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du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à

l'appui d'un projet de loi fédérale sur les stupéfiants.

(Du 12 février 1924.)

L'Assemblée fédérale vient d'être saisie d'un message par lequel nous lui demandons d'approuver la convention internationale de l'opium, conclue à La Haye en 1912 et signée par la Suisse eu 1913.

Cette convention exige, comme nous l'avons exposé, des Etats qui l'ont ratifiée, qu'ils instituent une réglementation stricte de l'importation et de l'exportation, de la fabrication et du commerce des stupéfiants, pour empêcher l'usage abusif de ces produits et prévenir les maux qui en résultent.

Il convient donc, dès qu'on envisage la ratification de cet acte international, de songer à son exécution et de préparer, du moins en ce qui concerne les principes directeurs, la législation nécessaire.

Sur quelle base cette législation doit-elle être établie 1 Telle est la première question que nous devons examiner.

La solution qui apparaît au premier abord comme la plus logique est celle qui laisserait entièrement aux cantons le soin de réglementer toute cette matière, puisque la législation sur le commerce des produits pharmaceutiques est demeurée jusqu'ici de leur ressort exclusif. Mais il nous paraît qu'en procédant ainsi, on réaliserait difficilement le contrôle efficace qui est le but essentiel de la convention de La Haye.

Les législations cantonales varieront toujours notablement, quoi qu'on fasse, d'un canton à l'autre, influencées qu'elles seront par des mentalités, des conceptions et des coutumes

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différentes, et il en sera de même de leur application. Il suffirait en outre, dans une matière qui prête mieux que toute autre aux abus et aux agissements frauduleux, de la carence d'un seul canton, pour rendre illusoire ce que les autres ·auraient fait et pour enlever au contrôle que nous voulons instituer, la plus grande partie sinon la totalité de son efficacité.

Il np.us paraît donc désirable que la question soit réglée par le moyen d'une législation fédérale. Nous aimons à penser que les cantons seront satisfaits que la Confédération leur mette dans les mains les moyens de réprimer des abus dont quelques-uns ont déjà reconnu la gravité, et que ceux qui se .sont déjà donné des législations adaptées, aux circonstances actuelles et justement inspirées par le désir de réprimer, ces -abus, comprendront la nécessité d'une action commune ap.puyée sur une législation .unifiée.

Mais cela admis, une nouvelle question se pose : La Confédération a-t-elle le droit de légiférer sur cette matière 1 Dans notre message à l'appui de la ratification de la convention de la Haye, nous avons déjà répondu à cette questio.n et nous vous avons donné les raisons pour lesquelles nous croyons que l'article 69 de la Constitution fédérale est applicable en l'espèce. Nous ne voulons pas revenir sur l'argumentation que nous avons déjà développée; nous voudrions seulement insister sur un point de cette argumentation, celui par lequel nous avons répondu à ceux qui, invoquant non pas l'esprit de l'article 69, mais sa lettre même, soutiennent que cet article ne vise que les maladies microbiennes (c'està-dire les maladies transmissibles) et n'est pas applicable, de toute façon, à la lutte contre le morphinisme et le coeaïnisme. Il suffit, disons-nous, dans notre exposé relatif à la convention de La Haye, après avoir commenté le texte de cet article, de lire le message du Conseil fédéral du 20 décembre 1911 à l'appui de la revision de l'article 69, pour se convaincre des intentions du législateur. Or, voici ce que nous trouvons à la page 8 de ce document : « II faut se rappeler que « les maladies transmissibles ne sont pas seules à faire de «grands ravages parmi la population; beaucoup d'autres, qui « ne sont pas transmissibles ou du moins ne sont pas reeon« nues comme telles, nous coûtent aussi de nombreuses vies « humaines, diminuent aussi les forces vives du pays et cons« tituent aussi des fléaux sociaux contre lesquels laConfédéVeuille fédérale. .76« année. Vol. I.

