Application et effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers Rapport de la Commission de gestion du Conseil national sur la base d'une évaluation effectuée par le Contrôle parlementaire de l'administration du 24 août 2005

2005-2254

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Condensé Les modalités d'application des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers varient considérablement d'un canton à l'autre. C'est ainsi que la mesure principale, à savoir la détention en vue de l'expulsion, n'est appliquée que très rarement dans le canton de Genève, qui privilégie le conseil en vue de retour et les départs volontaires. A Zurich, en revanche, la détention en vue de l'expulsion est appliquée de manière ciblée et soutenue. Le caractère fédéraliste de l'exécution dans ce domaine est en outre source de problèmes de coordination dans l'organisation des retours et entraîne un contrôle défaillant. Telles sont certaines des constatations faites par la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) sur la base d'une évaluation menée par le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. La CdG-N estime qu'après une phase d'expérimentation de dix ans dans ce domaine, il convient à présent de passer à une phase d'harmonisation. Elle demande donc au Conseil fédéral de chercher, de concert avec les cantons, à institutionnaliser une coordination et une coopération régulières en matière de renvoi des requérants d'asile déboutés et des étrangers en situation irrégulière (par exemple dans le cadre d'une conférence régulière sur les questions d'asile et de migration). Par ailleurs, pour pouvoir tirer des conclusions d'ordre qualitatif sur l'efficacité des instruments d'exécution mis en oeuvre, les autorités et les responsables politiques doivent pouvoir disposer de données chiffrées à la fois complètes et comparables, ce qui n'est pas le cas actuellement. Aussi la CdG-N demande-t-elle au Conseil fédéral d'agir pour que les cantons harmonisent leurs méthodes de relevé des données afin de permettre une véritable comparaison.

Concernant l'impact des mesures de contrainte, l'étude du CPA a démontré que le taux de renvoi de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation irrégulière dans les cinq cantons examinés était, à l'issue d'une détention en vue de l'expulsion, de 84%, la proportion étant cependant nettement plus élevée dans le domaine relevant de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers que dans celui de l'asile.

La comparaison entre les cinq cantons pratiquant une politique différente
en matière d'expulsions a montré par ailleurs que le conseil en vue de retour et l'accompagnement sous escorte policière du lieu de domicile à l'aéroport le jour du départ avaient eux aussi leur efficacité. En examinant la diversité des données résultant de l'étude, la CdG-N conclut que l'exécution en matière de renvoi repose sur un ensemble d'interactions complexe et requiert à ce titre une analyse plus approfondie en vue d'une mise en oeuvre des outils d'exécution qui soit au plus près des besoins. On notera d'ailleurs à cet égard que les mesures de contrainte ne constituent qu'un élément parmi d'autres dans l'exécution des renvois ­ un élément qui, mis en oeuvre de manière adéquate, a démontré son efficacité.

Les taux de renvoi les plus élevés à l'issue d'une détention en vue de l'expulsion concernent les cas où la détention était de durée relativement courte. Inversement, plus la durée de détention augmente, plus ces taux accusent une baisse nette.

L'étude a ainsi démontré que c'est généralement au cours des trois premiers mois qu'un détenu se décidait à coopérer pour l'établissement de son identité, l'obtention

2516

de ses papiers et l'organisation de son voyage de retour. A cet égard, certains cantons demandent que les étrangers refusant obstinément de quitter la Suisse puissent faire l'objet d'une détention en vue de l'expulsion excédant les neuf mois au plus actuellement prévus par la loi: ils espèrent que cette prolongation aura un effet psychologique dissuasif et que les détenus seront davantage disposés, dès le début de leur détention, à coopérer. De fait, l'étude ne permet pas de déterminer avec certitude si une prolongation de la détention en vue de l'expulsion exercerait réellement une influence sur la volonté de l'étranger de quitter la Suisse; en effet, une analyse de l'impact de certains facteurs liés à la détention ­ comme sa durée ­ sur la motivation des personnes concernées à coopérer et à quitter le pays n'a, entre autres, pas été effectuée. En tout état de cause, la réponse dépend finalement du législateur, qui sera appelé à prendre une décision politique dans le cadre de la révision actuelle de la loi sur l'asile. A cet égard, se fondant sur les auditions qu'elle a menées et sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, la CdG-N attire l'attention des commissions chargées de l'examen préalable sur la nécessité de déterminer si la prolongation de la détention en vue du refoulement ne revêtirait pas plutôt le caractère d'une détention pour insoumission, ce qui serait contraire à l'esprit de la disposition concernée.

La CdG-N conclut également que le nombre parfois très élevé de dossiers en suspens dans certains cantons constitue un problème réel qu'il y a lieu de résoudre d'entente avec les autorités cantonales. La CdG-N recommande au Conseil fédéral de se pencher sur ce problème et d'en déterminer les causes, avant d'envisager des mesures susceptibles d'y remédier.

L'étude commandée par le CPA sur la délinquance a démontré que dans les cantons de Zurich et de Genève, un tiers environ des requérants d'asile étaient inscrits dans les registres de la police pendant la période couverte par l'étude (soit en 2001 et 2002), dont 12 % pour des délits liés aux stupéfiants (essentiellement pour trafic).

Mais l'étude a également démontré simultanément que les mesures de contrainte en général, et les mesures d'assignation et d'exclusion en particulier, exerçaient un effet favorable sur la délinquance des
requérants d'asile. Le taux de délinquance élevé ­ par rapport à la population résidente suisse ­ des requérants d'asile, surtout pendant les douze premiers mois de leur séjour en Suisse, laisse supposer qu'un certain nombre de personnes demandent l'asile uniquement pour obtenir la possibilité de séjourner en Suisse pendant la procédure et profiter ainsi de leur statut de requérant pour se livrer à des actes délictueux («délinquance mobile»). La CdG-N considère qu'il convient de rechercher les moyens permettant de rendre le statut de requérant d'asile moins attrayant pour ceux qui l'utilisent uniquement comme prétexte pour séjourner sur le territoire suisse, sans pour autant léser les requérants d'asile qui sont en quête de protection et qui font preuve de dispositions d'esprit positives. Aussi la CdG-N propose-t-elle aux commissions compétentes chargées de l'examen préalable d'examiner, dans le cadre de la révision en cours de la législation en matière d'étrangers et d'asile, la possibilité d'instaurer des périmètres d'assignation ou d'exclusion limités au cours des 3 à 6 premiers mois de la procédure d'asile.

2517

Table des matières Aperçu

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Abréviations

2519

1 Introduction 1.1 Contexte 1.2 Mandat et objectif de l'inspection 1.3 Délimitation du champ d'étude 1.4 Démarche

2520 2520 2520 2521 2522

2 Application et effet des mesures de contrainte dans le droit des étrangers: domaines choisis 2523 2.1 Application des mesures de contrainte dans les cantons 2523 2.1.1 Constat 2523 2.1.1.1 La détention en vue de l'expulsion 2523 2.1.1.2 Détention de phase préparatoire, périmètres d'assignation et d'exclusion 2523 2.1.1.3 Collaboration intercantonale 2524 2.1.1.4 Pratiques de signalement dans le RIPOL 2525 2.1.1.5 Inégalité dans l'application du droit dans les cantons 2526 2.1.2 Evaluation et conclusions 2527 2.1.2.1 Coordination et coopération 2527 2.1.2.2 Relevé de données comparables 2527 2.1.2.3 Uniformisation de la pratique de signalement 2528 2.1.2.4 Harmonisation de l'application du droit 2529 2.2 Effet des mesures de contrainte 2530 2.2.1 Constat 2530 2.2.2 Evaluation et conclusions 2531 2.3 Coût de la détention en vue de l'expulsion 2533 2.3.1 Constat 2533 2.3.2 Evaluation et conclusions 2534 2.4 La délinquance parmi les requérants d'asile 2535 2.4.1 Constat 2535 2.4.2 Evaluation et conclusions 2535 2.5 Collaboration entre la Confédération et les cantons 2536 2.5.1 Constat 2536 2.5.2 Evaluation et conclusions 2537 3 Suite de la procédure

2537

Annexe 1: Personnes entendues ou interrogées

2538

Annexe 2: Evaluation des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers.

