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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

l'appui financier de la Confédération en faveur de la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxéra.

(Du 7 mai 1907.)

Messieurs, Le phylloxéra fut découvert tout d'abord dans le canton de Genève, en 1874 ; sa présence était constatée en 1877 dans le canton de Neuchâtel, en 1886 dans lés cantons de Zurich et de Vaud, en 1896 en Thurgovie, en 1897 au Tessin, en 1905 dans les cantons d'Argovie et de Berne, enfin, en 1906, dans ceux du Valais et de Baie-campagne.

On sait que le phylloxéra est combattu par l'application du traitement dit extinctif ; aujourd'hui, cependant, la lutte ne peut plus être poursuivie partout de cette manière» Rappelons que le système extinctif consiste dans l'examen des racines de la vigne, lors des visites régulières effectuées durant l'été dans tous les vignobles infectés ou suspects, et dans l'intoxication des ceps malades au moyen du sulfure de carbone jusqu'à complète destruction de la souche et de l'insecte.

Il faut dire qu'il n'a pas été possible de détruire complètement le phylloxéra dans les divers vignobles où il a fait son

644 apparition ; la lutte est d'ailleurs rendue difficile par le fait que l'insecte est à peine visible et que, soit sous la forme agame, soit sous la forme sexuée, il se reproduit avec une rapidité prodigieuse.

Néanmoins, le système extinctif a rendu des services inestimables, en ralentissant la propagation de l'insecte et en empêchant l'infection générale de nos vignobles, restreignant l'infection à quelques hectares, tandis que dans tous les autres pays où la lutte n'a pas été menée avec la même énergie, sans en exclure ceux de même latitude et dont le sol présente les mêmes particularités que nos terrains, les vignobles furent rapidement détruits.

Ainsi, dans le département de l'Yonne, le phylloxéra a été découvert pour la première fois en 1884. Le gouvernement français décida d'appliquer le traitement extinctif, mais, en présence de la vive opposition qui se manifesta parmi les vignerons, la lutte dut être bien vite abandonnée.

En 1886, on y comptait 18 foyers sur une surface de 4 » 1887, » » » 42 i> T> » » » 8 » 1888, » » » 216 » » » » » 32 » 1889, » » » 620 » » » y » 68 » 1890, » » » 1,500 » » » -o » 180 » 1891, » » » des milliers de foyers sur une surf, de 500 » 1894, » » » des milliers de foyers sur une surface 10,000 hectares.

ha.

» » » » ha.

de

Au printemps de 1899, soit 16 ans après la première constatation du fléau, 12,390 hectares de vignes étaient complètement détruits dans l'Yonne, 12,050 hectares étaient infectés et 11,980 hectares seulement étaient encore indemnes.

Mettons en regard de ces chiffres les résultats obtenus dans le canton de Vaud : En 1901, soit 16 ans après la constatation du phylloxéra dans ce canton, la surface totale des vignes détruites était de moins de 50 hectares sur 6,585 hectares que compte le vignoble vaudois.1) .

D'après le dernier rapport officiel, la surface des vignes infectées en Autriche a augmenté, dans les années 1902 et 1903, de 22,127 hectares.

Le canton de Genève, qui était le plus exposé aux atteintes du mal par le fait de la proximité de nombreux foyers phylloxél

) J. Dutbur. Chronique agricole du canton de Vaud, n° 13, 1903.

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riques non détruits dans la zone, a dû en 1894 abandonner la lutte dans 15 communes du canton. La reconstitution en cépages américains y fut autorisée, car il n'était plus possible de trouver le personnel nécessaire auquel on aurait pu confier les opérations délicates de l'examen des racines et de la destruction des vignes infectées ; on eût été, en outre, embarrassé de recueillir les sommes nécessaires pour ces travaux, dont les dépenses d'ailleurs n'étaient plus en proportion avec les résultats obtenus.

En 1896 déjà, la reconstitution a dû être autorisée dans 22 communes, en 1898 dans 37 et, en 1900, dans tout le canton.

L'insecte ne s'est pas propagé avec moins de rapidité dans le canton de Neuchâtel ; la lutte y était successivement abandonnée : en 1895 dans les communes de Boudry, Bôle et Colombier, en 1896 dans celles de Cortaillod et de Bevaix, en 1897 à Cormondrèche, Corcelles et Peseux et dans une partie de la commune de Neuchâtel ; en 1900 dans la partie de la commune de Neuchâtel située à l'est de la gare, en outre dans les communes de La Coudre, d'Hauterive et de St-Blaise ; en 1902 à Cornaux, Cressier et au Landeron (partiellement) ; enfin, en 1904, à Thielle-Wavre, Marin, Epagnier et Cressier.