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« ration doit pouvoir intervenir. Nous vous demandons par « conséquent de donner au nouvel article 69 de la Constitu« tion une rédaction telle gué la Confédération ait désormais « la possibilité de légiférer aussi sur les maladies qui, sans «être transmissibles, revêtent du fait de leur extension et «de leur malignité, un caractère particulièrement dange« reux. » L'Assemblée fédérale a fait sienne cette manière de voir en acceptant les propositions du Conseil fédéral et dès lors les intentions du législateur, en ce qui concerne le domaine d'application de l'article 69, nous apparaissent parfaitement claires : « maladies diminuant les forces vives du pays », « fléau social» ; on ne saurait, à notre avis, donner une meilleur définition du morphinisme et du cocaïnisme, ni un meilleur argument en faveur de l'opinion que nous soutenons ici et suivant laquelle l'article 69 leur est applicable, et peut servir de base à une législation fédérale sur le commerce des stupéfiants.

Le droit pour la Confédération de légiférer, sur le commerce des stupéfiants étant ainsi démontré pour nous, nous avons dû nous demander de quelle façon il convenait d'en faire usage. Nous aurions pu demander aux Chambres, une fois l'approbation de la convention de La Haye prononcée, de nous autoriser à prendre les mesures nécessaires en vue de son application. Mais il nous a paru plus convenable et plus conforme à nos usages parlementaires de donner à l'Assemiblée fédérale la possibilité de se prononcer en toute connaissance de cause et de lui indiquer quels étaient, à notre avis,, les principes directeurs qui devaient être à la base de la nouvelle législation. Nous avons donc chargé notre département de l'intérieur de préparer un projet de loi sur le commerce des stupéfiants, dans lequel devaient être formulés ces principes.

Mais avant d'arrêter les termes définitifs de son projet, ce département a cru nécessaire d'en' soumettre une première rédaction aux gouvernements cantonaux; d'abord, parce qu'il s'agit d'une matière qui a relevé jusqu'ici exclusivement des législations cantonales, puis, parce que l'assentiment préalable des cantons devait, semblait-t-il, faciliter, dans une large mesure la discussion dans le sein du Parlement.

Cette consultation, à laquelle vingt cantons ont répondu, a montré qu'ils approuvaient, dans leur très grande rnajo-

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rite, le projet qui leur était soumis. Trois seulement, ceux, de Zurich, de Baie-ville et de Neuchâtel, ont émis des doutes quant à sa constitutionnalité. Ils ont demandé en même temps, avec le canton d'Argoyie, que si cette question devait être tranchée dans le sens de nos propositions, la loi fît aux cantons la part la plus large possible en ce qui concerne son application. Pour le reste, les critiques et les observations des cantons ne portaient que sur des points de détail.

Quant à · ceux des gouvernements Cantonaux qui n'ont pas répondu, nQus avons pensé pouvoir admettre que leur silence équivalait à une approbation.

Notre département de l'intérieur, s'inspirant des résultats de cette consultation, a revu et remanié son projet de façon à tenir compte dans la plus large mesure possible des observations et des suggestions formulées par les gouvernements cantonaux, réserve faite de celles concernant la question de la constitutionnalité qu'il appartient à l'Assemblée fédérale de trancher. Et c'est le texte définitif de ce projet que nous vous soumettons aujourd'hui.

Notre projet de loi ne pose, nous l'avons déjà dit, que des règles générales, laissant au Conseil fédéral le soin de fixer, par voie d'ordonnance, les détails de son application.

Cette pratique n'est pas nouvelle : c'est celle qui a été généralement admise pour la plupart des lois fédérales actuellement en vigueur; elle est infiniment plus souple que celle qui consisterait à encombrer la loi de tous les détails, de son application, et elle permet d'adapter cette dernière aux nécessités qui peuvent naître des circonstances, sans être obligé de reviser périodiquement la loi elle-même.

