10.048 Message relatif à la mise à la charge d'UBS des coûts liés au traitement de deux demandes d'assistance administrative émanant de l'Internal Revenue Service des Etats-Unis d'Amérique du 28 avril 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous proposant de l'adopter, le projet d'arrêté fédéral relatif à la mise à la charge d'UBSdes coûts liés au traitement de deux demandes d'assistance administrative émanant de l'Internal Revenue Service des Etats-Unis d'Amérique.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 avril 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-0993

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Condensé Par ce message, le Conseil fédéral présente un projet d'arrêté fédéral visant à mettre à la charge d'UBS les coûts engendrés pour la Confédération par le traitement de deux demandes d'assistance administrative des autorités fiscales des Etats-Unis d'Amérique en rapport avec les agissements d'UBS aux Etats-Unis.

L'autorité fiscale américaine «Internal Revenue Service» (IRS) a déposé deux demandes d'assistance administrative, les 16 juillet 2008 et 31 août 2009, auprès de l'Administration fédérale des contributions (AFC). L'IRS reprochait à de nombreux clients américains d'UBSUBSd'avoir enfreint l'obligation de déclarer leurs revenus et le rendement provenant de la gestion de leur fortune par des sociétés sises hors du territoire des Etats-Unis. Dans le cadre de l'accord du 19 août 2009 conclu avec les Etats-Unis concernant UBS, la Suisse s'est engagée à traiter la deuxième demande d'assistance administrative dans un délai d'une année. Afin de pouvoir respecter ce délai, l'AFC a mis sur pied une organisation de projet et fait appel aux services d'une société externe. Il a fallu, en effet, agir au plus vite parce qu'une menace réelle et immédiate pesait sur la liquidité d'UBS, et par conséquent sur ses créanciers et ses clients, ainsi que sur l'ensemble du système financier et économique suisse.

Les coûts du traitement de la première demande d'assistance administrative du 16 juillet 2008 se sont montés à 1,5 million de francs. Le traitement de la deuxième demande, déposée le 31 août 2009 n'est pas encore terminé. Cependant les coûts engendrés pourraient, selon les estimations, atteindre 37 millions de francs.

Etant donné les circonstances particulières liées aux agissements d'UBS aux EtatsUnis, qui ont donné lieu au dépôt de deux demandes d'assistance administrative par l'IRS, il paraît justifié de facturer les frais engendrés à UBS. La mise à la charge d'une entité détentrice de l'information, à savoir une banque ou un autre intermédiaire financier, des coûts engendrés par une procédure d'assistance administrative n'est prévue par aucune base légale. C'est pourquoi le Conseil fédéral soumet aux Chambres fédérales un projet d'arrêté fédéral concernant la facturation à UBS des coûts engendrés par le traitement des deux demandes d'assistance administrative déposées par l'IRS.

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Message 1

Contexte

1.1

Demandes d'assistance administrative déposées par l'IRS concernant certains clients américains d'UBS

Le 16 juillet 2008, l'autorité fiscale américaine a déposé une demande d'assistance administrative auprès de l'Administration fédérale des contributions (AFC) au motif que de nombreux clients américains d'UBS avaient enfreint l'obligation de déclarer leurs revenus et le rendement provenant de la gestion de leur fortune par des sociétés sises hors du territoire des Etats-Unis. Après avoir examiné la demande, l'AFC a conclu que les conditions d'une assistance administrative au sens de l'art. 26 de la Convention de double imposition CH-USA1 étaient réunies. Elle a demandé, puis examiné les documents bancaires concernés. Le 18 février 2009, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a enjoint UBS de lui fournir les données concernant quelque 250 clients américains, données qu'elle a aussitôt transmises aux autorités américaines. Suite à cela, l'IRS a retiré sa demande d'assistance administrative le 19 mars 2009. Le jour même, l'IRS et le Département américain de la justice, ont intenté une action civile, exigeant la transmission de renseignements concernant 52 000 détenteurs de comptes. Les efforts déployés par la Confédération ont permis d'aboutir à la conclusion, le 19 août 2009, d'un accord sur une demande d'assistance administrative concernant les clients d'UBS. Conformément à l'accord conclu, les Etats-Unis sont tenus de retirer leur action civile. En lieu et place, ils ont déposé le 31 août 2009 une nouvelle demande d'assistance administrative portant sur 4450 comptes. La Suisse s'est engagée à traiter cette demande d'assistance administrative dans le délai d'une année. Pour être en mesure de respecter ce délai, l'AFC a mis sur pied une organisation de projet et a fait appel aux services d'une société externe.

