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Message à l'appui d'une loi fédérale sur les cartels et organisations analogues (LCart) du 13 mai 1981

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous soumettons à votre approbation un projet de loi fédérale sur les cartels et organisations analogues.

Simultanément, nous vous proposons de classer la motion parlementaire suivante : 1971 M 11.116 Législation cartellaire (N 8. 6. 72, Schürmann; E 26. 9. 72).

Veuillez agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 mai 1981

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Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Furgler Le chancelier de la Confédération, Huber

mi-255

Aperçu général Les bases constitutionnelles permettant d'établir une législation cartellale sont les articles 31bis, 3e alinéa, lettre d, 64 et 64bis de la constitution. Indubitablement, ces prescriptions ne confèrent pas à la Confédération le pouvoir d'interdire les cartels et les organisations analogues. Elles ne lui octroient que la compétence de veiller au bon fonctionnement d'une concurrence indispensable à une économie de marché libre, par le moyen de dispositions relevant du droit administratif, civil et pénal, cela dans les limites de ce qu'on appelle une législation de prévention des abus. Il n'y a lieu d'intervenir contre les cartels et les organisations analogues que lorsque les effets souhaitables de la concurrence, du point de vue de l'intérêt général, ne peuvent plus se manifester que de manière insuffisante en raison d'une cartellisation ou d'un processus de concentration excessifs. L'objectif de la politique concurrentielle consiste à maintenir un certain degré de concurrence, qu'il sied de délimiter en fonction des intérêts de l'économie dans son ensemble.

Le présent projet de loi représente, quant à Informe, une révision totale, et quant au fond, une révision partielle, de la loi fédérale sur les cartels et organisations analogues du 20 décembre 1962.

Voici comment le législateur s'acquitte du mandat conféré ä la Confédération: 1. Le projet se distingue par un champ d'application large. Tout comme la loi en vigueur, U entend régir toutes les manifestations qui entravent notablement le jeu de la concurrence économique. Le fait qu'une limitation donnée de la concurrence soit assujettie à la loi sur les cartels n'implique cependant nullement que cette limitation ait des effets nuisibles d'ordre économique ou social. II ne définit en principe que l'étendue de la compétence des autorités en matière de concurrence qui doivent apprécier si une limitation donnée de la concurrence tombe sous le coup de la loi.

- Pour ce qui est du champ d'application à raison de la matière, la loi doit continuer à se limiter aux marchés des marchandises, des capitaux et des services, à l'exclusion du marché du travail.

- Quant au champ d'application à raison des personnes, il est élargi à différents égards (inclusion des recommandations cartellaires, ainsi que des accords d'exclusivité et de distribution).
2. Les dispositions de droit civil restent dans une large mesure dans les limites de la loi en vigueur. Les entraves notables à la concurrence sont en principe illicites; elles peuvent cependant se justifier à certaines conditions. On en reste ainsi au système de l'appréciation des intérêts en cause, tel qu'il a été appliqué jusqu'ici. Ce qui est nouveau, c'est que le projet prévoit expressément qu'on tiendra compte de l'intérêt général en appréciant ces intérêts.

Autre innovation importante: les organisations de consommateurs (mais non pas les consommateurs isolés) peuvent faire valoir des prétentions de droit civil, 3. Des modifications considérables sont prévues dans le chapitre consacré aux dispositions de droit administratif. Deux objectifs sont prédominants à cet

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égard. D'une part, il s'est agi de concrétiser dans la loi la notion constitutionnelle d'effets nuisibles d'ordre économique et social. La loi définit ces effets et fixe la manière de les déterminer, en tenant suffisamment compte de la nécessité de maintenir une libre concurrence. D'autre part, il a fallu adapter l'ancienne loi aux récentes tendances économiques. Il s'agit en particulier de surveiller dans une certaine mesure les fusions d'entreprises.

D'autrex modifications de la loi en vigueur visent à rendre plus stricts et dans certain cas plus efficaces les instruments du droit des cartels.

Un chapitre spécial du projet est consacré à l'application des accords internationaux. A l'heure actuelle, il peut résulter pour la Suisse - c'est du moins l'opinion qui prédomine - de l'accord de l'AELE et de l'accord de libre échange avec la CEE, certains engagements en matière de droit sur la concurrence, même si les accords en question ne constituent pas un régime de droit directement applicable.

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Message I

Situation de départ et travaux préparatoires

II

Origine de la révision de la loi sur les cartels

La loi fédérale sur les cartels et organisations analogues date du 20 décembre 1962. Elle est entrée en vigueur le 15 février 1964.

Le 13 décembre 1971, le professeur L. Schürmann, conseiller national, qui était alors président de la Commission des cartels a déposé la motion ci-après : L'évolution économique des pays industrialisés, les tentatives d'intégration économique ainsi que la discussion sur les possibilités d'orientation de l'économie qui sont offertes par la politique conjoncturelle, confirment combien il est important que la concurrence fonctionne efficacement dans un régime économique et social d'inspiration libérale.

Compte tenu des expériences faites dans l'application de la législation suisse sur les cartels (elle remonte aujourd'hui à sept ans), on peut se demander si, à long terme et en raison de l'évolution internationale, il n'y aurait pas lieu d'améliorer à temps les moyens d'action fournis par la législation sur les cartels.

Cet examen devrait notamment porter sur les points suivants : a. Nécessité de régler dans la loi la procédure d'examen préalable que la pratique a introduite; b. Nécessité de prendre des mesures pour accélérer la procédure d'enquête, en introduisant notamment l'obligation de déclarer les ententes cartellaires et les concentrations d'entreprises; c. Nécessité de prévoir une procédure applicable en cas de non-observation de recommandations émanant de la commission des cartels, lorsqu'elles ont été acceptées au préalable; d. Nécessité de suivre plus attentivement la formation des prix, notamment ceux des entreprises dominantes, ainsi que les effets des cartels internationaux et des entreprises multinationales sur la politique de concurrence.

Le Conseil fédéral est invité à faire procéder aux études et expertises nécessaires.

Le Conseil fédéral s'est déclaré disposé à accepter cette motion. Dans sa réponse du 10 mai 1972, il déclarait entre autres ceci: Durant les huit années écoulées, la Commission des cartels a examiné et décrit les conditions de concurrence sur les marchés les plus divers de la Suisse; elle a aussi montré au grand public l'importance de la concurrence et veillé à ce que des engagements trop stricts soient supprimés dans un certain nombre de branches d'activité. Elle a cependant bien dû constater à réitérées reprises que la législation en vigueur ne lui permet pas, à elle surtout, d'avoir une vue d'ensemble de la concurrence et d'être constamment au courant des changements.

La demande de révision de la loi sur les cartels semble donc entièrement justifiée. Il s'agit de déterminer soigneusement, sur la base d'expertises, dans quelle mesure et sur quels points la loi peut être modifiée au besoin, sans porter atteinte au principe fondamental de notre législation sur les cartels, celui de la lutte contre les abus.

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Le Conseil fédéral exprima en outre l'avis que la Commission des cartels devrait être chargée elle-même, en tant que commission d'experts, de l'élaboration d'un rapport détaillé sur ces problèmes puisque, du fait de son expérience, elle est la mieux placée pour établir jusqu'à quel point il y a lieu de modifier ou de compléter la loi sur les cartels.

La motion Schürmann a été adoptée le 8 juin 1972 par le Conseil national et transmise au Conseil fédéral après avoir été approuvée le 26 septembre 1972 par le Conseil des Etats.

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Les travaux préparatoires

La Commission des cartels, qui a fonctionné comme commission d'experts, était composée comme il suit à la fin de ses travaux (automne 1978): Professeur Walter Schluep, Lengnau (président); Bernard Béguin, adjoint du directeur, Radio-Télévision Suisse Romande, Genève; Walter Biel, conseiller national, directeur de la Fédération des Coopératives Migros, Zurich; Robert Briner, avocat, Zurich; Erica Carrard, Alliance des sociétés féminines suisses, Cully; Otto Fischer, conseiller national, directeur de l'Union suisse des arts et métiers, Berne; professeur Fritz Gygi, Berne; professeur Ernst Jaggi, président de la direction de l'Union des coopératives agricoles de la Suisse orientale, Winterthour; Alexandre Jetzer, avocat, premier secrétaire de «Vorort» de l'Union suisse du commerce et de l'industrie, Zurich; Beat Kappeier, licencié es sciences politiques HEI, secrétaire de l'Union syndicale suisse, Berne; Robert Kohler, président de la direction de Coop suisse, Baie; professeur Hugo Sieber, Mûri près Berne; Jakob Weibel, conseiller d'entreprises, Zurich; professeur Walter Wittmann, Disentis/Acletta.

Les anciens membres ci-après de la Commission ont été appelés comme experts supplémentaires : Professeur Henri Deschenaux, Fribourg; professeur W. Hug, Zurich; professeur H. Merz, Berne; professeur L. Schürmann, Ölten.

C'est le secrétariat de la Commission des cartels (dont le chef est M. Bruno Schmidhauser) qui a assumé les fonctions de secrétariat de la commission d'experts.

La commission d'experts a terminé ses travaux en automne 1978. La procédure de consultation auprès des cantons, des partis politiques et des organisations intéressées a commencé au début de décembre 1978. La version allemande du projet et le rapport explicatif ont été publiés en outre dans le fascicule 2/1979 de la revue «Wirtschaft und Recht» alors que le texte français du projet a paru dans la «Revue suisse du droit international de la concurrence» (n° 5, janvier 1979).

Suite à la procédure de consultation, un groupe de travail a examiné le projet de loi à la lumière des observations présentées, à la demande du chef du Département fédéral de l'économie publique. Il était composé comme il suit: Professeur Walter Schluep, président de la Commission des cartels; professeur Léo Schürmann, vice-président du directoire de la Banque nationale

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suisse; Kurt Fröhlicher, chef du service économique au Secrétariat général du DEP; Bruno Schmidhauser, chef du secrétariat de la Commission des cartels.

Le groupe de travail a terminé ses travaux à la fin d'avril 1980.

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Les résultats de la procédure de consultation Généralités

Le Conseil fédéral a décidé le 27 novembre 1978 de soumettre à l'appréciation des cantons, des partis politiques et des associations économiques, le projet ainsi que le rapport explicatif. Le délai de réponse était fixé au 31 mai 1979. De divers côtés, on a demandé une prolongation de ce délai, si bien que les derniers avis ne sont parvenus que dans le courant du mois de septembre. Les 80 avis recueillis se répartissent comme il suit: cantons 18, partis 10, associations et organisations intéressées 47, services fédéraux 5.

Les articles de la loi cités ci-après se rapportent au projet de la commission d'experts, 22

Appréciation générale

La nécessité d'une révision de la loi en vigueur n'a guère été contestée.

Cependant certains avis divergent fondamentalement quant à la voie adoptée dans le projet. On a reproché que l'on ne s'en était pas tenu au cadre esquissé par la motion Schürmann, et que l'on avait procédé à une révision totale et non partielle de la loi. A quelques exceptions près, les opinants se sont prononcés pour le maintien d'une législation se limitant à lutter contre les abus. Seul un très petit nombre d'opinants auraient préféré que la loi interdise toute entente cartellaire. Les avis sont partagés sur la question de savoir si le projet satisfait encore au principe de la lutte contre les abus ou si la voie proposée va déjà dans le sens d'une législation visant quant au fond à l'interdiction. De larges milieux de l'économie font valoir que diverses dispositions du projet sont de nature à rendre impossible à l'avenir la formation de cartels, ce qui est en contradiction avec le principe de la seule lutte contre les abus. Lesdites dispositions ne seraient pas conformes à la constitution. Les organisations de consommateurs et de travailleurs sont en revanche d'avis que les dispositions en question ne feraient que contribuer à redonner de la force à l'idée de la concurrence, en permettant de lutter plus efficacement à l'avenir contre les abus cartellaires, si bien que cette tendance serait parfaitement conforme à la constitution.

Les dispositions relatives à la justification des entraves à la concurrence (art.

7), à l'inexécution d'engagements à caractère de cartel (art. 17), aux enquêtes spéciales (art. 30 dans la version de la majorité de la commission), à la surveillance des prix, de même que les mesures en cas de refus des recommandations (art. 42) ont fait l'objet d'un nombre particulièrement abondant d'observations. L'assujettissement des entreprises publiques à la loi sur les S 4 Feuille fédérale. 133« année. Vol. II

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cartels, l'extension des moyens d'interventions du droit cartellale par l'inclusion dans la loi des enquêtes préalables déjà pratiquées jusqu'ici, de même que l'inscription dans la loi de la méthode du bilan ont en revanche été unanimement approuvés.

D'une façon générale, de larges milieux de l'industrie, des arts et métiers et du commerce se sont prononcés contre le projet tel qu'il était présenté, alors que celui-ci a rencontré un écho tout à fait favorable auprès des organisations de consommateurs et de travailleurs. Une forte majorité des partis politiques lui ont réservé un accueil positif. Pour ce qui est des cantons, on n'a pu constater aucune tendance uniforme dans l'appréciation du projet, les avis recouvrant pour ainsi dire le spectre complet des opinions et allant du rejet total à l'approbation sans réserve.

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Appréciation des diverses dispositions du projet

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Champ d'application

11 n'a pas été contesté que les entreprises publiques doivent également être soumises à la loi sur les cartels dans la mesure où elles n'exercent pas des fonctions régaliennes sur les marchés des biens et des services. En revanche, les avis sont partagés quant a la question de savoir si le murulic du travail doit lui être soumis. Les partisans d'un tel assujettissement font valoir qu'il n'est pas admissible de renforcer la loi sur les cartels dans le sens d'une législation d'interdiction tout en continuant à en exclure le marché du travail. La proposition de la minorité de la commission pour ce qui est de l'article 1 serait propre à lutter efficacement contre les abus cartellaires émanant des syndicats.

Les milieux des travailleurs s'opposent pour leur part avec véhémence à un assujettissement du marché du travail, une telle intention revenant à saboter le projet de révision et la différence fondamentale entre le marché du travail et celui des biens se trouvant ainsi totalement méconnue. Les abus éventuels sur le marché du travail devraient à leur avis être combattus non pas dans le cadre de la loi sur les cartels mais par des mesures relevant du droit sur les contrats de travail.

Les opinions divergent sur la question de savoir si les recommandations ainsi que les accords d'exclusivité et de distribution doivent être inclus dans le champ d'application de la loi. Le fait que les recommandations soient parfaitement en mesure de limiter la concurrence milite en faveur de leur inclusion.

Comme elles sont même souvent plus efficaces que des accords de caractère obligatoire, cela permettrait d'éviter que la loi soit éludée. Les adversaires de l'assujettissement se prévalent du caractère non obligatoire de ces recommandations, qui ne permettrait pas d'imposer dans les faits des mesures tendant à limiter la concurrence.

Des réserves ont été exprimées quant à l'assujettissement des accords d'exclusivité et de distribution. Elles étaient surtout dictées par la crainte de favoriser de la sorte une nouvelle concentration des entreprises. De tels accords d'exclusivité et de distribution constituent en effet un moyen apprécié des petites et moyennes entreprises pour s'affirmer face à la concurrence.

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Dispositions de droit civil

Les organisations de consommateurs et de travailleurs, de même que plusieurs partis et cantons, considèrent les nouvelles dispositions de droit civil comme une sérieuse tentative de revaloriser la partie de droit privé de la loi, laquelle avait fortement perdu de son importance. Ces nouvelles dispositions seraient propres à renforcer la volonté procédurière de ceux qui se trouvent illicitement entravés en matière de concurrence et à faire renaître l'esprit de concurrence.

Ce sont avant tout les milieux de l'économie qui s'opposent fortement à ces dispositions, mais plusieurs cantons estiment aussi qu'elles vont trop loin. A ce sujet, la critique s'est concentrée sur l'article 7 (justification des entraves à la concurrence) et sur l'article 17 (inexécution des engagements à caractère de cartel).

Pour ce qui est de l'article 7, on critique surtout le fait qu'à l'avenir les entraves à la concurrence ne pourront être justifiées que si leurs effets sont dans l'intérêt général. Avec de tels obstacles à leur justification, on ne serait plus bien loin d'une interdiction des cartels. C'est pourquoi nombreuses ont été les demandes tendant à ce que l'on se contente d'interdire les mesures visant à entraver la concurrence lorsqu'elles portent atteinte à l'intérêt général. D'aucun ont regretté que les mesures visant à assurer l'application de prix imposés raisonnables ne figurent plus parmi les motifs de justification.

La formulation de l'article 17, selon laquelle les membres de cartels auraient été dans une grande mesure assimilés à des tiers, s'est heurtée à une opposition sur un large front. La cohésion interne des cartels se trouverait en effet sensiblement affaiblie si la contrainte cartellaire ne pouvait plus être imposée efficacement. Le cartel lui-même pourrait de ce fait se trouver menacé dans son existence. Un traitement différencié des membres des cartels et des tiers se justifierait cependant, ne serait-ce que parce que les membres du cartel ont accepté librement un certain comportement, alors que les tiers peuvent généralement être touchés par les effets d'accords cartellaires sans qu'ils y soient pour quelque chose. Afin que cette disposition ne revienne pas, de par ses résultats, à une interdiction des cartels, mais également pour ne pas saper la fidélité aux contrats, il faudrait en revenir
à la formule adoptée dans la loi en vigueur.

L'article 8, qui donne qualité pour agir des associations professionnelles et économiques, est approuvé presque à l'unanimité. Les organisations de consommateurs ont cependant estimé que cette disposition était trop étroite et ont demandé que la qualité pour agir en justice soit étendue aux associations de consommateurs.

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Dispositions de droit administratif

233.1

Commission des cartels et secrétariat

Le maintien de la Commission des cartels en sa forme actuelle, celle d'un système de milice, a été dans l'ensemble approuvé. La composition de la commission a cependant fait l'objet de discussions, les opinants estimant souvent que l'économie y est surreprésentée. Des doutes ont été exprimés ici et

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là sur la question de savoir si une commission extraprofessionnelle serait à l'avenir également à même d'assumer les travaux qui lui incombent, et cela d'autant plus que le projet contient des dispositions qui permettent de s'attendre à un surcroît d'activité (obligation d'annoncer les concentrations d'entreprises, surveillance des prix). C'est pourquoi les consommateurs et les travailleurs ont demandé que l'on crée un office fédéral pour les problèmes de la concurrence, dans lequel la Commission des cartels pourrait le cas échéant exercer une fonction consultative. Au cas où il ne pourrait pas être donné suite à cette demande, il conviendrait de renforcer pour le moins les effectifs du secrétariat.

Les milieux économiques se sont prononcés clairement contre la large indépendance de la Commission des cartels et du secrétariat prévu dans le projet. Ils estiment que )a politique en matière de concurrence, partie intégrante de la politique économique, devrait relever davantage des autorités politiques et devrait être soumise dans une plus large mesure au contrôle du parlement. Par crainte d'une certaine dynamique autonome du secrétariat et d'un gonflement de l'effectif des fonctionnaires, ils rejettent tant une revalorisation du secrétariat qu'une meilleure dotation de celui-ci en personnel, cette dernière n'étant compatible ni avec le blocage du personnel ordonné par le parlement, ni avec le mandat d'économie imposé par le souverain.

233.2

Activité actuelle de la commission

L'insertion dans le texte du projet de la procédure d'enquêtes préalables est bien accueillie, cet instrument ayant donné toute satisfaction jusqu'ici. En revanche, beaucoup d'opinants considèrent les enquêtes générales comme superflues. Un exposé purement descriptif des conditions du marché dans les différentes branches apparaît inopportun aussi longtemps que les conclusions tirées de ces enquêtes n'ont pas un caractère obligatoire en droit et ne peuvent par conséquent pas trouver d'application. C'est pourquoi le coût de telles enquêtes ne se justifie guère du point de vue du résultat obtenu. Un ensemble d'instruments composé uniquement d'enquêtes préalables et d'enquêtes spéciales suffirait parfaitement.

Les dispositions au sujet des enquêtes spéciales ont été fort contestées. On a reproché au projet de la majorité de s'inspirer d'une conception théorique extrême de la concurrence. Cette surévaluation de la concurrence aboutit à l'idée que les cartels sont nuisibles en eux-mêmes, ce qui est clairement contraire au principe de la lutte contre les abus. La proposition de la minorité tient compte de cette objection et devrait donc être préférée à la proposition telle qu'elle est formulée par la majorité de la commission. Il serait même éventuellement préférable de renoncer entièrement à une nouvelle formulation de cette disposition et de conserver l'article 20 de la loi en vigueur.

Les représentants des consommateurs et des travailleurs, de même que ceux des grands distributeurs, se sont engagés avec résolution en faveur de la proposition de la majorité pour ce qui est de l'article 30. En faisant le compte des facteurs positifs et négatifs, il aurait été par trop facile jusqu'ici de trouver

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des motifs pour justifier un état de non-concurrence. En accordant plus d'importance à la concurrence, on empêchera que les conséquences négatives sur la concurrence puissent être compensées par n'importe quel intérêt particulier, ce qui avait dans chaque cas pour effet jusqu'ici d'en arriver en fin de compte à une compatibilité avec l'intérêt général. Seule la proposition de la majorité serait de nature à entraîner dans ce domaine une importante amélioration.

La compétence accordée à la Commission dès cartels à l'article 30, tant dans la proposition de la majorité que dans celle de la minorité, et qui lui permet de décider de mener une enquête spéciale, a été rèjetée par une majorité des avis exprimés. Comme jusqu'ici, c'est au Département fédéral de l'économie publique qu'il devrait appartenir de prendre une telle décision.

D'une manière générale, on a apprécié de façon positive la proposition d'inscrire dans la loi la méthode du bilan, déjà appliquée jusqu'ici et au moyen de laquelle on établit la balance des effets positifs et négatifs des entraves à la concurrence.

233.3

Fusions d'entreprises

Pour ce qui est de la nécessité de prévoir dans la loi une obligation d'annoncer les fusions d'entreprises, les avis divergent là aussi fortement. Divers cantons, partis politiques et organisations de consommateurs ont fait valoir que la concurrence se trouve de nos jours de plus en plus menacée par des groupements occupant une position dominante sur le marché. Au surplus, ces concentrations d'entreprises non seulement représentent le plus souvent une menace pour la concurrence, mais encore s'accompagnent dans bien des cas de fermetures d'exploitations et de licenciements de travailleurs. C'est la raison pour laquelle une meilleurs réglementation juridique des concentrations d'entreprises s'impose à leurs yeux.

Quelques avis ont exprimé le regret que l'on n'ait pas réussi à soumettre les fusions d'entreprises au régime de l'autorisation. On a aussi réclamé ici et là l'obligation pour les entreprises d'annoncer à la Commission des cartels les fusions avant qu'elles se trouvent concrètement réalisées.

Les milieux économiques ont rejeté ces dispositions, estimant qu'elles constitueraient une intervention inappropriée de l'Etat dans l'évolution de l'économie. Une obligation d'annoncer en reviendrait de facto à un contrôle de la fusion. Le projet prévoyant de conférer à l'autorité la compétence d'ordonner un démantèlement, les chefs d'entreprises se garderaient à l'avenir de fusionner sans le consentement de la Commission des cartels. Il semble que les dispositions proposées s'inspirent fortement d'exemples étrangers, sans tenir compte des conditions spécifiques de la Suisse. On aurait méconnu le fait que les entreprises suisses optent souvent pour une fusion afin de mieux faire face au rude climat de la concurrence internationale et non pas le plus souvent afin de s'assurer une position dominante sur le marché suisse.

Les nouvelles dispositions créeraient aussi une grande insécurité sur le plan juridique. Faute de critères quantifia blés, le chef d'entreprise aurait de la peine

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en l'espèce à déterminer s'il est soumis ou non à l'obligation d'annoncer. En outre, il serait presque impossible de délimiter le marché à prendre en considération et d'établir qu'une entreprise donnée exerce sur celui-ci une influence notable.

A rencontre de l'obligation d'annoncer les fusions d'entreprises, il n'a pas été fait état seulement d'objections relevant de la politique commerciale et de l'Etat de droit, mais aussi du travail administratif qui en découlerait tant pour l'économie que pour la Commission des cartels, travail qui ne serait pas en rapport raisonnable avec les résultats que l'on pourrait en escompter.

233.4

Surveillance des prix

Les dispositions du projet relatives à la surveillance des prix ont été considérées comme peu heureuses. Si les milieux économiques s'opposent en principe à de telles mesures, qui ne sont à leurs yeux pas compatibles avec l'économie de marché, cette surveillance des prix relevant de la politique de la concurrence ne répond pas non plus aux idées de ceux qui approuvent en principe des mesures de surveillance des prix. Les représentants des consommateurs reconnaissent certes que la surveillance des prix proposée, s'inspirant de la politique de la concurrence, permettrait de combler au moins partiellement la lacune qui s'est produite depuis qu'est échue, à la fin de 1978, la surveillance des prix. Cela ne les empêche cependant pas de poursuivre de façon cohérente leurs efforts en vue d'inscrire dans le droit ordinaire l'ancienne surveillance des prix de caractère conjoncturel, fondée sur le droit d'urgence. On doute aussi que la Commission des cartels, dans sa composition actuelle, soit l'autorité capable de traduire ces dispositions dans les faits d'une manière neutre et efficace. La procédure d'examen de la fixation ou du maintien de prix abusifs a en outre été jugée trop longue et trop compliquée. Les adversaires déclarés de toute mesure de surveillance des prix admettent certes que la formation normale des prix peut être faussée par des cartels ou des organisations analogues. Mais ils estiment inopportun que la Commission des cartels se borne dans de tels cas à lutter contre les syiiip tûmes cil cherchant à éliminer les abus par des mesures de surveillance des prix. Elle devrait bien plutôt étudier les causes profondes de tels abus en matière de prix et s'employer à créer des conditions de concurrence de nature à garantir une formation normale des prix. La loi en vigueur permettrait déjà à la Commission des cartels d'agir dans ce sens dans les limites d'une enquête spéciale, raison pour laquelle les dispositions au sujet de la surveillance des prix seraient superflues.

233.5

Autres dispositions de droit administratif

Pour ce qui est des dispositions relatives à l'obligation d'informer et de coopérer, les représentants des syndicats et des consommateurs ont déclaré avoir été déçus de ce que l'on ait renoncé à introduire un registre des cartels.

On aurait de la sorte manqué l'occasion d'arriver à une certaine vue d'ensemble du dense réseau des ententes limitant la concurrence. D'un autre côté, on a objecté qu'il serait sans doute très difficile de tenir le registre des cartels à jour.

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Le recensement des organisations analogues à des cartels poserait également des problèmes. Si l'on tient compte, en plus de ces difficultés, du travail administratif, il apparaît que la seule solution soutenable consiste à renoncer à un registre des cartels.

Les dispositions techniques de procédure touchant les recommandations, les décisions et les recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral ont également constitué une pierre d'achoppement. C'est avant tout la compétence de la Commission des cartels de rendre des décisions qui a soulevé des oppositions. Plusieurs demandes tendent à ce que le droit de décision soit laissé au Département fédéral de l'économie publique en tant qu'autorité assumant une responsabilité politique. D'autres se prononcent pour le maintien du système en vigueur, qui prévoit la recommandation et l'action administrative devant le Tribunal fédéral.

La nécessité de dispositions pénales est contestée. Le défaut de telles dispositions n'aurait guère été ressenti jusqu'ici comme un inconvénient. On courrait le risque, du fait de cette pénalisation, de perturber la bonne entente entre la Commission des cartels et l'économie. Si l'on persistait à vouloir maintenir des dispositions pénales, il faudrait pour le moins se limiter à des amendes et renoncer aux arrêts. Certains milieux de consommateurs et quelques petits partis ont plaidé pour un accroissement du montant de la peine. Les dispositions pénales devraient être conçues de telle manière qu'il soit possible dans un cas d'espèce d'éponger une part équitable des gains réalisés en violation de la loi sur les cartels.

Dans quelle mesure des dispositions au sujet de l'application d'accords internationaux sont-elles nécessaires, c'est là également une question controversée.

Certains y voient une possibilité de faire disparaître d'éventuelles divergences entre le droit suisse en matière de cartels et les accords internationaux. Mais c'est avant tout en relation avec la convention de l'AELE et l'accord de libre échange avec la CEE que ces dispositions ont une importance que l'on ne saurait sous-estimer.

L'économie, en revanche, a exprimé la crainte que les partenaires de notre pays, pour ce qui est des accords internationaux, en déduisent que les dispositions en la matière desdits accords soient directement applicables
en droit suisse. Il y aurait un risque de voir ainsi le droit étranger ouvrir une brèche dans notre système propre. Elle a aussi estimé que des compétences excessives seraient de la sorte accordées aux représentants non précisément désignés de la Suisse dans les organes prévus par les accords. C'est en effet au Conseil fédéral et à ses départements qu'il appartient d'apprécier si, dans un cas particulier, des intérêts suisses supérieurs s'opposent à des prétendues atteintes à des normes internationales.

3

La nécessité de réviser la loi sur les cartels

De diverses parts, il a été relevé au cours de la procédure de consultation que la loi sur les cartels avait donné satisfaction, si bien qu'il n'y avait aucune raison de la réviser. Nous estimons donc indispensable d'exposer ci-après les arguments qui nous ont fait pencher en faveur de la révision.

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Eléments de la motion Schürmann

Le développement de la motion L, Schürmann, conseiller national, de 1971, contient déjà des éléments décisifs en faveur de la nécessité de réviser la loi sur les cartels. C'est ainsi que l'auteur de la motion, alors président de la Commission des cartels et en contact fréquent avec les problèmes de la politique de la concurrence, disait alors ceci : La question qui se pose est la suivante: A partir de quand la puissance économique influe-t-elle sur le régime de concurrence et, par là même., sur l'ordre social? Est-il possible de soumettre à une législation les formes multiples, souvent inédites que prend cette puissance, par exemple le cas délicat de la puissance d'achat ou lorsqu'elle se manifeste de manière surprenante sous la forme de monopoles régionaux? C'est là un problème de nature législative. On ne pourrait le résoudre d'autre manière que par des interventions directes et massives de l'Etat. Or c'est précisément ce que toute politique tendant à maintenir une saine concurrence entend éviter I (La motion Schürmann et son développement ont été publiés dans «Wirtschaft und Recht», 1972, p. 302 ss).

L'auteur de la motion a relevé à juste titre que l'article de la constitution relatif aux cartels, qui date de 1947, et la loi sur les cartels de 1962, avaient en principe fourni la juste conception de la politique suisse en matière de concurrence. D'une part, l'accent a été mis sur ce qu'on appelle la législation contre les abus, et de l'autre on ne s'est pas contenté de toucher les seules formations proprement cartellaires, mais on s'est dès le début aussi préoccupé des organisations analogues à des cartels, c'est-à-dire des formations qui sont caractéristiques des processus de concentration économique. Cependant, on a pu établir en 1971 déjà tout un catalogue de problèmes qui faisait apparaître une révision de la loi sur les cartels comme souhaitable. L'auteur de la motion a notamment relevé les points suivants: l'examen de l'ensemble des mesures prévues par la loi sur les cartels; l'obligation d'annoncer les cartels et organisations analogues; le contrôle des limitations internationales de la concurrence et des phénomènes de concentration; la surveillance de la formation des prix, en particulier pour ce qui est des entreprises disposant d'une position de force sur le marché; la protection renforcée de la libre concurrence en liaison avec le problème de l'opportunité d'une surveillance des concentrations d'entreprises.

Cette liste de problèmes découle directement des expériences faites en matière de concurrence. A l'heure actuelle, plusieurs de ces problèmes sont devenus plus aigus et exigent de nouvelles dispositions législatives.

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Contrôle de nouvelles tendances économiques

Depuis 1969, la Commission des cartels a analysé et exposé, à l'occasion de diverses enquêtes, les phénomènes de concentration dans un certain nombre de branches. On peut observer dans bien des secteurs économiques la tendance à une concentration accrue. Les organisations analogues à des cartels gagnent donc en importance tandis que l'influence exercée par les cartels passe plutôt au second plan.

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La loi en vigueur englobe déjà les organisations analogues à des cartels dans son champ d'application. Ses dispositions sont cependant principalement adap' tées au type du cartel «classique», conformément aux conditions qui régnaient lors de son élaboration. Nous rappellerons que son article 4, 2e alinéa se borne à prévoir, pour les organisations analogues à des cartels, que les dispositions sur les entraves illicites à la concurrence, qui valent pour les cartels, s'appliquent par analogie à ces organisations. Or la pratique de la Commission des cartels a continuellement démontré que les organisations analogues à des cartels, qui résultent dans une large mesure d'une convergence de fait, sont infiniment plus difficiles à cerner et à apprécier que les cartels fondés sur des accords. C'est ce qui explique pourquoi la pratique de la Commission des cartels s'est occupée presque uniquement du phénomène des cartels, ce qui lui a parfois été reproché. Si l'on veut que la Commission et les tribunaux civils s'occupent davantage et de façon plus approfondie des nouveaux phénomènes de concentration, il faut apporter certains compléments à la loi en vigueur.

Ainsi, par exemple, les dispositions de la loi en vigueur sont spécifiquement adaptées à un marché donné, alors que les problèmes actuels de la politique de la concurrence résultent avant tout du fait que certaines entreprises exercent leur activité sur les marchés les plus divers. Elles peuvent, donc, compte tenu de cette forme conglomerale de concentration, influer de manière déterminante les marchés les plus divers.

La loi actuelle ne contient aucune disposition sur un contrôle des fusions.

Certains auteurs ont émis l'avis, que l'article 20 de la loi en vigueur (établissement d'effets nuisibles d'ordre économique ou social des cartels ou d'organisations analogues) devrait permettre de cerner également les conséquences des fusions d'entreprises. L'opinion qui a toutefois prévalu dans la pratique était la suivante: il faut s'accommoder de la formation d'entreprises puissantes sur le marché par la voie de la fusion et se borner à contrôler le comportement de ces entreprises en matière de concurrence. Etant donné que l'on se plaint continuellement de la constitution de puissance économique par le moyen de la fusion et de l'affaiblissement de la concurrence
pouvant en résulter, il paraît indiqué de s'engager dans une voie nouvelle.

Une forme modérée de surveillance des fusions d'entreprises s'impose au vu des nouvelles tendances économiques. Nous tenons cependant à souligner que cette conclusion ne signifie nullement que toute concentration économique doive être considérée comme nuisible du point de vue de la politique de la concurrence. Ce qui est décisif, c'est d'abord qu'un contrôle de ce genre de processus soit possible, sans que l'on préjuge pour autant le résultat de l'appréciation par l'autorité compétente.