On essaya d'appliquer dans le cercle de Coppet (Vaud) le système cultural, qui consiste à n'introduire dans le sol que la quantité de sulfure de carbone nécessaire pour détruire une partie des phylloxéras, sans toutefois que le traitement nuise à la vigne. Mais les résultats furent si peu satisfaisants, que la méthode a dû être abandonnée. Ajoutons que le système cultural est appliqué notamment en France, dans les vignobles de première marque, dont le haut rendement justifie les dépenses nécessitées par les divers travaux et les fumures renforcées.

Comme dans tous les autres pays, les cépages indigènes, faits à nos sols, disparaîtront inévitablement et ne pourront plus être employés que comme greffons sur porte-greffe américains. Mais plus le traitement extinctif sera appliqué avec énergie, plus l'époque de la disparition complète des plants du ' pays sera retardée. On gagnera ainsi du temps pour recueillir des expériences nouvelles, afin de déterminer quels sont les porte-greffe qui s'adaptent le mieux à nos terrains et à nos cépages et qui conviennent le mieux à notre climat, puis aussi
pour être fixés sur les meilleures méthodes d'élevage des plants et les soins à leur donner.

D'ailleurs, rien n'a été négligé sous ce rapport, car, avec l'aide de la Confédération, il a été créé dans presque tous les cantons viticoles autant de champs d'essais de vignes améri-

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caines qu'il était permis de le faire pour ne pas exposer le reste du vignoble à l'infection phylloxérique.

Cependant bien des points ne sont pas encore élucidés ; de nouvelles espèces de cépages américains surgissent chaque jour, dont l'adaptation à nos terrains et à nos conditions doit ótre éprouvée ; alors même qu'on arriverait à découvrir le cépage idéal, nous devons procéder avec une extrême prudence dans la question de la reconstitution, car la replantation des vignobles à l'aide des porte-greffe américains provoque chez nous une révolution complète dans la culture de la vigne. La reconstitution d'une vigne, comme aussi le remplacement d'un cep, ne pourront plus s'effectuer par la méthode du provignage ou par la mise en terre d'une bouture non racinée; ces opérations ne pourront se faire qu'à l'aide de boutures greffées et racinées qui, à cet effet, auront été élevées dans des pépinières ad hoc.

Quant à la durée d'existence des vignobles à porte-greffe américains, aucune donnée précise ne peut nous renseigner à cet égard ; on ne sait donc pas quel est le laps de temps qui s'écoulera depuis le moment de la reconstitution jusqu'à celui où l'opération devra être renouvelée dans la même vigne.

En ce qui concerne les dépenses nécessitées par la reconstitution, on peut, en se basant sur les expériences faites chez nous, .établir assez approximativement le chiffre qu'elles atteindront. Elles ne sont cependant pas les mêmes partout et dépendent des salaires payés comme aussi de la nature du terrain. Pour prospérer, les vignes à porte-greffe américains exigent un sol meuble et profond ; à cet effet, on défonce d'habitude à 60-70 centimètres de profondeur, travail dont les frais s'élèvent à 20 francs au minimum par are, 25 à 30 francs dans la généralité des cas. Il y a lieu, à cet égard, de tenir compte du fait que la plupart de nos vignobles sont en coteau et souvent très éloignés des localités ; de plus, ils n'ont, du moins dans la Suisse allemande, jamais été défoncés si profondément, de sorte que les travaux seront entravés par les grosses pierres qu'on rencontre souvent dans le sous-sol et qui doivent Être extraites et transportées plus loin ou qu'on doit faire sauter à coup de mine.

Il faut ajouter aux frais de défonçage les dépenses occasionnées par l'achat des barbues greffées, qui,
actuellement, valent 15 centimes la pièce. Comme i) en faut 120 à l'are, ces dépenses peuvent être supputées à 18 francs, à quoi il y a lieu d'ajouter fr. 1. 50 pour les frais de plantation. Il s'ensuit que les dépenses nécessitées par la reconstitution des vignes peuvent

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être évaluées à 30-35 francs de plus par are que les frais du renouvellement par la méthode du provignage ou par la plantation de boutures non greffées. Cette évaluation est basée sur le fait que jusqu'ici le renouvellement des vignes ne portait que sur les vieilles souches épuisées, tandis que la reconstitution s'étend aussi bien aux jeunes vignes phylloxérées. qu'aux vieilles vignes et doit être opérée en une seule fois. Il y a lieu de ne déduire des dépenses nécessitées par la reconstitution (40-45 francs à l'are) que la moitié des frais occasionnés actuellement par le renouvellement usuel des vignes par le provignage ou la plantation de boutures et supputés à 16-20 francs à l'are.

