction de l'ordonnance du Conseil fédéral du 15 octobre 2008 relative à la recapitalisation de l'UBS SA4, que la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIPN) a déposé l'initiative parlementaire dont il sera question ici. Une première initiative parlementaire avait déjà été déposée par la même commission (08.502 Iv. pa.

CIP-N Répartition des compétences en matière d'approbation de suppléments urgents au budget), mais son homologue du Conseil des Etats (CIP-E) l'avait rejetée, fermant ainsi la porte à l'élaboration d'un projet. Le 19 février 2009, la CIP-N a donc déposé une nouvelle initiative parlementaire (09.402 Iv. pa. CIP-N Sauvegarde de la démocratie, de l'Etat de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires) qui tient compte des critiques émises par la CIP-E et vise à modifier la législation relative aux compétences du Conseil fédéral dans les situations extraordinaires. La CIP-E ayant donné son aval (indispensable) à la mise en oeuvre de cette seconde initiative, la CIP-N a chargé une sous-commission d'élaborer un projet de loi. Le 5 février 2010, la CIP-N a examiné le projet élaboré par sa souscommission et l'a adopté par 17 voix contre 0 et 9 abstentions. Par courrier du 5 février 2010, la CIP-N a soumis le projet au Conseil fédéral pour avis.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Généralités

Dans les situations extraordinaires, le Conseil fédéral peut, à titre exceptionnel, sans délai et sous certaines conditions, édicter des ordonnances et prendre des décisions en se fondant directement sur la Constitution, ou encore prendre des engagements financiers sans requérir l'assentiment préalable de l'Assemblée fédérale. Ces compé-

2 3 4

RS 101 RS 611.0 RO 2008 4741

2566

tences doivent lui permettre d'agir rapidement, en fonction de la situation, en vue d'éviter tout dommage important.

Le Conseil fédéral estime que la réglementation actuelle de ces compétences dans la Constitution et la LFC a fait ses preuves. Il part en outre de l'idée que chaque pouvoir exerce ses compétences en se conformant aux règles de la bonne foi. Dans son rapport du 5 février 2010, la CIP-N admet d'ailleurs que «le Conseil fédéral fait généralement preuve de retenue dans l'usage de ses prérogatives propres aux situations exceptionnelles» (ch. 2.1). Le Conseil fédéral comprend néanmoins que l'Assemblée fédérale veuille régler plus précisément l'exercice de ces compétences et les conséquences qui en résultent. Il estime toutefois qu'il faudra impérativement veiller à ce que l'équilibre entre les possibilités d'action du Conseil fédéral et le contrôle par l'Assemblée fédérale soit maintenu. Il est capital que les compétences d'exécution dont le Conseil fédéral dispose en vertu de la Constitution ne soient pas restreintes. La nouvelle réglementation ne devra donc porter que sur l'exercice de ces compétences. Elle ne devra pas empêcher le Conseil fédéral d'agir rapidement et de manière appropriée dans les situations extraordinaires. La plupart des dispositions proposées par la CIP-N rejoignent cette préoccupation du Conseil fédéral. Il n'est donc pas opposé au projet de la CIP-N.

2.2

Ordonnances du Conseil fédéral se fondant sur l'art. 184, al. 3, ou l'art. 185, al. 3, Cst.

2.2.1

Approbation sur le principe

Le Conseil fédéral approuve sur le principe la proposition de modification de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)5, selon laquelle les ordonnances basées directement sur la Constitution deviendront caduques si le Conseil fédéral ne soumet pas à l'Assemblée fédérale un projet de base légale dans un délai donné.

2.2.2

Distinction entre les ordonnances se fondant sur l'art. 184, al. 3, Cst. et les ordonnances se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst.