Il faut également relever, en relation avec les nouvelles tendances, la puissance croissante d'achat. Différents marchés sont devenus des marchés d'acheteurs caractérisés. Ceux qui offrent doivent faire face sur ces marchés à des acheteurs qui peuvent exercer une influence déterminante voire abuser de leur position de force. La loi en vigueur est axée dans une large mesure sur les problèmes traditionnels de la puissance de l'offre et ne fournit guère d'indications sur la manière dont on pourrait avoir prise sur la puissance d'achat en droit cartellairc. Sans doute la Commission des cartels a-t-elle étudié à la faveur

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d'une enquête les problèmes que pose la puissance d'achat en général et en estelle arrivée à la conclusion que la loi sur les cartels permettrait parfaitement d'en restreindre les abus (Publications de la Commission des cartels 1976, p. 53 ss et 94 ss). En raison de l'importance qu'ont pris ces problèmes ces derniers temps, il apparaît cependant opportun d'apporter au texte de la loi des précisions dont pourra s'inspirer la pratique à l'avenir.

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Appréciation plus stricte des entraves à la concurrence

Certaines législations étrangères partent de l'idée que toute espèce de limitation de la concurrence est contraire à l'intérêt général. Cette manière d'envisager les choses débouche sur une législation d'interdiction. La Suisse n'a jamais adopté ce point de vue. Elle aussi part de l'idée qu'une concurrence efficace est un pilier essentiel de l'économie de marché. Cependant, notre pays admet que toute limitation de la concurrence ne saurait être a priori illicite, mais que de bonnes raisons peuvent militer dans un cas concret en faveur de l'existence d'une limitation de la concurrence. Aussi la loi prévoit-elle que c'est l'examen du cas particulier qui permettra de déterminer si une limitation de la concurrence a des effets nuisibles d'ordre économique ou social.

Pour apprécier une limitation donnée de la concurrence et ses effets, il importe dans chaque cas de se demander quel poids il faut accorder au fait que la concurrence est limitée. S'agit-il là d'un facteur comme n'importe quel autre ou ne faut-il pas attribuer à cette limitation un caractère intrinsèquement négatif? La loi en vigueur laisse à cet égard bien des questions en suspens, raison pour laquelle d'ailleurs la pratique de la Commission des cartels, qui se fonde sur cette loi, a été soumise à bien des critiques. Ces dernières se sont cristallisées ces derniers temps dans le reproche selon lequel la pratique de la Commission des cartels tolère trop facilement les limitations de la concurrence, ce qui est en contradiction avec sa tâche.

Par des enquêtes spéciales au sens de l'article 20 de la loi en vigueur, la Commission des cartels doit examiner si certains cartels ou organisations analogues exercent des effets nuisibles d'ordre économique ou social. Pour définir ce mandat, le législateur a, à l'époque, repris les termes de l'article de la constitution relatif aux cartels. Il incombait dès lors à la Commission des cartels la tâche difficile d'exécuter ce mandat. Elle a mis au point à ce sujet la méthode dite du bilan que nous allons exposer de manière détaillée. Il s'agit en principe de comparer et de peser les effets négatifs et positifs des limitations de la concurrence. Si les effets négatifs prédominent, on en déduit que le cartel exerce des effets nuisibles d'ordre économique ou social. Cette méthode s'est révélée efficace pour
apprécier les limitations de la concurrence. Son application n'est cependant pas sans problèmes.

T.es résultats que l'on obtient au moyen de cette méthode dépendent surtout de la manière dont on pondère les différents effets. Si lors de cette appréciation l'on n'accorde pas une importance spéciale au fait que la concurrence est limitée, il sera relativement aisé de faire valoir des facteurs qui compenseront cette limitation, si bien que l'on débouchera sur un bilan équilibré. Dans un régime

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d'économie de marché, il importe de mettre un accent particulier sur les effets qu'exercent les limitations de la concurrence.

Dans un tel régime, la concurrence a une fonction fondamentale de régulation de l'économie, à laquelle il ne peut être porté atteinte que dans des cas tout à fait spéciaux. On peut objecter que cette argumentation ne permet pas de motiver une modification de la loi en vigueur, puisque sa formulation même autorise parfaitement à accorder plus de poids aux entraves à la concurrence dans les limites de la méthode du bilan. La pratique de la Commission des cartels a cependant montré que la loi en vigueur ne saurait donner satisfaction à tous égards et que, en particulier, la simple reprise du texte constitutionnel dans la loi aboutit à des insuffisances dans la pratique. C'est pourquoi l'on éprouve la nécessité impérieuse d'inscrire expressément la méthode du bilan dans la loi et d'accorder de ce fait la juste pondération au facteur de la concurrence dans le régime de l'économie de marché. Le même problème ne se pose d'ailleurs pas seulement dans la partie de droit administratif de la loi, mais également en rapport avec la justification d'une entrave notable à la concurrence dans la partie de droit civil.

34 341

Organisation de la Commission des cartels et instruments de droit administratif Organisation de la Commission des cartels

Le projet s'en tient au principe selon lequel la politique des cartels doit être appliquée en Suisse pour l'essentiel, d'une part par les tribunaux civils et de l'autre par une autorité exerçant son activité à titre accessoire, la Commission des cartels. On a constaté ces dernières années que le centre de gravité se déplaçait toujours plus vers la partie de droit administratif de la loi, tendance qui devrait sans doute continuer à s'accentuer. Les rapports annuels de la Commission des cartels montrent combien nombreuses et complexes sont les tâches qui incombent à cette autorité. Elles ne peuvent être menées à bien que par un secrétariat à plein temps, qui prend toujours plus d'importance à mesure qu'augmenté l'activité de la commission. Le secrétariat, que l'actuelle loi se borne à mentionner, exerce une fonction déterminante pour l'activité exercée à titre accessoire par la Commission. Lors de la révision de la loi, on devra tenir compte de l'importance accrue de la Commission et de son secrétariat.

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Les instruments de droit administratif

La motion Schürmann soulevait déjà la question suivante: faut-il introduire une obligation d'annoncer les cartels et organisations analogues afin d'assurer une meilleure transparence de leurs activités. Il a fallu examiner également dans le même ordre d'idées s'il ne faudrait pas introduire un registre des cartels, comme l'ont demandé à diverses reprises les consommateurs.

La loi en vigueur permet à la Commission des cartels de procéder à deux types d'enquêtes, auxquels s'est ajouté plus tard un troisième type, appelé enquête

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préalable. La question de la relation entre ces trois types d'enquêtes s'est posée avec toujours plus d'acuité. En effet, l'enquête générale et l'enquête spéciale se sont rapprochées du point de vue de la procédure et du fond; ceci a suscité des difficultés pratiques non seulement pour la Commission des cartels, mais aussi pour les milieux économiques concernés par ces enquêtes. Il a donc fallu se demander avec insistance s'il ne serait pas indiqué de concentrer les moyens de droit administratif.

Aux termes de l'article 20 de la loi en vigueur, la Commission des cartels peut,, à. la suite de ses enquêtes spéciales, adresser des «recommandations» aux intéressés. Si ces recommandations ne sont pas suivies, le Département fédéral de l'économie publique a la possibilité d'intenter une action de droit administratif devant le Tribunal fédéral. La pratique a montré que ce système avait pour effet une certaine complaisance dans la formulation des recommandations par la Commission des cartels. Afin de ne pas imposer au département le rôle de plaignant, on est manifestement enclin à la résistance des milieux intéressés. Cela est corroboré par le fait que toutes les recommandations de la Commission des cartels aient été acceptées par leurs destinataires et qu'il n'ait jamais fallu faire usage de l'action administrative. On peut dans ces conditions se demander si l'on ne pourrait donner au cartel ou à l'organisation analogue touchée la possibilité d'intenter eux-mêmes une action comme le prévoit du reste le droit administratif de la Confédération dans d'autres domaines. A cela s'ajoute le fait que l'action de droit administratif est de nos jours généralement remise en question. Les instruments de droit administratifs prévus dans la loi sur les cartels ont également soulevé diverses questions, dont certaines nous ont incité à proposer une révision de cette loi.

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Droit de la concurrence dans les accords internationaux

Tant le traité de l'AELE que les accords de libre échange avec la CEE et la Communauté du charbon et de l'acier contiennent des dispositions relatives au droit de la concurrence dont le contenu ne s'harmonise pas nécessairement avec la loi suisse sur les cartels. Il ne s'agit pas là, selon l'opinion prédominante d'un droit directement applicable et qui aurait force obligatoire pour les particuliers. Une question se pose dès lors à la Suisse: ne faudrait-il pas en droit interne un instrument propre à permettre l'exécution des causes internationales en matière de concurrence?

La Suisse était déjà membre de l'AELE lors de l'entrée en vigueur de la loi sur les cartels. Dans le message à l'appui de la loi sur les cartels, le Conseil fédéral déclarait: Du fait de sa participation à l'Association européenne de libre-échange, la Suisse a reconnu que les avantages découlant du libre-échange pouvaient être compromis par des pratiques commerciales restrictives (art. 15). Si des entreprises suisses se livrent à de telles pratiques au détriment d'un Etat membre de l'Association .et si le cas n'est pas examiné et réglé sur recours, le Conseil de l'Association peut décider, à la majorité, d'autoriser l'Etat demandeur à prendre des mesures de rétorsion (art. 31). Une loi sur les cartels faciliterait la tâche des autorités appelées à remédier à cette fâcheuse situation (p. 558).

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On estimait alors que la loi en vigueur suffirait à remédier à la situation dans les cas particuliers. On considérait que l'enquête spéciale (art, 20 de la loi en vigueur), qui sert à tirer au clair si un cartel ou une organisation analogue exerce des effets nuisibles d'ordre économique ou social, constituait l'instrument approprié (FF 1961II 558 et 562). Mais on n'avait pas suffisamment pris en considération qu'une décision prise par la majorité du conseil de l'AELE en vertu de l'article 15 du traité ne devait pas nécessairement se fonder sur les mêmes critères que ceux sur lesquels se base l'article 20 de la loi sur les cartels.

Cela peut aboutir à des divergences et rendre la loi suisse sur les cartels inapte à lever les obstacles au commerce, quand bien même cela serait du plus haut intérêt pour notre pays qui pourrait ainsi prévenir des mesures de rétorsion éventuelles de la part de ses partenaires. Sans doute, une telle divergence ne s'est jamais manifestée dans la pratique, étant donné que les désaccords au sujet des limitations de la concurrence ont toujours pu être résolus par voie de négociation au sein de l'AELE. Il est cependant possible qu'un conflit ne puisse pas être résolu par les moyens de la législation suisse.

L'accord de libre échange de la Suisse avec la CEE, en vigueur depuis 1972, contient lui aussi des principes, relatifs à la concurrence. L'article 23 en particulier déclare que certains modes de comportement «sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l'accord» pour peu qu'ils soient susceptibles d'affecter les échanges de marchandises entre la CEE et la Suisse. C'est un «comité mixte» qui est chargé de l'application de l'accord. Les parties contractantes doivent collaborer à l'établissement des faits déterminants. Si le comité mixte conclut que la pratique incriminée n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'accord, la partie en cause doit y mettre fin si elle entend éviter des mesures protectionnistes de la part de la partie touchée. L'accord de libre-échange passé entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier contient des dispositions analogues. Dans ces cas également, il sied de tenir compte du fait que ces accords de libreéchange ne visent pas les mêmes objectifs en matière de droit cartellaire que la loi
suisse sur les cartels. Vu les mesures de rétorsion qui peuvent être prises, il pourrait se révéler souhaitable que la Suisse puisse amener les entreprises suisses à modifier des comportements qui ne sont pas soumis à la loi sur les cartels ou qui ne peuvent pas être qualifiés de nuisibles en vertu des critères de la loi. Il nous incombe donc d'établir les dispositions légales nécessaires pour résoudre des conflits éventuels en matière de politique commerciale.

Considérations générales sur le projet de loi Nous regrouperons ci-après les remarques qui s'appliquent à la politique de concurrence en général et celles qui ont trait aux problèmes qui, s'ils ont été soulevés au cours de la procédure de consultation, n'ont pas trouvé d'expression dans le projet de révision.

1261

41

Objectifs de la politique de la concurrence

411

Evolution de la conception politique de la concurrence en Suisse

411.1

Attachement fondamental aux principes de l'économie de marché

L'ordre économique fondé sur un régime de marché à caractère social qui est inscrit dans la constitution fédérale représente le point de départ pour la fixation des objectifs de la politique en matière de concurrence. Outre la propriété privée, l'un des piliers fondamentaux d'un tel régime est le bon fonctionnement de la libre concurrence. La concurrence, c'est le fait que les différentes entreprises soient soumises à la contrainte de la compétition, qui les pousse à évoluer sans cesse et à s'adapter aux modifications des circonstances.

Si une branche économique connaît une véritable situation de concurrence, il en résulte une pression sur les prix qui rend inéluctable une compression des frais. Il en découle une incitation impérieuse à la rationalisation, à l'innovation, au développement en général. Une concurrence efficace engage les entreprises à un comportement dynamique, à un autocontrôle permanent et à un effort d'affirmation. Faute de concurrence efficace, les structures traditionnelles se figent, les innovations nécessaires ne se font pas, et il en résulte une évolution économique erronée qui peut avoir à long terme des conséquences désastreuses principalement face à la concurrence étrangère. Ce sont avant tout les consommateurs qui en subissent les inconvénients, car faute de concurrence ils paient des prix qui ont tendance à être trop élevés et ils se trouvent privés des progrès techniques possibles. A long ternie, cependant, la branche économique en cause se trouve elle-même lésée, car le statisme résultant du défaut de concurrence équivaut à bien des égards à un recul et a pour effet des retards par rapport à la concurrence étrangère que l'on ne peut ensuite guère rattraper.

Des raisons économiques plaident par conséquent en faveur d'une économie de marché fondée sur ime concurrence efficace. Bien entendu, les motifs économiques ne sont pas seuls à militer pour ce régime. Le fait que l'économie de marché et la concurrence impliquent une décentralisation des décisions et contribuent de façon essentielle à résoudre le problème du pouvoir est tout aussi important sur le plan de l'organisation de notre société- F.nfin l'inspiration libérale du régime d'économie de marché représente elle aussi une valeur de nature politique qui revêt une signification propre d'une importance décisive pour
notre ordre démocratique au niveau de l'Etat.

Nous exposerons ci-après les conséquences économiques de la concurrence en tablant sur l'exemple de la compétition dans le secteur des prix. Selon les règles de l'économie de marché, les prix se forment en fonction de la relation entre l'offre et la demande. Si la demande dépasse l'offre, il en résulte une tendance des prix à la hausse, l'importance de cette dernière dépendant fortement de l'excédent de la demande. Les prix plus élevés ont un effet stimulant sur l'offre, si bien que l'équilibre se rétablit peu à peu entre l'offre et la demande. C'est pourquoi les variations de prix qui se produisent dans un régime de liberté des prix exercent un effet de régularisation du marché. Mais ce mécanisme n'opère que si la concurrence fonctionne. L'existence de la concurrence exerce une pression - quelle que soit la relation entre l'offre et la demande - qui contraint à un calcul équitable des prix. La présence de la

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concurrence n'admet en effet aucun excès en matière de prix qui ne soit fondé sur la réalité du marché.

En matière d'aménagement des prix, on s'inspire souvent de nos jours de l'idée des coûts, comme si le prix n'était rien d'autre que le produit de l'addition des coûts et des marges. Si tel était effectivement le cas, les diverses entreprises n'auraient aucune raison de comprimer leurs frais ou de les réduire par des mesures de rationalisation puisque les coûts pourraient sans inconvénients être admis tels quels, additionnés et reportés sur les consommateurs. Il n'en va pas ainsi sur un marché où règne la concurrence. Cette dernière ne garantit ni la couverture des frais ni les marges pouvant paraître souhaitables aux chefs d'entreprises. En état de concurrence, il peut arriver que les coûts ne puissent pas, ou pas entièrement, être reportés sur les acheteurs, si bien qu'il en résulte inévitablement une pression poussant à la rationalisation, à l'innovation et à d'autres efforts du même genre. L'acheteur, et en particulier aussi le consommateur, se trouve ainsi mieux défendu que par une surveillance des prix se fondant sur les coûts. A long tenne, l'entreprise elle-même pourra aussi bénéficier d'une concurrence efficace en ce sens qu'elle devra sans cesse revoir sa compétitivité, ce qui l'engagera à conserver une mobilité décisive à tous égards.

L'attachement à un régime fondé sur le principe de l'économie de marché a deux conséquences importantes. D'abord, elle implique que les interventions de l'Etat dans le secteur économique demeurent une exception qui ne devrait être possible qu'en fonction de dispositions légales en la matière. C'est dans ce sens que la constitution fédérale garantit la liberté du commerce et de l'industrie. Les dérogations à cette liberté doivent dans chaque cas être inscrites dans la constitution.

C'est dire que la politique de la concurrence est déjà du ressort du législateur à l'échelon constitutionnel, qui fixe les dérogations à la liberté du commerce et de l'industrie. Mais les auteurs des lois et ordonnances devront eux aussi se demander dans chaque cas si les restrictions de la concurrence qui découlent de la mise en oeuvre de dispositions constitutionnelles autorisant des dérogations à la liberté du commerce et de, l'industrie sont bien limitées au minimum
indispensable. Dans ce sens, la loi en vigueur sur les cartels institue déjà la Commission des cartels en quelque sorte en tant que «conscience en matière de concurrence» lorsqu'elle oblige le législateur et les auteurs d'ordonnances à soumettre à l'avis de la Commission des cartels les projets qui restreignent la libre concurrence (art. 19, 1er al., LCart).

La seconde conséquence d'un régime fondé en principe sur l'économie de marché consiste en ceci que la liberté d'action sur le plan économique doit être assurée non seulement par rapport à l'Etat, mais encore par rapport aux particuliers. Il serait parfaitement possible, en se fondant sur la liberté de contracter, de passer outre à la volonté qu'a l'Etat de garantir dans l'intérêt général une économie libre. L'intérêt général exige par conséquent - pour assurer un régime d'économie de marché libre - certaines restrictions à la liberté des particuliers de contracter et d'agir dans le secteur économique. C'est ici que se situe la tâche essentielle de la politique en matière de concurrence.

Cette tâche n'est guère contestée en principe dans notre Etat, mais elle n'en

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pose pas moins la question de la mesure. C'est dire que la politique suisse en matière de concurrence est en bonne partie un problème de mesure.

On assimile souvent la politique de l'Etat en matière de concurrence à un interventionnisme des pouvoirs publics. Il s'agit là d'une confusion. On ne peut parler d'interventionnisme que lorsque l'Etat assume lui-même une activité économique ou s'écarte, par des dispositions normatives, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie en vue de régulariser le processus économique, comme par exemple dans le secteur de l'agriculture. Or la politique de la concurrence n'a pas pour but de déroger à la liberté du commerce et de l'industrie, mais au contraire de sauvegarder cette liberté et de la garantir également à l'égard des particuliers. Le but de la politique de la concurrence n'est pas de s'écarter des principes de l'économie .de marché, mais au contraire d'en assurer le maintien face à l'Etat et aux agents économiques privés.

411.2

La conception en matière de politique de la concurrence de la Commission fédérale d'étude des prix

En 1936, le Département fédéral de l'économie publique avait chargé la Commission fédérale d'étude des prix, créée en 1926, de procéder à une enquête sur les ententes limitant la concurrence rencontrées dans l'économie.

Cette commission a par la suite publié toute une série d'enquêtes sur les branches de l'économie suisse, contribuant ainsi notablement à améliorer la transparence dans ce secteur. Ladite commission a résumé en 1957 les résultats de ces enquêtes dans une appréciation générale des cartels en Suisse, qui a fait l'objet d'une publication intitulée «Les cartels et la concurrence en Suisse».

(31e publication de la Commission d'étude des prix du Département fédéral de l'économie publique, Berne, 1957). Cette publication contenait aussi pour la première fois une conception générale de la politique de la concurrence envisagée du point de vue du droit public, après que le Tribunal fédéral se fut déjà occupé depuis 1896, dans la pratique de droit civil (jurisprudence dite sur le boycott), de cas d'entraves à la concurrence.

L'une des conclusions essentielles de la Commission d'étude des prix consistait en ceci qu'un régime de marché devait en tout temps garantir les possibilités de concurrence. Cette idée a acquis une notoriété générale à l'enseigne de la «concurrence possible». L'objectif de la politique de l'Etat en matière de concurrence consiste à ce titre à maintenir la concurrence en état de fonctionner. La Commission d'étude des prix s'exprimait comme il suit à ce sujet : La majorité du peuple suisse a foi en la liberté économique, ce qui implique sa volonté de la maintenir en état de fonctionner. Quiconque n'est pas opposé à cette conception doit en tirer les conséquences dans le domaine de la politique concurrentielle et reconnaître que les restrictions de la concurrence et la puissanr.K économique sont contraires à l'intérêt économique général lorsqu'elles ne se bornent pas à restreindre partiellement la concurrence ou à en déplacer l'incidence (par exemple du prix sur la prestation) mais qu'elles l'éliminent au point qu'elle ne peut plus jouer son rôle de régulateur du marché. En pareil cas, elle anéantit ce que l'on pourrait appeler le minimum d'existence physique de la libre concurrence. Or, c'est 1264

au seuil de ce minimum que s'établit la limite assignée par l'intérêt économique général aux restrictions de la concurrence et à la puissance économique. En voulant le franchir, on ne ferait pas que limiter ou restreindre notre régime de libre concurrence, on l'anéantirait véritablement (cartels et concurrence, p. 155).

La détermination de ce seuil à partir duquel le fonctionnement de la concurrence est touché a engagé la Conxmission d'étude des prix à formuler le principe de la «concurrence possible»: Dans ce système, la politique concurrentielle ne prétend pas maintenir la concurrence en recourant à la contrainte mais elle se propose simplement d'assurer à toute personne disposée à se soumettre à la concurrence la possibilité de le faire dans le cadre du droit et des bonnes moeurs en fonction de sa prestation (cartels et concurrence, p. 156).

Voici les trois points qui caractérisent la conception de la Commission d'étude des prix en matière de politique de la concurrence : - Le principe de la «concurrence possible» ne tend pas à faire de la liberté de la concurrence un absolu, ni à lutter de manière générale contre les limitations de la concurrence. La commission a bien relevé que l'économie de marché libre, alors même qu'elle favorise les forces productives, peut aussi avoir sur la politique économique des effets non souhaitables ou même nuisibles, dont elle a mentionné entre autres comme exemples en matière de liberté de concurrence absolue les luttes de prix ruineuses, l'effondrement des prix, le chômage et l'élimination des faibles par ceux qui disposent de la puissance économique. Elle n'a pas nié non plus que l'entraide collective par - le moyen des cartels (ou des interventions de l'Etat) peut le cas échéant assurer la sécurité et la stabilité, même si elle limite d'autre part la libre concurrence.

- La conception de la Commission d'étude des prix tendait à encourager les forces positives de la concurrence, ce qui impliquait en particulier l'encouragement à l'accroissement de la productivité et la sauvegarde d'une utilisation des facteurs de production aussi productive et orientée en fonction des besoins que possible. Il en résultait la nécessité d'un régime de concurrence «n'excluant pas la renonciation volontaire et collective à la concurrence, mais laissant à quiconque et en tout
temps la possibilité d'exercer la concurrence». La notion de «concurrence possible» permet non seulement de préserver le principe de la concurrence, mais aussi de déduire que la concurrence doit se dérouler dans les limites du droit et des bonnes moeurs, ce qui inclut également des mesures propres à éliminer toute concurrence déloyale ou anormale.

- Pour ce qui est du principe de la «concurrence possible», ce sont les mesures destinées à entraver les outsiders (potentiels) qui passent au premier plan.

L'idée était que les forces de régulation du marché émanant de la concurrence aient encore assez de possibilités de se développer si un cartel se limite à régler en son sein la concurrence dans les limites d'engagements conclus volontairement. C'est dire que la protection de la liberté personnelle de déployer une activité économique passait au premier plan, compte tenu de la conviction précisément selon laquelle la concurrence en tant qu'institution était ainsi suffisamment assurée de façon indirecte.

85 Feuille fédérale. 133« année. Vol. n

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411.3

La conception en matière de politique de la concurrence de l'actuelle loi sur les cartels

Lors de l'élaboration de la loi sur les cartels, en 1962, une réglementation qui aurait eu pour but d'interdire les cartels n'a pas été envisagée. Cet état de fait était dû pour l'essentiel, abstraction faite du rapport de la CommissioD d'étude des prix, à 1'« initiative populaire contre un abus de la puissance économique», déposée en 1956 et qui, elle, tendait à une interdiction des cartels. Or cette initiative a été nettement rejetée par le peuple et les cantons lors de la votation du 26 janvier 1958. Compte tenu de ce résultat, on s'est limité pour la loi sur les cartels, dans" le sens d'une solution moyenne, à une législation dite de prévention des abus telle qu'elle était esquissée par l'article constitutionnel de 1947.

Le législateur s'était alors rallié à la conception de la «concurrence possible» (FF 1961 II 556). Il ne s'agissait donc pas d'interdire les cartels, mais seulement de veiller à ce qu'ils n'empêchent pas un développement des tiers disposés à assumer la concurrence. Cela s'est exprimé en droit civil de telle manière que l'entrave notable à la concurrence par un cartel ou une organisation analogue était en principe interdite, tout en pouvant être justifiée sous certaines conditions. En droit administratif, on s'était borné à se référer à la disposition constitutionnelle en la matière, en ce sens que les autorités compétentes étaient chargées de faire disparaître les effets nuisibles d'ordre économique ou social des cartels et des organisations .analogues. La conception de droit civil (interdiction de principe des entraves notables à la concurrence sous réserve de leur justification en cas d'arguments prépondérants en faveur du comportement cartellaire) s'inspire à parts égales du rapport «Cartels et concurrence» et de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de boycott.

La loi sur les cartels devait atteindre un double but. D'une part, il s'agissait de permettre la concurrence économique, qui est dans l'intérêt général. D'autre part, il fallait protéger le droit des particuliers à exercer librement une activité économique (FF 1961 n 557). La loi servait donc à protéger la concurrence en tant qu'institution de l'économie de marché libre tout en respectant les droits économiques de la personnalité, la seconde tâche devant être assurée principalement par les moyens du droit
civil et la première par ceux de droit administratif. Lors de l'élaboration de la loi, le législateur a mis l'accent surtout sur les dispositions de droit civil comme instrument de la politique de concurrence (FF 1961II 560 s.). Mais il a souligné qu'il devait aussi y avoir la possibilité pour l'autorité de prendre des mesures (de droit administratif) lorsque l'intérêt général est en jeu. La loi a été, à l'époque, présentée dans le message comme un régime conforme aux conceptions et aux conditions de la Suisse. A vrai dire, il était ajouté qu'elle se limitait au «minimum indispensable» de ce qui pourrait être fait en matière de politique de la concurrence (FF 1961II 561).

Malgré l'exemple de lois étrangères contre les limitations de la concurrence visant à réaliser une politique concurrentielle sensiblement plus stricte, on considéra une solution moins accentuée comme indiquée pour la Suisse. Il s'agissait de trouver une réglementation bien équilibrée «qui réalisât les objectifs de la loi tout en tenant compte des intérêts légitimes des milieux

1266

économiques» (FF 1961II 561). Cette formule était défendable (et l'est encore de nos jours) du fait que certaines réalités de l'économie suisse ne permettaient pas de s'aligner entièrement sur les modèles de l'étranger. L'économie suisse est en effet essentiellement caractérisée par le manque de matières premières, par une forte concurrence dans le domaine des importations et par une orientation marquée vers l'exportation, qui entraîne nécessairement une pression concurrentielle. Dans bien des branches prédomine en outre une structure marquée par les moyennes et petites entreprises qui rend indispensables certaines formes de collaboration lorsqu'il s'agit de renforcer la compétitivité sur les marchés internationaux. De telles données de fait engagent à adopter un cheminement circonspect en matière de politique de la concurrence, ainsi que tel a été le cas lors de la mise sur pied de la loi sur les cartels en 1962.

411.4

Politique en matière de concurrence du projet de loi

411.41

L'importance d'une concurrence efficace

La révision proposée de la loi n'a pas l'intention d'apporter des changements fondamentaux aux objectifs fixés -jusqu'ici à la politique suisse en matière de concurrence, ce qui a fatalement aussi pour conséquence qu'elle ne prétend pas apporter de modifications révolutionnaires de la conception adoptée jusqu'ici par la loi sur les cartels.

A part le fait que l'article constitutionnel ne fournirait pas la base voulue pour une interdiction des cartels, nous estimons qu'une législation sur les abus doit permettre de pratiquer une politique de la concurrence adaptée aux conditions de la Suisse et suffisamment efficace. Il n'est pas contestable que la concurrence peut aussi dégénérer et prendre des formes peu souhaitables dans l'intérêt général. C'est ce qu'a déjà clairement relevé la Commission d'étude des prix (Cartels et concurrence en Suisse, p. 150). La politique de la concurrence doit par conséquent tendre à appuyer les fonctions de la concurrence qui sont d'intérêt général tout en n'encourageant pas les effets non souhaités de la concurrence, mais bien plutôt en les écartant des objectifs de la politique de la concurrence. C'est ce que l'on parviendra à réaliser au mieux en n'accordant pas une priorité absolue à la concurrence. Certes, la concurrence a une importance de premier plan dans un système fondamentalement basé sur l'économie de marché, mais on ne saurait exclure que cette priorité puisse être remise en question dans un cas concret par un examen approfondi des intérêts en cause. Notre principal souci consiste en ceci que cette priorité ne puisse être remise en cause à la légère, mais uniquement en vertu d'une argumentation solide. Lors d'un examen attentif d'intérêts divergents, il sied à n'en pas douter de faire peser dans la balance l'intérêt général. Dans un régime d'économie de marché, cela milite en premier lieu en faveur d'une solution libérale et propre à assurer une concurrence efficace. On n'en arrivera à un résultat différent que si l'on peut pour le moins prouver qu'une solution restreignant la concurrence est aussi avantageuse du point de vue de l'intérêt général qu'une solution assurant une concurrence efficace.

Une première préoccupation de la révision proposée de la loi consiste d'une part à maintenir le système éprouvé de la politique concurrentielle axée sur la lutte 1267

contre les abus et d'autre part à accorder plus de poids à une concurrence efficace dans l'examen attentif des intérêts en cause. On ne saurait prétendre sérieusement que ces deux objectifs s'excluent l'un l'autre ou en d'autres termes qu'une pondération plus marquée des préoccupations relatives à la concurrence en aboutisse nécessairement à une législation d'interdiction. Comme le montrera encore le commentaire des diverses dispositions légales envisagées, la limitation de la concurrence ne sera interdite ni quant à la forme ni quant au fond. Nous visons seulement à favoriser davantage la libre concurrence dans l'appréciation en droit civil et administratif des intérêts en cause, politique qui caractérisait déjà dans le passé notre législation sur les cartels.

411.42

Les problèmes de la concentration économique et de la puissance d'achat

Nous avons déjà signalé que, lors de la mise sur pied de la loi sur les cartels, la manière d'envisager la politique de la concurrence se préoccupait principalement de la limitation de la concurrence par les cartels et de la prédominance de la puissance du côté de l'offre. Cela provient du fait que ces problèmes passaient largement au premier plan lors de la création de la loi sur les cartels.

On n'avait certes pas perdu de vue que l'influence exercée sur le marché par les organisations analogues à des cartels pouvait également donner lieu à des phénomènes susceptibles d'être qualifiés d'effets nuisibles d'ordre économique ou social. C'est bien pourquoi le champ d'application personnel de la loi englobait tant les cartels que les organisations analogues. De même, la loi était parfaitement apte à appréhender en droit les comportements abusifs du côté de la demande, comme l'a prouvé une enquête de la Commission des cartels. Il n'empêche que la loi en vigueur n'est pour le moins pas conçue de façon à traiter les phénomènes de concentration et de puissance d'achat, ces problèmes étant plutôt abordés incidemment. Dans la pratique, cela a eu pour effet que ce sont principalement les cartels qui ont fait l'objet de procédures en droit cartellaire, alors que l'on faisait preuve de réserve lorsqu'il s'agissait de traiter des faits relevant des organisations analogues à des cartels et des problèmes de puissance d'achat.

Une certaine réorientation de la politique de la concurrence s'impose à cet égard. Il va falloir, conformément à la plus récente évolution économique, accorder autant d'attention aux cartels qu'aux organisations analogues. Les expériences faites par la Commission des cartels montrent qu'il est beaucoup plus difficile de cerner les phénomènes de concentration que les cartels en politique concurrentielle et en droit cartellaire. Cela tient à ce que les phénomènes de concentration représentent souvent une situation de fait intervenue sans décision cartellaire, alors que les cartels reposent régulièrement sur des accords contractuels qu'il est plus facile d'apprécier en droit. Il faudra déployer des efforts accrus en matière de politique de la concurrence pour tenir compte des phénomènes complexes de la concentration économique moderne.

Ce sera là en premier lieu la tâche de la pratique
puisqu'il n'est guère possible de porter des jugements globaux sur les avantages ou les inconvénients de la concentration. On ne saurait pour autant omettre d'inclure dans la loi cer-

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laines directives qui devraient permettre mieux que jusqu'ici aux autorités compétentes d'apprécier les évolutions économiques et le cas échéant d'intervenir de manière appropriée.

Une seconde préoccupation majeure, de la révision de la loi consiste à orienter davantage la politique de la concurrence vers les problèmes de la concentration économique, de la puissance d'achat et d'autres phénomènes du même genre sans pour autant laisser libre cours à la constitution des cartels. Une telle réorientation est nécessaire et réaliste. Il ne s'agit nullement de qualifier d'emblée les processus de concentration de nuisibles. Mais il faut savoir les soumettre de bonne heure à une appréciation en matière de politique de la concurrence, et à cet effet inclure dans la loi certains critères d'appréciation.

411.43

La question des formes de la concurrence dignes de protection

L'une des difficultés majeures de l'appréciation en matière de politique de la concurrence consiste à tracer une limite entre les effets utiles et les conséquences nuisibles de la concurrence. Nous devrons considérer comme utiles les répercussions de la concurrence qui contraignent les entreprises à améliorer leur capacité de production et qui par conséquent entraînent des avantages directs et indirects pour les consommateurs.

En revanche, les luttes ruineuses de concurrence entraînent des phénomènes de concentration et placent les consommateurs face à des organisations analogues à des cartels. On a souvent entendu dire ces dernières années qu'il régnait une «concurrence ruineuse» dans certaines branches, qu'il se serait produit des formes de «concurrence ne méritant pas d'être protégée», et qu'on en serait arrivé à des déplacements de la concurrence fondée sur des prestations vers une «concurrence sans prestations» reposant sur l'usage d'une puissance étrangère à la capacité de production. Ces formules à 1'emporte-piece montrent combien il importe de distinguer les formes légitimes des formes nocives de la concurrence.