Celle-ci doit réglementer la fabrication, l'importation, l'exportation et, d'une façon générale, le trafic tout entier des stupéfiants. Comment réaliser, par cette réglementation, le contrôle efficace que nous voulons instituer ? A notre avis, il n'est qu'un moyen de le faire : c'est de placer le trafic, dans son ensemble, sous le régime de l'autorisation préalable; autorisation pour la fabrication, autorisation pour l'importation et l'exportation, autorisation pour la vente en gros et en détail. Par ce moyen, nous arriverons à suivre toute quantité quelconque d'un stupéfiant depuis le moment où elle sort de la fabrique ou entre en Suisse jusqu'à celui où elle arrive au consommateur, c'est-à-dire au malade. Nous pourrons également exercer sur l'exportation le contrôle que nous aurons

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· assumé en vertu des stipulations de la convention de La Haye. Tout autre régime serait, à notre avis, inopérant; il nous paraît inutile d'insister plus longuement sur ce point, et nous arrêtons ici nos considérations générales pour, vous présenter un bref commentaire des articles de notre projet de loi.

L'article premier, énumère les produits auxquels les dispositions de la loi sont applicables : ce sont ceux qui sont mentionnés dans la convention de la Haye, auxquels nous avons ajouté la feuille de coca. Il nous a paru en effet nécessaire, puisque nous voulons contrôler la production de la cocaïne, de connaître en quelles quantités est importée et traitée la drogue dont elle est tirée, et d'appliquer par conséquent à celle-ci le régime admis pour l'opium1 brut, qui sert à préparer la morphine.

Une disposition de cet article autorise le Conseil fédéral à étendre, par voie d'ordonnance, les dispositions de la loi à tout nouveau dérivé de la morphine, de la cocaïne ou de leurs sels respectifs, à tout autre alcaloïde de l'opium et à d'autres produits pharmaceutiques analogues. Cette disposition nous paraît nécessaire pour éviter que la loi ne soit soumise à revision toutes les fois que devra être modifiée ou complétée la liste des produits auxquels elle s'applique. Mais il est évident, et le texte de l'article le dit expressément, que pour, qu'un nouveau produit soit soumis aux prescriptions de la loi, il faudra qu'en, aient été démontrées d'abord la nocivité et la possibilité d'un usage abusif entraînant les mêmes conséquences que la morphinomanie et la cocainomanie. C'est là d'ailleurs une disposition qui a été empruntée presque littéralement à la convention de La Haye. Nous lui avons donné cependant un caractère plus général qui permettra de l'appliquer, non pas seulement à l'opium, à la morphine, à la cocaïne et à leurs dérivés, mais à d'autres produits pharmaceutiques. Il n'est pas impossible en effet qu'une fois l'abus des stupéfiants usuels enrayé et, espérons-le, supprimé par l'application de la loi, on ne trouve d'autres produits pharmaceutiques pouvant produire les mêmes effets que recherchent les morphinomanes et les cocaïnomanes et qu'il ne se crée ainsi de nouvelles toxicomanies dangereuses. Il est donc utile de prévoir, dès maintenant, cette éventualité, de façon à permettre une intervention immédiate de l'autorité.

"L'article 2 est, du point de vue administratif tout au

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moins, la pierre d'angle de toute la loi. Il établit la répartition des opérations de contrôle entre l'autorité fédérale et les autorités cantonales. Pour tenir compte des voeux exprimés par les gouvernements cantonaux dans la consultation dont nous avons résumé plus haut les résultats, nous proposons que le commerce intérieur soit contrôlé par les autorités cantonales, en réservant toutefois la surveillance de la Confédération, surveillance qui nous paraît indispensable, d'abord pour assurer l'unité et l'efficacité de ce contrôle, puis . pour nous permettre de nous conformer à certaines des stipulations de la convention de La Haye, dont le Conseil fédéral doit assurer l'exécution. Nous reviendrons plus loin sur, ce point. Quant à l'importation et à l'exportation, c'est-à-dire au commerce extérieur, il nous paraît à peine nécessaire de faire remarquer que la Confédération seule peut en assurer, le contrôle, puisque c'est d'elle que dépendent les organes administratifs auxquels l'application en sera confiée.

