929

# S T #

2468 du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.

(Du 17 juin 1929.)

Monsieur le Président et Messieurs, L'article 69ter de la constitution fédérale, accepté dans la votation populaire du 25 octobre 1925 donne à la Confédération, avec des directions sur la marche à suivre, le droit de légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. Nous avons l'honneur de vous soumettre le projet d'une loi réglant ces objets.

Le présent message fait suite à celui du 2 juin 1924 concernant l'article constitutionnel 69ter et dont le contenu est présumé connu.

Les cinq années qui ont suivi la votation populaire n'ont pas modifié la situation au point que. le programme projeté alors ne puisse être exécuté sans modifications notables. Le message de 1924 signalait déjà que notre contrôle tendait de plus en plus à s'exercer à l'intérieur du pays, au moment de l'octroi des autorisations, alors qu'auparavant il se pratiquait surtout avant le passage de la frontière et à la frontière même. Cette évolution a suivi le cours prévu. Le visa a déjà été supprimé pour les ressortissants de tous les pays extra-euro,péens et de la plupart des Etats d'Europe. Le dernier de nos moyens extérieurs de défense disparaîtrait donc avec la suppression du contrôle des passeports à la frontière. Mais l'on ne saurait abolir ce contrôle tant que nous n'aurons pas l'assurance que les Etats voisina consentiront à reprendre les « sans-papiers » entrés en Suisse que nous ne voudrions pas garder. Il est possible que, tôt ou tard, un accord international nous procure l'assurance en question. -- Le projet de loi tire les conséquences de cette situation. Il ne règle pas l'entrée et la sortie, ni le contrôle à la frontière et le petit trafic frontalier; il réserve ces matières à des ordonnances du Conseil fédéral (article 25, lettre a). Ainsi, il sera possible d'abroger les

930

mesures de défense sans reviser la loi, et en outre, de faire faoer, aveo la célérité voulue, à une situation extraordinaire. Armés de la.

sorte pour le cas où des crises politiques ou économiques nous menaceraient d'une affluence excessive d'étrangers, nous pouvons, pour le reste, adapter la loi aux circonstances normales, à cette seule exception près que les prescriptions relatives à la déclaration d'arrivée devront également pouvoir s'adapter aux circonstances extraordinaires. -- Ainsi se trouve éliminé ce qui constituait la partie essentielle de l'ordonnance du 21 novembre 1917 -- le contrôle avant, pendant et immédiatement après le passage de la frontière. La matière qui subsiste est répartie sous deux chefs principaux: le titre Ior, qui traite de l'autorisation de séjour et d'établissement, efc le titre II, consacré aux autorités et à la procédure. Il s'y ajoute le titre III, relatif aux dispositions pénales, et le titre IV, qui contient les dispositions d'exécution et les dispositions transitoires.

Le titre Zer traite essentiellement des droits et des devoirs de l'étranger. -- L'octroi du permis de séjour ou d'établissement ou de la tolérance est précédé d'un stage pendant lequel l'étranger a le droit de résider en Suisse (art. 1er), en tant qu'il n'y est pas entré au mépris d'une prescription spéciale (expulsion, interdiction d'entrée,, etc.). Mais ce droit peuic être retiré en tout temps (art. 12, 1er alinéa); la police doit pouvoir, sans autre formalité, renvoyer, conduire à la frontière ou refouler à l'entrée les vagabonds, les femmes galantes,, les souteneurs, les malfaiteurs, etc. Sous cette réserve, l'étranger est autorisé à résider en Suisse jusqu'au moment où il est tenu de déclarer son arrivée, et ensuite jusqu'à ce qu'un permis lui ait étéaccordé (ou refusé).

Le délai de déclaration est de 15 jours pour l'étranger qui exerce une activité lucrative ou qui vient en Suisse dans l'intention de s'y établir (pour la prise d'emploi, voir art. S,, 3e al.); dans tous lesautres cas, il est de 3 mois. Cette réglementation augmente notablement, par rapport au régime actuel, le nombre des étrangers bénéficiant du délai de 3 mois, en ajoutant à ceux qui sont descendus dans des hôtels, dans des établissements de cure, etc., les étrangers reçus chez d'autres logeurs (loueurs de chambres,
particuliers); en revanche, dans ces derniers cas, le logeur doit également être tenu, comme aujourd'hui l'hôtelier, de déclarer immédiatement l'arrivant (bulletin d'hôtel) -- du moins s'il la loge contre rémunération. Quiconque loge un étranger gratuitement n'est tenu de l'annoncer que dans le délai d'un mois, obligation peu gênante, étant donné que ce délai est rarement dépassé. Cependant, le droit est réservé aux cantons de le raccourcir; il peut être indiqué de tenir compte de circonstances locales,, par exemple pour empêcher que des logeurs s'abritent derrière une

931

soi-disante gratuité pour échapper au contrôle. Le projet réserve en outre au Conseil fédéral la faculté d'étendre à 3 mois le délai de déclaration en faveur de certaines catégories d'étrangers exerçant une activité lucrative; nous pensons ici surtout aux voyageurs de commerce au service de maisons étrangères et à des gens (gouvernantes, chauffeurs, etc.) au service de personnes en villégiature.

L'obligation fait à l'étranger, de déclarer son arrivée (art. 2, 1er al.)

est indépendante de celle qui est imposée au logeur (art. 2, 2e al.); celle-ci ne dispense donc pas l'étranger de l'obligation de faire sa déclaration en vue du règlement de ses conditions de séjour. -- Le projet entend ainsi tenir compte des exigences tant du contrôle de police que de la police des étrangers, mais sans importuner l'étranger au delà de ces nécessités. Il ne serait guère possible de simplifier davantage les formalités qu'aux dépens des unes ou des autres.