Rapport final du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national 2539 2518

Abréviations ATF art.

CCDJP CdG-N CEDH cf.

ChF CIP CPA CPR DFJP etc.

fedpol FF LAsi let.

LSEE ODM ODR OJ ONG p. ex.

PAB 03 RCE RIPOL RO RS

Arrêt du Tribunal fédéral article Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police Commission de gestion du Conseil national Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales RS 0.101 confer Chancellerie fédérale Commissions des institutions politiques Contrôle parlementaire de l'administration Système de «controlling de la procédure et de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile» Département fédéral de justice et police et cetera Office fédéral de la police Feuille fédérale Loi fédérale du 5 octobre 79 sur l'asile, RS 142.31 lettre Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), RS 142.20 Office fédéral des migrations Office fédéral des réfugiés (jusqu'au 31 décembre 2004) Loi fédérale d'organisation judiciaire Organisation non gouvernementale par exemple Programme d'allégement budgétaire 2003 Registre central des étrangers Système de recherches informatisées de police Recueil officiel des lois fédérales Recueil systématique du droit fédéral

2519

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Les mesures de contrainte dans le droit des étrangers sont entrées en vigueur le 1er février 1995. Elles sont réglées dans la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE)1, acceptée par le souverain lors du scrutin référendaire du 4 décembre 1994. De plus, en raison de l'introduction de ces mesures de contrainte, il a été nécessaire de compléter la loi sur l'asile2.

Ces dispositions légales visent, d'une part, à renforcer l'exécution des renvois des requérants d'asile déboutés et des étrangers en situation irrégulière; d'autre part, elles ont pour but de prévenir les abus graves dans le domaine du droit d'asile ainsi que la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière3.

Ces mesures comportent pour l'essentiel les instruments suivants: la détention de phase préparatoire, la détention en vue du refoulement et les périmètres d'assignation et d'exclusion. La mesure à la fois la plus importante et la plus contestée est la détention en vue du refoulement qui peut être prononcée pour une durée maximale de neuf mois. Elle peut être ordonnée notamment dans les cas où des indices concrets font craindre qu'une personne entende se soustraire à son refoulement.

Au cours des dix dernières années, les mesures de contrainte sont devenues, pour un certain nombre d'autorités cantonales responsables des questions de migration, un important instrument largement utilisé comme mesure d'exécution des renvois. La détention en vue du refoulement est la mesure la plus fréquemment appliquée, comme le fait ressortir un sondage de l'Office fédéral des migrations (ODM)4 sur l'application des mesures de contrainte en 2001.

La législation en matière d'étrangers et d'asile est actuellement en révision et sera vraisemblablement adoptée au cours de 2006. Un durcissement des dispositions légales fait actuellement l'objet d'une procédure d'élimination des divergences entre les conseils.

1.2

Mandat et objectif de l'inspection

On disposait jusqu'ici de peu d'informations sur l'application et l'efficacité des mesures de contrainte dans les différents cantons du fait qu'il n'existait guère de résultats d'études solides. Afin de créer davantage de transparence dans ce domaine et, parallèlement, d'obtenir des informations plus fiables pour nourrir le débat politique en cours, les Commissions de gestion (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), le 23 janvier 2004, de mener une enquête sur les mesures de contrainte dans le droit des étrangers. Après la mise au point par le CPA 1 2 3 4

Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, RS 142.20.

Loi fédérale du 5 octobre 1979 sur l'asile, LAsi (RO 1980 1718).

Cf. Message à l'appui d'une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, du 22 décembre 1993, FF 1994 I 301.

Anciennement Office fédéral des réfugiés (ODR).

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d'une esquisse de projet, la sous-commission DFJP/ChF du Conseil national (CdG-N)5 a décidé, le 22 mars 2004, de mener l'étude dans deux directions: il s'agissait d'une part d'examiner la pratique des cantons en matière d'application des mesures de contrainte et les améliorations qu'elles ont apportées dans l'exécution des renvois; d'autre part, il convenait d'étudier l'efficacité de ces mesures du point de vue de leur impact sur la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière. La sous-commission a orienté son enquête autour des quatre questions suivantes: 1.

Quelles sont les mesures de contrainte appliquées par différents cantons et comment ces mesures ont-elles été appliquées? Existe-t-il des différences marquées d'un canton à l'autre?

2.

Quelles ont été les ressources engagées en termes financiers et de personnel?

Comment évaluer les mesures de contrainte sous l'angle du rapport coût/ avantage?

3.

Les mesures, notamment la détention en vue du refoulement, ont-elles permis l'amélioration voulue de l'exécution des renvois? S'accompagnent-elles d'effets secondaires indésirables?

4.

Les mesures ont-elles l'effet voulu sur la diminution de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière? S'accompagnentelles d'effets secondaires indésirables?

1.3

Délimitation du champ d'étude

L'objet de l'étude se limite à l'exécution des mesures de contrainte. La recherche se concentre plus précisément sur l'application et l'efficacité de la détention en vue du refoulement car il s'agit de la mesure la plus fréquemment ordonnée. Il serait certes souhaitable d'effectuer une analyse de ces mesures et de leurs effets dans la perspective plus générale de la politique de migration, mais le manque de données fiables et les contraintes de calendrier empêchent la réalisation d'une étude plus poussée dans ce sens. De même, il a fallu renoncer faute de temps à intégrer dans l'inspection la question du respect des droits de l'homme. Au cours d'une procédure de sélection en plusieurs étapes, le CPA a ciblé son choix sur cinq cantons. Comme il n'existe pas de données détaillées valables pour l'ensemble des cantons, les conclusions quant à la représentativité ­ au sens strict ­ des cinq cantons sélectionnés ne peuvent être que succinctes et limitées; les résultats n'en sont pas moins riches d'enseignements pour les cantons qui n'ont pas été soumis à l'étude car le CPA a délibérément pris en considération des profils cantonaux très différents. Ainsi, il a veillé à représentation de cantons ayant des pratiques divergentes en matière de détention en vue de l'expulsion (fréquence et durée); l'ODM a livré des indices à ce sujet. La représentativité linguistique et culturelle, est garantie par la présence de cantons de Suisse alémanique et de Suisse romande. La période concerné par l'étude va de 2001 à 2003. Une remarque s'impose toutefois suite à l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur le programme d'allégement budgétaire (PAB 03) au 1er avril 2004: de nouvelles 5

Composition de la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N: Mme Lucrezia MeierSchatz, (présidente), Mmes et MM. Max Binder, Toni Brunner, André Daguet, Dominique de Buman, Jean-Paul Glasson, Walter Glur, Josy Gyr, Brigitte Häberli-Koller, Claude Janiak, Geri Müller et Kurt Wasserfallen.

2521

mesures ont été introduites, qui ont peut-être modifié la situation entre-temps6 (par exemple la détention en vue de l'expulsion en cas de refus de coopérer à l'obtention de papiers ou en cas de non-entrée en matière sur des demandes d'asile). L'étude du CPA ne tient pas compte des possibles effets de ces nouvelles mesures.

1.4

Démarche

Une fois que la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N eut défini les axes prioritaires de l'étude, le CPA a sélectionné cinq cantons selon différents critères pour examiner la manière dont ceux-ci ont recouru aux mesures de contrainte pendant la période s'étendant de 2001 à 2003. Il s'agit des cantons de Bâle-Campagne (BL), de Genève (GE), de Schaffhouse (SH), du Valais (VS) et de Zurich (ZH). Les relevés statistiques et l'évaluation ont été confiés à M. Thomas Widmer (Institut des sciences politiques, Université de Zurich). Afin de pouvoir interpréter correctement les données quantitatives et, d'inclure dans son analyse de nouveaux éléments, le CPA a interrogé des experts des offices responsables des migrations, des tribunaux et des autorités de police compétentes. Outre des représentants d'ONG qui s'occupent de questions liées aux étrangers et aux réfugiés, un juriste et un aumônier des prisons ont également été interviewés. Quant aux questions concernant la délinquance des étrangers en situation irrégulière, le CPA a chargé M. le professeur Martin Killias (Institut de criminologie et de droit pénal, Université de Lausanne) de les analyser.