En présence des dépenses très élevées que nécessite la reconstitution des vignes détruites par le phylloxéra, les cantons de Zurich, Berne, St-Gall, Schaffhouse, Argovie, Thurgovie, Tessin, Vaud, Valais, Neuchâtel et Genève, sur l'initiative du département de l'industrie et de l'agriculture de Neuchâtel, ont adressé une requête à notre département de l'agriculture, tendante à ce que la Confédération allouât des subsides en faveur de la reconstitution. L'allocation n'étant pas possible sur la base des dispositions légales actuelles, ils demandent, en même temps, que des propositions soient soumises aux Chambres.

En 1900 déjà 1 ), la commission du Conseil national chargée de l'examen du budget exprimait le désir que le Conseil fédéral modifiât le système adopté dans l'allocation des subsides en faveur de la lutte contre le phylloxéra, en ce sens que les subventions fussent accordées non seulement pour la destruction des vignes atteintes, mais aussi pour leur reconstitution ; à cet effet, le Conseil fédéral devait préparer la revision de l'article 12 de la loi concernant l'amélioration de l'agriculture, dont la teneur actuelle l'empêchait de donner suite au desideratum formulé par la commission. Ajoutons que ce voeu fut appuyé par M. le conseiller national Vincent.

Si jusqu'à ce jour il n'a pu être satisfait à ce désir, ni aux requêtes analogues présentées depuis, la cause n'en réside pas dans la méconnaissance de l'importance de la question et elle n'est pas due non plus exclusivement au fait que le chef du département de l'agriculture a été surchargé de travail par suite des négociations en vue de la conclusion des
traités de commerce, par la reprise de l'étude de la question des assurances, par l'organisation du congrès pour la protection ouvrière, etc. ; non, la raison principale consiste ici dans les craintes de tout genre ') Procès-verbal de la 17e séance du Conseil national suisse, du mercredi 19 décembre 1900.

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et de tout ordre qui s'opposent au subventionnement de la reconstitution des vignes et qui ont engagé 'l'autorité fédérale à s'entourer de tous les renseignements désirables et à demander le préavis d'experts.

Il fallait se demander tout d'abord s'il était admissible d'encourager la viticulture au moyen des subsides de l'Etat, alors que d'autres cultures plus importantes ou tout aussi importantes, comme la culture des céréales, la culture des plantes oléagineuses et textiles, ont périclité ou succombé, victimes des circonstances, sans que l'Etat soit intervenu pour venir en aide aux cultivateurs lésés ; l'Etat n'intervient pas non plus pour secourir les propriétaires de cerisiers, qui subissent de grosses pertes par suite de la maladie qui atteint leurs arbres et qui en détruit le plus grand nombre.

Voici les objections qui sont présentées contre cette argumentation et qu'on fait valoir pour justifier l'allocation des subsides fédéraux en faveur de la reconstitution du vignoble.

Si le but d'une mesure de ce genre devait être le maintien à tout prix d'une culture vouée de par les circonstances à une ruine certaine, comme le fut, il y a quelques années, la cultura des plantes oléagineuses et des plantes textiles, l'appui financier de l'Etat serait non seulement injustifiable, mais absolument inutile, car il ne conduirait pas au but. Pour la viticulture, toutefois, la gêne créée par le phylloxéra dans les régions fortement atteintes peut n'être que momentanée, puisqu'une mesure unique, savoir la reconstitution en plants américains greffés, en provoque la disparition. Mais vu les autres maux encore qui les affligent, peu de viticulteurs seront à même d'appliquer ce moyen sans l'aide de l'Etat; il est à craindre, par conséquent, qu'une branche importante de la production agricole ne vienne de nouveau à disparaître. Et pourtant la culture de la vigne est une des plus belles et des plus productives ; sur la même surface, elle procure plus de travail et de gain que toute autre. D'ailleurs, il faut dire que chez nous elle est combinée d'une manière rationnelle avec d'autres branches de l'agriculture. Ainsi les principaux travaux de la vigne se font en hiver et au premier printemps, c'est-à-dire à une époque où les prairies, par exemple, exigent peu de main-d'oeuvre. En outre, les membres de la famille,
femmes et enfants, trouvent à la vigne une occupation saine et agréable, qui est bien préférable au travail dans les fabriques. On ne peut assez insister, lorsqu'on porte un jugement sur l'exploitation viticole, sur l'avantage que nous venons de signaler, c'est-à-dire sur l'utilisation de la maind'oeuvre disponible à une époque où les autres travaux agricoles

649ne sont pas pressants. Qu'il suffise, enfin, de rappeler le fait que' d'énormes capitaux sont engagés dans la viticulture et que le sol des vignobles, en grande partie du moins, ne conviendrait ni à la production herbagère, ni à une autre culture, et l'on arrivera à la conclusion que laisser la viticulture se débattra dans l'état où elle se trouve actuellement serait une faute irréparable.