Papiers d'identité. -- Le sans-papier, c'est-à-dire celui qui ne peut présenter une pièce d'identité reconnue et en même temps valable, sera, comme jusqu'ici,, l'objet d'un traitement spécial. La reconnaissance des papiers d'identité doit être réglés uniformément pour toute la Suisse; mais cela ne peut se faire dans la loi même. Il y aura lieu de spécifier entre autres choses dans l'ordonnance d'exécution, les exigences auxquelles la pièce d'identité doit satisfaire (photographie, langue, etc.), éventuellement en tenant compte des exigences similaires convenues avec d'autres Etats; il faudra en outre procéder à la reconnaissance des papiers, par exemple, lors de la constitution d'un nouvel Etat.

Prise d'emploi. -- Celui qui veut prendre un emploi doit préalablement faire sa déclaration d'arrivée et se procurer un permis do séjour pour prise d'emploi. Ce qu'il y a de nouveau ici, c'est que l'employeur également est rendu responsable de l'observation exacte de cette condition. Il sera ainsi remédié à l'abus que commettent certains employeurs -- de nationalité étrangère surtout -- qui font venir des ouvriers et les engagent en leur donnant l'assurance que tout a été ou sera réglé, laissant l'ouvrier, souvent de bonne foi mais peu débrouillard, à supporter seul les conséquences de la fraude. Cette responsabilité solidaire peut être imposée à l'employeur parce que1 la
« carte de séjour », qui sera décrite plus loin, permettra toujours de reconnaître si l'étranger a le droit ou non de prendre un emploi.

La déclaration d'arrivée ouvre la procédure en autorisation. Au cours de celle-ci, l'étranger est admis à rester en Suisse, tant qu'il n'est pas expressément renvoyé (art. 12, 1er al.). Cette procédure est simple; il suffit que l'étranger dépose ses papiers et renseigne véridiquement les autorités. Le surplus est l'affaire de ces dernières et se trouve par conséquent, réglé sous le titre II. Mais ce qui rentre

'932 bien sous le titre Iffr, c'est le principe de la libre décision des autorités (art. 4) parce qu'il définit la situation juridique de l'étranger.

Celui-ci ne possède pas, pour ainsi dire a priori, un droit à l'autorisation (voir aussi l'article 1er); il doit accepter telle quelle la décision des autorités. Il ne peut prétendre qu'à l'observation exacte des prescriptions de procédure (entre autres celles qui concernent le recours aux autorités cantonales et fédérales -- voir titre II).

Il n'existe pas trois procédures en autorisation, une pour le séjour, une pour l'établissement et une autre encore pour la tolérance.

Certes, l'étranger peut exprimer le désir d'être plaoé sous un régime plutôt qu'un autre; mais sans parler du refus, l'autorité a le choix libre entre les trois, dans la mesure où les conditions légales (par exemple, la possession des papiers nécessaires) le permettent.

Les différents types d'autorisation (séjour, établissement, tolérance) ne se distinguent que quantitativement parce que (abstraction faite des conditions imposées à l'étranger) tous trois confèrent uniquement un droit de résidence différant seulement par sa durée et par les possibilités de le retirer. La police des étrangers accorde exclusivement des autorisations de résidence personnelle sur territoire suisse. Elle ne peut intervenir dans d'autres domaines qu'en imposant des conditions (par «xemple l'interdiction de prendre un emploi, d'exercer une activité lucrative, etc.). Tous les autres droits de -l'étranger relèvent d'autres domaines de l'ordre juridique. Le plus souvent l'étranger les possède, qu'il se trouve en Suisse ou non. C'est ainsi qu'il peut acheter une maison même s'il n'a jamais résidé dans notre pays; mais il ne peut l'habiter que s'il a obtenu l'autorisation de résidence, à laquelle sa qualité de propriétaire ne lui donne aucunement droit. Cette dernière règle vaut d'une manière générale, o'est-à-dire que si l'étranger a besoin de résider en Suisse pour l'exercice d'un droit, cela ne restreint pas îa liberté de la police des étrangers et n'entre en ligne de compte que comme simple fait. -- Les trois types d'autorisation sont caractérisés par les différences suivantes: Le séjour est toujours limité (sans que, bien entendu, l'étranger puisse en exiger la prolongation) et il peut être lié à
certaines conditions; ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'est applicable à l'établissement, qui est d'ailleurs mieux protégé contre le retrait (art. 8, 2° al., et 9). La tolérance peut être en tout temps retirée; il en ressort naturellement qu'elle peut aussi être liée à des conditions, maïs l'observation de celles-ci ne confère aucun droit au maintien de la tolérance. -- La seule innovation importante consiste en ce que l'établissement ne peut plus être soumis à des conditions; dans les cas relativement rares où une condition devra être maintenue, il ne pourra plus être question d'établissement.

933

L'autorisation n'est valable que pour le territoire du canton qui l'a délivrée (art. 8, 1er al.). D'où la conséquence dans chacun des autres ·cantons de traiter l'étranger comme un nouvel arrivant. Mais dette conséquence n'est tirée que lorsque l'étranger «change de canton», c'est-à-dire transfère dans un autre canton son domicile ou son lieu d'attache (art. 8, 3e al.). Il en va autrement lorsque l'étranger se horne à séjourner dans un autre canton tout en conservant son lieu d'attache; dans ces cas, actuellement déjà, il n'est pas traité, en fait, comme un nouvel arrivant, bien que ce point ne soit pas l'objet d'une réglementation expresse. Le projet en propose une sous la forme suivante: a. L'étranger séjourne temporairement (visite, excursion, vacances, etc.) dans un autre canton,, y exerçant ou non une activité lucrative (par exemple un mécanicien montant une machine, un voyageur de commerce, etc.). Dans ces cas, il n'a pas besoin de faire une déclaration ni d'obtenir une autorisation de l'autre canton. -- b. L'étranger désire séjourner assez longtemps, non d'un?

manière purement passagère, dans un autre canton (dans un sanatorium, par exemple)., ou bien il y a ou y transfère le centre de son activité lucrative, tout en conservant son domicile dans le canton dont il tient son autorisation (par exemple, il habite Baden et travailla à Zurich): dans ce cas, il devra solliciter fassentiment de l'autre canton. -- Dans le cas a., de même que dans le cas b.., l'autre canton pourra demander à l'autorité fédérale, comme jusqu'ici, de retirer à l'étranger l'autorisation de séjour ou la tolérance (mais non l'autorisation d'établissement); en règle générale, il s'adressera d'abord au canton qui a accordé l'autorisation. -- Cette réglementation, assez favorable à l'étranger, tient compte en même temps du besoin qu'ont les cantons d'avoir à leur disposition un moyen de défense, dont ils ne feront d'ailleurs, suivant l'expérience, qu'un usage peu fréquent.