Le rapport final du CPA a été présenté à la CdG-N le 15 mars 2005. Après en avoir pris connaissance, la sous-commission DFJP/ChF a procédé à de nouvelles entrevues, le 31 mars 2005, en convoquant des représentants de l'ODM et des offices des migrations cantonaux de Zurich, Genève et St-Gall, ainsi que le Professeur Martin Killias.7 Le 7 avril 2005, la CdG-N a publié le rapport du CPA et l'a présenté aux parlementaires actuellement saisis de la révision de la loi sur l'asile.

Le présent rapport, adopté par la CdG-N le 24 août 2005, se fonde sur le rapport final du CPA et le recueil de données qui l'accompagne (y compris, à l'annexe 4, le rapport du professeur Killias) en date du 15 mars 2005. Il contient les conclusions et recommandations de la CdG-N. Les explications et commentaires du rapport final du CPA ne seront repris que dans le mesure où ils sont nécessaires à la bonne compréhension des évaluations et des conclusions de la CdG-N. Le lecteur se reportera au rapport final du CPA et aux données recueillies pour toute information plus détaillée.

6 7

Loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le programme d'allégement budgétaire 2003, RO 2004 1633.

Une liste des personnes entendues ou interrogées se trouve à l'annexe 1.

2522

2

Application et effet des mesures de contrainte dans le droit des étrangers: domaines choisis

2.1

Application des mesures de contrainte dans les cantons

2.1.1

Constat

L'étude approfondie du CPA montre que les cinq cantons sélectionnés appliquent les mesures de contrainte de manière différenciée. Ces variations découlent pour une bonne part de la formulation potestative de la LSEE qui laisse aux cantons la liberté d'appliquer ou non les mesures de contrainte.

2.1.1.1

La détention en vue de l'expulsion

L'étude fait ressortir de grandes différences dans l'application de la détention en vue de l'expulsion, la mesure de contrainte la plus souvent appliquée et donc la plus importante. Alors que le canton de GE applique très rarement cette mesure, les cantons de BL, VS et ZH y recourent de manière régulière et soutenue. Des différences importantes apparaissent au niveau de la fréquence de la mesure, des motifs conduisant à la détention, des catégories d'étrangers concernés, de la durée de la détention ainsi que de l'issue de la détention.

Ces divergences, parfois notables, sont notamment dues au fait que les services cantonaux des migrations appliquent les mesures de contrainte de manière différente. Dans le canton de GE, l'accent est mis sur les conseils en vue de retour et sur les départs volontaires; la détention en vue de l'expulsion est considérée comme un moyen ultime. Dans le canton de ZH, par contre, la détention en vue de l'expulsion est ordonnée de manière ciblée et soutenue. Certains cantons espèrent que le recours systématique à cet instrument aura un effet dissuasif; ils plaident donc en faveur de la prolongation de la détention en vue de l'expulsion dans l'espoir de bénéficier d'une meilleure coopération du requérant en vue de l'établissement de son identité et de l'obtention de ses documents.

Dans les cantons de SH et ZH, une détention de courte durée ­ jusqu'à quatre jours ­ est fréquemment ordonnée (respectivement 62 % et 68 % pendant la période sous revue). Le nombre de cas était très élevé à Zurich (3926 personnes). Sont mises en détention pour de courtes périodes les personnes qui doivent très prochainement quitter le pays et pour qui les documents pour le voyager de retour sont prêts: la détention doit empêcher ces personnes de passer dans la clandestinité à la dernière minute. Pour sa part, le canton de GE, qui renonce pratiquement à recourir à la détention en vue de l'expulsion, organise le départ de ces personnes en les faisant escorter par la police, le jour du renvoi, de leur lieu de domicile à l'avion.

2.1.1.2

Détention de phase préparatoire, périmètres d'assignation et d'exclusion

La détention de phase préparatoire, qui peut être ordonnée pendant la préparation de la décision sur le droit de séjour de l'étranger afin d'assurer l'exécution de la procédure de renvoi, n'est utilisée que rarement, voire pas du tout par les cantons exami2523

nés dans l'étude du CPA. La base de données de l'étude, qui fait état de seulement 58 détentions, contient trop peu d'éléments pour que des conclusions puissent être tirées sur les effets de cet instrument. Il semble d'ailleurs que le nombre de cas où cette détention peut être ordonnée est très faible. Il n'en reste pas moins que les autorités cantonales estiment cette mesure judicieuse surtout dans la lutte contre la petite délinquance. Dans ces cas, une mesure d'assignation ou d'exclusion est souvent ordonnée. Si elle n'est pas respectée, une mise en détention de phase préparatoire est prononcée. Selon les autorités cantonales, les mesures d'assignation et d'exclusion ne seraient pas efficaces si elles ne s'accompagnaient de la menace d'une telle détention.

En se voyant ordonner des périmètres d'assignation et d'exclusion, l'étranger qui ne possède pas d'autorisation de séjour est frappé de l'interdiction de quitter un certain secteur ou d'y pénétrer. Cette mesure sert surtout à la lutte contre le trafic de drogue.

L'étude du professeur Killias a pu, à cet égard, prouver que cet instrument pouvait déployer des effets réels (cf. ch. 2.4).

2.1.1.3

Collaboration intercantonale

La collaboration des cantons en matière d'exécution des mesures de contrainte se déroule essentiellement à un niveau régional. Certains cantons collaborent entre eux, d'autres non. Un échange d'idées entre cantons au niveau de toute la Suisse n'a lieu qu'une fois par an dans le cadre de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). Les entretiens avec les autorités cantonales ont fait ressortir que le besoin d'une collaboration intercantonale accrue était manifestement minime; il apparaît que les cantons ne voient aucun problème à ce que l'application des mesures de contrainte varie selon les cantons; ils considèrent en effet que ces différences résultent des particularités de chaque canton telles que leur taille, leur constellation politique, leurs ressources financières et en personnel ou leurs priorités. Un des cantons appliquant les mesures de manière soutenue a cependant fait valoir que les efforts déployés par ceux qui respectent strictement la loi sont sapés par les quelques cantons qui ne le font pas: il estime donc nécessaire que les cantons se concertent dans leur manière d'exécuter les mesures en question. L'ODM souhaite la mise en place d'une harmonisation dans le but de faciliter l'aide à l'exécution; les cantons faisant ainsi «front uni», l'ODM pourrait intervenir au nom de la Suisse auprès des Etats d'origine des personnes appelées à être expulsées.

L'ODM estime qu'un problème est posé par les cantons qui, pour des raisons politiques, n'entendent pas exécuter les mesures de contrainte avec la rigueur voulue. La collaboration devient plus difficile du fait que les personnes ne sont pas gardées et que les expulsions ne sont pas mises à exécution.

Depuis 1999 un système de «controlling de la procédure et de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile» (CPR) a été mis en place sur mandat du DFJP et de la CCDJP. L'objectif de ce projet commun, soutenu par la Confédération et les cantons, est d'obtenir davantage de transparence en matière d'exécution de la procédure et des renvois afin de créer un instrument de planification et de conduite pour la Confédération et les cantons. A côté de ces données du système CPR, qui sont comparables, les autorités cantonales disposent aussi de données et d'évaluations propres qui ne sont pas établies sur la base des données du CPR et qui ne permettent donc pas de comparaisons. Les évaluations actuelles permettent de déterminer si un 2524

canton met en oeuvre le mandat d'exécution de l'ODM, mais elles ne fournissent aucune indication sur la pratique proprement dite des cantons. Les rapports semestriels dressés dans le cadre du CPR sont envoyés aux directeurs cantonaux de justice et de police ainsi qu'aux autorités cantonales responsables des étrangers et des migrations, et la CCDJP en prend acte sans y consacrer de discussion approfondie.

