08.520 Initiative parlementaire Suppression des signes distinctifs pour cycles Rapport de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats du 4 mai 2010

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet visant à modifier la loi fédérale sur la circulation routière, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose par 6 voix contre 3 et 1 abstention d'adopter le projet d'acte ci-joint.

4 mai 2010

Pour la commission: Le président, Christoffel Brändli

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Condensé L'assurance responsabilité civile obligatoire pour les cyclistes est un système qui a été développé en Suisse dès le XIXe siècle, époque à laquelle remontent les premières réglementations cantonales à ce sujet. Les dispositions introduisant cette obligation à l'échelon fédéral sont entrées en vigueur le 1er janvier 1960; elles prévoient que les cycles soient dotés d'un signe distinctif faisant office de moyen de contrôle.

La présente initiative vise la suppression pure et simple de cette assurance spécifique, sachant que, d'une part, cette dernière engendre des frais administratifs trop élevés et que, d'autre part, plus de 90 % de la population est déjà couverte par une assurance responsabilité civile privée. Les cyclomotoristes resteraient quant à eux astreints à l'obligation de s'assurer. Le projet nécessite en outre d'autres adaptations mineures de la législation, qui concernent les dispositions applicables aux véhicules automobiles de puissance minime et l'extension de la couverture du Fonds national de garantie.

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 19 décembre 2008, le conseiller aux Etats Philipp Stähelin a déposé une initiative parlementaire, sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, qui vise à supprimer les signes distinctifs pour cycles et, partant, à abroger les dispositions correspondantes de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01). Pour l'auteur de l'initiative, ces signes distinctifs n'ont plus de raison d'être, sachant que près de 20 % des recettes issues de la vente des vignettes pour les vélos sont absorbées par les frais administratifs, que plus de 90 % des cyclistes disposent déjà d'une assurance responsabilité civile privée et que la police a quasiment abandonné les contrôles spécifiques.

Le 31 mars 2009, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats (CTT-E) a procédé à l'examen préalable de l'initiative. Après avoir entendu son auteur, elle a décidé, par 5 voix contre 3 et 2 abstentions, de ne pas y donner suite. Alors qu'une minorité de la commission partageait dans une large mesure l'avis de M. Stähelin, la majorité a souhaité maintenir le système actuel: elle estimait qu'il a globalement fait ses preuves, puisqu'il réglemente intégralement la question de la responsabilité civile, ce qui est tant dans l'intérêt de la personne qui a subi le dommage que dans celui de la personne qui l'a causé. De plus, cette solution, qui repose sur le principe de causalité, n'implique qu'un minimum de charges (cinq francs par véhicule et par an en moyenne). La majorité craignait aussi que, si les objectifs de l'initiative étaient réalisés, les 10 % de la population qui n'ont pas d'assurance responsabilité civile ­ et qui sont souvent issus de milieux défavorisés ­ risqueraient de ne plus être couverts par une assurance. Des inconvénients se poseraient aussi pour les cyclomoteurs et les véhicules automobiles de puissance minime: soit ils seraient toujours soumis au système actuel, soit le nouveau système ne serait étendu qu'à certains types de véhicules, avec tous les problèmes que cette distinction supposerait.

Le 28 mai 2009, le Conseil des Etats a toutefois largement suivi la minorité de la commission et l'auteur de l'initiative, par 21 voix contre 8. Le 24 août 2009, la commission homologue du Conseil national a donné son feu vert à l'élaboration d'un projet par 22 voix contre
0 et 3 abstentions.

Le 9 novembre 2009, la commission du Conseil des Etats a décidé d'entamer rapidement les travaux. Elle a chargé l'administration de lui apporter le soutien nécessaire et a déterminé les principales orientations du projet.

A sa séance du 4 février 2010, la commission a adopté à l'unanimité l'avant-projet; elle a ensuite chargé l'Office fédéral des routes de procéder à la consultation. Au vu du nombre restreint de questions posées, la CTT-E a décidé de réduire à six semaines la durée de la procédure, l'objectif étant de finaliser rapidement la révision afin que les cantons aient ensuite suffisamment de temps pour la mettre en oeuvre et, le cas échéant, pour mener à bien les adaptations de leur propre législation.