Le droit de résidence étant le seul que confère l'autorisation et ce droit étant déjà stipulé à l'article 1er, le projet peut passer directement de l'octroi (art. 4 à 8) à l'extinction de l'autorisation (art. 9 s.).

-- Grâce à l'énumération complète des motifs de cessation qui figure à l'article 9, l'étranger a l'assurance que son droit ne lui sera pas
rogné par d'autres motifs. Il en est ainsi surtout pour l'étranger établi, qui, tant qu'il possède une pièce d'identité valable, no peut être privé de son droit d'établissement que par la révocation (d'une autorisation obtenue par ruse, art. 9, 3e al. et 2e al., lettre a) ou pur l'expulsion. -- Le 3e alinéa de l'article 9 comble une lacune du droit actuel, en réglant le cas où l'étranger établi se rend à l'étranger pour un temps assez long, sans intention d'y transférer son domicile.

L'expulsion d'un étranger peut être prononcée par voie judiciaire ou par voie administrative. Le projet ne s'occupe pas du premier

934

de ces modes d'expulsion (art. 10, 2e al.); il laisse substiter la situation actuelle. Pour ce qui est de l'expulsion administrative, elle peut prendre actuellement quatre formes: a. l'expulsion par le Conseil fédéral en verta de l'article 70 de la constitution fédérale; b. l'expulsion de Suisse à teneur des article 27 et 28 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 29 novembre 1921 sur le contrôle des étrangers; cl'expulsion de Suisse prononcée conformément à la convention intercantonale du 22 mars 1913, relative à l'expulsion du territoire suisse des étrangers condamnés par un tribunal pour un crime ou un délit?

d. l'expulsion du canton, suivant le droit cantonal. -- Le projet ne touche pas non plus à l'expulsion prononcée en vertu de l'article 70 de la constitution fédérale, mais il rejette comme un expédiant désormais superflu l'expulsion concordataire et il mentionne à l'article 10, 1er alinéa, tous les motifs pour lesquels un étranger peut être expulsé de Suisse ou d'un canton. -- Une première catégorie de ces motifs d'expulsion est fondée sur la conduite délictueuse de l'étranger, ou alors sur l'inobservation de prescriptions d.e police, si celle-ci constitue un abus de l'hospitalité (art. 10, lettre a). La formule adoptée pour l'expulsion dans l'ordonnance du Conseil fédéral sur le contrôle des étrangers (art. 27 : :< en cas... d'insuffisance des prouves établissant que le but de leur séjour ne soulève pas d'objections et n'est pas de nature à compromettre les intérêts de la Suisse ») nous paraît avoir fait son temps. Sa souplesse répondit à une nécessité et a rendu de bons services, en permettant d'éloigner de la Suisse toute espèce de mauvais sujets qui y étaient accourus en assez grand nombre, surtout à l'époque où l'on ne disposait pas des moyens de défense actuels.

Le projet vise à plus de précision, en prévoyant l'expulsion non plus pour tout abus d'hospitalité, mais seulement lorsque l'abus constitue une infraction aux prescriptions de police. Ainsi, de simples griefs d'ordre moral ne suffiront plus: il faudra que l'étranger ait commis une infraction pour q.ue l'Etat, de son côté, puisse lui retirer les droits qu'il lui avait assurés et annuler la promesse contenue dans l'autorisation de séjour ou d'établissement. A supposer même qu'avec la formule du projet quelques indésirables
parviennent à passer entre les mailles, notamment ceux qui savent rester en marge du code, on pourra toujours, à condition qu'ils ne possèdent pas de permis d'établissement, les éloigner tôt ou tard d'une autre manière et empêcher leur retour (retrait de la tolérance, refus de prolongation ou retrait du séjour d'après l'article 9, 2e alinéa, lettre b, renforcé, au besoin, de l'interdiction d'entrée). Quant aux étrangers munis d'un permis d'établissement, le projet s'efforce précisément de leur procurer une position suffisamment assurée. Comme la surpopulation étrangère nous oblige à une sélection assez sévère lors de l'octroi de l'établissement, delui-ci devrait offrir toute sécurité à l'étranger admis à

vivre en communauté avec nous. -- La lettre b énonce cependant une exception à la règle qui veut que l'expulsion soit motivée par une infraction à nos lois; elle vise les personnes atteintes de maladies mentales, qui échappent aux sanctions pénales, mais ne peuvent pas toujours être internées, et doivent cependant pouvoir être expulsées si elles compromettent l'ordre public. Nous visons ici, par exemple, les individus atteints de perversion sexuelle. -- En outre, l'Etat, qui exige que l'étranger respecte nos lois (lettre a), n'admet pas qu'il tombe à la charge de la charité publique (lettre c). Dans ce cas, le rapatriement pourra remplacer l'expulsion; l'autorisation de résidence sera donc également retirée, mais cette mesure n'entraîne pas l'interdiction du territoire, qui est le propre de l'expulsion (art. 11, 4<= al.).