Les cantons ont refusé jusqu'à présent que soient publiées des statistiques sur les dossiers en suspens chez eux car ils craignent que la complexité de la matière ne soit source d'erreurs d'interprétation ou de malentendus.8 L'évaluation du CPA a par ailleurs montré clairement qu'il n'existait pas de données statistiques suffisantes dans le domaine des mesures de contrainte. Les informations chiffrées succinctes dont disposent les cantons sont hétéroclites et ne permettent des comparaisons que dans certaines limites. Ainsi, il n'existe aucune statistique au plan national sur les motifs de détention, la durée, le nombre de détentions ordonnées ou la catégorie de personnes concernées. L'ODM ne recueille pas ces données parce que c'est aux cantons qu'il revient d'ordonner les mesures de contrainte. Il est par conséquent difficile d'obtenir la transparence voulue en matière d'application et d'efficacité des mesures de contrainte.

2.1.1.4

Pratiques de signalement dans le RIPOL

Dans le secteur des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, le système de recherches informatisées de police (RIPOL) est utilisé aux fins d'identification du lieu de séjour, d'arrestation et de refoulement des requérants d'asile déboutés et des étrangers en situation irrégulière.9 Tout signalement dans ce registre favorise la rationalisation des opérations, l'échange d'informations et de données entre les autorités fédérales et cantonales ainsi que l'élaboration de statistiques. L'Office fédéral de la police (fedpol) coordonne les activités des autorités impliquées et garantit le fonctionnement du système. Il n'a cependant aucune compétence pour donner des instructions. Les autorités impliquées dans le RIPOL ­ p. ex. les autorités de police cantonales, l'office fédéral des migrations, l'office fédéral de justice ­ ont la possibilité, mais non l'obligation, d'entrer tout signalement dans le système.

L'étude de la délinquance parmi les requérants d'asile et des effets des mesures de contrainte a fait ressortir, parmi d'autres enseignements, que les cantons n'avaient pas de pratique homogène en matière de signalements dans le RIPOL. Dans le canton de ZH, 19 % des requérants d'asile ayant fait l'objet de l'enquête étaient inscrits au registre informatisé de police RIPOL pour la détermination du lieu de séjour, 12 % en vue de l'arrestation et 26 % en vue du refoulement. Dans le canton de GE, par contre, les pourcentages respectifs sont de 4 %, 2 % et 7 %. Le rapport du CPA ne fournit pas d'éléments expliquant pourquoi le nombre de signalements est bien plus élevé dans le canton de ZH (57 %) que dans le canton de GE (13 %).

8

9

Cf. également la réponse du Conseil fédéral du 24 décembre 2004 à la question Heberlein (04.1118), Publication et harmonisation des statistiques relatives à l'exécution des mesures en matière d'asile.

Cf. Ordonnance du 19 juin 1995 sur le système de recherches informatisées de police (Ordonnance RIPOL), RS 172.213.61.

2525

La sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N a repris cette question en demandant que des informations complémentaires lui soient fournies par l'Office fédéral de la police (fedpol) ­ qui pilote les opérations en relation avec le RIPOL ­ et par les cantons de GE, SG et ZH dont des représentants ont été entendus par la souscommission lors de sa séance du 31 mars 2005. Le fedpol a expliqué être conscient des différences dans la manière dont les cantons utilisent le registre: le recours au RIPOL varie selon les cantons et les domaines dont relève le signalement. Il a ensuite précisé, et les représentants des cantons l'ont confirmé, que non seulement chaque autorité de police adopte sa propre pratique en la matière, mais qu'il n'existe pas d'échange d'expériences entre eux. Le fedpol préconiserait une certaine uniformisation de la pratique, mais il doute que les cantons soient disposés à le faire. Les cantons invoquent souvent la précarité des ressources pour expliquer ces divergences. Aucune statistique n'existe sur ces variations. Les représentants des cantons de ZH et de SG affirment que leurs polices respectives utilisent le RIPOL de manière systématique; SG signale en principe tous les requérants d'asile qui sont passés dans la clandestinité; tous les renvois relevant de la LSEE figurent aussi. Les autorités du canton de ZH ne recourent au RIPOL que lorsque l'expulsion d'une personne passée dans la clandestinité peut être exécutée ou que, du moins, une chance d'expulsion existe. Les autorités genevoises ne signalent en premier lieu que les auteurs d'un délit. Elles ne signalent en vue de leur expulsion que les requérants d'asile déboutés passés dans la clandestinité et les étrangers en situation irrégulière vraisemblablement expulsables. Or, comme une grande part des requérants d'asile proviennent de pays africains et qu'un grand nombre d'entre eux ne possèdent pas de papiers, l'exécution de leur renvoi s'avère souvent très difficile. Dans ces cas, les autorités genevoises n'utilisent pas le RIPOL: c'est d'ailleurs là à leurs yeux la principale raison qui explique le nombre inférieur de signalements effectués par GE est par rapport à ZH. Les signalements aux fins de communiquer le lieu de séjour sont relativement rares à GE. Tous les représentants sont cependant d'accord pour estimer que le RIPOL est
un précieux instrument pour l'exécution des renvois. Mais il n'existe aucune information sur l'efficacité du registre. SG affirme que le succès du RIPOL dépend du bon fonctionnement des contrôles aux frontières. Même si tous les représentants cantonaux sont d'avis que chaque canton doit pouvoir recourir au RIPOL en fonction de ses propres besoins, ils estiment néanmoins qu'il serait judicieux et utile qu'une «unité de doctrine» s'instaure dans le processus de signalement.

2.1.1.5

Inégalité dans l'application du droit dans les cantons

S'agissant des différences dans la durée et dans les motifs de détention, les critères considérés sont d'une grande importance en vue du réexamen du dossier par le juge.

Selon les cantons, les juges n'utilisent pas de la même façon la marge d'interprétation prévue par la loi. Des différences apparaissent notamment dans l'évaluation de la probabilité qu'une expulsion pourra effectivement être mise en oeuvre. Dans le canton de GE, la possibilité d'un renvoi doit être pratiquement garantie pour qu'une prolongation de la détention au-delà de trois mois soit accordée. Les cantons de BL, VS et ZH, qui appliquent fréquemment la détention en vue de l'expulsion, considèrent également la possibilité d'un renvoi mais demandent une plus grande marge dans l'interprétation de ladite possibilité: c'est ainsi qu'une détention sera ordonnée, puis prolongée par l'autorité de révision, même pour les personnes dont le renvoi semble difficile (pour autant toutefois qu'il soit possible).

2526

2.1.2

Evaluation et conclusions

2.1.2.1

Coordination et coopération

Le fédéralisme en matière d'exécution dans le secteur des mesures de contrainte présente certainement des avantages par rapport à un système qui serait appliqué uniformément sur tout le territoire national. Il permet aux cantons de prendre des mesures politiques différenciées pour atteindre les mêmes objectifs, ce qui fournit un éventail d'expériences en vue d'une politique nationale: chaque canton peut beaucoup apprendre de l'autre et ainsi améliorer sa propre pratique. Or ce processus d'apprentissage passe par un échange d'idées et d'expériences. Dans le secteur des mesures de contrainte, la collaboration entre cantons n'a guère été institutionnalisée jusqu'ici. Il faudrait de plus que la phase expérimentale soit suivie d'une phase d'harmonisation au cours de laquelle les mesures politiques ayant le plus de chances d'aboutir soient reprises, au moins en partie, par tous les cantons. La politique individualiste des cantons en matière d'exécution débouche sur des difficultés de coordination dans l'organisation des départs des requérants d'asile et donc sur une perte de contrôle. C'est pourquoi la Confédération devrait exercer un rôle d'équilibrage plus accru, p. ex. par le biais du soutien en matière d'exécution effectué par l'ODM sur tout le territoire suisse.