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Grandes lignes du projet

2.1

Contexte

Le projet prévoit la suppression de la vignette annuelle pour cycles et, partant, de l'assurance responsabilité civile obligatoire qui s'y rapporte. Il s'agit de mettre fin à un système devenu obsolète, comme l'illustrent les arguments suivants: premièrement, il entraîne beaucoup de frais administratifs inutiles; deuxièmement, la police a quasiment abandonné les contrôles; troisièmement, la plupart des cyclistes sont déjà couverts par une assurance responsabilité civile privée; quatrièmement, les pays voisins ne prévoient pas d'obligation similaire; et cinquièmement, aucune assurance n'est nécessaire pour l'utilisation d'engins présentant des risques similaires à ceux que présentent les cycles (tels que les skis et les luges).

2.2

Nouvelle réglementation

La mesure proposée a aussi des répercussions sur les véhicules automobiles de puissance ou de vitesse minimes, également soumis à l'assurance responsabilité civile obligatoire pour les cycles: fauteuils roulants électriques dont la vitesse maximale n'excède pas 10 km/h, voitures à bras équipées d'un moteur, monoaxes qui sont conduits uniquement par une personne à pied et qui ne servent pas à tirer des remorques, et cyclomoteurs légers (c'est-à-dire les véhicules à une place, à roues placées l'une derrière l'autre, équipés d'une assistance électrique au pédalage jusqu'à 25 km/h et d'une puissance nominale maximale de 0,25 kW).

Il est en revanche prévu de maintenir la réglementation actuelle pour les cyclomoteurs «normaux» (pour pouvoir circuler, les véhicules doivent être munis d'une plaque de contrôle avec vignette à renouveler annuellement; en outre, en cas d'accident, c'est la responsabilité aquilienne qui s'applique, et non pas la responsabilité causale).

En ce qui concerne les véhicules automobiles pour lesquels la vignette est actuellement obligatoire, trois possibilités sont proposées dans le cadre de la consultation: a.

la suppression de l'obligation au même titre que les bicyclettes;

b.

l'adoption du même régime que celui applicable aux cyclomoteurs;

c.

l'adoption d'une réglementation différente en fonction du type de véhicule: par exemple, les voitures à bras équipées d'un moteur pourraient être libérées de l'obligation de s'assurer, tandis que les cyclomoteurs légers seraient soumis aux mêmes dispositions que les cyclomoteurs. Il reviendrait au Conseil fédéral de procéder, par voie d'ordonnance, à la répartition des véhicules entre les deux catégories.

La suppression de la vignette pour les vélos nécessite toutefois de nouvelles dispositions tenant compte du fait que près de 10 % de la population n'est pas couverte par une assurance responsabilité civile privée (lacune en grande partie comblée par l'assurance accidents obligatoire, au moins pour ce qui est des dommages corporels).

Mais pour qu'il ne subsiste aucune carence susceptible d'avoir de graves conséquences pour les victimes, proposition est faite d'introduire une couverture subsidiaire par le Fonds national de garantie (FNG); ce dernier serait financé, comme jusqu'ici, par un supplément perçu sur l'assurance responsabilité civile des véhicules automo3770

biles. La couverture par le FNG ne s'appliquerait toutefois qu'aux cas où la personne fautive ne dispose ni d'une assurance responsabilité civile ni de ressources lui permettant de prendre en charge la réparation du dommage ou que la victime n'est pas assurée contre les accidents, et pour autant qu'il s'agisse de dommages dont le montant dépasse un plafond à définir par le Conseil fédéral (vraisemblablement 1000 fr.). En outre, une franchise ne serait déduite qu'en cas de dommages matériels causés par des cyclistes ou des utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules inconnus. La franchise tomberait si un dommage corporel important était occasionné lors du même événement. Enfin, il y a lieu de mettre sur pied, durant une période transitoire, une campagne de sensibilisation qui viserait à inciter les citoyens à réexaminer leur couverture d'assurance responsabilité civile privée suite à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions; au passage, on rappellerait de manière générale à la population les effets bénéfiques de la pratique du vélo sur la santé.