Sans modifier en rien la procédure actuelle, le projet stipule ·expressément que tant la révocation que le refus d'une autorisation entraînent le départ de l'intéressé (art. 12). Si l'autorisation prend fin par suite d'une décision de l'autorité, cette décision fixe régulièrement aussi le délai dans lequel doit avoir lieu le départ (délai de départ), sauf pour les expulsions, où le délai fait d'ordinaire l'objet d'une décision spéciale. L'intéressé sera tenu de quitter soit le canton seulement, soit la Suisse. Dans le premier cas, il pourra demander une autorisation dans un autre canton; il l'obtiendra peut-être, si la situation du marché du travail y est plus favorable. -- A côté des étrangers que l'on doit contraindre sans ménagement à quitter la Suisse, il en est beaucoup auxquels il n'y a pas lieu d'appliquer un traitement rigoureux. Il convient donc de laisser aux autorités le choix des moyens. L'essentiel est que, si cela est nécessaire, l'étranger soit éloigné, rapidement ou non. Des mesures plus énergiques (art. 12, 1er al. et 3e al. in fine, art. 14, en outre une punition et l'expulsion) peuvent aussi être appliquées graduellement. En cas de nécessité, on recourra à des restrictions ou à l'interdiction d'entrée (art. 13); on empêchera ainsi l'étranger de se représenter le lendemain comme nouvel arrivant et on fermera l'accès du pays, pendant quelque temps, à des indésirables.

Le titre II, qui traite des autorités et de la procédure, ne modifie guère la répartition
actuelle de la compétence entre les autorités fédérales et les autorités cantonales. Il n'existe que quelques cas exceptionnels où une autorité fédérale soit seule compétente : pour l'internement aux frais de la Confédération, le département fédéral de justice et police (art. 15, 4e al.); pour les restrictions et l'interdiction d'entrée (art. 13 et art. 15, 3e al.), ainsi que pour le retrait de l'autorisation de séjour ou de la tolérance en vertu de l'article 8, 2e alinéa, la police fédérale des étrangers, à laquelle il appartient aussi d'éton-

93ü

dre à toute la Suisse les effets d'une décision cantonale de renvoi (art. 12, 3e al.). A part ces exceptions, qui existent déjà, la compétence appartient toujours aux autorités cantonales, soit seules, soit avec le concours des autorité? fédérales. C'est en particulier toujours aux autorités cantonales (sauf l'exception prévue à l'article 8, 2« alinéa, qui se produira rarement) qu'il appartient de statuer sur l'octroi, le refus ou le maintien d'une autorisation. La collaboration des autorités fédérales est diversement réglée. Il en est fait abstraction, autrement dit la décision cantonale est définitive, dans tous les cas de refus (excepté les cas d'asile, art. 18, 1er al., et sous réserve des conventions internationales). Dans un assez grand nombre de cas, que le projet a même augmentés, les cantons sont seuls compétents pour accorder aussi des autorisations de séjour (art. 18, 2e al.).

La collaboration des autorités fédérales s'exerce de deux manières : ou bien la décision cantonale est soumise à leur assentiment, ou bien elle est susceptible d'un recours à ces autorités. Dans le premier cas, il s'agit de toutes les autorisations qui ne rentrent pas, aux termes de l'article 18, 2e alinéa, dans la compétence exclusive des cantons (art. 18, 3e al. : assentiment de la police fédérale des étrangers), tandis que la suspension et la révocation des expulsions de Suisse sont soumises à l'assentiment du département fédéral de justice et police. -- Le recours à l'autorité fédérale contre une décision cantonale n'est admis qu'en cas d'expulsion (art. 10, 1er al., et 20, 1er al.).

Les cas d'asile sont l'objet d'un traitement spécial, déjà indiqué par l'article constitutionnel (art. 21 du projet). A grands traits et sous téserve des détails ci-dessus, la compétence est donc, comme jusqu'ici, répartie de la manière suivante : Le refus d'autorisation est affaire exclusivement cantonale; la Confédération ne peut donc pas obliger un canton à accorder une autorisation. L'octroi d'une autorisation n'est soumis à l'assentiment de la police fédérale des étrangers que s'il y a lieu de compter avec un long séjour de l'étranger en Suisse; en ce cas, l'intervention d'une autorité fédérale régularisant la politique d'admission devient indispensable. En revanche, les autorités cantonales sont compétentes dans tous les
cas où la surpopulation étrangère n'est pas en jeu. Sous le régime actuel déjà, où la compétence des cantons est légèrement moins étendue, les cas réglés par eux seuls, sans le concours de la police fédérale des étrangers, sont environ cinq fois plus nombreux que ceux sur lesquels la police fédérale des étrangers est appelée à se prononcer.

Les dispositions du projet relatives à 1''organisation des autorités cantonales se bornent à ce qui paraît indispensable à un travail normal. Les cantons sont tenus de désigner une autorité -- la « police cantonale des étrangers » -- qui s'occupe principalement des ques-

937

tions intéressant la police des étrangers. Ils peuvent la choisir librement, -- mais il faut que ce soit, comme jusqu'ici, une autorité cantonale. En principe, dans les cantons, la police des étrangers doit rester centralisée. Si ses décisions s'inspirent, en effet, d'une appréciation personnelle des faits, elles ne sont pas arbitraires : elles doivent se fonder sur des principes, en particulier sur une politique: nationale d'immigration. Il est déjà difficile, avec 25 autorités cantonales, de pratiquer une politique de ce genre d'une manière qui soit à la fois juste et plus ou moins uniforme et conséquente; une décentralisation plus considérable réduirait ses efforts à néant. Il s'ensuit que toutes les décisions relatives à l'octroi, au refus ou au maintien d'une autorisation, doivent émaner d'une autorité cantonale (cependant, l'article 15, 2e al. in fine, réserve des exceptions, mais moyennant l'assentiment du Conseil fédéral).