Recommandation 1 La CdG-N prie le Conseil fédéral d'examiner, de concert avec les cantons, la possibilité d'institutionnaliser une coordination et une collaboration régulières (échange d'idées et d'expériences, p. ex. dans le cadre d'une conférence sur l'asile et les migrations) entre la Confédération et les cantons dans le domaine de l'exécution des renvois de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, afin d'harmoniser ladite exécution et de renforcer ainsi son efficacité.

2.1.2.2

Relevé de données comparables dans les cantons

L'échange d'idées et d'expériences entre les cantons n'est pas suffisant en soi car ce qui importe, finalement, c'est l'efficacité des mesures. On rappellera que l'objectif des mesures de contrainte consiste à améliorer l'exécution des renvois de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation irrégulière, à lutter contre la délinquance de ces personnes et à prévenir les abus dans le droit d'asile. Pour pouvoir tirer les conclusions qualitatives sur l'efficacité des instruments d'exécution mis en oeuvre, les autorités et les responsables politiques doivent pouvoir se fonder sur des données cantonales qui soient à la fois complètes et comparables. Le système de «controlling de la procédure et de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile» (CPR) géré par la Confédération et les cantons, constitue une étape importante dans la mise en place d'un système de relevé de données permettant des comparaisons fiables entre les cantons; il doit cependant être complété et perfectionné pour inclure des indications sur la pratique des cantons en matière d'exécution. Pour que la qualité des données soit garantie, l'autorité fédérale compétente doit faire office de coordonnateur et indiquer aux cantons les données qu'ils doivent relever. Ce service de coordi2527

nation serait alors amené à compiler les données cantonales et à procéder aux évaluations adéquates ou, selon les cas, à confier l'analyse des données à des services externes.

Recommandation 2 Le Conseil fédéral est chargé d'émettre des directives garantissant que les cantons relèvent des données uniformes et comparables dans le domaine de l'exécution du renvoi et du refoulement, par exemple en ce qui concerne les motifs de détention, la durée et le nombre de détentions ordonnées, et les catégories de personnes concernées.

2.1.2.3

Uniformisation de la pratique de signalement

Il ne faut pas sous-estimer l'importance du système de recherche RIPOL s'agissant des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, puisque le système doit notamment permettre de contrôler les mesures d'éloignement ainsi que les expulsions administratives et judiciaires prises à l'encontre des étrangers. Peu d'études circonstanciées ont été effectuées à ce jour sur l'efficacité du RIPOL et sur son utilisation par les cantons (enquête sur le séjour, détention, expulsion). De même, il n'y a que peu d'informations sur l'utilisation d'autres registres automatiques (p. ex.

le registre central des étrangers RCE) et sur leur importance dans l'exécution des mesures de contrainte.

Recommandation 3 Le Conseil fédéral est invité à procéder à une analyse détaillée de la pratique des cantons en matière de signalement dans les registres de recherche informatisés (RIPOL, RCE) s'agissant de la communication du lieu de séjour, de la détention et de l'expulsion de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation irrégulière. L'analyse doit aussi porter sur l'efficacité de ces systèmes s'agissant des domaines précités, compte tenu des impératifs liés à la protection des données.

Le RIPOL est un registre de recherche national. Or l'étude du CPA et les renseignements obtenus auprès des services compétents font ressortir que le système automatisé est utilisé de manière très variable selon les cantons. Ces différences sont explicables dans une certaine mesure si l'on considère que tous les cantons ne connaissent pas les mêmes conditions-cadres (ressources disponibles, pays d'origine des requérants d'asile ou des étrangers en situation irrégulière, cantons avec grands centres urbains ou non, etc.). La CdG-N est néanmoins d'avis qu'une pratique plus uniforme en matière de signalement au RIPOL s'impose pour garantir le bon fonctionnement du système. Un système informatisé national n'a finalement de sens que si la saisie et l'échange des données sont effectués de la même façon sur l'ensemble du territoire; de plus, il s'agit de prévenir toute inégalité de traitement entre requérants d'asile et entre étrangers en situation irrégulière. Il conviendrait donc que le fedpol mette au point (en collaboration avec les cantons) des critères qui seraient 2528

applicables par tous et qui indiqueraient clairement dans quelles conditions une personne doit faire l'objet d'un signalement. Il y aurait lieu en outre d'envisager la mise en place de dispositions obligeant les cantons à signaler au RIPOL toute personne répondant aux critères en question.

Recommandation 4 Le Conseil fédéral est chargé d'examiner la possibilité de prendre des mesures permettant d'uniformiser la pratique des cantons en matière de signalement dans le système informatisé RIPOL.

2.1.2.4

Harmonisation de l'application du droit

S'agissant de la confirmation de la détention et de la prolongation de la détention, on constate que les autorités judiciaires n'ont pas suffisamment uniformisé leur pratique dans l'application du droit. Cette situation n'est pas satisfaisante du point de vue de l'égalité devant la loi. Le Tribunal fédéral a bien été saisi dans de nombreux cas par des personnes détenues qui s'opposaient à la confirmation ou à la prolongation de la mesure de détention prononcée à leur encontre. Ainsi, le Tribunal fédéral a été amené à déterminer le degré à partir duquel la loi était appliquée de manière trop stricte. Mais, inversement, les autorités n'ont que très rarement recouru au Tribunal fédéral contre une décision prise par une autorité cantonale de mettre fin à une détention. Quant au DFJP, il n'a utilisé jusqu'ici que sporadiquement la possibilité de saisir le Tribunal fédéral, par un recours de droit administratif, pour attaquer les décisions prononcées par des tribunaux administratifs cantonaux en matière de mesures de contrainte. De même, le DFJP n'est pas systématiquement informé de ce type de décision cantonale quand bien même la loi sur l'organisation judiciaire dispose que les décisions susceptibles de recours de droit administratif «doivent être communiquées sans délai et sans frais aux autorités fédérales qui ont qualité pour recourir» (art. 103, let. b, OJ10).

La CdG-N est donc d'avis que les services fédéraux compétents devraient bien plus fréquemment exercer leur droit de recourir auprès du Tribunal fédéral (art. 103, let. b, OJ), un droit dont il faut rappeler qu'il est un instrument prévu par la loi sur l'organisation judiciaire pour garantir l'harmonisation du droit. Pour que ces services puissent déposer de manière plus ciblée des recours des autorités dans ce domaine, le Conseil fédéral devrait rendre les cantons attentifs à l'obligation légale qui est imposée aux tribunaux administratifs cantonaux de communiquer ces décisions.

Recommandation 5 Le Conseil fédéral est chargé d'étudier les mesures qui lui permettraient, par voie de recours des autorités auprès du Tribunal fédéral, de mieux faire usage des possibilités de renforcer l'harmonisation du droit dans le domaine des mesures de contrainte.

10

Loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, RS 173.110.

2529

2.2

Effet des mesures de contrainte

2.2.1

Constat

L'étude du CPA a démontré que le taux de renvoi de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation irrégulière était, à l'issue d'une détention en vue de l'expulsion, de 84 % au total dans les cinq cantons, ce taux étant plus élevé dans le secteur de la LSEE (94 %) que dans celui de l'asile (62 %). Cette situation s'explique comme suit: les personnes en situation irrégulière sont généralement en possession de documents de voyage, sont originaires de pays avec lesquels la Suisse n'a guère de problèmes quand elle y renvoie leurs ressortissants et n'ont souvent aucun intérêt à se trouver en prison car elles désirent se mettre dès que possible à la recherche d'une activité lucrative. Par contre, le renvoi de requérants d'asile déboutés après une détention en vue de leur expulsion est plus difficile parce que très souvent ces personnes ne possèdent aucun document officiel, font obstacle à l'établissement de leur identité et à l'obtention des pièces concernées ou proviennent de pays qui peinent à réadmettre leurs ressortissants.