Le principal motif qu'on puisse invoquer contre le subventionnement de la reconstitution, c'est qu'une mesure de ce genre aura pour effet d'affaiblir la lutte proprement dite contre le phylloxéra ; les vignes indigènes succomberont donc plus rapidement que sous le régime d'aujourd'hui, lequel ne prévoit de subsides qu'en faveur de la lutte effective.

Comme nous l'avons montré plus haut, la reconstitution impose sans doute au viticulteur des dépenses bien supérieures à celles nécessitées par le renouvellement des vignes d'après la méthode actuelle. Mais ces dépenses en plus sont contrebalancées par le rendement plus élevé et plus précoce des.

vignes greffées.

Il est vrai que la précocité de la production des vignes greffées comparativement aux cépages non greffés ne se manifestera que dans les vignobles où, comme dans le canton de Vaud, le renouvellement des vignes s'effectue au moyen de boutures non racinées ; en effet, dans ce mode de culture, les vignes ne commencent à produire quelque peu que la quatrième année et ne sont en plein rapport que la cinquième ou la sixième.

Pour les vignes greffées, les résultats obtenus à l'établissement d'essais de Waedenswil ont établi que le rendement était nul la.

première année, qu'il atteignait 0 à 10 % d'une récolte normale la deuxième ( suivant le porte-greffe et le greffon ), 30 % en moyenne la troisième et 100 % la quatrième.Pour les vignes provignées, ces chiffres sont les suivants : la première année 20 à 25 %, la deuxième un peu moins, soit 15 à 20 %, la troisième 30 à 60 % et la quatrième 100 % du rendement normal.

Mais ce qui est plus important à établir, c'est le rendement supérieur des vignes greffées. Il est difficile toutefois de citer des chiffres précis, car cette production dépend surtout du porte-greffe, de la teneur en calcaire du sol et du climat. Le directeur de rétablissement d'essais de Waedenswil estime que cette plus-value ne dépasse pas
10 %, tandis que les rapports publiés dans la «Chronique agricole» du canton de Vaud, années 1904 et 1905, signalent des plus-values bien supérieures en faveur des vignes américaines (la proportion serait en moyenne

50

160: 100). Les rapporteurs mentionnent entre autres ce qui suit dans leurs conclusions : «Parcourant les renseignements donnés sur les vignes greffées établies dans notre vignoble, on est tout d'abord étonné des bons résultats fournis même par les vieilles vignes d'essais, plantées uniquement avec les anciens numéros fournis par la station viticole. Or, ces semis de Riparia, de Rupestris, de Riparia X Rupestris étaient pourtant bien inférieurs aux porte-greffe sélectionnés que nous possédons aujourd'hui».

Une vigne plantée en 1895 à la Fleurette, canton de Neuchâtel a produit en 1904, donc à l'Age de 10 ans, 19,5 hectolitres sur 750 mètres carrés. La partie correspondante non greffée, même surface, a produit 13,3 hectolitres, soit exactement 6 hectolitres de moins. *) Quelle que soit la plus-value réelle qu'accusent les vignes greffées sur américains, il est un fait certain, c'est que si la Confédération et. les cantons allouaient des subsides en faveur de la reconstitution, les viticulteurs préféreraient replanter immédiatement leurs vignes phylloxérées en plants américains que de les voir détruire petit à petit par les soins des agents phylloxériques.

La lutte ne pourrait plus être poursuivie avec l'énergie voulue, si elle devait, se faire contre la volonté des populations viticoles intéressées. A mesure que la lutte diminue d'intensité et que la surface reconstituée augmente, la vigne indigène disparaît plus rapidement, car chaque porte-greffe américain, une fois phylloxéré, devient un foyer permanent d'où l'insecte rayonne et se propage constamment.

L'importance de cet argument n'échappe pas non plus aux partisans de la participation financière de l'Etat ; seulement ils objectent que, dans les contrées où la lutte est devenue inutile et sans espoir, où les visites et les recherches continuelles, ainsi que les nombreux vides, occasionnent des dommages énormes à la viticulture, -- tandis que les travaux de recherches, de destruction et de désinfection, de même que les indemnités pour la récolte pendante, grèvent les budgets de la Confédération et des cantons, -- il est indiqué d'abandonner le système extinctif et de recourir à la reconstitutioa.