En ce qui concerne le droit de recours, le projet part de l'idée que dans tous les cas de quelque importance, l'étranger doit être en mesure de réclamer un nouvel examen, déjà parce qu'il s'agit toujours de décisions fondées sur une appréciation personnelle. C'est le cas chaque fois qu'une autorisation est refusée à un étranger ou lui est retirée. En revanche, le canton n'a pas besoin d'ouvrir la voie du recours dans les cas d'expulsion, ces cas étant susceptibles de recours, au département fédéral de justice et police (art. 20, 1er al.) et le besoin de trois instances ne se faisant certainement pas sentir.

De même pour la procédure en autorisation, le projet ne contient que les prescriptions les plus nécessaires. Seule une coopération étroite des autorités de la police des étrangers avec les offices de placement permettra de tenir toujours compte de l'état du marché du travail lors de l'examen des demandes d'admission (art. 16, 2e al.).

Les offices de placement doivent, de leur côté, rester en contact avec l'office fédéral du travail. La coopération de la police fédérale des étrangers avec ce dernier office peut être réglée pai- voie d'ordonnance. -- S'il est à prévoir que l'étranger séjournera assez longtemps en Suisse, un extrait du casier judiciaire devra, en règle générale, être exigé. -- Ces prescriptions sont précédées, dans le projet, de l'indication des
principes qui doivent déterminer les décisions des autorités en matière de politique d'immigration. Forcément ces principes ne sauraient être formulés avec une précision qui permette de vérifier, dans chaque cas, si la décision a été bien prise.

Néanmoins, nous estimons nécessaire de les énoncer (art. 16, 1er al.) ; ils expliquent que la loi abandonne tant de choses à la libre appréciation des autorités et justifient cette manière de faire, qui est peu usitée. -- Kègle générale, l'établissement ne sera accordé qu'après un certain délai d'épreuve (et de surveillance). -- L'article 17, 2e alinéa, contient une

988

·disposition nouvelle, selon laquelle la femme et les enfants d'un étranger admis avec délai d'opreuva ou déjà établi, même s'ils sa trouvent .à l'étranger, ont le droit d'être compris duns l'autorisation, à condition qu'ils veuillent faire ménage commun avec lui. Ce qu'il y aura lieu de stipuler encore quant à l'établissement de la famille trouvera sa place dans l'ordonnance d'exécution. -- La projet dispose que tous les refus de quelque importance seront motivés par écrit et que la décision mentionnera le délai et l'autorité de recours, de manière que même les étrangers insuffisamment renseignés et qui n'ont pas les moyens de prendre un avocat (art. 19, 2« al.) ne soient pas frustrés du droit de recours. L'article 20 règle la procédure du recours au département fédéral de justice et police, qui est ouverte tant contre les expulsions cantonales que contre toutes les décisions de la police fédérale des étrangers.

Le titre IH, qui traite des dispositions pénales, n'appelle pas d'explications, mais bien le titre IV, sur les dispositions d'exécution et dispositions transitoires. La loi ne peut épuiser la matière qu'elle traite. Non seulement elle s'allongerait outre mesure, mais encore elle offrirait le gros inconvénient que tout changement des circonstancs obligerait à la reviser. Renvoyer les détails à une ordonnance confère à la réglementation une certaine faculté d'adaptation. -- Quant aux dispositions essentielles du projet, elles pourraient servir au contraire pendant un laps de temps assez considérable. Elles ont, d'ailleurs, fait leurs preuves pendant une dizaine d'années; en outre, elles ont été dictées par un facteur qui, selon toutes les prévisions, demeurera constant : l'affluence excessive d'étrangers. Tant qu'il sera nécessaire d'enrayer ce mouvement ascensionnel, il conviendra aussi de maintenir la réglementation adaptée à notre défense. Nous renvoyons à ce qui a été dit à ce sujet dans le message consacré à l'article constitutionnel. -- L'article 25 signale en particulier quelques objets qui devront être réglés par voie d'ordonnance. Remarquons, à propos do la lettre b, qu'il s'agit d'instituer un livret (ou une carte) uniforme servant à. prouver que l'étranger a reçu l'autorisation requise et qu'il a lo droit d'exercer une activité lucrative et de prendre un emploi, de manière que
n'importe quelle autorité et quel employeur soient immédiatement au clair sur la situation du porteur. Il est probable qu'on pourra aussi mentionner dans ce livret le dépôt des papiers et y inscrire les déclarations d'arrivée et de départ. -- On a dû réserver à la Confédération le droit de fixer les taxes cantonales maximum parce que la diffère-ace des taux nous a quelquefois empêchés d'obtenir des allégements en faveur des Suisses à l'étranger.

939

Ajoutons, au sujet des dispositions transitoires, que toutes les anciennes autorisations devront être transformées en autorisations régies par le nouveau droit fédéral. Dès que la loi sera entrée en vigueur, tous les étrangers, et non seulement les nouveaux arrivants, lui seront soumis.

En conséquence, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet de loi fédérale ci-après.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 17 juin 1929.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Dr HAAB.

Le chancelier de la. Confédération.

KAESLIN.

Feuille fédérale. 81e année. Vol. I.

940

(Projet.)

LOI FÉDÉRALE srn-

le séjour et l'établissement des étrangers.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 69ter de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 17 juin 1929, arrête : TITRE PREMIER.

De l'autorisation de séjour et d'établissement.

Article premier.

Tout étranger a le droit de résider sur le territoire suisse, s'il possède une autorisation de séjour ou d'établissement, ou une tolérance délivrée par l'autorité compétente, ou si, selon la présente loi, il n'a pas besoin d'une telle autorisation.

Art. 2.