La concurrence efficace contraint, de par sa nature même, les entreprises non dynamiques à disparaître. A ce titre, toute concurrence est «ruineuse». Il est cependant difficile de déterminer graduellement à partir de quel niveau et dans quelles conditions la concurrence doit être considérée comme ruineuse. Il en va de même de la notion de «concurrence sans prestation». Une fois de plus, il est de la nature de la concurrence que les entreprises dynamiques ne stagnent pas, mais croissent dans un marché donné. On ne saurait rien objecter en soi à un tel développement, mais il peut arriver qu'une entreprise s'étant de la sorte développée se voie un jour reprocher d'abuser de la puissance sans fournir de prestations en matière de concurrence, qu'il s'agisse d'une sous-enchère de prix ou de la reprise de maisons concurrentes. Le phénomène se pose donc en politique de la concurrence «d'établir la distinction entre la concurrence fondée sur les prestations et celle qui ne l'est pas» (Cartels et concurrence en Suisse, p. 15.1).

Une troisième préoccupation majeure de la présente révision de la loi consiste à mieux protéger les formes utiles de ici concurrence, mais à ne pas contrecarrer

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d'éventuelles mesures de limitation contre des formes nuisibles de la concurrence.

Cela en revient à dire d'abord qu'il faudra concrétiser de telle façon la notion d'effets nuisibles d'ordre économique ou social de cartels ou d'organisations analogues que l'on puisse voir s'établir une pratique en la matière. A cet égard, le projet part seulement de l'idée que la concurrence efficace est en général (mais non pas sans exception) dans l'intérêt général. L'une des tâches les plus urgentes de politique de la concurrence des autorités compétentes consistera ensuite à établir la distinction nécessaire à ce sujet. Cela ne pourra se faire que par la pratique, mais il est décisif que la loi permette d'aller dans ce sens.

411.44

Résumé

En résumé nous pouvons constater que la présente révision ne tend pas à modifier en quoi que ce soit la conception de base sur laquelle se fonde la loi en vigueur sur les cartels.

Elle en reste en particulier au système de la législation sur les abus, dans laquelle les cartels et les organisations analogues ne sont pas interdits, mais qui permet de lutter contre les effets nuisibles d'ordre économique ou social qu'ils peuvent avoir. Ce système s'est révélé ces dernières années flexible, peu exigeant sur le plan administratif et adapté aux conditions de la Suisse. Dans les limites ainsi tracées, on devra cependant procéder jusqu'à un certain point à une nouvelle orientation de la politique de la concurrence, qui sera caractérisée par trois points: donner plus d'importance à la concurrence efficace dans l'appréciation des intérêts en cause lorsqu'il s'agit d'établir les effets nuisibles des limitations de la concurrence; améliorer les instruments disponibles et les méthodes d'appréciation face aux nouvelles formes de concurrence, en particulier pour ce qui est de la concentration économique et de la puissance d'achat ; se limiter aux formes de la concurrence méritant d'être protégées, en envisageant de façon critique et différenciée ses manifestations.

Voilà pour ce qui est des objectifs du projet de loi en matière de politique de la concurrence. Mais la révision offrira en outre l'occasion d'éliminer ou de corriger différents défauts qui se sont manifestés lors de l'application de la loi en vigueur. Nous y reviendrons en commentant les différents articles.

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Maintien des dispositions en vigueur

Différents voeux se sont exprimés à l'occasion de la révision de la loi sur les cartels, voeux dont il n'a pas été tenu compte dans le projet de loi. Nous allons expliquer ci-après pourquoi nous ne les avons pas pris en considération.

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Renonciation à inclure le marché du travail

Déjà au sein de la Commission d'experts pour la révision de la loi sur les cartels, une proposition de la minorité tendait à inclure le marché du travail dans le champ d'application matériel de la loi sur les cartels. Cette minorité estimait que cela devrait se faire en biffant la deuxième phrase de l'article 1 de la loi en vigueur («Elle (la loi) ne l'est pas (applicable) aux conventions,

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décisions et mesures qui ne visent que les rapports de travail»). Au cours de la procédure de consultation, ce sont surtout les milieux patronaux qui se sont exprimés de façon positive à l'égard d'une inclusion du marché du travail, alors que les travailleurs se sont opposés, pour une part avec véhémence, à une telle idée. A l'époque déjà, la Commission d'étude des prix s'était demandé, dans son rapport «Cartels et concurrence en Suisse» s'il convenait d'inclure le marché du travail dans la loi sur les cartels. Elle a expliqué de façon détaillée dans ce rapport (op. cit. p. 22 ss) pourquoi il était nécessaire de définir différemment les notions de cartels et de syndicats, et de les traiter séparément.

La commission faisait en particulier valoir que les travailleurs constituent un bien économique particulier du fait que la capacité de travail qu'ils offrent est indissolublement liée à la personne physique, morale et «spirituelle». Elle soulignait aussi que les conditions de l'offre présentaient elles-aussi un caractère tout à fait particulier puisque «l'offre de main-d'oeuvre (en tout cas s'il s'agit des travailleurs qui ne sont pas particulièrement qualifiés) est en général si nombreuse que ceux qui la composent ne disposent d'aucune influence individuelle et se trouveraient dans un état de concurrence que l'on pourrait qualifier d'«atomique» sans l'intervention des syndicats; pareille situation ne se présente nulle part ailleurs avec une telle acuité» (Op. cit. p. 23 ss). Elle n'a pas nié cependant qu'une certaine nécessité existât de régler légalement les relations entre les deux parties sur le marché du trava.il cl leur engagement sur le marché, tout en se référant aux bases légales particulières existant et à la possibilité de les améliorer si le problème d'abus et de leur prévention devait se poser.

Le message à l'appui de la loi en vigueur sur les cartels argumentait de la même manière. L'exclusion du marché du travail y était motivée pour l'essentiel par le fait que «les travailleurs, en raison de leur grand nombre, sont tout spécialement amenés à renforcer leur position à l'égard des employeurs en réunissant leurs offres individuelles» (FF 1961 II 568). A ce sujet, le message ajoutait ceci (Op. cit. p. 569) : Même si l'on tient compte des différences existant entre le marché des biens et
celui du travail il faut reconnaître que les influences collectives exercées sur ce dernier peuvent aboutir à des résultats regrettables. C'est pourquoi un certain nombre des avis reçus déclaraient intolérable et contradictoire l'exception en faveur des associations de travailleurs mais admettraient un régime spécial si, d'autre part, la loi sur les cartels était adoucie. Nous ne partageons pas cette manière de voir mais nous sommes disposés à examiner à l'occasion de la revision actuellement en cours de la législation sur le contrat de travail les moyens propres à empêcher les pratiques restrictives injustifiées sur le marché du travail. On songe notamment aux clauses d'exclusivité qui limitent le nombre des ouvriers ou interdisent, sans motif valable, d'occuper certaines catégories d'ouvriers à des travaux déterminés (p. ex. des ouvriers non qualifiés, semi-qualifiés ou des femmes). On établirait ainsi un juste rapport entre le régime du marché des biens et celui du marché du travail tout en tenant compte des différences qui distinguent ces deux secteurs.

Lors de la révision du droit en matière de contrats collectifs de travail, il a été tenu compte jusqu'à un certain point du fait qu'il peut également se produire des abus de puissance sur le marché du travail qui nécessitent l'attention du

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législateur. Nous nous référons à ce sujet à l'article 356a, 2e et 3e alinéas, du code des obligations. Cependant, la question se pose toujours de savoir s'il ne faudrait pas inclure le marché du travail dans le champ d'application de la loi sur les cartels. Aujourd'hui encore, nous répondons à cette question par la négative, et ceci pour les motifs suivants : - D'importantes objections de droit constitutionnel s'opposent à ce que l'on soumette le marché du travail à l'article sur les cartels de la constitution fédérale.

- Le marché des biens et celui du travail sont trop différents de par leur essence même pour qu'on puisse les mettre sur le même pied dans les limites de notre régime économique. Bien au contraire, il y aurait plutôt lieu de tenir compte par une réglementation séparée de l'aspect humain de la maind'oeuvre.

- S'il devait être nécessaire de régler l'abus de la puissance collective sur le marché du travail, c'est dans les limites du droit relatif au contrat de travail qu'il conviendrait de le faire.

- La proposition concrète de la minorité de la commission d'experts se révèle en outre inapte à résoudre les problèmes de puissance qui pourraient se poser sur le marché du travail. Les dispositions de la loi sur les cartels sont en effet adaptées à l'appréciaiton des abus sur le marché des biens et ne pourraient pas sans plus être étendues au marché du travail. Il faudrait bien plutôt préciser, en plus, des faits d'abus spécifiques, spécialement pour ce qui est du marché du travail.

Dans ces conditions, nous renonçons pour les motifs évoqués ci-dessus à vous proposer d'inclure le marché du travail dans le champ d'application matériel de la loi sur les cartels. Si les conditions sur le marché du travail devaient nécessiter qu'on y remédie - ce qui a été nié de bien des côtés au cours de la procédure de consultation - la voie qu'il conviendrait d'adopter est toute tracée. Il sied de rappeler en outre à cet égard que la loi n'est pas applicable que dans .les cas où les accords ou les mesures ne visent que le marché du travail (art. 1er de la loi en vigueur et du projet).

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Renonciation à une obligation générale d'annoncer et à un registre des cartels

La motion Schürmann de 1971 mentionnait l'obligation d'annoncer les cartels et organisations analogues. Dans son exposé des motifs, le motionnaire indiquait que les enquêtes de la Commission des cartels devraient pouvoir être engagées, en fonction d'une vue d'ensemble plus large que celle dont on dispose actuellement, là où cela en vaut vraiment la peine. Des indications sur telle ou telle branche ou des informations de presse ne garantiraient pas qu'on ait mis le doigt sur les points névralgiques. La possibilité d'une obligation d'annoncer dont il était question dans la motion permettrait d'améliorer la vue d'ensemble, mais n'en reviendrait pas à l'institution d'un registre des cartels proprement dit ayant un effet constitutif quelconque. L'important, c'est qu'on devrait disposer d'une meilleure information sur les conventions cartellaires et sur «les concentrations prévues ou réalisées».

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Une obligation générale d'annoncer les cartels et les concentrations d'entreprises telle que la réclamait la motion Schürmann, serait la première étape d'un registre des cartels, car il faudrait réunir et mettre en valeur les informations au fur et à mesure.

Lors de la création de la loi sur les cartels, en 1961, on avait nié la nécessité d'un registre des cartels en arguant du fait que les informations nécessaires sur les cartels et les organisations analogues pourraient être recueillies d'une autre manière et qu'un tel registre n'était pas l'instrument approprié pour lutter contre les abus. Le message relève en particulier que les effets nuisibles, que.

l'on entendait se limiter à combattre, viendraient à la connaissance de la commission par d'autres voies que par l'inscription dans un registre. Un registre qui ne serait pas complété et mis en valeur au fur et à mesure et qui ne bénéficierait pas d'une publicité suffisante perdrait avec le temps de son actualité. Mais même une mise à jour continue ne servirait pas à grand chose puisque la pratique des cartels ne ressort pas des seules conventions (FF 1961 II 598).

Des raisons analogues militent aujourd'hui encore contre une obligation générale d'annoncer les cartels et les concentrations d'entreprises, et contre l'établissement d'un registre des cartels. A ce sujet, il n'est pas difficile de montrer qu'il ne serait pas possible d'instituer un registre des cartels avec inscription constitutive puisqu'un tel système en reviendrait à une interdiction sous réserve d'autorisation, ce qui ne serait pas conforme à la base constitutionnelle. Mais l'utilité même d'une documentation sur les cartels, (qu'elle soit publique ou réservée à l'usage interne de l'administration) fondée sur l'obligation d'annoncer, peut être mise en doute plus plusieurs raisons : - Certes, il serait possible d'avoir une vue complète sur les conventions cartellaires et sur leurs modifications s'il existait une obligation d'annoncer.

Mais il ne suffit pas de connaître les termes écrits des conventions cartellaires. Ce qui est déterminant, c'est bien plutôt de connaître la manière dont ces conventions sont appliquées et c'est ce qu'on ne peut faire qu'en posant des questions supplémentaires aux cartels et aux tiers.

- Une obligation d'annoncer les organisations analogues à des
cartels pose des problèmes du fait qu'il est difficile de définir ces organisations et qu'on ne peut pas laisser aux parties intéressées le soin de cette définition. Ce qui est déterminant, c'est de connaître le marché en cause et la position sur ce marché. Une obligation d'annoncer ne serait réaliste que pour le processus d'une concentration d'entreprises. Mais comme la puissance sur le marché peut aussi prendre naissance sans fusion (fermeture d'entreprises concurrentes, croissance interne), une obligation d'annoncer les fusions ne suffirait pas à donner une vue d'ensemble sur les organisations analogues à des cartels.

Là également, des précisions s'imposeraient.

On se rend compte ainsi qu'une obligation d'annoncer les cartels et les fusions d'entreprises ne garantirait nullement une vue d'ensemble sur les limifaf ions de la concurrence en Suisse. Sans doute y verrait-on plus clair, mais force est de se demander si le travail administratif serait proportionné aux résultats. Compte tenu de cette situation, on peut estimer qu'il suffirait que l'autorité cartellaire soit informée, dans les limites d'une législation sur les abus, des points

1273

névralgiques de la concurrence, par des annonces provenant des personnes lésées et par des communiqués de presse. Dans ce sens, c'est avant tout la pratique en usage jusqu'ici des enquêtes préalables - qui sera maintenue et réglée légalement - qui a fourni une riche moisson d'indices et a continuellement conduit la Commission des cartels à entreprendre des recherches plus approfondies. Les rapports annuels de la Commission des cartels fournissent d'abondants renseignements à ce sujet.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous renonçons dans le projet qui vous est soumis à une disposition qui statuerait une obligation générale d'annoncer les cartels et les organisations analogues. Ce faisant, nous renonçons également à l'établissement d'un registre des cartels, estimant que les publications de la Commission des cartels, qui exposent de façon détaillée les résultats de la très grande majorité de ses enquêtes, assurent une transparence suffisante pour ce qui est des limitations existantes de la concurrence dans l'économie suisse et pour leur appréciation en droit cartellaire. On ne saurait méconnaître que ces publications, à l'égal d'un registre des cartels, exercent une certaine action préventive et engagent souvent les cartels ou les organisations analogues à s'abstenir de certains accords ou modes de comportement.

Le projet contient toutefois une forme spéciale de l'obligation d'annoncer prévoyant que, dans certaines conditions, les fusions d'entreprises doivent être annoncées à la Commission des cartels. Il en résultera une vue d'ensemble améliorée (mais non pas complète) de l'état des organisations analogues à des cartels. Le projet statue cependant aussi une obligation générale de renseigner telle que ne la connaît pas la loi en vigueur. Elle permettra d'engager en cas de besoin des investigations spécifiques a posteriori sans qu'il faille mettre sur pied une enquête au sens des dispositions de droit administratif de la loi. Il s'agit là également d'un instrument qui permettra une information sensiblement meilleure que ne le permet la réglementation en vigueur. Les deux améliorations susmentionnées des possibilités d'action sont autant de raisons de plus de renoncer à une obligation générale d'annoncer les cartels et les organisations analogues ou à l'établissement d'un registre des cartels.

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Maintien du système dit «de milice»

Selon la loi sur les cartels en vigueur, c'est la Commission des cartels qui est compétente pour appliquer les dispositions de droit administratif de la loi. Il s'agit d'une commission de 11 à 15 membres, au sein de laquelle sont représentés les milieux scientifiques, économiques et les consommateurs. Le message a l'appui de la loi sur les cartels s'exprimait comme suit à ce sujet : L'application des prescriptions de droit administratif ne demandera pas un vaste appareil. Il ne sera pas nécessaire de créer un office des cartels qui serait en quelque sorte incorporé dans l'administration publique, mais on instituera une Commission des cartels indépendante de l'administration.

(FF 1961II 561).

En matière de politique de la concurrence, la tendance a prévalu dès le début à la modération, dans le secteur administratif également, ce qui était dû en

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bonne partie au rejet en 1958 de l'initiative populaire sur l'abus de la puissance économique. On avait manifestemment la volonté de séparer la politique en matière de concurrence, tant sur le plan personnel que matériel (indépendance), du cadre étatique de radministration et de la politique économique, ainsi que d'en réduire les frais au minimum.

Cette solution a ses avantages et ses inconvénients. Elle n'est pas demeurée incontestée au cours du processus de consultation, puisque les milieux de travailleurs et de consommateurs en particulier ont demandé que la politique de la concurrence ressortisse à l'administration et que la Commission des cartels n'exerce plus qu'une fonction consultative.

La politique économique constitue de nos jours une tâche de l'Etat qui n'est plus contestée et qui revêt une importance décisive dans un régime économique libéral, ne serait-ce déjà que pour garantir les conditions générales propres à assurer la prospérité des forces de l'économie privée. A cet égard, on peut parfaitement se demander pourquoi la politique concurrentielle, partie intégrante d'une politique économique de l'Etat, nécessiterait un traitement particulier. N'est-elle pas, selon la conception actuelle, séparée de l'administration de l'Etat et confiée à une autorité indépendante qui, de plus, exerce ses fonctions à titre accessoire? Non seulement elle se trouve en marge de l'administration fédérale, sur le plan du personnel, mais encore on peut parfaitement faire valoir qu'elle manque ainsi des corrélations nécessaires avec le reste de la politique économique pratiquée par les différents services de la Confédération. D'un point de vue analogue, on peut se demander pourquoi la politique de la concurrence, composante importante de la politique économique de l'Etat, subit pour le moins sur le plan de l'organisation un traitement particulier, lequel est aussi de nature à détourner l'attention de l'importance de cette partie de la politique économique.

Si la loi en vigueur confère à la politique concurrentielle une position particulière ne correspondant pas absolument à l'importance qui est la sienne en réalité, cela est dû au fait que cette politique n'est pas incontestée dans notre pays. Les discussions déclenchées par le processus de consultation en vue de la présente revision ont montré que le
principe de la réglementation de la concurrence est souvent stigmatisée - bien qu'à tort - comme un interventionnisme inutile et considérée comme superflue du fait que les chefs d'entreprises sont en mesure d'assurer eux-mêmes un régime économique qui leur convienne. En outre, le processus de consultation a cependant aussi montré que de larges milieux de la population, à commencer par les consommateurs et les travailleurs, ont mieux conscience de la nécessité d'établir une politique de la concurrence plus modérée que celle qui existait au moment de l'élaboration de la loi en vigueur sur les cartels. On n'en constate pas moins aujourd'hui comme hier une polarisation des opinions qui ne permet pas de considérer comme indiquée, même sur le plan de l'organisation, une solution maximaliste.

Si l'on veut s'en tenir à une commission exerçant son activité à titre accessoire, force est de considérer que la composition de celle-ci a fait, à différentes reprises, l'objet de critiques. On a notamment contesté la présence en son sein de représentants de l'économie et le fait que des représentants de cartels et d'organisations analogues y exercent directement une influence sur l'applica-

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tion de la loi sur les cartels. On s'est accomodò de cette situation en toute connaissance de cause lors de la création de la Commission des cartels (FF 19611. 600). Au surplus, ce qui a été déterminant lors de la composition de la commission, c'est l'opinion selon laquelle tous les milieux intéressés doivent pouvoir s'exprimer et défendre leur point de vue.

Il est vrai que des représentants du Vorort de l'union suisse du commerce et de l'industrie et de l'Union suisse des arts et métiers en font partie, alors même que des sections de ces organisations représentent souvent des cartels ou comptent des organisations analogues à des cartels parmi leurs membres. Les grandes organisations de distribution représentées dans la commission (actuellement Coop, Migros et VLG) peuvent à bien des égards être qualifiées d'organisations analogues à des cartels. Mais ce qui apparaît en premier lieu important, c'est que la commission puisse tirer parti des expériences pratiques de ces membres et que tous les milieux intéressés à la vie économique puissent s'exprimer. Cette composition de la commission garantit en outre que ses délibérations demeurent en étroit contact avec la pratique et que ses décisions ne reposent pas sur des considérations par trop théoriques. C'est en nous fondant sur ces considérations que nous en arrivons aux conclusions ciaprès au sujet de la présente révision de la loi : - Il apparaît justifié de s'en tenir au système en vigueur d'une Commission des cartels exerçant ses funcliuiis à titre accessoire. Eu effet les conditions politiques permettant une autre forme d'organisation n'existent pas, compte tenu des avis divergents exprimés lors du processus de consultation. D'autre part, le système en vigueur a généralement donné satisfaction ces dernières années, abstraction faite de quelques modifications nécessaires.

- La commission devra comme jusqu'ici être composée de représentants de la science, de l'économie et des consommateurs afin que soit assuré le contact nécessaire avec la vie pratique. Des prescriptions plus précises en matière de récusation devront éviter que les intérêts directs de certaines branches économiques puissent se manifester au sein de la Commission des cartels.

- Le secrétariat de la Commission des cartels devra être revalorisé tant sur le plan de l'organisation que
sur celui du personnel. 11 s'agira en particulier de surmonter ainsi la disproportion existant entre les tâches de la commission et les effectifs dont elle disposait.

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Renonciation à la réglementation de la surveillance des prix dans la loi sur les cartels

Le projet de la Commission d'experts soumis au processus de consultation contenait également des prescriptions relatives à la surveillance de la formation des prix dans les cartels et les organisations analogues. Ces dispositions ont été biffées dans le projet que nous vous soumettons.

Lors de la mise sur pied de la loi en vigueur sur les cartels, il avait été souligné qu'il n'était pas indiqué de créer les bases d'un contrôle des prix cartellaires.

On avait signalé les difficultés en matière de méthode: le jeu de l'offre et de la demande est déterminé par des facteurs si nombreux qu'il ne serait guère possible d'établir, en se fondant sur des hypothèses, le prix qui découlerait

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d'une libre concurrence, car il pourrait en résulter de graves erreurs de décision. Le message relevait qu' «en restreignant la contrainte exercée par un cartel sur ses membres et à l'extérieur, on contribue à ranimer la concurrence tout en empêchant la formation de prix artificiellement élevés». (FF 1961 II 562).

A l'heure actuelle, il sied - en étudiant la question d'une surveillance des prix motivée par la politique de la concurrence - de partir du fait que le présent projet de nouvelle loi sur les cartels n'offre aucune garantie que la concurrence règne dans tous les secteurs du marché des biens. Il convient de tabler sur le fait que l'on s'en tiendra à une législation sur les abus. Dans ces conditions, il y a lieu de s'attendre à ce que subsistent des conventions cartellaires dans différents secteurs et branches économiques, le cas échéant sous une forme atténuée, et que dès lors la concurrence en matière de prix fasse défaut. Il faut en outre prendre en considération les secteurs où des entreprises privées, mixtes ou de droit public dominent le marché ou l'influencent de manière déterminante sans qu'il soit possible, pour des raisons de fait, de susciter la concurrence. Dans ces secteurs, il serait erroné de penser qu'un assouplissement de la contrainte cartellaire pourrait aboutir à une formation de prix équitables.

Du point de vue de la politique de la concurrence, il est patent que ce n'est pas la surveillance des prix, mais bien plutôt la création du degré de concurrence nécessaire dans l'intérêt général qui doit être prioritaire. Dans la mesure toutefois où le législateur accepte une concurrence insuffisante (comme cela peut être le cas dans les limites d'une législation sur les abus) ou ne parvient pas pour des raisons de fait à faire fonctionner le régime de concurrence, une surveillance des prix peut se justifier en principe pour des motifs de politique économique, même s'il ne faut pas se dissimuler qu'alors se pose inéluctablement la question de la méthode à adopter. Si les effets d'orientation et de contrôle de la concurrence font défaut, des contrôles de remplacement apparaissent légitimes, spécialement dans l'intérêt des consommateurs qui, faute d'une concurrence efficace, sont exposés aux excès possibles des cartels et organisations analogues en matière de formation des prix.
Jusqu'ici la Commission des cartels n'a jamais voulu se considérer comme une autorité de surveillance des prix pratiqués par les cartels et les organisations analogues. Elle a expressément relevé dans l'un de ses rapports qu'il lui faut en principe accepter les prix tels qu'ils résultent de la libre concurrence (Publications de la Commission des cartels 1975, p. 107). Mais elle a signalé dans le même rapport qu'elle peut, dans les limites d'une enquête spéciale au sens de l'article 20 de la loi sur les cartels, examiner si la concurrence des prix était éliminée par des ententes en matière de prix ou par une fixation autonome des prix par l'entreprise lorsque celle-ci exerce une influence suffisante sur le marché. La commission peut également déterminer s'il en résulte des effets nuisibles d'ordre économique ou social, c'est-à-dire des prix artificiellement élevés. La loi sur les cartels n'est donc pas absolument impuissante face à des prix cartellaires, mais permet une certaine intervention de l'Etat. Cette possibilité doit subsister. Abstraction faite de la possibilité esquissée de contrôler la formation cartellaire des prix, il peut exister le besoin supplémentaire de

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disposer d'un instrument plus efficace de surveillance de la formation des prix.

Dans ce sens, le projet de la Commission d'experts proposait de contrôler les mouvements de prix auprès des cartels et des organisations analogues. L'instrument prévu à cet effet était l'obligation imposée aux cartels et organisations analogues d'annoncer les hausses de prix. Des expériences à ce sujet ont pu être rassemblées par le moyen de l'arrêté fédéral sur la surveillance des prix fondé sur le droit d'urgence (art. &9*ia de la constitution). On s'est rendu compte qu'une surveillance se limitant aux hausses de prix et qui admet la notion de «seuil» constituait une solution pratiquable. Il ne fait pas de doute que l'article constitutionnel sur les cartels fournirait le fondement juridique d'une telle surveillance des prix. Une telle surveillance ne s'appliquerait qu'à la formation des prix dans les cartels et organisations analogues; elle ne devrait être motivée qu'en fonction de la politique de concurrence.

Actuellement, une initiative populaire et diverses interventions parlementaires sont pendantes; elles tendent à une reconduction des mesures de surveillance.

Ces interventions sont pour une part motivées par des considérations relevant de la politique de Ja concurrence; certaines d'entre elles vont cependant audelà de cette préoccupation. C'est la raison pour laquelle nous avons renoncé dans le présent projet de révision de la loi sur les cartels à introduire des dispositions au sujet de la surveillance des prix.

Une telle réglementation ne permettrait pas en effet de résoudre tous les problèmes qui se posent en relation avec les diverses interventions parlementaires susmentionnées. Le Conseil fédéral prévoit d'opposer un contre-projet, dans le sens d'une surveillance des prix s'inspirant d'une politique conjoncturelle, à l'initiative populaire du Forum des consommateurs de la Suisse alémanique et du Tessin «tendant à empêcher les abus dans la formation des prix». La Commission des cartels n'en conserve pas moins la possibilité de vérifier également, dans les limites de ses enquêtes, la formation des prix par les cartels et organisations analogues.

1

5

Commentaire du projet de loi )

51

Observations préliminaires

Nous chercherons ci-après à expliquer le projet de loi de façon systématique.

L'accent principal devra naturellement être mis sur les dispositions qui constituent un changement par rapport à la loi en vigueur. Le commentaire pourra en revanche se limiter à un minimum pour les prescriptions qui figurent déjà dans la loi.

52

Champ d'application de la loi

Le fait de tomber dans le champ d'application de la loi n'implique pas qu'il y ait une limitation abusive de la concurrence. C'est là un point qui doit être *> Mode de citation: la loi sur les cartels en vigueur sera abrégée ci-après par «LCart» et le projet de loi par «P» accompagné du chiffre de l'article en question.

1278

apprécié en vertu des dispositions de droit civil et administratif de la loi sur les cartels. Selon la loi en vigueur, en effet, certaines prescriptions de forme devaient être observées lors de l'établissement d'accords cartellaires. Le projet de loi apporte une certaine modification en ce sens que désormais les entreprises assujetties seront soumises à une obligation d'annoncer (art. 34 P) et de renseigner (art. 36 P).

521

Champ d'application matériel de la loi

Le projet ne modifie pas le champ d'application matériel de la loi. Il continue à s'étendre au marché des biens, c'est-à-dire au marché des marchandises, des capitaux et des services (art. 1er P). La loi ne se rapporte expressément pas au marché du travail. Nous avons déjà exposé les raisons de cette exclusion (voir ch. 421 ci-dessus).

Abstraction faite de la limitation au marché des biens, la loi ne prévoit aucune exception pour certaines branches économiques ou catégories de professions.

Comme le relevait déjà le message à l'appui de la loi en vigueur, une exception pour les professions libérales par exemple ne serait pas indiquée, car il n'est pas exclu a priori que des conventions privées conclues dans ces professions produisent aussi des effets indésirables (FF 1961II 565). Il sied de mentionner en outre spécialement le marché des prestations des média; il ne faut pas songer ici seulement aux moyens de communication traditionnels comme les journaux ou revues, mais aussi aux nouvelles techniques dans ce secteur.

Précisément pour ce qui est des innovations comme les vidéocassettes, les télétextes, la transmission de programmes télévisés par satellites et autres, il est parfaitement possible que de nouveaux problèmes de politique concurrentielle se posent, ceux-ci tombent en principe sous le champ d'application de la loi sur les cartels.

522

Champ d'application de la loi à raison des personnes

La loi s'applique aux cartels et aux organisations analogues à des cartels, deux notions qui sont déjà incluses dans la disposition constitutionnelle en la matière.

522.1

Cartels

522.11

La notion de cartel en général

Ce qui est déterminant pour la définition de la notion de cartel, c'est l'existence d'ententes collectives tendant à limiter la concurrence. La loi sur les cartels (art. 2, 1er al. LCart; art, 2, 1er al. P) définit comme tels «les conventions et les décisions ainsi que les accords sans force obligatoire qui influencent ou sont propres à influencer le marché de certains biens ou de certains services par une limitation collective de la concurrence». La loi cite une série d'exemples de telles ententes qui montrent que la formation de cartels est possible sous des formes multiples à tous les échelons du marché. Ce sont avant tout le rapport

1279

«Cartels et concurrence en Suisse» de la Commission d'étude des prix, et les publications de la Commission des cartels depuis 1966, qui fournissent des exemples tirés de la pratique. Une intention de restreindre la concurrence n'est pas indispensable pour qu'il y ait entente cartellale. Il suffit qu'il y ait limitation effective ou potentielle de la concurrence. La loi sur les cartels renonce à définir la notion de marché en relation avec les cartels. Sa délimitation ne présente en règle générale pas de difficulté puisqu'elle résulte de l'entente elle-même. Les problèmes se posent seulement pour ce qui est de l'inclusion des biens de substitution. Une opinion prévaut dans la pratique: il sied de procéder à une description étroite du marché à prendre en considération. On estime en effet que le champ d'application de la loi devrait être aussi étendu que possible, alors que la question des biens de substitution n'intervient qu'en rapport avec le caractère notable de l'entrave à la concurrence, ou lorsque l'on recherche à déterminer si la limitation de la concurrence a des effets nuisibles.

Nous soulignerons une fois de plus que la notion de cartel englobe l'influence effective ou potentielle sur le marché, tant du côté de l'offre que de celui de la demande, si bien que les cartels exerçant des effets sur la demande sont, sans plus, soumis à la loi.

La loi en vigueur (art. 2, 2e al. LCart) complète déjà la définition du cartel en lui rattachant la notion de prix imposés. Ces derniers consistent en ceci que les fournisseurs ou les grossistes obligent leurs acheteurs à observer les prix de vente qu'ils ont eux-mêmes prescrits, ou à veiller à ce qu'ils soient respectés à l'échelon subséquent. Les prix imposés ont un caractère vertical, contrairement aux accords de prix horizontaux par lesquels fabricants ou grossistes règlent leurs propres prix de vente à l'échelon suivant. De tels cartels de prix horizontaux tombent sous le coup de la définition des cartels au sens de l'article 2, 1er alinéa de la LCart. Du fait que les prix imposés sont rattachés aux cartels du point de vue de leurs effets, ils sont soumis à la loi pour peu que ce soit un cartel ou une organisation analogue qui les impose ou en assure l'exécution. C'est dire que le prix imposé par une entreprise n'ayant pas d'influence effective ou
potentielle sur le marché ne tombe pas sous le coup de la loi. La réglementation des prix imposés par les cartels ou organisations analogues s'imposait parce que l'action collective qui la sous-entend engendre un système complet de prix imposés dans une branche tout entière. Selon son genre et ses effets, ce système sera assimilé à un cartel (FF 7957 II 571), Le projet de loi ne modifie rien à cette conception quant au fond. Il inclut cependant les prix imposés dans un article spécial (art. 3, 1er al. P) en procédant à quelques clarifications d'ordre rédactionnel. En outre, il complète la notion de cartel en y englobant les recommandations.

522.12

L'inclusion des recommandations

Selon le projet de loi, les recommandations tendant à une limitation de la concurrence seront elles-aussi soumises à la loi. Cela s'exprime à l'article 2, 2e alinéa P pour celles dont la nature est verticale.

Selon la doctrine dominante, les recommandations ne tombent pas sous le

1280

coup de la loi en vigueur. Celle-ci désigne les cartels comme des conventions, des décisions et des accords sans force obligatoire, qui influencent ou sont propres à influencer le marché de certains biens ou de certains services. Par accords sans force obligatoire, on entend ce qu'il est convenu d'appeler des gentlemen's agreements, qui se caractérisent pas l'absence de sanctions, alors même que ces accords n'engagent que la volonté des parties de limiter la concurrence. Les recommandations tendant à restreindre la concurrence reposent, elles aussi, sur des décisions ou des conventions des parties intéressées, mais la volonté de se lier fait défaut; Jes parties sont libres de s'en tenir ou non aux recommandations. C'est la raison pour laquelle on admet que le système des recommandations en doit pas être assimilé à celui des cartels au sens de l'article 2, 1er alinéa de la LCart.

A ces considérations, on peut objecter que les recommandations de nature à limiter la concurrence peuvent avoir les mêmes effets que des conventions cartellaires au sens étroit du terme, si bien qu'il n'est pas justifié de les traiter différemment.