Les recourants partent de l'idée -que la Confédération, à l'instar de ce qu'elle fait pour l'amélioration du sol, doit allouer ') 16e Rapport annuel de l'école cantonale de viticulture à Auvernier, année 19''4.

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en faveur de la reconstitution un susbide s'élevant au même chiffre que la subvention accordée par le canton. A cet égard, le chef du département de l'agriculture du canton de Neuchâtel arnive à des conclusions identiques à celles formulées par son collègue de Genève; bien que les chiffres pris comme base dans le calcul des subsides ne soient pas concordants. Tous les deux admettent que la subvention devrait être de 1500 francs à l'hectare.

Dans son rapport (voir au dossier), le directeur de l'établissement d'essais de Waedenswil propose de fixer comme suit le montant de la subvention fédérale, sous réserve de l'allocation d'un subside cantonal équivalent : 1. Pour l'achat de bois américains de sortes reconnues bonnes, subside de 25 °/0, ou environ .

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.

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.

.

. fr. 80 à l'hectare 2. Pour les travaux de défonçage, subside de 25 °/0, ou au maximum de .

» 500 >

»

3. Pour la plantation de plants racines et greffés, subside de 25 °/0, on au maximum de .

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soit, au total, environ

fr. 980 »

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Ledit rapport ajoute en outre : «En considération du fait que los dépenses incombant au propriétaire même s'élèveraient à beaucoup plus de 2000 francs, à quoi il y aurait lieu d'ajouter les faux-frais, la perte momentanée des récoltes, les pertes d'intérêts, etc., on peut admettre que bon nombre de vignes situées à des endroits peu propices ou en terrain plat ne seraient plus reconstituées. Nous serions donc plutôt au-dessous de la réalité en disant que, sur les 24,000 hectares de ' vignes que nous possédons, pas plus eie 20,000 hectares ne seraient reconstitués à partir de maintenant. La Confédération participerait alors à la reconstitution pour une somme totale d'environ 19,6 millions de francs ; en d'autres termes, si l'on admet que la reconstitution s'étendrait sur une période de 30 ans, la Confédération devrait inscrire à son budget un crédit annuel d'environ 650,000 francs.» Si la Confédération donnait, suite aux requêtes formulées par les représentants de Neuchâtel et de Genève, le montant

652 total de ses prestations en faveur de la reconstitution s'élèverait à 30 millions de francs (1500 francs X 20,000 hectares). Faisons remarquer toutefois, en ce qui concerne la superficie totale qu'occupé la culture de la vigne en Suisse, que le dernier volume de l'<(Annuaire statistique de la Suisse» signale 28,184 hectares et non pas seulement 24,000 hectares. En outre, il y a lieu de tenir compte du fait que plus la quotité de la subvention fédérale sera élevée, plus la surface reconstituée, comme aussi la rapidité avec laquelle la reconstitution s'effectuera, augmenteront.

Le vignoble suisse diminue chaque année d'étendue. Depuis le commencement du siècle dernier, des milliers d'hectares de vignes ont dû faire place à des cultures plus rémunératrices, bien qu'on ne connût alors ni le phylloxéra, ni la plupart des maladies cryptogamiques et autres qui affligent notre viticulture.

La production viticole, dans les autres pays, non seulement jouit de conditions climatologiques plus propices que chez nous, mais bénéficie des moyens de transport et de communication dont on dispose aujourd'hui. Les petits vignobles ou les terrains qui pourraient être occupés par des cultures plus rémunératrices que la vigne en souffrent nécessairement et, à la longue, il ne sera pas possible, dans ces régions, de lutter avec succès contre la concurrence étrangère, même avec l'appui financier de l'Etat.

Mais, malgré toutes les craintes et les raisons invoquées, auxquelles d'ailleurs on pourrait encore en ajouter d'autres, la Confédération ne pourra prendre une attitude expectante et assister sans mot dire à la disparition successive du vignoble.

Comme du passé, elle subventionnera les stations cantonales d'essais viticoles, dont l'activité est consacrée principalement à la lutte contre le phylloxéra et à la reconstitution ; en outre, rétablissement de Waedenswil devra de plus en plus s'occuper des questions intéressant ces deux points.