L'étranger est tenu de déclarer son arrivée en Suisse, dans les trois mois,, à la police des étrangers de son lieu de résidence pour le règlement de ses conditions de séjour. Les étrangers entrés dans l'intention de prendre domicile, de même que ceux qui exercent une activité lucrative, 'doivent faire leur déclaration dans les quinze jours, et en tout cas avant de prendre un emploi. Le Conseil fédéral peut fixer également à trois mois le délai pour certaines catégories d'étrangers exerçant une activité lucrative.

2 Celui qui loge un étranger contre rémunération est tenu de le déclarer immédiatement à la police locale. S'il le loge gratuitement, il n'est tenu de le déclarer, réserve faite de prescriptions cantonales plus sévères, qu'après une résidence d'un mois.

3 Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le Conseil fédéral peut édicter des prescriptions plus sévères pour tous les étrangers, ou pour des catégories d'entre eux, arasi que pour les logeurs.

1

941

Art. 3.

1

Pour le règlement de ses conditions de séjour, l'étranger doit produire une pièce de légitimation. Le Conseil fédéral désigne les papiers de légitimation qui sont reconnus. Sous réserva des exceptions que statuera le Conseil fédéral, les cantons peuvent exiger le dépôt des papiers de légitimation.

2 L'étranger est tenu de renseigner véridiquement l'autorité sur tout ce qui est de nature à déterminer sa décision.

3 L'étranger qui ne possède pas de permis d'établissement ne peut prendre un emploi ni être occupé par un employeur que si son autorisation de séjour lui en donne la faculté.

Art. 4.

L'autorité statue librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement et de la tolérance.

Art. 5.

L'autorisation de séjour ne peut être accordée qu'aux étrangers munis d'une pièce de légitimation reconnue et valable. Elle peut être liée à des conditions. Sa durée -est toujours limitée; la première fois, elle ne doit pas, en règle générale, dépasser une année.

Art. 6.

L'autorisation d'établissement ne peut, de même, être accordée qu'aux étrangers munis d'une pièce de légitimation reconnue et valable. La durée est indéterminée et elle ne peut être liée à des conditions.

Art. 7.

1 Les étrangers dépourvus de pièces de légitimation reconnues et valables ne peuvent obtenir qu'une tolérance.

2 Exceptionnellement, et pour des motifs spéciaux, il peut être accordé une simple tolérance à d'autres étrangers.

3 En règle générale, l'étranger toléré doit déposer un cautionnement. Celui-ci garantit toutes les revendications de droit public, ainsi que l'observation des conditions imposées.

Af t. 8.

L'autorisation de séjour ou d'établissement et la tolérance no sont valables que pour le canton qui les a délivrées.

1

942 3

Cependant l'étranger a également le droit de séjourner temporairement dans un autre canton sans déclaration et d'y exercer son activité lucrative, pourvu que le centre de cette dernière n'en soit pas déplacé. Si le séjour ne doit pas être simplement temporaire ou si l'étranger établit le centre de son activité dans l'autre canton, l'assentiment de celui-ci est nécessaire. Si l'autre canton considère la présence de l'étranger sur son territoire comme indésirable, il peut proposer à l'autorité fédérale de lui retirer l'autorisation de séjour ou la tolérance.

3 L'étranger qui se transporte dans un autre canton doit déclarer son arrivée dans les quinze jours à la police des étrangers de son nouveau lieu de séjour. Dans ce cas, l'article 3, 3e alinéa, est applicable.

Art. 9.

1

L'autorisation de séjour prend fin : a. lorsqu'elle est arrivée à son terme saris avoir été prolongée; b. lorsque l'étranger cesse de posséder; une pièce de légitimation reconnue et valable; c. lorsque l'étranger obtient une autorisation dans un autre canton; d. lorsque l'étranger annonce son départ ou que son séjour est en fait terminé; e. par suite d'expulsion ou de rapatriement; f. par le retrait prévu à l'article 8, 2e alinéa.

2

L'autorisation de séjour peut être révoquée : a. lorsque l'étranger l'a obtenue par surprise, en faisant de fausses déclarations ou en taisant sciemment des faits essentiels; b. lorsque l'étraugr n'accomplit pas les conditions qui y sont attachées, ou que sa conduite donne lieu à des plaintes graves.

0 L'autorisation d'établissement prend fin pour les motifs prévus à l'alinéa premier, lettres b, c et e, et à l'alinéa 2, lettre a; elle prend fin également lorsque l'étranger annonce son départ ou lorsqu'il a séjourné effectivement pendant six mois à l'étranger; sur demande présentée au cours de ce délai, celui-ci peut être prolongé jusqu'à deux ans.

1 La tolérance peut être retirée en tout temps.

Art. 10.

1

L'étranger ne peut être expulsé de Suisse ou d'un canton que pour les motifs suivants :

943

a. s'il a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit ou s'il a abusé de l'hospitalité suisse par des contraventions graves ou réitérées; b. si, par suite de maladie mentale, il compromet l'ordre public; c. si lui-même, ou une personne aux besoins de laquelle il est tenu de pourvoir sont tombés déjà ou sont certainement sur le point de tomber à la charge de l'assistance publique ou privée.

2 La présente loi n'affecte en rien l'expulsion prévue par l'article 70 de' la constitution fédérale ou prononcée par le juge pénal.

Art. 11.

1

L'expulsion peut être prononcée pour une durée déterminée, non inférieure à trois ans, ou pour une durée indéterminée.

2 L'expulsion doit régulièrement comprendre le conjoint de l'expulsé et les enfants âgés de moins de dix-huit ans.

3 II est interdit aux expulsés de pénétrer en Suisse. A titre exceptionnel, l'expulsion peut être temporairement suspendue ou complètement levée; cette décision n'emporte pas toutefois le rétablissement de l'autorisation annulée par l'expulsion.

4 Dans le cas prévu à l'article 10, 1er alinéa, lettre c, l'étranger peut être simplement rapatrié.

Art. 12.

1

L'étranger qui ne possède pas d'autorisation peut être, tenu en tout temps de quitter la Suisse.