Une analyse de la relation entre durée de la détention et suite donnée à la mesure montre que dans les deux domaines ­ LSEE et asile ­ les plus forts taux de renvois concernent les personnes ayant été détenues pendant une période relativement brève.

Au fur et à mesure que la durée de détention augmente, les chances de renvois diminuent nettement. L'étude montre que, dans la plupart des cas, c'est au cours des trois premiers mois qu'un détenu se décidera à coopérer pour l'établissement de son identité, l'obtention de ses papiers et l'organisation de son voyage de retour. Il reste que pour un petit nombre d'étrangers ­ toutefois en augmentation ces dernières années ­ refusant de coopérer sur les trois points précités, certains cantons demandent que la durée maximale de la détention en vue de l'expulsion puisse se prolonger ­ au delà des neuf mois que prévoit actuellement la loi. Ils espèrent que cette prolongation aura un effet psychologique dissuasif et que les détenus seront davantage disposés, dès le début de leur détention, à coopérer.

Une comparaison entre le canton de ZH, qui recourt intensivement à la détention en vue de l'expulsion, et le canton de GE, qui n'ordonne pratiquement aucune détention de ce type, montre que la proportion des personnes du domaine de
l'asile renvoyées sous contrôle est pratiquement identique (GE: 11 % et ZH: 13 %). Or, parmi ces personnes renvoyées, GE n'en a placé que 7 % en détention en vue de l'expulsion, et ZH 95 %. Ces chiffres ne concernent que le domaine de l'asile et ne portent que sur la période de 2001 à 2003. Le résultat montre ainsi qu'un bon résultat peut être obtenu même si les mesures se limitent au conseil en vue de retour et à un accompagnement sous escorte policière du lieu de domicile à l'aéroport le jour du départ. Il faut noter par contre que les données ne permettent pas de savoir comment interpréter l'accumulation d'un volume élevé de dossiers en suspens dans le canton de GE à la fin de la période sous revue (par rapport au chiffre qui devrait résulter de la clé de répartition des requérants d'asile entre cantons, le nombre des cas en suspens est à GE plus élevé de 57 %). Le canton de GE présentait déjà avant la période couverte par l'étude, donc à la fin 2000, un excédent de dossiers en suspens de 53 %. Les autorités genevoises ont fait valoir que, jusqu'à récemment, leur canton avait reçu un nombre disproportionné de dossiers de requérants d'asile venus d'Afrique qui, très souvent, sont difficiles à expulser. Selon une statistique du CPR (Controlling de la procédure et de l'exécution des renvois dans le domaine de l'asile), que l'Office 2530

fédéral des réfugiés (ODR) a dressée avec les cantons pour une période se terminant également fin 2003, le nombre des dossiers en suspens dans le canton de GE est encore plus élevé si on le compare à la moyenne des autres cantons.11 Or, selon cette statistique, plus de la moitié des dossiers en suspens à GE concernent des personnes provenant de pays dans lesquels les renvois ne posent pas de problème.

Un résultat essentiel de l'étude fait ressortir que l'efficacité de la détention en vue de l'expulsion est largement tributaire du contexte. Une série de conditions externes doivent être remplies pour que la mesure soit suivie d'effets: p. ex. l'existence d'accords de réadmission qui fonctionnent, la volonté des Etats de réadmettre leurs ressortissants même s'ils ont été renvoyés de force, la possibilité d'établir l'identité et d'obtenir les documents ainsi que des systèmes d'incitation qui encouragent les personnes à retourner dans leur pays d'origine.

2.2.2

Evaluation et conclusions

L'enquête du CPA a montré l'extrême complexité des facteurs qui interviennent dans l'exécution du renvoi de requérants d'asile déboutés et d'étrangers en situation illégale; tous ces paramètres doivent faire l'objet d'investigations plus poussées afin que, d'une part, les instruments d'exécution actuellement disponibles soient adaptés aux différentes catégories de personnes concernées ainsi qu'à leur situation particulière et que, d'autre part, lesdits instruments soient utilisés de la manière la plus efficace possible. Les mesures de contrainte ne sont à cet égard qu'un élément parmi d'autres qui, lorsqu'il est utilisé de manière ciblée, a fait la preuve de son efficacité.

L'enquête du CPA ne fournit pas de réponse définitive à la question de savoir si, pour les personnes frappées d'une décision de renvoi et qui y font obstinément obstruction, la prolongation de la détention en vue du refoulement constitue un moyen propre à produire l'effet incitatif voulu. L'étude n'a par exemple pas analysé quels sont les effets des divers éléments de la détention ­ la durée possible de la détention, la pratique plus ou moins sévère dans le réexamen de la détention ou de sa prolongation ­ sur la motivation de l'étranger à coopérer et à quitter le pays. La plupart des personnes entendues attribuent le résultat de l'étude selon lequel les chances d'un renvoi diminuent à mesure que la détention se prolonge au fait que seules sont maintenues en détention prolongée les personnes qui s'opposent le plus farouchement à leur renvoi. Ainsi, elles n'attendent pas d'une prorogation de la durée maximale de neuf mois que les statistiques remontent à mesure que la détention se prolonge, mais estiment que les chiffres seront plus élevés dès le début de la détention, les étrangers ayant reçu l'ordre de quitter le territoire étant plus nombreux à s'y résoudre d'emblée.

La réponse dépend finalement du législateur appelé à prendre une décision politique dans le cadre de la révision de la loi sur l'asile actuellement en cours. Dans ce débat, il convient de garder à l'esprit que la détention en vue du refoulement a pour but de garantir l'exécution du renvoi et qu'elle ne constitue pas une détention pour insou11

Les écarts entre la liste des cas en suspens établie par l'ODR conformément au CPR et les données de l'étude du CPA sont dus au fait que les dossiers en suspens sont comptabilisés selon des critères différents. Le CPR ne prend en considération que les personnes pour lesquelles la procédure d'obtention des documents n'a pas eu lieu ou n'est plus en cours et qui pourraient faire l'objet d'une exécution de renvoi par le canton en question.

2531

mission. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a rappelé, en substance, que la raison d'être de la détention prévue par l'art. 13b LSEE est de garantir le renvoi par la contrainte. Il ne s'agit pas, a priori d'obtenir de l'étranger, en lui infligeant une détention pour insoumission, qu'il quitte le pays de son propre gré, même si cette détention comporte un effet incitatif, secondaire mais bienvenu (ATF 130 II 56, p. 63). Or, l'étude du CPA et l'analyse des déclarations des personnes entendues par la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N ont démontré que si les autorités demandent une prolongation de la détention, c'est bien dans le but d'amener l'étranger à coopérer, et non parce que la durée maximale actuelle de neuf mois serait insuffisante pour permettre l'identification de la personne ou l'obtention des documents, donc pour garantir le renvoi. La question se pose donc de savoir si la prolongation de la détention en vue de l'expulsion ne se transforme pas alors en détention pour insoumission, ce qui contreviendrait à l'objectif de la loi. Dans ce cas, on peut se demander si ­ pour atteindre le but formulé par certains cantons ­il ne vaudrait pas mieux modifier la loi afin d'y faire figurer expressément la notion de détention pour insoumission, comme l'a d'ailleurs proposé le Conseil des Etats. La CdG-N considère qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question ­ politique ­ de savoir si une mesure de contrainte est nécessaire pour s'assurer la coopération de l'intéressé en vue de son départ de Suisse. Elle estime cependant qu'il est important qu'il y ait une adéquation entre, d'une part, le but de la détention tel qu'il figure dans la loi, et d'autre part, la pratique en matière d'exécution ­ ne serait-ce que pour tenir compte des garde-fous prévus par la CEDH12.

Recommandation 6 La CdG-N recommande aux CIP-N/E de réexaminer les différentes formes de détention (la détention en vue de l'expulsion, la détention pour insoumission) à la lumière de la finalité qu'elles visent et de leur compatibilité avec la CEDH.

Au cas où elles entendraient instaurer une détention spécialement pour obtenir la coopération d'une personne en vue de son départ du territoire il conviendrait, selon la CdG-N, d'inscrire la forme de détention appropriée dans la loi.