IL'article 3 vise la fabrication et le commerce, qu'il fait dépendre d'une autorisation accordée par l'autorité cantonale compétente. Si nous avons crû devoir déférer, sur ce point, aux voeux exprimés par certains gouvernements cantonaux et leur remettre le droit, -- que nous voulions d'abord réserver à l'autorité fédérale -- d'accorder les autorisations, nous devrons demander que celles-ci soient contresignées par une administration fédérale désignée par nous, et ceci pour, une raison déterminante : une des stipulations de la convention de La Haye, que reproduit l'article 8 de notre projet, prévoit en effet que l'exportation à destination des pays qui auront adhéré à la convention ne sera permise qu'en faveurdés personnes ayant reçu les autorisations prévues par, les lois et règlements du pays importateur. Il en résulte que les autorisations dont il est question dans l'article que nous étudions en ce moment ne sont pas une affaire d'ordre purement intérieur; leur validité dépassera les limites de notre pays, C'est ainsi que les maisons suisses qui voudront importer les produits visés par la convention de La Haye ne le pourront que si elles sont autorisées par une administration suisse à faire le commerce de ces mêmes produits. Ces autorisations devront donc être communiquées aux Etats participant
à l'acte de La Haye. Or, nous n'ignorons pas que certains Etats étrangers pourraient, pour des raisons que nous n'avons pas à apprécier ici, soulever, des difficultés lorsqu'il s'agirait pour eux de reconnaître la validité d'une auto-

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risation délivrée par une administration cantonale, alors que ces mêmes Etats seront tenus de reconnaître les autorisations émanant du pouvoir fédéral, signataire de la convention de La Haye et responsable de son exécution. Si donc nous demandons que les autorisations cantonales soient contresignées par l'autorité fédérale, c'est dans l'intérêt même de notre industrie et de notre commerce; c'est pour leur épargner certaines difficultés, qui ont déjà commencé à se manifester et dont les conséquences ne seraient pas sans inconvénients pour eus. C'est là un point d'une réelle importance que nous pensons régler par une disposition spéciale de l'ordonnance d'exécution prévue au paragraphe 2 de l'article 3, suivant lequel le Conseil fédéral doit fixer par voie d'ordonnance les modalités, la teneur et la durée des autorisations.

Les autorisations dont nous venons de parler ici intéressent surtout la fabrication et le commerce de gros et demigros. Quant au commerce de détail, il occupe une situation spéciale. En fait, ce commerce, c'est celui des pharmacies, puisque c'est le pharmacien seul qui dispense au public les produits visés par la loi. Or, le pharmacien, du fait même qu'il est autorisé -- et l'exigence de cette autorisation se retrouve dans toutes nos législations cantonales -- à exploiter [une officine, l'est sans autre à dispenser des médicaments, y compris ceux dont nous nous occupons ici. Cela revient à dire que pour lui l'autorisattòn préalable existe déjà de par les législations cantonales, et ce serait par conséquent une superfétation de lui imposer une autorisation spéciale pour faire le commerce des stupéfiants. ~L'article A de notre projet dispense donc expressément les pharmaciens de toute nouvelle autorisation, mais nous avons eu soin de spécifier, pour éviter tout abus, qu'ils ne pourraient se procurer, détenir ou utiliser des stupéfiants que dans les limites de leurs besoins professionnels, et de réserver, en ce qui les concerne, l'application des législations cantonales. Nous avons assimilé, d'autre part, aux pharmaciens les praticiens (médecins, dentistes et vétérinaires) à qui les lois de divers cantons permettent, dans certaines conditions déterminées, -- lorsque, par exemple, il n'existe pas de pharmacie publique dans un rayon donné -- de dispenser des médicaments à leur clientèle.
ïi'article 5 vise un cas particulier qui ne relève pas du commerce proprement dit : celui des instituts scientifiques et des hôpitaux. Pour les premiers, il nous paraît évident

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qu'ils doivent pourvoir être autorisés à se procurer, à détenir et à utiliser les quantités de stupéfiants dont ils ont besoin pour leurs recherches scientifiques. Pour les hôpitaux, on pourrait se demander s'il est nécessaire d'exiger d'eux l'autorisation préalable. Il en est parmi eux, en effet, qui sont pourvus de pharmacies complètes dirigées par un personnel diplômé, et pouvant être assimilées, dans une certaine mesure, à une pharmacie publique; dans les cas de ce genre, nous pensons que l'administration cantonale pourra prononcer la dispense de l'autorisation, si elle le juge convenable et possible. Mais il est d'autres hôpitaux -- sans parler de ceux qui font préparer tous leurs médicaments chez un pharmacien de la localité -- qui n'ont que des pharmacies rudimentaires sans personnel spécialisé; ici, l'autorisation nous paraît nécessaire, comme condition première du contrôle plus précis auquel ces établissements doivent être soumis.