2 L'étranger est tenu de quitter le canton à l'échéance de l'autorisation.

3 L'étranger est tenu en outre de partir lorsqu'une autorisation ou une prolongation d'autorisation lui est refusée et que l'autorisation est révoquée ou retirée en application de l'article 8, 2e alinéa, ou annulée par l'expulsion. Dans ces cas, l'autorité fixe la date à laquelle le séjour doit prendre fin (délai de départ). S'il s'agit d'une autorité cantonale, l'étranger doit quitter le territoire du canton (sauf en cas d'expulsion de la Suisse); si c'est une autorité fédérale, il doit quitter le territoire suisse. L'autorité fédérale compétente peut transformer l'ordre de quitter un canton en un ordre de quitter la Suisse.

Art. 13.

3

A l'ordre de quitter la Suisse, l'autorité fédérale peni joindre une restriction d'entrée. Celle-ci consiste dans l'interdiction d'entrer

944

en Suisse pour des buts déterminés (par exemple, exercice d'une activité lucrative, prise de domicile) sans autorisation expresse. Sa durée ne peut excéder deux ans.

2 L'autorité fédérale peut interdire l'entrée en Suisse d'étrangers indésirables ou, qui ont contrevenu gravement ou à réitérées fois aux prescriptions sur la police des étrangers. La durée de l'interdiction ne doit pas excéder trois ans. Tant qu'elle est en vigueur, il est interdit à l'étranger de franchir la frontière sans la permission expresso de l'autorité dont elle émane.

Axt. 14.

1

Si l'étranger ne donne pas suite à l'ordre de départ, il peut être refoulé.

2 L'étranger dont le refoulement est impossible peut être interné.

TITRE II.

Des autorités et de la procédure.

Art. 15.

1

Chaque canton désigne une autorité cantonale de police des étrangers (Police cantonale des étrangers). Celle-ci exerce toutes les fonctions relatives à la police des étrangers qui lie sont pas dévolues à une autorité fédérale ou
2 Le droit d'expxilser un étranger et d'octroyer ou de maintenir une autorisation de séjour ou d'établissement et une tolérance doit être conféré à la police cantonale des étrangers ou à utie autorité qui lui est préposée. Exceptionnellement et avec l'assentiment du Conseil fédéral, des autorités subalternes peuvent également être appelées à statuer en matière de séjour et plusieurs autorités de même rang en matière d'expulsion.

3 La police féd«r«,le des étrangers exerça, dans le domaine de la police des étrangers, toutes les fonctions non dévolues à une autre autorité fédérale.

4 Le département fédéral de justice et police statue, aux termes de l'article 14, 2e alinéa, sur l'internement d'étrangers aux frais de la Confédération. Les expulsions valables pour toute la Suisse ne peuvent être suspendues ou levées qu'avec son assentiment.

945

Art. 16.

1

Pour, les autorisations et les tolérances, les autorités doivent tenir compte des intérêts intellectuels et économiques, ainsi que du degré de surpopulation étrangère.

2 En règle générale, lorsqu'il s'agit de la prise ad'un emploi, l'autorité, avant d'accorder une demande, prendra l'avis de l'office de placement compétent.

3 S'il est à prévoir, que le séjour de l'étranger sera d'une certaine durée, l'autorité exigera la production d'un extrait de casier judiciaire; sont réservées les dérogations ordonnées par le Conseil fédéral.

Art. 17.

1 En règle générale, l'autorité ne délivrera d'abord qu'une autorisation de séjour, même s'il est prévu que l'étranger s'installera à demeure en Suisse. La police fédérale des étrangers fixera, dans chaque cas, la durée minimum du délai d'épreuve.

= L'épouse et les enfants de moins de dix-huit ans d'un étranger admis avec délai d'épreuve ou déjà établi ont le droit d'être compris dans l'autorisation, s'ils ont l'intention de faire ménage commun avec lui.

Art. 18.

1

Le refus d'autorisation prononcé par le canton est définitif, sous réserve des dispositions de l'article 21.

ä Les cantons ont le droit d'accorder des autorisations de séjour : a. jusqu'à deux ans, aux étrangers n'exerçant pas d'activité lucrative, s'il paraît établi, d'après le but du séjour et les circonstances, qu'ils ne resteront en Suisse que pendant un laps de temps limité; ce délai s'étend : pour les écoliers jusqu'à la fin de leurs classes; pour les étudiants, jusqu'au terme de leurs études, et pour les malades dans les hôpitaux, hospices, cliniques, etc., jusqu'à leur sortie de ces établissements; b. jusqu'à cinq ans, aux domestiques du sexe féminin; c. pour une saison, mais pas plus de neuf mois, aux ouvriers saisonniers; si l'office fédéral du travail fixe un contingent annuel, dans la limite de ce contingent.

3 Toutes les autres autorisations sont soumises à l'approbation de la police fédérale des étrangers. Sauf disposition contraire, cette approbation est valable pour tous les cantons; lorsqu'elle concerne

940

des autorisations de séjour et des tolérances, elle peut être liée à des conditions et à des restrictions.

4 Même lorsque l'approbation de la police fédérale des étrangers est nécessaire, les cantons peuvent octroyer provisoirement des autorisations de séjour ou des tolérances aux étrangers forcés d'exercer sans retard une «.activité lucrative; ils doivent alors en faire part immédiatement à la police fédérale des étrangers.

- Les autorités fédérales et cantonales devront répondre aux requêtes dans le plus bref délai possible.

Art. 19.

3

Lorsque la compétence prévue au 2e alinéa de l'article 15 n'est pas réservée au gouvernement cantonal ou à un chef de département ou qu'il n'existe pas de recours à l'autorité fédérale, la législation cantonale doit réserver, pour les cas de refus, le recours à une instance cantonale supérieure.