Le Conseil fédéral approuve le fait que la réglementation prévue pour les ordonnances se fondant sur l'art. 184, al. 3, Cst. est moins restrictive que celle proposée pour les ordonnances se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst. Cette distinction tient compte du fait que la marge de manoeuvre du Conseil fédéral dans le domaine de la politique extérieure en vertu de l'art. 184 Cst. est plus grande que celle dont il dispose dans le domaine de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure en vertu de l'art. 185 Cst. Cette situation est due au fait que les compétences du Conseil fédéral par rapport à celles du Parlement sont plus étendues dans le domaine de la politique extérieure (art. 184 Cst.) que dans celui de la sécurité extérieure et de la sécurité intérieure (art. 185 Cst.). Cette différence explique notamment pourquoi, dans le domaine de la sécurité extérieure et de la sécurité intérieure, l'Assemblée fédérale peut, à l'instar du Conseil fédéral (art. 185, al. 3, Cst.), édicter des ordonnances (art. 173, al. 1, 5

RS 172.010

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let. c, Cst.), alors que, dans le domaine de la sauvegarde des intérêts du pays, elle ne dispose pas d'une compétence similaire à celle que l'art. 184, al. 3, Cst. attribue au Conseil fédéral. La logique constitutionnelle permet donc, dans l'optique de leur transposition dans une loi par le Parlement, de ne pas soumettre au même régime les ordonnances qui se fondent sur l'art. 184, al. 3, Cst. et celles qui se basent sur l'art. 185, al. 3, Cst. En d'autres termes, la réglementation proposée précise le régime constitutionnel actuel et permet donc de sauvegarder l'Etat de droit, la démocratie et la capacité d'action de la Suisse dans le domaine de la politique extérieure.

2.2.3

Délai pour la présentation d'un projet de base légale au Parlement

Le Conseil fédéral estime que le délai de six mois qu'il est prévu de lui impartir pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet de base légale destiné à remplacer une ordonnance se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst. est trop court. Avec un tel délai, le Conseil fédéral risque de devoir soumettre au Parlement un projet de base légale dont l'utilité n'est que de courte durée, notamment lorsqu'une ordonnance concerne une situation exceptionnelle qui n'est pas appelée à durer, et cela représentera un gaspillage de temps tant pour le Conseil fédéral que pour le Parlement. Le Conseil fédéral ne disposera en outre que de très peu de temps pour élaborer le projet, alors que ses ressources seront en règle générale déjà mobilisées pour maîtriser la situation. Il ne pourra donc guère respecter les délais ni les processus usuels dans les procédures internes, et la qualité des projets de loi risquera d'en pâtir. De plus, il ne disposera pas de la distance nécessaire par rapport à la situation d'urgence ayant nécessité l'édiction de l'ordonnance. Enfin, il ne lui sera guère possible de respecter le délai de trois mois prescrit pour les procédures de consultation (art. 7, al. 2, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation6). Le Conseil fédéral tient à souligner à cet égard qu'il fait toujours preuve du plus grand soin et de la plus grande retenue lorsqu'il édicte des actes en se fondant directement sur la Constitution, qu'il ait ou non l'obligation de soumettre un projet de base légale à l'Assemblée fédérale par la suite et quels que soient les délais impartis dans de tels cas.

Le Parlement doit donc prévoir un délai d'un an (et non de 6 mois) pour la présentation par le Conseil fédéral d'un projet de loi destiné à remplacer une ordonnance se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst.

2.2.4

Durée de validité des ordonnances

Le Conseil fédéral approuve la proposition selon laquelle la durée de validité des ordonnances se fondant sur les art. 184, al. 3, ou 185, al. 3, Cst. dépendra de la durée du traitement par le Parlement du projet de base légale. Il estime qu'il est préférable, pour la sécurité du droit, de prévoir une telle solution plutôt que de fixer une durée de validité maximale.

6

RS 172.061

2568

2.2.5

Proposition d'une minorité de la commission

Le Conseil fédéral est d'avis que les ordonnances qu'il édicte en se fondant directement sur les art. 184, al. 3, Cst. ou 185, al. 3, Cst. doivent toujours être remplacées par une loi lorsque les normes qu'elles contiennent sont appelées à durer au-delà des délais fixés. C'est pourquoi il soutient la proposition de la majorité de la commission, qui prévoit que les ordonnances basées sur l'art. 185, al. 3, Cst. doivent elles aussi obligatoirement être remplacées par des dispositions légales. Il rejette en revanche la proposition de minorité selon laquelle le Conseil fédéral pourrait également, pour ce type d'ordonnances, soumettre au Parlement un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., et ce pour les raisons évoquées ci-après.