L'Etat fera bien aussi de subventionner l'achat des bois américains et de fixer les conditions auxquelles les particuliers peuvent se les procurer. Ainsi, les bois américains qui serviront de porte-greffe ne devraient pas être achetés directement par les viticulteurs. Le commerce de cette marchandise est devenu très actif et a créé une véritable industrie. Chaque année, les
marchands amènent sur le marché de nouveaux numéros, pour lesquels est faite une réclame effrénée. Il s'agit souvent de sortes qui n'ont pu être éprouvées et dont on n'a pas encore établi si elles conviennent réellement aux terrains pour lesquels elles sont prônées, ou d'espèces dont la dénomination a été simplement modifiée.

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On ne peut avoir de garantie au sujet de la qualité des bois
L'auteur d'un rapport présenté à notre département de l'agriculture proposait d'allouer un subside fédéral s'élevant à 25 % du prix d'achat des bois et d'engager les cantons à venir en aide aux vignerons besogneux par l'allocation de prêts sans intérêts ou à intérêts réduits, couverts par première hypothèque et remboursés par annuités. La Confédération aurait pris à sa ·charge la moitié des dépenses résultant des pertes d'intérêts.

Mais cette proposition, bien qu'elle eût dissipé en grande partie les craintes rappelées plus haut, n'a pas trouvé d'écho ·dans la conférence convoquée par le département, à laquelle .prenaient part des délégués des cantons viticoles.

C'est en nous inspirant des délibérations de cette conférence que nous avons élaboré le projet d'arrêté fédéral dont le texte suit ; nous donnerons à ce sujet les .quelques explications que voici : Les vignes résistantes, ne trahissant d'aucune façon à l'extérieur la présence du phylloxéra qui vit sur leurs racines, constituent un danger continuel pour les vignes indigènes. Dès 'ors, la reconstitution des vignobles ne saurait être libre ; elle devra être autorisée par le Conseil fédéral, après examen des propositions des cantons. Une autorisation de ce genre a déjà été donnée pour les cantons de Neuchâtel et de Genève et pour ^certaines régions du vignoble vaudois.

Dans la règle, l'autorisation de reconstituer un vignoble ·en plants résistants ne sera accordée que si de grandes surfaces y ont été détruites par l'insecte. En pareil cas, on ne saurait raisonnablement exiger des propriétaires la reconstitution de leurs vieilles vignes au moyen de cépages indigènes, destinés, tôt ou tard, à succomber aux atteintes de l'insecte. Les dispositions de l'arrêté fédéral se rapportent donc aux vignes « menacées », c'est-à-dire aux vignes dans lesquelles la lutte contre l'insecte ne peut plus être poursuivie avec succès. L'article 2 du projet stipule que les autorités cantonales ont seules le droit d'importer des bois américains et l'article 3 impose aux
cantons l'obligation de surveiller l'emploi de ces bois.

Par ces mesures, l'Etat veut protéger d'une part le viticulteur contre la mauvaise foi de certains pépiniéristes, qui fournissent des bois de qualité inférieure ou dont la désignation est

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fausse, et empêcher, d'autre part, l'achat et la plantation d'espèces qui ne conviennent absolument pas. La teneur en calcaire d'un sol ne peut dépasser un certain degré sans que divers cépages américains en souffrent : ils sont atteints de chlorose et dépérissent peu à peu ; de plus, diverses sortes réussissent mieux dans un terrain lourd, d'autres dans une terre légère.

Le succès des travaux si coûteux de la reconstitution dépend ainsi du cépage, qui doit être choisi selon la nature du terrain à reconstituer et son exposition. L'Etat a donc l'impérieux devoir de renseigner et de guider les viticulteurs et de recueillir, pour en déduire des conclusions positives, les résultats des nombreuses expériences auxquelles ont procédé et procèdent continuellement encore les diverses stations d'essais dans les différentes régions de notre vignoble. Il va de soi que les cantons ne devront tirer aucun profit de la vente des bois américains. En revanche, on ne peut leur demander de prendre à leur change une partie des frais d'achat, ces frais n'étant pas la principale dépense. Il serait certes désirable que notre pays se mît aussi à produire de ces bois pour obtenir des porte-greffe faits au climat et à nos sols. Mais en fournissant les bois étrangers au prix de revient, les cantons entraveraient par là justement la création de pépinières, à moins que, ne voulant pas se borner à contrôler le commerce des tois, ils ne s'en réservent le monopole exclusif ; c'est là une solution admissible et que nous pourrions recommander.