- Les refus de séjour, d'établissement ou de tolérance, ainsi que les expulsions et les révocations, doivent être motivés par écrit; toute décision susceptible de recours doit indiquer le délai et l'nutorité de recours. L'étranger n'a pas le droit :le consulter le dossier.

Art. 20.

1

L'étranger peut recourir au département fédéral de justice et police, qui prononce en dernier ressort, contre les expulsions prononcées en dernière instance par le canton, conformément à l'article 10, 1er alinéa. Le même droit lui est réservé, ainsi qu'aux autres intéressés et au canton en cause à l'égard de toutes les décisions de la police fédérale des étrangers.

- Le recours doit être formé par écrit dans les trente jours. Le délai est calculé conformément à l'article 178, chiffre 3, de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale.

3 L'article 19, 2e alinéa, est aussi applicable aux décisions des autorités fédérales.

4 Sauf décision contraire de l'autorité qui est saisie du recours, celui-ci n'a pas d'effet suspensif. L'autorité de recours peut ordonner un complément d'enquête.

Art. 21.

Si une autorisation est refusée à un étranger et que celui-ci allègue d'une manière plausible qu'il cherche à se soustraire à des per-

!)47

séditions politiques, le Conseil fédéral peut lui accorder l'asile en obligeant un canton à le tolérer. Il prendra au préalable l'avis du canton.

Art. 22.

La présente loi ne touche pas le recours pour violation des dispositions des traités d'établissement.

TITRE III.

Dispositions pénales.

Art. 23.

1. Celui qui établit de faux papiers de légitimation destinés à être employés dans le domaine de la police des étrangers, ou qui eu falsifie d'authentiques, ou celui qui sciemment emploie ou procure de tels papiers; celui qui sciemment emploie des papiers authentiques qui ne lui sont pas destinés, ou celui qui cède des papiers authentiques à des personnes n'y ayant pas droit; c'elui qui entre en Suisse ou y réside au mépris d'une décision expresse; sera puni de l'emprisonnement jusqu'à six mois.

Avec cette peine pourra être cumulée l'amende jusqu'à dix mille francs; dans les cas sans gravité, l'amende seule pourra être prononcée.

2. Les autres infractions aux prescriptions sur la police das étrangers ou aux décisions des autorités compétentes seront punies de l'amende jusqu'à deux mille francs; dans les cas sans gravité, le juge pourra faire abstraction de toute peine.

Art. 24.

1

La poursuite et le jugement des infractions prévues à l'article1. 23 appartiennent aux cantons. La première partie du code pénal fédéral du 4 février 1853 est applicable. Lorsqu'une contravention a été commise dans plusieurs cantons, le jugement prononcé dans l'un «IV.ux annule le droit de répression des autres.

2 Les infractions prévues à l'article 23, chiffre 2, sont consichVi't'os comme contraventions de police et ne doivent pas être, inscrites au casier judiciaire.

948 3

Tous les jugements, décisions administratives ayant un caractère pénal et ordonnances de non-lieu rendus par des autorités cantonales en vertu de l'article 23, chiffre 1er, seront communiqués par les gouvernements cantonaux au Conseil fédéral, immédiatement et sans frais, par l'intermédiaire du ministère public de la Confédération.

;

TITRE IV.

Dispositions d'exécution et dispositions transitoires.

Art. 25.

1

Le Conseil fédéral exerce la haute surveillance sur l'application des prescriptions fédérales relatives à la police des étrangers. Il édicté des dispositions nécessaires à l'exécution de la présente loi. Il est en particulier autorisé à régler les objets suivants : 'a. l'entrée et la sortie des étrangers, le contrôle à la frontiere et le petit trafic frontalier; b. l'institution d'un livret de légitimation pour les étrangers; c. la fixation! des taxes fédérales et du maximum des taxes à percevoir dans les cantons; d. la collaboration des autorités de police des étrangers avec d'autres autorités, notamment les offices de placement, ainsi que les attributions de l'office fédéral du travail dans ses relations avec les offices cantonaux de placement, en ce qui concerne le marché du travail; e. le traitement spécial à appliquer, dans le domaine de la police des étrangers, aux représentants d'Etats étrangers ou aux membres d'organismes internationaux.

2 Les cantons édictent les dispositions nécessaires à l'exécution de la présente loi sur leur territoire. Ils désignent les autorité« compétentes, dont ils fixent les droits et les obligations. Les dispositions cantonales d'exécution doivent être soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

Art. 26.

1

La présente loi abroge toutes les dispositions qui lui sont contraires.

- Les tolérances existant lors de l'entrée en vigueur de la présente loi se transforment en tolérances conformes aux dispositions

94!)

de c'elle-ci. Les autorisations de séjour ou d'établissement dont la durée n'est pas limitée ou ne l'est que pour les besoins du contrôle, qui ne sont pas liées à des conditions et dont les bénéficiaires ne sont plus soumis au contrôle fédéral, se transforment en autorisations d'établissement selon la présente loi. Toutes les autres autorisations existantes se transforment en autorisations de séjour.

3 Les autres décisions 'en force lors de l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent valables; pour les interdictions et les restrictions d'entrée, le délai prévu à l'article 13, 1er et 2e alinéas, part du jour de l'entrée en vigueur de la loi.

4 Les dispositions pénales de la présente loi sont applicables aux infractions commises avant son entrée en vigueui', lorsque ces dispositions sont plus favorables à l'auteur que les anciennes.

5 Les dispositions de la présente loi sont applicables aux procédures en cours lors de son entrée en vigueur; toutefois, l'autorité qui a commencé une procédure peut l'achever, même si en vertu de la présente loi elle n'était plus compétente.

0 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers. (Du 17 juin 1929.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1929

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

25

Cahier Numero Geschäftsnummer

2468

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

19.06.1929

Date Data Seite

929-949

Page Pagina Ref. No

10 085 646

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.