Les dispositions de l'article 6 (livraison de la marchandise permise seulement sur production d'un bulletin de commande visé par l'autorité cantonale compétente) et de l'article 7 (obligation imposée à tous les intéressés de tenir des registres d'entrée et de sortie des produits qui passent par leurs mains) sont la conséquence directe du régime de l'autorisation préalable. Ce sont ces dispositions qui constituent le contrôle proprement dit et quf permettront, comme nous l'avons dit plus haut, de suivre chez ses détenteurs successifs toute quantité quelconque d'un stupéfiant. Nous nous sommes d'abord demandé si leur place n'était pas dans les ordonnances d'exécution; mais il nous a paru, à tout bien considérer, qu'elles étaient suffisamment importantes pour être incorporées dans la loi.

Une disposition spéciale de l'article 6 autorise le Conseil fédéral à réglementer par voie d'ordonnance la dispensation, soit la vente au détail des stupéfiants, à titre thérapeutique, par les maisons et les personnes visées à l'article 4. C'est donc des pharmaciens et des praticiens qui leur sont assimilés qu'il s'agit ici. Nous avons dit plus haut qu'ils seront dispensés, les uns et les autres, de l'autorisation Préalable et nous avons expliqué pourquoi. Mais nous croyons, d'autre part, qu'il serait utile de fixer avec quelque précision, sans empiéter directement sur les
législations cantonales qui régissent l'exercice de la pharmacie, les conditions dans lesquelles devra se faire dans les pharmacies, la dispensation des stupéfiants, de façon à rendre le contrôle plus aisé et

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plus effectif. Des faits récents, que nous tenons, nous voulons le dire, pour exceptionnels, ont montré en effet combien-, le contrôle était nécessaire.

Jusqu'ici, nous n'avons eu à nous occuper que. du commerce intérieur. Avec l'article 8, nous passons au commerce extérieur. Cet article fait dépendre toute importation et toute exportation d'une autorisation préalable, qui devra être délivrée directement par le Conseil fédéral. Nous avons déjà dit plus haut, pourquoi il nous paraissait logique que le contrôle de l'importation et de l'exportation fût tout entier dans lèsmains de l'autorité fédérale, puisque ce sont les organes decette autorité qui devront l'appliquer. Et nous ne pouvons que répéter également ici >ee que nous avons dit, à propos de l'article 3, de la nécessité de l'autorisation fédérale pour tout ce qui concerne le commerce extérieur. Mais il va sans dire -- et l'article 7 le prévoit expressément -- que l'autorité fédérale n'accordera jamais une autorisation d'importation ou d'exportation, sans avoir demandé le préavis de l'autorité cantonale directement intéressée.

^article 9, qui interdit sans réserve aucune le trafic del'opium préparé (opium à fumer), n'exige pas de commentaire, l'opium à fumer ne présentant aucune importance pour le commerce et l'industrie de notre pays et la Suisse ayant tout intérêt à ce que cette drogue ne s'introduise pas chez, nous.

"L'article 10 peut se passer également de commentaires;, c'est une disposition de police administrative indispensable au bon fonctionnement du contrôle. Celui-ci pourrait devenir illusoire ou même impossible si ceux qui en sont chargés, n'étaient pas expressément revêtus des droits que leur confère cet article.

Nous passons maintenant aux dispositions pénales (art.