La nécessité d'intervenir pour négocier avec les Etats-Unis et traiter rapidement les demandes d'assistance administrative s'était imposée parce qu'une menace réelle et immédiate pesait sur la liquidité d'UBS, et par conséquent sur les créanciers et les clients d'UBS, ainsi que sur l'ensemble du système économique et financier suisse.

La vulnérabilité d'UBS était déjà perceptible dès la fin du troisième trimestre 2008 au vu de la détérioration massive de la situation des liquidités, les retraits massifs de fonds de la clientèle, l'évolution insatisfaisante des
résultats financiers, l'érosion de la base de capital et le niveau problématique atteint par les positions d'actifs illiquides. L'intervention de la Confédération et de la Banque nationale suisse2 a certes permis de détendre quelque peu la situation. Cependant UBS demeurait vulnérable au début de 2009. Les gros titres incessants dans la presse et les doutes quant à l'avenir de la banque ont fait un tort considérable à sa réputation.

1

2

Convention du 2 octobre 1996 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu (CDI-USA-CH; RS 0.672.933.61).

Message du 5 novembre 2008 concernant un train de mesures destinées à renforcer le système financier suisse, FF 2008 8027.

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L'introduction d'une action en justice par le Département américain de la justice menaçait par ailleurs d'entraîner un conflit de souveraineté et un différend entre les ordres juridiques de la Suisse et des Etats-Unis. Au plus tard au moment où UBS aurait été enjointe par la cour civile compétente aux Etats Unis de livrer les pièces demandées, il ne lui serait resté d'autre choix que de violer soit le droit suisse, soit le droit américain. Si UBS avait alors refusé de livrer ces pièces, elle n'aurait certes violé ni le secret bancaire ni le droit pénal suisses. En revanche, pour avoir ignoré une injonction d'une cour civile américaine, elle aurait dû compter avec une astreinte très élevée et avec la réactivation de la procédure pénale à son encontre. Une réactivation de la procédure de mise en accusation d'UBS aux Etats-Unis par les autorités américaines de poursuite pénale, suite à un échec de la procédure civile, aurait été de nature à mettre sérieusement et directement en péril la survie de la banque. Les grands clients institutionnels américains et les collectivités américaines notamment auraient pu rapidement mettre un terme à leurs relations d'affaire avec la banque. Selon les estimations de la New York Fed, et en se fondant sur les enseignements de l'affaire Arthur Andersen, où la simple mise en accusation avait suffi pour mettre la société dans l'impossibilité de poursuivre son activité dans le monde entier, il fallait s'attendre à ce qu'UBS ne survive pas à une mise en accusation.

La chute prévisible d'UBS en cas de mise en accusation aurait à brève échéance mis en péril la fourniture de liquidités à l'économie suisse et déstabilisé de manière menaçante le système de trafic des paiements de la Suisse.

1.2

Coûts engendrés par les procédures d'assistance administrative

Le coût des négociations de conciliation menées suite à la procédure civile engagée aux Etats-Unis en 2009 s'est élevé à 1 million de francs, celui de la première demande d'assistance administrative du 16 juillet 2008 à 1,5 million de francs.

L'examen de la deuxième demande d'assistance administrative du 31 août 2009 n'est pas encore terminé. Cependant les coûts pour son traitement pourraient, selon les estimations, atteindre 37 millions de francs. Ce chiffre recouvre notamment le coût de l'organisation de projet mise sur pied par l'AFC, de même que les frais de personnel encourus par l'AFC pour le traitement de cette demande. Sont également compris les frais encourus par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de justice et police (DFJP), dans le cadre des négociations menées en vue de l'accord du 19 août 2009 ainsi que du protocole du 31 mars 2010 modifiant l'accord d'assistance. Ce chiffre ne comprend en revanche pas les coûts prévus pour l'augmentation du nombre de postes de juges du Tribunal administratif fédéral entre 2009 et 2011 (environ 8,6 millions de francs).