L'étude du CPA et les auditions
organisées par la sous-commission n'ont pas permis de faire toute la lumière sur les causes du surnombre de dossiers en suspens dans le canton de GE et sur le rapport avec les mesures de renvoi appliquées. La CdG-N estime néanmoins que le nombre parfois très élevé de dossiers en suspens constitue un problème dans certains cantons et que ce problème doit être analysé avec les cantons. En vertu du principe de l'égalité, il n'est pas satisfaisant que de longues procédures d'exécution aboutissent dans certains cas à un maintien des personnes en Suisse tandis que d'autres personnes, présentant un dossier similaire dans d'autres cantons, reçoivent l'ordre de quitter le pays.

12

Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, RS 0.101; sont importants dans le présent contexte l'art. 5, § 1, let. b (pour la détention pour insoumission) et l'art. 5, § 1, let. f (pour la détention en vue de l'expulsion).

2532

Recommandation 7 Le Conseil fédéral est chargé de se pencher sur le problème du volume des dossiers en suspens et des causes de ce surnombre, et d'examiner les mesures qui permettraient de le résoudre.

Pour renforcer l'efficacité de la détention en vue de l'expulsion, des efforts plus importants doivent être déployés dans la conclusion d'accords de réadmission avec d'autres Etats ou dans la mise en oeuvre d'accords existants. Il convient en outre d'examiner de nouvelles possibilités d'aide au retour et des mesures d'incitation adéquates pour que les requérants d'asile déboutés et les étrangers en situation irrégulière repartent vers leur pays d'origine.

Recommandation 8 Le Conseil fédéral est invité à multiplier les efforts pour conclure de nouveaux accords de réadmission ou mettre en oeuvre les accords déjà existants, et pour créer des incitations propres à faciliter le retour des requérants d'asile déboutés et des étrangers en situation irrégulière.

2.3

Coût de la détention en vue de l'expulsion

2.3.1

Constat

Le coût engendré par la détention en vue de l'expulsion est relativement difficile à mesurer: il dépend en premier lieu de la pratique du canton ainsi que du coût par jour de détention qui varie entre 160 et 300 francs. Au cours des trois années sur lesquelles l'étude a porté, les frais incombant aux cantons pour la seule détention (tant pour les cas relevant de la LSEE que de l'asile) ont donc oscillé entre 150 000 francs et 20 millions de francs. Pour les détentions allant jusqu'à trois mois, et pour quatre des cinq cantons, les coûts de détention imputables aux personnes ayant pu être renvoyées à l'issue de la détention sont plus élevés que ceux qui sont imputables aux personnes dont la détention a été levée mais qui sont restées en Suisse. Pour les détentions de durée plus longue, donc jusqu'à six mois et au-delà, ce sont les coûts de détention imputables aux personnes n'ayant pas pu être renvoyées qui prédominent. S'agissant des détentions de longue durée, on constate en outre que le nombre de renvois effectifs est relativement bas, pour des coûts élevés. L'étude du CPA a montré que, dans quatre des cinq cantons, ce sont les frais de détention imputables aux personnes qui n'ont pu être renvoyées à l'issue de la détention qui sont proportionnellement les plus élevés. Il faut cependant considérer ces chiffres avec prudence car ils ne se fondent pas dans tous les cantons sur une comptabilité intégrant tous les coûts concernés: il faut en effet tenir compte des dépenses supplémentaires imposées aux offices cantonaux compétents qui fournissent du personnel pour appliquer les mesures de contrainte, et des frais qui en résultent pour la police et les tribunaux. Quant à la Confédération, elle doit prendre en charge des frais liés aux détentions en vue du refoulement du fait qu'elle dédommage les cantons pour chaque jour de détention d'un requérant d'asile (contrairement aux frais liés à la LSEE, 2533

assumés entièrement par les cantons) et qu'elle couvre les dépenses de santé des requérants d'asile détenus.

Bien que les cantons estiment que la détention en vue de l'expulsion revient relativement cher et engendre un surcroît de travail, ils sont généralement d'avis que ce coût se justifie par rapport à l'utilité de la mesure. L'ODM souligne que si les mesures n'existaient pas, les personnes restant en Suisse seraient encore plus nombreuses, ce qui engendrerait, là aussi, des frais élevés puisque ces personnes ne pourraient pas être expulsées. Il rappelle notamment que l'analyse des coûts de la détention n'a pas pris en compte le fait que les cas qui ne sont pas réglés dans le cadre de l'exécution des renvois occasionnent en fait des frais subséquents au niveau de l'aide sociale. Le calcul devrait également englober le travail de la police, les tâches liées aux enquêtes et à l'encadrement ainsi que les conseils en en vue de retour. Pour leur part, les représentants des milieux non gouvernementaux estiment la mesure trop coûteuse et affirment que les moyens consacrés à la détention pourraient être investis plus efficacement dans le conseil en vue de retour.

2.3.2

Evaluation et conclusions

Toute mesure relevant de l'état de droit implique, pour son application, un certain effort financier. C'est pourquoi la question coût-avantage en tant que telle n'est pas au centre du débat politique. Mais le facteur coût ne doit pas être négligé pour autant dans la mesure où les cantons doivent veiller à l'efficacité de leurs dépenses. Si ­ par rapport aux instruments mis en oeuvre jusqu'ici ­ d'autres instruments tout aussi efficaces mais moins onéreux devaient exister, les cantons devraient adapter en conséquence les mesures qu'ils prennent. L'étude du CPA ne prend en considération que le coût de la détention en vue de l'expulsion; or, ces éléments ne permettent pas une comparaison sans réserves car ils ont été parfois recensés de manière différente selon les cantons. Il faut ajouter que même les cantons qui recourent assez peu à la détention en vue de l'expulsion ont des frais subséquents à assumer. Il est donc souhaitable qu'une plus grande transparence existe au niveau des frais induits par l'ensemble des mesures liées à l'exécution des renvois et que les cantons s'emploient à consentir les efforts requis. La CdG-N est consciente de l'impossibilité de chiffrer et donc de recenser tous les coûts liés à l'exécution (p. ex. il est difficile de connaître les coûts engendrés par le maintien dans le système social de personnes dont le renvoi est encore en suspens). Il n'en reste pas moins que les cantons ­ en collaboration entre eux et avec la Confédération qui assurerait la coordination ­ devraient mettre en place (dans la mesure où cela n'engendre pas des frais excessifs) un calcul des coûts qui soit harmonisé et qui prenne en compte autant que possible toutes les dépenses, ce qui permettra des évaluations comparatives.

Recommandation 9 Le Conseil fédéral intervient auprès des cantons pour qu'ils examinent en continu les dépenses liées à l'exécution des renvois et des rapatriements, et qu'ils se dotent d'un système comptable global et harmonisé de manière à permettre des comparaisont prenant en compte les frais de conseil et de soutien au retour.

2534

2.4

La délinquance parmi les requérants d'asile

2.4.1

Constat

L'étude sur la délinquance parmi les requérants d'asile (par le professeur M. Killias) a montré qu'environ un tiers de ceux-ci figuraient sur les registres de la police13 dans les cantons de ZH et de GE entre 2001 et 2002 (n'y sont toutefois pas enregistrées les infractions à la loi sur les étrangers et la fraude dans les transports publics).

12 % environ des mentions concernent des délits liés aux stupéfiants (surtout le trafic de drogue); pour 85 % des requérants d'asile mentionnés, l'inscription a eu lieu au cours des douze premiers mois. A titre de comparaison, on signalera que, dans la population résidente suisse, on trouve environ 12 % d'hommes entre 20 et 30 ans dans les registres de la police, dont 1 % pour des délits liés aux stupéfiants.