11 à 20). Nous ne croyons pas nécessaire d'entrer dans le détail de chacune d'elles, mais nous attirons tout particulièrement l'attention sur celles qui ûxent les pénalités dont seroiit passibles ceux qui contreviendront directement aux dispositions de la loi. Pour que celle-ci soit efficace, il est nécessaire que les pénalités infligées aux délinquants soient très lourdes : pour les amendes d'abord, étant donné les bénéfices colisidérables que procure le commerce illicite des stupéfiants et la tentation qui en résulte pour beaucoup; pour la prison ensuite, car il s'agit ici de délits très graves par les conséquences

29a funestes qu'ils peuvent avoir pour l'individu et pour la communauté. Il ne faut pas hésiter par conséquent à infliger à ceux qui s'en rendent coupables un emprisonnement correspondant à l'importance du délit. C'est en nous plaçant à ce point de vue que nous avons fixé le taux des pénalités et nous ne croyons pas qu'il soit trop élevé.

'L'article 16 prévoit que la confiscation de la marchandise devra être ordonnée, à titre de peine accessoire, dans les cas prévus à l'article 11, qui sont les cas de trafic ou de détentiojn illicite de stupéfiants. La nécessité de cette disposition nous paraît évidente; il faut en effet que la marchandise qui a fait l'objet du délit, soit enlevée à ses détenteurs par l'autorité compétente et ne puisse pas être remise dans la circulation par des voies illicites; agir autrement, ce serait éneryer.

l'action pénale et lui enlever une bonne partie de son efficacité. Une disposition des ordonnances d'exécution fixera le sort des marchandises confisquées.

Les autres articles de ce chapitre ne sont autre chose
Parmi les dispositions transitoires nous vous signalerons celle de l'article ai, suivant laquelle le Conseil fédéral édictera les ordonnances d'exécution nécessaires pour l'application de la loi. Nous vous avons déjà dit, au début de ce message, pourquoi il nous avait paru inutile de faire figurer dans la loi les détails de son application et nous ne reviendrons pas sur ce point. Ce même article 21 prévoit que le Conseil fédéral fixera les taxes à percevoir par les cantons pour l'exécution du contrôle qui leur incombe. S'il paraît légitime que les cantons puissent compenser, dans une certaine mesure, par le moyen de taxes, le surplus de besogne que la nouvelle législation imposera à quelques-unes de leurs administrations, nous estimons cependant qu'il est nécessaire d'avoir une certaine unité dans la perception de ces taxes, et c'est pour, cela que nous avons cru devoir nous réserver le droit de régler ce point par des prescriptions générales.

Nous ajouterons encore que lorsqu'il s'agira de prépares les ordonnances d'exécution de la loi, nous ne manquerons pas des consulter les autorités cantonales et les milieux industriels et commerciaux que la nouvelle législation intéresse plus particulièrement.

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Telle est, ramenée à ses grandes lignes, la structure du projet de loi que nous vous soumettons.

La promulgation d'une loi de ce genre s'impose, selon nous, si nous voulons appliquer loyalement les stipulations de la convention de La Haye, que nous vous demandons également d'approuver. D'autre part, l'intérêt même de notre industrie et de notre commerce nous paraît exiger une loi de ce genre. Celle-ci permettra, par le contrôle qu'elle institue, de garantir la légitimité de notre trafic des stupéfiants; elle enlèvera tout motif à certaines difficultés que l'absence de ce contrôle avait déjà suscitées à l'égard de notre commerce chez quelques Etats étrangers. Elle nous donnera enfin les armes nécessaires pour prévenir et combattre dans notre pays les maux qui peuvent résulter de l'abus des stupéfiants, contre lequel des voix autorisées nous ont mis en garde.

Pour tous ces motifs, nous vous demandons d'approuver le projet de loi que nous vous soumettons.

Berne, le 12 février 1924.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération^ CHUARD.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

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{Projet.)

LOI FÉDÉRALE sur

les stupéfiants.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la Convention internationale de l'opium du 23 janvier 1912; vu l'article 69 de la Constitution; vu le message du Conseil fédéral du 12 février 1924, arrête : I. Dispositions générales.