Les frais encourus pour l'aide fournie dans le cadre de la procédure civile engagée aux Etats-Unis ont pu être facturés à UBS en vertu de l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments3. Celle-ci prévoit, à l'art. 2, al. 1, que toute personne qui provoque une décision ou sollicite une prestation est tenue de payer un émolument. Même si l'aide apportée par la Confédération à l'occasion de la procédure civile engagée aux Etats-Unis visait avant tout à servir les intérêts du pays, les

3

RS 172.041.1

2926

prestations ont été fournies dans l'intérêt immédiat d'UBS, ce qui justifiait la facturation de ces frais.

En revanche, il n'existe aucune base légale pour mettre à la charge d'UBS des coûts supplémentaires. Il n'est en outre pas question pour la Confédération d'accepter une prestation volontaire d'UBS, sous peine de se voir reprocher de perdre son indépendance vis-à-vis d'UBS.

1.3

Absence de base légale

Il n'existe pour l'heure aucune base légale permettant de faire assumer les coûts engendrés par une procédure d'aide administrative à l'entité détentrice des informations, à savoir une banque ou un autre intermédiaire financier.

Une réglementation par voie d'ordonnance ne constituerait pas une base légale appropriée permettant de répercuter ces coûts, notamment pour les raisons suivantes:

4

­

Selon la doctrine et la pratique, toute personne qui a obtenu une prestation de la part d'une entité publique peut se voir facturer un émolument. Comme l'assistance administrative internationale a lieu entre Etats, c'est l'Etat étranger qui devrait être considéré comme le destinataire des prestations pour lesquels un émolument serait le cas échéant exigible. S'il s'agit de faire assumer les coûts pour une activité de l'Etat non pas par le bénéficiaire de la prestation, mais par un tiers, la redevance en question ne peut plus être considérée comme un émolument.

­

En vertu de l'art. 2, al. 1, de l'ordonnance générale sur les émoluments4, une personne qui «provoque» une décision est également tenue de payer un émolument. Cependant les décisions d'accorder l'assistance administrative visées ici ont été prises suite à des demandes émanant des autorités américaines. Ce sont ces demandes qui ont déclenché les procédures d'assistance administrative. Le fait que ces demandes aient été déposées pour faire la clarté sur des situations dans lesquelles est impliqué un justiciable suisse n'est en rien spécifique à la procédure visée. Le cas peut se présenter dans le cadre de n'importe quelle assistance administrative. Ce serait donner une interprétation indument extensive à l'art. 2, al. 1, de l'ordonnance générale sur les émoluments que de considérer qu'UBS a «provoqué» les décisions d'assistance visées et qu'elle peut donc être tenue de payer un émolument.

RS 172.041.1

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1.4

Mandat de la Délégation des finances

La Délégation des finances a avisé le Conseil fédéral, par courrier du 4 mars 2010, qu'elle n'était pas prête à renoncer à ce que ces coûts soient répercutés. Elle a invité le Conseil fédéral à élaborer une réglementation autorisant leur répercussion. La motion Fetz (10.3026) et la motion déposée par le groupe radical-libéral (10.3033) proposent également de lui conférer un mandat dans ce sens.

Par le présent message, le Conseil fédéral s'acquitte de ce mandat.

2

Commentaire de la réglementation proposée

2.1

Motifs pour la facturation des coûts

Face à la situation particulière engendrée par les agissements d'UBS aux Etats-Unis qui ont amené l'IRS à déposer deux demandes d'assistance administrative, la facturation des coûts encourus à UBS est justifiée. Les agissements d'UBS ont été déterminants dans la décision de l'IRS, non seulement de déposer les demandes d'assistance administrative, mais d'insister sur un traitement accéléré. Dans le cas d'espèce, UBS profite des activités déployées par la Confédération, qui lui permettent d'échapper à une procédure pénale aux Etats-Unis.