Cela est d'autant plus vrai que les conventions cartellaires sont caractérisées non seulement par leur influence effective, mais aussi par leur influence potentielle sur le marché. Or on ne saurait contester que les recommandations peuvent exercer une influence sur le marché, même si parfois une forte opposition s'est manifestée lors de la procédure de consultation contre cette extension du champ d'application de la loi. Ce qui importe, c'est d'harmoniser les points de vue de manière à pouvoir influencer le marché. Cette capacité d'agir sur le marché est réalisée lorsqu'une association doit convenir qu'une grande partie de ses membres se trouvent placés devant des problèmes presque insolubles lorsqu'il s'agit pour eux de calculer individuellement leurs prix de revient. La prétendue assistance de caractère informatif devient de la sorte un facteur de formation des prix de première importance. Dans ce sens, l'ordonnance (abrogée) sur la surveillance des prix du 19 décembre 1975 englobait déjà, en sus des prescriptions proprement dites en matière de prix, également les prix indicatifs et les prix recommandés. De ce point de vue, il est tout à fait indiqué d'inclure les recommandations
en matière de prix dans le champ d'application de la loi. Si tel n'était pas le cas, un facteur essentiel de formation collective des prix que l'on peut assimiler sans plus à de véritables ententes en matière de prix ne tomberait pas sous le coup de la loi, alors même que des possibilités d'actions identiques militent pour qu'il soit traité de la même manière en droit.

A cela s'ajoute le fait que les recommandations ont une grande importance dans la pratique. Il suffit de penser par exemple aux normes SIA, aux recommandations en matière de prix de la Société suisse des cafetiers et restaurateurs, et à d'autres phénomènes analogues qui, s'ils n'étaient pas expressément mentionnés ne tomberaient pas dans le champ d'application de la loi sur les cartels. On relèvera à nouveau que l'assujettissement à la loi ne signifie nullement qu'une recommandation a des effets nuisibles d'ordre économique ou social et, partant, qu'elle est contraire à la loi sur les cartels. Cet assujettissement n'offre aux autorités compétentes que la possibilité de procéder à une vérification en matière de droit sur les cartels.

86 Feuille fédérale. 1331 année. Vol. TI

1281

L'article 2, 2e alinéa P n'englobe pas seulement les recommandations en matière de prix, mais d'une façon toute générale les recommandations horizontales de nature à restreindre la concurrence. Quant à l'article 3, 2e alinéa P, il est rédigé de façon analogue à la disposition sur les prix imposés. Il se rapporte à la recommandation verticale en matière de prix ou de conditions, mais une fois de plus seulement lorsqu'elle émane d'un cartel ou d'une organisation analogue.

L'assujettissement des recommandations horizontales et verticales à la loi comble une lacune importante et habilite l'autorité à examiner, à la lumière de la loi sur les cartels, les conséquences de telles recommandations; elle lui permet en outre de prendre les mesures qui s'imposent si ces recommandations exercent des effets nuisibles d'ordre économique ou social.

522.2

Organisations analogues à des cartels

522.21

La notion d'organisations analogues à des cartels

La notion d'organisations analogues à des cartels est définie à l'article 3 de la LCart. L'article 4, 1er alinéa P reprend cette définition avec quelques minimes modifications rédactionnelles. La loi cite comme organisations analogues à des cartels les entreprises isolées, les concentrations d'entreprises et les entreprises qui accordent tacitement leur comportement «lorsqu'elles dominent le marché de certains biens ou de certains services ou l'influencent de manière déterminante». Cette définition a ceci de commun avec celle des cartels qu'elle désigne ,des organismes propres à influencer le marché. Les définitions se distinguent en revanche l'une de l'autre pour ce qui est des formes juridiques prises en considération, ainsi que par le degré de l'influence exercée sur le marché. A l'origine des cartels, il existe des accords dont il suffit qu'ils soient propres à influencer le marché. Dans les organisations analogues il n'a généralement pas d'accord; elles se" caractérisent non seulement par leur aptitude à influencer le marché, mais aussi par l'influence effective et pour le moins déterminante qu'elles exercent sur le marché.

La notion d'organisations analogues est sensiblement plus complexe que celle de cartels, et ce tant en droit que dans la pratique. Les difficultés commencent déjà lors de la détermination du marché à prendre en considération, opération qui sert ensuite à établir l'influence sur le marché. Nous reviendrons sur cette question dans un passage spécial consacré à l'article 4, 2e alinéa P. Des difficultés se présentent ensuite également lorsqu'il s'agit de déterminer dans quelles conditions on peut admettre qu'une majorité d'entreprises juridiquement indépendantes accordent tacitement leur comportement (art. 4, 1er al., Jet. b P). Cette formulation entend appréhender l'«action concertée» aboutissant à une influence déterminante sur le marché, autrement dit l'harmonisation délibérée des comportements qui ne repose pas sur une convention orale ou écrite (auquel cas on aurait à faire à un cartel). A cet égard, il est indéniable que les entreprises qui ont adopté un comportement uniforme, peuvent l'avoir fait par suite de la libre concurrence (FF 1961II 572). Extérieurement, il n'est pas possible de distinguer des comportements reposant sur un accord tacite

1282

d'un comportement parallèle «naturel». C'est pourquoi il est nécessaire de procéder dans ce domaine à une étude approfondie des faits pour pouvoir qualifier exactement le phénomène. Nous avons préféré conserver sur ce point la formulation de la loi en vigueur, alors même que le projet de la Commission d'experts prévoyait de considérer que le comportement uniforme déterminait l'assujettissement à la loi, cela afin d'éviter les difficultés relevées ci-dessus. Le problème évoqué montre néanmoins clairement qu'il est indispensable, lors de l'enquête, de se demander si un comportement uniforme est en fait la conséquence de la libre concurrence ou d'un accord tacite. Compte tenu de la complexité de la matière, il faut intercaler une sorte d'«examen préalable» pour établir si le phénomène de comportement uniforme est soumis ou non à la loi sur les cartels.

522.22

Inclusion dans la notion d'organisations analogues à des cartels des accords d'exclusivité et de distribution

L'article 5 P prévoit dans certaines conditions, ce qui est nouveau, d'inclure dans le champ d'application de la loi sur les cartels les accords d'exclusivité et de distribution, La notion de cartel implique l'idée de communauté dans la limitation de la concurrence. Pour qu'il y ait «limitation collective», deux participants suffisent pour peu que leurs intérêts aillent dans le même sens. Selon la doctrine dominante, il n'y a pas d'harmonisation des intérêts lorsque des contrats synallagmatiques sont conclus entre deux partenaires dont les intérêts sont opposés. Sont considérés également comme tels, en plus de l'achat, de l'échange, etc., les contrats de distribution exclusive et autres accords d'exclusivité et de distribution. C'est là une différence fondamentale par rapport au droit en matière de concurrence de la Communauté économique européenne. Le principe selon lequel les contrats synallagmatiques ne sont pas régis par la loi sur les cartels n'a jusqu'ici pas toujours été appliqué à la lettre. Dans la mesure où un tel contrat d'exclusivité ou de distribution engageait pour le moins un cartel ou une organisation analogue, ce contrat était automatiquement soumis à la loi sur les cartels. Au surplus, la Commission des cartels a assujetti, dans un récent rapport, des contrats de distribution exclusive à la loi sur les cartels lorsqu'un fournisseur disposant d'un grand nombre de clients concluait tout un faisceau de contrats de distribution exclusive rédigés de la même manière et obtenait ainsi une limitation massive de la concurrence («Les contrats de distribution exclusive dans le commerce des pièces détachées d'automobiles», Publications de la Commission des cartels, 1978, fascicule 2/3).

La pratique démontre continuellement que les accords d'exclusivité et de distribution constituent un facteur déterminant de limitation de la concurrence, même si les parties en cause n'ont pas le caractère d'un cartel ou d'une organisation analogue. La limitation déterminante de la concurrence peut résulter de l'exclusivité à elle seule, ce qui justifie d'une façon générale la soumission de tels contrats à la loi sur les cartels. Comme l'élément horizontal de la relation entre partenaires fait défaut, de tels contrats doivent être assimilés non pas à des ententes cartellaires, mais à des organisations analo-

1283

gués sous forme d'intégration verticale. En conséquence, ils ne doivent pas être soumis à la loi que s'ils ont pour effet de dominer ou d'influencer le marché d'une manière déterminante. Ainsi se trouvera comblée - de même que pour les recommandations - une lacune importante de la loi (art. 5 P). Il s'agit une fois de plus d'abord uniquement d'assujettissement à la loi. Quant à savoir si les entraves à la concurrence qui en résultent sont licites ou non, c'est aux autorités compétentes qu'il appartiendra d'en décider, à la lumière des prescriptions de droit civil ou de droit administratif de la loi.

522,23

Accords de licence et droit cartellaire

La question s'est aussi posée, lors de la procédure de consultation, de savoir si, et à quelles conditions, les accords de licence devaient eux aussi être soumis à la loi. Nous avons renoncé dans le présent projet de loi à régler expressément cette question, et cela en nous fondant pour l'essentiel sur les considérations ciaprès.

On s'était rendu compte déjà lors de la mise sur pied de la loi en vigueur que les positions de monopole en droit et en fait, qui résultent de la protection juridique de la propriété industrielle, ne sauraient être remises en cause par la loi sur les cartels. C'est pourquoi la loi en vigueur prévoyait une réserve à ce sujet (art. 23, 2e al. LCart). Le message disait ce qui suit à ce sujet: La loi sur les cartels ne s'applique pas aux monopoles qui résultent exclusivement de la protection juridique de la propriété intellectuelle (brevets, marques de fabrique, échantillons et modèles protégés ; droit d'auteur). Si le législateur veut protéger la propriété industrielle, il ne faut pas que cette protection soit contrecarrée par une autre loi. Il appartient à la législation sur la protection de la propriété industrielle de prévoir elle-même les dispositions voulues pour combattre les abus en la matière ...

Il peut arriver cependant qu'un droit protégé soit, pour limiter la concurrence, utilisé d'une manière qui dépasse la portée légitime de la protection.

On peut concevoir qu'un cartel de titulaires de brevets parvienne à imposer un prix déterminé grâce au grand nombre de brevets dont U dispose, un pareil cas, la loi sur les cartels sera applicable, (FF 1961II 567)

Cette situation doit aussi prévaloir avec la nouvelle loi sur les cartels. Il ne saurait être question de porter atteinte à la sphère de protection de la propriété industrielle circonscrite par des lois spéciales, même si elle confère une sorte de situation de monopole. Il en va de même des contrats de licence, qui se limitent à transmettre à un partenaire contractuel le contenu des droits de protection de la propriété industrielle décrit par des lois spéciales. Cela tient notamment au fait que les contrats de licence sont en principe des contrats synallagmatiques qui ne tombent pas sous le coup de la notion de cartel.

On pourra s'écarter de ce principe lorsque l'une ou les deux parties au contrat de licence représentent un cartel ou une organisation analogue, à condition que le contrat non seulement cède les droits de protection circonscrits par des lois spéciales, mais encore stipule des limitations de la concurrence allant plus loin.

1284

Dans ces conditions, la loi sur les cartels s'applique à ce genre de faits sans qu'il soit nécessaire de le mentionner expressément dans le texte légal.

On aurait pu aller plus loin et envisager que les contrats de licence soient également soumis à la loi lorsqu'aucune des parties en cause ne constitue un cartel ou une organisation analogue, mais que les contrats exercent une influence déterminante sur le marché (bien entendu à condition que le contenu du contrat ait dépassé le rayon de protection originellement garanti par le droit d'auteur). Une telle solution serait revenue à un élargissement de la notion d'organisation analogue à un cartel. Il semble toutefois qu'une telle influence déterminante sur le marché soit difficilement réalisable sans la participation d'un cartel ou d'une organisation analogue. C'est pourquoi nous avons renoncé à une proposition dans ce sens.

522.24

Critères pour la détermination de la puissance sur le marché

La loi en vigueur ne fournit aucune indication sur la manière de déterminer dans un cas concret s'il y a domination du marché, ce qui est regrettable en particulier lorsqu'il s'agit des organisations analogues à des cartels. Le projet de loi entend combler dans une certaine mesure cette lacune (art. 4, 2e al. P).

Lorsqu'il importe de déterminer si une organisation analogue à un cartel domine un marché donné ou y exerce une influence déterminante, il faut délimiter en premier lieu le marché à prendre en considération. Pour ce qui est des cartels, le marché à prendre en considération découle généralement - comme nous l'avons déjà mentionné - des accords cartellaires. Tel n'est évidemment pas le cas pour les organisations analogues. C'est bien plutôt en fonction des circonstances concrètes qu'il faut établir la délimitation exacte dans les faits.

On trouve un exemple de cette détermination dans les publications de la Commission des cartels 1976, p. 196 ss (marché à prendre en considération en relation avec une centrale d'achat, où l'on a vu, en plus des marchés des différents produits, se dessiner un marché pour les prestations de commerce de gros). A cet égard, on doit considérer comme objectivement exacte la délimitation da marché selon les relations et les besoins réels des partenaires du marché.

On signalera également à ce sujet qu'il résulte de l'application de cette règle une délimitation plutôt étroite du marché. Pour souligner l'importance de cette question, mentionnons l'exemple classique selon lequel l'importateur exclusif du cognac de marque X ne saurait guère exercer une influence décisive sur le marché des boissons en général. En revanche, si le marché examiné est plus étroit (marché des spiritueux), il est parfaitement possible que l'importateur y exerce une influence déterminante. Si nous définissons plus étroitement encore le marché en le limitant à la marque de cognac X, l'importateur exclusif y dispose alors d'un monopole. Il va de soi que l'on ne saurait procéder de façon arbitraire à cette délimitation du marché, car comme le montre l'exemple cidessus, cela reviendrait à une manipulation des faits. C'est à partir de faits concrets que l'on définira le marché entrant en ligne de compte. Il faudra aussi tenir compte de l'échelon (fabricant, grossiste ou détaillant), dans une branche donnée, ainsi que des problèmes d'offre ou de demande qui s'y posent.

1285

Lorsqu'on a délimité le marché, on établit le degré d'influence sur le marché de l'entreprise en question (domination ou influence déterminante). Pour apprécier le degré d'influence, on dispose de trois méthodes portant sur la structure du marché, le comportement sur le marché, ou le résultat sur le marché.

Laquelle de ces méthodes fournit les résultats les plus sûrs ou paraît la plus praticable? Les avis divergent. On trouve des exemples de l'application de ces méthodes dans les publications de la Commission des cartels 1976, p. 198/199 ss et 1978, p. 210 et 262. La Commission des cartels a relevé que ces méthodes se fondent sur plusieurs critères. Pour la structure du marché, il faut prendre en considération l'importance de l'entreprise, le nombre et la puissance des concurrents, l'accès au marché, la possibilité de remplacer le bien en question par des produits de substitution et les facteurs des partenaires se trouvant de l'autre côté du marché. Pour le comportement sur le marché, il faut tenir compte de la stratégie commerciale, des entraves à la concurrence, et de la renonciation concertée à la concurrence. Pour l'évaluation des résultats sur le marché, on examine entre autres : les innovations en matière de production, le niveau des bénéfices, les frais de vente et le degré d'approvisionnement du marché. Pour ce qui est de l'application du critère des entraves à la concurrence, le test du comportement sur le marché a donné lieu à des objections.

Elles proviennent de ce que l'on conclut à une influence déterminante sur le marché dès qu'on se trouve en présence d'une entrave notable à la concurrence. Or, il conviendrait normalement d'évaluer d'abord le degré d'influence sur le marché (l'assujettissement à la loi) pour ensuite examiner s'il y a entrave notable à la concurrence (licéité d'une mesure à la lumière du droit des cartels).

Dans les cas d'espèces, la Commission des cartels a appliqué également le critère des entraves à la concurrence en dépit de certaines réserves.

Il convient à ce sujet de se référer à la nouvelle prescription de l'article 4, 2e alinéa P. Elle se rapporte au test de la structure du marché et entend montrer que l'on ne saurait se fonder uniquement sur la part du marché pour en apprécier la structure. Cela correspond à la pratique développée au cours des années
par la Commission des cartels. C'est ainsi qu'elle a bien relevé, dans ses publications de 1968, p. 141/142, la part importante du marché revenant à une entreprise donnée, tout en se référant d'autre part à l'intégration verticale qui détermine donc dans une large mesure la position de l'entreprise sur le marché.

Dans un autre rapport (publications de la Commission des cartels 1973, p.

161), elle fait allusion au monopole de fait des fabricants, tout en insistant sur le fait que la concurrence due aux importations ne pouvait déployer ses effets en raison du comportement de la demande. Enfin, on mentionnera un rapport (publications de la Commission des cartels 1972, p. 74 ss) dans lequel on établit qu'un groupe a une position déterminante sur le marché en se fondant sur les éléments suivants: part du marché, imbrication du groupe avec deux entreprises de la même branche et présence sur d'autres marchés. Enfin nous nous référons à la publication déjà mentionnée de la Commission des cartels 1976, page 198 ss.

L'article 4, 2e alinéa P entend inscrire dans la loi cette pratique de la Commission des cartels et la développer notamment en raison du fait que l'évaluation de la position sur le marché aura encore une importance accrue à

1286

l'avenir. L'article signale un certain nombre d'éléments importants pour le test de la structure du marché sans pour autant exclure l'application des tests de comportement et des résultats sur le marché.

La référence expresse aux éléments essentiels du test de la structure du marché insiste particulièrement sur les tendances économiques auxquelles on attache de plus en plus d'importance. Nous pensons spécialement aux formes de la concentration conglomerale. La concentration conglomerale permet à des entreprises qui disposent déjà d'une influence sur un ou plusieurs marchés donnés, et en particulier si elles ont acquis une puissance financière, d'exercer par de tels appuis une influence directe et déterminante également sur d'autres marchés sans y disposer d'une part spéciale du marché, que ce soit par l'aménagement des prix, les efforts publicitaires ou d'autres comportements analogues. La Commission des cartels s'est occupée dans un de ses rapports d'enquête (banques) de l'état et de l'évolution de la concentration conglomerale (publications de la Commission des cartels 1979, p. 199 ss).

L'article 4, 2e alinéa P entend souligner expressément qu'il y a lieu de prendre en considération, dans l'appréciation de la position d'une entreprise sur le marché, l'influence sur le marché découlant de la concentration conglomerale ou d'autres avantages analogues en matière de concurrence, qui en aboutissent à la loi sur les cartels même s'il ne peut pas encore être question d'une part importante de l'entreprise sur le marché en question. Des parts élevées au marché sont certes un indice important pour l'existence d'une influence déterminante, mais même des parts faibles au marché peuvent ne pas exclure une influence déterminante si d'autres éléments permettent de la prouver.

522.3

Extension de la notion de cartels et d'organisations analogues à des entreprises mixtes et de droit public

La première phrase de l'article 1 de la LCart déclare que cette loi est applicable aux cartels et organisations analogues.

L'article 1er, 1er alinéa P précise que les entreprises, tant privées que publiques, peuvent faire partie de cartels. Elle peuvent aussi faire partie d'organisations analogues ou en constituer l'une de ces dernières (selon qu'il s'agit d'un comportement concerté, d'une part, ou d'une concentration d'entreprises ou d'une entreprise isolée, d'autre part). Cela représente une clarification par rapport au texte de la loi en vigueur qu'il sied de considérer en corrélation avec l'article 47, 2e alinéa, lettre b P. Cette dernière disposition ne constitue pas, à considérer les choses de près, une réserve, mais bien une dérogation au champ d'application.

C'est surtout l'article 23, 2e alinéa LCart - il réserve les prescriptions de droit public qui dérogent à la loi - qui est à l'origine de ces considérations. Cela pourrait être interprété en ce sens que la loi n'est pas applicable aux cartels et organisations analogues de droit public. La doctrine et la jurisprudence ont cependant montré que cette réserve ne saurait être de nature absolue. C'est ainsi que la doctrine juridique déclare que l'application de la loi sur les cartels

1287

n'est exclue que dans la mesure où les normes de droit public autorisent une position concurrentielle particulière. A cet égard, il sera toujours indiqué d'interpréter limitativement cette disposition puisqu'elle s'écarte du principe de la liberté de commerce. Cette conception se fonde du reste sur certaines considérations émises dans le message à l'appui de la loi sur les cartels (FF 1961II 596 s.)- Selon cette doctrine, la loi sur les cartels n'est donc exclue que lorsque les normes de droit public tendent à une position concurrentielle particulière ce qui est le cas dans les régimes de marché fermés en vertu du droit public, comme on en trouve par exemple dans le secteur agricole (ce qui ne veut cependant pas dire que certains secleurs de l'agriculture ne puissent pas être appréciés sous l'angle du droit des cartels dans la mesure où ils relèvent du droit privé).

Il convient dé définir les notions de réglementation du marché et de régime des prix comme le fait la Cour de justice des Communautés européennes qui considère la réglementation du marché par l'Etat comme ... un ensemble de moyens de droit plaçant sous le contrôle de l'autorité publique la régulation du marché des produits concernés, en vue d'assurer, par l'accroissement de la productivité et par un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'oeuvre, un niveau de vie équitable aux producteurs, la stabilisation des marchés, la sécurité des approvisionnements et des prix raisonnables aux consommateurs (Recueil de la jurisprudence de la Cour, affaire 48-74, 1974, p. 1383).

Dans la mesure où les prescriptions de droit public n'expriment pas la volonté de soustraire une entreprise de droit public aux influences de la concurrence, le comportement économique de la communauté, et en particulier aussi celle des entreprises publiques et mixtes ayant une forme juridique de droit privé, est soumise à la loi sur les cartels. Tel est le sens de la nouvelle formulation de l'article 1er, 1er alinéa P, tel qu'il s'impose en relation avec l'article 47, 2e alinéa, lettre b P. Il s'agit là d'inscrire dans la nouvelle loi la doctrine au sujet des articles 1er et 23, 2e alinéa LCart.

Il n'est pas facile de se prononcer quant à la portée pratique de cette modification. C'est dans chaque cas particulier qu'il faudra déterminer si les aspects cartellaires ou analogues à un cartel d'une entreprise publique ou mixte tombent sous le coup de la loi. Il ne faut en tous cas pas surestimer l'importance de cette modification de la loi.

Il sied de tenir compte, pour se faire une idée à ce sujet, des considérations suivantes : Bien des entreprises publiques ou mixtes sont soumises à la surveillance directe des organes exécutifs ou législatifs les plus élevés de la Confédération, des cantons ou des communes. De plus, elles sont souvent à tel point réglementées par des prescriptions de droit public que force est de convenir qu'il leur a été accordé une position concurrentielle particulière et qu'on peut dès lors parler d'une réglementation étatique du marché ou des prix. Certains indices corroborent ce point de vue: par exemple, l'obligation de soumettre statuts et règlements à l'approbation de l'autorité, l'influence exercée par l'Etat sur le choix des organes de décision et plus particulièrement l'obligation de soumettre les tarifs à une autorisation. Cette dernière est déjà considérée à elle seule comme un indice de l'existence d'un régime étatique des prix et par

1288

conséquent de la non-application de la loi sur les cartels. Un exemple illustre bien cette situation: la fixation des prix et des tarifs des entreprises de transport public, qui est régie par des lois spéciales. Le fait que la loi sur les cartels ne s'applique pas dans ce cas est conforme à notre conception de la démocratie qui n'admettrait pas que la Commission des cartels (ou toute autre autorité administrative) puisse annuler des décisions des organes législatifs ou exécutifs suprêmes de la Confédération, des cantons ou des communes.

La clarification apportée dans ce domaine par le projet de loi est utile, en dépit de cette restriction. En effet, il ne doit pas y avoir de lacune juridique qui permettrait à des entreprises de l'Etat de former des cartels ou organisations analogues, puisqu'elles sont soustraites à la responsabilité directe à l'égard des organes suprêmes de l'Etat, tout en n'étant pas soumises à la loi sur les cartels.

En dépit de la réserve formulée à l'article 47, 2e alinéa, lettre b P, il restera néanmoins possible d'apprécier les réglementations étatiques du marché ou des prix du point de vue de la politique concurrentielle. La Commission des cartels devra en effet à l'avenir également pouvoir présenter au Conseil fédéral des recommandations au sujet de la politique de la concurrence (art. 25 P, ancien art. 19, 1er al., 2e phrase LCart). Ces recommandations visent des secteurs bien déterminés dans lesquels les autres dispositions de la loi sur les cartels ne sont pas applicables en vertu de l'article 47, 2e alinéa P.

523

Champ d'application de la loi à raison du lieu

Sans le mentionner expressément, la loi s'applique à l'ensemble du territoire suisse. Elle vise également les entraves à la concurrence causées en Suisse par des entreprises ayant un siège à l'étranger, conformément au principe des effets dans le pays énoncé par le Tribunal fédéral (ATF 93 II 192 ss). Ne sont en revanche pas visés les effets exercés à l'étranger, même si ceux qui les suscitent ont leur siège en Suisse ou s'ils sont dus à la participation d'entreprises suisses à des cartels ou organisations analogues. L'effet dans le pays constitue, non seulement dans la loi suisse sur les cartels, mais aussi dans le droit en matière de concurrence en général, une condition d'applicabilité de la loi. En effet, il est conforme au but même de la législation qui consiste à maintenir le jeu de la concurrence dans l'économie nationale.

Indéniablement, l'actuelle loi sur les cartels tient compte du principe des effets dans le pays. Ce qui a créé des confusions, c'est le fait que l'article 5, 2e alinéa, lettre d LCart, déclare que les mesures visant à assurer l'application d'un cartel sur les marchés étrangers constitue un intérêt légitime prépondérant pouvant justifier des entraves notables à la concurrence. On a parfois inféré de cette formulation, pour ce qui est des cartels dits d'exportation, que la loi s'appliquerait à titre exceptionnel également aux limitations de la concurrence qui ont leur origine en Suisse et dont les effets se font sentir à l'étranger. A y regarder de plus près, la disposition susmentionnée ne peut être interprétée que de la manière suivante : si une cartel ou une organisation analogue entraîne, à partir de la Suisse, des effets limitant la concurrence à l'étranger, ces effets ne sont pas soumis à la loi sur les cartels conformément au principe des effets dans le pays. Mais, s'il se produit simultanément des effets dans le pays, ceux-ci

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tombent sous le coup de la loi suisse. C'est parce que ces effets sont en quelque sorte le corollaire du fait qu'un cartel doit s'imposer sur des marchés étrangers que le législateur a estimé et cela seulement pour les effets dans le pays, que ces derniers pouvaient être considérés comme- une justification facilitée au sens des dispositions de droit civil. Ainsi donc le législateur n'a pas voulu déroger au principe des effets dans le pays en ce qui concerne les cartels d'exportation. Afin de clarifier les choses, nous proposerons d'ailleurs d'abroger cette disposition dans la loi révisée (cf. ch, 532.23).

On fait parfois valoir aujourd'hui que le principe des effets dans le pays serait dépassé et qu'il conviendrait d'élargir le champ d'application à raison du lieu pour permettre une application cohérente de la politique suisse en matière de développement et de commerce extérieur. A l'appui de cet argument on allègue que l'application exclusive de ce principe ne tient pas suffisamment compte du fait que l'économie suisse est tournée vers l'étranger. Les effets à l'étranger d'un cartel ayant son siège en Suisse ou auquel participent des entreprises suisses, seraient, affirme-t-on, susceptibles d'avoir des répercussions nuisibles sur notre commerce extérieur ou notre politique en matière de développement.

Le principe des effets dans le pays implique surtout que les effets des cartels et groupements analogues, même lorsque ceux-ci ont leur siège en Suisse ou lorsque des entreprises suisses y participent, ne tombent pas sous le coup de la loi. Il n'est cependant pas exclu, même dans le cas où un cartel exerce avant tout des effets à l'étranger, que des répercussions se fassent sentir dans notre pays" et touchent des intérêts suisses fondamentaux.

L'examen des effets à l'étranger des cartels et de leurs répercussions sur la Suisse se heurte toutefois à des difficultés considérables, tant du point de vue juridique que pratique.

Une voie propre à surmonter ces difficultés a été tracée dans la zone européenne de libre-échange, puisque les principes de la concurrence et les règles de procédure en vue de leur application y ont fait l'objet d'un accord. Les articles 45 et 46 P tiennent compte de ce fait. Pour le reste, la collaboration au sein de l'OCDE et de l'ONU en matière de politique de la concurrence
n'est pas aussi avancée. C'est ainsi que le code de l'ONU sur les pratiques commerciales limitant la concurrence ne prévoit aucune obligation particulière pour les Etats d'intervenir contre les cartels d'exportation. Au cours des négociations, certains Etats ont demandé que les pays exportateurs exercent un contrôle accru sur ces cartels. Ces pays ont toutefois été minorisés. L'interprétation plus rigoureuse du code qu'ils préconisent, ou sa révision prévue pour 1985, déboucheront-elles sur un régime analogue à celui de la zone européenne de libre échange? Seul l'avenir le dira. Les choses étant ce qu'elles sont, il n'y a pour le moment aucune raison d'élargir le champ d'application de la loi.

53 531

Dispositions de droit civil et de procédure Observations générales

Les dispositions de droit civil et de procédure de la loi sur les cartels tendent directement à la protection de la personnalité économique. Elles visent cepen-

1290

dant aussi, indirectement, à maintenir une concurrence efficace en tant que partie intégrante de l'économie de marché. Ces normes peuvent être classées en trois groupes. Le premier règle les conditions dans lesquelles l'entrave à la concurrence d'un tiers est admissible. Lé second traite des relations entre les membres du cartel et précise dans quelles conditions l'insubordination de membres de cartels peuvent faire l'objet de sanctions. Le troisième contient des prescriptions de procédure et décrit en particulier les prétentions admissibles, fixe la manière d'y donner suite et détermine les personnes ayant qualité pour agir.

532

L'entrave notable à la concurrence et sa justification

La loi en vigueur sur les cartels définit le fait d'abus en droit civil en ce sens qu'elle déclare en principe illicite l'entrave notable à la concurrence, tout en permettant sous certaines conditions sa justification (art. 4 et 5 LCart). C'est donc par une appréciation des intérêts en cause que l'on déterminera si un comportement donné est admissible ou non en vertu de la loi. Le projet de révision ne vise pas à écarter cette appréciation des intérêts en cause, mais bien plutôt à en améliorer la méthode et à souligner à cet égard l'importance de la libre concurrence.

532.1

L'entrave notable à la concurrence

L'article 6, lec alinéa P établit en principe que les mesures d'un cartel ou d'une organisation analogue sont illicites si, de ce fait, des tiers sont exclus de la concurrence ou se trouvent notablement entravés dans son exercice. Cette prescription correspond à la teneur de l'article 4, 1er alinéa LCart. Dans quelles conditions peut-il être question d'une entrave notable à la concurrence, c'était à la doctrine et à la jurisprudence qu'il appartenait de le définir, Le Tribunal fédéral a tout d'abord appliqué une manière de voir exclusivement quantitative, pour se décider, ensuite, en accord avec la doctrine, en faveur d'une application plus différenciée. Il a relevé dans l'un de ses récents arrêts que pour être notable, l'entrave doit toucher à des aspects de l'activité commerciale importants du point de vue de la concurrence, tels les prix, les conditions, les prestations annexes, etc., et avoir des effets sensibles sur la situation générale de l'entreprise touchée. Le juge doit par conséquent étudier en quoi consiste la mesure prise et quels peuvent en être les effets sur la liberté d'action de celui qui en est touché, sur la structure et l'évolution de son entreprise, A cet égard, il importe peu que l'entreprise de l'outsider n'ait pas été anéantie par l'entrave, mais ait pu au contraire se développer de manière favorable (ATF 98 II 374).

Nous ajouterons que la nouvelle formulation de l'article 6, 1er alinéa P n'est pas que de nature rédactionnelle, mais tend à clarifier dans la mesure du possible la notion d'entrave «notable». Cela se manifeste en ceci que la version du projet mentionne non seulement les entraves à l'exercice de la concurrence, mais aussi expressément à l'accès à la concurrence. Si l'on part de l'idée que le

1291

législateur avait aussi (et précisément) voulu réaliser dans la partie de droit civil la conception de la «concurrence possible», c'est en fonction de cet objectif qu'il sied d'apprécier le caractère notable de l'entrave à la concurrence.

Cette manière d'envisager les choses concorde avec la plus récente jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet de l'article 4, 1er alinéa LCart (cf. ATF 82 II 301, 86 II 380 et 94 II 337).

L'article 4, 1er alinéa LCart contient (à titre d'exemples) une énumération de mesures pouvant être considérées comme une entrave notable à la concurrence, L'article 6, 2e alinéa P reprend séparément ce catalogue d'exemples en les groupant. A la lettre a, il s'agit de mesures découlant de la puissance de l'offre.

La lettre b mentionne les mesures qui peuvent constituer un abus de la puissance d'achat. La lettre c mentionne le cas des dispositions horizontales (mot-clef: sous-enchère en matière de prix dirigée) et la lettre d la mise à l'index en tant que mesure dans le secteur du marché du travail visant à des entraves sur le marché des biens (cf. à ce sujet FF 1961 II 573 et 576). Ce groupement ne constitue pas une modification quant au fond par rapport à la loi en vigueur. Mais il est de nature à clarifier le sens de la loi et en particulier à relever que la loi vise aussi les mesures reposant sur la puissance d'achat.

Pour ce qui est de l'article 6, 2e alinéa P, il faut établir expressément que seule peut être considérée comme mesure dans ce sens l'exigence de prix ou de conditions «déiaisuiiuables». Il n'est pas question de porter atteinte à la véritable indemnisation des prestations. L'octroi de rabais quantitatifs, les conditions de paiements et les facteurs analogues sont économiquement raisonnables et justifiés dans la mesure où ils sont proportionnés. La disposition en question vise les avantages qui se fondent sur l'abus de la puissance d'achat, et qui par conséquent ne .sont pas justifiés du point de vue de l'économie d'entreprise.

L'article 4, 2e alinéa LCart a été biffé parce que l'on a considéré comme trop peu claire la référence à l'application «par analogie» de l'alinéa 1 aux organisations analogues à des cartels. En remplacement, l'article 6, 7er alinéa P se réfère directement aux cartels ou aux organisations analogues.

L'article 6, 3e alinéa P est entièrement
nouveau. Les dispositions de droit civil de la loi sur les cartels se sont rapportées jusqu'ici aux mesures d'entrave à la concurrence de tiers reposant sur la discrimination, c'est-à-dire aux cas dans lesquels des tiers se trouvaient traités différemment par des cartels ou des organisations analogues, alors même que les conditions étaient semblables.

La pratique a montré qu'il était possible d'abuser de la puissance sur le marché non seulement en vue de discriminer des tiers dans l'exercice de la concurrence, mais que l'abus peut aussi, suivant les circonstances, être dirigé globalement contre les tiers. Il ne peut dès lors plus être question d'une discrimination au sens étroit du terme, alors même qu'on peut constater que les tiers se trouvent aussi notablement entravés dans l'accès à la concurrence ou dans son exercice.