Article premier. La fabrication, la préparation, l'importation', l'exportation, la détention, la possession, rachat, la vente et la cession des produits ci-après désignés sont soumis au contrôle institué par la présente loi, à savoir : l'opium sous toutes ses formes; la morphine et ses sels, de même gué les préparations contenant plus de 0,2 % de morphine; la diacétylmorphine (héroïne) et ses sels, de même que les préparations contenant plus de 0,1 % d'héroïne; les feuilles de coca; la cocaïne et ses sels, de même que les préparations contenant plus de 0,1% de cocaïne.

Le Conseil fédéral est autorisé à étendre pajj voie d'ordonnance les dispositions de la présente loi à tout nouveau dérivé de la morphine, de la cocaïne ou de leurs sels respectifs, à tout »autre alcaloïde de l'opium, ou à tous autres prpduits pharmaceutiques dont les recherches scientifiques au-

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ront démontré qu'ils peuvent donner lieu, comme la morphine, la diacétylmorphine (héroïne) et la cocaïne, à un usage abusif suivi des mêmes effets nocifs.

Art. 2. Le contrôle prévu à l'article premier de la" présente loi est exercé : a) dans l'intérieur du pays, par les cantons, sous la surveillance de la Confédération; b) aux frontières du pays (importation et exportation) parj la Cóiifédération.

Art. 3. Les maisons et les personnes qui veulent fabriquer les produits mentionnés à l'article premier ci-dessus ou en faire le commerce, doivent y être autorisées par l'autorité cantonale compétente.

Le Conseil fédéral fixera par voie d'ordonnance les modalités de ces autorisations, leur teneur et leur durée ainsi que les conditions qui régiront leur octroi ou leur retrait.

Art. 4. Les pharmacies publiques, les médecins, les dentistes et les vétérinaires peuvent, sans autorisation spéciale, se procurer, détenir, utiliser et dispenser dans les limites de leurs besoins professionnels et sous réserve des prescriptions des législations cantonales, les produits énumérés à l'article premier.

Art. 5. Les établissements hospitaliers et les instituts scientifiques pourront être autorisés par l'autorité cantonale compétente à se procurer, à détenir, et à utiliser, dans les limites de leurs besoins, les produits énumérés à l'article premier.

Art. 6. Les maisons et les personnes visées à l'article 3 ne peuvent délivrer les produits mentionnés à l'article premier, que sur production d'un bulletin de commande approuvé par l'autorité cantonale compétente et indiquant exactement le nom du destinataire, ainsi que la nature et la quantité des produits demandés.

Le Conseil fédéral est autorisé à réglementer, par voie d'ordonnance, la dispensation (vente au détail) de ces produits, à titçe thérapeutique, par les maisons et les personnes visées à l'article 4.

Art. 7. Les maisons, personnes, établissements et instituts eiï possession de l'autorisation' prévue aux articles 3 et 5, ainsi que les maisons et les personnes qui, en vertu de Far-

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ticle 4, n'ont besoin d'aucune autorisation, doivent tenir un registre spécial dans lequel sont inscrits les stocks de produits visés par l'article premier, les quantités de ces produits entrées et sorties, ainsi que les quantités employées pour la fabrication de certains produits.

Art. 8. Aucune exportation et importation des produits visés à l'article premier ne peut se faire sans une autorisation délivrée par le Conseil fédéral, sur le préavis de l'autorité cantonale compétente.

L'exportation vers les pays, possessions, colonies et territoires à bail qui ont adhéré à la convention internationale de l'opium, ne sera permise qu'à destination des personnes ayant reçu les autorisations ou permis prévus par les lois et règlements du pays importateur.

Art. 9. L'importation et l'exportation, la préparation et le commerce de l'opium préparé (opium à fumer) et de ses résidus (dross) sont interdits.

Art. 10. Les maisons, les personnes et les établissements soumis au contrôle sont tenus d'ouvrir leurs locaux aux agents de surveillance, de leur présenter leurs stocks des produits visés par la présente loi et de leur soumettre le registre prévu à l'article 7.