Aux termes de l'art. 164, al. 1, Cst., «toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale». La Constitution indique donc que la disposition doit être importante, mais non qu'elle doit être appelée à durer, caractéristique qui, par nature, est difficile à déterminer. Le Conseil fédéral souhaiterait que cette règle reste inchangée. Il convient de rappeler à cet égard que les règles durables ne sont pas les seules règles importantes du point de vue matériel; l'ordonnance du Conseil fédéral du 15 octobre 2008 relative à la recapitalisation de l'UBS SA en est un bon exemple (RO 2008 4741).

Le remplacement d'une ordonnance de ce type par une base légale se justifie en outre pour des raisons de systématique, de sécurité du droit et de légitimité démocratique. Du point de vue de la systématique, il ne serait guère satisfaisant d'autoriser le remplacement d'une ordonnance de ce type par une ordonnance de l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., car cette règle ne vaudrait que pour les ordonnances basées sur l'art. 185, al. 3, Cst. et non pour celles fondées sur l'art. 184, al. 3, Cst.; l'art. 173, al. 1, let. c, Cst. ne se réfère en effet qu'à la sauvegarde de la sécurité intérieure et de la sécurité extérieure, et non au domaine plus vaste de la sauvegarde des intérêts du pays au sens de l'art. 184, al. 3, Cst. Les art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst. confèrent au Conseil fédéral la compétence de légiférer dans des cas urgents, compétence
qui est limitée dans le temps. Si les ordonnances édictées sur la base de ces articles peuvent être remplacées par des ordonnances de l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., cette compétence législative primaire du Conseil fédéral en vertu du droit actuel se réduirait à une compétence subsidiaire pour les ordonnances se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst. S'agissant de la sécurité du droit, le Conseil fédéral estime qu'elle sera mieux garantie si les ordonnances urgentes du Conseil fédéral se fondant directement sur la Constitution sont toujours remplacées par des dispositions légales. Lors de l'édiction d'ordonnances de ce type, il est parfois extrêmement difficile d'évaluer combien de temps elles devront durer, comme on a pu le constater dans le cas de l'ordonnance du Conseil fédéral du 15 octobre 2008 relative à la recapitalisation de l'UBS SA (RO 2008 4741). Si le Conseil fédéral élaborait le projet destiné à remplacer son ordonnance sous la forme d'un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., il pourrait arriver, selon les cas, que les Chambres aient à mener de longs débats sur la question de savoir si le projet n'aurait pas plutôt dû être présenté sous la forme d'une loi, susceptible quant à elle de faire l'objet d'un référendum. Dans le pire des cas, le projet pourrait alors être renvoyé au Conseil fédéral, avec le risque que le délai de validité de l'ordonnance du Conseil fédéral expire sans qu'un acte de remplacement ne soit prêt à entrer en vigueur. Si une ordonnance du Conseil fédéral était remplacée par une ordonnance 2569

de l'Assemblée fédérale ­ elle aussi limitée dans le temps, selon le projet de la CIPN ­ et qu'il s'avérait, par la suite, que la réglementation en question doit durer plus longtemps, l'ordonnance de l'Assemblée fédérale devrait être remplacée par une loi au plus tard trois ans après son entrée en vigueur, et le Parlement aurait à se saisir une nouvelle fois de cet objet. Enfin, pour ce qui est de la légitimité démocratique des nouvelles dispositions, il convient de rappeler que le référendum ne peut être demandé que contre une loi et non contre une ordonnance de l'Assemblée fédérale.

Or le Conseil fédéral estime que le maintien de dispositions édictées d'urgence par le gouvernement sur la base directement de la Constitution doit bénéficier de la plus grande légitimité démocratique possible.

Ainsi, dans les cas d'urgence, le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances en se fondant directement sur les art. 184, al. 3, ou 185, al. 3, Cst. s'il n'existe pas de base légale pertinente. Puis, dès que les règles édictées ne sont plus nécessaires, elles deviennent caduques ou, si leur maintien est souhaité, elles sont intégrées dans le droit ordinaire par la création d'une base légale sujette au référendum, ce qui permet d'asseoir leur légitimité démocratique.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral plaide en faveur d'un remplacement des ordonnances urgentes par des projets de loi, d'autant que l'élaboration d'un projet de loi ne prend pas plus de temps et n'est pas plus complexe que l'élaboration d'un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale au sens de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., comme le précise à juste titre le rapport explicatif de la commission.