Si de telles entraves sont le résultat de mesures prises par un cartel ou une organisation analogue, elles doivent être déclarées en principe illicites. Le projet mentionne à titre d'exemple en particulier les ventes liées, en vertu desquelles les tiers (clients) doivent acheter d'autres biens en plus de celui qu'ils désirent. Or ils n'achèteraient pas ces biens s'ils ne dépendaient pas d'un

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fournisseur pour la livraison du bien principal, c'est-à-dire s'ils disposaient d'autres sources d'approvisionnement. Pourrait également tomber sous le coup de la loi le fait qu'un fournisseur impose à tous ses clients des prix surfaits en raison de sa position particulière sur le marché (cartel ou organisation analogue). Cela pourrait en effet constituer une entrave au sens de l'article 6, 3e alinéa P.

La crainte s'est pour une part exprimée au cours de la procédure de consultation que cette disposition puisse faire considérer comme illicites d'une manière générale les ententes en matière de prix. Tel n'est pas le cas. L'entente en matière de prix, telle qu'elle découle du champ d'application de la loi, demeure admissible. Mais elle peut être considérée comme illicite pour peu que le niveau des prix soit manifestemment excessif (exploitation abusive d'une situation). L'important de cette disposition ne découle cependant pas à nos yeux de cet aspect des prix, mais bien des affaires liées, expressément relevées dans le texte de la loi, 532.2 532.21

La justification des entraves notables à la concurrence La justification de l'entrave notable en général

Aux termes de l'article 5 T.Cart, les entraves notables à la concurrence sont licites «lorsqu'elles sont justifiées par des intérêts légitimes prépondérants et ne restreignent pas la libre concurrence de manière excessive par rapport au but visé ou du fait de leur nature et de la façon dont elles sont appliquées». Pour qu'une entrave notable à la concurrence soit justifiée, il faut que ces conditions soient satisfaites de manière cumulative. II faut donc non seulement qu'il y ait un intérêt légitime prépondérant du cartel ou de l'organisation analogue, mais encore que soient respectés les principes de la proportionnalité, de la subsidiarite et de l'égalité de traitement en droit. La loi en vigueur place donc face à face l'intérêt qu'a le dissident à pouvoir exercer sans entrave son activité économique (ainsi que l'intérêt général au bon fonctionnement de la concurrence) et l'intérêt du cartel et de l'organisation analogue. Si les intérêts du cartel doivent, être considérés comme légitimement prépondérants et si le cartel a, en appliquant ses mesures, respecté les principes mentionnés, alors l'entrave à la concurrence se trouve justifiée. Le projet de loi s'en tient, à l'article 7, 1er alinéa P, en principe à cette manière d'envisager les choses, mais il exige en outre que les effets de l'entrave ne portent pas atteinte à l'intérêt général. Cette clarification est l'une des préoccupations essentielles de la présente révision.

532.22

Le problème particulier de l'inclusion de l'intérêt général

Le message à l'appui de la loi sur les cartels avait clairement indiqué à l'époque que des intérêts des cartels ne méritaient d'être protégés que dans la mesure où ils concordent avec l'intérêt général; le projet du Conseil fédéral mentionnant même spécialement cet intérêt général au 1er alinéa (FF 1961II 580 et 612). Au cours des délibérations parlementaires, la référence à l'intérêt général fut biffée, mais l'on était bien d'accord que les termes «intérêts légitimes prépondérants» contenaient une référence à l'intérêt général.

1293

La pratique a constamment reconnu cette référence à l'intérêt général, mais la question demeura en suspens de savoir si les intérêts du cartel doivent être dans l'intérêt général ou s'il suffit qu'ils ne lui soient pas contraires. Le Tribunal fédéral s'est finalement rallié à la seconde de ces opinions (ATF 98 II 376/377).

La commission d'experts qui a préparé la présente révision s'est prononcée pour la variante selon laquelle les effets de l'entrave doivent être dans l'intérêt général pour que celle-ci soit justifiée en droit des cartels. Le projet que nous vous soumettons repose au contraire sur l'idée qu'il suffit que les effets de l'entrave à la concurrence ne soient pas contraires à l'intérêt général.

L'intérêt général prime les intérêts particuliers puisqu'il vise au maintien et à l'accroissement du bien-être de l'ensemble de la population. Il lie en un grand tout lés intérêts pour une part contradictoires du fabricant, du commerce et des consommateurs. Lors de l'appréciation de l'entrave à la concurrence il faut partir du principe fondamental de notre régime économique qui veut que l'économie de marché soit la plus propre à assurer le bien-être économique: Si donc nous demandons que les effets d'une entrave à la concurrence soient dans l'intérêt général, cela en revient à dire qu'il faut tendre à un état de choses qui puisse être considéré comme plus favorable du point de vue du bien-être de l'ensemble de la population que les résultats d'un régime libéral. Si au contraire nous demandons que les effets d'une entrave à la concurrence ne soient pas contraires à l'intérêt général, cela exige que ses résultats puissent être considérés comme pour le moins aussi bons, mais en aucun cas pires, que ceux d'un régime libéral. La différence entre ces deux réglementations possibles est évidente. La formulation selon laquelle une entrave à la concurrence ne doit pas être contraire à l'intérêt général se révèle comme plus modérée du point de vue de la concurrence.

Nous estimons qu'il suffit, dans les limites de la présente révision de la loi sur les cartels, d'inscrire dans la partie relative au droit civil la seconde variante, plus modérée. Ce qui nous apparaît essentiel, c'est qu'en mentionnant expressément l'intérêt général dans l'appréciation, on souligne clairement l'importance de la libre
concurrence et on indique qu'il faut une argumentation qualifiée pour pouvoir justifier des entraves notables à la concurrence. Cela correspond à la préoccupation de la présente révision de relever l'importance de la concurrence dans les limites des dispositions de droit civil de la loi sur les cartels, sans toucher au caractère qu'a la loi d'une législation sur les abus.

532,23

L'intérêt légitime prépondérant

Déjà l'article 5, 2e alinéa LCart prévoit et fournit l'exemple de l'une des conditions pour justifier l'entrave notable à la concurrence. Dans ce sens, l'article 7, 2e alinéa P énumère lui aussi des exemples d'intérêts privés prépondérants méritant protection. Juridiquement, ce catalogue n'a pas de signification en soi; il sert uniquement d'illustration, de clarification. Il n'en a pas moins acquis une importance considérable dans la pratique puisque c'est régulièrement de ces exemples que l'on fait état lorsqu'il s'agit d'apprécier un

1294

cas concret. Nous avons passé en revue ce catalogue d'exemples à la lumière de la pratique et l'avons modifié dans la mesure où cela nous est apparu nécessaire.

- Les lettres a et b n'ont pas subi de changement. La lettre c n'a subi qu'une modification d'ordre rédactionnel. Le rappel de l'intérêt général contenu dans la loi en vigueur a été biffé du fait que l'article 7, 1er alinéa P s'y réfère d'une manière générale.

- L'article 5, 2e alinéa, lettre d LCart prévoit comme intérêt légitime prépondérant le fait pour un cartel d'appliquer ses mesures sur les marchés étrangers. Nous avons exposé en relation avec le champ d'application régionale de la loi (voir ch. 523 ci-dessus) que la loi se fonde sur le principe des effets dans le pays. Il fallait donc interpréter l'article 5, 2e alinéa, lettre d LCart en ce sens que les effets à l'étranger d'un cartel ou d'une organisation analogue ne tombent en aucun cas sous le coup de la loi. En revanche si, en corrélation avec l'application d'un cartel sur les marchés étrangers, il se produit aussi des effets dans le pays, ces derniers tombent sous le coup de la loi, mais peuvent être justifiés compte tenu de conditions particulièrement favorables : le fait qu'il s'agisse de l'application d'un cartel sur les marchés étrangers est considéré par la loi en vigueur comme un intérêt légitime prépondérant.

- Celle réglementation, qui consiste à accepter facilement les effets d'un cartel dans le pays lorsqu'il s'agit pour lui de s'appliquer sur les marchés étrangers, ne paraît plus tenable de nos jours. C'est pourquoi nous vous proposons de biffer cette disposition, ce dont il résulterait en droit la situation suivante: si un cartel ne déploie pas d'effets en Suisse, il n'est pas soumis à la loi sur les cartels. S'il déploie des effets tant en Suisse qu'à l'étranger, les effets à l'étranger ne sont pas soumis au champ d'application de la loi, alors que les effets dans le pays y sont soumis sans réserve. Cela ne veut pas dire que des entraves à la concurrence qui en découlent ne puissent plus être justifiées.

Elles sont susceptibles de l'être, mais ne bénéficient plus du privilège d'être admises en soi comme un intérêt légitime prépondérant. Ce sont bien plutôt les règles générales pour la justification d'une entrave notable à la concurrence qui s'appliquent dans
ce cas-là.

- L'article 5, 2e alinéa, lettre e LCart considère comme un intérêt légitime prépondérant le fait pour un cartel «d'assurer l'application de prix imposés raisonnables, notamment lorsqu'ils sont nécessaires pour sauvegarder la qualité de la marchandise ou le service à la clientèle». Cette disposition a suscité des confusions dans la doctrine et dans la pratique. C'est ainsi que la question de savoir jusqu'où le contrôle du caractère raisonnable doit aller était contestée et que l'on n'était pas non plus au clair sur le point de savoir si l'adjonction relative à la qualité et au service à la clientèle représentait une aggravation ou devrait seulement fournir des critères pour l'appréciation du caractère raisonnable.

En dépit de certains scrupules, nous avons décidé de maintenir cette disposition en principe, mais de la formuler plus clairement. D'une part, nous avons abondonné le critère du caractère raisonnable des prix imposés puisqu'il était déjà incontesté dans la pratique adoptée jusqu'ici au sujet de l'article 5, 2e alinéa, lettre e LCart que l'application de prix imposés pouvait

1295

se justifier abstraction faite qu'elle soit raisonnable ou non, pour peu qu'il y ait des intérêts légitimes prépondérants au sens des lettres a à d. Ce qui semble important, c'est que selon le projet l'application de prix imposés puisse être considérée comme un intérêt légitime prépondérant pour peu que et dans la mesure où ledit prix imposé soit nécessaire pour garantir la qualité du produit ou le service à la clientèle. Le prix imposé est de la sorte placé spécifiquement au service de cette exigence. Dès lors il n'y a plus aucune raison de discuter pour savoir si le prix imposé est raisonnable et si la référence à la qualité et au service à la clientèle doit ou non représenter une aggravation. D'autre part, la disposition en question contient de toute manière encore une réserve en faveur des lettres a à c puisque ces exemples d'intérêts légitimes prépondérants peuvent justifier l'application de prix imposés même s'ils ne se rapportent pas spécifiquement à ce cas d'espèce.

L'article 7, 3e alinéa P correspond à l'article 5, 3e alinéa LCart à cette limitation près que nous vous proposons de biffer la réserve des 1er et 2e alinéas. Cette réserve n'a jamais eu d'importance dans la pratique parce qu'elle exprime une chose qui va de soi.

532.3

Actions et qualité pour agir

L'article 8, 1er alinéa P règle les actions qui peuvent être intentées auprès du juge civil en cas d'entrave illicite à la concurrence. Il correspond, abstraction faite d'une nouvelle articulation, au contenu de l'article 6, 1er alinéa LCart.

L'article 8, 2e alinéa p règle à la lettre a la légitimation pour agir des associations (légitimation active). Dans un de ses récents arrêts (ATF 103 II 294), le Tribunal fédéral n'en a pas moins accepté la légitimation active des associations pour peu qu'elles soient statutairement autorisées à défendre les intérêts économiques de leurs membres et que ces derniers aient qualité pour agir. Cette pratique concorde avec la réglementation de la légitimation pour agir des associations telle qu'elle figure dans la loi fédérale sur la concurrence déloyale. Contrairement à la loi en vigueur, l'article 8, 2e alinéa, lettre a P règle expressément la légitimation pour agir des associations, et cela dans le sens indiqué par la décision du Tribunal fédéral susmentionnée.

La question de savoir si les consommateurs au leurs organisations doivent avoir légitimation pour agir pose des problèmes. Avec la loi en vigueur sur les cartels, il était relativement simple de répondre à cette question. Les mesures au sens de l'article 4,1er alinéa LCart sont celles qui visent à écarter des tiers de la concurrence ou à les entraver notablement dans l'exercice de celle-ci. La pratique a conclu de cette formulation que les consommateurs n'ont pas qualité pour agir sur le plan du droit civil parce qu'ils ne sont pas en état de concurrence et ne peuvent donc pas être entravés au sens de cette disposition (discriminés). On a fait valoir l'opinion que les consommateurs ressentent certes dans certaines conditions les conséquences de telles entraves à la concurrence, mais ne peuvent néanmoins pas passer pour des tiers entravés dans l'exercice de la concurrence. Ils ne seraient protégés qu'indirectement par les dispositions de droit civil, alors que ce sont les prescriptions de droit administratif de la loi qui assurent leur protection directe. Cet avis est sans

1296

doute encore juste en principe à l'heure actuelle. Cependant, la question demeure en suspens de savoir si les consommateurs ne pourraient pas (en théorie tout au moins) créer, par la formation d'un cartel de la demande, une situation de fait relevant du droit des cartels.

D'un autre côté, le projet ne limite plus la notion de l'entrave à la concurrence à la discrimination, mais l'étend à l'utilisation concordante d'avantages cartellaires sur le marché par l'exploitation de la partie adverse sur le marché. La loi mentionne comme exemple les affaires liées (art, 6, 3e al. P). Mais l'exigence de prix excessifs peut aussi tomber sous le coup de cette disposition, qui touche également directement le consommateur s'il est pratiqué par des cartels ou des organisations analogues de l'échelon du commerce de détail. Le projet de loi dans sa partie de droit civil, se révèle ainsi plus proche des consommateurs que la loi en vigueur, si bien que le problème de la légitimation pour agir des consommateurs ou de leurs organisations se pose avec plus d'acuité.

Le fait que le projet de loi inclut dans l'entrave à la concurrence l'utilisation concordante d'avantages cartellaires ne permet pas de considérer comme exclu, si l'on considère les choses d'un point de vue purement systématique, que l'on accorde un droit d'intenter action au consommateur en tant que demandeur pouvant le cas échéant se trouver touché. Il ne serait cependant pas réaliste de charger les tribunaux civils d'une telle forme de surveillance individuelle des prix. En revanche, il apparaît tout à fait justifié d'accorder dans ces conditions aux organisations de consommateurs la légitimation pour agir. Nous vous soumettons une proposition dans ce sens à l'article 8, 3e alinéa, lettre b P. Les droits en la matière doivent être accordés aux organisations d'importance nationale ou régionale qui se vouent statutairement à la protection des consommateurs1). En se limitant aux organisations nationales ou régionales, on a voulu éviter qu'il puisse se constituer des organisations destinées uniquement à introduire une action. La condition contenue au 2e alinéa, lettre a que les membres soient aussi légitimés pour agir doit tomber au 2e alinéa, lettre b, puisque, selon la conception du projet, le consommateur à titre individuel ne doit pas avoir qualité pour
agir. Doivent être exclues, tout comme pour ce qui est des associations professionnelles et économiques, la prétention à des dommages et intérêts ainsi qu'à une réparation. En effet, la plainte de l'association a pour sens de faire valoir des intérêts supérieurs, alors que les dommages et intérêts et la réparation correspondent à des intérêts individuels.

532.4

L'imposition de la cessation de la mesure et de la suppression de l'état de fait illicite

L'article 9 P règle l'imposition des droits à la cessation de la mesure et à la suppression de l'état de fait illicite; il correspond à l'article 6, 2e et 3e alinéas LCart. Les dispositions sont articulées de manière différente, mais aussi complétées en ce sens que la lettre c permet de mentionner l'obligation de contracter et la lettre d la déclaration de nullité de contrats. La possibilité étant u

Cette réglementation correspond à la proposition de la commission d'experts pour e

la revision de la LCD du printemps 1980 (art. 8, 3 al., let. b, du projet de LCD).

87 Feuille fédérale. 333= année. Vol. ÏI

1297

offerte aux associations d'agir (art. 8, 2e al. P), il peut arriver que le plaignant ne soit pas identique à la personne lésée dans l'exercice de la concurrence.

C'est pourquoi il a fallu tenir compte de cette éventualité dans la rédaction de l'article 9, 1er alinéa (les lettres a et c parlent de la personne entravée dans la concurrence alors que la lettre b parle du demandeur).

En corrélation avec l'article 9, 7er alinéa, lettre e P il faut considérer que la loi est applicable aux abus cartellaires, tant du côté de l'offre que de celui de la demande. La contrainte potentielle de contracter s'étend donc en principe aussi bien à l'obligation de livrer qu'à celle d'acheter. Une obligation d'acheter imposée à un client puissant sur le marché représente une forte intervention dans la politique commerciale et tout spécialement dans la politique d'assortiment des entreprises en cause. Sous ce titre de la loi, il ne saurait être question de procurer juridiquement la clientèle nécessaire à un fournisseur dans le besoin. La disposition parle expressément de «contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche». Par cette formulation, la loi se limite aux états de fait économiquement supportables et raisonnables et n'entend pas contraindre les entreprises à signer des contrats qui n'auraient pas de sens en l'absence d'une puissance d'achat. Il n'en peut pas moins se produire des cas où un client puissant sur le marché cesse d'acheter un produit donné parce que le fournisseur a eu le front de refuser des exigences abusives en matière de prix ou de conditions. Dans de tels cas, une obligation d'achat juridiquement établie, telle que la prévoit le projet de loi, n'est pas exclue.

532.5

Dispositions de procédure

Les articles 10 à 13 P correspondent de par leur contenu aux articles correspondants de la loi en vigueur (art. 7 à 10 LCart). Ici et là, les textes ont été restructurés et soumis à de petites modifications de caratère rédactionnel. Mais il n'y a pas de changements importants à signaler, si bien que nous renonçons à un commentaire à ce sujet.

533 533.1

Les relations cartellaires internes Les relations cartellaires internes en général

Les articles 14 à 19 P règlent les relations cartellaires internes, c'est-à-dire celles des membres du cartel entre eux. Ils correspondent pour l'essentiel au contenu des articles correspondants de la loi en vigueur (art. 11 à 16 LCart). Il n'a fallu y apporter que quelques modifications de caractère rédactionnel qui - à l'exception ci-après - ne méritent pas de commentaire particulier.

533.2

Le cas particulier des mesures à l'endroit des membres du cartel

Les relations cartellaires internes soulèvent le problème des mesures prises à l'endroit des membres du cartel qui ne respectent pas leurs obligations cartellaires. Il s'agit là également de mesures, mais qui ne s'adressent pas aux tiers

1298

dissidents (art, 6, 1er al. P), mais bien aux membres eux-mêmes du cartel (art. 17, l"al.P).

Il est incontesté que des mesures à l'égard de membres récalcitrants du cartel constituent également une forme d'entrave à la concurrence, à cette différence près que cette entrave touche une entreprise qui, en tant que membre du cartel, a en principe approuvé ladite entrave à la concurrence.

Selon le droit en vigueur, les mesures prises à l'endroit des membres du cartel en vue d'en faire respecter les obligations peuvent être justifiées «si elles ne causent pas à celui qui en est l'objet un préjudice excessif par rapport au but visé ou du fait de leur nature ou de la façon dont elles sont appliquées». Cela en revient à dire que, selon la loi en vigueur, les mesures à l'égard des membres peuvent se justifier plus facilement que des mesures analogues à l'égard de tiers (dissidents) puisque pour ces derniers il faut en outre apporter la preuve d'un intérêt légitime prépondérant.

La différence pour ce qui est de la possibilité de justification en ce qui concerne les membres des cartels et les dissidents avait à l'époque été motivée en ce sens que les mesures à l'égard d'un membre du cartel visaient l'infraction à une obligation contractée d'avance et devaient donc être appréciées autrement (de façon plus souple) que les mesures à l'égard d'un indépendant dont le comportement ne viole aucune obligation (FF 1961 II 592). La doctrine a cependant pour une part fait valoir qu'un blocage des livraisons entrave de manière identique dans leur liberté économique tant le membre d'un cartel que l'indépendant et qu'un membre de cartel récalcitrant représente déjà un dissident en puissance. De ce point de vue, des possibilités de justification différentes ne s'imposeraient pas.

Alors que le projet de la Commission d'experts opine pour que l'on impose des conditions de justification aussi strictes à l'égard des membres du cartel qu'aux dissidents, nous vous proposons de maintenir la réglementation de la loi sur les cartels, selon laquelle les mesures à l'égard des membres du cartel seraient plus facilement justifiables à l'avenir également que les entraves à la concurrence imposées à des tiers.

54

Dispositions de droit administratif

Les dispositions de droit administratif de la loi sur les cartels tendent directement à permettre le fonctionnement de la concurrence économique conforme à l'intérêt général (cf. aussi FF 1961II 557). Lors de la mise sur pied de la loi sur les cartels en vigueur, l'accent a été mis sur les règles de droit civil de la loi, alors que les dispositions de droit administratif étaient plutôt considérées comme un instrument subsidiaire de la politique de la concurrence (Op. cit., p, 560 s.). La pratique en matière de loi sur les cartels a montré que, même si on peut le regretter, c'est en réalité plutôt le contraire qui est le- cas. La partie de droit administratif de la loi a pris de plus en plus d'importance, l'activité en matière de politique de la concurrence se déplaçant toujours plus de tribunaux civils vers la Commission des cartels. Cette évolution semble devoir s'accentuer encore à l'avenir, ce qui en revient à dire qu'il sied de vouer aux divers

1299

instruments du droit administratif une attention particulière, que ce soit sur le plan de l'organisation ou quant au fond.

541

Organisation

541.1

Commission des cartels

Lors de la mise sur pied de la loi en vigueur, on a volontairement renoncé à créer un Office des cartels au sens étroit du terme (FF 1961II 561). Nous nous en tenons à cette solution même si certains arguments militent en faveur d'une égalité de traitement sur le plan de l'organisation de la politique concurrentielle et des autres secteurs de la politique économique de l'Etat (cf. ch. 423 cidessus). La condition à cet effet consiste cependant à ce que l'on puisse assurer l'efficacité de la politique de la concurrence, ce qui en revient à la nécessité de souligner l'importance et la fonction du secrétariat en revalorisant ce dernier.

Aux termes de l'article 20, 1er alinéa P le Conseil fédéral nomme une commission des cartels de onze à quinze membres, où sont représentés les sciences économique et juridique, les milieux économiques et les consommateurs. Cela correspond à la réglementation en vigueur de l'article 17, 1er alinéa LCart.

Au cours du processus de consultation, diverses propositions ont été présentées tendant à modifier la composition de la Commission et le cas échéant à l'agrandir.

Pour ce qui est de l'importance, nous pensons qu'un maximum de 15 membres représente la limite supérieure pour une commission qui n'est pas consultative mais doit être qualifiée d'autorité. Un agrandissement rendrait encore plus difficile que tel n'est le cas actuellement la formation d'une opinion au sein de la commission. Le mode de travail pourrait de ce fait devenir trop lourd. Nous estimons au surplus que la composition de la commission telle qu'elle existe dans la loi et telle que la prévoit le projet apparaît juste aujourd'hui comme hier. La théorie et la pratique, d'une part, et les différents groupes d'intérêts de l'économie et des consommateurs, d'autre part, y sont représentés de façon équilibrée. Compie leiiu de l'importance de la Commission, il est compréhensible que certains cercles insistent également pour pouvoir y déléguer un représentant. Il ne serait en tout cas pas indiqué de céder à de telles pressions qui - compte tenu du nombre limité des membres de la commission - entraîneraient une perturbation de l'équilibre existant puisque tout nouveau groupe représenté ne pourrait recevoir un siège qu'aux dépens d'un autre groupe.

Quant à l'objection selon laquelle les représentants de l'économie
au sein de la commission y représentent aussi des cartels ou des organisations analogues, nous y avons déjà répondu (cf. ch. 423 ci-dessus). C'est par la voie des prescriptions en matière de récusation qu'il convient d'éliminer les conflits d'intérêts qui pourraient se produire.

Selon l'article 20, 2e alinéa P, la commission devra être comme jusqu'ici indépendante des autorités administratives. Nous vous proposons aussi, ce qui est nouveau, d'étendre cette indépendance au secrétariat également, les relations avec le Conseil fédéral devant être assurées par le canal du Département fédéral de l'économie publique.

1300

541.2

Secrétariat de la Commission des cartels

II est manifeste qu'une commission exerçant son activité à titre de profession accessoire a besoin d'un appareil efficace à plein temps. Si cette condition n'était pas remplie, le système ne serait plus à même d'accomplir sa tâche. Les membres de la Commission des cartels sont des personnalités professionnellement déjà fort mises à contribution, qui ne peuvent mettre à la disposition de la commission, qu'une part limitée de leur potentiel de travail. C'est à la commission qu'il appartient de décider de l'orientation à donner à chaque affaire. Mais les travaux de la commission doivent être préparés et suivis jusque dans les détails par le secrétairat. Si cette préparation et cette assistance font défaut, la commission n'est pas en état de travailler. C'est dire que l'activité de la commission dépend dans une mesure décisive du secrétariat, qui doit non seulement exécuter les décisions de la commission, mais encore faire preuve d'une large initiative, sous réserve bien entendu de l'approbation de la commission.

Le secrétariat de la Commission des cartels sera - tout comme la commission elle-même - indépendant de l'administration fédérale (art. 20, 2e al. P). Il sied en outre de souligner que le chef du secrétariat, qui est responsable de l'avancement des travaux à l'égard de la commission, doit souvent représenter celle-ci face à l'économie privée et à l'administration et dispose de ce fait d'une position-clef. Il doit pouvoir présider des groupes de travail, avec l'autorisation de la commission. L'importance du secrétariat, qui n'apparaît nulle part dans la loi en vigueur, doit être soulignée par une description de ses tâches principales (art, 24, 2e al. P). De plus, il est souligné que le secrétariat peut traiter de façon directe et autonome avec les parties en cause (art. 36,1er al. F).

Enfin, il était jusqu'ici déjà inévitable qu'il se produise une certaine répartition du travail entre la commission et le secrétariat, mais cela sera désormais aussi exprimé dans la loi (art. 28 et art. 45, l"r al. P). L'article 21, 5e alinéa P, donne mandat au Conseil fédéral d'examiner la position du secrétariat dans le cadre de la révision.

541.3

Dispositions générales de procédure

Ce chapitre mentionne les prescriptions de procédure qui ne se rapportent pas à des activités spéciales de la commission, comme par exemple les dispositions sur la procédure des enquêtes.

L'article 21 P règle la capacité de la commission de prendre des décisions et correspond à l'article 3 du règlement de celle-ci du 1er juillet 1964. Nous pensons que cette question doit être réglée dans la loi elle-même.

Les règles en matière de récusation, telles qu'elles sont prévues à l'article 22 P revêtent une importance considérable. Pour les membres de la commission, il existe actuellement des règles en matière de récusation à l'article 15 du règlement susmentionné. Un autre problème de récusation se pose en outre en ce sens que, en matière de procédure pour ce qui est des enquêtes spéciales, on se référait entre autres jusqu'ici à l'article 25 de la loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 21, 2° al. LCart).

1301

Les règles en matière de récusation ont une telle importance, compte tenu de la composition de la Commission des cartels, qu'une réglementation complète s'impose qui, de plus, devrait figurer dans la loi. En effet, la Commission des cartels se compose des représentants des sciences économique et juridique, des milieux économiques et des consommateurs. Il n'y a pas de raison de modifier cette composition étant entendu que le besoin pressant se fait sentir de maintenir cette commission proche de la pratique. On ne saurait en revanche contester qu'il puisse se produire des conflits d'intérêts dans des cas particuliers, et que la réglementation en vigueur jusqu'ici n'a pas en tous points donné satisfaction. L'article 15 du règlement en vigueur dit ceci: Le membre de la commission qui, dans le cas d'une enquête spéciale au sens de l'article 20 de la loi, a fait une expertise ou exercé une fonction de conseiller pour un cartel ou une autre organisation analogue intéressée, ou pour une entreprise s'y rattachant, doit se récuser. La même règle s'applique à la constitution de sous-commissions chargées de recherches au sens de l'article 18.

Dans le doute, la commission statue, sans la participation du membre en cause.

Cette formulation laisse d'abord en suspens la question de savoir s'il faut admettre une récusation complète pour les enquêtes spéciales, alors que la récusation ne porterait que sur l'activité dans les sous-commissions pour ce qui est des enquêtes générales. De plus, on peut se demander si la récusation est .

même nécessaire lorsqu'il a été fourni un avis de droit ou des conseils. On peut faire valoir que cette formulation vise par trop les professeurs et qu'elle ne tient compte qu'insuffisamment des relations possibles entre des membres de la commission et des cartels ou des organisations analogues.

Compte tenu des défauts de la réglementation en vigueur, nous avons cherché une solution plus adéquate, qui règle de manière complète les motifs de récusation. C'est l'article 22 P. Le premier alinéa établit clairement que la récusation s'impose pour toutes les tâches importantes de la commission (avis et enquêtes). Il va de soi que la récusation s'étend à toutes les phases d'une telle procédure, raison pour laquelle cela n'est pas mentionné. L'alinéa 1 règle en outre les motifs de récusation sans qu'on puisse avoir l'impression que certaines catégories de membres puissent être particulièrement visés par ces règles. Une clarification s'est à vrai dire révélée nécessaire pour ceux des membres qui représentent une association faîtière composée elle-même d'associations. Actuellement (1981) deux membres de la commission répondent à cette définition, à savoir le représentant de l'Union suisse des arts et métiers et celui du Vorort de l'Union suisse du commerce et de l'industrie. On ne saurait nier que presque tous les cartels et organisations analogues du pays sont organisés au sein de ces associations. On pourrait donc presque toujours reprocher à ces deux membres de la commission qu'ils «représentent un des intéressés» ou qu'ils ont d'une autre manière « une opinion préconçue». Il convient cependant de considérer qu'ils ne représentent pas directement les cartels et les organisations analogues, mais qu'ils font partie d'une association de faîte qui, alors qu'elle doit défendre les intérêts de ses membres, n'en assume pas pour autant directement ceux des cartels. C'est pourquoi le

1302

2e alinéa de l'article 22 précise qu'il n'y a en règle générale pas motif à récusation lorsqu'un membre de la commission représente une association faîtière. Cette formulation n'exclut pas que dans un cas particulier l'on reconnaisse néanmoins la justification d'une récusation. Si la récusation est contestée, c'est la commission qui statue (3e al.).

L'article 23 P règle le secret de fonction et le secret d'affaires. Il correspond à l'article 17, 3e alinéa LCart. Selon la pratique, le secret de fonction s'applique à tous les travaux de la commission qui ne sont pas encore terminés. Il va de soi que l'obligation de garder le secret tombe dès que le rapport sur l'enquête est publié. En revanche, cette obligation demeure même après-coup pour ce qui est des secrets d'affaires. Il existe à ce sujet des directives non publiées de la commission.

542

Tâches générales de la Commission des cartels et de son secrétariat

Dans sa partie sur les tâches générales de la commission, le projet règle les activités dont fait déjà état la loi en vigueur. Le contrôle des concentrations d'entreprises est placé dans une section séparée, en tant que tâche particulière de la commission.

542.1

Recommandations au Conseil fédéral

L'article 25 P correspond à la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 19 LCart et précise que la Commission des cartels doit observer de façon suivie la politique en matière de concurrence et peut soumettre au Conseil fédéral des recommandations à, ce sujet. II va de soi que de telles recommandations peuvent aussi s'adresser à des services subordonnés au Conseil fédéral. La Commission des cartels peut en particulier aussi étudier sous cet aspect les ordres de marché établis par l'Etat pour lesquels l'application de la LCart est par ailleurs réservée (art. 47, 2e al. P).

Il sied de différencier sur le plan des notions les recommandations en vertu de l'article 25 P des recommandations émises dans les limites des enquêtes (art. 31 P). Les recommandations au sens de l'article 25 P n'entraînent aucune suite de droit, alors que celles qui sont fondées sur l'article 31 P peuvent, selon les circonstances, être transformées en décisions administratives.

542.2

Avis au Conseil fédéral

L'article 26 P reprend le contenu de la première phrase de l'article 19, 1er alinéa LCart. Simultanément, il règle, à la lumière de la pratique, certains problèmes de procédure. La Commission des cartels devra être consultée à l'avenir également sur les projets de loi, d'arrêtés fédéraux et d'ordonnances qui exercent des effets sur la concurrence. La pratique a montré que les processus législatifs sont souvent urgents, si bien que l'avis de la Commission des cartels est attendu dans des délais très brefs. Or cette urgence n'est pas

1303

souhaitable aux yeux de la Commission des cartels du fait qu'elle doit souvent à de telles occasions se familiariser avec des sujets qui lui sont étrangers. Elle a donc besoin de délais raisonnables. D'un autre côté, la commission ne peut pas toujours ignorer les nécessités de l'administration en matière de calendrier, si bien que force est de prévoir une procédure d'urgence (art. 26, 2e al. P). Cela correspond d'ailleurs à la pratique actuelle.

La Commission des cartels a jusqu'ici renoncé à faire de ses préavis l'objet de communiqués de presse. Ici et là, elle en a fait état après coup dans ses publications. Il a de la sorte été possible de rectifier en cas de besoin l'impression selon laquelle l'avis de la Commission des cartels avait été exprimé de façon trop fragmentaire ou même pas du tout dans les documents officiels. C'est pour apporter une certaine correction dans ce sens que le 3e alinéa de l'article 26 P précise que les propositions de l'administration au Conseil fédéral, de même que les messages du Conseil fédéral au parlement, reproduiront les conclusions de la Commission des cartels avec l'essentiel des motifs. La nouvelle disposition s'inspire donc des expériences pratiques faites jusqu'ici et entend éliminer certains facteurs d'incertitude.

542.3

Avis

La question des avis est réglée à l'article 19, 2e alinéa LCart. Il est prévu des avis sur des questions de principe relatives aux cartels qui peuvent être établis à l'intention des tribunaux ou de particuliers, dans ce dernier cas cependant seulement s'ils justifient d'un intérêt légitime. Cette dernière disposition a donné lieu dans la pratique à certaines difficultés que la nouvelle formulation de l'article 27 P devrait permettre d'éliminer.

La Commission des cartels devra limiter à l'avenir ses avis aux tribunaux et aux autorités administratives et ne plus travailler directement pour des particuliers. Dans la mesure où des particuliers se sont adressés jusqu'ici à la Commission des cartels, il s'agissait soit d'apprécier des régimes cartellaires à la demande de cartels, soit d'apprécier des différends d'ordre privé qui n'étaient pas (encore) déférés à un tribunal. Ces deux tâches ne sont guère d'intérêt général. Dans le premier cas, il s'agit en somme d'accorder un satisfecit à un régime de cartel, ce qu'il n'est pas possible de faire sur une base abstraite, alors que dans le second l'intéressé cherche à éviter une procédure judiciaire coûteuse en ayant recours à un avis de la Commission des cartels. Il apparaît donc justifié de renoncer à l'avenir à établir des avis pour des particuliers. Cela n'empêchera pas de soumettre à la commission, par le canal du tribunal compétent, les demandes de particuliers.