II. Dispositions pénales.

Art. 11. Celui .qui, sans y être autorisé, aura fabriqué, préparé, importé ou exporté, acheté, possédé, détenu, vendu ou cédé les produits mentionnés à l'article premier, sera puni de l'emprisonnement jusqu'à un an ou de l'amende jusqu'à 10000 fr. Les deux peines peuvent être, cumulées.

Si le délit a été commis par négligence, le délinquant sera puni de l'amende jusqu'à 2000 fr..

Demeurent réservées les dispositions cantonales relatives aux crimes contre la santé et la vie.

Art. 12. Celui qui tiendra d'une façon défectueuse les registres prescrits à l'article 7 ou y inscrira de fausses indications, sera puni de la prison jusqu'à 6 mois ou de l'amende jusqu'à 5000 fr.

Art. 13. Celui qui aura empêché ou entravé l'exercice du contrôle sera puni de l'emprisonnement jusqu'à 6 mois ou de l'amende jusqu'à 5000 fr.

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Axt. 14. Les dispositions générales de la première partie du Code pénal fédéral du 4 février 1853 sont applicables aux délits et contraventions prévus par la présente loi.

Art. 15. En cas de récidive, le juge peut doubler les peines prévues. Est en récidive légale celui qui, après avoir été déclaré par un jugement définitif coupable d'infraction aux articles 11 à 13, en commet une nouvelle dans un délai de moins de trois ans après le premier jugement.

Art. 16. Dans les cas visés par l'article 11, La confiscation des marchandises doit être ordonnée par l'autorité à titre de peine ^accessoire. La confiscation pourra être prononcée même s'il y a acquittement ou s'il n'a pas été donné suite à l'action pénale.

Les autorités de police sont tenues de prendre toutes les mesures préjudicielles nécessaires (séquestre) pour assurer la possibilité de cette confiscation.

Art. 17. La poursuite pénale et le jugement des infractions prévues dans la présente loi incombent aux cantons.

Tous les jugements, décisions administratives ayant un caractère pénal et ordonnances de renvoi rendus par des autorités cantonales en application de la présente loi, doivent être communiquées par les Gouvernements cantonaux immédiatement et sans frais au Conseil fédéral par l'intermédiaire du Ministère public de la Confédération.

Art. 18. La répression pénale s'exerce soit au lieu où le délit a été commis, soit au lieu du domicile du prévenu. Un délit ne peut être l'objet de plusieurs poursuites pénales.

Le for compétent est celui où a été ouverte la première instruction.

Les complices et fauteurs du délit seront punis en même temps et devant la même juridiction que l'auteur principal.

Art. 19. Lorsqu'un délit a été commis dans plusieurs cantons, celui où l'instruction a été ouverte en premier lieu a le droit de requérir des autres la comparution et, s'il est nécessaire, l'extradition de tous les complices, pour qu'ils soient jugés en même temps, ou d'exiger de ces cantons l'assurance que le jugement sera exécuté.

Celui qui aura commis dans divers cantons plusieurs délits connexes sera, en ver,tu des mêmes principes, jugé en un seul et même procès.

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Art. 20. Le Tribunal fédéral connaît, comme cour de droit public, les différents que soulève l'application des articles 18 et 19 de la présente loi.

III. Dispositions finales.

Art. 21. Le Conseil fédéral édicté les ordonnances néces-' saires pour l'exécution de la présente loi. Il fixe les taxes à percevoir par les cantons pour l'exécution du contrôle qui leur incombe.

Art. 22. Les cantons sont tenus d'édicter, les dispositions, nécessaires en vue de l'exécution de la présente loi et des ordonnances prévues à l'article 21. Ces dispositions sont soumises à la sanction du Conseil, fédéral.

Art. 23. Les gouvernements cantonaux adressent au Conseil fédéral un rapport annuel sur, l'application de la loi et les observations qu'elle a suscitées.

Art. 24. Sont abrogées les dispositions des lois et ordonnances fédérales et cantonales contraires à la présente loi.

Art. 25. Le Conseil fédéral est chargé de fixer la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi fédérale sur les stupéfiants. (Du 12 février 1924.)

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