2.3

Décisions du Conseil fédéral se fondant sur l'art. 184, al. 3, ou l'art. 185, al. 3, Cst.

Le Conseil fédéral rejette la disposition qui l'oblige à consulter la nouvelle Délégation pour les situations extraordinaires (DSE) avant de prendre une décision se fondant directement sur les art. 184, al. 3, ou 185, al. 3, Cst. L'obligation de consulter la DSE restreint de manière considérable les compétences dont il dispose pour sauvegarder les intérêts du pays ou préserver la sécurité extérieure ou intérieure, et elle entrave par conséquent sa capacité d'action. La création de la DSE par le biais d'une modification de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)7 relève de l'organisation du Parlement, sujet sur lequel le Conseil fédéral ne se prononce en principe pas. Il attire néanmoins l'attention de la commission sur le fait que la création d'un tel organe parlementaire que le Conseil fédéral aurait l'obligation de consulter avant de prendre une décision se fondant l'art. 184, al. 3, ou l'art. 185, al. 3, Cst. pourrait poser des problèmes de délimitation avec le domaine exécutif relevant de la compétence du Conseil fédéral et, par conséquent, entraîner une confusion dans la répartition des compétences. Le Conseil fédéral est donc fermement opposé à une telle obligation. Par ailleurs, les décisions se fondant directement sur la Constitution contiennent souvent des informations dignes de protection. Le nombre de personnes ayant accès à ces dossiers avant la décision du Conseil fédéral doit donc être limité au strict minimum. Enfin, en raison des délais stricts qu'elle prévoit, la réglementation applicable à l'obligation de consulter l'organe compétent de l'Assemblée fédérale est trop rigide et guère applicable.

7

RS 171.10

2570

En revanche, le Conseil fédéral n'est pas opposé à l'idée d'une information subséquente de la DSE ou d'un autre organe parlementaire. Il attire néanmoins l'attention de la commission sur le fait que les décisions se fondant directement sur la Constitution sont souvent classifiées. Si la DSE a le droit d'être informée, le nombre de personnes informées s'accroîtra dans ce cas également, ce qui est problématique aux yeux du Conseil fédéral. Il s'agira donc de veiller à ce que des mesures soient prises pour garantir le maintien du secret.

2.4

Procédure d'urgence en matière de crédits

2.4.1

Contexte

Dans les cas d'urgence, le Conseil fédéral peut de sa propre autorité, en vertu des art. 28, al. 1, et 34, al. 1, LFC, prendre des engagements (pluriannuels) et décider de charges et de dépenses d'investissement. Lorsque cela est possible, il requiert au préalable l'assentiment de la Délégation des finances. Dans les cas où il peut requérir l'assentiment de cette dernière, on a affaire à des «crédits provisoires ordinaires», dans les autres cas, à des «crédits provisoires urgents»8. Dans les deux cas, le Conseil fédéral soumet à l'Assemblée fédérale, pour approbation subséquente, les crédits provisoires qu'il a approuvés dans le cadre d'une procédure d'urgence (art. 28, al. 2, et 34, al. 2, LFC).

Le Conseil fédéral ne peut ouvrir de «crédits provisoires urgents» que dans les cas où il n'est pas possible d'attendre la décision de la Délégation des finances9. Etant donné que la Délégation des finances peut être facilement consultée, l'ouverture d'un crédit provisoire urgent est un fait relativement rare. Lorsque cela arrive, cela concerne essentiellement des dépassements de crédits en fin d'année budgétaire et les montants en jeu sont peu importants. Dans le cas de l'affaire Swissair en 2001 comme dans celui de l'affaire UBS en 2008, le Conseil fédéral avait approuvé les crédits urgents avec l'assentiment de la Délégation des finances (il s'agissait donc de «crédits provisoires ordinaires»). Dans les deux cas, les décisions avaient été rapidement soumises à l'Assemblée fédérale pour approbation subséquente, dans le cadre de messages spéciaux10.