Selon la loi en vigueur, les «questions relatives aux cartels» peuvent faire l'objet d'un avis. Dans la pratique, on s'est demandé si l'on entendait par là des litiges portant sur les cartels au sens étroit du terme. La Commission des cartels n'en a pas moins, en application de cette disposition, établi des avis sur des ordres de marché de droit public, interprétant de la sorte l'expression «question relatives aux cartels» dans un sens large. C'est ce dont tient compte l'article 27, Ier alinéa P qui ne parle plus de «questions relatives aux cartels» mais de «questions en matière de concurrence».

1304

Pour pouvoir établir un avis, la Commission des cartels a besoin d'un exposé clair des faits. Il est arrivé à diverses reprises dans la pratique que les faits présentés à la commission étaient incomplets. Cela a obligé dans chaque cas la Commission des cartels à procéder d'abord et en plus à une enquête au sens de l'article 18 LCart pour, ensuite, pouvoir donner son avis. L'article 27, 2e alinéa P prévoit par conséquent que la commission donne son avis sur la base d'un exposé des faits que le mandant doit lui fournir. La commission pourra donc, même s'il s'agit d'une question de principe en matière de concurrence, retourner au mandant sa demande d'avis en vue de compléter l'exposé des faits.

Jusqu'ici, la Commission des cartels n'avait aucune possibilité de percevoir un émolument pour ses avis. L'article 27, 3e alinéa P prévoit maintenant qu'elle peut percevoir un émolument si le mandant (et en particulier un tribunal) est en mesure de reporter les frais sur les parties intéressées. Le montant de cet émolument ne doit pas dépasser les frais.

Pour ce qui est de la possibilité qu'ont les particuliers de recourir à certains «services» de la Commission des cartels, on se référera expressément aux considérations ci-après («enquêtes préalables»).

542.4

Enquêtes en matière de droit cartellaire au sens étroit da terme

La loi en vigueur sur les cartels et la pratique qui en découle ont donné naissance à trois formes d'enquêtes, qui représentent l'appareil de droit administratif proprement dit de la Commission des cartels.

La forme la plus simple d'enquête en matière de droit administratif est ce qu'on appelle la procédure d'enquête préalable. Elle n'est pas réglementée par la loi en vigueur et sert à une première appréciation en fait et en droit des cas de limitation de la concurrence. C'est au vu de ses résultats qu'on pourra décider s'il y a lieu pour la Commission des cartels de procéder à une enquête générale ou à une enquête spéciale. · L'enquête générale est prévue à l'article 18 LCart. Elle tend, aux termes de la loi, à élucider la situation, l'évolution et les effets des cartels et des organisations analogues.

L'enquête spéciale (art, 20 LCart) a pour but d'établir si un cartel ou une organisation analogue a des effets nuisibles d'ordre économique ou social. Si elle constate des effets nuisibles, la commission doit établir des recommandations à l'intention des parties en cause.

542.41

Elimination de l'enquête générale

Voici les raisons qui nous ont engagé à supprimer, dans le projet de loi, l'enquête générale jusqu'ici prévue à l'article 18, 1er alinéa LCart.

La Commission des cartels a mis au point dans sa pratique un instrument, la procédure d'enquête préalable, qui suffit pour constater s'il y a un état de fait de cartel et quels sont ses effets, ce qui lui permet de décider si elle entend faire de ce cas l'objet d'une étude approfondie ou si elle préfère laisser le juge civil se prononcer. L'enquête préalable se distingue par sa procédure simple et exempte de longues formalités, ce qui suffit pour une première appréciation.

1305

Dans sa pratique, la Commission des cartels a de plus développé l'eoquête générale au sens de l'article 18 de la LCart. Elle ne s'est pas bornée à constater «l'état, l'évolution et les effets» des cartels et des organisations analogues, mais elle a aussi, dans un passé plus récent procédé à une appréciation et adressé des suggestions aux intéressés lorsqu'elle avait lieu de critiquer certains effets. Cette façon de faire a eu pour conséquence de faire entièrement disparaître les différences de fond entre l'enquête générale selon l'article 18 LCart et l'enquête spéciale selon l'article 20 LCart, ce qui ne saurait nullement donner satisfaction. Sans doute existe-t-il une différence de forme entre les suggestions d'une enquête générale et les recommandations de l'enquête spéciale en ce sens que l'inobservation d'une recommandation peut, aux termes de la loi en vigueur, aboutir à un recours au Tribunal fédéral, alors que le fait de ne pas donner suite à une suggestion n'entraîne aucune suite de droit. Mais comme les suggestions ne se distinguent plus du tout quant à leur contenu sur le fond des recommandations, on se demande à juste titre si cette différenciation a encore un sens. Les suggestions éveillenf en outre dans l'opinion publique, chez les consommateurs et auprès des parties en cause (pour peu du moins qu'elles soient en leur faveur) l'espoir qu'un changement interviendra pour ce qui est des faits constatés. Or cela n'est souvent que partiellement le cas. La Commission des cartels se trouve pour sa part dans la situation désagréable de devoir prier par des exhortations morales les intéressés de donner suite à ses suggestions, du fait qu'elle n'a aucun autre moyen de traduire dans les faits ses objections.

Mais les enquêtes générales et les suggestions qui en découlent sont également devenues plus qu'aléatoires quant au fond. Le problème se pose en effet de savoir si le fait de ne pas donner suite à une suggestion constitue déjà un indice d'effets nuisibles d'ordre économique ou social. Si l'on répond affirmativement à cette question, la conclusion s'impose que la commission aurait d'emblée dû procéder à une enquête spéciale, puisque seule cette forme d'enquête lui donne le mandat d'élucider les effets nuisibles d'ordre économique ou social et, le cas échéant, d'y mettre un terme. Si l'on y
répond par la négative, force est de se demander si les suggestions censurent des effets que l'on doit certes apprécier négativement, mais qui ne peuvent pas être considérés comme nuisibles sur le plan économique ou social. Il y aurait dès lors deux degrés d'effets nuisibles, ce qui ne serait guère plausible.

Les enquêtes générales et les enquêtes spéciales se sont à tel point rapprochées dans la pratique qu'il apparaît justifié de réunir ces deux types en une seule «enquête», qui corresponde à l'enquête spéciale telle qu'on la connaissait jusqu'ici. Cela semble d'autant plus indiqué que les tâches assignées à l'enquête générale par l'article 18 LCart peuvent sans plus être englobées dans l'enquête préalable, qui devra être spécialement réglée par le projet de loi.

542.42

Procédure d'enquête préalable

L'article 28 P circonscrit, ce qui est nouveau, la procédure d'enquête préalable telle qu'elle a été mise au point par la pratique découlant de la loi en vigueur et telle qu'elle a souvent fait ses preuves.

1306

Peu après l'entrée en vigueur de la loi sur les cartels déjà, on s'est rendu compte que l'économie et les consommateurs ressentaient le besoin de pouvoir soumettre sans grands frais à une autorité des questions touchant à la politique en matière de concurrence. Il s'est agi le plus souvent d'entreprises ne faisant pas partie d'un cartel («outsiders») qui rechercheraient un conseil ou un appui sans d'emblée vouloir s'engager dans un procès civil. D'un autre côté, faute d'une obligation d'annoncer pour les cartels et les organisations analogues, la commission avait besoin de telles informations pour avoir une idée générale du fonctionnement de la concurrence. Par la suite, une procédure a été mise au point qui est d'une manière générale reconnue comme utile. Il est apparu clairement d'emblée que la commission ne pourrait pas faire de toutes ces informations l'objet d'enquêtes étendues. D'un autre côté, il n'était pas exclu non plus que les cas signalés fassent apparaître des faits d'un grand intérêt.

C'est pourquoi la Commission des cartels a régulièrement, lors de telles demandes ou de telles questions, demandé l'avis de la partie adverse (le plus souvent un cartel ou une organisation analogue), et procédé en cas de besoin à une étude plus poussée. Le sens de ces enquêtes était de constater s'il s'agit d'affaires de caractère particulier ou si leur portée est plus vaste, et pourrait le cas échéant être d'intérêt général. Lorsqu'il s'agit d'une affaire particulière, la commission invite l'intéressé à s'adresser au juge civil. Si en revanche des questions de portée plus large sont en jeu et s'il apparaît que l'intérêt général est touché, la commission entreprend une enquête qui lui donne l'occasion d'élucider et d'apprécier à fond les faits et leurs conséquences. Dans certains cas, les examens préalables ont aussi abouti à des accords à l'amiable entre les intéressés, à l'initiative de la Commission des cartels.

L'article 28 P s'en tient entièrement à la pratique adoptée jusqu'ici par la Commission des cartels. Les enquêtes préalables ont d'ailleurs toujours été un secteur que le secrétariat traitait dans une large mesure de son propre chef. Il y a là l'esquisse d'une subdivision du travail entre commission et secrétariat, ainsi que le mentionne expressément le 1er alinéa. C'est le secrétariat qui
doit procéder aux examens préalables, et non la Commission des cartels. Afin de pouvoir appréhender les corrélations en matière de politique de la concurrence, il est cependant prévu simultanément une surveillance par le président de la commission, de même qu'au 5e alinéa, une information écrite de la commission.

542.43

Enquêtes

Les dispositions au sujet de l'enquête (enquête spéciale au sens de l'art. 20 LCart) sont un élément déterminant de la partie de la loi consacrée au droit administratif. Ces enquêtes doivent élucider si un cartel ou une organisation analogue déploie des effets nuisibles d'ordre économique ou social. Comme nous l'avons déjà vu, la loi en vigueur a repris directement à son article 20 la formulation de l'article constitutionnel, sans procéder à aucune concrétisation praticable (cf. ch. 33 ci-dessus). Pour rendre plus claire la notion d'effets nuisibles, la Commission des cartels a mis au point ce qu'on appelle la méthode du bilan. On y recherche les effets positifs et négatifs des limitations 1307

de la concurrence, puis l'on procède à leur pondération. En établissant un bilan de ces effets, on peut déterminer la nocivité des limitations de la concurrence selon que les effets positifs ou négatifs prédominent. On a reproché à la Commission des cartels d'accorder trop peu de poids dans sa méthode du bilan aux effets négatifs sur la concurrence et d'en être ainsi arrivée pour une part à des résultats qui devraient être qualifiés de plutôt favorables aux cartels. L'une des préoccupations essentielles de la révision consiste à accorder à une concurrence efficace le poids nécessaire dans l'appréciation en droit administratif des limitations de la concurrence.

542.431 La notion d'effets nuisibles en droit administratif L'article 29, 2e alinéa P définit les effets nuisibles d'ordre économique ou social d'un cartel ou d'une organisation analogue. Il ancre dans la loi la méthode du bilan, tout en insistant pour qu'il soit accordé plus de poids, dans les limites de cette méthode, aux effets positifs ou négatifs d'une limitation de la concurrence sur la liberté, l'intensité ou la non-altération de la concurrence.

Au sein d'un régime d'économie de marché, les effets sur la concurrence d'une limitation de celle-ci doivent en règle générale être considérés comme négatifs, dans la mesure où ils empêchent ou entravent notablement une concurrence efficace. Simultanément, de tels effets négatifs méritent d'être fortement pris en considération. Mais d'un autre côté, une limitation de la concurrence peut aussi avoir des effets positifs sur celle-ci. Tel est par exemple le cas lorsque de petites entreprises se groupent pour demeurer compétitives face à une ou plusieurs grandes entreprises. La limitation de la concurrence peut assurer aux petites entreprises une compétitivité qui échappait à chacune d'entre elles prise isolément. De plus, et comme nous l'avons déjà relevé (cf. ch. 411.4 ci-dessus), il existe aussi des formes de concurrence non souhaitables. Pour peu qu'une limitation de la concurrence ait pour conséquence d'éliminer des formes non souhaitables de la concurrence (ce qu'on ne saurait à vrai dire admettre à la légère), cette conséquence doit elle aussi être appréciée de façon positive et être pondérée en conséquence.

La méthode du bilan ne se limite toutefois pas à considérer les effets sur la
concurrence, mais envisage également les conséquences sur la structuré de la branche, sur les coûts de fabrication et de distribution, sur les prix et le cas échéant sur d'autres facteurs déterminants. La formulation de l'article 29, 2e alinéa P expose la méthode du bilan et la pondération accrue des effets sur la concurrence à laquelle on tend. On pose tout d'abord le principe que l'empêchement ou l'entrave notable de la concurrence efficace sur un marché pour certains biens ou prestations est nuisible. Elle signale ensuite que les effets nuisibles sur la concurrence ou d'autres conséquences dommageables (sur la structure de la branche, etc.) ne sont admissibles légalement que si «ils peuvent se justifier pour des motifs prépondérants d'intérêt général», ce qui en revient à dire que, dans l'appréciation des intérêts en cause, les effets positifs doivent alors être prépondérants. De par sa tendance, cette formulation nouvelle correspond aux modifications apportées à la partie de droit civil en ce qui concerne la justification d'une entrave notable à la concurrence (cf ch. 532.2 ci-dessus).

1308

La disposition en question n'est pas dirigée contre les cartels et les organisations analogues en tant que tels puisque les limitations de la concurrence ne sont pas interdites par la conception de la loi et peuvent même exercer des effets positifs. Il n'en va pas de même en revanche lorsqu'il existe des cartels englobant le marché, lorsque des outsiders sont entravés ou lorsqu'un oligopole empêche pratiquement les tiers d'accéder au marché. Dans de tels cas, l'effet nuisible des cartels ou des organisations analogues réside dans l'empêchement ou l'entrave notable d'une concurrence efficace. Seule une concurrence efficace, c'est-à-dire suffisante, permet d'obtenir les résultats favorables d'ordre économique ou social que l'on reconnaît d'une manière générale à un système d'économie de marché. Si une mise en veilleuse des possibilités de concurrence et leur remplacement par un régime de marché de droit privé devait être mieux conforme à l'intérêt généra), le projet de loi permet d'en tenir compte, comme jusqu'ici.

La référence à la notion d'intérêt général n'en revient pas à un bouleversement de la partie de la loi relative au droit administratif. L'article 22 LCart, qui décrit les conditions de l'action administrative et concrétise à cette fin la notion d'effets nuisibles de l'article 20 LCart, mentionne expressément l'intérêt général.

En se référant à l'intérêt général à l'article 29, 2e alinéa P, on établit une corrélation avec la possibilité de justification en droit civil de l'article 7, 1er alinéa P. Une différence subsiste en ce sens qu'il faut prouver, en droit civil, que l'entrave à la concurrence ne lèse pas l'intérêt général, alors que, en droit administratif, l'empêchement ou l'entrave de la concurrence efficace ne peuvent être justifiés que s'il y a des motifs prépondérants d'intérêt général. C'est dire que le seuil en matière de justification se trouve un peu plus élevé dans la partie de droit administratif de la loi. Cela provient de ce que les enquêtes au sens de l'article 29 P n'entrent en ligne de compte que lorsqu'un litige concerne une branche économique dans son ensemble et touche des intérêts publics (art.

28, 3e al. P). Il s'agit donc de cas d'une portée particulière, qui méritent une justification spécifique.

L'article 29, 3e alinéa P dispose qu'il faut tenir compte en
particulier des intérêts des consommateurs dans l'appréciation d'une limitation de la concurrence. Cette prescription est reprise de l'article 22, 1er alinéa LCart. Comme les préoccupations des consommateurs se trouvent pour l'essentiel protégées par la partie de droit administratif de la loi, le maintien de cette mention se justifie, même si force est ,de souligner que l'intérêt général ne saurait se limiter à l'intérêt des consommateurs (cf. ch. 532.22 ci-dessus). A côté de cela, rappelons que la partie de droit civil de la loi tient compte également des intérêts des consommateurs par le moyen de la légitimation pour agir des organisations de consommateurs (cf. ch. 532.3 ci-dessus).

542.432 Recommandations de la Commission des cartels Si la commission des cartels constate des effets nuisibles d'ordre économique ou social d'un cartel ou d'une organisation analogue, elle adresse des recom-

1309

mandations aux parties en cause. Ces recommandations peuvent avoir pour objectif de modifier ou de supprimer certaines dispositions cartellaires ou des conventions tombant sous le coup de la loi, voire d'avoir à s'abstenir de certains modes de comportement. De même, une recommandation peut tendre à annuler, dans les limites de la procédure, une fusion d'entreprises en vertu des articles 34 et 35 P. Par rapport à la loi en vigueur fart. 20, 2e al. LCart), cette disposition a été rendue plus concrète en tenant compte d'états de fait récemment introduits dans la pratique (soumission des contrats d'exclusivité et de représentation à l'art. 5 P et surveillance des fusions d'entreprises en vertu des art. 34 et 35 P).

Le projet de la commission d'experts allait sensiblement plus loin que nos présentes propositions en ce qui concerne les mesures contre les organisations analogues à des cartels. Il prévoyait la possibilité de recommander le cas échéant la dissolution des organisations analogues à des cartels. II se référait à cet égard à des cas où l'organisation analogue à un cartel n'était pas issue d'une fusion d'entreprises, mais de ce qu'on appelle la croissance interne d'une entreprise ou tout autre motif de disparition de la concurrence. Cette proposition de la commission d'experts était parfaitement logique. Elle méconnaissait toutefois les énormes difficultés juridiques et économiques qui s'opposent concrètement à la dissolution d'une organisation analogue à un cartel. Déjà la recommandation d'avoir à annuler une fusion ne manque pas de présenter des difficultés, même si dans ce cas il est sans plus possible de se représenter clairement l'état de choses auquel on vise. En revanche, si l'on ne se réfère pas à un cas concret de fusion, cette question de l'aménagement auquel il faut tendre demeure,entièrement en suspens et ne peut guère être résolue. Dans de tels cas, il conviendra d'être réaliste et de se limiter à recommander un comportement donné, sans procéder à des interventions dans la structure de l'entreprise, dont les conséquences sont incalculables.

542.433 Procédures d'enquête La Commission des cartels ne pouvait jusqu'ici procéder à des enquêtes spéciales au sens de l'article 20 LCart que sur mandat du Département fédéral de l'économie publique. Aux termes de l'article 29, 1er alinéa P, elle pourra désormais aussi faire des enquêtes de son propre chef. Cela correspond à la faculté qu'avait précédemment la Commission des cartels de décider elle-même de procéder à des enquêtes générales. Le département n'en pourra pas moins à l'avenir également la charger de faire des enquêtes.

L'article 30 P établit entre autres que la procédure de l'enquête doit reposer d'abord sur le principe de la collaboration volontaire des intéressés. S'il n'est pas possible d'élucider les faits de cette manière, il peut être décidé une procédure formelle, qui permet d'entendre des témoins. La disposition correspondante de la loi en vigueur prévoit l'audition des parties et de témoins. Dans la pratique, il s'est révélé difficile de distinguer dans la procédure d'enquête entre parties et témoins. A l'avenir, tous les intéressés doivent pouvoir être entendus comme témoins.

1310

Selon l'article 30, 3e alinéa P, la commission ordonne la production des preuves sous la forme d'une décision incidente. Cette disposition remplace l'article 21, 3e alinéa LCart, qui n'a jamais été appliqué dans la pratique ni été sondé par la doctrine.

L'article 30, 4e alinéa P dispose que la Commission des cartels, avant de clore la procédure, soumettra aux intéressés la partie du rapport se rapportant aux faits. Il s'agit de s'assurer ainsi de la réalité des faits. Les intéressés seront tenus au secret parce que la procédure n'est pas encore close à ce moment-là et qu'il n'y a pas encore de résultats définitifs.

Dans une seconde phase, le rapport sera une deuxième fois soumis aux intéressés, mais alors y compris ses conclusions et d'éventuelles recommandations (art. 31, 2e al. P). Ils devront déclarer dans un délai donné s'ils admettent les recommandations. Il n'est donc pas exclu qu'il se produise à ce stade des entretiens entre les intéressés et la Commission des cartels sur la manière de mettre en pratique d'éventuelles recommandations. Cela correspond à la pratique en usage jusqu'ici.

Une fois la procédure terminée, la Commission des cartels remet au Département fédéral de l'économie publique un rapport et des propositions. Ces dernières dépendent dans une large mesure de la manière dont les intéressés ont réagi aux recommandations. S'ils les ont rejetées, la proposition tendra en règle générale à ce que le département prenne une décision administrative (art.

38 P). Le département peut le cas échéant ordonner à la commission de procéder à une enquête complémentaire; il décide de la publication des résultats de l'enquête (art. 32, 2e et 3e al. P).

L'article 31,3e alinéa P prévoit, ce qui est nouveau, que la Commission des cartels peut révoquer ou modifier des recommandations de son propre chef ou sur demande des intéressés lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées. Ce qui est décisif dans un tel cas, c'est que les intéressés ne puissent pas modifier leur comportement en ce qui concerne la recommandation originelle de leur propre chef, mais seulement avec l'approbation de la commission.

542.5

Publicité

La loi en vigueur prescrit à la Commission des cartels une certaine publicité, ce qui est également le cas du présent projet. La publicité sert à informer l'opinion publique de l'activité de la Commission des cartels et de l'Etat, ainsi que des effets des cartels et des organisations analogues en Suisse. Dans cette seconde fonction, elle remplace dans une large mesure un registre des cartels accessible au public.

Il est impérativement prescrit à la Commission des cartels de publier son rapport d'activité à l'intention du Conseil fédéral (art. 20, 4e al. P).

Quant à la publication des résultats des enquêtes, c'est le Département fédéral de l'économie publique qui décide (art. 32, 3e al. P). Dans la pratique, c'est la publication qui est de règle, à moins que des raisons spécifiques ne s'y opposent. La Commission des cartels est au surplus libre de publier les

1311

résultats d'autres activités (p. ex. expertises, avis). La publication des jugements rendus en vertu de la loi est également prescrite impérativement (art. 33 P).

Les publications en question paraissent dans les «Publications de la Commission suisse des cartels» et c'est le secrétariat qui est responsable de leur rédaction.

543

La surveillance des fusions d'entreprises

543.1

Observations générales

Nous laisserons ici de côté la question de savoir si une enquête spéciale au sens de l'article 20 LCart aurait permis de procéder à un contrôle d'une fusion d'entreprises. La Commission des cartels n'a jamais tenté d'apprécier un processus de fusion dans les limites d'une enquête spéciale. Elle est davantage toujours partie de l'idée qu'il existait des organisations puissantes sur Je marché, et c'est leur comportement qu'elle a soumis à une appréciation.

Les réflexions que nous avons exprimées au sujet de l'augmentation de la concentration économique (cf. ch. 32 et 411.4) démontrent qu'il convient de reconsidérer cette attitude et qu'il est nécessaire de prévoir des dispositions qui permettent d'exercer un contrôle sur les fusions d'entreprises.

Pour ce qui est de cette surveillance des fusions d'entreprises, il ne saurait s'agir d'empêcher d'une manière générale les fusions sous prétexte que celles-ci seraient dans la règle considérées comme indésirables1). La concentration a bien plutôt des effets tant positifs que négatifs. Du point de vue des objectifs de la politique des classes moyennes, elle devra selon les circonstances être appréciée négativement. Mais elle peut aussi le cas échéant être propre à renforcer la concurrence puisque l'intensité de cette dernière peut être plus forte dans un oligopole que sur un marché où l'offre est dispersée. Enfin, la concentration peut se révéler favorable en ce qui concerne l'abaissement des frais, la rationalisation des processus et les innovations en matière de production. Il n'est donc pas possible de porter un jugement global et uniforme, positif ou négatif, sur le phénomène de la concentration. En revanche, il sied d'éviter que ce processus ne donne naissance à des organisations puissantes qui empêchent la concurrence ou l'entravent de façon notable sans que cet état de choses puisse être justifié par des intérêts prépondérants d'ordre général.

Les deux dispositions du projet relatives aux fusions d'entreprises tiennent compte de ces considérations (art. 34 et 35 P).

En appréciant une fusion d'entreprises, il faudra avant tout veiller à ce que son résultat soit économiquement judicieux. On devra se souvenir que le processus de concentration peut selon les circonstances être apprécié positivement du point de vue de la concurrence, ce qui dépend de
la structure du marché.

L'appréciation ne peut pas non plus prendre en considération uniquement le marché suisse. Ce qui doit être déterminant, par exemple pour ce qui est de la !) Voir également à ce sujet: Office fédéral des questions conjoncturelles, Rapport sur l'état de la concentration économique en Suisse, mai 1979.

1312

compétitivité sur le plan international, c'est le marché sur lequel les entreprises fusionnées exercent leur activité. Le sens de la surveillance ne saurait non plus consister à empêcher une entreprise qui n'est plus viable de fusionner avec un partenaire plus fort. Si une fusion de ce genre n'avait pas lieu, il se produirait en effet une concentration équivalente par la fermeture de l'entreprise la plus faible, ce qui entraînerait la perte d'un plus grand nombre d'emplois.

La position d'une organisation analogue à un cartel peut se rapporter à un marché en considération limité dans l'espace. Dans ce sens, il appartient à la Commission des cartels d'étudier également les fusions sur les marchés limités dans l'espace, lorsqu'une organisation analogue à un cartel y participe ou prend naissance en raison de la fusion. Nous pensons en particulier à ce sujet aux fusions des entreprises de presse qui ont une portée considérable qui dépasse leurs conséquences purement économiques.

543.2

Obligation d'annoncer les fusions d'entreprises

Afin que les autorités soient informées des fusions d'entreprises importantes, l'article 34 P statue sous certaines conditions une obligation d'annoncer de tels processus.

A l'origine, l'intention était de formuler comme suit cette disposition (1er al.), en s'inspirant de très près du texte proposé par la Commission d'experts : Lorsque des entreprises se regroupent et lorsqu'il est manifeste pour les participants qu'ils acquièrent de erla sorte une position dominante sur le marché ou la renforcent (art. 4, 1 al.), ils sont tenus d'annoncer sans délai par écrit cette concentration à la Commission des cartels.

Une telle disposition aurait laissé le soin aux intéressés eux-mêmes de définir leur position sur le marché, l'obligation d'annoncer découlant de cette définition. A considérer les choses de plus près, on s'est rendu compte qu'une telle prescription serait inapplicable. Elle donnerait lieu pour les intéressés euxmêmes à une incertitude en droit. En effet, pour constater si une fusion donne ou renforce une position dominante sur le marché, il faut d'abord déterminer le marché à prendre en considération puis, dans un second temps, définir la position sur ce marché (cf. ch. 522.21 ci-dessus). Il ne saurait appartenir aux entreprises concernées de procéder à une telle élucidation. C'est bien plutôt l'autorité compétente qui doit constater si les conditions sont remplies dans chaque cas concret. Il s'agit donc de fournir aux entreprises des critères clairs pour apprécier si elles sont soumises ou non à l'obligation d'annoncer. La version proposée de l'article 34, 1er alinéa P se fonde sur de tels critères d'appréciation.

Ces critères sont le nombre de personnes occupées, le chiffre d'affaires annuel ou une certaine part du marché. Il sied de relever pour commencer que l'appréciation de ces critères n'est liée à aucune espèce de présomption (p. ex.

supposition de nocivité). Us ne font que décrire de manière claire sous quelles conditions les fusions doivent être annoncées. C'est en revanche à la Commission des cartels qu'il incombe d'apprécier la fusion. La notion de fusion est définie de manière complète à l'article 34, 2e alinéa P.

88 Feuille fédérale. 133" année. Vol. Il

1 ^ '^

L'annonce de la fusion ne doit se faire, selon le projet, qu'a posteriori. Cela n'empêche pas que ladite annonce puisse aussi se faire volontairement au préalable, pour éviter le risque d'annulation. Le fait que la Commission des cartels soit soumise au secret de fonction et d'affaires (art. 23 P) garantit que la fusion envisagée ne sera pas divulguée prématurément dans un tel cas.

543.3

L'appréciation de la fusion

Dès qu'elle reçoit l'annonce d'une fusion, la Commission des cartels doit, dans une première phase, examiner si elle tombe sous le coup de la loi. Dans ce sens, la commission doit élucider si la fusion en question crée ou renforce une position dominante sur le marché (art. 4, 1er al. P). Si ce n'est pas le cas, elle n'a pas à s'occuper davantage de l'affaire.

Il n'en va pas de même si tel est bien le cas. La commission devra alors tirer au clair si des indices supplémentaires existent pour ce qui est d'effets nuisibles d'ordre économique ou social de la fusion en question. Dans la négative, la commission n'a une fois de plus pas de raison d'aller plus loin. Mais s'il existe de tels indices, elle doit alors décider de procéder à une enquête au sens des articles 29 ss P.

L'article 35,1" alinéa P prévoit donc une procédure soigneusement déterminée pour ce qui est des fusions qui doivent être annoncées à la commission. Celle-ci examine dans une première phase, par une enquête préalable, si la fusion tombe sous le coup de la loi et s'il y a lieu de procéder à une enquête. C'est seulement lorsque ces deux conditions sont satisfaites que la Commission des cartels engage, dans une seconde phase, une enquête.

Il peut arriver aussi que des fusions non soumises à l'obligation d'annoncer remplissent les conditions pour faire l'objet d'une enquête de la Commission des cartels. C'est ce que clarifie l'article 35, 2e alinéa P qui accorde expressément à la Commission la compétence d'engager une telle enquête.

L'enquête se fonde sur les dispositions des articles 29 ss P, que nous avons déjà commentés (cf. ch. 542.43 ci-dessus). Une recommandation éventuelle peut tendre le cas échéant à annuler la fusion, en se référant expressément à la procédure prévue aux articles 34 et 35 P. Cela en revient à dire que la recommandation ne peut être faite que dans les limites d'une telle procédure, et par conséquent seulement en relation avec une fusion actuelle.

544

Devoirs de renseigner et de coopérer

Ce chapitre est composé de deux dispositions (art. 36 et 37 P) et doit être considéré comme un remplacement de l'obligation générale d'annoncer souvent réclamée pour ce qui est des cartels et des organisations analogues (cf. ch.

422 ci-dessus).

La commission d'experts considère que la solution proposée est plus rationnelle puisqu'elle admet des recherches spécifiques en cas de besoin. Le devoir de renseigner est valable tant à l'endroit de la commission qu'à l'égard de son secrétariat (art, 36, 1er al, P). Les destinataires de cette disposition sont les nid.

cartels, les organisations analogues, de même que les parties aux accords qui y sont assimilés (art. 3 et 5 P: prix imposés et accords d'exclusivité et de distribution), ainsi que les tiers concernés. Nous entendons par tiers concernés les personnes touchées par les états de fait limitatifs de la concurrence dans leur liberté économique (quant à savoir s'il y a une entrave notable au sens du droit des cartels, la question doit demeurer en suspens à ce stade des recherches). Le devoir de renseigner n'est pas lié au fait qu'une forme donnée d'enquête (enquête préalable, art. 28 ou enquête, art, 29) soit déjà en cours, mais il sert d'une manière générale uniquement à obtenir en cas de besoin des informations spécifiques. Il y a cependant lieu d'admettre qu'il sera procédé dans chaque cas d'abord à l'élucidation non formelle d'un état de fait donné et qu'un recours à l'article 36 du projet et aux suites pénales possibles n'aura lieu que subsidiairement.

Le devoir de renseigner dépend du point de savoir s'il s'agit d'un cartel, d'une organisation analogue, etc. Alors qu'il ne devrait pas être difficile d'obtenir des tiers concernés les informations nécessaires, la qualité de cartel, d'organisation analogue ou de partie à des accords au sens des articles 3 et 5 P pourra le cas échéant être contestée, et par conséquent aussi l'obligation de renseigner.

Dans un tel cas, la Commission des cartels devra statuer sur ce devoir par une décision administrative susceptible de faire l'objet d'un recours (art. 36, 3e al.P).

L'article 37 P prévoit en outre un devoir de coopérer pour ce qui est des services de la Confédération et des organisations économiques. Il s'agit là d'une «lex imperfecta» (contrairement à ce qui est le cas de l'art. 36), dans laquelle il n'existe pas de possibilité de sanctions. Le sens de cette disposition consiste, dans le cas de certaines enquêtes de la Commission des cartels, à pouvoir bénéficier des expériences dont disposent des services officiels ou des organisations en ce qui concerne certaines branches économiques. On mentionnera à titre d'exemples le Bureau fédéral des assurances (marché des assurances privées) ou l'Office fédéral des assurances sociales (marché des médicaments).

Il s'est avéré dans la pratique de la Commission des cartels qu'il existe souvent là des connaissances précieuses dont il importe de pouvoir tirer parti, dans l'intérêt également des parties en cause.

545

Mesures en cas de refus de recommandations

Selon la loi en vigueur, le Département fédéral de l'économie publique peut intenter une action administrative devant le Tribunal fédéral lorsque les intéressés, à la suite d'une enquête spéciale, refusent les recommandations de la Commission des cartels (art. 20 et 22 LCart).

La commission d'experts a proposé que la Commission des cartels puisse transformer ses recommandations en une décision au cas où les intéressés les refuseraient. Cette décision pourrait à son tour être déférée au Tribunal fédéral par le moyen d'un recours de droit administratif.

De même que la proposition de la commission d'experts, le présent projet se fonde sur un système de recommandations, de décisions et de recours de droit

administratif. Contrairement à la proposition de la commission d'experts, la décision (art. 38 P) n'est cependant pas du ressort de la Commission des cartels, mais du Département fédéral de l'économie publique. Le processus doit en pratique se dérouler comme suit: la Commission des cartels,'suite à une enquête, édicté une recommandation aux intéressés, qui ont l'occasion de se prononcer à son sujet. Si la recommandation est acceptée par les intéressés, la procédure est terminée. Si les intéressés n'acceptent pas la recommandation, la Commission des cartels demande en règle générale au Département fédéral de l'économie publique de la transformer en une décision. Ladite décision du département peut être déférée par les destinataires au Tribunal fédéral.

L'article 38 P stipule expressément que le département compétent doit entendre les intéressés avant de prendre sa décision. Cela correspond aux dispositions des articles 29 et 30 de la loi fédérale sur la procédure administrative.

Par notre proposition, nous avons tenu compte de l'objection selon laquelle on accorderait une trop grande concentration de puissance à la Commission des cartels en lui attribuant le droit de prendre des décisions. Nous avons en outre pris en considération l'objection selon laquelle le Département fédéral de l'économie publique se trouverait pratiquement éliminé si l'on adoptait la proposition des experts, alors que sa tâche consiste à coordonner la politique de la concurrence avec les autres aspects de la politique économique de la Confédération. Nous avons souligné, en relation avec un autre point, que la politique de la concurrence représente un élément essentiel de la politique économique suisse (cf. ch. 423 ci-dessus). Nous avons tenu compte de ce fait en réservant le droit de décision au Département fédéral de l'économie publique.