L'étude a par ailleurs montré que, d'une manière générale, les mesures de contrainte ont un effet positif sur la délinquance des requérants d'asile. C'est surtout en matière de délits liés aux stupéfiants qu'on a pu constaté un net recul aussi bien du nombre de personnes enregistrées que de la fréquence des délits commis. L'effet est en revanche minime s'agissant des infractions contre le patrimoine. Les périmètres d'assignation et d'exclusion se sont révélés à cet égard plus efficaces dans la diminution de la délinquance que la détention en vue de l'expulsion. L'étude est parvenue à la conclusion suivante: «Etant donné que les mesures d'assignation ou d'exclusion sont moins coûteuses et moins radicales que les mesures privatives de liberté, il conviendrait de se demander si elles ne constitueraient pas une intéressante solution de rechange à la détention (notamment au début de la procédure d'asile)».

2.4.2

Evaluation et conclusions

Par rapport à la population résidente suisse, le taux de délinquance est assez élevé parmi les requérants d'asile, surtout pendant les douze premiers mois de leur séjour en Suisse; cette constatation laisse supposer qu'il existe des personnes qui demandent asile uniquement pour obtenir la possibilité de séjourner en Suisse pendant la procédure de demande et, profitant ainsi du statut de requérant d'asile, pour se livrer à des actes de délinquance («délinquance mobile»). Cette situation a pour effet, d'une part, de nuire à la réputation des requérants d'asile qui souffrent d'être d'emblée considérés comme des trafiquants de drogue, et, d'autre part, de poser de gros problèmes aux autorités de police, surtout dans certains quartiers où ces infractions sont le plus souvent commises.

De l'avis de la CdG-N, des moyens doivent être trouvés pour que le statut de requérant d'asile soit moins attrayant pour ceux qui l'utilisent uniquement comme prétexte pour séjourner sur le territoire suisse, sans pour autant léser les requérants d'asile qui sont en quête de protection et qui font preuve de dispositions d'esprit positives. Il faudrait examiner de plus près la possibilité d'instituer un périmètre d'assignation ou d'exclusion limité (interdiction de pénétrer dans certains secteurs urbains, de sortir du centre d'hébergement ou obligation d'y rester), et d'obliger davantage les requérants d'asile à participer à des programmes d'occupation ou à 13

Les personnes prises en compte dans l'étude font l'objet de la mention «accusé» ou «déféré» dans les registres de la police. Dans ces cas il est fort probable qu'un délit a été commis.

2535

d'autres activités pendant les 3 à 6 premiers mois de la procédure d'asile. Ces mesures pourraient dissuader les délinquants mobiles sans constituer des obstacles insurmontables pour ceux qui recherchent véritablement aide et protection en Suisse. Il s'agit toutefois en priorité de veiller à ce que la procédure d'asile soit rapide, et à éviter toute mesure d'intégration avant que la décision en matière d'asile n'ait été prise définitivement.

Recommandation 10 1.

Dans le cadre de la révision en cours de la législation sur les étrangers et sur l'asile, les CIP-N/E sont priées d'examiner la possibilité de mettre en place des périmètres d'assignation et d'exclusion limités qui soient applicables aux requérants d'asile pendant les premiers 3 à 6 mois de la procédure d'asile.

2.

Si, faute de temps, les dispositions concernées ne peuvent être prises dans le cadre de la révision en cours, le Conseil fédéral est prié d'examiner la possibilité de les arrêter dans le cadre d'une révision ultérieure de la loi.

3.

Le Conseil fédéral est prié d'examiner, dans le cadre de ses compétences, d'autres mesures susceptibles d'enrayer la «délinquance mobile» à laquelle peuvent se livrer les requérants d'asile.

Recommandation 11 Le Conseil fédéral est chargé d'examiner la possibilité de renforcer les incitations pour les requérants d'asile à participer à des programmes d'occupation ou à d'autres activités pendant les 3 à 6 premiers mois de la procédure d'asile.

2.5

Collaboration entre la Confédération et les cantons

2.5.1

Constat

Autorités cantonales et autorités fédérales collaborent en matière d'exécution des renvois. Ainsi, l'ODM participe aux frais de détention des personnes dans ce cadre de l'asile et fournit une assistance en matière d'exécution. L'office se procure les papiers d'identité pour les étrangers détenus en vue de leur expulsion et fournit les billets d'avion.

Au cours des auditions effectuées dans le cadre de l'étude, la majorité des autorités cantonales se sont dites satisfaites de la collaboration avec l'ODM. Elles apprécieraient cependant une plus grande rapidité des procédures administratives.

Au niveau fédéral, la collaboration avec les cantons est perçue de manière plus critique. Ainsi, les informations fournies par les cantons à l'ODM seraient insuffisantes. C'est ainsi que l'ODM n'est informé que tardivement, voire jamais, de la levée de la détention de personnes tenues de quitter le pays. Dans ces conditions, les autorités fédérales ne peuvent que difficilement exercer un contrôle pour savoir 2536

quelles sont les personnes détenues et quelles sont les personnes ayant bénéficié d'une levée de la détention. Ainsi, les pièces officielles obtenues au terme de la procédure peuvent finalement se révéler inutiles parce que les personnes en question ont déjà été libérées de la détention à l'insu de l'ODM et qu'elles sont passées dans la clandestinité. Le même problème se pose aussi pour les vols organisés par la section Aide à l'exécution dans la mesure où il est difficile de réserver ou d'annuler à court terme un vol affrété spécialement.

2.5.2

Evaluation et conclusions

L'efficacité d'une politique de renvoi passe notamment par une politique de communication et d'information transparente entre les autorités cantonales et fédérales.

Elle seule peut prévenir des doublons ou des procédures inutiles préjudiciables en termes d'efficacité. Il est par exemple indispensable que les cantons maintiennent en détention les personnes tenues de quitter la Suisse, ou, à tout le moins, annoncent la libération de ces personnes à l'ODM suffisamment tôt, donc pendant la période où l'autorité fédérale est encore en train de chercher à obtenir des papiers pour les personnes concernées. Il importe donc d'optimiser la communication entre les cantons et l'ODM: ce dernier doit notamment être informé régulièrement et dans les délais voulus par les cantons de toutes les mises en détention et de toutes les décisions de levée de la détention. Ces informations permettraient à l'ODM d'exercer un contrôle minimal et de coordonner l'aide à l'exécution de manière adéquate.

Recommandation 12 La CdG-N invite le Conseil fédéral et les cantons à faire en sorte qu'ils s'échangent en temps utile et de manière complète leurs informations sur les personnes détenues.

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Suite de la procédure

La CdG-N prie le Conseil fédéral de prendre position sur les constatations et recommandations présentées dans le présent rapport d'ici fin février 2006, et de l'informer des mesures qu'il aura prises.

24 août 2005

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: Le président, Hugo Fasel Le secrétaire, Philippe Schwab La présidente de la sous-commission DFJP/ChF, Lucrezia Meier-Schatz, conseillère nationale La secrétaire de la sous-commission, Irene Moser

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Annexe 1

Personnes entendues ou interrogées ­

Arn Urs, Domaine de direction Entrée, séjour et retour, Office fédéral des migrations

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Baumann Adrian, chef de l'Office des migrations du canton de Zurich

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Caduff Pius, chef du Domaine de direction Procédure d'asile, Office fédéral des migrations

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Dieffenbacher Albrecht, Etat-major, chef de la section Affaires juridiques, Office fédéral des migrations

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Ducrest Bernard, chef du Service de l'asile, Service cantonale de la population, Genève

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Feldmann Christoph, Domaine de direction Entrée, séjour et retour, Office fédéral des migrations

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Guidon Daniel, inspecteur chef de la brigade des enquêtes administratives de la Police judiciaire, Genève

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Kempf Rolf, Section asile et mesures, «Team ANAG» (unité LSEE), Office des migrations du canton de Zurich

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Killias Martin, professeur à l'Institut de criminologie et de droit pénal (ICDP) de l'Université de Lausanne

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Olschewski Dirk, Etat-major, collaborateur juridique au sein de la section Affaires juridiques, Office fédéral des migrations

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Zanga Bruno, chef de l'Office des étrangers du canton de St-Gall

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