Les résultats de la consultation ont montré que presque tous les partis politiques et une claire majorité des cantons sont favorables à la suppression de la vignette. Au contraire, les associations s'y opposent quasiment à l'unanimité, notamment celles qui sont spécialisées dans les transports. Quant au maintien de l'obligation de contracter une assurance responsabilité civile pour les cyclomoteurs, il a été approuvé clairement. Enfin, les milieux consultés ont estimé en général qu'il fallait supprimer l'assurance responsabilité civile obligatoire pour les véhicules automobiles de puissance ou de vitesse minimes, comme pour les cycles. Il incombera au Conseil fédéral de procéder à la répartition précise des catégories de véhicules.

Une nette majorité des participants à la consultation s'est dite favorable à la prise en charge, par le FNG, des dommages non couverts, et ce malgré la suppression de l'obligation de contracter une assurance. Par contre, la question de la fixation d'une franchise pour les personnes lésées les a divisés.

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Commentaire par article

3.1

Loi fédérale sur la circulation routière

Art. 1, al. 1 Il est nécessaire d'étendre le champ d'application de la loi si le FNG doit désormais prendre en charge, à titre subsidiaire, la couverture des dommages causés par les utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules (cf. commentaire de l'art. 76).

Art. 18, al. 1 et 2 Al. 1: dorénavant, les cycles n'auront plus besoin de porter un signe distinctif qui confirme la conclusion d'une assurance responsabilité civile.

Al. 2: l'obligation pour le Conseil fédéral d'édicter les prescriptions relatives au signe distinctif et à l'assurance des cycles et de leurs remorques n'a plus de raison d'être.

Art. 25, al. 2, let. h L'obligation pour le Conseil fédéral d'édicter des dispositions sur le signe distinctif des cycles n'a plus de raison d'être. Néanmoins, le gouvernement peut édicter des 3771

dispositions sur le signe distinctif des cyclomoteurs en se fondant sur l'art. 25, al. 2, let. d, LCR.

Art. 70

Cycles

Seule la disposition prévoyant que la responsabilité civile des cyclistes est régie par le code des obligations doit être maintenue, sous peine que la responsabilité causale soit appliquée à ces usagers de la route comme aux détenteurs de véhicules automobiles. Puisque l'obligation de contracter une assurance responsabilité civile doit être supprimée, les dispositions sur l'octroi du signe distinctif, les montants minimaux couverts, les prétentions pouvant être exclues de l'assurance, les réglementations sur le recours et l'action directe contre l'assurance responsabilité civile ainsi que sur leur refus sont superflues.

Art. 72, al. 4, 2e phrase, et 5 Al. 4, 2e phrase: les cycles ne connaissant plus d'«assurance ordinaire», le montant minimal de l'assurance ne peut plus être déterminé sur une telle base. Dès lors, il faut que le Conseil fédéral prescrive une assurance adéquate et que l'assurance minimale «ordinaire» ne soit plus valable que pour les courses de véhicules automobiles.

Al. 5: cet alinéa règle, dans le cas d'un dommage survenu à l'occasion d'une course, la question du recours contre les responsables qui savaient ou auraient dû savoir, en prêtant toute l'attention commandée par les circonstances, qu'une assurance spéciale pour la course faisait défaut. Il convient d'octroyer aussi ce droit de recours au cycliste et à son éventuelle assurance responsabilité civile privée.

Art. 73, al. 2 L'art. 73, al. 2, LCR dispose que les cycles de la Confédération et des cantons ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire. Comme celle-ci est supprimée de façon généralisée, l'alinéa en question doit être abrogé.

Art. 76, al. 2, let. a L'al. 2, let. a comporte deux nouveautés. D'une part, il précise l'obligation pour le FNG de couvrir la responsabilité civile pour les dommages causés en Suisse par des cycles lorsque personne d'autre n'en répond. Cette précision est nécessaire parce que l'obligation pour le FNG d'accorder une telle couverture ne s'applique actuellement qu'aux véhicules soumis à une assurance obligatoire. Or, la couverture subsidiaire du FNG doit subsister après la suppression de l'obligation d'assurance pour les cycles.