Notre projet ne tient pas compte de l'objection selon laquelle le recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral n'offre pas une protection juridique équivalente à celle d'une action administrative audit Tribunal fédéral.

Dans le recours de droit administratif, la compétence qu'a le Tribunal fédéral de connaître se limite aux questions de fait et de droit. Il n'est pas possible par ce moyen de droit de relever un défaut d'équité, mais bien le fait d'outrepasser un ou d'abuser
d'un pouvoir d'appréciation (vérification de l'arbitraire). La procédure de l'action administrative se déroule selon les principes et les règles d'un procès civil en première instance. Le Tribunal fédéral ne se trouve pas empêché de se prononcer sur l'appréciation (ATF 88 I 55 ss). On a cependant pu se rendre compte que le Tribunal fédéral, tout au moins dans certaines matières, use avec une certaine réserve de son droit d'appréciation.

Cette réserve en aboutit à une pratique qui se rapproche de la vérification de l'arbitraire en relation avec le recours de droit administratif (p. ex. ATF 100 Ib 435). Elle se manifeste surtout dans l'examen de l'appréciation lorsqu'il s'agit de questions qui ont déjà été soumises à une instance spécialisée. A cet égard, il importe de savoir qu'en cas de recours de droit administratif en matière de cartels, i) y aurait déjà un rapport complet de la Commission des cartels, ce qui pourrait inciter le Tribunal fédéral à se fonder dans une certaine mesure sur les constatations qui y figurent. C'est dire que la différence entre les deux genres de procédure n'est pas si grande que le prétendent les partisans de l'action administrative.

1316

Ce qui nous paraît décisif, c'est que le recours de droit administratif est le moyen adéquat dans le domaine qui nous intéresse ici du droit administratif économique. L'autorité compétente y représente par sa décision un point de vue supérieur, et c'est aux destinataires de la décision qu'il incombe de recourir à la voie de droit.

Dans la pratique, les recommandations de la Commission des cartels ont toujours été acceptées, si bien que la question d'une action ne s'est jamais posée au département. On ne saurait cependant pas en conclure que le système a fait ses preuves. Le rapport de la commission d'experts mentionne qu'il y a souvent eu des discussions longues et détaillées entre la Commission des cartels et les destinataires des recommandations. La Commission des cartels ressentait manifestement une certaine gêne à imposer au département le rôle prévu de plaignant. En pratique, cela en revient à dire qu'il n'y avait pas lieu d'exclure des compromis avec les destinataires des recommandations. Il n'y a rien à redire à ce que la Commission des cartels ait des contacts avec les intéressés à la suite de ses recommandations afin d'élucider les possibilités de réalisation de ces dernières. Il n'en faut pas moins disposer d'un instrument permettant de clore la discussion et de fixer obligatoirement l'opinion de l'administration. Cet instrument est la décision administrative et non pas le recours de droit administratif. Du point de vue de la protection juridique, il n'y a à cet égard pas de différence essentielle puisque l'a décision en question peut être déférée au Tribunal fédéral.

546

Protection juridique et procédure

La question délicate peut se poser - en relation avec l'obligation d'annoncer les fusions d'entreprises (art. 34 P) et avec le devoir de renseigner (art. 36 P) - de savoir s'il s'agit d'un cartel ou d'une organisation analogue. Ce problème ne peut pas être résolu par une recommandation, mais doit l'être par une décision. Dans les deux cas, cette décision doit émaner de l'autorité compétente, c'est-à-dire de la Commission des cartels. De même, l'article 30 du projet prévoit une décision incidente de la Commission des cartels au sujet de la demande de preuves dans le cadre d'une enquête. Ces décisions peuvent, selon l'article 39 P être déférées au Tribunal fédéral.

Les décisions du Département fédéral de l'économie publique relatives à des recommandations non acceptées de la Commission des cartels (art. 38 P), ainsi qu'à l'application d'accords internationaux (art. 46 P), peuvent également être déférées au Tribunal fédéral par un recours de droit administratif (art. 40 P).

Les dispositions générales de la procédure administrative fédérale sont applicables par analogie à la procédure de recours (art. 41 P).

55

Dispositions pénales

La loi sur les cartels en vigueur ne contient pas de dispositions pénales. On avait fait valoir à l'époque que les dispositions de droit administratif de la loi contenaient une réglementation suffisante quant au fond. On admettait mani-

1317

festement que. le refus d'une recommandation en aboutirait, suite à la plainte de droit administratif qui s'ensuivrait, à un arrêt du Tribunal fédéral qui pourrait être fondé sur l'article 292 du CP.

Mais il faut néanmoins envisager la possibilité qu'une recommandation acceptée ne soit le cas échéant pas appliquée. Il n'y a dans ce cas pas de jugement, et il ne resterait à l'autorité compétente pas d'autre ressource que de reprendre l'enquête spéciale. C'est dans de tels cas que le besoin d'une disposition pénale se fait sentir. Pour pouvoir ensuite placer sur un pied d'égalité les conséquences juridiques dans le cas de non-acceptation des recommandations, d'une part, et dans celui de la non-observation de décisions administratives prises par le Département fédéral de l'économie publique et d'arrêts du Tribunal fédéral sur des affaires relevant du droit administratif des cartels, d'autre part, la nécessité s'est imposée de prévoir à ce sujet des mesures pénales. Celles-ci sont réglées par l'article 42 P. A ce sujet, et contrairement à l'avis de la commission d'experts, nous nous limitons à des amendes jusqu'à concurrence de 100 000 francs.

Indépendamment de ces principaux états de fait pénaux, d'autres mesures pénales sont prévues afin d'assurer l'observation du devoir d'annoncer, de fournir des renseignements et de garder le secret (art. 43 P). Dans ces cas également, les mesures pénales se limitent à l'amende.

L'article 44 P dispose de l'application du droit pénal administratif, l'autorité de poursuite et de jugement étant le Département fédéral de l'économie publique.

56

Application d'accords internationaux

Lors de la création de la zone européenne de libre échange, des dispositions contractuelles ont été négociées qui sont censées empêcher que des ententes entre des entreprises et l'abus de positions dominantes sur le marché entravent le commerce entre les parties contractantes. C'est ainsi qu'il se trouve des clauses relatives à la concurrence à l'article 15 de l'acte constitutif de l'AELE (RO I960 646), tout comme à l'article 23 de l'accord de libre échange avec les Communautés économiques européennes (RO 1972 3182) et à l'article 18 de l'accord avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier (RO 1973 2066).

Selon l'opinion actuellement prédominante, il ne s'agit pas là d'un droit directement applicable. Ces conventions se bornent à prescrire des consultations en vue de l'examen des comportements sujets à critique et à autoriser la partie contractante plaignante à prendre des mesures de rétorsion si, après ces consultations, les pratiques non conformes aux règles de la concurrence ne sont pas éliminées.

Afin d'assurer la réalisation des objectifs de ces accords, et compte tenu du fait que les mesures de rétorsion n'atteignent pas nécessairement le responsable seulement, il est souhaitable que la Suisse dispose des bases légales voulues pour éliminer les modes de comportement incompatibles avec les principes internationaux en matière de concurrence avant qu'il en résulte des mesures de

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rétorsion. Or la loi en vigueur sur les cartels ne suffit pas à cet effet. Elle ne pourrait rendre service que si le mode de comportement incriminé exerçait simultanément des effets nuisibles d'ordre économique ou social au sens de l'article 20 LCart. Du seul fait des différences de notion entre LCart et les accords internationaux, on peut douter qu'une telle concordance se trouve réalisée dans tous les cas. C'est surtout en raison des objectifs différents maintien d'une concurrence apte à fonctionner dans le pays, d'une part, et liberté du commerce international, de l'autre - que l'on ne saurait exclure d'emblée des appréciations divergentes d'un cas d'espèce.

L'un des buts essentiels de la présente révision de la loi consiste à empêcher que la Suisse soit exposée à des mesures de rétorsion de l'étranger, alors qu'elle serait mieux inspirée de les prévenir dans son propre intérêt. Cependant, le complément proposé de la loi sur les cartrels ne tend pas à introduire dans le droit suisse les conceptions de nos partenaires contractuels en matière de concurrence. La Suisse continuera comme jusqu'ici à défendre une interprétation des règles internationales sur la concurrence conforme aux principes généraux du droit des gens. Elle n'en devrait pas moins être en mesure de traduire dans les faits les conséquences d'une telle interprétation.

Les nouvelles dispositions en la matière (art. 46 et 46 P) font l'objet d'un chapitre particulier de la loi. Elles se fondent non pas sur l'article constitutionnel relatif aux cartels, mais sur la compétence du Conseil fédéral de conclure des traités avec l'étranger (art. 8 est) et concernent l'application des principes en matière de concurrence découlant de la convention de l'AELE et des accords de libre échange avec la CEE et la CECA, C'est pourquoi le préambule de la loi se réfère aux dispositions relatives au droit de la concurrence contenues dans des accords internationaux. Cette formulation générale permet d'inclure dans la portée de la loi même des dispositions en matière de concurrence d'accords internationaux que la Suisse pourrait Je cas échéant conclure plus tard. Pourtant, la loi ne se réfère pas à de simples recommandations d'organisations internationales telles qu'en ont édictées par exemples l'OCDE ou l'ONU sous la forme du code sur les pratiques commerciales restrictives (FF 1980 II1).

561

Etablissement de l'état de fait

Aux termes de l'article 45, 1er alinéa P, le Département fédéral de l'économie publique peut inviter la Commission des cartels à établir l'état de fait en relation avec l'application de dispositions relatives au comportement en matière de concurrence. Ce mandat sera dû au fait que le conseil de l'AELE ou le «Comité mixte Suisse CEE ou CECA» aura fait valoir une plainte au sujet du comportement d'entreprises suisses en matière de concurrence. Cette élucidation de l'état de fait permettra au département de se prononcer sur le processus à adopter (art. 45, 2e al. F). Ce faisant, il sera conseillé par la Commission des cartels et devra entendre les intéressés avant de prendre une décision. Dans le cas où c'est le secrétariat qui procède à l'élucidation, ce sont les dispositions sur le devoir de renseigner (art. 36 P), de coopérer (art. 37 P), ainsi que les dispositions pénales relatives au devoir de renseigner qui sont applicables.

mo

562

Elimination des incompatibilités

L'établissement de l'état de fait permet de fournir une documentation irréprochable au représentant de la Suisse dans l'organe compétent de l'organisation internationale en cause. Ce n'est pas en vertu du droit suisse, mais bien selon les règles contenues dans l'accord en question et selon la procédure prévue par lui qu'il siéra de juger s'il y a incompatibilité avec le bon fonctionnement de l'accord.

Si une telle incompatibilité est établie, le Département fédéral de l'économie publique peut, après avoir pris l'avis du Département fédéral des affaires étrangères, inviter la Commission des cartels à recommander aux intéressés de supprimer ou de modifier les ententes incompatibles ou de renoncer à une attitude incompatible (art. 46, 1er al. P). Les intéressés doivent être entendus par la commission avant qu'elle édicté ses recommandations (art. 46, 2F- al. P).

Cette disposition est volontairement ajustée à une décision laissée à l'appréciation du département. D'une manière générale, il sera de l'intérêt de la Suisse d'éliminer une telle incompatibilité pour éviter des mesures de rétorsion. Selon les circonstances particulières du cas, il pourra cependant être préférable parfois de ne rien entreprendre sur le plan administratif et de laisser aux particuliers intéressés le soin de décider s'ils préfèrent prendre leur parti de mesures de rétorsion. C'est dire qu'il n'est pas dans nos intentions de créer un automatisme dans la loi pour ce qui est de l'application en droit suisse des engagements contractuels de caractère international. C'est bien plutôt au Département fédéral de l'économie publique qu'il appartiendra de décider dans chaque cas particulier et compte tenu de tous les intérêts en cause, notamment des aspects de politique commerciale du problème, s'il convient ou non d'éliminer par les moyens de la loi une entente ou un mode de comportement notoirement incompatible avec le bon fonctionnement des accords internationaux.

Dans le cas où il faudra écarter une incompatibilité, la loi fournit un ensemble d'instruments dans sa partie de droit administratif (art. 46, 3e al. P). Les recommandations de la Commission des cartels peuvent, si elles ne sont pas suivies, être transformées en une décision du Département fédéral de l'économie publique (art. 38 P). Cette décision peut à son tour faire
l'objet d'une action de droit administratif auprès du Tribunal fédéral (art. 40 P). A ce sujet, le pouvoir qu'a le Tribunal fédéral de connaître est à vrai dire limité. La constatation de l'incompatibilité est du ressort de l'organe international et la décision du département politiquement responsable de vouloir éviter dans le cas concret des mesures de rétorsion contre la Suisse est déjà prise. Par conséquent, l'appréciation du Tribunal doit se limiter à déterminer si la décision en question s'en tient au principe de la proportionnalité. Il pourra par exemple faire valoir que la suppression d'une convention cartellaire va trop loin en vue d'éliminer une incompatibilité puisqu'il suffirait aussi à cet effet de modifier ladite convention.

Cette compétence limitée de connaître les faits correspond à l'article 100, lettre a, de la loi fédérale d'organisation judiciaire (RS 173.110) qui exclut l'examen par le Tribunal fédéral de questions relevant des affaires étrangères.

1320

Jusqu'ici, ni l'appartenance de la Suisse à l'AELE, ni sa qualité de partenaire aux accords de libre-échange avec la Communauté économique européenne et avec les pays membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier n'ont donné lieu à des procédures formelles sur l'application des règles de concurrence édictées dans ces communautés. Il demeure un large champ d'action aux négociations diplomatiques qui permettent de surmonter les divergences d'opinion. Il n'en conviendrait pas moins de préparer les moyens d'action nécessaires. Cela contribuera entre autres à souligner sur le plan international la volonté de coopération de la Suisse, au sujet de laquelle des doutes ont été exprimés ici et là en raison de la loi en vigueur sur les cartels.

57

Dispositions finales

L'article 47 P règle les dispositions réservées d'autres prescriptions de droit. Le 7er alinéa se réfère en particulier au code des obligations et ne donne pas lieu à des observations particulières.

Le 2e alinéa revêt une importance particulière. Il existe certaines corrélations avec la loi fédérale sur la concurrence déloyale, comme par exemple la justification des mesures qui visent à sauvegarder une concurrence loyale et empêcher d'en fausser le jeu (art. 7, 2e al., let. a P) et la sous-enchère dirigée en matière de prix (art. 6, 2e al., let. c P). Plus importante encore est la relation entre la loi sur les cartels et le droit public qui est également réglée par cette disposition. On trouvera des explications à ce sujet au chiffre 522.3 ci-dessus, mais il sied de souligner une fois de plus ici que la réserve en faveur de prescriptions de droit public dérogeant à la présente loi ne peut pas avoir un caractère absolu. Au contraire, les cartels et organisations analogues auxquels participent des entreprises publiques tombent eux aussi en principe sous le coup de la loi. Ils n'échappent à son champ d'application que dans la mesure où ils établissent un ordre. du marché ou un régime de prix de caractère étatique tendant sciemment à créer une situation particulière en matière de concurrence.

Le 3f- alinéa réserve, comme le fait la loi en vigueur, les effets sur la concurrence qui sont exclusivement la conséquence de droits conférés par la législation sur la protection industrielle et lé droit d'auteur. La seule innovation sur ce point est le mot «exclusivement», qui a été introduit compte tenu de la doctrine dominante et de la pratique. On sait en effet que les droits concernant les biens immatériels peuvent être utilisés en vue d'imposer des restrictions supplémentaires à la concurrence qui ne sont pas une conséquence immédiate des droits protégés. Dans un tel cas, les dispositions de la loi sur les cartels sont applicables. Nous nous référons à ce sujet à ce que nous avons dit au chiffre 522.23 ci-dessus.

L'article 48 P règle l'abrogation du droit en vigueur jusqu'ici. Il n'y a pas lieu de prévoir de prescriptions particulières d'application de la loi. Jusqu'ici, il n'existait qu'un règlement de la Commission des cartels (du 1er juin 1964), édicté par le Conseil fédéral d'entente avec la Commission des cartels. Il y aura

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lieu d'adapter ce règlement aux modifications apportées à la loi. Il conviendra également de fixer un tarif des émoluments pour les avis (art. 27, 3e al. P).

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Conséquences sur le plan financier et pour ce qui est du personnel

Une réorganisation du secrétariat de la Commission des cartels apparaissant nécessaire à l'heure actuelle, il en découlera certaines dépenses supplémentaires pour la Confédération. L'effectif du personnel du secrétariat a jusqu'ici été maintenu à un minimum absolu, ce qui n'est pas resté sans effets sur l'activité de la commission (cf. ch. 412.3 et 541.2 ci-dessus). Outre la revalorisation du secrétariat sur le plan de l'organisation, il s'agira en particulier d'augmenter quelque peu le personnel du secrétariat. Il sied à cet égard d'améliorer l'efficacité de la politique de la concurrence. Nous pensons doter le secrétariat de la Commission des cartels de deux ou trois personnes supplémentaires. Ce supplément d'effectif devrait être trouvé à l'intérieur du plafond fixé pour le département (blocage du personnel). Cela devrait permettre d'assurer que les nouvelles tâches prévues pour la commission et pour le secrétariat (surveillance des concentrations d'entreprises, élucidation de l'état de fait en matière d'application d'accords internationaux) soient accomplies sans difficultés, en temps voulu et conformément à leur importance. Simultanément, le secrétariat doit être aussi mis en mesure d'accomplir certaines tâches mieux que cela n'était possible jusqu'ici vu l'effectif du personnel. Nous pensons en particulier aux questions de doctrine de droit cartellaire et de droit comparé, de même qu'à la documentation nécessaire à ce sujet, qui ne pourrait être que directement favorable au travail de la commission. Même un tel aménagement du secrétariat ne suscitera de loin pas un état de choses qui puisse être considéré comme un office des cartels étatique et qui pourrait soutenir la comparaison avec certains exemples de l'étranger.

7

Grandes lignes de la politique gouvernementale

Dans notre rapport sur les grandes lignes de la politique gouvernementale pour la législature de 1979 à 1983, nous avons signalé que la révision de la loi sur les cartels constituait un point crucial et nous avons envisagé de soumettre au parlement un projet à ce sujet au cours de l'année 1981 (cf. FF 1980 640 et 689).

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Constitutionnalité

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Questions de principe

De même que la loi en vigueur, le présent projet se fonde sur les articles 31bia, 3e alinéa, lettre d, 64, 64tols et 114bis de la constitution.

Le message à l'appui de la loi sur les cartels en vigueur relevait déjà que l'article 31bls, 3e alinéa, lettre d, de la constitution ne donnait que la compétence de lutter contre les effets nuisibles d'ordre économique ou social de

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cartels et d'organisations analogues. Une loi sur les cartels doit par conséquent admettre en principe l'existence de cartels et d'organisations analogues, seuls leurs abus devant être combattus. Il en va de même des dispositions de droit civil, fondées en premier lieu sur l'article 64 de la constitution. En bref, une loi d'interdiction est exclue. Seule entre en ligne de compte une loi sur les abus (FF 1961II 558).

La doctrine juridique est également unanime sur ce point (Leo Schürmann, Wirtschaftsverwaltungsrecht, Berne 1978, p. 279 s.)- Là où les avis sont partagés, c'est sur ce que cela veut dire exactement. La controverse sur ce point est d'importance puisque d'aucuns prétendent que le législateur «surchargerait le bateau» en relevant l'élément de concurrence comme le prévoit l'article 29 P du fait que l'on abandonnerait de la sorte la seule conception admissible en droit constitutionnel de la «concurrence possible».

La discussion quant à la portée de l'article constitutionnel sur les cartels repose sur l'importance que l'on accorde à la liberté du commerce et de l'industrie.

L'ancienne doctrine en matière de droit public partait de l'idée que la liberté du commerce et de l'industrie garantissait le système de la concurrence en quelque sorte «atomisée». Il s'agissait non seulement d'un droit à la liberté dirigé contre l'Etat, mais simultanément d'une garantie institutionnalisée de l'économie de concurrence (on citera notamment Walter Burckardt, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, 3e éd., Berne 1931, p. 233; Arnold Gysin, Grundlagen des schweizerischen Kartellrechts, ZSR 1930, p. 428 - à noter toutefois que ces avis ont été émis avant l'entrée en vigueur du nouvel article économique -; FleinerlGiacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, p. 283, 286 et p. 175; il a depuis lors modifié sa position). Le Tribunal fédéral s'est lui aussi prononcé dans le même sens dans le passé (cf.

ATF 57 I 165, 63 I 213 et 86 II 376). Alors même qu'il n'a jamais modifié sa position, on peut conclure de la terminologie un peu différente dont il use qu'il ne défend plus de la même manière cette signification institutionnelle (cf. p. ex.

ATF 105 la 71 E 4b). Se fondant sur cette signification institutionnelle, FleinerlGiacometti (op. cit. p. 292) et Huber (op. cit. p. 176) en arrivent
logiquement à la conclusion que l'article 3P18, 3e alinéa, lettre d, de la constitution est mal placé. Les mesures contre les cartels et les organisations analogues ne sont à leurs yeux nullement contraires à la liberté du commerce et de l'industrie, mais encourageraient au contraire cette liberté. Des critiques de plus en plus ouvertes se sont fait entendre depuis les années 1950 au sujet de l'identification de la liberté du commerce et de l'industrie avec l'économie de concurrence (on citera notamment Heinz Kundert, Die Befugnisse des Bundes auf dem Gebiet des Kartellwesens, Diss., Zürich 1954, p. 78 ss. ; Martin Unten, Das schweizerische Recht über das wirtschaftliche Verhalten im Hinblick auf das Kartellproblem, WuR 1956, p. 107; Heinz Peter Christen, Die Wirtschaftsverfassung des Interventionismus, Zürich 1970, p. 256 ss.; Eric Homburger, Rechtsgrundlagen der Interessenabwägung bei Anwendung des Kartellgesetzes, ZSR 1970 II p. 49 s.; Hans Marti, Die Wirtschaftsfreiheit der schweizerischen Bundesverfassung, Bàie 1976, p. 22), La liberté du commerce et de l'industrie ne garantit nullement l'économie de concurrence, mais bien plutôt l'économie privée autonome. Pour user de la terminologie économique scienti-

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fique, concurrence et ententes de groupes (cartels) seraient en principe toutes deux également à disposition pour coordonner les activités économiques privées. La politique cartellaire en reviendrait donc à une déviation de la liberté du commerce et de l'industrie, si bien qu'il ne saurait être question de prétendre que l'article sur les cartels de la constitution serait mal placé.

A rencontre de cette conception, d'aucuns ont fait valoir qu'identifier la liberté du commerce et de l'industrie avec un modèle économique théorique en reviendrait à rien moins qu'à l'interprétation de l'ancienne doctrine. Alors que dans ce dernier cas la liberté du commerce et de l'industrie était fixée au modèle de la concurrence néo-libérale, on en aboutirait dans le premier à une identification avec le modèle du «laissez-faire» des pbysiocrates (Hubertus Schmid, Die Unterscheidung zwischen wirtschaftspolizeilichen und wirtschaftspolitischen Massnahmen im schweizerischen Recht, Diss., St-Gall et Winterthour 1974, p. 274 ss.).

On peut admettre que l'idée selon laquelle la liberté du commerce et de l'industrie constitue directement l'économie de concurrence est aujourd'hui dépassée. Le Conseil fédéral se place lui aussi sur ce terrain (cf. Message sur l'initiative populaire pour la protection des droits des consommateurs, FF 1979 II 723 s.).

On ne trouve aucun appui sérieux à cette idée, même dans les documents relatifs aux nouveaux articles économiques. D'ailleurs, ces documents ne fournissent aucune réponse concluante non plus à la question de savoir si la politique des cartels signifie une déviation au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Le Conseil fédéral a en quelque sorte proposé l'article sur les cartels dans le sens d'une mesure de précaution. A son avis, il n'aurait guère été indispensable (cf. Message I sur les articles économiques, FF 1937II 885).

Pour ce qui est des débats parlementaires, on y pensait pour une part plutôt à une déviation ÇBO N 1938 354, intervention Nietlisbach; BO 1938 357 intervention Rais) et pour une autre plutôt à des limitations compatibles avec la liberté du commerce et de l'industrie (BOE 1938 478 s. intervention Schöpfer).

La seule chose sûre, c'est qu'on a voulu exclure la validité pour ce qui est des relations horizontales (effets sur des tiers) (cf. Message
I sur les articles économiques, FF 1937II 845 s.; BO N 1938 337 ss).

Plus récemment, une interprétation intermédiaire s'est fait jour. Fritz Gygi (Die schweizerische Wirtschaftsverfassung, ZSR 1970 II p. 317; Verfassungsrechtliche Richtpunkte einer schweizerischen Kartellgesetzgebung, in Festgabe Mas Kummer, Berne 1980 p. 331 s.; cf. aussi Charles André Junod, Problèmes actuels de la constitution économique, ZSR 1970 II, p. 628 s.) a fait valoir que l'emplacement de l'article sur les cartels, du point de vue de la systématique, ne signifiait pas d'emblée que la politique cartellaire s'opérerait en déviation de la liberté du commerce et de l'industrie. Il permet seulement au législateur fédéral de s'écarter «en cas de besoin» de ce droit fondamental. L'article sur les cartels inclut tout bonnement à ses yeux une compétence législative de la Confédération.

Cette manière d'envisager les choses devient particulièrement actuelle et persuasive lorsqu'on part de l'idée que les articles économiques de la constitution suisse sont certes ouverts, mais n'en contiennent pas moins une option en

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faveur d'une économie s'inspirant de la concurrence et consciente de ses responsabilités sociales (Gygi, Wirtschaftsverfassung, p. 291, 307 ss, 312; cf.

aussi Jörg Paul Müller, Soziale Grundrechte in der Verfassung? ZSR 1973 II p.

762 ss). D'autre part, il existe en droit constitutionnel une préférence pour la concurrence, de sorte que la politique en matière de concurrence ne constitue pas nécessairement une déviation de la liberté du commerce et de l'industrie.

Le Conseil fédéral lui-même reconnaît un système économique fondé en principe sur l'économie de marché libre et orientée par la concurrence (Message au sujet d'un article conjoncturel dans la constitution fédérale, FF 7975 lu 704; Message au sujet d'un arrêté fédéral sur le nouveau régime d'approvisionnement du pays, FF 7975 II 722). On relèvera d'ailleurs que la doctrine économique demande elle aussi une politique efficace en matière de concurrence. Sa conformité au système est certaine (cf. Hugo Sieber, Réflexions de politique économique au sujet de la révision de la constitution fédérale, Publications du Vorort n° 14, Zurich 1978, p. 15s.; Hugo Allemann, Öffnung in Richtung Wettbewerb, NZZ du 19 avril 1979; Willy Linder, WettbewerbKernstück einer marktwirtschaftlichen Ordnung, NZZ des 31 mars/ler avril 1979; Silvio Borner, Wirtschafts-, Sozial- und Eigentumsordnung im Verfassungsentwurf - ein Diskussionsbeitrag aus ökonomischer Sicht, ZSR 1979 I, p. 468).

Tout cela n'indique à vrai dire pas encore exactement où passe la limite de la politique de la concurrence admissible en droit constitutionnel, ce qui peut encore être considéré comme lutte contre les abus et ce qui en revient à une interdiction matérielle. Il n'en découle pas moins des indices importants pour répondre à cette question. Si l'option constitutionnelle fondamentale ne porte pas sur l'équivalence de la concurrence et des accords de groupe, mais au contraire sur une préférence pour le premier principe de coordination par rapport au second, alors les possibilités ne se limitent pas à ancrer la «concurrence possible». C'est sur ce terrain d'ailleurs que se fondait le message relatif à la loi sur les cartels en vigueur. Le Conseil fédéral y considérait certes l'orientation en fonction de la conception de la «concurrence possible» comme admissible, mais ce n'était à ses
yeux pas la seule possibilité. II considérait aussi son projet comme un minimum absolu qui ne supporterait aucun affaiblissement (Message, FF 1961 n 560 en relation avec p. 556 s.).

Tout comme la loi en vigueur (cf. Message FF 1961 II 578), le présent projet ne reconnaît pas sur toute la ligne la «concurrence possible». Sous certaines conditions, les entraves à la concurrence sont susceptibles de justification. Si dans ce sens le projet reste en-deçà de la conception susmentionnée, il va pourtant au-delà sur certains points. Il ne suffit pas de maintenir en principe ouverte la possibilité de la concurrence. Le projet se place pour le reste par principe contre une fermeture complète du marché. Lorsque les outsiders se font attendre, lorsque chacun participe aux ententes, il doit être possible d'agir en faveur d'un minimum de concurrence. L'article 29, 2e alinéa, l'exprime en reconnaissant que l'exclusion d'une concurrence efficace est considérée comme nuisible du point de vue économique ou social, à moins qu'elle ne puisse se justifier par des motifs prépondérants d'intérêt général. Cela est non seulement permis, mais pour ainsi dire nécessaire en droit constitutionnel si la conception

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de la loi sur les cartels n'entend pas se trouver limitée par des conceptions du libéralisme classique. Cela est cependant encore loin d'une législation d'interdiction. Cette manière de voir les choses prédomine de plus en plus (cf. Gygi, Richtpunkte, p. 338 ss.; Walter R. Schluep, Grundzüge des Entwurfs der Expertenkommission zur Revision des BG über Kartelle und ähnliche Organisationen, ZBJV 1979, p. 65 ss., 96 s.; Peter Saladin, Unternehmungen in der schweizerischen Verfassungordnung, WuR 1980, p, 31; Hugo Sieber, Möglicher Wettbewerb oder Saldotheorie?, NZZ du 10 octobre 1978; Arnold Koller, Ein Kartellgesetz der Schwäche? St. Galler Tagblatt du 26 janvier 1979; Hubert Bühlmann, Wettbewerb als Grundnorm der schweizerischen Wirtschafsverfassung, WuR 1979, p, 187). On peut signaler aussi dans cet ordre d'idée que la Commission des cartels, au début de son activité, a toujours examiné s'il subsistait un minimum de concurrence efficace (cf. Kurt Fröhlicher, Die Kartellkommission und der Wettbewerb, WuR 1968, p. 240 ss et en particulier p. 255). Elle allait donc elle-même déjà au-delà de la conception de la «concurrence possible». Sans doute des voix se font-elles encore entendre qui ne veulent rien accorder de plus au législateur fédéral que la compétence d'édicter une loi sur les cartels orientée en fonction de la conception de la «concurrence possible» (Martin Usteri, Verfassungswidriger Kartellgesetzentwurf, NZZ du 18 décembre 1979; Herbert Wohlmann, Wettbewerbspolitische Flucht nach vorn, NZZ du 22 août 1979).

A cet égard, le Conseil fédéral tient à constater que le législateur n'a pas besoin d'une unanimité de la doctrine pour assurer la constitutionnalité de ses projets.

Si des avis divergents sont avancés, le législateur fédéral dispose d'une marge d'appréciation pour l'aménagement de son texte. Il peut former librement son jugement en tenant compte des arguments avancés sans s'exposer au reproche de violer la constitution.

Il va s'agir ci-après d'examiner quant à leur constitutionnalité les points principaux du projet de révision.

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Inclusion des entreprises publiques

Ce qui est nouveau dans le projet, c'est l'élargissement du champ d'application de la loi sur les cartels aux entreprises publiques (art. 1er, 1er al. P) dans la mesure où elles participent à des cartels ou représentent des organisations analogues.

La liberté du commerce et de l'industrie se borne à régler les relations entre l'Etat et les particuliers et exclut, en principe, du fait de sa fonction de garant de la sphère d'action privée face aux interventions de l'Etat, l'inclusion d'entreprises publiques. En d'autres termes, la liberté économique est l'expression d'un droit fondamental du citoyen par rapport à l'Etat, ce qui en revient à dire que l'Etat ne peut pas lui-même s'y référer. La question se pose donc de savoir si l'inclusion des entreprises publiques dans la loi sur les cartels est conforme ou non à la constitution. Il y aurait lieu de répondre par la négative si le domaine que protège la liberté de l'industrie et du commerce déterminait simultanément le champ d'application d'une loi sur les cartels. Tel n'est cependant pas le cas. Les articles économiques de la constitution visent une

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économie de marché à caractère social qui repose par principe sur la libre concurrence dont on attend une augmentation du -bien-être. La concurrence est ainsi un pilier central des articles économiques de notre constitution.

La liberté du commerce et de l'industrie cherche à assurer l'accès des citoyens à une activité économique, de même que son libre exercice. Cette liberté, pour être exercée judicieusement, implique aussi la liberté de contracter. Et cette dernière à son tour implique la liberté de coalition économique, qui comporte néanmoins une tendance à la limitation de la concurrence. C'est dire que la liberté du commerce et de l'industrie se trouve menacée non seulement par l'Etat, mais aussi par les sujets économiques. C'est là que doit intervenir la politique de l'Etat en matière de concurrence - si l'on entend que l'économie de marché à caractère social ne soit pas mise hors d'état de fonctionner par les particuliers - et cela non pas en dérogation à la liberté du commerce et de l'industrie, mais en vue de l'assurer et de la garantir. La politique de concurrence fondée sur Ja loi sur les cartels doit d'une manière toute générale mettre un verrou aux effets nuisibles d'ordre économique et social des cartels et des organisations analogues pour préserver l'économie de marché à caractère social. Et ce mandat ne saurait être suspendu pour ce qui concerne l'ensemble du secteur public. Il en résulterait les lacunes dans le droit sur les cartels dont on ne saurait prendre la responsabilité, compte tenu de l'importance économique du secteur public, et qui seraient en contradiction flagrante avec notre régime économique constitutionnel orienté vers la concurrence. C'est pourquoi le champ d'application du projet doit s'étendre - ce qui peut se motiver en 'droit constitutionnel - aux entreprises tant privées que publiques. La limite du champ d'application est déterminée à l'article 47, 2e alinéa P. Dans la mesure où l'on a la claire intention de créer un ordre du marché propre pour une entreprise publique et de la soustraire consciemment aux lois du marché, ce régime ou cette entreprise sont soustraits aussi au champ d'application de la loi sur les cartels. Dans la mesure en revanche où une entreprise publique se comporte selon les lois du marché et participe à des cartels ou à des organisations
analogues, ou constitue elle-même une organisation analogue, elle ne saurait prétendre à un traitement d'exception. Dans ce cas, les règles de la loi sur les cartels sont applicables à une telle entreprise.