2.4.2

Proposition de la majorité de la commission

Les compétences dont dispose le Conseil fédéral pour ouvrir des crédits urgents restent pour l'essentiel inchangées. Elles sont néanmoins restreintes sur deux points: ­

8 9 10

Désormais, le Conseil fédéral devra en principe toujours disposer de l'accord de la Délégation des finances. Il ne pourra plus ouvrir de «crédits provisoires urgents» pour prendre des engagements. Seule exception: il pourra encore le Cf. art. 24, al. 2, de l'ordonnance du 5 avril 2006 sur les finances de la Confédération (OFC; RS 611.01).

Cf. art. 17, al. 1, et art. 25, al. 2, OFC.

Message du 7 nov. 2001 (FF 2001 6087) concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale; message du 5 nov. 2008 (FF 2008 8027) concernant un train de mesures destinées à renforcer le système financier suisse.

2571

faire pour les dépassements de crédits, mais pour autant que le montant concerné ne soit pas supérieur à 5 millions de francs.

­

Si un «crédit provisoire ordinaire» est supérieur à 500 millions de francs et que, en vue de son approbation subséquente, la convocation de l'Assemblée fédérale en session extraordinaire (art. 151, al. 2, Cst.) est demandée dans un délai d'une semaine après l'assentiment de la Délégation des finances, cette session aura lieu pendant la troisième semaine qui suit le dépôt de la demande de convocation. Le Conseil fédéral devra alors obligatoirement préparer un message en vue de cette session.

Le Conseil fédéral approuve sur le principe l'idée d'une consultation obligatoire de la Délégation des finances avant l'ouverture de crédits urgents. Il salue également le fait qu'une exception est prévue pour les dépassements de crédits de peu d'importance, une solution qui est pragmatique à ses yeux. Toutefois, comme le seuil fixé pour cette procédure simplifiée est extrêmement bas (à savoir 5 millions de francs), il n'exclut pas que la Délégation des finances ait à se saisir de dossiers qui ne sont guère contestés au plan politique. Pour l'essentiel, la nouvelle réglementation ne fait donc qu'inscrire dans la loi une pratique qui a fait ses preuves. La convocation de l'Assemblée fédérale en session extraordinaire oblige le Conseil fédéral à présenter un message dans un délai très court. Dans le cas des affaires Swissair et UBS, pour des raisons politiques, il était allé de soi pour le Conseil fédéral d'élaborer des messages, alors que rien ne l'y contraignait. Il approuve donc sur le principe la réglementation prévue. Le Conseil fédéral reste d'ailleurs libre de présenter un tel message même lorsqu'il n'est pas demandé de session extraordinaire. Le Parlement devra néanmoins veiller à ce que la nouvelle réglementation soit suffisamment souple et praticable. La proposition de la majorité de la commission doit être améliorée sur ce point. Elle prévoit en effet, lorsque la convocation du Parlement en session extraordinaire est demandée, que cette session ait lieu «pendant la troisième semaine qui suit le dépôt de la demande». Or ce délai n'est pas réaliste.

Dans son rapport du 5 février 2010, la commission justifie ce délai par le fait que, lors de la crise Swissair, le Conseil fédéral a présenté son rapport le 16e jour qui a suivi l'assentiment de la Délégation des finances et, lors de la crise UBS, le 21e jour.

Or cette réglementation ne tient pas compte du fait que le traitement de projets complexes par le Conseil fédéral comme par le Parlement requiert un minimum de temps. L'expérience montre qu'il faut prévoir un délai de 3 semaines et demie (au minimum) à 5 semaines entre la date à laquelle le Conseil fédéral et la Délégation des finances ouvrent un crédit urgent et la date à laquelle a lieu la session. Le Conseil fédéral propose donc de prolonger de deux semaines le délai prévu par la commission et de le faire passer à cinq semaines.

2.4.3

Proposition d'une minorité de la commission

Une minorité de la commission propose de renoncer à l'approbation subséquente par le Parlement. Elle présente la réglementation suivante: ­

2572

Pour les montants inférieurs ou égaux à 500 millions de francs. ­ La Délégation des finances peut, sur proposition du Conseil fédéral, les approuver à titre définitif. Aux yeux du Conseil fédéral, cette procédure correspond pour l'essentiel à la procédure actuelle pour les «crédits provisoires ordinaires», à cette exception près que l'approbation subséquente par l'Assemblée fédérale

n'est pas nécessaire. En d'autres termes, la disposition proposée prévoit la délégation d'une compétence non législative à une commission du Parlement, au sens de l'art. 153, al. 3, Cst.