Les articles 4 et 5 concernent l'allocation des subsides fédéraux. La subvention n'est accordée qu'une seule fois et seulement pour les vignes détruites par le phylloxéra ou fortement menacées qui sont reconstituées pour la première fois. L'allocation de subsides sera donc refusée pour la création de vignes nouvelles comme aussi pour la reconstitution de vignes qui ont déjà été replantées en cépages américains. Le propriétaire qui voudra créer une nouvelle vigne, alors même que ce serait pour remplacer une autre parcelle abandonnée, devra le faire à ses risques et périls, sans compter sur les secours de l'Etat. De même la Confédération ne pourra contribuer à la réparation de fautes commises lors d'une première reconstitution, en allouant des subsides pour une seconde.

Le montant de la
subvention fédérale ne peut être plus élevée que l'allocation cantonale, ni dépasser 12 centimes par cep.

Les vignes américaines greffées se développant beaucoup plus que les vignes indigènes et devant ainsi disposer de plus d'espace, les plants seront mis en terre à une plus grande distance les uns des autres, soit en général à 90 cm. Aussi, pour ne pas favoriser une plantation plus serrée, la subvention a-t-elle été limitée à 15 centimes par m2.

655 La fixation du chiffre de la subvention fédérale d'après le nombre des ceps plantés dans les conditions voulues facilite le contrôle, surtout dans les régions, comme au Tessin, où la vigne est plantée en lignes avec cultures intercalaires.

11 est bien entendu que le maximum du subside ne sera accordé que pour la reconstitution des vignes détruites par le phylloxéra ou par le service phylloxérique, et non pour la reconstitution des vignes indemnes ou peu endommagées, situées dans la région phylloxérée, qui, pour cause d'âge ou pour toute autre raison, doivent être renouvelées.

Il nous paraît aussi que les subsides fédéraux et cantonaux devraient être gradués selon la situation financière des propriétaires.

Remarquons d'ailleurs que les allocations de l'Etat sont très élevées, puisqu'elles peuvent atteindre 3000 francs par hectare, de sorte que la participation financière de la Confédération à la reconstitution du vignoble suisse peut être évaluée à 30,000,000 francs, même en n'accordant le maximum du subside que lorsqu'il serait parfaitement justifié.

En outre , si l'on considère que la Confédération a payé aux cantons depuis 1874, c'est-à-dire depuis la constatation du phylloxéra en Suisse (voir le tableau ci-annexé), une somme de fr. 2,428,491. 97 pour combattre le fléau, sans compter d'autres dépenses directes, qu'elle a subventionné les stations cantonales d'essais viticoles et les champs d'essais, dont l'objet principal était la lutte contre le phylloxéra et la reconstitution des vignobles, on reconnaîtra qu'aucun autre pays n'a, proportionnellement, fait d'aussi gros sacrifices dans ce domaine. L'allocation annuelle des subsides de la Confédération doit donc être limitée, comme le prévoit l'article 5 du projet de loi, aussi bien pour des raisons financières que pour conserver aussi longtemps que possible la vigne indigène, faite à nos sols et à notre climat.

De plus, les subsides prévus à l'article 12 de la loi du 22 décembre 1893 concernant l'amélioration de l'agriculture, en faveur de la lutte contre le phylloxéra, seront alloués comme par le passé.

Nous résumons notre exposé comme suit : L'expérience a prouvé que la vigne indigène ne pouvait résister au phylloxéra et que la destruction complète de l'insecte était impossible. Pour maintenir nos vignobles, nous devons donc recourir à la reconstitution, au moyen de plants américains greffés et résistants, des vignes détruites par le phylloxéra.

656 L'importance capitale qu'offre la viticulture au point de vue de l'économie publique, comme aussi le fait que les meilleurs vignobles sont précisément ceux qui s'approprient le moins pour une autre culture rémunératrice, justifient pleinement l'appui financier de la Confédération et des cantons en faveur de la reconstitution.

Nous vous recommandons l'adoption du projet d'arrêté ciaprès et vous présentons, monsieur le président et messieurs, .les assurances de notre haute considération.

Berne, le 7 mai 1907.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, MÜLLER.

Le 7er vice-chancelier, SCHATZMANN.

Annexe : .Aperçu des subsides fédéraux alloués aux cantons en faveur de la lutte contre le phylloxéra.

65.7

Arrêté fédéral concernant

l'allocation de subsides fédéraux en faveur de la reconstitution, au moyen de plants résistants, des vignes détruites ou menacées par le phylloxéra.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la C O N F É D É R A T I O N SUISSE

,

Vu le message du Conseil fédéral du 7 mai 1907, arrête : Article premier. La reconstitution des vignobles au moyen de cépages résistant au phylloxéra ne peut avoir .lieu qu'avec l'autorisation du Conseil fédéral et sur la proposition qui lui en est été faite par les cantons.