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La justification de l'entrave notable à la concurrence dans la partie de droit civil de la loi

La partie de droit civil du projet de loi demeure sur le terrain de la lutte contre les abus. Le projet place seulement de nouveaux accents en ce sens qu'il prévoit des modifications quant à l'illicite de principe de certaines mesures et à la justification exceptionnelle de ces mesures. On ne saurait contester à ce sujet que non seulement le fait d'entraver dans le sens d'une discrimination (inégalité de traitement), mais aussi l'utilisation de manière uniforme d'une influence cartellaire sur le marché peut constituer un abus. Il est par conséquent justifié d'interdire en principe ces deux états de choses, dans la mesure où ils entravent notablement des tiers dans l'accès à la concurrence ou dans son exercice. Il ne s'agit pas là d'interdictions puisqu'il demeure des possibilités de justification.

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Une innovation dans la partie de droit civil du projet consiste en ceci qu'il est exigé entre autres pour la justification d'entraves notables à la concurrence que leurs effets ne portent pas atteinte à l'intérêt général (art. 7, 1er al. P). Au cours de la procédure de consultation, on a pour une part fait valoir que l'introduction de l'intérêt général dans le processus de justification en reviendrait à une interdiction des cartels quant au fond et serait par conséquent contraire à la constitution.

Le message à l'appui de la loi en vigueur sur les cartels signalait déjà les corrélations existant entre une concurrence efficace et l'intérêt général. Il disait ce qui suit à ce sujet: Toutefois, on peut aussi remédier indirectement à des effets nuisibles, d'ordre économique ou social, par des dispositions de droit civil, car on encourage la concurrence en protégeant le droit de l'individu au libre développement économique. Le droit privé assume ainsi en matière de pratique «concurrentielle» une fonction qui répond à l'intérêt général, lors même qu'il ne régit directement que les rapports des particuliers entre eux.

(FF 1961II 559) Nous avons en outre déjà indiqué (cf. ch. 532.22 ci-dessus) qu'il n'a jamais été contesté lors des travaux préparatoires et dans la pratique, pour ce qui est de la loi en vigueur, qu'il faille également tenir compte de l'intérêt général lors de l'examen de la justification en droit civil de J'entrave notable à la concurrence.

L'accentuation de l'intérêt général dans les dispositions de droit civil de la loi sur les cartels peut d'ailleurs également se fonder sur l'article relatif aux cartels de la constitution fédérale dont on ne saurait ignorer le sens et la teneur en aménageant la partie de la loi touchant au droit privé. Le message à l'appui de la loi sur les cartels de 1961 relevait déjà ce parallélisme (cf. ch. 562 cidessus). La formulation de l'article 7, 1er alinéa P exige que la preuve soit faite que les effets d'une entrave à la concurrence, ainsi que les limitations de la concurrence qui lui servent de base, ne portent pas atteinte à l'intérêt général.

On demande en d'autres termes que les résultats de la limitation de la concurrence soient pour le moins aussi favorables, mais en aucun cas pires, que ceux d'un régime libéral. Ce seuil de justification n'est en
aucune manière insurmontable, si bien que l'on ne saurait en déduire une interdiction des cartels quant au fond. Il souligne certes l'importance d'une concurrence efficace dans un régime en principe orienté vers l'économie de marché, mais n'en laisse pas moins - au sens de la disposition constitutionnelle qui lui sert de base - la possibilité de justification.

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La définition des effets nuisibles d'ordre économique ou social des cartels

Pour ce qui est du droit administratif, il sied en particulier d'examiner si la nouvelle rédaction de la disposition sur l'enquête correspond bien aux bases constitutionnelles (art. 29 P). Nous nous sommes déjà exprimés longuement sur ce point (cf. ch. 542.431 et 81 ci-dessus). L'article 22, 2e alinéa P prévoit lui aussi une appréciation des intérêts en cause en vue d'établir si les cartels ou les organisations analogues ont des effets nuisibles d'ordre économique ou social.

1328

A ce sujet, les effets nuisibles (en particulier sur la concurrence) ne sont justifiés que par des raisons prépondérantes d'intérêt général. Cela en revient à dire que, dans les limites de l'appréciation des intérêts en cause, il sied d'accorder un poids prépondérant aux effets positifs. Cette disposition n'est pas non plus dirigée contre les cartels et les organisations analogues en tant que tels. La circonscription de l'état de fait de nocivité part cependant de l'idée que la concurrence efficace revêt, dans les limites d'un régime d'économie de marché, une importance fonctionnelle puisqu'elle produit en règle générale des résultats favorables d'ordre économique. Dans la mesure où il est question de remplacer la concurrence efficace par un régime de marché privé, preuve doit être faite selon notre proposition que ce dernier réalise mieux l'intérêt général que la première, en d'autres termes que les effets positifs de la limitation de la concurrence prédominent. Dans ces conditions, la possibilité de justification subsiste, de sorte que le principe de la lutte contre les abus est sauvegardé. Le critère de la «concurrence efficace» ne veut au surplus nullement dire que l'on ancrerait dans la loi un certain modèle théorique de la concurrence comme celui d'une «concurrence en état de fonctionner». Il s'agit uniquement de faire valoir un minimum de concurrence, qu'il appartiendra à la pratique d'interpréter. Dans une telle perspective, les modèles théoriques de concurrence peuvent tout au plus fournir des points de repère en matière d'appréciation, mais en aucun cas prétendre avoir un caractère obligatoire.

85

La surveillance des fusions d'entreprises

L'enquête sur les fusions d'entreprises (art. 35 P) ne se rapporte qu'au processus au cours duquel prend naissance ou se renforce une organisation analogue à un cartel (art. 4, 1er al, P). Il ne peut s'agir d'un renforcement que si l'une au moins des entreprises qui fusionnent dispose déjà d'une position de puissance sur le marché. Comme l'enquête s'opère selon les règles des articles 29 ss P, d'éventuelles recommandations de la Commission des cartels ne peuvent viser que des effets nuisibles d'ordre économique ou social de la fusion en question.

L'article 35 demeure donc dans les limites de la disposition constitutionnelle applicable en la matière.

L'obligation d'annoncer (art. 34 P) ne peut à vrai dire pas être liée à la notion d'organisation analogues à des cartels parce qu'elle poserait des problèmes aux entreprises. Une telle procédure serait également liée à des incertitudes considérables en droit pour les entreprises. Les intéressés ne pourraient le cas échéant guère apprécier s'ils atteignent la limite critique. Les critères d'intervention prévus (art. 34, 1er al. P) ne laissent guère subsister de doutes aux intéressés pour ce qui est de la soumission à l'obligation d'annoncer. Ils sont au surplus dépourvus de tout caractère de présomption. C'est dire que l'obligation d'annoncer nécessaire pour l'information des autorités en ce qui concerne les fusions dépassant une certaine ampleur peut de ce fait être réalisée sans qu'il soit porté atteinte à l'article constitutionnel sur les cartels.

Feuille ftdéralc. 133« année. Vol. II

1329

86

L'application d'accords internationaux

Les dispositions relatives à l'application d'accords internationaux doivent permettre d'éliminer les causes résidant en Suisse de limitations de la concurrence qui exercent leurs effets à l'étranger, au cas où ces effets sont inconciliables avec le bon fonctionnement d'accords internationaux et sans par conséquent qu'un partenaire auxdits accords doive avoir recours à des mesures de rétorsion. La question de savoir s'il y a incompatibilité doit être appréciée selon les principes et selon la procédure prévus dans l'accord en question, c'està-dire dépend des accords internationaux en question. Ces dispositions sont par conséquent fondées sur l'article 8 de la constitution si bien qu'elles se trouvent couvertes en droit constitutionnel par la compétence qu'a la Confédération de conclure des accords avec l'étranger.

87

Les dispositions de droit pénal

Les dispositions de droit pénal du projet (art. 42 ss P) se fondent sur l'article 64tie de la constitution.

26865

1330

Loi fédérale

**>&

sur les cartels et organisations analogues (Loi sur les cartels [LCart])

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 31&»s, 64, 64Ws et 114bls de la constitution; en exécution des dispositions relatives au droit de la concurrence contenues dans des accords internationaux; vu le message du Conseil fédéral du 13 mai 1981", arrête:

Chapitre premier: Champ d'application Article premier Principe 1 La loi est applicable aux cartels et aux organisations analogues; elle s'étend aux entreprises tant privées que publiques.

2 Elle ne s'applique pas aux conventions, décisions et mesures qui ne visent que les rapports de travail.

Art. 2 Cartels 1 Sont réputés cartels les conventions et décisions, ainsi que les accords sans force obligatoire, qui influencent ou sont propres à influencer le marché de certains biens ou services par une limitation collective de la concurrence, en réglant notamment la production, la vente ou l'acquisition de marchandises, ainsi que les prix et autres conditions.

2 La recommandation de respecter une limitation collective de la concurrence est assimilée à une telle limitation.

Art. 3 Prix imposés 1 Sont assimilés aux cartels les accords par lesquels des acheteurs s'engagent envers leurs fournisseurs à respecter, en revendant des marchandises, des prix ou des conditions déterminés, si un cartel ou une organisation analogue impose ces engagements ou en assure l'exécution.

8 La recommandation de respecter des prix ou des conditions déterminés est assimilée à des prix imposés.

D FF 1981 H 1244

1331

Loi sur les cartels Art. 4

Organisations analogues

1

Sont réputées organisations analogues, lorsqu'elles dominent le marché de certains biens ou services, ou l'influencent d'une manière déterminante: a. Une entreprise unique ; b. Les entreprises qui accordent tacitement leur comportement; c. Les entreprises liées entre elles par des participations financières ou d'une autre manière.

a

Pour apprécier l'état de la concurrence, il faut retenir tous les facteurs déterminants, tant du côté de l'offre que de la demande, en particulier le nombre des concurrents, leurs parts du marché, les modes d'approvisionnement et de distribution, la puissance financière, les liaisons entre entreprises, ainsi que le degré de dépendance des entreprises participant au marché par rapport à l'organisation examinée.

Art. 5

Accords d'exclusivité et de distribution

Sont assimilés aux organisations analogues les accords entre fournisseurs et acheteurs sur l'exclusivité de l'acquisition ou de la vente de certaines marchandises ou de certains services, ou sur les restrictions apportées à leur distribution, lorsque ces accords influencent le marché d'une manière déterminante.

Chapitre 2: Dispositions de droit civil et de procédure civile Section 1 : Entraves à la concurrence de tiers Art. 6

Illicéité des entraves à la concurrence

1

Les mesures par lesquelles un cartel ou une organisation analogue écarte des tiers de la concurrence, ou leur en rend l'accès ou l'exercice notablement plus difficile, sont illicites, sous réserve de l'article 7.

3

Peuvent en particulier constituer de telles mesures : a. Le refus de livrer des marchandises et les discriminations à l'égard d'acheteurs en matière de prix ou de conditions; b. Le refus d'acheter des marchandises, les discriminations à l'égard de fournisseurs en matière de prix ou de conditions, ainsi que l'exigence excessive en matière de prix ou de conditions de faveur; c. La sous-enchère en matière de prix ou de conditions dirigée contre un concurrent déterminé; d. La mise à l'index d'employeurs.

3

Sont aussi illicites, sous réserve de l'article 7, des mesures qui atteignent uniformément des tiers et ont pour effet de les écarter de la concurrence ou de leur en rendre l'accès ou l'exercice notablement plus difficile, telle que la pratique des ventes liées.

1332

Loi sur les cartels Art. 7 Justification des entraves à la concurrence 1 Les entraves à la concurrence sont licites lorsqu'elles sont justifiées par des intérêts légitimes prépondérants d'ordre privé et que leurs effets ne portent pas atteinte à l'intérêt général; la libre concurrence ne doit en outre pas être restreinte de manière excessive par rapport au but visé ou du fait de la nature des entraves et de la façon dont elles sont appliquées.

3 Peuvent notamment être considérés comme intérêts légitimes prépondérants : a. La sauvegarde d'une concurrence loyale et non faussée ; b. L'établissement d'exigences professionnelles ou techniques raisonnables; c. La promotion d'une structure souhaitable dans une branche ou une profession; d. L'application de prix imposés lorsqu'ils sont nécessaires pour sauvegarder la qualité de la marchandise ou le service de la clientèle; est réservée l'application des lettres a à c en matière de prix imposés.

3 Ne sont pas justifiées par des intérêts légitimes les mesures qui visent uniquement à écarter de nouveaux concurrents.

Art. 8 Actions et qualité pour agir 1 Celui qui est atteint ou menacé dans ses intérêts par une entrave illicite à la concurrence peut demander: a. La constatation de Pillicéité de la mesure ; b. La suppression de l'état de choses illicite ; c. La cessation de la mesure; d. La réparation du dommage en cas de faute; e. La réparation du tort moral dans les cas visés par l'article 49 du code des obligations1^.

2 Les actions en constatation de l'illicéité, en suppression de l'état de choses illicite et en cessation de la mesure peuvent aussi être intentées par: a. Les associations professionnelles ou économiques que leurs statuts autorisent à défendre les intérêts matériels de leurs membres, lorsque ces derniers ou des membres des sections affiliées ont qualité pour agir; b. Les organisations d'importance nationale ou régionale qui se vouent conformément à leurs statuts à la protection des consommateurs.

Art. 9 Exercice des actions en suppression et en cessation 1 Pour assurer la suppression de l'état de choses illicite ou la cessation de la mesure, le juge peut, à la requête du demandeur, décider que: a. Les engagements des membres d'un cartel sont sans effet à l'égard de celui qui subit l'entrave à la concurrence; b. Le demandeur doit pouvoir adhérer au cartel, avec les droits et obligations qui en découlent, ou être admis dans l'association ; « RS 220 1333

Loi sur les cartels c. La centrale d'achat ou de vente d'un cartel ou les entreprises qui constituent une organisation analogue auront à conclure, avec celui qui a subi l'entrave à la concurrence, des contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche ; d. Des contrats sont nuls en tout ou en partie.

2 Si la partie qui a eu gain de cause le demande, le juge peut l'autoriser à faire publier le jugement aux frais de la partie adverse; il fixe le mode et l'étendue de la publication.

Art. 10

For

1

Les cantons désignent pour leur territoire un tribunal chargé de connaître en instance cantonale unique les actions intentées pour entrave illicite à la concurrence. Ce tribunal connaît également d'autres actions civiles lorsqu'elles sont intentées en même temps que l'action et qu'elles sont en connexité avec elle.

3 L'action peut être intentée : a. Contre un cartel doté de la personnalité: à son siège; b. Contre un cartel sans personnalité: dans le canton où il a son administration ou, à défaut, dans le canton où une entreprise affiliée a son siège; c. Contre une organisation analogue à un cartel: au siège d'une des entreprises qui y participe; d. En l'absence d'autre for en Suisse: au lieu où l'acte illicite a été commis ou produit ses effets.

Art. 11 Recours Le recours en réforme au Tribunal fédéral est recevable sans égard à la valeur litigieuse.

Art. 12

Sauvegarde des secrets d'affaires

1

Dans les contestations en matière d'entraves illicites à la concurrence, les secrets de fabrication ou d'affaires des parties seront sauvegardés.

3 La partie adverse ne pourra avoir accès aux moyens de preuve propres à révéler de tels secrets que dans la mesure compatible avec leur sauvegarde.

Art. 13 Mesures provisionnelles 1

A la requête d'une partie qui rend vraisemblable qu'elle est victime d'une entrave illicite à la concurrence, le juge peut, pour garantir les droits découlant de cette entrave, ordonner des mesures provisionnelles, telles que l'administration de preuves à futur ou la cessation des mesures attaquées.

1334

Loi sur les cartels 2

Les articles 9 à 12 de la loi sur la concurrence déloyale du 30 septembre 19431J relatifs aux mesures provisionnelles sont applicables par analogie.

Section 2: Engagements des membres d'un cartel Art. 14 Forme des engagements cartellaires 1 Les conventions et décisions créant des engagements cartellaires ne sont valables qu'en la forme écrite. Pour les décisions, un procès-verbal signé suffit.

a Celui qui adhère à un cartel n'est lié que par les engagements cartellaires qu'il reconnaît par écrit, 3 Les accords relatifs aux prix imposés assujettis à la loi, de même que les accords d'exclusivité et de distribution, ne nécessitent pas la forme écrite.

Art. 15 Libération d'engagements cartellaires 1 Celui qui, selon les règles de la bonne foi, ne peut plus respecter ses engagements cartellaires parce que sa situation s'est notablement détériorée ou pour un autre juste motif, peut demander au juge d'en être entièrement ou partiellement libéré. Le jugement retroagii au jour de l'introduction de la demande, à moins qu'exceptionnellement le juge n'en décide autrement.

3 Le juge ne peut ordonner la libération partielle que s'il appert que les autres engagements auraient été acceptés même en l'absence des clauses attaquées.

3 Si un membre d'une association entend se libérer de certains engagements cartellaires sans cesser d'être membre, le juge ne l'admettra que si l'on peut équitablement l'attendre de l'association.

4 Sont réservées toutes dispositions légales, statutaires ou conventionnelles qui régleraient la dénonciation ou la sortie dans un sens plus favorable au contractant ou sociétaire.

Art. 16 Conditions de sortie inadmissibles 1 Aucune indemnité ne peut être exigée de la personne dont les engagements cartellaires prennent fin ou qui sort d'une association visant principalement des fins semblables à celles des cartels.

2 La libération d'un engagement cartellaire ne doit pas être rendue difficile à l'excès par la manière dont le cartel règle les droits pécuniaires, ainsi que les délais de dénonciation ou d'autres conditions de sortie.

Art. 17 Inexécution d'engagements cartellaires 1 Les mesures destinées à faire respecter par la personne obligée un engagement cartellaire, ou à faire respecter, s'ils sont assujettis à la loi, des prix l

> RS 241

1335

Loi sur les cartels imposés ou des accords d'exclusivité ou de distribution, ne sont licites que si elles ne restreignent pas la libre concurrence d'une manière excessive par rapport au but visé ou du fait de la nature ou de la façon dont elles sont appliquées.

2 Si les mesures sont illicites, le lésé peut intenter les actions prévues par l'article 8.

3 Les articles 6 et 7 s'appliquent aux mesures auxquelles le lésé ne s'est pas soumis d'avance.

Art. 18 Juridiction arbitrale 1 Les conventions et décisions attribuant à une juridiction arbitrale la connaissance de contestations futures relatives à la naissance, à la validité ou à l'extinction d'engagements cartellaires ou à des mesures au sens de l'article 17, 1er alinéa, sont nulles lorsqu'elles ne donnent pas à chaque partie le droit, dans chaque cas, d'intenter action auprès du juge ordinaire ou d'exiger, dans les 30 jours qui suivent la notification de la demande, que la contestation soit tranchée non par le tribunal arbitral, mais par le juge ordinaire.

2 Lorsque, dans d'autres contestations, des droits visés au premier alinéa sont invoqués devant une juridiction arbitrale, celle-ci est compétente pour en connaître, à moins que la partie qui fait valoir ses droits ne saisisse le juge ordinaire dans les 30 jours.

3 Les 1er et 2e alinéas ne s'appliquent pas aux conventions et décisions auxquelles sont parties des personnes domiciliées à l'étranger s'il est prévu que les contestations seront portées devant un tribunal arbitral international.

Art, 19 Autres dispositions de procédure 1 Le for des contestations relatives aux mesures (art. 17, 1er al.) se détermine d'après l'article 10.

2 Les articles 12 et 13 concernant la sauvegarde de secrets d'affaires et les mesures provisionnelles s'appliquent aux contestations relatives à des engagements cartellaires.

Chapitre 3: Dispositions de droit administratif Section 1: Commission des cartels Art. 20 Organisation *Le Conseil fédéral crée une Commission des cartels, de onze à quinze membres, où sont représentés les sciences économique et juridique, les milieux économiques et les consommateurs. Un secrétariat est adjoint à la commission.

La commission édicté un règlement qui est soumis à l'approbation du Conseil fédéral.

1336

Loi sur les cartels 2

La commission, y compris son secrétariat, est indépendante des autorités administratives dans l'exercice de ses fonctions. Elle traite avec le Conseil fédéral par l'intermédiaire du Département fédéral de l'économie publique.

s La Confédération assume les frais de la commission et de son secrétariat.

4 La commission remet chaque année au Conseil fédéral un rapport sur son activité; ce rapport est publié.

Art. 21 Décisions 1 La commission délibère valablement lorsque la moitié au moins des membres sont présents.

2 Elle prend ses décisions à la majorité simple des membres présents; en cas d'égalité des voix, le président départage.

Art. 22 Récusation de membres de la commission 1 Lorsque la commission donne un avis (art. 27) ou qu'elle procède à des enquêtes (art. 29 et 35), tout membre de la commission doit se récuser: a. S'il a un intérêt personnel dans l'affaire; b. S'il représente un des intéressés ou si, dans la même affaire, il a été ou est son conseiller ou son expert; c. Si, pour d'autres raisons, il pourrait avoir une opinion préconçue.

2 En règle générale, un membre de la commission n'est pas censé avoir un intérêt personnel dans l'affaire ni donner lieu à un autre motif de récusation du fait qu'il représente une association faîtière dont relève un des intéressés.

3 Si la récusation est contestée, la commission statue en l'absence du membre en cause; sa décision est irrévocable.

Art. 23 Secret de fonction et secret d'affaires 1 Les membres de la commission sont liés par le secret de fonction.

a Le rapport d'activité et les autres rapports de la commission qui sont publiés ne doivent révéler aucun secret d'affaires.

Art. 24 Secrétariat 1 Le chef du secrétariat répond de la marche des affaires devant la commission.

La commission peut lui confier la présidence de sous-commissions.

2 Le secrétariat prépare les affaires de la commission. Il élabore notamment, en projet, les recommandations au Conseil fédéral (art. 25), les préavis à l'intention du Conseil fédéral (art. 26), les avis (art. 27), ainsi que les rapports d'enquête (art. 29 et 35). Il prépare en outre les décisions qui sont de la compétence de la commission.

1337

Loi sur les cartels 3

Le secrétariat mène, sous la surveillance du président, les enquêtes préalables (art. 28), rassemble et publie les jugements (art. 33) et établit l'état de fait (art.

45).

* Le secrétariat traite directement avec les intéressés.

5 Le Conseil fédéral décide de la position et du classement administratifs à donner au secrétariat.

Section 2: Tâches générales de la Commission des cartels Art. 25 Recommandations à l'intention du Conseil fédéral La Commission des cartels observe de façon suivie la politique en matière de concurrence. Elle peut soumettre au Conseil fédéral des recommandations à ce sujet.

Art. 26 Préavis à l'intention du Conseil fédéral 1 Les projets de lois fédérales, d'arrêtés fédéraux et d'ordonnances fédérales qui restreignent la libre concurrence ou l'influencent de quelque manière doivent être soumis à la Commission des cartels pour préavis.

a Dans les cas urgents, le président peut préaviser seul; il en informe aussitôt la commission.

3 Les conclusions de la commission, accompagnées de l'essentiel des motifs, doivent être reproduites dans les propositions soumises au Conseil fédéral, ainsi que dans les messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale.

Art. 27 Avis 1 La Commission des cartels établit, à l'intention de tribunaux et d'autorités administratives, des avis sur des questions de principe en matière de concurrence. Elle décide elle-même, sans appel, si la question posée présente ce caractère.

2 La commission donne son avis sur la base de l'exposé des faits que le mandant doit lui fournir.

8 Si le mandant est en mesure de reporter les frais sur les parties intéressées, la commission perçoit un émolument fixé par le Conseil fédéral dont le montant ne doit pas dépasser les frais.

Art. 28 Enquêtes préalables 1 Lorsqu'une limitation présumée de la concurrence est signalée à la Commission des cartels, le secrétariat élucide les faits sous la surveillance du président.

2 Le président et le secrétariat peuvent tenter un arrangement à l'amiable entre les parties.

1338

Loi sur les cartels 3

Si le différend concerne toute une branche et s'il met en cause des intérêts publics, l'affaire est soumise à la commission avec un rapport et des propositions. La commission décide s'il y a lieu d'ouvrir une enquête.

4 S'il ne s'agit que d'un cas particulier sans répercussions sur toute une branche, le secrétariat renvoie le plaignant au juge civil.

5 Le secrétariat informe par écrit la commission de toutes les enquêtes préalables qu'il a liquidées directement.

Art. 29 Enquêtes 1 La Commission des cartels recherche, à la demande du Département fédéral de l'économie publique ou de sa propre initiative, si un cartel ou une organisation analogue a des effets nuisibles d'ordre économique ou social.

2 Les effets peuvent être qualifiés de nuisibles du point de vue économique et social avant tout lorsque la concurrence efficace sur le marché de certains biens ou services est empêchée ou entravée notablement, à moins que ces effets ou d'autres conséquences nuisibles puissent se justifier par des motifs prépondérants qui relèvent de l'intérêt général.

3 Dans son appréciation des effets, la commission tient compte en particulier des intérêts des consommateurs.

Art. 30 Procédure d'enquête 1 La commission invite les personnes qui peuvent l'aider à établir les faits à lui fournir tous renseignements et pièces utiles. Elle peut faire appel à des experts, 2 Si les faits ne peuvent être établis de cette manière, la commission entendra comme témoins les intéressés et les tiers et exigera qu'ils produisent les pièces nécessaires. Les articles 15 à 19 de la loi fédérale sur la procédure administrative1) sont applicables par analogie.

3 La commission ordonne l'administration des preuves par la voie d'une décision incidente.

4 Avant de clore la procédure, la commission donne l'occasion aux intéressés de s'exprimer sur les constatations de fait du rapport. Les intéressés ont le devoir de tenir le rapport secret jusqu'à sa publication officielle.

Art. 31 Recommandations aux intéressés 1 Lorsque la commission constate qvi'un cartel ou une organisation analogue a des effets nuisibles d'ordre économique ou social, elle recommande aux intéressés de modifier ou d'annuler certaines clauses cartellaires ou certaines conventions tombant sous le coup de la loi, îte renoncer à certains comportements sur le marché ou d'annuler une fusion d'entreprises selon la procédure prévue aux articles 34 et 35.

« RS 172.021

1339

Loi sur les cartels a

Dans le délai qui leur aura été fixé, les intéressés déclareront par écrit s'ils acceptent la recommandation.

3 Si, par la suite, la .situation de fait vient à changer substantiellement, la commission peut, de son chef ou à la requête des intéressés, révoquer la recommandation ou la modifier.

Art. 32 Rapport au Département fédéral de l'économie publique 1 Une fois la procédure terminée, la commission remet au Département fédéral de l'économie publique un rapport et des propositions.

2 Si le département estime qu'une enquête complémentaire est nécessaire, il en charge la commission.

3 Le département décide s'il y a lieu de rendre publics les résultats de l'enquête.

Art. 33 Publication des jugements 1 Les tribunaux doivent transmettre au secrétariat de la commission, sans en être requis, une version complète des jugements qu'ils ont rendus en vertu de la loi.

a Le secrétariat rassemble ces jugements et les publie périodiquement.

Section 3: Fusions d'entreprises Art. 34 Devoir d'annoncer 1 Les fusions d'entreprises doivent être annoncées sans retard et par écrit à la Commission des cartels lorsque les entreprises engagées, prises dans leur ensemble: a. Emploient plus de 1000 salariés ou b. Réalisent un chiffre d'affaires annuel de plus de 100 millions de francs ou c. Atteignent une part du marché dépassant 30 pour cent.

2 Est réputée fusion toute réunion d'entreprises telle que la fusion au sens strict, l'intégration dans une société holding ou l'acquisition de participations procurant une influence déterminante au sein d'un groupe.

3 Si le devoir d'annoncer est contesté, la commission statue par une décision.

4 Le devoir de renseigner (art. 36) demeure réservé.

Art. 35 Enquête t 1 La Commission des cartels décide d'ouvrir urie enquête (art. 29 ss) si. la fusion a pour effet de créer ou de renforcer une position qui influence le marché de manière déterminante (art. 4, 1er al.), et s'il y a en outre des indices d'effets nuisibles d'ordre économique ou social.

1340

Loi sur les cartels 2

Si ces conditions sont remplies, la Commission des cartels peut aussi enquêter sur des fusions qui ne sont pas soumises au devoir d'annoncer.

Section 4: Devoir de renseigner et de coopérer Art. 36

Devoir de renseigner

1

A la requête de la Commission des cartels ou du secrétariat, les cartels et leurs membres, ainsi que les tiers concernés sont tenus de fournir tous renseignements et de produire toutes pièces propres à permettre à la commission d'apprécier l'état de la concurrence, la position sur le marché, les concentrations d'entreprises et la formation des prix.

3 Le même devoir incombe aux organisations analogues, aux parties à des accords (art. 3 et 5), ainsi qu'aux tiers concernés.

s Si le devoir de renseigner est contesté, la commission statue par décision.

Art. 37

Devoir de coopérer

La Commission des cartels peut inviter les services compétents de la Confédération et des organisations économiques à coopérer aux recherches de la commission et à mettre à sa disposition les pièces nécessaires.

Section 5: Mesures en cas de refus de recommandations Art. 38

Pouvoir de décision

Lorsque les intéressés n'acceptent pas des recommandations au sens de l'article 31, 1er alinéa, ou de l'article 46, 1er alinéa, le Département fédéral de l'économie publique peut, sur proposition de la Commission des cartels, rendre, dans les trois mois à compter de la réception du refus, une décision ordonnant les mesures nécessaires. Il entend auparavant les intéressés.

Section 6: Protection juridique Art. 39

Recours contre les décisions de la Commission des cartels

1

Les décisions rendues par la Commission des cartels (art. 34, 3e al., et art. 36, 3 al.) peuvent être déférées au Tribunal fédéral dans les 30 jours par un recours de droit administratif.

e

3

La décision incidente rendue par la Commission des cartels (art. 30, 3e al.), peut être déférée au Tribunal fédéral dans les 10 jours par un recours de droit administratif.

1341

Loi sur les cartels Art. 40

Recours contre les décisions du Département fédéral de l'économie publique Les décisions rendues par le Département fédéral de l'économie publique (art.

38) peuvent être déférées au Tribunal fédéral dans les 30 jours par un recours de droit administratif.

Art. 41 Procédure Les dispositions générales sur la procédure administrative fédérale sont applicables.

Section 7: Dispositions pénales Art. 42 Inobservation de recommandations et de décisions administratives 1 Celui qui, intentionnellement, ne se sera pas conformé à une recommandation de la Commission des cartels (art. 31, 1er al. et art. 46, 1er al.), qu'il a acceptée; celui qui, intentionnellement, ne se sera pas conformé à une décision passée en force du Département fédéral de l'économie publique ou à un arrêt du Tribunal fédéral statuant sur recours de droit administratif en matière de cartels, sera puni d'une amende jusqu'à concurrence de 100 000 francs.

2 Si l'auteur a agi par négligence, la peine sera l'amende jusqu'à concurrence de 20 000 francs.

Art. 43 Autres infractions 1 Celui qui, intentionnellement, a. Ne se sera pas, malgré une mise en demeure de la commission ou du secrétariat, acquitté du devoir de renseigner ou de produire des pièces (art.

36), b. N'aura pas, malgré une mise en demeure de la commission, satisfait au devoir d'annoncer (art. 34, 1er al.), c. Aura violé le devoir du secret (art. 30, 4e al,), sera puni d'une amende jusqu'à concurrence de 20 000 francs.

2 Si l'auteur a agi par négligence, la peine sera l'amende jusqu'à concurrence de 5000 francs.

Art. 44 Application du droit pénal administratif et poursuite pénale 1 Les dispositions de la loi fédérale sur le droit pénal administratif1' s'appliquent à la poursuite et au jugement des infractions (art. 42 et 43).

« RS 313.0

1342

Loi sur les cartels 2 L'autorité de poursuite et de jugement est le Département fédéral de l'économie publique.

3 La poursuite pénale se prescrit par 5 ans. L'interruption de ce délai ne saurait le prolonger de plus de-la moitié de sa durée.

Chapitre 4: Exécution d'accords internationaux Art. 45 Constatation des faits .1 Lorsqu'une partie à un accord international prétend que des ententes ou des pratiques visant à restreindre la concurrence sont incompatibles avec l'accord, le Département fédéral de l'économie publique peut charger le secrétariat de la Commission des cartels d'établir les faits.

2 Sur la base des faits établis, le Département fédéral de l'économie publique, après avoir entendu les intéressés, décide, sur proposition de la Commission des cartels, de la suite à donner à l'affaire.

3 Les articles 36, 37 et 43 sont applicables.

Art. 46 Suppression des incompatibilités 1 Si, au cours de la procédure d'exécution d'un accord international, on constate que certaines ententes ou pratiques sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l'accord, le Département fédéral de l'économie publique peut, après avoir entendu le Département fédéral des affaires étrangères, inviter la Commission des cartels à recommander aux intéressés de renoncer à ces ententes ou de les modifier, ou de cesser ces pratiques.

3 La commission entend les intéressés avant d'édicter ses recommandations.

3 Les articles 38, 40 et 42 sont applicables. Dans la procédure de recours, le seul grief que le recourant peut faire valoir est que les mesures ordonnées par le Département fédéral de l'économie publique ne sont pas proportionnées à la suppression de l'incompatibilité.

Chapitre 5: Dispositions finales Art. 47 Réserve d'autres lois 1 Sauf disposition contraire de la loi, le code civil1), notamment le droit des obligations2^, s'applique aux cartels et aux organisations analogues.

a Sont en outre réservées : a. Les dispositions fédérales sur la concurrence déloyale3', b. Les prescriptions de droit public qui dérogent à la présente loi, en tant qu'elles établissent un régime de marché ou de prix de caractère étatique.

» RS 210 2 > RS 220 3) RS 24 1343

Loi sur les cartels 3

La présente loi ne s'applique pas aux effets sur la concurrence découlant exclusivement des droits conférés par la législation sur la protection industrielle1) et le droit d'auteur2>.

Art. 48 Abrogation du droit en vigueur 1. La loi fédérale sur l'organisation judiciaire3) est modifiée comme il suit:

Art. 116, let. i Abrogée 2. La loi fédérale du 20 décembre 19624> sur les cartels et organisations analogues est abrogée.

Art. 49 Référendum et entrée en vigueur 1 La présente loi est soumise au référendum facultatif.

2 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

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RS 232 RS 231 RS 173.110 RO 1964 49

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Message à l'appui d'une loi fédérale sur les cartels et organisations analogues (LCart) du 13 mai 1981

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Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1981

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

35

Cahier Numero Geschäftsnummer

81.031

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

08.09.1981

Date Data Seite

1244-1344

Page Pagina Ref. No

10 103 169

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