­

Pour les montants supérieurs à 500 millions de francs. ­ Ils doivent être soumis à l'Assemblée fédérale pour approbation, même dans les cas d'urgence. Lorsque celle-ci ne siège pas, le Conseil fédéral demande sa convocation pour une session extraordinaire (art. 151, al. 2, Cst.). Seule exception: lorsque les charges ou les dépenses d'investissement sont couvertes par un crédit d'engagement, elles relèvent de la compétence de la Délégation des finances (à l'instar des montants inférieurs ou égaux à 500 millions de francs).

La proposition de minorité prévoit donc plus ou moins la suppression de la procédure d'urgence en matière de crédits pour les montants de plus de 500 millions de francs. Une exception est faite pour les charges et les dépenses d'investissement déjà couvertes par un crédit d'engagement, mais il s'agit là d'un cas plutôt théorique, car il ne peut y avoir urgence. Aux yeux du Conseil fédéral, la proposition de minorité réduit considérablement et manifestement la capacité d'action de l'Etat dans les situations de crise. Cette proposition doit donc être expressément rejetée.

3

Propositions du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral approuve l'initiative parlementaire sur le principe. Eu égard aux considérations qui précèdent, il fait néanmoins les propositions ci-après.

3.1

Ordonnances du Conseil fédéral se fondant sur l'art. 184, al. 3, ou l'art. 185, al. 3, Cst.

3.1.1

Propositions de la majorité de la commission

L'art. 7d, al. 2, let. a, du projet de révision de la LOGA (P-LOGA) est modifié comme suit: Art. 7d, al. 2, let. a 2 L'ordonnance devient caduque: a. dans un délai d'un an après son entrée en vigueur, si le Conseil fédéral n'a pas soumis à l'Assemblée fédérale un projet de base légale pour l'objet de l'ordonnance;

3.1.2

Proposition de minorité

Le Conseil fédéral propose le rejet de la proposition de minorité relative à l'art. 7d, al. 2 et 3, P-LOGA.

2573

3.2

Décisions du Conseil fédéral se fondant sur l'art. 184, al. 3, ou l'art. 185, al. 3, Cst.

L'art. 7e, al. 2, P-LOGA est modifié comme suit: Art. 7e, al. 2 2 Le Conseil fédéral informe l'organe compétent de l'Assemblée fédérale dans les 24 heures qui suivent sa décision.

L'art. 55a, al. 3, du projet de révision de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement11 est modifié comme suit: Art. 55a, al. 3 3 Le Conseil fédéral informe la DSE lorsqu'il prend une décision visant à sauvegarder les intérêts du pays ou à préserver la sécurité extérieure ou intérieure.

3.3

Procédure d'urgence en matière de crédits

3.3.1

Propositions de la majorité de la commission

Les art. 28, al. 3, et 34, al. 4, du projet de révision de la LFC (P-LFC) sont modifiés comme suit: Art. 28, al. 3 3 Si l'engagement urgent est supérieur à 500 millions de francs et que, en vue de son approbation subséquente, la convocation de l'Assemblée fédérale en session extraordinaire soit demandée dans un délai d'une semaine après l'assentiment de la Délégation des finances, cette session a lieu dans un délai de cinq semaines à compter de la date de dépôt de la demande de convocation.

Art. 34, al. 4 Si la charge ou la dépense d'investissement est supérieure à 500 millions de francs et que, en vue de son approbation subséquente, la convocation de l'Assemblée fédérale en session extraordinaire soit demandée dans un délai d'une semaine après l'assentiment de la Délégation des finances, cette session a lieu dans un délai de 5 semaines à compter de la date de dépôt de la demande de convocation.

4

3.3.2

Propositions de minorité

Le Conseil fédéral propose le rejet des propositions de minorité relatives aux art. 28 et 34 P-LFC.

11

RS 171.10

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