2.2

Forme de la nouvelle base légale

Le Conseil fédéral propose de créer une base légale permettant de mettre à la charge d'UBS les coûts présents et futurs encourus par l'administration fédérale par le traitement des demandes d'assistance administrative. Il n'est pas indiqué en revanche de mettre à la charge d'UBS les coûts occasionnés au niveau du tribunal administratif fédéral. L'indépendance des tribunaux doit également se traduire par le fait que, mis à part les émoluments judiciaires, leur coût est couvert exclusivement par le budget de l'Etat.

Le projet d'arrêté fédéral proposé, sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. c, de la Constitution (Cst)5, en relation avec l'art. 29, al. 2, de la loi du 13 décembre 2006 sur le Parlement6, est prévu pour les actes particuliers de l'Assemblée fédérale pour lesquels il n'existe pas de base légale.

Un des principes fondamentaux du droit suisse veut certes que les redevances ne soient pas perçues en fonction du cas particulier, mais qu'elles reposent sur une règle de droit générale. Pour la perception des coûts dans le cas particulier, il est préférable de renoncer à l'adoption d'une base légale générale, dès lors que le Conseil fédéral estime qu'il ne devrait pas y avoir de cas comparable dans un avenir prévisible. Si de tels cas devaient néanmoins se présenter, la question d'une base légale générale devrait être réexaminée.

5 6

RS 101 RS 171.10

2928

2.3

Teneur de la nouvelle base légale

Art. 1, al. 1 Les coûts, présents et à venir, encourus par l'administration fédérale au titre du traitement des demandes d'assistance administrative du 16 juillet 2008 et du 31 août 2009 présentées par l'autorité fiscale des Etats-Unis d'Amérique sont facturés à UBS.

Art. 1, al. 2 L'ensemble des charges imputables à UBS comprend les frais de personnel et les frais liés aux postes de travail engendrés directement par le traitement des deux demandes d'assistance administrative au sein de l'AFC (let. a) ainsi que le coût effectif de l'organisation de projet mise sur pied par l'AFC (let. e). Il englobe enoutre les frais de personnel et les frais liés aux postes de travail que d'autres unités administratives concernées, notamment celles du DFAE et du DFJP, ont comptabilisés au titre des négociations portant sur la conclusion de l'accord du 19 août 2009 ainsi que du protocole modifiant ce dernier du 31 mars 2010. Enfin, il inclut les coûts directs encourus au titre des investissements consentis dans le cadre du projet, notamment dans le domaine informatique (let. c), les coûts directs de voyage et de transport (let. d), ainsi qu'un supplément de 20 % sur les coûts de personnel directs à titre de participation appropriée aux frais généraux (let. b).

Art. 1, al. 3 Le Département fédéral des finances est compétent pour le calcul et pour la perception du total des montant d'us par UBS.

Art. 2 L'arrêté fédéral est sujet au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. c, Cst, en relation avec l'art. 29, al. 2, de la loi sur le Parlement. La date de l'entrée en vigueur sera fixée par le Conseil fédéral. L'arrêté fédéral a effet jusqu'au règlement complet des coûts facturés à UBS.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le règlement par UBS des coûts encourus par l'administration fédérale pour le traitement des demandes américaines d'assistance administrative du 16 juillet 2008 et du 31 août 2009 rapportera environ 40 millions de francs à la Confédération.

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3.2

Conséquences économiques

Le présent arrêté n'entraîne par de conséquences économiques directes.

4

Liens avec le programme de la législature

Compte tenu de ce qui précède, l'arrêté n'est annoncé ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 20117, ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 20118.

5

Constitutionnalité et conformité aux lois

L'arrêté fédéral est fondé sur l'art. 141, al. 1, let. c, Cst, en relation avec l'art. 29, al. 2, de la loi sur le Parlement, en vertu desquels les actes particuliers de l'Assemblée fédérale pour lesquels il n'existe pas de base légale prennent la forme d'un arrêté fédéral sujet au référendum.

7 8

FF 2008 753 FF 2008 8543

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