Cette autorisation est refusée si, dans le vignoble pour lequel la demande est présentée, il est possible de lutter avec succès contre le phylloxéra.

Art. 2. Les cantons ont seuls la faculté d'importer des bois américains. Ils doivent les remettre, aux viticulteurs autorisés à reconstituer leurs vignes et aux pépiniéristes produisant des bois américains ou des plants greffés, à un prix qui ne dépasse pas lo prix de revient.

Veuille fédérale suisse. Année LIX. Vol. III.

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Art. 3. Les cantons surveillent les pépinières productrices de bois américains et de plants résistants; ils publient des prescriptions réglementant le commerce de ces bois et, plants.

Art. 4. Un crédit de 500,000 francs sera inscrit chaque année au budget de la Confédération pour subventionner la reconstitution en plants résistants des vignes détruites ou fortement menacées par le phylloxéra. La subvention n'est accordée pour la même vigne qu'une seule fois et seulement si celle-ci n'a jamais été reconstituée. L'allocation en a lieu aux conditions suivantes : a. Les cantons doivent avant le commencement des travaux soumettre au Conseil fédéral, pour approbation, leurs propositions sur la manière dont ils ont l'intention de subventionner la reconstitution des vignobles; b. les demandes de subsides se rapportant aux travaux à exécuter l'année suivante doivent être remises par les cantons au Conseil fédéral avant le 15 août de chaque année. Aucune subvention ne peut être accordée pour les travaux de reconstitution commencés ou exécutés avant que les demandes aient été présentées; c. les cantons adressent au Conseil fédéral, avant le 1er mai de chaque année, le rapport et les comptes, accompagnés des pièces justificatives, se rapportant aux sommes déboursées par eux en faveur de la reconstitution des vignobles. Ils sont tenus de faciliter la tâche des experts chargés d'examiner et de contrôler les travaux de reconstitution ; d. si la reconnaissance des travaux en a établi la bonne exécution, la Confédération rembourse aux

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cantons la moitié des dépenses effectuées. L'allocation fédérale ne peut toutefois dépasser 12 centimes par cep ou 15 centimes par m2.

Art. 5. Si le total des subsides sollicités dépasse le montant du crédit budgétaire, le Conseil fédéral procède à une réduction correspondante des allocations ou renvoie à l'année suivante le subventionnement d'une partie des projets de reconstitution.

Si le crédit d'un exercice n'est pas épuisé, le solde en est versé dans un fonds de réserve, qui sert à parfaire, en cas d'insuffisance, les crédits budgétaires des exercices subséquents.

Art. 6. Le Conseil fédéral publiera les dispositions, nécessaires pour assurer l'exécution du présent arrêté.

Art. 7. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et les arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer la date de son entrée en vigueur.

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# S T #

Arrêté du Conseil fédéral expulsant

les nommés Mambelli, Di Leo, Mariani et Catella, pour usage criminel de matières explosibles.

(Du 3 mai 1907.)

Le Conseil fédéral suisse, Vu le rapport présenté par le procureur général de la Confédération, rapport duquel résulte que les individus ci-après dénommés : 1 Mambelli, Giuseppe, de Meldola, province de Forli (Italie), né le 17 juillet 1889, fils de Luigi et de Maria Rovejoli, célibataire, sans profession ni occupation déterminée, domicilié Schöneggstrasse, n° 34, à Zurich, qui n'a pas encore subi de condamnation, arrêté le 20 novembre 1906, actuellement détenu préventivement au pénitencier cantonal de Regensdorf (Zurich) ; 2 Di Leo, Alvaro, de Palerme (Italie), né le 27 juin 1885, fils de Gaetano et d'Oliva Tinnavo, célibataire, manoeuvre, domicilié Martastrasse, n° 132, à Zurich, qui n'a pas encore subi de condamnation, arrêté le 25 août 1906, actuellement détenu préventivement au pénitencier cantonal de Regensdorf (Zurich) ; 3° Mariani, Luigi, de Nervesa, province de Trévise (Italie), né le 17 mai 1871, fils de Giuseppe et de Luigia Rossi, marié à Catherine Müller, père de sept enfants, tailleur de pierre, domicilié Kerngasse, nc 24, à Zurich, qui n'a pas encore subi de condamnation, arrêté le 27 octobre 1906, actuellement détenu préventivement à la caserne de la police cantonale de Zurich ;

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'appui financier de la Confédération en faveur de la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxéra. (Du 7 mai 1907.)

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1907

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22

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22.05.1907

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