D'autre part, le ch. 2 accueille un nouveau terme, à savoir celui des «engins assimilés à des véhicules». Légalement, ceux-ci sont placés sur le même plan que les
piétons, de sorte qu'il n'existe pour eux aucune prescription en matière de responsabilité et d'assurance; ce sont donc les dispositions du CO et du CC qui leur sont applicables. Lors de la consultation sur Via sicura, en 2008 et 2009, le Conseil fédéral avait proposé que les dommages causés par les engins assimilés à des véhicules soient pris en charge par le FNG à titre subsidiaire, autrement dit si l'auteur du dommage n'était pas assuré ou ne disposait pas des moyens lui permettant de réparer 3772

lui-même le dommage, et si le lésé n'avait pas d'assurance accidents ou autre. Bien que cette disposition ne fasse pas partie des objectifs visés par l'initiative, la connexité qui la lie à ceux-ci justifie de l'intégrer dans la présente procédure législative.

Art. 77, al. 1, 1re phrase, et 3 A l'avenir, ni la Confédération ni les cantons ne délivreront de signes distinctifs pour cycles. Ils ne sauraient donc être civilement responsables des dommages causés par des cycles non assurés. Les al. 1 et 3 doivent être adaptés en conséquence.

Art. 83, al. 1, 1re phrase, et 3, et art. 86 Puisque les accidents impliquant des engins assimilés à des véhicules sont désormais traités comme les accidents de la circulation, il est justifié d'y appliquer aussi les dispositions correspondantes sur la prescription et sur l'appréciation des preuves.

Art. 97 et art. 99, ch. 4 Les dispositions concernant les infractions relatives à l'assurance des cycles sont définitivement abrogées et l'art. 97 est adapté au nouveau mode de présentation des dispositions pénales (aucun alinéa sans lettre ou chiffre).

Art. 105, al. 3 Les systèmes cantonaux d'imposition des cycles ne pouvant désormais plus être liés aux signes distinctifs pour cycles, il y a lieu d'abroger définitivement cette disposition.

4

Incidences

4.1

Incidences sur la Confédération

Le projet n'a pas d'effets sur les finances ou les effectifs de la Confédération, ni aucune autre conséquence sur celle-ci.

4.2

Incidences sur les cantons et les communes

Les polices cantonales et communales n'auront plus du tout à supporter les charges imputables au contrôle des vignettes. Par contre, elles devront fournir des efforts supplémentaires en matière d'identification des cycles perdus ou volés et de gestion des zones de stationnement. Par ailleurs, les communes qui délivraient gratuitement les vignettes pour les cycles perdront un outil de promotion des déplacements à vélo.

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4.3

Incidences sur l'économie nationale

Il est aujourd'hui impossible de déterminer si les coûts supplémentaires supportés par les assurances responsabilité civile privée pour la couverture des dommages entraîneront une augmentation des primes d'assurance.

Les dépenses du FNG pourraient croître si la part des ménages disposant d'une assurance responsabilité civile privée n'augmente pas. Néanmoins, la question de la nécessité de relever la contribution des détenteurs de véhicules automobiles ne peut pas être traitée pour l'instant, en raison du manque de données fiables à ce sujet. La participation du détenteur d'une voiture de tourisme passerait par exemple de 2 francs 40 à 2 francs 65 en cas d'augmentation de 10 % des dépenses pour la couverture des dommages. Les détenteurs de véhicules automobiles ne seraient donc pas sensiblement touchés, et ce même si l'hypothèse très peu probable d'un doublement des charges mentionnées se vérifiait (la participation serait alors d'env. 5 francs).

Par conséquent, si la règle du financement par la communauté des détenteurs de véhicules automobiles est certes malheureuse, étant notamment non conforme au principe de causalité, elle n'a pas de répercussions notables sur les détenteurs de véhicules automobiles.

5

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur les art. 82, 122 et 123 Cst., qui prévoient que la législation en matière de circulation routière, de droit civil et de droit pénal relève de la compétence de la Confédération.

5.1

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Le projet ne concerne aucun engagement international de la Suisse.

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